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2 mai 2025
Développement
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
LES FRAIS DU DILETTANTISME
EXCLUSIF SENEPLUS - A mesure que les tests augmentent, on se rend compte que les personnes en contact avec le virus dépassent toutes les craintes. C’est le déboussolement général dans les prises de décisions
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 26/04/2020
Depuis les premiers symptômes prodromiques de la pandémie, le gouvernement sénégalais enchaîne avec dilettantisme les erreurs d’appréciation, les décisions frileuses mettant en péril la santé des Sénégalais. Nonobstant les nouvelles alarmantes qui nous parvenaient de la province de Hubei, d’Italie, de la France, d’Espagne et d’Allemagne de janvier à février, un véritable plan de riposte n’avait pas été élaboré avant le début de la crise pandémique dans notre pays. Même si les agents du ministère de la Santé et de l’Action sociale pérégrinaient de média en média pour clamer urbi et orbi qu’ils étaient prêts à contrer le Sars-Cov2, l’on s’est rendu compte qu’aucun budget n’avait été dégagé en ce moment-là pour faire face à la pandémie. En effet, une infime partie du trésor de « guerre » (1,4 milliard francs CFA) n’a été sortie par le Général que le jour du 2 mars où le premier cas de Covid a été enregistré dans notre pays alors qu’il fallait au moins 5 milliards pour commencer sereinement la lutte contre le virus.
La rencontre du 10 mars entre le gouvernement et les partenaires techniques et financiers, coprésidée par M. Abdoulaye Diouf Sarr, ministre de la Santé et de l’Action sociale et M. Amadou Hott, ministre de l’Economie du Plan et de la Coopération, atteste que le plan de riposte qu’on nous vantait tant n’en était pas encore une réalité. En effet, au cours de cette rencontre, le Dr Marie Khemesse Ngom Ndiaye, Directrice générale de la santé, indépendamment du 1,4 milliard, avait demandé des ressources additionnelles estimées à 3 865 926 382 FCFA pour asseoir le plan de riposte contre le Covid-19. Les ressources additionnelles devaient être réparties comme suit :
Contrôles sanitaires aux frontières (9 000 000 FCFA) ;
Communication (153 990 480 FCFA) ;
Coordination (182 793 612 FCFA) ;
CTE (Sites de référence) (550 000 000 FCFA) ;
Ambulances (Samu et Sites de référence) (500 000 000 FCFA) ;
Logistique roulante (430 000 000 FCFA) ;
Autres équipements et (EPI) et produits (1 735 129 187 FCFA) ;
Prévention de l’infection (100 580 000 FCFA) ;
Prise en charge des cas (204 433 103 FCFA) ;
Ce qui signifie qu’en dépit de tout le ramdam orchestré autour du plan de riposte, le nerf de la guerre faisait défaut. Aujourd’hui, en dehors d’une communication calamiteuse du ministère de la Santé, on ignore tout sur les fonds disponibles pour la lutte contre le Covid-19. Aucune information sur le nombre d’agents de santé mobilisés, sur le nombre de lits apprêtés, de respirateurs disponibles, des EPI (équipements de protection individuelle), des masques chirurgicaux et FFP2, des gels hydro-alcooliques, des thermomètres Thermoflash. Une chose est sûre, les EPI, les gels hydro-alcooliques, les Thermoflash manquent drastiquement dans plusieurs centres de soins au point d’exposer le personnel soignant à tout risque d’infection. Chaque jour, l’on fait état de professionnels de la santé confinés pour avoir été en contact avec une personne atteinte du Covid-19. Maintenant, qu’est-ce qui va se passer quand le personnel soignant désarmé infecté va disputer les lits d’hôpitaux avec sa patientèle et qui soignera ceux qui doivent soigner ?
La seule communication-spectacle du ministère de la Santé (malheureusement dramatique) se résume à cette litanie matinale anxiogène et indigeste que servent le ministre Diouf Sarr ou ses collaborateurs aux Sénégalais angoissés avec la même diction macabre.
On a crié victoire trop tôt…
Aujourd’hui, le rythme des cas de contamination confirmés progresse à une vitesse exponentielle. Et le nombre de morts enregistrés en quelques jours suit la courbe des personnes infectées. A mesure que l’on augmente les tests, l’on se rend compte que les personnes en contact avec le Sars-Cov2 dépassent de loin ce que la majeure partie des Sénégalais pensaient. En six jours, c’est-à-dire du mardi 21 avril au dimanche 26 avril, 3145 tests ont été effectués et 294 cas de contamination ont été confirmés soit plus de 2/3 des 377 cas enregistrés en 40 jours. Ce qui ne présage rien de bon. Le fait qu’après un mois de Covid le Sénégal s’était retrouvé avec 195 cas de personnes infectées, 55 patients guéris et une perte en vie humaine avait poussé certains de nos compatriotes à verser dans un triomphalisme auto-glorificateur prématuré. Certains aèdes allant même jusqu’à entonner l’hymne de l’exception sénégalaise. On a crié victoire trop tôt alors que la « guerre » n’en était qu’à ses débuts.
Aujourd’hui, nous commençons à faire les frais de l’amateurisme avec lequel le président et son ministre de la Santé ont géré le début de la crise sanitaire que nous sommes en train vivre dramatiquement. Quand le 2 mars, le premier cas de contamination au Covid-19 a été publicisé, des mesures drastiques devaient être prises pour donner un coup d’arrêt à cette pandémie qui s’était invitée chez nous via les airs. Et dès lors, le meilleur moyen était de réfléchir sur une stratégie de fermeture de nos frontières tous azimuts. Mais que nenni ! La seule décision majeure prise, c’est le déblocage de 1,4 milliard de francs CFA pour amorcer le plan de riposte. Ainsi, le Général distribua les armes après le déclenchement des hostilités. Quelle stratégie gagnante !
Alors que de plus en plus les pays du monde se barricadaient pour stopper le virus voyageur, notre pays, avec sa téranga millénaire légendaire, laissait grandement ouverts ses espaces aérien, maritime et terrestre au reste du monde. Le professeur Daouda Ndiaye, chef du département de parasitologie de la faculté de médecine de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, invité de l’émission Jury du dimanche le 2 février, déclarait que même si le Sénégal franchissait la barre des 11 mille cas, il n’était pas question de se barricader parce que pour lui « la meilleure stratégie, c’est de laisser les personnes se mouvoir correctement et préparer le système dans la prise en charge et surtout dans la prévention ». Surprenante déclaration de la part d’un éminent professeur comme Daouda Ndiaye siégeant au CNGE !
Et le 15 mars à la même émission, le ministre de la Santé déclarait, au moment où l’on comptait 26 cas de contamination confirmés, que le Sénégal ne trouvait pas encore nécessaire de fermer ses frontières même à l’endroit du Maroc qui avait interdit tout vol en provenance de notre pays. La Mauritanie voisine, elle, a été plus prompte dans la restriction des déplacements intra et extraterritoriaux. Ses autorités, dès la confirmation de la présence d'un premier malade sur le sol mauritanien le 13 mars, ont pris une batterie de mesures rigoureuses en fermant, trois jours après, les frontières routière, aérienne et maritime du pays. A cela se sont ajoutées des décisions relatives à la fermeture des écoles, des universités et des marchés, au confinement et à la mise en place d'un couvre-feu de 18h à 6h du matin assorties de mesures sociales pour accompagner les ménages nécessiteux. Et il a fallu que les frontières de l'espace Schengen et d’autres pays africains fussent fermées depuis le 17 mars pour que notre pays en fît de même le 20 mars.
