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26 avril 2025
Culture
TRACT ET PLUS, UNE ÉMISSION D'ELGAS
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SYMBOLIQUE ET DÉFIS DE LA RESTITUTION DES ŒUVRES AFRICAINES
EXCLUSIF SENEPLUS - La vie de l'art en temps de covid-19 - Comment solder le passé au-delà de la rengaine anticoloniale - Quelle stratégie pour valoriser ces objets demeurés en Occident ? AVEC FATOUMATA SISSI NGOM ET OUSSEYNOU NAR GUEYE
"En débat, dans ce "Tract et Plus" exceptionnellement présenté depuis Paris par l'écrivain et journaliste Elgas, la question de la propriété et de la jouissance du patrimoine culturel africain précolonial présent dans les musées occidentaux et les collections privées du Nord.
L'invitée fil rouge est Fatoumata Sissi Ngom, écrivaine. L'auteure du roman "Le totem du silence" (L'Harmattan,2018) promeut la restitution de ces oeuvres d'art aux pays africains, dont les populations n'ont pas moins vocation que les autres à aller dans des musées, et sans procès colonial, entre autres arguments.
Les invités ont également évoqué l'art et sa pratique, en ces temps de Covid-19 et surtout de (semi)confinement duquel la planète sort.
par la chroniqueuse de seneplus, Rama Salla Dieng
L’ENSEIGNEMENT COMME MILITANTISME FÉMINISTE À LA BASE
EXCLUSIF SENEPLUS - Nous ne pouvons pas continuer à glorifier la dextérité des acteurs de l’informel. On peut être féministe sans avoir à choisir entre cela et l'appartenance à une communauté - ENTRETIEN AVEC NDÈYE DÉBO
Ndèye DéboSeck est journaliste et professeure d’anglais au Collège d’éducation Moyen Waly Thiobane à Kaffrine, au Sénégal.
Ndèye Déboet moi nous sommes rencontrées à Dakar en novembre 2012 lors d'une conférence sur la gouvernance organisée par l'organisation pour laquelle je travaillais. Elle était journaliste stagiaire au quotidien sénégalais Sud Quotidien et est maintenant enseignante à Kaffrine. Dans cette conversation, elle raconte comment son activisme féministe de base se nourrit de sa pratique enseignante, du système éducatif sénégalais, de sa passion pour le football et de bien-être.
Ndèye Débo : Bonjour la sœur, je suis Ndèye Débo. Je suis journaliste et professeure d'anglais. J'ai enseigné dans le sud du Sénégal, à Bounkiling et maintenant je suis à Kaffrine, dans le centre. Je suis l'aînée d'une grande famille, principalement des femmes. Je suis photographe (pour le plaisir) et j'ai une passion pour l'agriculture.
Comment vivez-vous une vie féministe et est-ce facile au Sénégal (en zone rurale surtout) ?
Ndèye Débo : Je crois en ce que j'appelle la pédagogie de l'action. Je vis selon certains principes en privé et en public. J'essaie de montrer qu’on peut mener une existence selon les normes féministes sans avoir à choisir entre être féministe et appartenir à une communauté. Maintenant, c'est plus facile qu'il n'y paraît. Parce que, je négocie. Je suis une Sénégalaise, une Lebu, une musulmane, une féministe. Beaucoup de cultures, de pratiques, de valeurs se retrouvent en moi. La difficulté était de reconnaître que ces systèmes de croyance ne s’excluaient pas mutuellement. Et de voir qu'au cœur de chacun d’entre eux se trouve le développement intégral de l'être humain, qui est une des finalités de la Loi d’orientation de l’éducation Nationale du Sénégal. Maintenant que j'en suis consciente, je navigue à travers ces identités avec une intelligence émotionnelle et sociale.
Vous avez travaillé dans le journalisme et le blogging auparavant. J’ai été vraiment impressionnée après avoir lu votre article intitulé «Leçons d’économie domestique» en 2013 dans lequel vous évaluiez de manière critique l’offre télévisuelle qui, selon vous, se concentrait principalement sur «les souffrances des femmes sénégalaises et les maladies des hommes», est-ce que cela a changé ?
Ndèye Débo :Dans une certaine mesure, il y a des changements importants dans le paysage médiatique. Maintenant, les télévisions nationales diffusent des émissions où des femmes occupent le devant de la scène, décident de leur vie etc. et ne sont plus seulement les anges de la maison. D'un autre côté, toutes les émissions auxquelles j'ai fait référence dans cet article de 2013 sont toujours diffusées. Aujourd’hui plus que jamais, les prêcheurs religieux ont la possibilité de dicter le code vestimentaire des femmes, les devoirs de l’épouse et de la mère, etc. Récemment, une série télévisée a en quelque sorte ébranlé l’opinion publique, Maîtresse d’Un Homme Marié (MDMH). Les principaux protagonistes sont des femmes, mais elles peuvent clairement décider d’avec qui elles sortent, comment elles vivent, etc. MDHM est remarquable en ce qu'il change la perspective et présente les protagonistes non seulement comme perdues, des anges etc. mais pointe du doigt les dynamiques de pouvoir en jeu dans les relations sénégalaises et la complexité du problème. Pas comme il apparait une opposition entre la bonne épouse et la maîtresse, mais clairement, de quelle manière le patriarcat, les hommes bien sûr et les femmes travaillent pour maintenir le statu quo. L'émission est si réussie et si stimulante qu'elle a irrité des censeurs religieux qui ont ensuite été invités à jeter un œil au scénario.
Merci Ndèye Débo, moi aussi j'ai lu plusieurs bonnes critiques de MDHM dont celle de Marame Guèye. Alors, qu'est-ce qui vous a poussée à devenir enseignante d'anglais ?
Ndèye Débo : Dans une certaine mesure, ma mère a suscité mon amour dans l'enseignement. Elle n'a jamais fréquenté l'université alors qu'elle avait été une excellente élève jusqu'au lycée. Elle était notre répétitrice et beaucoup de mes camarades de classe venaient à la maison pour bénéficier du renforcement après les classes. J’ai toujours pensé qu'elle aurait été une excellente enseignante. Je porte donc en quelque sorte le flambeau.
Quand j'étais au lycée, je voulais terminer un doctorat et devenir professeure d'université. J'ai littéralement quitté l'université après mon certificat de maîtrise en anglais. J'ai suivi une formation et je suis devenue journaliste, mais je n'avais pas soutenu mon mémoire de maîtrise. Donc, j’y suis retournée. J'ai obtenu mon diplôme et je suis allée à la FASTEF (Faculté des Sciences et Technologies de l’Education et de la Formation) pendant deux ans. Et là, j'enseigne l'anglais au lycée depuis 6 ans maintenant.
Vous décrivez votre enseignement comme du «militantisme féministe à la base», pouvez-vous nous en dire plus ?
