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25 avril 2025
Culture
Par Fadel DIA
ADIEU SAINT-LOUIS, BONJOUR NDAR
Pourquoi cette ville ne se muerait-elle pas en une cité conquérante et ne ferait-elle pas plus de place à l’héritage vivant de ceux qui lui ont donné leur sang et leur sueur plutôt qu’au souvenir d’un passé à jamais enfoui ?
Du Carsal (1) à la Convention des Saint-Louisiens (pour ne nous en tenir qu’à une période récente), ils sont légion ces lobbies dont la vocation est de réveiller cette belle endormie qu’est l’ancienne capitale du Sénégal, de lui redonner un peu de son lustre d’antan…Dame : presque quatre cents ans de passé connu et attesté par des documents, c’est sous nos latitudes un gisement exceptionnel, un fonds de commerce dont l’inventaire pourrait remplir plusieurs press-books touristiques alléchants !
Reste à savoir si, obélisques, jets d’eau et empoignades oratoires mis à part, il restera, dans quelques années, quelque chose des prestations de ces militants du Saint-Louis éternel. De quelle cause d’ailleurs se sont ils faits les champions, eux qui ont, à mon humble avis, le grand tort de ne brandir comme signes de ralliement que Faidherbe et les signares, les «Cahiers de doléances» (2) et la représentation du Sénégal au Parlement français, et par là même, de cultiver un splendide isolement de «minorité ethnique» portant en bandoulière une inguérissable nostalgie ?
Je commencerai par relater quelques scènes vécues. Au milieu des années 1970, j’ai commis dans un périodique publié alors à Saint-Louis (3) une série d’articles consacrés aux noms de rues dans la vieille cité. Je voulais instruire la population sur les illustres inconnus dont les noms ornaient encore les artères de l’ile (4), souligner le caractère quasi accidentel ou anecdotique de certaines dénominations (5), et montrer qu’on pouvait légitimement débaptiser certaines rues et places sans se renier.
Si certains de mes lecteurs approuvèrent, plusieurs notables de la ville m’accusèrent de dénigrement et même de crime de lèse-majesté ! Deux ou trois ans plus tard, alors que j’étais convié par le maire à participer à la cérémonie de jumelage retour entre Lille et Saint-Louis, j’assistais à une scène cocasse. Le maire de la ville natale de Faidherbe invitait celui de la ville à laquelle ce dernier devait sa renommée à renoncer à l’éloge qu’il voulait rendre à l’homme qui avait inspiré le jumelage : « Y en a marre de Faidherbe, nous dit-on sans ambages ! Nous sommes une municipalité socialiste et nous ne pouvons pas nous permettre d’encenser un conquérant colonialiste, un sabreur de populations civiles (6). Si encore on ne parlait que du général républicain, du vainqueur de Bapaume !»
Dix ans après cet évènement, alors que j’accompagnais un ministre de l’Education nationale, militant du réarmement patriotique qui se faisait une fête de donner au vieux lycée Faidherbe le nom d’Oumar Foutiyou Tall, j’assistais, éberlué à la plaidoirie d’une délégation de «cadres saint-louisiens» qui souhaitaient qu’on ne touchât surtout pas au vainqueur de Médine et de Loro…
Pourquoi donc Saint-Louis ne devrait-elle être fière que des marques et des empreintes laissées par le colonisateur ou par son cortège d’explorateurs et de négociants? Pourquoi tiendrait-elle pour négligeables celles imprimées, au prix souvent de beaucoup de sacrifices, par les hommes et les femmes du cru qui se succédèrent sur son sol pendant plusieurs siècles ? Pourquoi notre pays ne mettrait-il pas plutôt en exergue cette évidence : Saint-Louis, c’est la matrice où s’est forgé «l’homme sénégalais»! Elle l’est d’abord parce qu’elle est bâtie à l’entrée du fleuve qui a donné son nom à notre pays, parce que pendant longtemps elle s’est appelée «île du Sénégal», parce que, surtout, c’est sur son sol, sur un ruban de terre d’à peine deux kilomètres de long, que, pour la première fois, se rencontrèrent dans tous les sens du mot, que se mêlèrent, que s’opposèrent quelquefois, que fraternisèrent enfin, le wolof et le manjak, le joola et le pulaar… Il suffit pour s’en convaincre de consulter les registres de recensement général de la population de l’île à la fin du XVIIIe siècle (privilège qui n’appartient qu’à Saint-Louis). Tous les patronymes du Sénégal d’aujourd’hui y figurent : Kan (Kane), Guiouf (Diouf), Guiop (Diop), Gomis…
Aujourd’hui encore le «saint-louisien» ne répond, si l’on ne s’en tient qu’au seul nom de famille, à aucun critère ethnique. Ne nions pas non plus cette évidence : même si par coquetterie ou vantardise nous aimons anticiper la naissance de la «nation sénégalaise», nos frontières modernes sont artificielles, notre pays est une création coloniale dans sa configuration actuelle et c’est à Saint-Louis qu’il y a trois siècles les différences composantes culturelles qui l’habitent ont appris à vivre ensemble. Cela explique sans doute bien des choses et notamment que notre pays ait échappé aux «querelles tribales» qui ont suivi un peu partout la proclamation de l’indépendance.
L’île de Ndar était vierge de tout peuplement permanent à l’arrivée du colonisateur, on peut donc dire que tous ses habitants sont, d’une certaine manière, venus d’ailleurs, de gré ou de force. Saint-Louis c’est notre Amérique, le melting- pot où s’est formée une culture neuve, métissée, en rupture avec les ordres anciens.
Toutes ces raisons devraient inciter tout regroupement de saint-louisiens à être, non un cercle fermé, mais une communauté ouverte, sans exclusive, car on appartient à cette ville moins par la naissance que par la culture. C’est pour cela que nous devrions faire de Saint-Louis notre maison familiale, notre patrimoine commun, souhaiter que chaque sénégalais y ait un point d’ancrage, au lieu que l’ancienne capitale ne soit une enclave étrangère, même au sein de la région qu’elle administre et qu’elle est censée animer. Il y a un autre héritage dont Saint-Louis pourrait aussi s’enorgueillir, c’est l’extraordinaire capacité de résistance dont a fait montre sa population face au colonisateur qui s’était ingénié à la diviser en castes et classes, opposant «hommes de couleur» et «gourmettes», «nègres libres» et «engagés à temps», esclaves et captifs de «case» ou de «traite», «habitants» et étrangers, ces derniers comprenant aussi bien les gens venus du Cayor tout proche que ceux qu’on appelait déjà «Toucouleurs» !
