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3 mai 2025
Développement
par Rama Yade
SEULE L'AFRIQUE APPARAÎT EN CAPACITÉ DE PENSER LA DESTINÉE COLLECTIVE DE L’HUMANITÉ
Au moment où le Covid-19 provoque des comportements paniqués avec d’incalculables conséquences à venir, il revient à l’Afrique de prendre l’initiative politique en proposant une feuille de route à la communauté internationale, plutôt que de l’attendre…
La pandémie de Covid-19 ne bouleverse pas seulement des certitudes technologiques, des modes de vie et un ordre géopolitique. C’est l’idée même qu’on se fait de la trajectoire du progrès humain qui est ébranlée. Si, aujourd’hui, beaucoup laissent entendre que plus rien ne sera comme avant, rien n’est moins sûr. La crise financière de 2008 est là pour le rappeler. Il faudra de la détermination pour changer la donne. Pourquoi pas à partir de l’Afrique ?
Malgré les défaillances de ses structures sanitaires aggravées par les politiques d’ajustement structurel qui lui ont été imposées depuis les années 1980, l’Afrique dispose d’atouts (contamination plus tardive, expériences de pathologies plus sévères, jeunesse de sa population…).
Surtout, alors que, depuis plusieurs années, l’Europe et les Etats-Unis ont fait le choix de se protéger des migrations derrière des frontières militarisées, s’interdisant de facto de penser la destinée collective de l’humanité, seule l’Afrique, avec sa jeunesse en perpétuel mouvement, apparaît en capacité d’envisager ce commun. Tel n’est pas le moindre des paradoxes que de voir les pays riches, initiateurs de la mondialisation, la refuser lorsqu’il s’agit de la circulation des hommes, à moins que ceux-ci ne soient leurs propres ressortissants, dès lors pourvus de la capacité d’aller où bon leur semble et même d’y importer le coronavirus !
Cette attitude a déjà gravement affaibli la gouvernance mondiale à travers le dépérissement progressif du multilatéralisme qui ne connaît de dynamique qu’en Afrique (renforcement de l’Union africaine, lancement de la monnaie « éco » et surtout, création de la plus grande zone de libre-échange au monde, la zone de libre-échange continentale africaine).
De nouveaux schémas de pensée
Au moment où le Covid-19, entre hôpitaux débordés et vols de masques entre pays riches, provoque des comportements paniqués avec d’incalculables conséquences politiques à venir, et où les prétentions dominatrices de la Chine inquiètent plus qu’ils ne rassurent, il revient à l’Afrique de prendre l’initiative politique en proposant une feuille de route à la communauté internationale, plutôt que de l’attendre. Après tout, cela fait maintenant quinze ans qu’elle connaît une impulsion prometteuse, six des économies africaines ayant réussi en 2018 à se hisser parmi les dix plus dynamiques au monde, selon la Banque mondiale.
Sur les sentiers de l’émergence, elle brosse de nouveaux schémas de pensée dans bien des domaines de sorte qu’aucun des problèmes globaux ne se règlera en dehors de l’Afrique. Comment est-il encore possible d’imaginer que les drames en Méditerranée et dans le Sahara se résoudront sans elle ? Comment croire qu’on combattra le réchauffement climatique sans le bassin du Congo, l’autre poumon vert de la planète ou le lac Tchad qui, ayant perdu 90% de sa superficie, met en danger pas moins de 40 millions de futurs réfugiés climatiques ?
Le fossé est grand entre l’expérience que l’Afrique pourrait revendiquer et son déclassement dans les instances internationales de décision. On en vient à ignorer dangereusement le leadership africain dans deux domaines stratégiques pour le monde : d’une part, la démographie (d’ici 2050, un terrien sur quatre sera africain) et le foncier (le continent abrite près de 60% des terres arables).