Déboussolement
Le président Macky Sall n’a pris de vraies demi-mesures de lutte contre le virus que le 23 mars quand notre pays a enregistré 79 cas de contamination. Mais aucune décision courageuse n’a été prise pour la fermeture des marchés qui sont devenus aujourd’hui des foyers « super spreader ». Tantôt ce sont les maires qui sortent des arrêtés de fermeture provisoire des marchés pour raison de nettoyage ou de désinfection, tantôt ce sont les gouverneurs ou préfets qui montent au créneau pour prendre des mesures afférentes. Cette pandémie a semé un véritable désarroi au sein de l’Etat tant est si bien qu’on ne sait plus qui doit faire quoi. Il y a trop de tergiversations, trop de tâtonnements, trop d’imprécisions, trop de cafouillages, trop de bafouillages dans les prises de décisions concernant les rassemblements publics, le transport urbain, le port et la confection du masque, la vente du pain.
La ministre du Commerce, Aminata Assome Diatta, a interdit la vente du pain dans les boutiques par crainte de propagation du virus mais ce n’est que cautère sur jambe de bois parce que, parallèlement, son arrêté crée des embouteillages humains au niveau des boulangeries, sapant, par là même, la mesure barrière de la distanciation sociale ? Et comme solution, l’incompétente ministre demande aux consommateurs d’aller acheter leur pain à partir de midi. Et c’est cette même ministre et son collègue du Développement industriel et des Petites et moyennes industries, Moustapha Diop, qui ont pris ce 24 avril, un arrêté conjoint, rendant obligatoire l’obtention de la certification NS-Qualité Sénégal, comme un préalable à toute confection de masques barrières. Quels sont les tailleurs qui comprennent ce que veut dire la norme « NS 15-014 : 2020 » ? Même lesdits ministres n’y pigent que dalle ! Et voilà que le dimanche 26 avril, le ministre Moustapha Diop sort un communiqué pour dire que « tenant compte du contexte particulier où aucun moyen n’est de trop pour freiner la propagation du covid-19, l’application de l’arrêté n° 009450 du 24 avril 2020 est suspendue jusqu’à nouvel ordre ». C’est le déboussolement généralisé dans les prises de décisions.
Cela est constatable dans le confinement que l’autorité propose oralement par le « Restez chez vous » mais qu’elle n’impose pas par voie décrétale. Combien de fois n’a-t-on pas entendu des médecins dire que le confinement est la solution pour endiguer le mal alors que d’autres prônent des tests massifs ? Le président de la République n’a-t-il pas menacé de décréter le confinement si certains comportements favorisant la contagion rapide ne prennent pas fin ? En temps de crise, la tergiversation et la procrastination dans les prises de décisions sapent l’autorité du chef. Si aujourd’hui, la Mauritanie voisine a pu juguler la pandémie au point de ne plus compter un seul cas contamination depuis le 18 avril supplémentaire sur les 8 enregistrés, c’est grâce à la prompte réactivité et à la fermeté des décisions prises par son président Mohamed Cheikh El Ghazouani.
Au lieu de prendre sérieusement à bras-le-corps cette pandémie, on détourne l’attention des Sénégalais sur la distribution des vivres comme si on était en temps de crise alimentaire alors qu’elle est sanitaire. Le président de la République, sous les caméras et flash des journalistes et photographes, passe en revue les cargaisons de riz destinés à son peuple affamé alors qu’on aurait aimé le voir dans certains centres de santé en agonie logistique, dans certaines unités de fabrique de masques ou de gels hydro-alcooliques. On ne parle plus du coronavirus mais du coronariz avec tout le parfum de scandale qui entoure l’attribution du marché par son beau-frère Mansour et le manque de transparence dans les cibles destinataires. On média-folklorise la distribution des vivres en invitant la presse et les politiciens pour immortaliser ces libéralités du président et de sa parentèle. Dans la même lancée, les maires subitement « humanistes », dans la plus grande opacité, se jettent dans une féroce concurrence d’achat de produits aseptiques et de vivres pour venir en aide aux populations dont ils ne se sont jamais souciés en temps de paix.
La loi d’habilitation ne met pas en congé les principes de la transparence et de la bonne gouvernance. Pendant que le coronariz fait la une de la presse, le coronavirus sournois voyage entre les régions et se propage à un rythme démentiel dans nos marchés sans qu’aucune mesure concrète et courageuse ne soit prise pour fermer ces lieux de dissémination du Sars-Cov2.
Mais il est évident qu’il y aura un après-Covid et l’heure de la reddition des comptes politiques se profilera. Malgré cette espèce d’unanimisme hypocrite derrière le Général qui empêche certains citoyens de moufter par crainte d’être taxés de déserteurs ou de défaitistes, certains lâches responsables politiques et de la société civile de dénoncer les failles du moment, tout manquement et toute malversation dans la gestion de cette crise sanitaire seront chèrement payés.
LE GOUVERNEMENT ASSOUPLIT SA POSITION SUR LES MASQUES
Tenant compte du contexte particulier où aucun moyen n’est de trop pour freiner la propagation du covid-19, l’application de l'arrêté relatif à la normalisation des masques est suspendue jusqu’à nouvel ordre - COMMUNIQUÉ DU MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué du ministère du Développement, daté du 26 avril 2020, reatif à la suspension de l'application de l'arrêté instituant les masques aux normes contre la pandémie du coronavirus.
"Conformément à sa mission de promotion de la qualité, le Ministère du Développement industriel et des Petites et Moyennes Industries a fait élaborer, par l’Association sénégalaise de Normalisation (ASN), une norme sur les masques barrières et une autre sur les gels hydroalcooliques, pour garantir aux populations des moyens de protection contre le covid-19 qui respectent les exigences de qualité, de confort, de sécurité et de santé requises.
En application du décret n°2002-746 du 19 juillet 2002 relatif à la normalisation et au système de certification de la conformité aux normes, l’arrêté conjoint n° 009450 du 24 avril 2020 a été pris pour rendre obligatoire la certification de conformité des masques barrières à la marque nationale de conformité « NS-Qualité Sénégal ».
Mais, des fabricants de masques ont souhaité l’allégement de la procédure et des modalités de certification des masques barrières, pour pouvoir continuer à participer à l’effort national de lutte contre le coronavirus.
Ainsi, tenant compte du contexte particulier où aucun moyen n’est de trop pour freiner la propagation du covid-19, l’application de l’arrêté susmentionné est suspendue jusqu’à nouvel ordre.
Le Ministre du Développement industriel et des Petites et Moyennes Industries
Moustapha Diop"
par Moda Dieng
L’ENDETTEMENT DU SÉNÉGAL SOUS MACKY SALL
Des montants empruntés à l’extérieur pour développer les infrastructures et l’énergie ont été détournés et dépensés dans la campagne électorale de 2019
Le président Macky Sall milite pour une vielle problématique, à savoir l’annulation de la dette africaine. Mais qu’en est-il de la dette du Sénégal depuis qu’il est arrivé au pouvoir en 2012 ?