Ndèye Débo : Je crois vraiment au pouvoir de transformation de l'éducation. J'ai le privilège d'avoir eu de nombreuses expériences qui m'ont conduite là où j'en suis maintenant. J'ai participé à un institut féministe avec WLUML (Women Living Under Muslim Laws), j'ai travaillé pour l'un des premiers journaux privés au Sénégal, Sud Quotidien. Je suis bénévole dans un réseau agricole, je suis (je n'ai pas assisté aux réunions depuis des années) membre dormante du CNCR (Conseil National de Coopération et de Concertation des Ruraux), j'ai des expériences de travail en protection de l'enfance, plaidoyer agricole, communication pour le développement. Et, j'ai vraiment eu le privilège d'apprendre directement auprès de femmes fortes comme le Dr Fatou Sow, Codou Bop, Vore Gana Seck, Khady Ndao (de la Fédération Nationale des Groupements de Promotion Féminine). Et j'ai la chance de pouvoir apporter tout ce vécu dans ma pratique d'enseignante. Je travaille avec des pré-adolescents et des adolescents. Mes élèves sont littéralement à un âge où ils se construisent une personnalité. À ce stade, des problèmes de représentation, d'estime de soi, de confiance sont en jeu. De plus, dans ma pratique quotidienne, je respecte la recommandation de la loi d’orientation nationale qui propose «de lier l’école à la vie réelle». Je tiens à toujours élaborer des contenus qui, d'une manière ou d'une autre, s’adressent à la réalité que vivent mes élèves sur le plan culturel, social et religieux. Par exemple, pendant deux ans, je leur ai demandé d'écrire des contes de leurs groupes ethniques. Les Peuls ont écrit des contes peulh, les Mandjaks ont fait de même, etc. De cette façon, je suis sûr de satisfaire leur sens de la communauté ainsi que leur maîtrise de la langue anglaise, car, ils/elles font de la recherche, utilisent des dictionnaires, collaborent, etc. Je les incite également à s‘intéresser aux sujets de l’heure, à l’actualité internationale, etc. J'essaie de faire appel à leur sensibilité culturelle et leur pensée critique.
Je me souviens d'avoir lu un article émouvant que vous avez écrit en 2017 sur votre défunt étudiant, Mamadou Saliou, décédé en Libye en essayant de migrer vers l'Europe, et vous décriviez la «situation des migrants comme une crise de citoyenneté». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ndèye Débo : Cette année-là, nous avions entendu de nombreuses rumeurs selon lesquelles des écoles avaient perdu des élèves à cause de l'immigration clandestine. Nous ne pouvons savoir exactement combien d’étudiants de tout le Sénégal sont morts dans les mers ou en Libye. Combien vivent sous la contrainte, soumis à l'exploitation, aux abus systématiques, à la traite des êtres humains ? Nous n'en avons aucune idée. Et je pense toujours que s'ils avaient un peu d'espoir dans le futur, ils ne seraient pas partis. S'ils avaient été dans des conditions décentes à la base, ils auraient peut-être voulu migrer. Mais ils auraient pris des décisions moins désespérées et fatales.
Mamadou Saliou était dans l’une de mes classes lors de ma première année. Je suis admirative des élèves de Bounkiling ou de tout autre endroit sans ressources qui, contre toute attente et défiant tout pronostique, passent le cap du lycée. Ces enfants sont l'incarnation du courage. C’est un miracle qu’ils surmontent la pauvreté, de longues marches pour se rendre à l’école, la faim, travailler comme bonne ou conduire une charrette après l’école.
Bien sûr, tout le monde ne peut pas réussir à l'école, mais nous avons construit un système où l'école est pratiquement le seul moyen de sortir de la pauvreté. Ce n’est pas une question d’éducation ou d’absence d’éducation en soi. C’est une question d’égalité de chances, de politique et de disponibilité de l’emploi. Nous ne pouvons pas continuer à glorifier le travail précaire et la dextérité des acteurs de l’informel dans un contexte systémique de survie. Et nous sommes responsables. Nous, pauvres citoyen.ne.s, nous élisons des dirigeants non pas en fonction de leurs programmes mais de leur charisme ou de leur fausse proximité avec le peuple. Nous les autorisons à piller nos ressources et ne les tenons jamais comptables. Bref, j'ai été dévastée par la nouvelle de la mort de Mamadou Saliou. Mais je l'ai définitivement compris.
De nombreux enseignants et universitaires ont écrit sur la crise persistante du système éducatif sénégalais. Quelles sont les raisons de cette crise et comment pourrions-nous la résoudre ?
Ndèye Débo :Les raisons sont très simplement, une mauvaise gouvernance et une mauvaise gestion. Depuis des années, régulièrement, le gouvernement propose de nouveaux projets, dont la plupart n'apportent pas d'amélioration systémique. Ils visent souvent un aspect de l'éducation, comme le taux d'alphabétisation, les compétences en lecture, etc. Parallèlement, les budgets des écoles ont diminué avec des réductions drastiques des ressources allouées à l'équipement. Les enseignants ont des salaires ridicules et des conditions de travail désastreuses. Et chaque année, le gouvernement, les parents, la société civile, tous les autres segments de la société en appellent à la responsabilité sacerdotale des enseignants. Un ministre disait : «nous vous avons confié ce que la Nation a de plus chère». Pour les solutions, nous pourrions commencer par une meilleure répartition des ressources, une augmentation des budgets scolaires et des salaires des enseignants, de meilleures conditions de travail.
Nous sommes actuellement confrontés à cette pandémie mondiale du Covid-19, comment sensibilisez-vous vos élèves ?
Ndèye Débo :Depuis le début, c'est-à-dire lorsque nous avons appris l'existence du Covid-19 à Wuhan, j'ai discuté avec mes élèves, posé des questions sur le virus, son origine, les mesures de prévention, etc. Beaucoup de collègues le faisaient déjà pour sensibiliser celles/ceux qui n'avaient pas accès à l'information. Donc, avec mes élèves nous avons discuté des bases, de la prévention, le lavage des mains, etc. Chaque jour avant la décision du gouvernement de suspendre les cours, on y consacrait littéralement 5 minutes. Une anecdote, dans l'un de mes cours de 6e, le jour où le premier cas a été détecté au Sénégal, j'ai décidé d'en parler à la fin de la leçon, et un des élèves, Mayacine s’est tout d’un coup écrié ‘Coronavius’. J’ai d’abord fait mine de ne pas l’entendre mais il a insisté et je lui ai dit que nous en discuterions avant la fin du cours. Le lendemain, j’ai rencontré deux autres élèves, et quand l’un d’eux a voulu me serrer la main, son compagnon l’a littéralement poussé sur le côté, en disant «on a dit on ne sert pas la main ». Ces enfants ont entre 11 et 12 ans.