Créée par les Blancs mais peuplée par les Noirs, Saint-Louis a pu ainsi préserver son identité africaine. Au temps de Faidherbe il était interdit aux griots d’y passer la nuit, mais nul n’a jamais réussi à briser la chaine des généalogies dont ils assuraient la survie. On y a organisé des autodafés de gris-gris, pourchassé les marabouts et fermé leurs écoles, mais on n’a pas pu y empêcher la construction d’une mosquée «en dur» dès le milieu du XIXe siècle. C’était une gageure : malgré sa modestie c’est à la fois le plus ancien monument de ce type et de cette nature construit dans la sous-région avec ce matériau et le premier financé par souscription publique ! Pendant des générations seule la minorité européenne et métisse avait le droit, à Saint-Louis, de porter l’appellation «d’Habitants», et pourtant il n’y a pas eu de «kriolisation» de la population, c’est-à-dire de constitution d’une oligarchie dominante avec sa langue et ses rites.
A Saint-Louis, au contraire, les «signares» tenaient des «sabars» et les métis se mettaient au wolof. Même si aux élections législatives de 1914, qui allaient faire date, la vieille cité ne donna pas ses voix à Blaise Diagne, sans doute parce que le ressentiment contre Dakar qui lui avait ravi le titre de capitale de l’AOF ne s’était pas dissipé, c’est de l’île que partit le mouvement de jeunes patriotes, formés pourtant, pour la plupart, à l’école coloniale, qui allaient contribuer à faire du Goréen le premier député noir du Sénégal ! Ce sont donc les saint-louisiens qui ont assimilé le colonisateur et non l’inverse et c’est une prouesse que leur cité, porte drapeau de la présence française en Afrique de l’ouest, soit devenue le symbole de la plus médiatique des valeurs sénégalaises : la «téranga» !
Alors, pourquoi, avec tant d’atouts, ne peut-on se permettre de démomifier Saint-Louis ? Pourquoi cette ville ne cesserait-elle pas de toujours donner l’impression d’être une cité recroquevillée dans son passé, frileuse, toute confinée dans une histoire qui, quelquefois la concerne si peu ? Pourquoi ne se muerait-elle pas en une cité conquérante et ne ferait-elle pas plus de place à l’héritage vivant de ceux qui lui ont donné leur sang et leur sueur plutôt qu’au souvenir d’un passé à jamais enfoui ? Pourquoi, pour tout dire, ne pas enterrer Saint-Louis, qui est le nom de plusieurs dizaines de villes dans le monde, et redonner vie à Ndar, nom qui appartient à notre patrimoine et qui a une histoire ?
Oui, nous pouvons déboulonner la statue du général Faidherbe sans que le ciel nous tombe sur la tête, nous pouvons débaptiser la place et le pont qui portent son nom, et qui ne sont pas ses créations, sans attenter à l’histoire et surtout à l’Histoire !
Et puis sachons raison garder : le Saint-Louis hérité de la colonisation française n’est ni la Carthagène des Indes ni la Quito d’Equateur héritées de l’occupation espagnole (7). A l’exception du pont métallique (8) il n’y a pas sur l’île de monument qui mérite d’être inscrit à l’inventaire du patrimoine national au point d’être totalement intouchable. Je ne veux pas dire par là qu’on peut mettre à bas tous ses vieux édifices, je veux seulement dire que nous devons reconnaître que, l’âge, le climat, les déboires économiques aidant, plus aucun d’entre eux ne constitue aujourd’hui un modèle achevé et intact des constructions à argamasse de la période faste.
L’important, aujourd’hui, c’est de redonner à la vieille cité l’harmonie et la grâce dont avaient peut-être rêvé les plus inspirés de ses bâtisseurs ainsi que cette patine qui est la marque d’une longue existence, de restituer la divine surprise qu’ont dû éprouver ceux qui descendaient le fleuve et venaient d’un monde où dominent la paille et l’argile, et qui au détour d’une courbe, ont vu la ville de Saint-Louis surgir au-dessus de l’eau. Il faut restituer Saint-Louis à l’histoire et rendre à Ndar ce qui lui appartient et qui non seulement survivra au pic des démolisseurs, mais pourrait encore remplir une enviable corbeille de mariage ou inspirer un risorgimento salvateur. Ce qui appartient à Ndar c’est ce site improbable et aujourd’hui menacé, entre mer et rivières, avec vue imprenable sur l’infini, avec, sur plusieurs kilomètres, le fleuve Sénégal qui frôle la côte sans se décider à rejoindre l’Atlantique, faisant sa coquette comme le paon fait la roue.
Mais la perfide mer se vengera de ces simagrées en plantant une infranchissable «barre» à son embouchure. Ce qui appartient à Ndar c’est aussi cette mince et étroite pellicule de sable et d’argile, à la jonction du désert et de la mangrove, conquise sur les marées et la vase, longtemps hérissée de bâtisses blanches et carrées qui lui donnaient l’air d’une cité méditerranéenne exilée sous les tropiques. Ce qui appartient à Ndar c’est cette douceur de vivre qui y ramène les retraités et qui y retient les femmes : nulle part au Sénégal celles -ci ne sont aussi sûres d’elles-mêmes, et nulle part les mères ne sont autant aimées. C’est cette civilité qui est probablement le fruit du modus vivendi imposé par la rencontre d’hommes et de femmes d’origine sociale et ethnique aussi diverse. Ce qui appartient à Ndar c’est, enfin, cette nostalgie dont elle aura toujours à revendre…
(1) Comité d’Action pour la Rénovation de Saint-Louis (2) Probablement l’une des plus tenaces supercheries de l’histoire coloniale du Sénégal, que Senghor a contribué à répandre. Il ne s’agissait en fait que du manifeste d’un négociant qui revendiquait une plus grande liberté de commerce et nullement l’émancipation des esclaves. (3) Il s’agissait du Bulletin de la Chambre de Commerce. (4) Qui, même en France, se souvient du Baron Hyde de Neuville dont le nom avait été donné à la principale artère du sud de l’île et qui ne devait ce privilège qu’au fait qu’il était Ministre de la Marine, donc chargé des colonies ? (5) Comme la rue Navarin, toujours au sud, nom d’une modeste victoire navale française sur les Turcs (1827) qui eut lieu au moment même où l’on baptisait pour la première fois des rues à Saint-Louis. (6) A titre d’exemples : en 1857 Faidherbe fait bombarder tous les villages du Fouta situés au bord du fleuve Sénégal, de Nguidjilogne à Dembancané, soit sur 150 km ; en mars 1861 il fait incendier 25 villages du Cayor, entre Kelle et Mekhé etc. (7) En 1838 il y avait à Saint-Louis 310 maisons de briques, de qualité très inégale, et 3000 cases dont 2/3 en paille ; en 1870 la ville comptait 500 maisons en briques et encore 4000 cases ! (8) Rappelons tout de même que le pont d’origine a été remplacé, il y a quelques années, par un pont neuf construit à l’identique.