Les raisons de l’endettement
Le Sénégal a toujours emprunté. Mais sous Macky Sall, la dette a plus que doublé, de 30 % du PIB en 2012 à 67,4 % aujourd’hui, selon le FMI. Le régime a emprunté de manière abusive, en misant sur les prochaines recettes financières du pétrole et du Gaz. Il a compté les œufs avant qu’ils aient été pondus, disait un ami économiste.
Le gouvernement se réjouit d’avoir emprunté pour les infrastructures et l’énergie. Cependant, les infrastructures réalisées ou en cours sont trop coûteuses et ont peu d’utilité pour les Sénégalais ordinaires. Les résultats dans le secteur de l’énergie laissent à désirer, puisque le taux d’électrification se situe aujourd’hui à 30 % en milieu rural, contre 88 % dans les villes.
Contrairement à ce qui est annoncé par le régime, les infrastructures et l’énergie n’ont pas été les seules responsables de l’endettement du Sénégal. Selon le FMI, « les dépenses hors investissement sont apparues dans un contexte pré-électoral, ce qui a conduit l’État à ne pas honorer certaines obligations dans les secteurs de la construction et de l’énergie ». Autrement dit, des montants empruntés à l’extérieur pour développer les infrastructures et l’énergie ont été détournés et dépensés dans la campagne électorale de 2019. Ce qui explique l’arrêt de plusieurs projets après les élections.
Pétrole et gaz : la malédiction des attentes
Le gouvernement du Sénégal et les bailleurs de fonds avaient placé beaucoup d’attentes sur le pétrole et le gaz. Par exemple, le FMI avait prévu qu’avec le démarrage de la production d’hydrocarbures, la croissance du Sénégal sera portée à 10 % entre 2022 et 2024. C’était sans compter le choc lié à la pandémie.
La production de pétrole prévue en 2022 sera retardée à cause de la crise. Et les recettes réelles seront bien loin des attentes, pour plusieurs raisons. Les prix du pétrole sont trop volatiles, ce qui crée une vulnérabilité économique et financière. Le prix du baril est à 20$ actuellement. La crise risque de durer. À la fin de la crise, les sources d’énergie alternative auront davantage de place et contribueront à la fin du pétrole.
Sur le front de l’emploi, les attentes seront également déçues. Le secteur du pétrole n’embauche généralement que peu de personnes qualifiées. Donc, peu de Sénégalais seront embauchés dans ce domaine.
En matière de transparence et de redevabilité, l’administration Sall ne dispose pas encore de solides mécanismes qui permettront d’éviter la « malédiction des ressources naturelles ». Il y a un risque réel que les revenus du pétrole et du gaz seront captés par la classe politique au pouvoir et ses alliés. Le scandale impliquant le frère du président au sujet de l’octroi de permis d’exploitation est déjà une indication que les recettes ne seront pas redistribuées de manière équitable.
Aggraver la dette pour éviter la faillite ?
L’État du Sénégal a trop emprunté ces dernières années sous l’effet du pétrole et du gaz. Il ne dispose plus de beaucoup de marge de manœuvre pour solliciter d’autres prêts. Le pays ne peut payer une partie de la dette sans augmenter les impôts et/ou faire des coupes budgétaires. Augmenter les impôts dans ce contexte s’avère impensable. Ce qui veut dire qu’en l’absence de mesures solides de réduction des dettes/moratoires sur le remboursement, le Sénégal devra réduire ses dépenses pour payer les intérêts, et cela ne fera qu’empirer la crise.
L’idéal serait même d’augmenter les dépenses pour atténuer la crise ; c’est ce que font les pays occidentaux actuellement. Encore faut-il avoir de l’argent à dépenser. Le régime de Macky Sall est à court d’option. L’annulation de la dette n’est pas réaliste. Il va continuer d’emprunter. Et comme le pays est trop endetté et au bord de la faillite, les prêteurs vont appliquer des taux d’intérêt élevés du fait des risques qu’ils prennent. Ainsi va le surendettement…
Moda Dieng est Professeur agrégé à l’École d’études de conflits de l’Université Saint-Paul à Ottawa, Canada
LA CHRONIQUE HEBDO DE PAAP SEEN
LES DÉGUERPIS
EXCLUSIF SENEPLUS - A part quelques indignations, sans grande portée pratique, je ne vois pas à l’échelle nationale un projet et un contenu politique qui rendent compte des conditions misérables de beaucoup de nos compatriotes - NOTES DE TERRAIN
C’était il y a deux semaines. Je venais de finir trente minutes de méditation guidée. J’avais mal dormi la nuit précédente, et j’avais mal à la tête. J’ai mis de la musique pour mieux lâcher prise. Lucky Dube, Tracy Chapman, Danakil. J’avais encore beaucoup de difficultés pour me concentrer et travailler face à mon écran d’ordinateur. Je suis sorti pour prendre l’air devant la grande fenêtre coulissante du couloir. Le soleil dardait des rayons timides, qui passaient par un petit espace, séparant l’immeuble où j'habite d’une maison en construction. Tout me paraissait calme. Je regardais un bout de ciel traversé par des nuages serrés. Des oiseaux sifflaient un chant monotone.
J’étais dans ma petite bulle. Dans cette présence singulière, dans laquelle on oublie le temps et toutes les pesanteurs de la vie. A l’écart du monde extérieur. Je réfléchissais à des choses vagues. Faisant fi des petits bruits qui venaient du salon. Hors du temps et des hommes, je me laissais bercer par la mélancolie. Je somnolais dans un songe intérieur. Complètement centré sur moi-même. Quelques pulsions tendres m’envahissaient. C’est certainement ça la vraie liberté : se laisser aller, faire fi de la réalité extérieure. Mais la vie, c’est aussi autre chose. Je ne tardais pas à revenir de ce petit voyage intérieur. Happé par la cruelle factualité de l'existence.
Je n’avais pas fait attention à ce qui se passait en face. Le taudis, installé en bas de l'immeuble, était en train d’être démantelé. Des hommes, dont plusieurs portaient des masques, démontaient le bric-à-brac qui servait de logis pour les nombreux habitants déguerpis. Une femme, que je reconnais dans le quartier, portait un enfant sur le dos et tenait un autre gamin par la main. Elle fait partie des occupants. Elle regardait les manœuvres. Comme si elle était chargée de surveiller les va-et-vient, ou qu’elle était responsable de tout ce petit monde. Loin derrière ma baie vitrée, je voyais qu’elle avait une mine déconfite. Il y avait un trouble perceptible dans son attitude. Elle communiquait avec d’autres personnes, que je ne pouvais pas voir de là où je me situais.
Conditions d’existence désastreuses. A ce moment-là, je suis revenu de mes rêveries. De cet état frivole et léger. Tellement de gens se résignent et acceptent un sort cruel dans notre pays. Restent stoïques face à la violence sociale qui leur tombe sur la tête. Alors qu’au même moment d’autres gens profitent et s’emparent des mécanismes d’accumulation de richesse. C'est une problématique que les formations politiques ne prennent plus vraiment en charge, depuis la faillite des mouvements de gauche. A ce sujet, il y a un vrai vide idéologique et intellectuel dans notre pays. A part quelques indignations, sans grande portée pratique, je ne vois pas à l’échelle nationale un projet et un contenu politique qui rendent compte des conditions misérables de beaucoup de nos compatriotes. Et qui donnent des armes d’émancipation à ces nombreuses personnes broyées par l’ordre social.