Avec les élèves plus âgé.e.s, en 4e, nous avons des groupes de discussions sur WhatsApp depuis le début de l'année. Avec la propagation du virus au Sénégal, on a travaillé à fact-checker les fakes-news que certains d'entre eux/elles partagent, j’essaie toujours de transmettre des informations et messages vérifiés et de les inciter à être prudent.e.s avec les nouvelles qu'ils/elles reçoivent et partagent.
Nous avons vu les photos navrantes des enseignant.e.s tentant de rejoindre leurs écoles en se précipitant dans les bus (insuffisants) mis à leur disposition. Au-delà des questions sur les risques posés en termes de distanciation physique, pensez-vous en tant qu’enseignante, que le moment soit opportun ?
Ndèye Débo : C’est absurde. Les cours ont arrêté le 14 Mars alors qu’il y avait très peu de cas ; et le président Macky Sall avait pris la bonne décision en les suspendant. Jusqu’ici, nous avons salué la riposte mis en place par les services compétents. Mais force est de constater qu’il y a eu des ratés dans la communication qui ont brouillé le message initial. Beaucoup de personnes déjà sceptiques face à la maladie ont vu là une bonne occasion de baisser la garde, voire de ne plus respecter du tout les mesures de prévention. Résultats des courses, beaucoup de stigmatisation, des malades qui se cachent etc. Nous en sommes à 4249 cas aujourd’hui (6 juin). Dans ces conditions, reprendre les cours me semble inopportun. Au-delà des rassemblements et des départs chaotiques qu’on a vus au terminus Liberté 5, nos écoles ne sont pas toutes équipées pour observer les gestes barrières. Beaucoup ne disposent simplement pas d’eau, de toilettes. A beaucoup d’endroits ce sont des abris provisoires, ou alors des classes qui menacent de s’écrouler. Des kits d’hygiène et des masques ont été mis à disposition, mais je me demande si on peut porter un masque fut-ce pendant une heure et transmettre une quelconque connaissance. C’est extrêmement difficile de respirer avec ; maintenant s’imaginer parler en classe, à des températures par endroit de +40 degrés, c’est absurde. La distanciation physique n’en parlons pas ; il faut beaucoup de présence d’esprit pour l’observer rigoureusement. Dans le contexte actuel, les enseignant.e.s qui sont des adultes auront eux/elles-mêmes du mal à rester concentré.es, les apprenant.e.s encore moins.
Vous avez une vraie passion pour le football comme vous le décrivez ici et là, je suppose que vous la partagez avec vos élèves… à votre avis, le football est-il plus regardé que la lutte (lamb) et pourquoi ?
Ndèye Débo : Dans les régions où j'ai servi, je pense que le football est plus suivi. Parce que les matchs de football sont, disons, plus démocratiques. La lutte est devenue un business depuis longtemps, récemment certains promoteurs ont proposé des projections payantes... Donc, ce que nous avons observé il y a quelques années, où les lutteurs étant littéralement des modèles et des leaders d'opinion est en train de reculer. Il y avait des programmes télé quotidiens, où on les montrait à domicile, au sein de leurs familles. Ils partageaient leurs routines, leur régime alimentaire (fonde, pain ndambe), maintenant ils sont plus distants. À Bounkiling, mon premier poste, je me souviens durant mes premières années, nous avons beaucoup parlé du lutteur Balla Gaye 2 qui est originaire de Casamance. Au fil des ans, Sadio Mané est plus revenu dans les conversations, non seulement à cause de ses talents. Mais Sadio est originaire de Bambali, non loin de Bounkiling. Beaucoup d'élèves peuvent littéralement s'identifier à lui ou le voient comme un frère ou un cousin. Et c’est fréquent de rencontrer des Sadio Mané dans la région. Tiens ! J’avais une élève nommée Sadio Mané.
Si vous deviez citer trois leçons de vie que vous avez apprises en enseignant l'anglais à des jeunes du Sénégal rural, quelles seraient-elles ?
Ndèye Débo : L’humilité, la résilience et la foi.
Vous êtes également doctorante, photographe et blogueuse, comment conciliez-vous votre travail avec l'enseignement ?
Ndèye Débo : Je me suis inscrite à un programme de doctorat au Laboratoire d’études Africaines et Postcoloniales (LEAP). Je n’ai pas officiellement renouvelé mon inscription. Cependant, je travaille toujours sur le doctorat. Je lis, écris, revois toujours. Maintenant pour la photographie, je le fais pour le plaisir, pas comme une activité professionnelle. Je dis être photographe car je pratique depuis plus de 10 ans. Je dirais «je fais des photos». Idem pour les blogs ... C'est pour le plaisir. De plus, étant dans une zone rurale, avec une connexion pas toujours disponible, je blogue très sporadiquement. Donc, dans une certaine mesure, je n'ai pas à arbitrer entre la recherche, la photographie et l'enseignement.
Parlons maintenant de votre autre passion : la littérature. Quels sont les trois livres qui vous ont marqué, et recommanderiez-vous de les lire ?
Ndèye Débo : Weep Not Child par Ngugi Wa Thiong’o (1964)
Murambi, le livre des ossements de Boubacar Boris Diop (2000)
La Couleur Pourpre d'Alice Walker (1970)
Puis-je ajouter The Waves de Virginia Woolf (1931) ?
Comment prenez-vous soin de votre bien-être ?
Ndèye Débo :La photo ! Quand je stresse il me suffit de tendre la main pour prendre mon appareil photo ou mon téléphone et je suis instantanément apaisée. Je fais régulièrement du yoga. Quand je suis à la maison, c'est-à-dire à Dakar, je fais de longues promenades le long de la plage, auquel cas je prends aussi des photos. Je pratique parfois le tricot et la couture qui me permettent de me déconnecter et de m’aérer l’esprit.
J'ai aussi des sessions karité, où chaque matin après la douche, je m’enduis de beurre de karité.
Dr. Rama Salla Dieng est écrivaine, universitaire et activiste sénégalaise, actuellement maîtresse de conférence au Centre d'études africaines de l'Université d'Édimbourg, Ecosse.
UN LEXIQUE IMPERTINENT QUI VEUT DÉCOLONISER LA LANGUE FRANÇAISE
En quarante mots et expressions, les auteurs du Collectif Piment débusquent ce que la langue française cache encore d’histoire coloniale non digérée. Des mots qui restent en travers de la gorge
Le Monde Afrique |
Sandrine Berthaud-Clair |
Publication 07/06/2020
Le Collectif Piment publie un glossaire protéiforme et poétique qui se propose d’aller voir au-delà des définitions classiques. Drôle, instructif et irrévérencieux.
« Ami noir, loc. Généralement utilisé comme gilet pare-balles dans une conversation stérile. Exemple : “Je ne peux pas être raciste, j’ai un ami noir”. » Si vous voulez comprendre les ressorts de cette expression tout sauf banale, Le Dérangeur, petit lexique en voie de décolonisation, est fait pour vous. En quarante mots et expressions, les auteurs du Collectif Piment débusquent ce que la langue française cache encore d’histoire coloniale non digérée. Des mots qui restent en travers de la gorge.