Le continent africain doit désormais transformer l’essai sur le plan politique. Il se donnerait la possibilité méritée de redéfinir la notion de progrès, en y introduisant ses propres critères. C’est même un devoir devant l’épuisement intellectuel de la communauté internationale, à court de solutions et dans l’incapacité de répondre aux limites d’un modèle économique de plus en plus décrié.
C’est un agenda de rupture que l’Afrique peut présenter dès maintenant. Autour de 5 priorités :
1. La création d’un Tribunal sanitaire international. Au moment où la course au vaccin est lancée, il apparaît indispensable de se pencher, avec la même urgence, sur l’origine du nouveau coronavirus. Un Tribunal, avec un pouvoir d’investigation et de sanctions (trafics d’animaux sauvages, manipulations génétiques ou autres en laboratoires), consacrerait un principe de responsabilité sanitaire. Il n’est plus supportable que le monde soit entraîné aussi régulièrement (SRAS en 2002, H1N1 en 2009, MERS en 2012, H7N9 en 2013, etc….), au bord du précipice du fait de l’irresponsabilité de quelques-uns jamais mis en cause encore moins condamnés. Il s’agit de leur ôter toute envie de recommencer !
2. C’est tout le système onusien qu’il s’agit de refonder, en consacrant l’entrée d’un nouveau membre, l’Union africaine, au Conseil de sécurité des Nations-Unies. Il s’agit là aussi de répondre à la longue succession des échecs de l’ONU (missions en débandade comme la Monusco en RDC, marginalisation sur les dossiers syrien et libyen). Pour faire bonne mesure, l’entrée de l’Union
européenne (qui remplacerait la France et la Grande-Bretagne) renforcerait l’intégration européenne, qui en a bien besoin.
3. La prise en charge par les Etats africains des migrants en déshérence. Il leur revient d’exercer davantage leur devoir de protection vis-à-vis de leurs ressortissants en Méditerranée et dans le Sahara via des missions de secours et d’assistance, plutôt que de les déléguer aux ONG européennes. Ces dispositifs seraient financés -pourquoi pas de manière innovante- par des obligations auprès de la diaspora africaine dont on connaît la volonté d’implication au point que leurs transferts financiers constituent près du triple de l’aide publique au développement !
4. Des industries de transformation pour absorber l’arrivée sur le marché du travail d’un milliard de jeunes d’ici 2030. C’est un enjeu fondamental souligné par le dernier rapport de la Banque africaine de Développement (BAD), qui estime à 12 millions le nombre d’emplois à créer. Impossible quand les ressources agricoles et minières sont transformées à l’étranger. L’Afrique exporte ses emplois ! Le défi est de multiplier les TPE-PME et les aider à fabriquer sur place biens et services puis les écouler.
5. La souveraineté numérique de l’Afrique : si le leapfrog africain a permis la plus grande révolution des télécommunications au monde (en 2019, 2 mds $ -un record absolu- ont été investis dans environ 250 start-up africaines, selon le rapport annuel de Partech Africa), il ne faudrait pas qu’après avoir perdu des pans entiers de sa souveraineté politique, l’Afrique voit les données personnelles de sa population lui échapper. Voilà qui justifierait la mise en place de dispositifs de cyberdéfense face aux piratages informatiques et de datas centers pour la protection des dites données.
Qui pour incarner cette feuille de route africaine pour le monde ?
Elle ne peut être portée que par les chefs d’Etat africains les plus crédibles en ce qu’ils ont montré leur efficacité dans leurs pays, ou, à défaut, par des personnalités civiles africaines emblématiques d’une Afrique décomplexée.
Comme la génération précédente, de Nkrumah à Senghor, a su en dix années fulgurantes énoncer des principes à vocation universelle, en obtenant les indépendances et en offrant au monde des humanismes (la négritude, le panafricanisme, la francophonie…), un ordre géopolitique (le courant des non-alignés), un rendez-vous artistique mondial (le Festival des arts nègres), il appartient à la génération présente des Africains d’avancer enfin une offre susceptible d’insuffler un nouveau cours dans les relations internationales.
