UNANIMITE SUR L'APPLICATION IMMEDIATE DE LA MESURE
BAISSE DES PRIX DU LOYER

« J’ai instruit le gouvernement afin qu’il prenne les mesures réglementaires immédiates pour la baisse effective des coûts du loyer ». Depuis cette annonce du président de la République faite à l’occasion du nouvel an, les populations sénégalaises, les locataires principalement, interrogées par les médias demandent l’application effective des mesures sur la baisse des prix du loyer. Mieux, des courtiers, des agents immobiliers et même des propriétaires de maison adhérent à cette décision du gouvernement. Le Soleil leur donne la parole et propose à ses lecteurs un grand zoom sur le sujet.
Agents immobiliers et courtiers satisfaits de la décision
La baisse des coûts du loyer de 4 à 29% proposée par la Commission dirigée par le Pr Iba Der Thiam emporte l’adhésion des agents immobiliers et courtiers. Pour cause, cela leur permettrait de redynamiser leurs activités plombées par la cherté des prix en cours.
Hlm Grand Yoff. Cette localité et les quartiers qui l’environnent restent sans doute l’un des endroits de la capitale où l’on retrouve le plus grand nombre de bureaux d’agences immobilières, de courtiers et autres démarcheurs au Km 2. Une bonne dizaine d’agences immobilières y sont installées sans compter ces nombreux démarcheurs à la recherche de bonnes affaires qui y fourmillent.
Appartements, chambres, studios, terrains, maisons, champs, il suffit de jeter un coup d’œil sur les petits tableaux accrochés au coin des rues les plus passantes pour trouver le type de logement qu’on cherche. Ici, le courtage fait vivre son homme. C’est donc naturellement que la proposition faite par la Commission dirigée par le Pr Iba Der Thiam sur la baisse des prix du loyer de l’ordre de 4 à 29% est suivie avec une attention toute particulière.
Et l’on paraît même très pressé que cette mesure entre en vigueur. Et pour cause. « Cette baisse, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, nous l’avons toujours souhaitée. Nous espérons simplement que les autorités iront jusqu’au bout de leur logique », insiste Moussa Ngom, un démarcheur bien connu dans le coin. L’entré en vigueur de cette mesure de baisse ne risque-t-il. pas de réduire comme peau de chagrin ses gains ? « Pas du tout », lâche-t-il d’un ton sec. Et cet homme bien charpenté et à la voix rocailleuse de se lancer dans des explications aux relents bien mercantilistes : « Vous savez, la cherté des prix des loyers plombe plus nos activités qu’elle ne nous serve. La flambée des prix du loyer fait que les gens ne déménagent pas souvent. Et cela, ce n’est pas bon pour nos affaires. Parfois, il nous arrive de disposer des appartements qui restent fermés plus d’un an parce que le prix de leur location dissuade bien des gens ». C’est donc de tous ses vœux que ce démarcheur, exerçant ce métier depuis 1989, souhaite que les autorités mettent en application cette mesure.
Nécessaire assainissement du milieu du courtage
Chérif Diallo, courtier, ne demande ni plus ni moins qu’un assainissement du milieu. Pour lui, l’Etat doit aller au bout de sa logique en exigeant qu’une copie des contrats de location parviennent aux Impôts et Domaines afin qu’il puisse y avoir un contrôle plus strict. « Mais pour ce faire, le préalable est qu’il doit être fait obligation à tous les propriétaires de confier leurs maisons aux agences immobilières reconnues par l’Etat », dit-il. Comme Moussa Ngom, Chérif est d’avis que cela ne compromettrait pas le travail des démarcheurs. « Nous travaillons déjà en parfaite intelligence avec les agences. Parfois nous dénichons des clients pour elles, donc il n’y a pas de raison que cette collaboration ne se poursuive pas », estime Chérif.