NB : La mention indiquant que le pont Faidherbe a été reconstruit n’était évidemment pas dans le texte d’origine, publié il y a plus de 25 ans dans Nouvel Horizon. De même que l’explication du sigle Carsal.
UNE VIE DE COMBAT CONTRE LE NÉOCOLONIALISME
Le mouvement qui s’oppose au racisme anti-noir à travers le monde se prolonge au Sénégal et ailleurs dans une remise en cause effective du colonialisme - SenePlus rend hommage à quelques patriotes sénégalais
Le mouvement qui s’oppose au racisme anti-noir à travers le monde se prolonge au Sénégal et ailleurs dans une remise en cause effective du colonialisme et principalement du néo-colonialisme qui perdure aujourd’hui encore en l’Afrique francophone tout particulièrement.
SenePlus rend hommage à quelques patriotes sénégalais qui ont porté ce combat toute leur vie :
EXCLUSIF SENEPLUS - Passé par Oxford et aujourd’hui enseignant à l’université de Chicago, il porte un regard, entre autres, sur les relations littéraires des deux côtés du Sahara, sur la nécessité d’une critique exigeante - INVENTAIRE DES IDOLES
Auteur, critique, universitaire, Khalid Lyamlahy est un ambassadeur des lettres, au profil atypique et précieux dans le paysage littéraire africain et maghrébin. Auteur en 2017, aux éditions Présence africaine, de « Un roman étranger », un texte qui interroge la création littéraire, les réflexions sur le renouvellement du titre de séjour et l’amour. Passé par Oxford et aujourd’hui enseignant à l’université de Chicago, il porte un regard, entre autres, sur les relations littéraires des deux côtés du Sahara, sur la nécessité d’une critique exigeante. Entretien et portrait.
Par quel bout prendre l’affaire ? Khalid Lyamlahy n’est pas tellement garçon à se laisser deviner ; il n’est pas non plus avare et donne l’embarras du choix. Auteur, critique, universitaire, simple lecteur, il cumule les casquettes - sans disharmonie, ni conflits -, jusqu’à s’affirmer comme un profil précieux pour lire les lettres africaines et maghrébines, en les réconciliant tout en dégageant l’horizon. Un roman d’abord, entre tout, au titre peu évocateur ‘un roman étranger’, publié en 2017 aux éditions Présence africaine. On y suit les réflexions d’un narrateur sur l’écriture, prenant le prétexte du renouvellement de son titre de séjour, pour mettre en miroir les démarches préfectorales harassantes et la tâche du romancier : créer. La quête de l’amour tapisse l’arrière-fond du récit. L’idée d’un tel parallèle est perspicace et le long des pages, elle se révèle pertinente, avec un réel flair. D’une écriture mature, capricieuse, parfois presque symétrique dans la longueur des phrases, il signe un texte abouti et réflexif, qui sous des dehors doux, explore la création et laisse sourdre un regard sur la migration, reprenant presque à son compte le mot de Sartre : « glissez mortels, n’appuyez pas ». En fermant ce court roman, il reste un goût d’inachevé, tant l’auteur porte un discours ouvert sur la signification même de l’écriture, et tout ce qui l’environne, lui donne sa matière : la vie. A ce propos, Khalid Lyamlahy est déjà un tantinet au clair sur le sens qu’il donne à ses perceptions de l’écriture : « Ecrire, c’est tenter d’appréhender un monde qui ne cesse de nous échapper ou de nous être refusé (…), un monde souvent étouffé dans des jeux de pouvoir, des rapports de domination, des logiques de fuite, d’exclusion et de mise à l’écart ».
« Un roman étranger »
Le narrateur qui porte le récit, étudiant dans une ville européenne que l’on devine française, entretient une relation d’amour brumeuse et indicible avec Sophie, collègue étudiante. Il partage la même condition du créateur en bute à la sécheresse de l’inspiration avec Lucien, autre protagoniste, artiste peintre et ami de la faculté. Le roman triangule entre ces trois personnages. On les suit, mais surtout, on embarque à l’ombre du narrateur omniscient, dans son récit du quotidien, du détail. Pour un tel livre qui parcourt les labyrinthes de la création, « le déclic, selon l’auteur, est venu par la forme : j’ai eu d’emblée, confie-t-il, l’idée de construire le roman suivant une structure triangulaire alternant les trois niveaux de la narration (le renouvellement du titre de séjour, l’écriture du roman et l’histoire d’amour.) » Les trois échelles, pas tellement proches en termes d’affinités naturelles, cheminent pourtant, avec la trame commune de l’angoisse, de l’incertitude et de la peur comme socle commun. « Comment transformer la carte de séjour en « objet » littéraire et comment faire dialoguer la page blanche et la pièce d’identité ? », se demande l’auteur ». « Dans un cas comme dans l’autre, et même s’il n’est jamais total ou abouti, « l’épanouissement » – pour reprendre votre terme – s’apparente à un long parcours figurant à la fois le cheminement de l’écriture, avec son lot de doutes et d’incertitudes, et la quête du titre de séjour, avec sa somme d’étapes éreintantes. » C’est ainsi que par le menu, toutes les démarches de renouvellement les objets, les décors, les situations, sont décrits avec une remarquable minutie et une restitution presqu’ethnographique.
Les nuits d’angoisse, l’encre sèche face à la feuille blanche, les jours sans, tout devient prétexte pour questionner le processus d’engendrement du texte, plus globalement, celui de la création artistique. Sensible et identificatoire, le texte parle à tous, mais surtout, à cette somme d’étrangers, réguliers des couloirs et des guichets consulaires. Plus qu’un clin d’œil, l’auteur l’a inscrit au cœur de son projet : « j’ai voulu aussi écrire un roman qui témoigne à la fois de l’expérience d’un grand nombre d’étrangers et de la souffrance inhérente à toute création ». Une telle ambition aurait pu s’alourdir d’un militantisme, trait commun de beaucoup de livres africains sur l’immigration, forme de « lamentations sacrées » mais coup de bol, le texte ne verse jamais dans le discours politique. « Je ne voulais pas écrire un réquisitoire mais plutôt un témoignage romancé sur l’expérience du renouvellement du titre de séjour », abonde-t-il, clarifiant le choix. Le produit ? Une philosophie ouatée et un art du roman empreint de maîtrise, marquent déjà une écriture qui habilement met à distance le récit, où l’auteur s’engage sans se dévoiler. Et la réception n’a pas manqué de le saluer. Sur le plateau de Lareus Gangoueus[i], la tonalité de l’appréciation du critique Zacharie Acafou, est élogieuse. Il note un style « détaché », « un enchainement des phrases », un texte « calme » et livre son verdict sur ce qui a été manifestement une belle lecture : « livre à lire ». On note le même enthousiasme chez Julie Gonnet pour Jeune Afrique [ii]qui relate les « obsessions » de l’auteur dans sa quête.