Ce que je veux dire, c’est que dans notre pays, le présent est pesant pour la majorité et les auspices du futur ne sont pas favorables. Maintenant, comment sortir de ce pétrin ? Les hommes ne s’émancipent jamais seuls. Il faut toujours une construction idéelle et une praxis pour démonter les infrastructures qui établissent la misère. Pour faire advenir un vrai projet de vivre bien. Hélas, au Sénégal, quelles forces politiques ont, aujourd’hui, concrètement élaboré un récit de renversement des inégalités et le déroule ? Qui parle à la communauté des laissés-pour-compte ? Qui va véritablement dialoguer avec les populations ? Qui prodigue des remèdes devant tant d’injustices ?
Actuellement, je n’en vois pas. A part les deux schémas d’indignation et de dénonciation, qui s’adressent principalement au pouvoir politique et à l’Occident, il n’y a pas un diagnostic lucide des conflits sociaux. Aucun parti politique audible ne tient un grand récit, centré sur l’émancipation et le progrès, les deux plus grandes valeurs de l’espoir. En attendant, l’expropriation continue. Et les bras ballants, on observe l’impossibilité d’une existence digne pour beaucoup de nos compatriotes. Où l’on dort tranquillement sans penser au sort écrasant d’une vie réduite. Où l’on donne une bonne éducation à ses enfants. Où l’on n'a pas peur de vivre des lendemains toujours incertains.
Beaucoup de nos concitoyens sont dépossédés d’une grande partie de leur humanité. C’est une réalité flagrante que nous ne pouvons pas ignorer. Sauf à nous enfermer dans une bulle. Le moralisme facile, c’est de toujours s’attaquer à ceux qui dirigent nos pays. Sans jamais faire un inventaire radical. Quelles sont les représentations culturelles qui nous poussent à admettre toutes ces violences dirigées vers les plus faibles ? Pourquoi le sujet collectif ne se fâche jamais devant les développements, sans cesse renouvelés, de la prédation et de la pauvreté ? Pourquoi la richesse nationale disponible ne profite qu’à une infime minorité de la population ? Comment déraciner l’ignorance et l’obscurantisme ? Des questions essentielles, encore en friche.
Le jugement moral est toujours facile. Il s’agit d’aller au-delà. De parler aux femmes et aux hommes, là où ils se trouvent. Ce sont eux les vrais acteurs du changement. C’est un leurre d’appeler à des lendemains meilleurs, sans un changement social radical. Il ne s’agit pas uniquement d'appeler au renouveau politique. On peut s’emporter contre la tyrannie des prédateurs, contre l’impérialisme et le népotisme. Mais pour que les populations prennent conscience de leur destin, il faudra absolument faire une cartographie ample de toutes les forces sociales en interaction, et qui luttent pour le pouvoir. Et remettre, au centre du débat cette idée des conflits d’intérêts entre les groupes sociaux antagoniques. Quels éléments de la société ont intérêt à maintenir le statu quo ? Pourquoi ?
J’ai revu plusieurs fois les personnes déguerpies du taudis. Elles ont occupé un autre terrain nu, juste derrière celui duquel elles ont été expulsées. Elles vivent et dorment désormais à la belle étoile. Elles s’abritent un peu à l’ombre des regards. Dans une précarité saisissante. Les cabanes n’ont pas été réinstallées. Je les vois discuter comme si tout cela était normal. Leurs enfants y ont installé, entre deux arbres, une balançoire. Bientôt, ils seront obligés de quitter les lieux. Sans que personne ne vienne leur annoncer l’évangile de la liberté et de l’émancipation.
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
Le véritable frein à cette perspective c’est notre aliénation et notre duplicité; on se sert de l’Afrique pour mieux réussir à l’occidental car au fond on ne croit pas vraiment à l’Afrique !
Cette idée de “African Solution” a été évoqué pour la première fois par Thabo Mbeki en Afrique du Sud face aux pressions des ONG occidentales sur son gouvernement à propos du SIDA. Si l’idée d’une African Solution ne souffre d’aucun doute qu’il faut en effet une solution africaine pour ces questions de santé bien sur mais pour tout le reste aussi, il n’en demeure pas moins que ça n’est resté qu’un voeux pieux.
Si la boisson Covid-Organics promue par le président Malgache et les comprimés Aprivine du chercheur Béninois Valentin Agon sont des “African Solutions” au Covid-19, il n’en demeure pas moins que l’un est une boisson à produire de manière industrielle dans des usines tout comme les comprimés lorsqu’il faudra les produire en quantité suffisante pour répondre à la demande. En d’autres termes, l’”African Solution” ressemble au finish à un projet capitaliste comme tous les autres.
Pourtant, le projet de santé Cubain qui donne une leçon au reste du monde avec cette candie est avant tout un projet communiste. En d’autres termes si le African Solution n’a jamais vu le jour ou souffre de nombreux écueils n’est-ce pas parce qu’il espère se frayer une place dans un monde capitaliste où justement il n’a pas de place. Les Africains se soignent avec les écorces de la brousse parce que ça soigne bien sur mais aussi parce qu’ils ne peuvent pas se payer les frais médicaux et les médicaments disponibles en pharmacie. Ne dit-on pas que la science ne peut pas reconnaitre cette pharmacopée Africaine parce qu’elle n’est pas brevetable ? Ce paradigme de la brevetabilité qui permet l’entrée dans l’économie capitaliste élimine de fait la African Solution dans laquelle le tradipraticien vous clairement qu’on est venu lui “donner en rêve” le médicament avec lequel il va vous guérir.
Aujourd'hui, l'Etat paye des gens qui sont à la maison, on distribue la nourriture, on soigne les gens sans payer... Ca ne vous dit rien ? A l’heure où l’écologie est devenu un projet politique dans de nombreux pays occidentaux et curieusement les pays Africains sont les pays avec le moins de partis politiques dits écologiques, à l’époque où on parle de-développer l’occident, il me semble que notre paradoxe est que nous voulons la African Solution à l’intérieur du Capitaliste et donc du Western Solution. Une équation qui explique que malgré ses solutions, l’Afrique sera toujours dernière dans les systèmes qu’elle a décidé de suivre.
Ce qui est en jeu maintenant avec le Covid-19, c’est qu’avec le confinement a commencé cette dé-développement que des écologistes appellent de leur voeux et nos pays derniers dans le modèle de développement actuel semble pleurer le fait que cette économie où ils sont derniers s’arrête, alors qu’ils devraient en profiter pour prendre une direction où c’est plutôt les autres qui seront les derniers.
C’est de ce que devrait être la “African Solution”, mais le véritable frein à cette perspective c’est notre aliénation et notre duplicité; on se sert de l’Afrique pour mieux réussir à l’occidental car au fond on ne croit pas vraiment à l’Afrique !
Texte recueilli de la page Facebook de l'auteur
ALIOUNE SARR N’ENVISAGE PAS DE DÉMISSIONNER
Celui qui est président du CNG de lutte depuis vingt-six ans, affirme que les règles de fonctionnement des instances doivent être respectées
Alioune Sarr, le président du Comité national de gestion (CNG) de la lutte, a déclaré dimanche qu’il n’envisageait pas de démissionner de ce poste, malgré les nombreuses critiques dont il est l’objet.
‘’Tant que l’autorité (le ministère des Sports) me fera confiance, je répondrais toujours présent’’, a soutenu M. Sarr, invité de l’émission Grand Jury de la radio privée RFM.
