TRUMP COUPE LES VIVRES À HARVARD
Washington suspend 2,2 milliards de dollars d'aides à la prestigieuse université, qui refuse de modifier ses politiques sur le recrutement et l'inclusion. Un conflit qui pourrait faire jurisprudence pour l'ensemble du système universitaire américain

(SenePlus) - L'administration Trump a gelé lundi 2,2 milliards de dollars d'aides fédérales destinées à Harvard, après que la prestigieuse université a refusé de se plier aux exigences du gouvernement concernant sa gouvernance interne et ses politiques de recrutement, selon les informations rapportées par Le Monde et relayées par plusieurs médias américains.
"L'université ne renoncera pas à son indépendance ni à ses droits constitutionnels. Ni Harvard ni aucune autre université privée ne peuvent se laisser mettre sous tutelle par le gouvernement fédéral", a déclaré Alan Garber, président de Harvard, dans un communiqué diffusé lundi 14 avril.
Cette prise de position ferme fait suite à une lettre de l'administration Trump datée du 11 avril, dans laquelle une task force gouvernementale accusait Harvard de ne pas respecter "les conditions de droits intellectuels et civiques justifiant un investissement fédéral". Cette équipe spéciale, théoriquement chargée de lutter contre l'antisémitisme, regroupe les ministères fédéraux de la santé et de l'éducation.
La réaction présidentielle ne s'est pas fait attendre. Dans un communiqué publié lundi soir, le gouvernement a annoncé le gel immédiat de 2,2 milliards de dollars d'aides, sur un total de 9 milliards promis à l'université et à son hôpital pour les prochaines années.
Parmi les demandes adressées à Harvard, le gouvernement fédéral exige notamment :
- La réforme du recrutement des étudiants internationaux "afin d'empêcher l'admission d'étudiants hostiles aux valeurs américaines"
- L'abandon des politiques de diversité et d'inclusion dans le recrutement des élèves
- Un audit de la "diversité idéologique" au sein du corps enseignant
- La suppression de toute "préférence fondée sur la race, la couleur, la religion, le sexe ou l'origine nationale" dans les pratiques d'embauche
Cette offensive s'appuie sur un double prétexte : d'une part, l'accusation de ne pas avoir lutté efficacement contre l'antisémitisme lors des manifestations propalestiniennes qui ont suivi les événements du 7 octobre 2023 ; d'autre part, le rejet des politiques d'inclusion de l'université, déjà condamnées par un arrêt de la Cour suprême à l'été 2023.
Le personnel de Harvard, plus ancienne université des États-Unis fondée en 1636, avait fortement incité sa direction à résister. En avril, plus de 800 membres du corps enseignant ont signé une lettre exhortant l'établissement à "monter une opposition coordonnée à ces attaques antidémocratiques", rapporte Le Monde.
Larry Summers, ancien président de Harvard et ancien secrétaire au Trésor sous Bill Clinton, a publiquement soutenu cette résistance sur son compte X : "Je suis très heureux de voir le président Garber diriger Harvard et j'espère que toutes les universités résisteront aux demandes extrajudiciaires et déraisonnables du gouvernement fédéral."
Face à cette situation, Harvard a anticipé d'éventuelles difficultés financières en émettant 750 millions de dollars d'obligations, qui pourraient servir de trésorerie en cas de coupure prolongée des subventions fédérales.