Dédié « aux personnes noires, à celles qui aiment l’être, qui le sont par défaut ou par choix politique. A celles qui ne le sont pas encore et le deviendront, peut-être », le livre donne le ton d’emblée : impertinent, poétique et piquant. Ecrit « à huit mains », Le Dérangeur va fouiller sous la croûte des mots les plaies qui continuent de démanger. Abolitions, colère, diversité, émeute, exotique, racisé, réparations, victimisation, world music, sont quelques-unes de ces entrées conçues tantôt comme des définitions de dictionnaire, tantôt comme des articles, des poèmes, des fables, des dialogues, des clins d’œil typographiques, des jeux ou des devinettes destinées avant tout à faire réfléchir.
« Notre volonté n’est pas de donner de leçons de morale oud’expliquer ce qu’est le racisme, explique Binetou Sylla, l’une des quatre auteurs. Nous voulons partager nos expériences, mises en perspective par la matière scientifique, la littérature, la pensée philosophique et l’histoire de ceux qui nous ont précédés. Nos aînés et nos contemporains ont donné corps et rationalité à ce que nous vivons aujourd’hui. C’est aussi le fruit d’un dialogue entre nous. »
« Laisser une trace »
Le « nous », ce sont quatre jeunes Français âgés de 25 à 33 ans, nés et grandis pêle-mêle « en Hexagone », aux Antilles, en Afrique et aux Etats-Unis. Célia Potiron, Christiano Soglo, Binetou Sylla et Rhoda Tchokokam se sont rencontrés il y a plusieurs années à Paris, à la faveur d’amitiés, de recherches sur la musique ou d’échanges de hasard en club de lecture « afro ». Cotonou, Douala, Bamako, Dakar, Saint-Pierre, Chicago, New York, Paris, Bordeaux… la liste non exhaustive des villes par lesquelles les auteurs sont passés racontent bien cette nouvelle génération d’afrodescendants cosmopolites qui n’entendent plus que l’on parle à leur place de leur(s) histoire(s) de France.
En 2017, le quatuor monte une émission baptisée « Piment, la gifle d’épices pour gâter la sauce », diffusée en direct deux fois par mois sur les ondes de la radio alternative Rinse FM, puis depuis fin 2019 sur Radio Nova.
René Lake en débat sur VOA avec le républicain Herman Cohen, ancien ministre de Bush - La société américaine est structurellement raciste - L'affaire Floyd rappelle trop d'autres cas similaires - Donald Trump a fait preuve d'un leadership défaillant
René Lake en débat sur VOA avec trois autres invités, y compris le répubicain Herman Cohen, ancien ministre chargé des affaires africaines de George H. Bush. Le sujet : Le cas de George Floyd, la face visible de l'iceberg ? Comment réformer cette société américaine dans ses structures les plus discriminatoires à l'égard des minorités ? Quid de la posture de Donald Trump en ces moments troubles pour le pays ?
L'émission "L'Amérique et vous", remet au centre des débats, la question des discriminations raciales aux Etats-Unis, ravivée par le récent meurtre de George Floyd, Afro-américain, par un policier blanc.
Le leader du Raam Daan, Thione Ballago Seck, compte bien mener son projet intitulé « La Cedeao en chœurs ». Il a procédé à une séance d’écoute de deux titres à son studio samedi dernier. Comme à son habitude, il a répondu à nos questions avec une rare franchise.
Vous venez de sortir deux titres dans le cadre du projet « CEDEAO en chœurs ». Pourquoi avoir choisi ce moment précis ?
Je suis un simple mortel et mon destin ne m’appartient pas. Je ne suis même pas sûr que je sois encore vivant la semaine prochaine. C’est après mûre réflexion que j’ai décidé de surseoir à ma volonté première de les sortir sous forme d’albums. bien entendu, je suis toujours dans ces dispositions. En attendant donc, j’ai pris l’option de les rendre disponibles sur YouTube pour une large diffusion. Comme on a tellement communiqué sur ce projet, ça permettra de couper court aux rumeurs et faire taire ceux qui disent que Thione ne fait que parler. Pour le reste, on attend ce que le bon Dieu en décidera….J’étais également dans l’attente de la réaction du gouvernement du Sénégal pour savoir la nature de son soutien comme me l’avait promis le chef de l’Etat Macky sall. Certes, l’attente a été assez longue. Au ministère de la Culture également, ils sont au courant du projet. J’ai reçu une délégation de la tutelle au studio. Mais depuis lors, il n y a pas eu de feedback. Comme je ne suis pas au courant de leur position, j’ai pris l’option de mettre un par un, tous les titres sur YouTube.
Musicalement quelles sont les nouveautés apportées à la réalisation de ce produit ?
Je vous retourne la question car vous venez d’assister à une séance d’écoute (Rires). Pour être sérieux, je dois dire qu’il existe une grande différence entre votre époque et la nôtre à ce niveau. Vous vivez dans une époque très compliquée. Avec Internet et ses différents instruments, tout est permis et les choses bougent très vite.
Il est surtout question de la portée du message…
J’ai toujours été un messager. Vos ainés dans la profession ont dit et écrit que Thione Seck est le meilleur parolier de sa génération. Donc j’ai toujours été un messager et cela ne changera jamais. Au moins, à l’unanimité, le Sénégal me reconnait ce statut de bon parolier. Au niveau du rythme, j’ai essayé de ne pas sortir du « Mbalakh ». J’ai voulu faire chanter les autres sur le rythme. Il y a aussi le fait que j’ai beaucoup insisté sur l’usage du violon. C’est une Allemande du nom de Stéphanie qui a joué de cet instrument et j’ai trouvé que cela cadre parfaitement avec notre musique. Dans le titre, « Les rapaces » j’évoque la lancinante question de la Toute-Puissance divine et celle de la mort. Je vois mal que des gens puissent faire exploser un avion et tuer autant de gens dans une mosquée en revendiquant des droits au nom de Dieu. Je ne sais pas de quel Dieu ils parlent car le mien ne permet pas cela. Dieu n’a jamais autorisé cela. Ils tuent au nom de Dieu juste pour assouvir des passions inavouées. Je parle de toutes ces vilenies qui rythment notre quotidien. Il y a une recrudescence de la pratique du mal à tous les niveaux. Il y a des complots et des pièges que l’on vous tend pour vous détruire grâce à l’argent. Je me dis que de nos jours, tout est permis à cause du pouvoir et de l’argent.
Concrètement quel soutien attendez-vous de nos autorités ?