Souvent accusées d’être à la base de l’inflation des coûts du loyer, les agences immobilières s’en défendent. « On nous fait un mauvais procès et c’est vraiment méconnaître le travail des agences immobilières. Il faut savoir que c’est le propriétaire qui fixe ses prix. Et le contrat de gérance signé avec lui ne nous permet pas de majorer ces prix à notre profit. Il nous arrive même de demander au propriétaire de revoir ses prétentions à la baisse», réplique Fily Wagué, gérant de l’agence « Dynamique Immo Wagué et Cie ». A l’en croire, si la baisse des prix des loyers va sans doute grignoter sur leurs chiffres d’affaires, il n’en demeure pas moins que cette mesure a un côté positif et non des moindres. « Elle devrait nous faciliter le recouvrement du loyer. Car plus la location est chère, plus le recouvrement devient difficile », explique-t-il. Par ailleurs, il pense que cette mesure est bien applicable. Mais à condition que l’Etat joue, par exemple, sur la baisse des prix des matériaux de construction comme le ciment et le fer.
Comme en écho, Ibrahima Dièye de l’agence immobilière « Socobat Immo » tient le même discours et avance des chiffres qui permettent de mesurer le manque à gagner que cause le non recouvrement du loyer du fait de sa cherté. « A ce jour, les arriérés de loyers cumulés de mes clients tournent autour de 13 millions FCfa. Et puisque la procédure de recouvrement de ces dettes est très longue, nous sommes obligés parfois de laisser tomber. Dans les tribunaux, les cas d’assignation pour faute de paiement de loyers sont légion », indique-t-il. Ce dernier souligne qu’une baisse des prix du loyer aura une répercussion plus positive que négative sur leurs affaires.
PIKINE ET GUEDIAWAYE : Le loyer, un lourd « fardeau », selon les locataires
Les locataires rencontrés dans les départements de Pikine et de Guédiawaye affichent une satisfaction totale concernant la baisse annoncée des prix du loyer. Cependant, beaucoup d’entre eux ont exprimé des appréhensions quant à la possibilité d’une effectivité de cette mesure.
Au premier étage d’un immeuble sis à Pikine Icotaf, le courtier Baye Fall est venu pour vérifier si la seule chambre inoccupée qui restait dans cette maison, il y a une semaine, l’est encore. Interpelé sur la baisse annoncée des prix du loyer, il fait part de sa satisfaction. « Contrairement à ce que beaucoup pensent, aucun courtier ne désapprouve cette bonne nouvelle dans la mesure où tout courtier y trouve son compte au même titre que le locataire », soutient M. Fall.
« Si les prix baissent de manière considérable, les clients vont davantage se ruer vers nous à la recherche de chambres ou d’appartements à louer et c’est cela qui fait notre affaire », ajoute-t-il. Deux femmes qui se tenaient devant la porte de l’une des chambres de ce premier étage suivent avec attention la causerie. L’une d’elles, Mbayang Ngom, intervient : « Si cette mesure devient effective, cela va arranger l’ensemble des locataires ». Elle enchaîne : « aujourd’hui, le loyer constitue un casse-tête pour les locataires, surtout pour les responsables de famille qui, pour la plupart, n’arrivent même pas à assurer convenablement la nourriture quotidienne de leurs progénitures ».
Sur ces entrefaits, un vieux d’une soixantaine d’années sort de la chambre devant laquelle se tiennent ses deux femmes. Après les salamalecs, Alioune Badara Sèye s’invite à la conversation. Sur un ton quasi pathétique, il affirme : « Si tout ce que j’ai payé comme loyer depuis 1963 jusqu’à ce jour m’était remboursé, je pourrais devenir propriétaire immobilier tout de suite». Tout en jurant sur le nom de son marabout, le vieux martèle que le loyer est un fardeau sous le poids duquel ploient de nombreux responsables de famille. « C’est pourquoi le président est bien inspiré en pensant à faire baisser les prix du loyer », conclut-il.