Atelier du nouveau roman
De quelle école tient-il sa filiation ? Khalid Lyamlahy ne semble pas être homme à s’encombrer de figures tutélaires, potentiellement invasives. Grand lecteur, des Balzac, Flaubert, Stendhal, Proust et Cie, il fait néanmoins une halte marquée quand on lui demande des inspirations, chez les figures du nouveau roman : « je garde une affection particulière pour les romans de Robbe-Grillet, Simon, Sarraute, Ollier, Butor et les autres. Leurs écrits m’ont alerté sur la nécessité de saisir la réalité dans ce qu’elle a de plus immédiat et de plus éphémère tout en interrogeant de manière continue « l’aventure de l’écriture », pour reprendre le terme de Jean Ricardou ». Le roman s’inscrit effectivement dans ce sillage, en saisissant à la volée, l’instant, le détail, le sentiment furtif, l’élément fugace ; tout se fondant dans un propos plus global sur le sort des étrangers. Il va même au-delà, en interrogeant l’écriture elle-même, comme question fondamentale de la quête de sens. On pourrait, pour chasser des ascendances, songer à l’absurde parfois dans la maniaquerie de l’écriture, mais la figure est trop convenue.
L’ambiance au ralenti qui accueille le lecteur le conduit à se demander quel créateur se cache derrière ce roman à la fois étrange et étranger ; à l’auteur d’abord, aux lecteurs ensuite, même si tous se retrouvent, bon an mal an au fil des pages, dans la mêlée. L’une des réussites du livre entre autres, c’est justement cette facilité de l’auteur à jouer avec lui-même, avec le lecteur, sans que le style ne soit marqué par une désinvolture particulière, une ironie mordante, ou une cascade d’émotions. Sans manquer dans le texte, ils épousent une marée basse, où d’un jet homogène, tout semble être dit avec l’économie de procédés. Ce qui donne un tonus et une patte spéciale à ce roman de la migration, si peu politique, et qui fait triompher la littérature du piège du combat idéologique toujours prêt à se refermer sur le sujet.
Passerelle entre l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord
Cette élégance, on la retrouve, identique dans les mots de l’auteur, sur son propre texte. A nos questions, la même précocité, parfois, un poil, agaçante, tant il semble méconnaître ou mépriser les vagues. Tout paraît soupesé. L’horizon d’écriture, maîtrisé. Cet air de rien est-il pour autant une renonciation ? Un retrait ? Pas vraiment. Il s’en explique : « Personnellement, je pense qu’il faudrait mettre encore plus de lumière sur les conditions, souvent absurdes et inhumaines, qui créent cette tension et favorisent l’humiliation, le rabaissement et l’exclusion des étrangers ». S’il a été bien reçu du Maroc à la France, en passant par l’Angleterre, ce roman évolue dans un espace littéraire non identifié : l’espace entre l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord. Marocain, Khalid Lyamlahy, ne peut manquer de remarquer cette étrangeté qui fait des discontinuités dans le paysage littéraire. Outre l’évidente barrière de la langue, la littérature maghrébine reste très méconnue en Afrique et inversement.
Si l’auteur a été publié par Présence africaine, le constat lui reste inchangé, un poil amer, sur l’absence de passerelles, encore plus marquée dans les nouvelles générations. Car, comme le rappelle, l’auteur : « On oublie souvent que Présence Africaine a publié des auteurs maghrébins tels que le poète algérien Noureddine Aba, l’universitaire et économiste marocain Driss Dadsi ou encore l’écrivain et dramaturge tunisien Hafedh Djedidi. » Cette période paraît lointaine et confidentielle pour beaucoup. Preuve que les ruptures semblent plus nettes, sans être condamnées, Khalid Lyamlahy esquisse des pistes sur cette histoire non soldée, héritière des traites transsahariennes et de leurs séquelles : « il faut enseigner et étudier cette histoire, éclairer les consciences, rappeler les crimes du passé et œuvrer au présent pour éradiquer les différentes formes de racisme qui, faute d’éducation, continuent malheureusement de sévir au Maghreb et ailleurs. Il me semble aussi que l’une des clés est d’apprendre à « franchir » cette pseudo-séparation entre le nord maghrébin et le sud sub-saharien : par exemple, les auteurs maghrébins devraient lire beaucoup plus leurs confrères sub-sahariens et vice-versa. A cet égard, la traduction doit jouer un rôle majeur de transmission et de désenclavement. Malheureusement, très peu d’auteurs africains sub-sahariens sont aujourd’hui traduits en arabe : c’est incompréhensible ! » Le diagnostic est on ne peut plus précis ; le chantier lui, immense, dans un désert saharien au sens total du mot qui engloutit les initiatives et dresse des bordures.