Mieux, une initiative africaine ne manquerait pas d’être endossée au-delà de l’Afrique, notamment par les sociétés civiles du monde entier en recherche de modèles politiques et économiques alternatifs.
Il est vrai, qu’entre révolutions démocratiques avortées au Sud et crises financières sans lendemain au Nord, le fossé n’a jamais semblé aussi grand entre l’inertie exaspérante d’une gouvernance mondiale qui tourne à vide et l’immense aspiration des peuples à davantage de justice.
Rama Yade est Ex-Secrétaire d’Etat frnaçaise chargée des Affaires Etrangères et des Droits de l’Homme, Enseignante à Sciences-Po Paris, Senior Fellow, Atlantic Council.
par Ndèye Fatou Kane
IMMIGRÉE ET CONFINÉE À PARIS (1)
Le concept d’intersectionnalité, popularisé par la juriste américaine et théoricienne de la critical race theory Kimberlé Crenshaw, ne m’a jamais paru aussi pertinent qu’en cette période
Ndèye Fatou Kane est écrivaine, bloggeuse et chercheuse en études sur le genre à l’Ehess à Paris. Dans cette première chronique, elle relate le confinement intimement vécu dans la capitale française.
Depuis dix jours que je suis enfermée chez moi, entre quatre murs, à l’exception de quelques sorties pour aller acheter de quoi me sustenter à 100 mètres de mon immeuble, je prends la pleine conscience de la mesure de confinement qui s’est abattue sur la France entière.
Le Lundi 16 Mars fut le Jour 1 de cette période noire. Le Président Macron, à travers une adresse télévisée, demandait à tout le monde de rester chez soi et de limiter les déplacements au strict nécessaire : activités professionnelles, courses, consultations médicales …
Depuis lors, je tourne et retourne dans tous les sens cette situation de confinement imposée et j’essaie d’en trouver le bout, ce qui me permettrait de retrouver un semblant de vie normale. Ne pouvant démêler ce nœud, je décidai de coucher sur le papier mon ressenti. Non pas pour « romantiser » cette situation qui n’a absolument rien d’idyllique, encore moins attirer la commisération, mais pour tout simplement dire, me raconter, afin de cueillir chaque jour comme il vient dans cette morosité ambiante.
Le concept d’intersectionnalité, popularisé par la juriste américaine et théoricienne de la critical race theory Kimberlé Crenshaw, ne m’a jamais paru aussi pertinent qu’en cette période de confinement. Loin de moi l’idée de me plaindre, car je me dis qu’en cette période sanitaire trouble, beaucoup de personnes sont dans la précarité la plus totale. Mais être une femme, Africaine de surcroît, à la peau noire, dans un pays qui n’est pas le mien, cela me fait porter plusieurs identités; identités qui participent à accroître mon angoisse et mon altérité.
Altérité qui est caractérisée par le fait qu’un des réflexes naturels lorsque survient une situation malencontreuse, est d’aller auprès des siens. Mais vu que les frontières sont fermées aux avions, la seule issue est de rester là où on est, le temps que ça se tasse. Et chez moi, c’est Dakar …
Il il suffit de risquer le nez dehors pour s’en rendre compte. L’immeuble n’a pas âme qui vive, je n’ai croisé aucun de mes voisins depuis que la mesure s’est abattue, car ils ont tôt fait de courir retrouver leurs proches. Les quelques rares personnes que j’ai croisées en m’aventurant dehors, sont des couples ou des familles, avançant en petits groupes, à la manière d’une meute faisant bloc face à l’inconnu. Et ma solitude me paraît encore plus criarde.
Le contact téléphonique avec ma patrie, le Sénégal, est maintenu avec ma mère et tous ceux qui me sont chers. Car j’ai beau ne pas y être, de même qu’ils se font un sang d’encre pour moi me sachant seule et isolée, je m’inquiète aussi pour eux, vu la course folle qu’effectue le virus de par le monde … Les autorités étatiques ont beau avoir déclaré l’état d’urgence et mis en place un couvre-feu, l’inquiétude grandit.