Dispositif de repression contre les récalcitrants
Rencontré à Guédiawaye dans un Grand-Place situé à proximité de l’esplanade de la mairie de ville, Serigne Sidy Diop s’est montré très enthousiaste. Cependant, il reste sceptique quant à la possibilité de son application. « A vrai dire, cette mesure est salutaire, mais je me demande s’il sera possible de faire en sorte qu’aucun propriétaire de maison de location ne puisse se soustraire à la règle », s’inquiète-t-il. «Moi aussi, j’en doute », intervient Pape Samba, debout à côté de Serigne Sidy Diop.
Pape Samba qui occupe un appartement à Sam Notaire estime que c’est un acte fort que le chef de l’Etat posera s’il réussit à concrétiser cette promesse. « C’est un énorme service que le chef de l’Etat va rendre aux locataires une fois qu’il parvient à réduire les prix du loyer », affirme-t-il. Propriétaire d’une maison sise à Pikine Icotaf et qu’il a placée en location, Mademba Mbaye reconnaît que cette décision du chef de l’Etat est empreinte de magnanimité. Cependant, il croît savoir qu’il faut impérativement que les autorités mettent en place un dispositif de répression à l’encontre des récalcitrants. Pour lui, certains propriétaires de maisons à louer peuvent être tentés de déroger à la règle pour la simple raison qu’ils ne pourront pas résister aux propositions des locataires les plus nantis.
« En tant que propriétaire immobilier, plus les prix grimpent, mieux mes affaires se portent », affirme-t-il. Il ajoute : « Néanmoins, je suis d’accord avec la baisse car la vie est dure, surtout pour les responsables de familles obligés de s’acquitter mensuellement du loyer ».
Keur Massar pour une application rapide des propositions
Appliquer rapidement les propositions de la commission chargée de réfléchir sur la baisse du coût du loyer, avant la fin du premier trimestre 2014 ; c’est ce que souhaitent des locataires rencontrés dans la zone de Keur Massar.
Rond-point Keur Massar, il est 10 heures. Il fait beau temps dans cette partie de la banlieue dakaroise. Non loin, se trouve un Grand-Place. Les commentaires vont bon train. Ils ont trait au Magal de Touba qui vient de s’achever, le prochain Gamou de Tivaouane, les fêtes de Noël et la Saint Sylvestre. Le vieux Amadou Ndiaye, la cinquantaine entamée, feuillette les pages du journal. A la une du quotidien national, il y a une information qui intéresse beaucoup ce «gorgorlou» (débrouillard). Il s’agit des propositions portant sur une baisse des coûts des loyers allant de 29%, 14% à 4%. «Si le gouvernement applique ces réductions proposées par la Commission de réflexion, ce sera une bonne chose. Les Sénégalais sont fatigués par la cherté du loyer qui grève nos budgets. Ce que vivent les locataires est inacceptable. Chaque mois, je paie 80.000 FCfa pour un appartement de 2 pièces», affirme M. Ndiaye.
Banlieusards pas mieux lotis
Mansour Diagne salue lui aussi la proposition de la Commission qui a travaillé sur la baisse des prix des loyers. Employé dans une entreprise de Btp, M. Diagne, polygame et père de 10 enfants, dit avoir des soucis à la fin de chaque mois pour payer ses locations. « J’ai pris un logement à Keur Massar pour chacune de mes 2 épouses. En tout, je paie chaque mois 150.000 FCfa. Ce qui est cher», déplore-t-il. Rencontré près du marché, Amina Sarr, agent de la Fonction publique, déplore à son tour le coût élevé du loyer en banlieue. «Les gens pensent que la location n’est pas élevée en banlieue. Ce qui est faux. J’ai pris un appartement de 2 chambres plus un salon à 75.000 FCfa à Keur Massar. Ce qui est cher pour quelqu’un qui se débrouille », rouspète-t-elle. Très loquace, Mme Sarr ajoute : « Depuis que mon mari a pris une deuxième épouse, il m’a laissé toutes les charges. Je parviens difficilement à joindre les deux bouts à la fin du mois». Jeune coiffeur à la Cité Camille Basse, Mohamed abonde dans le même sens. « Contrairement à ce que pensent certains, en banlieue la location n’est pas à la portée de toutes les bourses. En plus, le coût du transport constitue un autre casse-tête », dit-il. Selon beaucoup de personnes, la location est rendue plus chère avec l’intrusion des courtiers. Ils demandent à l’Etat d’agir vite pour que la baisse soit effective avant la fin du premier trimestre 2014. «Nous demandons au gouvernement de faire vite pour que ces propositions soient appliquées avant la fin du premier trimestre 2014. Macky Sall doit penser aux familles démunies qui sont tenaillées par la cherté de la vie», ajoute Mme Sarr. Si ces propositions sont appliquées, dit Mohamed, on peut faire des économies et acheter un terrain. « Le gouvernement doit appliquer la baisse des prix des loyers très vite. Nous ne voulons pas des paroles, mais des actes », conclut Mansour Diagne.