J’ai été reçu par le Président sall, il y a plus d’un an. Donc, j’ai vraiment attendu. Pour ce qui concerne le ministère, il y a eu une délégation comprenant le Directeur des Arts M. Koundoul et Aziz Dieng. Ils sont venus écouter les morceaux. Ils étaient en compagnie d’une délégation de hauts responsables de la Culture de la Guinée et du Mali. Malgré tout, il n’y a eu aucune suite. Comme je l’ai dit tantôt, mon destin n’est pas entre mes mains. D’autant plus que nos jours, on se lève un beau jour pour s’entendre dire qu’untel a quitté ce bas monde….Pour dire vrai, j’attendais un soutien très conséquent de la part du chef de l’Etat. Un projet d’une telle envergure devrait être soutenu par l’Etat du sénégal par le canal du ministère de la Culture. C’est vraiment un très, très, très grand projet. Je ne pense pas que le Président ne puisse pas saisir le sens de cette portée. Il le sait parce qu’il me l’a dit. Au cours de notre rencontre, il m’a dit qu’il était très fier qu’un projet d’une telle dimension soit porté par un fils du sénégal. Donc, il a bien compris le sens de ma démarche. Pour le ministère aussi, je ne pense pas qu’ils ignorent ce fait. Ils sont venus ici, ils ont écouté et donné leur avis et ils m’ont chaleureusement félicité et encouragé à la fin de leur visite. J’attends d’eux qu’ils me fournissent les moyens de sortir ce produit dans les règles de l’art. Comme je n’ai rien vu venir, j’ai décidé de prendre les devants et d’user du canal de YouTube pour sortir les différentes chansons.
Comment pouvez-vous estimer les conséquences du Covid- 19 sur la bonne marche du projet ?
Il est quasi impossible d’estimer les coûts. Tout le monde sait que le Corona est passé par là. Cette pandémie a détruit énormément de choses et on ne s’en rendra vraiment compte qu’après la fin de cette crise. Je sais que dans ce là, plus rien ne sera comme avant. Pour ces fâcheuses conséquences, il ne faut même pas rêver. Tout va être chamboulé. Je viens d’entendre à la télé que l’économie du Canada a connu une baisse de plus de huit pour cent depuis la survenue de la pandémie. Quand on sait qu’ils sont dix mille fois plus puissants que nous, on doit imaginer les résultats. si vraiment comme on le susurre cette crise provient d’une erreur humaine, suite à des manipulations, je pense que ces gens méritent tous la guillotine. Ils ont alors causé énormément de torts à l’Humanité.
Concrètement, comment êtes-vous impacté par la pandémie du Covid19 ?
C’est une période très, très dur pour tout le monde. Tout le monde est impacté ... Je reconnais que le ministre a fait un beau geste. s’il avait convoqué une réunion au Grand Théâtre, personne ne pourrait gérer cela, car il y a énormément d’artistes dans ce pays. Il a juste ciblé ceux que l’on appelle de manière triviale les cinq majeurs pour aller discuter avec eux. Il nous a tous fait savoir que pour l’instant, il ne dispose pas de budget affecté à la gestion de cette crise et qu’il compatit à nos souffrances. Au moins, il a été clair et honnête avec nous. Mais après avoir exprimé nos doléances au ministre, beaucoup de personnes se sont mis à nous injurier. Et en vertu de quoi ? Nous ne sommes pas des Zambiens. Nous sommes des sénégalais et nous avons le droit de dire à notre ministre que nous avons besoin de lui. Le monde culturel a trop souffert. Il y a une grande instabilité au niveau du département de la Culture et cela nous a toujours porté préjudice. si je prends mon cas, au sein du Raam Dann, il y a trente-deux personnes qui travaillent autour du groupe en comptant les musiciens, les techniciens et les bagagistes. Toutes nos activités sont mises en veilleuse. Nous ne travaillons plus. C’est le président de la République qui doit nous soutenir. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. C’est lui le gardien de la Constitution, le Protecteur des Arts, des Lettres et des Artistes. Comment voulez-vous qu’un musicien qui ne travaille plus depuis trois mois puisse survivre et conserver sa dignité en ne disposant plus de moyens d’existence ? Le musicien doit continuer de vivre et payer ses factures. Je suis désolé de le constater et de le dire, mais au Sénégal l’artiste n’est pas très bien considéré. Je ne sais pas pourquoi. Et si je parle, on nous rétorque qu’au vu de leur statut, les cinq ne doivent pas parler ainsi. Pourtant, il ne faut pas oublier que les cinq ont abattu un énorme travail avant de pouvoir intégrer ce cénacle. C’est grâce à eux que les jeunes rêvent de devenir musicien et veulent marcher sur leurs pas. Les cinq ont consenti d’énormes sacrifices pour défendre partout les couleurs de notre musique. Je ne suis pas politicien et je pense que si j’étais un politicien, mon projet aurait connu meilleur sort… Wally est mon fils, mais moi je ne suis pas Wally. Ils profitent toujours de mes sorties pour s’attaquer à lui. Wally est venu au monde et il m’a trouvé comme je suis. J’étais déjà Thione Seck. J’ai toujours exprimé mes idées comme je l’ai toujours senti et je ne vais pas changer. Je ne peux pas comprendre qu’à chacune de mes sorties, on descend en flammes mon fils, juste pour le plaisir de faire du mal. C’est trop facile de se cacher derrière un écran d’ordinateur pour se muer en chasseur de primes du nombre de vues. Ces gens-là ne ratent aucune occasion pour m’insulter et me calomnier. Ils profitent du moindre de mes paroles pour essayer de me causer du tort. Pourtant ce que je dis ne les concerne nullement. Je ne m’adresse pas du tout à eux. Je ne les connais même pas. Ce sont eux qui me connaissent. C’est trop facile de se nourrir de cette manière. C’est Haram, haram, Haram (il se répète) et vraiment illicite. Peut-être que c’est votre époque qui veut ça, mais je ne comprends pas du tout cela.
Là, vous parlez du côté négatif du digital. N’empêche, vous l’utilisez par le biais de YouTube, n’est-ce pas paradoxal ?
Avec le Covid-19, on ne sait plus vraiment où nous allons. Mais je peux juste dire une chose. Cette pandémie et Internet causent énormément de tort au monde entier. Je suis persuadé qu’Internet ne va pas disparaitre, mais pour ce qui est du Corona, nous prions pour que ce virus disparaisse le plus rapidement possible. Je suis juste convaincu qu’Internet commet de nombreux ravages et cela va continuer. YouTube, c’est un palliatif. Il faut au moins un million de vues pour percevoir six cent mille francs Cfa, je crois. Et ce n’est pas du tout facile d’atteindre un million de vues. Donc c’est juste pour marquer notre territoire. Même au niveau des retombées, cela ne peut combler nos dépenses. Cependant, c’est mieux que de passer par ces pirates qui me proposent mon propre produit au niveau des feux de signalisation. Je ne me sens pas du tout protégé face à ces vautours. On laisse faire ces pirates et on me fait payer des impôts. On les laisse faire parce qu’eux, ils peuvent avoir recours à leur khalife général…
A vous entendre, c’est la faute à l’Etat ?