Le profil de critique
De ce propos pénétré d’expérience et d’acuité sur le paysage littéraire, se dessine le profil d’un homme en lettres capitales. Né à Rabat en 1986, Khalid Lyamlahy a grandi « dans une famille d’enseignants de langue arabe spécialisés respectivement en rhétorique et en grammaire » Le pedigree est déjà là mais aussi le potentiel conflit linguistique. « A la maison, j’ai pu lire les œuvres des grands romanciers arabes même si je me suis très vite focalisé sur la littérature francophone », se souvient-il. Si les études en lettres ont mauvaise presse, « certes, je suivais une formation scientifique, mais je prenais soin de maintenir un rythme soutenu de lecture », il s’entête. Comme une évidence, la littérature s’affirme d’elle-même et une anecdote ancre un peu plus le choix : un concours d’écriture remporté au centre culturel français. Un lieu fondateur ? « Dans ma jeunesse, la fréquentation du Centre culturel français m’a beaucoup marqué : c’est là que j’ai découvert et cultivé ma passion pour la littérature et plus tard pour l’écriture. »
Tout cela le mènera à embrasser des études de lettres à la Sorbonne Nouvelle d’abord, ensuite à Oxford où il soutient son doctorat consacré aux thèmes de la révolte et de la mémoire dans l’œuvre de trois auteurs marocains contemporains. C’est dire que le jeune chercheur est dans son élément. Les textes, il les connaît. A côté du romancier, cette fibre critique se développe. Dans ses recensions, dans des revues et journaux spécialisés en littérature, dont principalement En Attendant Nadeau (dirigée par l’ancienne équipe de La Quinzaine littéraire fondée par Maurice Nadeau en 1966), Non-Fiction.fr et Zone Critique, la tonalité studieuse partage la même distance, la même force d’analyse, et une fidélité de la restitution : « L’écriture correspond à la tentative de restituer, et peut-être combler, cet écart. » Parent pauvre du paysage littéraire africain, très souvent vilipendée pour ses soumissions aux coteries, la critique peine à s’épanouir. Elle est éreintée, parfois injustement, tant les champs ne paraissent pas également dotés. Dans la critique universitaire, la tradition ne s’affadit pas. C’est plus globalement dans celle accessible, médiatique, que semble régner une complaisance qui va jusqu’à disqualifier le genre réduit à une petite portion sans portée et surtout incarnée par des figures hors du continent dans l’extraversion habituelle. Khalid Lyamlahy en est conscient : « Je profite de cet échange pour souligner qu’il y a un besoin urgent de développer et de promouvoir la critique littéraire en Afrique. La critique exigeante prolonge l’œuvre, donne sens à l’écrit, ouvre des espaces de réflexion et d’échange. C’est là un exercice qui doit être pris au sérieux. » Il s’inscrit dans un regard plus global, dans l’essence même de l’exercice : « La critique est une école de l’exigence et de l’humilité mais aussi l’occasion de saluer l’effort d’un travail, d’entamer un dialogue à distance avec son auteur et d’ouvrir des pistes de réflexion. » Un constat salutaire de nécessité d’échange, entre tous les niveaux de la critique : « J’essaie de pratiquer une critique qui combine la rigueur de l’universitaire, le souci d’informer du journaliste et la sensibilité réfléchie du lecteur lambda ». On ne saurait dire plus sinon souhaiter la venue de ce temps, en une expression plus contagieuse.
Depuis l’hiver 2019, Khalid enseigne les lettres maghrébines à l’université de Chicago. Il a pris le chemin de nombres de profils universitaires formés en France qui cèdent à l’appel de l’Atlantique, aussi pour échapper aux crispations françaises « et peut-être les repenser à partir d’une nouvelle perspective », glisse-t-il. Le contrat semble rempli et à l’aube d’une vie pleine de lettres au sens plein, le gamin mordu de foot de Rabat, même un brin nostalgique de ce qu’est devenu son sport fétiche aujourd’hui industrialisé, élargit le champ. Lui qui aime le jogging : « La course à pied m’installe dans une forme de vide salutaire qui me rappelle l’écriture : l’esprit s’éclaircit et les idées se renouvellent. J’ai également une grande passion pour les voyages et l’art en général ». Ça ferme le ban ! Un profil de l’agrégation, de la superposition. Hétéroclite ou éclectique ? C’est selon. Un nouveau souffle générationnel dans les lettres africaines qui embrassent tout le monde, sans céder aux tentations particularistes, non plus à celles de la dilution ? C’est un vœu commun, déjà en lettres capitales, avec celui qui en fait frémir le rêve.
Note : Cette chronique est la dernière de cette rubrique qui s'achève. Merci pour les lectures, les mails et les commentaires. Et un merci tout spécial aux 'idoles' célèbres ou anonymes qui ont nourri les textes.
EXCLUSIF SENEPLUS – Le délit d’offense au chef de l’Etat n’a pas de place en démocratie surtout quand il est appliqué à la tête du client – Faidherbe ici, Andrew Jackson là-bas, les symboles de l'oppression sont déboulonnés
Lu Bees, (Quoi de neuf ?) avec René Lake à Washington et Ousseynou Nar Gueye à Dakar.
De Dakar, notre éditorialiste pointe cette "arme nucléaire", inutilisable de ce fait même, que sont les poursuites pour délit d'offense au chef de l'État, à la lumière de celles classées sans suite et qui ont fait "pschit" contre le commissaire à la retraite Boubacar Sadio, après sa lettre ouverte incendiaire à l'endroit de Macky Sall. Il analyse aussi le traitement à la tête du client réservé aux contempteurs de président.
De Washington, René Lake observe que le mouvement Black Lives Matters ne fléchit pas, et gagne la planète entière, dans une revendication antiraciste mondialisée qui refuse désormais jusqu'aux symboles célébrant les racistes d'hier. Même la statue d'un président américain, Andrew Jackson (1829-1837), est en voie d'être déboulonnée de son piédestal un peu partout aux USA.
Et dans cette guerre de la symbolique, les demi-dieux de tous les sport ne sont pas en reste et s'illustrent en mettant le genou à terre en hommage à George Floyd, sans plus désormais encourir les foudres de leurs ligues.
Lu Bees est un partenariat audiovisuel entre Seneplus et Tract.sn. La réalisation et le montage de votre talk hebdomadaire du mercredi sont assurés par Boubacar Badji.
L'HISTOIRE RESTE CELLE DES BLANCS
Pour l'historienne Françoise Verges, refuser de retirer des statues, comme l’a affirmé le président Emmanuel Macron, montre que la République française est coloniale
Dans plusieurs pays européens - mais aussi aux Etats-Unis comme cela a été le cas récemment à San Francisco - les statues et monuments représentant des figures du colonialisme et de la traite d’esclaves sont devenus la cible des manifestants contre le racisme.
Ce n’est pas le cas en France, le président Emmanuel Macron a déclaré le 14 juin dernier que la "République ne déboulonnera pas de statue".
Françoise Verges, historienne et politologue, ancienne présidente du Comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage, considère pour sa part que refuser de retirer des statues montre que la République française est coloniale alors que selon elle, l'histoire est en permanence revisitée.
Tout comme l’allocution de l’aide à la presse dans le cadre du Plan de Résilience Economique et Social, la répartition du fonds destiné aux acteurs des arts visuels est partie pour faire du grand bruit
La répartition des fonds affectés par le Président le République dans le but d’aider les acteurs du secteur des arts visuels pour faire face aux effets induits par la pandémie de la covid-19 fait grincer des dents. L’ouverture d’un appel à candidatures pour l’acquisition d’œuvres d’art pour le domaine privé artistique de l’Etat du Sénégal par le ministère de la Culture et de la Communication n’est pas appréciée par tous les artistes plasticiens.