MARCHE DE L’IMMOBILIER A DAKAR : Les honoraires des intervenants évalués entre 30 et 50 % du loyer
Pour mieux comprendre le fonctionnement du marché immobilier à Dakar, la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee) a commandité une étude en octobre 2007. Entre autres conclusions, il en ressort que les prélèvements fiscaux et les honoraires des différents intervenants dans le secteur de l’immobilier sont estimés entre 30 et 50% du prix du logement.
Selon une étude de la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee) datant d’octobre 2007, les prélèvements fiscaux et les honoraires des différents intervenants dans le secteur de l’immobilier sont estimés entre 30 et 50% du prix du logement. Cette étude, intitulée « Analyse du fonctionnement du marché de l’immobilier à Dakar : une approche empirique et qualitative », indique un déphasage entre la réglementation en vigueur et les réalités du marché de l’immobilier. Elle montre qu’il n’existe pas un marché immobilier, mais au moins trois marchés immobiliers : foncier non bâti, foncier bâti et location. Le document a identifié deux principaux mécanismes pouvant contribuer à la formation d’une bulle sur le marché de l’immobilier à Dakar : il s’agit du système de fixation des prix des biens immobiliers et du mode de rémunération de certains acteurs du marché de l’immobilier.
Par ailleurs, il existe effectivement des mécanismes sur le marché de l’immobilier qui sont potentiellement générateurs de spéculation. Il s’agit du système de fixation des prix sur les marché du foncier non bâti et du foncier bâti, et du système de rémunération de l’intermédiation immobilière sur le marché de la location. Elle indique également que la règlementation du marché de l’immobilier reste figée face à des sous-marchés très dynamiques. Il s’y ajoute qu’il n’existe véritablement pas de politique nationale d’accès au logement au Sénégal. L’Etat ne joue plus son rôle de régulateur du marché de l’immobilier, notamment sur le marché de la location. Selon les auteurs de l’étude, les droits et les taxes sur les transactions immobilières, à savoir l’enregistrement, la mutation, la Tva, les droits de douane, constituent les principales composantes de la structure du prix du logement. A les en croire, l’absence d’un système d’informations statistiques et d’un cadre formel de concertation entre tous les acteurs du marché limitent considérablement le fonctionnement du marché de l’immobilier.
Les auteurs pour une réglementation du secteur
Les auteurs du document recommandent la réorganisation et la mise en œuvre d’une règlementation effective du marché de l’immobilier, la définition d’une politique nationale de l’habitat social et sa mise en œuvre, la rationalisation et la diminution des prélèvements fiscaux dans le secteur de l’immobilier. Le document suggère également l’introduction et l’application d’un minimum de réglementation dans le fonctionnement du marché de l’immobilier avec la définition des rôles des différents acteurs du secteur et la systématisation des cartes professionnelles. Il est tout aussi nécessaire d’assurer l’encadrement des modes de rémunération des intervenants sur le marché de l’immobilier par la détermination des critères de fixation des prix de l’immobilier, la suppression des autorisations préalables de transaction immobilière, la transformation, selon des conditions à déterminer, des permis d’occuper et des autorisations d’habiter en droit réel éligible au financement bancaire et la mise en place un système d’information sur le marché de l’immobilier – observatoire du marché de l’immobilier – et des cadres de concertation entre tous les acteurs du secteur. Les auteurs ont rencontré des acteurs incontournables dans le secteur. Il s’agit des acteurs institutionnels, des notaires, des experts immobiliers, des promoteurs immobiliers publics et privés, des banques, des établissements financiers et des agences immobilières.