Bien sûr que c’est la faute de l’Etat ! S’il voulait que le piratage disparaisse, ce serait fait depuis longtemps. Avec la toute-puissance dont dispose l’Etat, il peut régler ce problème très rapidement s’il avait voulu. C’est une situation ubuesque et illogique.
Pourtant l’Etat fait de gros efforts en mettant sur place des fonds pour financer les artistes ?
En cinquante années de carrière, je n’ai jamais vu un artiste adepte du « Mbalakh» être financé pour un quelconque projet à moins que cela se fasse en dessous de table. Mais de manière officielle, je ne suis pas au courant .Pourtant le ministère dispose d’un budget annuel de plusieurs milliards. Je ne critique aucun ministre de la Culture car ce n’est pas mon rôle. J’ai vu passer de nombreux ministres de la Culture depuis le temps d’Alioune Sène. La musique sénégalaise n’est pas du tout soutenue. C’est ce qui fait la différence avec la musique nigériane. Elle a été soutenue par le gouvernement et des investisseurs américains. C’est ce qui a contribué à son extraordinaire essor. Les musiciens sénégalais font tout par eux-mêmes. Ils usent toujours de leurs propres moyens. Ils sont pourtant prompts à organiser des quêtes pour lever des fonds quand un artiste est malade et à bout de souffle. Ce qui est vraiment dommage car nous sommes au 21ème siècle. Cela va durer jusqu’à quand? C’est une question que je me pose…
UN COMITÉ DE PILOTAGE POUR LA RÉPARTITION DES 3 MILLIARDS ALLOUÉS AU SECTEUR CULTUREL
Le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, a annoncé, jeudi, la mise en place d’un comité de pilotage pour la répartition du fonds de trois milliards de francs CFA destiné au secteur des arts et de la culture
Dakar, 4 juin (APS) – Le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, a annoncé, jeudi, la mise en place d’un comité de pilotage pour la répartition du fonds de trois milliards de francs CFA destiné au secteur des arts et de la culture.
Ce comité de pilotage aura pour mission de définir les orientations et les mécanismes de gestion du fonds octroyé par le chef de l’Etat au secteur des arts et de la culture dans le cadre du FORCE Covid-19, a expliqué M. Diop.
Le ministre s’exprimait lors d’un point de presse au ministère de la Santé et de l’Action sociale au lendemain de la décision du président de la République d’appuyer les arts et la culture compte tenu de l’ajournement de certaines activités majeures de l’agenda culturel national.
"(…). Pour la gestion de cette ressource, deux types d’organes sont prévus : un comité de pilotage qui aura pour mission de définir les orientations et les mécanismes de gestion du fonds, sa répartition par sous-secteur mais également de superviser et de contrôler son utilisation pour les différents bénéficiaires en veillant à la transparence et à l’équité", a dit le ministre, saluant la décision du chef de l’Etat comme un "geste de haute portée".
Le comité sera essentiellement composé de représentants du ministère de la Culture et de la Communication et sera, dans un souci d’inclusion et de transparence, ouvert aux représentants des différents sous-secteurs choisis par les acteurs, a indiqué Abdoulaye Diop.
Il a aussi informé de la mise en place de sous-comités sectoriels chargés de définir la liste des bénéficiaires en suivant des critères de visibilité conjointement arrêtés.
Ces sous-comités concernent les secteurs du cinéma, du livre et de l’édition, du patrimoine culturel et des arts, a détaillé le ministre qui dit avoir instruit ses services de finaliser les concertations avec les acteurs afin que "dès la semaine prochaine, les bénéficiaires puissent percevoir leur appui".
Il a assuré que tous les concernés seront pris en charge.
"Je voulais aussi assurer l’ensemble des acteurs que je veillerais à ce que tous les concernés puissent être pris en compte", a dit le ministre qui s’est réjoui du rôle joué par les artistes dans la sensibilisation contre la propagation de la Covid-19 au Sénégal, les invitant à persévérer dans cette dynamique, car "le combat n’est pas encore gagné".
Le ressenti du confinement (Table-ronde virtuelle sur Zoom) D’une manière inédite, le cours de la vie personnelle, professionnelle et sociale de chacun d’entre nous est encore profondément bouleversé. Le Sénégal sous état d’urgence, le temps semble ralenti, le monde à l’arrêt. Des peurs, des craintes mais aussi des rêves et des espoirs germent dans les esprits et apparaissent dans quelques œuvres éparses. Le désir de partage titille visiblement les consciences. Partageons donc !
- 12 intellectuels et grands leaders d’opinion sénégalais sur Zoom.
- Tous répondent à une question et une seule : « Au plan personnel, au plan humain quel est l’impact de cette crise mondiale sanitaire qui pourrait alimenter de manière significative votre réflexion sur les prochaines années ? »
- Liste des participants : o Didier Awadi o Souleymane Bachir Diagne o Babacar Buuba Diop o Ousmane Blondin Diop o Elgas o Penda Mbow o Fatoumata Sissi Ngom o Alioune Sall Paloma o Pierre Sané o Mbougar Sarr o Marie-Angelique Savané o Rama Yade
- Facilitation de la discussion : René Lake
PAR 12 INTELLECTUELS ET LEADERS D'OPINION SÉNÉGALAIS
VIDEO
LE SILENCE DU TEMPS
EXCLUSIF SENENPLUS - D’une manière inédite, le cours de la vie personnelle, professionnelle et sociale de chacun d’entre nous est encore profondément bouleversé - Des peurs, des craintes mais aussi des rêves et des espoirs germent dans les esprits
Le ressenti du confinement est exprimée dans cette table-ronde virtuelle organisée par SenePlus. D’une manière inédite, le cours de la vie personnelle, professionnelle et sociale de chacun d’entre nous est encore profondément bouleversé. Le Sénégal sous état d’urgence, le temps semble ralenti, le monde à l’arrêt. Des peurs, des craintes mais aussi des rêves et des espoirs germent dans les esprits et apparaissent dans quelques œuvres éparses. Le désir de partage titille visiblement les consciences. Partageons donc !
12 grands leaders d’opinion sénégalais se sont retrouvés sur Zoom. Et tous, répondent à une question et une seule : « Au plan personnel, au plan humain quel est l’impact de cette crise mondiale sanitaire qui pourrait alimenter de manière significative votre réflexion sur les prochaines années ?