Tout comme l’allocution de l’aide à la presse dans le cadre du Plan de Résilience Economique et Social, la répartition du fonds destiné aux acteurs des arts visuels est partie pour faire du grand bruit. Pour cause, l’appel à candidatures pour l’acquisition d’œuvres d’art pour le domaine privé artistique de l’Etat du Sénégal ouvert par le ministère de la Culture et de la Communication à cet effet, est loin de rassurer certains artistes plasticiens.
A les en croire, le partage du fonds qui a pour « but d’accompagner les acteurs du secteur à faire face aux effets induits par la covid-19», risque de tout être sauf «équitable». «Quand on veut soutenir des artistes, on ne doit pas fixer des critères d’excellence parce que c’est des conditions pour écarter des gens, surtout les plus “petits“.
De ce fait, ce sont les mêmes personnes les plus douées qui sont aussi des millionnaires qui vont se partager l’argent et les autres qui sont le plus dans le besoin vont être laissés en rade », a déclaré l’artiste plasticien, Mapathé Diallo. Une position appuyée par plusieurs autres artistes qui ont pris langue avec Sud Quotidien. Un argumentaire battu en brèche par leur collègue Viyé Diba représentant le sous-secteur des arts visuels au Comité de sélection.
Selon lui, le fonds mis en place par le Chef de l’Etat, devra également profiter à «ceux qui avaient fait des investissements pour préparer la Biennale de Dakar de par les expositions». «Le fonds, peut traduire le social mais aussi un acte économique fort parce que ça permet aux artistes de contourner un évènement essentiel dans le domaine professionnel qu’est la Biennale», avance Viyé Diba.
Non sans ajouter, «c’est une situation exceptionnelle qui s’impose à tout le monde mais en même temps, l’Etat veut appliquer, ce que nous trouvons intéressant, le décret sur le patrimoine artistique privé de l’Etat conformément au décret de 1967 dont l’objectif est de doter ce pays d’une collection nationale», explique M. Diba. Toutefois, il faut préciser que la Biennale d’art contemporain de Dakar qui devrait avoir lieu du 28 mai au 28 juin 2020, est dotée d’un budget d’un milliard de F Cfa.
«ONNE VA PASMETTRE DANSLE PATRIMOINE ARTISTIQUE PRIVÉDE L’ETATLESGENSQUISE CHERCHENT»
En effet, sur le document de l’appel à candidatures, il est demandé aux candidats de mettre le «coût estimé de chaque œuvre» mais également, on peut lire : «Dans la perspective d’un éventuel règlement, l’artiste doit également fournir un relevé d’identité bancaire». Mapathé Diallo pense que ces critères sont discriminatoires. «Parmi les artistes les plus démunis, certains n’ont même pas de comptes bancaires. On demande encore à chacun de définir son prix mais tu peux envoyer ton tableau, au retour on te dit que c’est cher. Un artiste qui n’a même pas une quantité suffisante de peinture qui fait un tableau qui n’a pas de qualité, même s’il vous propose 500 mille F Cfa, vous n’allez pas acheter», martèle M. Diallo.
Là également, Viyé Diba souligne que l’appel à candidatures est juste motivé par le décret de 1957 qui fixe les règles de participation. «Ça doit être perçue comme une volonté d’organiser davantage le secteur et son mode de fonctionnement. Si on applique le décret, il est juridiquement encadré. Ce n’est pas n’importe comment qu’on achète. On achète les artistes qui ont une signature qui permet à l’Etat d’avoir une histoire de l’art crédible parce que ceux qui ont été achetés dans le cadre du patrimoine privé de l’Etat ont d’abord démontré la qualité de leur travail», a tenu à préciser M. Diba. Il renchérit : «On ne va pas mettre dans le patrimoine artistique privé de l’Etat, les gens qui se cherchent».
Toutefois, il rassure que tous les acteurs des arts visuels vont se retrouver dedans. «On a trouvé un compromis qui ne va léser personne. Ce fonds concerne tout le monde même les artistes qui interviennent dans les hôtels. Par conséquent, on est obligés de créer un mécanisme de sélection sinon ce serait impossible», a soutenu Viyé Diba. Et d’ajouter, «l’appel à candidatures est là pour montrer que le fait de participer à ce projet est un acte volontaire et personnel».
Aux yeux également de certains artistes plasticiens, le délai d’inscription est court (du 22 au 27 juin 2020) pour permettre à tous les artistes du pays de s’inscrire. «Il n’y a pas mal d’artistes qui sont loin. Donc, ça ne permet pas à tout le monde de se mettre dans les mêmes conditions», a laissé entendre Mapathé Diallo. «Tout doit être réglé. C’est le gouvernement lui-même qui veut que cet argent-là aille à ceux qui doivent en avoir. On ne doit pas trainer avec ça», répond Viyé Diba.
Pour Mapathé Diallo, «acheter les œuvres d’art ne signifie pas forcément aider les artistes». Et donc, le ministère de la Culture et de la Communication aurait pu procéder à une autre manière de répartition des fonds pour pouvoir soutenir les artistes. Il propose la création d’espaces d’expression ou le dépôt des fonds à la caisse de sécurité sociale des artistes. «Les artistes qui ont le plus besoin du fonds, ce sont ceux qui sortent de l’école. Tu vois un jeune qui sort de l’Ecole nationale des arts qui n’a même pas de quoi acheter de la peinture ou des toiles. Il y’a aussi des jeunes qui ont des problèmes d’espaces d’expression.
Aussi, 500 millions, s’ils veulent réellement aider les artistes, il y’a la caisse de sécurité sociale des artistes. Combien d’artistes meurent avec des problèmes de santé ? Les artistes ont des problèmes pour avoir de bons espaces de travail. Avec 500 millions, on peut aller au village des arts, il y’a des l’espace là-bas et créer de grands ateliers où les artistes pourront travailler », explique Mapathé Diallo. Toutefois, Viyé Diba est d’avis que « rien de tendancieux » n’existe dans la répartition des fonds du secteur des arts visuels. Il soutient même que «ce sont des gens expérimentés qui vont juger les travaux».
Rappelons que sur le document de l’appel à candidature, il est écrit que le ministère de la Culture a envisagé l’acquisition directe en accord avec le sous-secteur des arts visuels. Le cri de cœur des artistes plasticiens survient après celui des danseurs qui se sont dit lésés dans la répartition du fonds covid-19. Ils avaient craché sur ce qui leur est revenu surles 3 milliards destinés au secteur de la culture.