A CASTOR, GRAND DAKAR, SICAP BAOBAB : Les avances et cautions jugées « trop élevées »
A côté des plaintes sur la cherté du prix du loyer, les locataires se plaignent aussi du coût des avances de caution qu’ils jugent « trop élevées ».
Trouvé en face du Stade Demba Diop, Aynina Sow, le sac en bandoulière, la trentaine bien sonnée, attend avec un brin d’impatience le courtier qui est chargé de lui trouver un appartement de deux chambres avec un salon, le tout à 100.000 FCfa. Quelques minutes plus tard, l’homme surgit, le téléphone collé à l’oreille, l’air un peu épuisé. La tâche semble immense, mais il avoue qu’il peut en trouver. Seulement, il invite son client à plus de patience. Interrogé sur l’option de l’Etat de faire baisser le coût de la location à travers la mise en place d’une commission chargée d’examiner la situation du loyer à Dakar, M. Sow reste un peu mitigé.
« Cela m’étonnerait que l’Etat arrive à maîtriser la situation du loyer », s’interroge-t-il, non sans nourrir toutefois l’espoir de voir le gouvernement inverser la tendance. S’il indexe la cherté de la location qu’il qualifie de « déraisonnable », il s’insurge aussi contre les avances de caution qu’il trouve « assez relevées ». A l’en croire, c’est l’une des plus grandes équations auxquelles les locataires sont actuellement confrontés. « Je suis un marié sans enfant. Je payais une chambre et un salon 125.000 FCfa à Amitié-Zone B, mais je trouve que c’est trop cher », laisse-t-il entendre.
Selon lui, si le gouvernement envisage de faire baisser le prix de la location, il devra travailler de concert avec les banques, lesquelles imposent souvent aux agences immobilières des taux d’intérêt assez élevés. « Il est possible d’arriver à une baisse de 30 à 40% du coût de la location », dit-il. Habitant de Grand Dakar, Ndèye Yacine Guèye abonde dans le même sens. Pour cette femme de ménage, les avances de caution constituent la croix et la bannière à chaque fois qu’elle décide de déménager. « Avant de s’installer ici, il m’a fallu dépenser plus de 300.000 FCfa en payant deux mois de caution et un mois d’avance pour le loyer. Les dépenses de caution sont trop chères. Vu l’ampleur des frais, on s’appauvrit même avant d’avoir les clés de son appartement », explique-t-elle. Et le plus cocasse, confie cette dame, une fois que cette étape est franchie, souvent toutes les conditions ne sont pas réunies pour mener une vie tranquille. « En plus de l’étroitesse de l’immeuble, nous qui sommes au deuxième étage, il nous arrive très rarement d’avoir accès à l’eau. On est obligé de nous débrouiller pour trouver le liquide précieux », fait-elle comprendre. D’après elle, le prix d’un appartement devait être compris entre 60.000 et 65.000 FCfa. Ce qui permettrait, ajoute Mme Guèye, de faire davantage face aux besoins sociaux. Quant à sa voisine, Fatou Sakho Ndiaye, elle soutient que la baisse du coût loyer qu’elle trouve « très cher serait un geste d’une haute portée pour les ménages ». Fatou constate pour s’offusquer le manque de compréhension dont font preuve, la plupart du temps, les bailleurs qui mettent la pression sur leurs clients.