Les participants pour cette première, l'artiste musicien Didier Awadi, le philosophe et chercheur Souleymane Bachir Diagne, l'historien Babacar Buuba Diop, le politologue Ousmane Blondin Diop, l'écrivan et journaliste Elgas, l'historienne Penda Mbow, écrivaine et analyste politique Fatoumata Sissi Ngom, l'expert en prospective Alioune Sall Paloma, l'analyste et ancien patron d'Amnestie internationale Pierre Sané, l'écrivain Mbougar Sarr, l'experte en développement Marie-Angelique Savané, et enfin, la politologue et ancienne ministre de France Rama Yade. La facilitation de la discussion est assurée par l'analyste René Lake.
par Souleymane Bachir Diagne
À BOUT DE SOUFFLE
Si ceux chargés de protéger les citoyens comprennent cela comme la mission de policer la cité contre certaines personnes définies par la couleur de leur peau, ils créent ce racisme structurel qui corrode bien des systèmes, et pas seulement aux Etats-Unis
Dans la ville de Minneapolis George Floyd est mort en exhalant, avec son dernier souffle, ces mots : «je ne peux pas respirer». Obstruer les voies du souffle vital, empêcher l’acte simple d’inspirer et d’expirer librement cet air qui entoure notre planète et dont nous savons instinctivement nous remplir les poumons dès les premiers moments qui suivent notre naissance, c’est ce que fait le virus du corona, version 2019, qui tient l’humanité sous sa menace. Mais ce n’est pas ce virus-là qui a tué George Floyd : s’il a manqué, dans ses derniers moments, de cet air qui est l’élément même de la vie, c’est parce qu’un autre homme l’a assassiné, le genou planté dans sa nuque, en l’écrasant de tout son poids.
Lorsque les télévisions nous montrent la vidéo qui témoigne du meurtre, elles nous préviennent que nous devons nous préparer à être choqués. Et elles font bien de nous avertir tant la longue agonie de George Floyd est insoutenable ; insoutenable, le râle où l’on entend qu’il appelle sa mère, morte pourtant il y a deux ans, comme pour évoquer celle qui lui transmettait son propre souffle lorsqu’il était encore dans son ventre ; insoutenable ce fait que parmi les quatre policiers entre les mains de qui il est mort, il ne se soit pas trouvé un seul pour demander de reculer devant l’assassinat ; insoutenable enfin le regard du principal meurtrier qui semble penser être accroupi sur un trophée. Ce que la vidéo donne à voir est l’image de ce racisme que l’on dit structurel pour indiquer qu’il manifeste une culture institutionnalisée qui prédispose certains détenteurs de l’autorité à des comportements et des actes racistes.
Si ceux et celles qui ont la responsabilité de protéger les citoyens et de maintenir l’ordre comprennent cette charge comme la mission et la licence de policer la cité contre certaines catégories de personnes définies par la couleur de leur peau ou les quartiers qu’elles habitent, ils créent et entretiennent ce racisme structurel qui corrode bien des systèmes judiciaires, et pas seulement aux Etats-Unis.
Tant que cette culture n’est pas extirpée la justice ne peut pas être juste : tel est le message des manifestations qui ont lieu dans les grandes villes américaines mais également à Londres, à Berlin, à Toronto, etc. Ceux qui hors des Etats-Unis montrent ainsi leur indignation le font par solidarité certes, mais aussi parce qu’ils vivent la même urgence, sont mus, chez eux, par la même exigence éthique de justice raciale et sociale dans un monde devenu partout plus divers, plus multiculturel, plus multiracial. Nous sommes choqués, il est vrai, de voir les manifestations tourner parfois à l’émeute, à l’affrontement avec la police, aux pillages, imposant ainsi aux autorités locales le recours au couvre-feu. Il est ainsi établi que les foules qui protestent sont infiltrées aussi par des militants d’extrême droite et d’extrême gauche qui y voient l’occasion de créer un chaos propice à l’on ne sait quelle obscure finalité mais aussi par des éléments qui, eux, n’ont d’autre agenda que le pillage.
Mais les violences n’entachent en rien l’image de la saine et généreuse indignation qui réunit des personnes de toutes origines, bien au-delà de celles qui traditionnellement se réclament du mouvement Black Lives Matter. Elles n’entament en rien la puissance de l’exigence éthique, partout brandie par les manifestants : celle de combattre les inégalités et de faire advenir un monde fondé sur l’affirmation de notre commune humanité. C’est ce souffle que porte aujourd’hui le nom de George Floyd. C’est l’air qu’il nous propose de respirer et d’entonner ensemble.
PAR ALPHA AMADOU SY
ALIOUNE DIOP, DÉJÀ 40 ANS !
Parler de lui, faisions nous observer, (…), instaure toujours dans une sorte d’inconfort voire de malaise.. Faute de pouvoir restituer ici l’intégralité de son oeuvre, il serait tout à fait indiqué d’en extraire certains aspects
Parler d’Alioune Diop, faisions nous observer, (…), instaure toujours dans une sorte d’inconfort voire de malaise. Pas uniquement parce que le Fondateur de Présence Africaine est une personnalité complexe et son œuvre des plus riches ! Mais, c’est parce que aussi «le bâtisseur inconnu du monde noir», pour reprendre Frédéric Grah Mel, avait élevé le «principe de l’effacement fécond» à la dignité de culte.
Qu’à cela ne tienne ! Sous le double rapport du devoir de mémoire et de l’exigence de contribuer à résoudre les contradictions qui assaillent notre présent si enveloppé de grisaille, il est impensable de s’en tenir à consacrer au grand Africain et panafricain qu’il fut une minute de silence et/ou une soixantaine de secondes de prières ! 02 mai 1980- 02 mai 2020, soit quarante ans après son décès, faute de pouvoir restituer ici l’intégralité de l’œuvre d’Alioune Diop, il serait tout à fait indiqué d’en extraire certains aspects. L’objectif est de faire comprendre à la jeune génération la qualité du travail abattu pour lui valoir la reconnaissance quasi unanime de tous ces intellectuels de diverses sensibilités philosophiques, idéologiques et politiques, résolument engagés dans les chantiers tortueux de l’émancipation des peuples africains et de leur diaspora (…)
Sans doute la curiosité est celle de savoir ce que le parcours d’Alioune Diop a de si décisif pour mériter autant de reconnaissance. Répondre à cette interrogation des plus légitimes, c’est renvoyer à ces trois actes majeurs que sont la création de la revue Présence Africaine, de la maison d’édition du même nom et de la Société Africaine de Culture. 1947, (…)
Une nouvelle carte géopolitique est dessinée à partir de la Conférence de Yalta en 1945, sous la houlette des nouvelles puissances que sont les USA et l’URSS. L’Europe s’est scindée à deux : l’occident cherche à se reconstruire grâce au Plan Marshall, les pays de l’est sous le joug soviétique. Et quelles perspectives pour les colonies d’Afrique ? Les réponses sont aussi diverses que divergentes voire contradictoires ! Pour Alioune Diop, la culture est l’unique réceptacle à l’unité de tous les intellectuels acquis à la cause de l’émancipation des peuples noirs du monde entier et la reconnaissance de leur patrimoine culturel (…).