"QU'ON GARDE GORÉE INTACTE AVEC SES RUES"
Maire de Gorée, Augustin Senghor rappelle que si l’île est classée patrimoine mondial, c’est grâce à son histoire. Selon lui, il faut garder intact cet héritage avec les noms de rue hérités de la colonisation
A Gorée, la plupart des rues portent encore le nom des colons…
Je peux dire que toutes les rues de Gorée portent à 90% le nom des colons européens et particulièrement de Français qui sont les derniers occupants de l’île. Il n’y a pas à proprement parlé de noms sénégalais à part les rues comme la rue des Bambara, la rue de Dakar. C’est vraiment des exceptions qui portent le nom de personne ou de communauté.
Quel est le symbole que revêtent ces noms ?
C’est un symbole particulier. Avant les indépendances, Gorée comme beaucoup de localités, notamment comme toutes les quatre communes françaises, était sous occupation française. Ipso facto les rues ont été baptisées aux noms des gouvernants, des Français qui occupaient l’île. C’est aussi simple que cela. C’est la même chose quand on va à Saint-Louis, voire un peu à Dakar dans certaines rues à Rufisque aussi. Il n’y a pas de symbole particulier qui soit attaché à cela, sauf que les habitants de l’époque naturellement étaient tournés vers la France, et donc les décideurs. Les collectivités locales donnaient des noms français aux différentes rues et places.
Dans sillage du mouvement «Black lives matter» qui fait suite à l’assassinat de George Floyd, des statues d’esclavagistes ont été déboulonnées. Il y a un débat partout sur cette question. Est-ce que ce n’est pas le moment de débaptiser ces rues ?
Sous cette question, je vais donner une réponse qui est assez mitigée parce qu’il faut savoir que Gorée est classée patrimoine mondial. Et si Gorée est classée patrimoine mondial, c’est par rapport à son histoire. Est-ce que ce serait cohérent de préserver cette histoire pour les générations futures et débaptiser ces rues et surtout d’effacer cette histoire-là ? Puisque qu’aujourd’hui pour pouvoir se souvenir de ces faits-là vraiment condamnables, on a besoin de laisser des traces aux générations futures pour qu’elles comprennent, qu’elles voient et touchent du doigt, du regard ce qui s’est passé il y a plusieurs siècles en avant. C’est comme si on nous disait puisqu’on veut effacer l’image de la violence sur George Floyd, démolissez la Maison des esclaves. Il faut savoir raison gardée, ne pas faire dans l’émotivité qui nous est toujours attribué par les autres civilisations, notamment les Européens, les Occidentaux et analyser lucidement ce qu’il faut faire. C’est un patrimoine, il se conserve avec ses plus et ses moins, c’est-à-dire avec ses choses positives et ses choses négatives. Et c’est en cela que la conservation du patrimoine historique et culturel nécessite des fois d’y réfléchir deux fois avant d’effacer ses traces. Sinon ça va nous amener vers l’oubli de ce que jamais l’humanité ne devrait oublier. S’il y a oubli, il y a des risques de répétition de l’histoire. C’est important qu’on préserve ça : Quand les touristes viennent, ils auront le droit de savoir ce qui s’est passé et qu’ils puissent créer un sentiment de repenti pour que les gens disent plus jamais ça. Je militerai à ce qu’on garde intacte Gorée en tant que patrimoine avec ses rues. Il y a une quinzaine d’années, une nouvelle politique d’adressage des rues avait été lancée. Le Conseil avait pensé qu’il valait mieux préserver ce patrimoine avec ses rues qui sonnent européennes pour montrer les stigmates et de la traite négrière et de la colonisation.
LES SYMBOLES DU COLONIALISME AU COEUR DE DAKAR
Faidherbe, Jean Jaurès, Carnot, Fleurus, boulevard Général De Gaulle,… Les rues et avenues de la capitale sénégalaise ont un fort accent français qui rappelle le douloureux passé colonial
Faidherbe, Jean Jaurès, Carnot, Fleurus, boulevard Général De Gaulle,… Les rues et avenues de Dakar ont un fort accent français qui rappelle le douloureux passé colonial. Ces plaques apposées au coin des rues de la capitale sont-elles des rappels historiques ? Ou des hommages ? Depuis la mort de George Floyd aux Etats-Unis, les statues et rues qui portent le nom des personnages liés au passé colonial et à l’esclavage sont devenues des symboles à abattre.
Depuis la mort de George Floyd, tué par un policier blanc aux Etats-Unis, un vent de contestation souffle à travers le monde pour un changement de statut des Noirs et la disparition de l’espace public des statues qui sont le visage de l’oppression, de l’esclavage. Des Usa à la Grande Bretagne, en passant par la Belgique, les monuments érigés en la mémoire de Cécile Rhodes, Léopold II, Edward Colston, Robert E. Lee entre autres sont contestés, vandalisés, voire carrément arrachés de leur socle en marge des manifestations liées à la mort George Floyd et aux violences policières. Ces manifestations qui réveillent les vieilles plaies raciales, des souffrances séculaires, comme la traite négrière et la colonisation, relancent aussi le vieux débat sur l’histoire du maintien des hommes ayant écrit les plus sombres pages de l’histoire de l’humanité dans nos villes.
Aujourd’hui, les rues africaines gardent les vestiges de ce lourd passé de l’histoire. Et 60 ans après les indépendances, les noms des hommes qui ont opprimé les Peuples africains et écrit leurs faits d’arme avec le sang noir sont partout à Dakar, qui fut la capitale de l’Afrique occidentale française.
Le Plateau s’est réveillé sous un ciel couvert de poussière. En cette matinée de juin, les rues de ce quartier situé au cœur de Dakar, qui est le centre des activités commerciales, grouille de monde. Un peu partout, les noms des colonisateurs sont marqués sur les plaques au niveau des rues qui leur sont dédiées en hommage. Un acte inqualifiable, selon les activistes qui exigent leur «débaptisation» comme la Rue Jean Jaurès figée dans son effervescence quotidienne.
Ici, tout le monde a le pas pressé. Les magasins de vente de moquettes, tapis, appartenant aux commerçants d’origine libanaise, longent la rue. En remontant vers Sandaga, ce sont les commerces d’habits et autres qui s’offrent aux visiteurs. Sur la chaussée, les petits commerçants ont fini de s’approprier le passage piéton en ne laissant qu’un petit espace où les gens se bousculent. Et les vendeuses de cacahuètes, de sachets d’eau, de fruits n’arrangent pas les choses. Pendant ce temps, véhicules particuliers et transports en commun poursuivent leur rotation sur cette rue très fréquentée de la capitale.