L’autre difficulté à laquelle les personnes à la recherche de location sont confrontées demeure, de l’avis d’Abdoul Diallo, les conditions qu’imposent les bailleurs, qui préfèrent céder leurs maisons à des étrangers ou des célibataires plutôt qu’aux pères de famille. « Les propriétaires de maison préfèrent les Etrangers aux Sénégalais, car ils n’osent pas exploiter leurs compatriotes comme il le font avec les non-Sénégalais à qui ils peuvent demander de payer une ampoule à 5.000 FCfa. Pour les célibataires, d’habitude ils ne se posent pas de problème de cohabitation », informe ce quinquagénaire trouvé au quartier Baobab. Contrairement aux avis des autres locataires, Vieux Niang, habitant à Castor, trouve « acceptable » les avances de caution qu’on impose aux locataires même s’il reconnaît qu’auparavant cela n’existait pas. A l’en croire, la caution est une marque de confiance qui serve de garantie pour les clients.
GRAND YOFF, ALMADIES ET SACRe-CŒUR… : Le coût du loyer est « insoutenable » pour les habitants
Les prix de la location sont « insupportables » à Dakar, particulièrement dans la zone de Grand Yoff, Almadies et Sacré-Cœur. C’est l’avis de certaines personnes qui déplorent une exagération des promoteurs immobiliers.
La question du logement est devenue un véritable casse-tête pour les familles et les personnes sans toit à Dakar. A l’approche de chaque fin de mois, les moyens de s’acquitter de son logement devient la principale équation à résoudre dans les familles, surtout les plus démunies. Le coût du loyer varie en fonction de la zone, de l’état de la maison et de sa position. Dans la zone de Grand Yoff, les chambres sont louées entre 20.000 FCfa et 60.000 FCfa, selon les critères cités plus haut.
« J’occupe une chambre avec salle de bain intérieure et balcon à 60.000 FCfa, à la Scat-Urbam. Cela veut dire que si nous payons le loyer, il ne nous reste rien du tout. Nous travaillons pour les promoteurs immobiliers », déplore Cheikh Ndiaye. Pour lui, l’Etat du Sénégal doit, le plus rapidement possible, appliquer les mesures de la Commission en charge de réfléchir sur la baisse du loyer dirigée par le Pr Iba Der Thiam. « Ces mesures, si elles sont appliquées, soulageraient les locataires que nous sommes », pense Cheikh Ndiaye. Dans une maison à Khar Yalla, la dame Aïssatou nous explique sa misère : « Je suis veuve. Je vis avec mes trois enfants dans un studio. Je paie 90.000 FCfa le mois. C’est énorme pour quelqu’un qui a du mal à joindre les deux bouts. Ce n’est pas du tout évident de s’acquitter mensuellement du loyer à Dakar. Le président de la République Macky Sall doit aller jusqu’au bout de cette mesure pour nous aider ». « Ce n’est que de la pure exploitation de l’homme par l’homme. Pour un petit appartement de deux chambres plus salon, cuisine et toilettes aux Hlm Grand Yoff, je paie 150.000 FCfa par mois », confie Adama Touré. Il reste pessimiste quant à l’effectivité de la proposition de la Commission en charge de la baisse du loyer. Mamadou Diouf, agent immobilier, est du même avis. Il pense que c’est trop tard pour pouvoir revenir en arrière.
Spéculation des propriétaires
« L’Etat laisse les gens spéculer comme ils le veulent dans le foncier. Ils ne me diront pas qu’ils ne sont pas au courant de ce phénomène d’autant plus que c’est le Service des Domaines qui enregistre les actes et c’est le ministère de l’Habitat qui délivre les certificats de construire. Je pense que l’Etat ferait mieux d’organiser ce secteur d’abord », soutient M. Diouf. Il explique que dans la zone des Almadies un appartement meublé peut être loué jusqu’à 1 million de FCfa. Ce sont souvent les organisations internationales qui louent ces lieux pour leurs fonctionnaires. Pour les appartements non meublés. « Les coûts varient de 200.000 à 600.000 FCfa », dit-il.