Interrogé sur les sanctions prises à l’encontre de certains arbitres de lutte, il a dit que c’est une commission du CNG chargée des règlements et pénalités qui a pris les décisions.
Les arbitres concernés par les sanctions avaient la possibilité de faire appel des décisions du CNG, mais ils ont préféré en parler dans les médias, selon Alioune Sarr.
Il dit n’avoir aucun compte à régler avec personne.
‘’On ne peut pas être dans un système et être contre ce système’’, a argué M. Sarr, laissant entendre qu’il dirige l’instance de régulation de la lutte sur la base de son règlement.
Alioune Sarr, président du CNG de lutte depuis vingt-six ans, affirme que les règles de fonctionnement des instances doivent être respectées.
‘’On doit savoir sanctionner de manière positive ou négative, dans notre pays’’, a-t-il dit M. Sarr, médecin et ancien directeur de l’hôpital Abass-Ndao, à Dakar.
HABIB FAYE, LA TOUCHE MAGISTRALE
Il y a deux ans, disparaissait celui qui reste à ce jour l’un des musiciens sénégalais et africains les plus réputés dans le monde pour son incroyable talent de bassiste
Il y a deux ans, disparaissait Habib Faye. Il reste à ce jour l’un des musiciens sénégalais et africains les plus réputés dans le monde pour son incroyable talent de bassiste, particulièrement. Mais également pour sa polyvalence, son audace et sa générosité dans le partage artistique.
Le réveil a été brutal pour les mélomanes du Sénégal et d’ailleurs, le 25 avril 2018. Habib Faye venait de rendre l’âme, à Paris. Cela fait deux ans aujourd’hui. Il aurait eu 55 ans. Aux premières heures de l’annonce du décès, Wasis Diop réagissait avec ces quelques bons mots en hommage au défunt musicien. « (…) Malheureusement, un génie n’en a jamais pour longtemps. On parle là d’un homme jeune au talent si démesuré que le Sénégal n’a jamais pu s’en servir comme il se doit. Je me suis souvent plaint le concernant. Pourquoi restait-il au Sénégal où son talent était inexploité ? Il aurait pu faire taire tous les bassistes américains tant il était puissant ! (…) Nous perdons le plus grand instrumentiste du Sénégal et au-delà. C’est une énorme perte, tant artistique qu’humaine. Il était souriant et très beau», s’était ému Wasis Diop, sur le site d’informations de Jeune Afrique. C’était là des attestations gentilles d’un musicien franc et doué, mais surtout des mots vrais.
La musique venait d’être orpheline de l’un de ses plus fameux intellectuels contemporains. La guitare basse venait de perdre un maestro brillant et étincelant. Habib la taquinait en majesté. Le pouce droit collé sur le dessus du chevalet de la basse, ses autres doigts grattaient dans une excellente vitesse les frettes pour distiller des mélodies toniques et angéliques qui résistent aux temps. Toujours avec le sourire charmant, taquin ou éclatant. Parfois avec des quolibets ou de plaisantes pitreries à l’endroit de ses collègues du Super Etoile qui le surnommaient « Bibouya ».
LE SURDOUÉ
Habib avait plusieurs cordes à son arc de musicien. Il avait la même joyeuse prestance sur un tabouret, pour percuter la batterie ou manier le clavier. Il avait autant de maestria avec la contrebasse, les guitares solo et classique. Il était chanteur, arrangeur, compositeur et producteur d’ailleurs nominé aux Grammy Awards (2008, avec Angelique Kidjo). Il avait produit Ndongo Lô et «Le retour» mémorable de Kiné Lam, entre autres succès locaux. Son surnom, «le surdoué de la musique sénégalaise», n’était pas usurpé. Sa polyvalence faisait sa force, et son immense talent sa réputation. Pendant plusieurs années, il a été directeur artistique et chef d’orchestre du Super Etoile de Youssou Ndour. C’est d’ailleurs dans ce groupe musical qu’il avait construit sa notoriété et ses éclats.
Il a d’abord intégré, un peu avant ses 18 ans, la deuxième formation du Super Etoile de Dakar. C’était un groupe annexe qui se substituait au Super Etoile sur les scènes de Dakar quand les séniors du groupe étaient en tournées internationales. Mais il avait auparavant déjà appris ses gammes à l’âge de neuf ans, quand il faisait presque la même taille que la guitare basse. C’était aux côtés de ses virtuoses de grands frères, Adama, Lamine et Vieux Mac Faye. Ce dernier raconte d’ailleurs à propos de son défunt frère sur le plateau de la Tfm: «Il a gagné un concours de musique auquel je faisais partir du jury, au Centre culturel Blaise Senghor, sans que je l’aie reconnu au début. J’étais surpris, conquis et convaincu à partir de là ». En ce moment, il prestait dans un groupe dénommé «Thiaaf» avec son acolyte de toujours, Ibou Cissé, claviériste du Super Etoile. Il avait aussi créé le «Watosita» avec l’animateur radio Michael Soumah, dans lequel il était guitariste. Il sera plus tard l’initiateur d’autres groupes. Au début des années 2000, il fonde groupe de jazz «Habib Faye Quartet» et sort un CD live éponyme. Son premier groupe, Harmattan, a fait les beaux jours du Festival International Jazz de Saint-Louis.
En 1984, à 19 ans, il abandonne les études à deux semaines du baccalauréat, à la veille d’une tournée européenne, pour se consacrer exclusivement à la musique et au Super Etoile. Le choix se confirmera comme une bonne nouvelle pour la musique sénégalaise. Au-delà du groupe, Habib va rendre la guitare basse presque incontournable dans la musique sénégalaise. Si Habib a été si magistral, c’est qu’il a été à la bonne école des influences jazzys de son grand frère, Adama Faye. Ce dernier est un membre fondateur du Super Diamono, qui était la référence jazzy à l’époque grâce à sa touche de génie. Habib s’est d’ailleurs révélé pour la première fois avec le groupe de Oumar Pène, dans lequel il a fait des piges. «Quand Adama et moi répétions, Habib nous accompagnait alors qu’il n’avait que 12 ou 13 ans », révèle Oumar Pène. En 1980, lors du mythique show de Touré Kounda et de Super Diamono au stade Demba Diop, Habib Faye avait 15 ans. Il suivait tranquillement le concert en spectateur quand il s’entendit appeler sur scène pour remplacer le bassiste de Oumar Pène, absent. C’était sur proposition de Lamine Faye et Ismael Lô, qui étaient en ce temps encore au Super Diamono. Le garçon séduit son monde mélomane.
A LA BONNE ECOLE
C’est Habib Faye qui va introduire la touche jazzy dans la musique de Youssou Ndour et y greffe les sonorités suavement chromatiques. Les albums «Ndobine» et «Badou», avec surtout le morceau «Bekoor», constituent depuis leur sortie des bases pour tous les apprentis bassistes. Habib Faye s’est occupé de la conception et de l’arrangement de tous les hits mémorables du groupe. «Nous ne faisons que perpétuer le travail qu’il a magistralement abattu et laissé en héritage pour nous. Il était le cœur du Super Etoile », confie Youssou Ndour. Les deux étaient très liés. Sur les grands plateaux mondiaux de Youssou, tous pouvaient manquer sauf Habib.