Dans Écrire en pays dominé (Paris, Gallimard, 1997), Patrick Chamoiseau écrit : « Le royaume lui-même se retrouve aplati malgré ses fastes et ses espaces ; il lui manque les ourlets de nuages, la brume, les vents fermentés, le sucre qui anmiganne, la muraille des cannes émotionnée d’ombres vertes, et l’épaisseur que donne au monde l’eau vivante dispersée ». Je me retrouve dans ces mots de l’écrivain martiniquais, car j’ai navigué dans une quasi-brume tout le long de ces dix jours, le quotidien affadi, les sons inexistants, la présence humaine raréfiée.
Habituellement, j’aime m’enfermer des jours durant (surtout les week-ends), pour m’adonner à des activités, scripturales surtout, tout en m’accordant quelques petites pauses. Mais en cette période de confinement, savoir que si l’on sort, on risque de se voir intimer l’ordre de retourner là d’où l’on vient – la police veille – c’est ce qui rend la situation difficilement supportable. Entre la psychose qu’installent les cas qui augmentent de jour en jour, et l’enfermement qui agit sur mes facultés physiques et mentales, j’en suis arrivée au point où faire ce que j’aime le plus – et donc écrire – permettrait de tenir, jusqu’à ce qu’une éclaircie ait lieu.
Les jours s’étirant interminablement, et après avoir tourné en rond sur moi-même un nombre incalculable de fois, je me suis dit que me mettre face à ma feuille blanche et laisser mes doigts former des lettres, des phrases, des paragraphes, serait la meilleure des occupations en attendant que l’on se réveille tous de ce mauvais rêve.
Cueillir chaque jour comme il arrive, jusqu’à ce que cette épidémie de coronavirus fasse partie des souvenirs qu’on enfouit très loin dans nos mémoires.
À dans quelques jours,
Ce texte a été publié le 27 mars.
par Aminata Touré
FACE AU COVID-19, L'AFRIQUE SE BAT ET COMPTE SUR SES PROPRES FORCES
La coopération internationale, aussi souhaitable et utile qu’elle puisse être, ne peut qu’accompagner l’engagement des gouvernements africains dans leur volonté de prendre en charge leur propre développement
Il est certainement bien trop tôt pour tirer des leçons de la pandémie du Covid19 alors qu’elle charrie toujours son lot de désolation et demeure à bien des égards une énigme aux yeux des scientifiques du monde entier. Néanmoins, à partir de certains constats nous pouvons déjà tirer quelques enseignements préliminaires pour notre continent.
La mondialisation présentée comme le modèle universel infaillible a rapidement cédé la place à un repli sur soi des nations sans précèdent dans l’histoire récente de l’humanité. La fermeture quasi-universelle des frontières, le rapatriement massif d’expatriés vers leurs pays originaires et un transport aérien international à l’arrêt sur l’ensemble du globe concourent à sérieusement battre en brèche le mythe certainement trop vite construit du village planétaire que serait devenu notre planète-terre.
Depuis près d’un mois, les pays africains vivent dans le périmètre strict de leurs propres frontières et tentent vaillamment de trouver leurs propres réponses à cette crise sanitaire mondiale imprévue il y’a seulement trois mois.
La meilleure réponse
Les gouvernements africains, à divers niveaux, mobilisent leurs experts, développent des stratégies et prennent des mesures inédites pour limiter l’expansion de virus. C’est assurément la meilleure réponse à apporter aux tenants de l’afro-pessimisme annonciateurs d’un très prochain cataclysme africain.
Le scénario apocalyptique prédit au début de la pandémie du Sida pour l’Afrique n’a pas eu lieu grâce à l’efficacité d’un partenariat mondial intelligent, mais surtout par l’engagement des gouvernements africains qui ont su élever la lutte contre le VIH-Sida au niveau de priorité nationale, en dépit de leurs nombreux autres défis de développement.