Jean Jaurès, l’une des figures majeures du socialisme français, n’est pas la seule ancienne personnalité du pays colonisateur dont le nom reste toujours gravé sur les murs à Dakar. Il y a aussi Louis Faidherbe qui constitue l’une des grandes figures du colonialisme français. Gouverneur du Sénégal avant indépendance, une statue lui a d’ailleurs été dédiée à Saint-Louis. A Dakar, sur l’avenue qui porte son nom, le lieu est très connu des Sénégalais, en particulier des Dakarois. Des marchands ambulants la squattent à la recherche d’un éventuel acheteur. Le dispositif de lavage de mains installé à certains endroits témoigne de l’engagement contre le coronavirus, contrairement au relâchement constaté dans certains lieux. A l’intersection avec l’avenue Lamine Guèye, un volontaire de la mairie de Dakar régule la circulation pendant qu’un policier procède au contrôle de papiers de chauffeurs stoppés dans leur course. Sur la chaussée, les vendeuses d’eau profitent de la chaleur pour écouler leur marchandise. Idem au boulevard Général de Gaulle où est pourtant tenu le défilé militaire et civil chaque 4 avril qui célèbre l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale. Ce n’est pas tout : Il y a les rues ou avenues Félix Faure, Jules Ferry, Carnot… Quand on marche dans les rues de Dakar, Saint-Louis, Rufisque, Gorée, on revisite le passé colonial glorifié par les honneurs rendus aux administrateurs de colonie et militaires ou de batailles comme Niomré pendant lesquelles des résistants ont été massacrés. Est-ce par devoir de mémoire que ces noms sont conservés ? Ne s’agit-il pas d’un rappel gratuit de l’humiliation et la gloire perpétuée d’une époque peu glorieuse ? Ou les noms donnés aux rues et avenues constituent-ils simplement des actes de mémoire ? Est-ce que le fait de modifier le passé ne sera-t-il pas considéré comme du révisionnisme ?
Si la statue de Faidherbe à Saint-Louis, symbole de l’occupation, est conspuée par des activistes, contrairement à la mairie, les autres plaques commémoratives, emblèmes d’un sombre passé colonial, ne semblent pas émouvoir, contrairement en Occident. Même si personne ne peut mesurer la profondeur et la pérennité de ce combat contre l’oppression raciste. Maire de Plateau, Alioune Ndoye suscite le débat : «Nous allons proposer au Conseil municipal la mise en place d’une grande commission composée de tous les sachants que comptent notre commune, notre région de Dakar et l’Université pour proposer le changement des noms de nos avenues, rues et places publiques.»
LES CONDITIONS SONT "RÉUNIES" POUR LA REPRISE DES COURS
Le ministre de l’Education nationale, Mamadou Talla, a assuré dimanche à Kolda (sud) que toutes les conditions sont réunies pour la reprise des enseignements dans les classes d’examen jeudi prochain.
Kolda, 22 juin (APS) - Le ministre de l’Education nationale, Mamadou Talla, a assuré dimanche à Kolda (sud) que toutes les conditions sont réunies pour la reprise des enseignements dans les classes d’examen jeudi prochain.
"Aujourd’hui, je peux dire ici que tout est réuni pour la reprise des cours", a-t-il notamment dit lors du comité régional de développement (CRD) consacré à la réouverture des classes d’examen.
Le ministre a rendu hommage aux enseignants, inspecteurs, parents d’élèves, partenaires sociaux etc., qui se sont tous mobilisés pour la cause de l’éducation.
Mamadou Talla a estimé que l’année scolaire peut être terminée avec le bouclage du 3e semestre, exhortant l’ensemble des acteurs à œuvrer pour la réussite de la reprise des cours.
"Nous pouvons atteindre les résultats notamment pour boucler le 3e semestre et j’invite chacun de nous à intégrer et voir les réalités afin de les adapter pour une bonne reprise des cours car nos jeunes, nos élèves ont le droit à une formation et à une éducation", a dit M. Talla.
Il a par ailleurs appelé les acteurs de l’académie de Kolda au respect strict du protocole sanitaire, notamment l’usage de masques, le respect de la distanciation physique, etc.
L’inspecteur de l’académie de Kolda, Mamadou Goudiaby, a fait une présentation sur la situation de la carte scolaire de la région.
L’IA a ainsi évoqué quelques difficultés liées aux abris provisoires, le manque d’eau dans certains établissements scolaires de la région devant accueillir les élèves en classes d’examen.
M. Goudiaby a toutefois rassuré pour une bonne reprise des cours malgré des facteurs bloquant dont l’hivernage avec des fortes pluies souvent enregistrées dans la région de Kolda.
UN MESSAGE DE SOUTIEN D’ABDOULAYE DIOP AUX ARTISTES MUSICIENS
Le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, a adressé un message de soutien aux artistes musiciens, à l’occasion de la Fête de la musique, qui est célébrée ce dimanche dans le monde entier.
Dakar, 20 juin (APS) – Le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, a adressé un message de soutien aux artistes musiciens, à l’occasion de la Fête de la musique, qui est célébrée ce dimanche dans le monde entier.
‘’Les mesures indispensables au combat vital contre la pandémie de Covid-19 imposent cette année un état d’urgence sanitaire se traduisant entre autres par le couvre-feu, le confinement ou encore l’exigence de la distanciation physique’’, a écrit M. Diop dans le message adressé aux professionnels de la musique.
‘’Toutes ces exigences sont incompatibles avec les rencontres chaleureuses et les grand-messes de bonheur que nous ont toujours apportées les célébrations antérieures de la Fête de la musique’’, a-t-il ajouté dans le texte dont l’APS a obtenu une copie.
Le monde fête la musique le 21 juin de chaque année. A l’occasion de cette célébration, ‘’auteurs, compositeurs, interprètes, producteurs et diffuseurs (…) ont rendez-vous avec tous les mélomanes, amoureux de cet art divin, pour en célébrer l’universalité et a contribution décisive au développement économique et à l’épanouissement social des nations’’, a souligné Abdoulaye Diop.
L’Etat du Sénégal a fourni une aide financière au sous-secteur de la musique, pour atténuer les effets de la pandémie de Covid-19 sur les professionnels de cet art, a-t-il rappelé. ‘’Conscient des énormes difficultés que crée aux acteurs de l’économie de la musique cette situation pénible et inédite (…), Macky Sall, le président de la République, a décidé de leur apporter, de même qu’à l’ensemble des professionnels de la culture impactés, un soutien important’’, a-t-il écrit.
Le ministre de la Culture et de la Culture espère que cette aide servira de ‘’bouée salvatrice’’ pour les professionnels de la musique, a ajouté M. Diop.