Jeunes célibataires, ils ont partagé un appartement à la Cité Biagui pendant deux ans. C’est d’ailleurs au gré de ces souvenirs que se sont effectuées leurs retrouvailles, à travers un échange téléphonique, après quelques années de carrière solo de Habib Faye. Il revient « chez lui » et participe au Grand bal de Bercy, en novembre 2017, souffrant de son infection pulmonaire, à l’insu du monde. Il meurt cinq moins plus tard, toujours dans la discrétion de ses maux. Pour la petite histoire, le Super Etoile a annulé une tournée courante à l’annonce du décès et retourné sur Dakar. 30 ans plus tôt, en 1987, le scénario s’était opéré quand Habib Faye leur annonçait le décès de Alla Seck.
VERTUS SOCIALES
La bienveillante cachoterie de Habib a intensifié le choc chez sa famille et ses amis. La surprise était la chose la plus partagée chez tous ses proches qui lui prêtent les plus nobles qualificatifs. Quoique très discret, Habib avait toutes les vertus sociales. Tous ceux qui l’ont approché décrivent un homme follement généreux et d’une exquise urbanité. «C’était un immense musicien et un homme très poli, très disponible, très discipliné et très intelligent», concède Oumar Pène. Ismael Lô regrette son talent, son humour et ses blagues distrayantes. Sa famille pleure un membre courtois, sociable et très attachant.
Habib Faye était aussi un fervent disciple mouride, proche de Serigne Saliou Mbacké. Cheikh Mansour Diouf a confié que si Serigne Saliou Mbacké n’a pas intronisé Habib Faye au grade de cheikh, c’est certainement parce qu’il jouait encore de la musique. Sa passion. Une passion à travers laquelle il a marqué son nom dans le panthéon de la musique du monde. Une ouverture dont sa curiosité, sa boulimie et son avidité des connaissances artistiques a rendu aisée. Des caractères qui se sont principalement réveillés chez le Monsieur après la tournée «Human Right Watch» avec le Super Etoile, en 1987, aux côtés de Peter Gabriel, Tracy Chapman, Sting, Bruce Springsteen, etc.
Habib Faye, un intelligent autodidacte qui s’est beaucoup inspiré des lignes de basses de Jaco Pastorious, a émargé son nom sur les disques de plusieurs grands noms de la musique. On peut citer Mickey Hart, Peter Gabriel, Manu Katche, Mokhtar Samba, Joe Zawinul, Paco Sery, Gilberto Gil, Chet Atkins, Mark Knopfler, Branford Marsalis, Poogie Bell, David Sancious, Lionel Loueke, Tania St-Val, Jacob Devarieux, David Sanborn, Carlinhos Brown, entre autres. Habib Faye s’offusquait souvent du manque d’audace et de créativité des musiciens sénégalais et africains. Lui avait surpassé cette somnolence et s’est arrogé le mérite d’avoir révolutionné le jazz à sa manière, avec ses lignes de basses.
Son album, H2O (2012), auquel participent Manu Dibango, Youssou N’dour, Julia Sar et Angélique Kidjo, en témoigne grandement. Il était avant-gardiste et s’inscrivait toujours au diapason des nouveautés. Il est l’un des premiers à se mettre au console, avec comme résultat l’album « Euleuk si biir » de Youssou Ndour et Oumar Pène. Les albums internationaux de Youssou Ndour brillent notamment de sa marque et de son ingéniosité.
Beaucoup de jeunes musiciens lui doivent aussi sa contribution désintéressée, répondant à leur aimable estime. «Il nous a tous bercés. Nous avons tous été fans de lui d’emblée; nous rêvions tous de jouer un jour à ses côtés. J’ai eu cette chance », reconnait le koriste Ablaye Cissoko, avec qui il a signé l’une des plus alléchantes collaborations musicales, avec « Kola note café », en 2015. C’était toujours sur le registre du jazz. D’ailleurs, avant sa disparition, il avait entrepris des explorations sonores et musicales dans plusieurs communautés des profondeurs du Sénégal pour les accorder à ses lignes de basses. Il mourra malheureusement avant la présentation de l’œuvre. Aujourd’hui, pour la commémoration de l’An 2 de son décès, les Acteurs de l’industrie musicale (Aim) baptise leur siège à son nom. Comme pour immortaliser Habib Faye, dont l’œuvre magnifique et colossale reste encore bavarde et visible.
UNE COMMUNICATION À AMÉLIORER
Formateurs, communicants, professionnels dans l’environnement des médias, Mamadou Ndiaye du Cesti et Bakary Domingo Mané de l’Issic passent en revue l’évolution des sorties officielles du ministère de la Santé depuis l’arrivée du coronavirus au Sénégal
La pandémie Covid-19 impose beaucoup de défis aux nombreux pays qu’il a touchés à travers le monde. Mais il y en a un que chacun se donne toutes les chances de relever : la maitrise des informations sur le sujet. Depuis l’apparition du premier cas confirmé de coronavirus au Sénégal, le 2 mars dernier, le ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS) a produit 54 communiqués pour renseigner sur l’évolution du virus. Du premier au dernier, la communication des autorités sanitaires a beaucoup évolué. Deux experts analysent l’approche du MSAS pour contrecarrer le flux d’informations quotidien et distribuent leurs bons et mauvais points.
Formateur à l’Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication (Issic), Bakary Domingo Mané remarque que ‘’les premiers communiqués étaient touffus, avec beaucoup trop de détails. Mais, au fur et à mesure, l’on note que les autorités s’en tiennent désormais à l’essentiel. C’est devenu un communiqué en trois sens qui livre le nombre de personnes testées positives à la maladie, la différenciation des formes de contamination au virus et les renseignements sur les malades et, en troisième lieu, le rappel des mesures d’hygiène à respecter’’.
Un changement que Mamadou Ndiaye, expert en communication digital, explique par la sensibilité aux critiques externes. ‘’A chaque fois que des experts et observateurs sur les réseaux sociaux font des remarques sur la communication du ministère de la Santé, nous sentons, sur les jours qui suivent, que les autorités prennent en compte les propos exprimés sur la question’’, observe le formateur en journalisme multimédia au Cesti (Centre d’études des sciences et techniques de l’information).
‘’Le communiqué est devenu top standardisé. On n’a pas une certaine gymnastique intellectuelle à faire’’
Cependant, l’évolution n’est pas toujours synonyme de changement. Depuis un certain temps, le Pr. Ndiaye remarque un mécanisme répétitif. Ce qui fait que, ‘’lorsqu’on détient un communiqué du MSAS, nos yeux se promènent sur le nombre de cas. C’est l’information, car le communiqué est devenu trop standardisé. On n’a pas une certaine gymnastique intellectuelle à faire. Je pense que l’on peut améliorer cela, en mettant l’accent sur les faits nouveaux. L’objectif du communiqué de presse est de donner une information. Par exemple, on note une augmentation des cas communautaires. Et on étaye avec les chiffres’’.
Cette routine est aussi notée par le formateur digital sur les points de presse quotidiens sur la situation de la pandémie au Sénégal. Comme il l’explique : ‘’Avant, l’heure de dévoilement des chiffres (18 h) était attendue comme une messe. Maintenant, chacun va vaquer à ses occupations et les chiffres se retrouvent, dès leur sortie, sur les réseaux sociaux. A un moment donné, la cible se désintéresse et ne reste plus sur le qui-vive.’’