Ce sont ces mêmes efforts qui ont permis de lutter efficacement contre les grandes endémies et baisser la mortalité infantile et maternelle, même s’il reste encore des défis sanitaires importants à relever.
Il est important de relever que, lorsque les gouvernements s’engagent résolument à résoudre les grandes questions qui se posent à eux, lorsqu’ils leur accordent la priorité qui sied et l’engagement patriotique qui convient, les progrès sont au rendez-vous.
Ce qui, par la même occasion, renforce la confiance des citoyens africains envers leurs propres institutions et consolide la stabilité sociale. C’est le cas des pays africains qui connaissent des évolutions économiques et sociales appréciables. La coopération internationale, aussi souhaitable et utile qu’elle puisse être, ne peut qu’accompagner l’engagement des gouvernements africains dans leur volonté de prendre en charge leur propre développement.
Le multilatéralisme, victime du coronavirus
Dans le contexte actuel, l’une des premières victimes du coronavirus est d’ailleurs le multilatéralisme et ses multiples mécanismes et agences présentes en Afrique qui n’ont toujours pas fait la preuve par neuf de leur valeur ajoutée dans la gestion de la crise actuelle. Manifestement, la coopération internationale fait défaut ou tarde à se manifester, malgré les efforts de plaidoyer du secrétaire général de l’ONU.
Plus que jamais auparavant, l’Afrique se rend compte qu’elle ne peut d’abord compter que sur elle-même pour se préserver du Covid-19. Pour exemple, à l’hôpital Fann de Dakar, structure de prise en charge des cas graves de Coronavirus, il n’y a que des médecins, infirmiers, aides-soignants et autres personnel de santé exclusivement sénégalais qui se battent nuits et jours pour sauver des vies.
Partout ailleurs sur le continent, les gouvernements se battent, trouvent des solutions endogènes avec les moyens dont ils disposent pour protéger leurs populations. C’est dire que l’Afrique cherche ses solutions, forte de ses expériences antérieures de lutte contre les grandes endémies et de son savoir scientifique. Faut-il rappeler qu’il y’a 25 ans, en 1985, le professeur Souleymane Mboup découvrait le VIH 2 dans son modeste laboratoire du Centre hospitalier Aristide- le Dantec, une variante du VIH1 connu et étudié par ses confrères européens et américains ?
Il est grand temps de mettre en place un véritable partenariat scientifique entre nos universités africaines afin de trouver des réponses préventives, thérapeutiques et pharmaceutiques aux pathologies dont souffrent les populations africaines mais aussi en anticipation d’autres pandémies à venir.
Il nous faut activement encourager la diaspora scientifique africaine à tisser des liens de coopération et d’échange avec leurs collègues du continent afin que voient le jour des centres de recherches et laboratoires africains au service d’industries africaines de rang mondial du médicament et du vaccin. C’est la voie véritable de notre souveraineté sanitaire.
Pour l’heure, la mission première de l’Union africaine et des commissions sous-régionales est d’harmoniser le combat de l’Afrique contre le Covid-19 en mettant rapidement en commun nos connaissances, en mutualisant nos moyens et en galvanisant la résilience exceptionnelle de nos peuples.
Aminata Touré est présidente du Conseil Économique, Social et Environnemental du Sénégal ; et ancienne ministre de la Justice, ancienne Première ministre.
par Abdoul Mbaye
LA FABRICATION LOCALE CONTRE LA CRISE GLOBALE DU COVID-19
Il y a lieu de lancer une production locale de masques par notre dynamique artisanat de la confection - La fabrication locale de gel hydro alcoolique doit également être promue -
L’unanimité existe désormais sur le fait que le port généralisé du masque est un des meilleurs moyens pour limiter et même empêcher la dissémination du virus Covid-19.
Malheureusement, la fabrication mondiale de masques produits est en deçà des besoins mondiaux au point de saturer la capacité de production des usines chinoises. En outre, seule une logistique coûteuse passant par l’organisation de ponts aériens permet de couvrir une partie de la demande des pays de la planète les plus nantis, les seuls en mesure de faire face à de telles dépenses.