Il en fera la ligne directrice à partir de laquelle il va poser différents actes comme les maillons d’une seule et même chaine. Le moment inaugural de cette singulière entreprise est la création de la revue Présence Africaine. Point n’est besoin de revenir ici sur toutes les difficultés qu’Alioune Diop et son équipe ont dû surmonter pour offrir à l’intelligentsia africaine une véritable tribune ouverte et sur leur continent et sur le monde (…)
En revanche, nous insisterons particulièrement sur le principe sur lequel Alioune Diop et ses collaborateurs ont constamment fondé l’unité, la solidité et la durabilité de leurs initiatives, à savoir permettre aux voix les plus contradictoires de bénéficier des droits à l’expression et à la publication. Qu’elles soient du continent comme Senghor ou de la diaspora, tels Césaire, Damas, Glissant, ou Richard Wright ! Deux ans après avoir porté la revue sur les fonts baptismaux et s’être assurés de sa solidité, Alioune Diop et ses amis ouvrirent un tout autre chantier, celui de l’édition. Parmi les publications de ce premier africain à devenir éditeur, l’on cite très souvent des ouvrages tels (…)
Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire et Nations nègres et culture de Cheikh Anta Diop et d’Aimé Césaire. Il est évident que certains de ces textes majeurs ne pouvaient passer inaperçus, au regard de leur portée éminemment anticolonialiste. Cependant, un livre comme Les Contes d’Amadou Coumba de Birago Diop, pour ne pas être subversif, n’en est pas moins révélateur de la profondeur de la vision du fondateur de Présence Africaine (…). (…).
Capitalisant sa riche expérience aussi bien dans la gestion de la revue que de la maison d’édition et tirant des enseignements de ses discussions multiformes et constantes avec ses collaborateurs, Alioune Diop prit conscience de la nécessite de franchir un nouveau pas. Ainsi, naquit l’idée d’un échange de vive voix avec une bonne partie de l’intelligentsia pour réfléchir sur la … présence des Africains et de leur diaspora dans le monde moderne. Ce projet entra dans l’histoire sous la forme d’un Congrès mondial des Écrivains et Artistes noirs, en 1956, à la Sorbonne, à Paris.
La comparaison de ce banquet culturel avec la rencontre au somment des leaders du Tiersmonde, à Bandoeng, en Indonésie, en 1955, est, à elle seule, suffisamment révélatrice du succès qu’il a connu. Mais, dans la mesure où toute initiative menée à terme en appelle souvent une autre, Alioune Diop dut ouvrir un nouveau chantier : la création de la Société Africaine de Culture. En fait, ce projet résulte de la nécessite de rationaliser les énergies (…) À l’actif de la SAC, ces deux rencontres historiques qui furent ses manifestations les plus emblématiques. D’abord, la tenue du second Congrès des Écrivains et Artistes Noirs, en 1959. Loin d’être réduit à une simple réédition de celui organisé trois ans auparavant à Paris, il a eu une double originalité. Il a été accueilli à Rome, précisément au Capitole, attestant du coup de l’extension du mouvement de la France vers l’Italie (…).
Ensuite, le choix du thème « L’unité des cultures négroafricaines », plus substantiel que celui du 1er Congrès, « La crise de la Culture ». Le second rendez-vous initié par la SAC a été l’organisation, en terre sénégalaise, du Premier Festival Mondial des Arts nègres. Tant par le pays d’accueil, par la diversité et la richesse des participations, par la nature des questions abordées que par l’esprit qui l’a enveloppé, ce banquet de la Culture est entré dans la postérité comme un évènement sans précédent (…)
Évidemment, comme tous les hommes, notamment ceux qui se mettent au service des grandes causes, Alioune Diop a connu bien de déceptions. Cependant, par ces actes fondamentaux (…) Alioune Diop a réussi à relever l’essentiel des défis découlant de son idée de la culture comme lieu de synergie des énergies. Fidèle à ce principe directeur, il a assuré une contribution irremplaçable à l’affirmation de l’identité culturelle des Noirs et à leur présence dans le monde contemporain (…). Alioune Diop a d’autant gagné plus en notoriété que son option du vecteur culturel, en réussissant à déjouer les pièges du culturalisme, a largement favorisé l’éclosion politique du courant acquis à l’indépendance immédiate des colonies. Pour preuve, le numéro 14 de la revue Présence Africaine, publié en 1953, a été considéré comme un tournant historique (…) pour avoir, entre autres, surtout servi de tribune à ceux qui étaient parmi les plus radicaux de l’époque. Mais ce parcours, (….) a suscité cette interrogation : quelles sont les qualités créditées à Alioune Diop et qui lui auraient permis de négocier avec succès bien de zones de turbulence ? Revient souvent, dans les témoignages (…), son aptitude à faire don de soi afin que l’autre soit. Ce « principe fécond de l’effacement », déjà susmentionné, trouve son prolongement dans sa remarquable capacité d’écoute, doublée d’une propension à toujours fédérer (… ).
Cette disposition d’esprit, conjuguée à son talent d’organisateur, lui a permis de bien tenir ce rôle des plus flatteurs dans la culture africaine, à savoir celui qui « use du fil et de l’aiguille », métaphore renvoyant au fédérateur. Ainsi, à chaque étape de son parcours, il a su unir les énergies nécessaires à la réalisation des tâches. À la première séquence, il a gagné la confiance de quelques figures de proue de la Résistance française, au nombre desquels Jean Paul Sartre, Emmanuel Mounier et Georges Balandier.
Ces membres constitutifs du comité de patronage vont fortement appuyer le noyau dur de la future revue Présence Africain, composé de Jacques Rabemananjara, Paul Niger, Guy Trirolien, Gabriel Lisette, Sourou Migan Apithy, Anani Santos (…) Abdoulaye Ly, entre autres. La seconde séquence est celle qui laisse apparaitre un Alioune Diop dont la volonté de nouer le dialogue et de tout régler par le dialogue est soumise à rude épreuve et par son expérience personnelle et par la trajectoire empruntée par le colonialisme (…). Il est évident qu’il a fallu à Alioune Diop une bonne dose de générosité et une expertise certaine pour réussi à fédérer à chaque étape des intellectuels de si fortes personnalités. Il en a fallu aussi pour se résoudre à se mettre au second plan, afin d’offrir à tout un chacun la possibilité de s’exprimer. Cet effacement lui a valu, entre autres, le surnom de Socrate noir (…) Ce surnom mérite d’être relativisé. Si cette comparaison s’avère pertinente sous le rapport de « l’art d’accoucher les esprits », elle montre ses limites au regard du patrimoine écrit, laissé par Alioune Diop (…). Conscient de la richesse de ce patrimoine, nous avions formulé (…) depuis 2010 le vœu : « de voir (…) publier l’essentiel des articles, des préfaces et discours rédigés par Alioune Diop (... )»