Si la communication de crise a d’abord pour objectif d’éviter qu’un incident ou une situation sensible n’aboutisse à une crise, Domingo Mané est d’avis que la stratégie du ministère porte quand même ses fruits. Car, estime l’ancien journaliste de ‘’Sud Quotidien’’, dans la volonté manifeste de maitriser la communication, les journalistes, consciemment ou non, les y aident en se contentant de reprendre textuellement les communiqués. Un terrain sur lequel son homologue du Cesti ne le suivra pas, puisque, selon Mamadou Nidaye, ‘’l’on retrouve beaucoup de détails, à la veille de chaque communiqué, dans certains journaux’’.
Une situation qui peut faire croire à l’existence de canaux parallèles de communication, car si l’on retrouve dans la presse certains détails, ‘’les autorités peuvent les mettre dans le communiqué’’.
Dr Marie Khemesse Ngom Ndiaye, une touche genre positivement appréciée
Sur les points positifs de la communication du MSAS, le professeur de web journalisme apprécie la mise en avant de la directrice générale de la Santé, Dr Marie Khemesse Ngom Ndiaye, lors des points de presse. Même si cela a tardé, c’est un message positif qui lui fait dire : ‘’C’est aussi intéressant de voir qu’il n’y a pas que des hommes capables de venir porter les messages du ministère. En plus, elle a une parfaite maitrise de l’évocation des chiffres, quand il faut les dire en wolof, contrairement à d’autres qui passaient avant elle.’’
Justement, dans la communication visuelle, beaucoup de choses peuvent encore être améliorées. L’on a beau être médecin, l’on reste des êtres humains. On peut avoir des gestes manqués et ne pas respecter les gestes barrières. Alors, conseille l’expert, ‘’lorsqu’on est en face de la caméra, il faut être le plus concentré possible. Une fois qu’on a mis le masque, on doit le mettre tout le temps et parler très fort pour bien se faire entendre. Et surtout éviter de l’accrocher sous le menton et de montrer cela au public pour venir l’interdire derrière’’.
D’ailleurs, Domingo Mané explique que le choix du point de presse au lieu de la conférence de presse montre que les autorités sont dans la communication. Le cas de la conférence de presse de Mansour Faye, Ministre du Développement communautaire et de l’Equité sociale et territoriale, sur les procédures d’attribution des marchés pour l’achat de riz, dans le cadre du fonds Force-Covid-19, a montré que les choses peuvent aller très vite dans le mauvais sens et être déviées de la concentration sur la crise.
La transparence privilégiée dans les cas de décès
Dans le fond, les experts analysent aussi les messages contenus dans les communiqués de MSAS. A un moment donné, la localisation des quartiers où les cas ont été contaminés est apparue dans les communiqués, avant de disparaitre. En cherchant la raison d’un tel changement, l’ancien reporter à ‘’Sud Quotidien’’ a vu ses sources lui faire comprendre que cela répondait à l’option de laisser communiquer les médecins-chefs de région au niveau local. Mais avec la multiplication des cas communautaires, la mention des zones infectées est de nouveau observée. Même si tout manque d’harmonie, Mamadou Ndiaye trouve ces informations importantes, ‘’permettant aux gens de se situer et d’avoir conscience de la gravité de la situation’’.
La pandémie a déjà emporté sept âmes sénégalaises. A chaque fois qu’un patient décède de la Covid-19, le MSAS fait un communiqué à part. Un élément positif important, quand l’on sait qu’au soir du décès de la première victime, Pape Diouf, analyse Domingo Mané, ‘’le ministère a volontairement caché des informations, donnant libre cours à beaucoup de fausses nouvelles sur le lieu de son décès’’.
Finalement, il a dû sortir un communiqué pour donner la bonne information. Depuis lors, le MSAS a décidé de continuer sur cette lancée, en donnant les informations par un communiqué sur les réseaux sociaux. En plus de maitriser l’information pour ne pas laisser libre cours aux rumeurs, cela donne l’occasion, selon le communicant, de montrer de la compassion, chose très importante dans la communication de crise. Mais aussi, note Mamadou Ndiaye, de préserver le secret médical qui doit verrouiller le plus d’informations privées, puisque, de manière officielle, c’est le strict minimum qui est divulgué sur les cas de décès.
LE SÉNÉGAL PRUDENT AU SUJET DU COVID-ORGANICS
Le président malgache dans un tweet avait annoncé ce vendredi une « commande » du remède par le Sénégal après un entretien avec son homologue Macky Sall. Or d’après une source proche du dossier à Dakar, aucune commande n’a encore été passée
Pas de test au Sénégal du remède malgache « Covid-Organics » pour le moment. Cette décoction composée de plantes est revendiquée par le président Andry Rajoelina comme une solution contre le coronavirus. Le président malgache dans un tweet avait annoncé ce vendredi une « commande » du remède par le Sénégal après un entretien avec son homologue Macky Sall. Or d’après une source proche du dossier à Dakar, aucune commande n’a encore été passée.
« Nous suivons les recherches à Madagascar avec intérêt ». Ce sont désormais les mots des conseillers du président Macky Sall ce samedi 25 avril. Il n’est pas question de la commande évoquée par Andry Rajoelina, que la présidence ne confirme pas.
Macky Sall dans la visioconférence avec son homologue disait être ouvert à la réception d’échantillons. Mais aucune livraison du « remède » malgache n’est à l’ordre du jour souligne une source proche du dossier, pour qui il n’est pas envisagé de tester la décoction sur des patients atteints par le coronavirus au Sénégal. Dans le corps médical, on attend d’en savoir plus au sujet de la composition de ce « remède » à base d’une plante, l’artémisia.
Le docteur Abdoulaye Bousso coordonne la réponse sénégalaise contre le Covid-19 et dirige le Centre des opérations des urgences sanitaires
« Je n'ai pas d'informations sur des commandes de ce produit passées par l'Etat. Je pense que l'on va attendre de voir ce que c'est. Dans tous les cas, si nous disposions d'échantillons, nous avons les structures capables de les analyser et de voir en quoi cette solution peut aider à la prise en charge (des malades) du Covid-19 », nous explique t-il.
Pour l’instant aucune preuve scientifique tangible de l’efficacité de ce « remède » n’a pu être apportée.
GUY MARIUS SAGNA, LE DON QUICHOTTE DU SÉNÉGAL QUI CROISE LE FER AVEC L’IMPÉRIALISME
C’est en ferraillant contre les déclinaisons de «l’impérialisme» que ce natif de Casamance s’était forgé, ces dernières années, une réputation de militant aguerri, d’insurgé à tout-va, prêt à en découdre pour défendre ses idées
Sputnik France |
Momar Dieng |
Publication 25/04/2020
Au Sénégal, les entreprises françaises reviennent au cœur de l’économie après avoir pâti, sous Abdoulaye Wade, prédécesseur de l’actuel Président, d’une politique de diversification des partenaires. De quoi alimenter le ressentiment des uns et des autres, et notamment de Guy Marius Sagna, héraut de la «lutte contre le néocolonialisme».
Au pays de la Teranga (hospitalité, en wolof), l’avènement du coronavirus ne semble guère avoir arrangé les choses au regard d’un certain ras-le-bol anti-français. Après l’assimilation du virus à un «hôte étranger», en réaction à la provenance française du premier cas importé, le grief a muté vers le néocolonialisme et ne cesse de se propager dans certains milieux politiques et militants, coutumiers des procès intentés à l’ancienne métropole.