Mamadou Ba tient son commerce à Sacré-Cœur. C’est son grand frère absent qui connaît le coût du loyer de sa boutique. Toutefois, Mamadou déplore son coût élevé. « Les gens exagèrent parfois. L’immeuble que vous voyez là-bas n’a pas encore de locataires depuis sa construction. On m’a expliqué que les appartements sont inabordables. Il est temps que l’Etat intervienne », affirme-t-il.
Une bulle immobilière ininterrompue, selon une étude de la Dpee
La bulle immobilière qui s’est emparée de Dakar a démarré d’abord vers la fin des années 1990 pour reprendre de plus belle entre 2001 et 2008, indique une étude de la Direction de la prévision et des études économiques. L’inexistence de structure de contrôle du loyer et la dérégulation du marché viennent compliquer la situation.
Dans une étude intitulée « Existe-t-il une bulle immobilière à Dakar », menée en octobre 2008, la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee) s’est interrogée sur les risques de présence de bulles immobilières à Dakar en se fondant sur l’analyse des propriétés d’intégration des indices de prix de l’immobilier et de la location. Cette étude a permis de situer les périodes d’expansion de la bulle immobilière dans trois zones, notamment Dakar-Plateau, Grand Dakar et la banlieue de Dakar. Selon la Dpee, la bulle existe lorsque les phases explosives des prix de l’immobilier ne sont pas simultanées à celle de leur principale composante fondamentale. Ainsi, l’étude montre que, depuis le début des années 2000, la bulle apparaît manifestement de manière ininterrompue dans la quasi-totalité des zones étudiées. Seule la zone de Dakar-Plateau fait état de quelques incertitudes, du fait que les prix y ont atteint des niveaux record, donc difficiles à surpasser. L’indice consolidé du prix de l’immobilier dans le département de Dakar fait ressortir l’existence de bulle en deux périodes distinctes. D’abord, il y a la fin des années 1990, juste avant l’explosion des prix de la location (entre 1997-1998). La bulle, qui s’est dégonflée par la suite à cause de la tendance explosive de l’indice Dakar qui s’explique par celle de l’indice loyer, est réapparue entre 2001 et 2008.
Parc locatif Sicap et Sn-Hlm
L’étude révèle une hausse continue du prix de l’immobilier à Dakar ces dernières années, aussi bien dans les quartiers résidentiels que populaires. Il explique cette situation essentiellement par la forte demande qui dépasse l’offre à cause de la concentration démographique excessive. En effet, pour une superficie de 550 km2 et une population estimée à près de 3 millions d’habitants, la capitale sénégalaise présente un marché immobilier structurellement déséquilibré, du fait de l’insuffisance naturelle des capacités d’offre de logement. Aussi, le secteur de l’immobilier présente bon nombre d’imperfections dues au manque d’organisation, à une asymétrie d’information et aux nombreux cas de litiges sur les titres fonciers. Ce qui a eu pour conséquence d’entraîner les prix du logement sur une tendance haussière défavorable aux consommateurs, doublée d’une spéculation foncière.
Cette croissance, explique l’étude, a dû résulter d’une dérégulation dans un marché jusqu’alors stabilisé par l’instauration des structures telles que la Société immobilière du Cap-Vert (Sicap) et la Société nationale des habitations à loyer modéré (Snhlm) qui détenaient un important parc locatif permettant de fixer les prix de la location à des niveaux très accessibles aux personnes à revenu modéré. Mais, aujourd’hui, ces sociétés immobilières ont perdu leur vocation de régulateurs avec la disparition du parc locatif, accentuant ainsi la contraction de l’offre locative.
A cela s’ajoute une forte croissance de la demande locative. Enfin, poursuit l’étude, le cadre juridique inapproprié et l’insuffisance voire l’absence de structure chargée du contrôle des loyers ont contraint le marché à une totale dérèglementation.