Entre-temps, et devant les conséquences de la pandémie sur le tissu économique sénégalais, le gouvernement a décidé de débloquer une aide de près d’un milliard d’euros en faveur des entreprises concernées. Depuis, c’est la queue au portillon des ministères pour être éligible à l’aide gouvernementale.
Bien que dérisoire, l’éligibilité à cette aide devrait se faire en fonction de certains autres critères, plaide le Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine (FRAPP/ France Dégage). Un véritable tri, selon Guy Marius Sagna, son emblématique leader, qui s’est confié à Sputnik, devrait alors se faire, pour privilégier le capital national. Le tout sans compter le fait que les entreprises bénéficiaires de l’aide doivent opérer aussi bien dans le secteur formel qu’informel, «avec un respect total de la réglementation et des droits des travailleurs. Pour nous, ces éléments sont importants», proclame-t-il.
Un militant aguerri
Les entreprises étrangères qui exercent des activités au Sénégal sont nombreuses. Elles sont marocaines, turques, chinoises, indiennes. Mais les plus puissantes d’entre elles sont d’origine française et fonctionnent le plus souvent comme des entités de droit sénégalais. Une posture qui les place au même niveau que les entreprises locales.
Sur le principe, rien n’empêche que ces différentes sociétés puissent être concernées par l’aide que l’État du Sénégal entend apporter aux entités économiques impactées par la crise sanitaire du Covid-19, selon le Programme de résilience économique et sociale (PRES) décidé par le Président de la République Macky Sall. D’un autre côté, rien n’est dit que les puissantes (et donc les plus résistantes) d’entre elles réclament effectivement leur part d’une aide réservée aux plus affectées. Celle-ci pourrait, d’ailleurs, s’avérer bien dérisoire vu le grand nombre d’entreprises éligibles. Qu’importe, puisque l’attribution de ce soutien gouvernemental ne semble être, pour Guy Marius Sagna, qu’un énième casus belli pour enfourcher son vieux cheval de bataille.
C’est en ferraillant contre les déclinaisons de «l’impérialisme» que ce natif de Casamance s’était forgé, ces dernières années, une réputation de militant aguerri, d’insurgé à tout-va, prêt à en découdre pour défendre ses idées.
Opposant le plus assidu des prisons sénégalaises, il quittait, le 4 mars dernier, le Camp pénal de Liberté VI à Dakar, après trois mois de détention provisoire. Il a été écroué, le 29 novembre 2019, après avoir pris part à une manifestation interdite contre la hausse du prix de l’électricité… et s’être agrippé aux grilles du Palais présidentiel. Une allégorie, sans doute, de la lutte, bec et ongles, qu’il mène sur tous les champs de batailles ?
Mais la défense de la souveraineté économique de son pays contre de présumées «ingérences» et autres manifestations de «néocolonialisme économique» demeure son combat de prédilection, et le bâton de pèlerin qu’il a repris sitôt libéré de prison.
Pour autant, il ne fait pas de la France son Delenda Carthago, nonobstant le nom donné au collectif créé en 2017 et dont il est l’un des leaders les plus médiatiques. Son objectif est simplement de défendre les intérêts fondamentaux de son pays et de l’Afrique.
«En réalité, nous luttons contre le néocolonialisme, l’impérialisme. Tous les impérialismes. Parmi ces impérialismes, il y a des magasins de grande distribution, il y a un opérateur qui contrôle la téléphonie sénégalaise, un autre l’eau sénégalaise. Dans une telle situation, l’aide de l’État du Sénégal doit aller aux entreprises sénégalaises. Il n’est même pas possible d’en faire bénéficier des entreprises africaines en l’absence d’un gouvernement fédéral africain», rétorque Guy Marius Sagna.
Pour une «taxe Covid» sur les multinationales
Il s’oppose à la socialisation des aides car, dit-il, «nous allons assister à une privatisation des bénéfices qui vont aller aux bourgeois capitalistes des pays de la Triade. C’est pourquoi, qu’elles soient françaises, états-uniennes, allemandes… elles doivent être écartées, toutes. Mieux, le FRAPP propose une taxe Covid-19 appliquée aux entreprises impérialistes qui ont bénéficié de contrats importants».
Réfutant toute fixation aveugle sur les entreprises hexagonales, le leader de «Frapp/France Dégage» précise : «Le FRAPP n’a aucun problème avec les entreprises françaises en particulier. Il a un problème avec les multinationales qui sont des instruments du capitalisme et donc de l’impérialisme qui est le cancer qui ronge l’Afrique. Nous ne cherchons pas à quitter un impérialisme pour rejoindre un autre impérialisme.»
«Nous ne cherchons pas à faire dégager l’armée française de l’Afrique pour accepter la présence d’Africom, compare-t-il. Ainsi en est-il également sur le plan économique. Il est plus que temps que nos dirigeants identifient les entreprises appartenant à des Sénégalais et créées avec des capitaux sénégalais.»
La bonne représentation des entreprises françaises au Sénégal est une constante dans l’économie locale. La politique de diversification des partenariats menée par l’ancien Président Abdoulaye Wade a consolidé la présence chinoise et facilité l’émergence d’autres alliés, asiatiques en particulier. Selon Christophe Bigot, ancien ambassadeur de France à Dakar, cette diversification a eu pour effet de faire baisser la part de marché des entreprises françaises au Sénégal de 25% à 15% entre 2006 et 2016 (de 24,3% à 15,9%, selon le site Africa Check se basant sur les données de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Depuis, les grands projets d’infrastructure lancés par le Président Macky Sall ont remis la France au centre des enjeux économiques et financiers sénégalais.
Un officiel sénégalais, qui a requis l’anonymat, considère qu’il y a clairement un basculement du régime sénégalais vers la France.
«Bolloré, qui a connu des déboires avec Abdoulaye Wade, règne désormais en maître au port de Dakar après avoir racheté en partie son concurrent… français Necotrans. Suez vient juste de prendre la place de la Sénégalaise des eaux (SDE) pour la distribution de l’eau. Total a eu certes tardivement sa part du gâteau des découvertes pétrogazières mais elle l’a eue quand même, provoquant au passage la démission du ministre des Énergies.»
Il poursuit, citant encore le méga-contrat du Train express régional (TER) remporté par le trio Alstom-Thales-Engie prévu pour relier Dakar à l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD), le projet d’Omnibus entre la capitale et la banlieue confié au duo SNCF-RATP pour démontrer que «la France est bel bien au cœur de notre économie».
Le basculement de Macky Sall
Avec une main-d’œuvre locale bien présente dans ces divers chantiers, les entreprises françaises peuvent se prévaloir d’une certaine participation au bien-être des Sénégalais. En effet, «les filiales de sociétés françaises et entités de droit sénégalais détenues par des ressortissants français représentent plus du quart du PIB et des recettes fiscales au Sénégal. Selon les dernières estimations, il existerait plus de 250 entreprises françaises présentes dans le pays, qui emploieraient plus de 30.000 personnes. La présence française concerne tous les secteurs d’activité», peut-on lire sur le site de l’ambassade de France au Sénégal.
Mais il en faut plus pour en convaincre Guy Marius Sagna et son constat est amer : «Le plus important n’est pas que ces entreprises emploient ou pas un personnel sénégalais ou africain. Dans leur propre pays, sur leur propre continent, les sociétés africaines sont concurrencées, elles sont perdantes. À l’extérieur, elles sont inexistantes.» La faute exclusivement à «l’impérialisme» ?