L’insuffisance de masques au Sénégal a conduit à une vive spéculation sur leur prix, ce qui réduit considérablement l’accès de la majeure partie de la population à cette protection devenue indispensable.
Aussi y a-t-il lieu de lancer une production locale de masques par notre dynamique artisanat de la confection. Ils seraient certes moins performants, ne répondant pas nécessairement aux normes les plus élevées, mais devraient au moins empêcher le voyage du virus par gouttelettes ou par la seule parole (voie de transmission désormais considérée plausible).
Pour ce faire, il conviendrait de :
1 - faire retenir par un comité réunissant spécialistes de la confection et praticiens médecins un patron à appliquer par les futurs fabricants. Il existe d’ailleurs des tutoriels de fabrication de masques en tissu accessibles sur le net ;
2 - définir un prix de vente dans le commerce du masque fabriqué et un prix d’achat par l’État qui devra en passer commande de grandes quantités à l’effet d’organiser des distributions gratuites aux citoyens les moins nantis et les plus exposés ;
3 - sélectionner les ateliers de confection qui seront habilités à fabriquer les masques sur commande de l’État selon des critères de capacités techniques et surtout de respect strict de règles d’hygiène portant sur l’environnement des ateliers (de l’achat des matières premières à la confection) et l’équipement de leur personnel.
La fabrication locale de gel hydro alcoolique doit également être promue. Des pharmaciens et quelques usines particulières (pharmaceutiques et de cosmétiques) devraient être en mesure d’en assurer la production de quantités significatives si les matières premières sont disponibles. L’emballage serait fabriqué par nos usines de plastique. Cette production empêchera également l’importante spéculation sur le prix de ce produit et pourrait être exportée vers les pays voisins.
Je rappelle enfin la nécessité de relancer la production de chloroquine en remettant en activité la société Medis.
Sur un autre registre concernant également la promotion des productions locales, la préparation de la prochaine campagne agricole dans l’urgence et avant la fin du mois en cours doit reposer sur un accent fort mis sur la production des céréales locales (mil, riz, maïs, etc…). Le retour à un niveau satisfaisant du fonctionnement des marchés mondiaux de denrées et produits alimentaires risque en effet de prendre un long temps. Les pays économiquement plus faibles seront les derniers à pouvoir retrouver leurs parts de marché à l’importation. Il est donc essentiel de s’y préparer en développant nos productions agricoles locales.
Au Sénégal, il conviendra alors de mettre à la disposition des agriculteurs des semences de qualité (certifiées et non « sélectionnées »), et des engrais dont les prix devront être négociés avec l’entreprise les ICS puisque cette production est déjà locale.
C’est en outre l’occasion d’encourager notre jeunesse inactive et dont les petits revenus gagnés dans le secteur informel sont très largement compromis, à renouer avec l’intérêt de l’agriculture.
Dans l’espoir que ces quelques propositions vous seront d’utilité, je vous prie d’agréer, monsieur le président, l’expression de notre considération citoyenne.
Que Dieu (swt) sauve le Sénégal et l’humanité.
Par Jean Pierre CORREA
TOUT GESTE EST BEAU, MAIS QUAND MÊME…
Un homme qui figure dans une procédure judiciaire encore pendante devant la justice, et auquel en l’état procédural du dossier, il est réclamé plusieurs milliards, peut apporter un chèque auto-blanchissant à notre ministre de l’économie ?
Tout geste de générosité est bienvenu. Comme dit l’adage wolof : « Teranga Toutiwoul ». Cependant comme le diffuse la sagesse populaire, « la façon de donner vaut mieux que ce que l’on donne ».
La liste des donateurs privés, publics et anonymes, qui participent à l’effort de lutte national contre la pandémie du Covid-19, à travers Force Covid-19, s’allonge et c’est tant mieux pour le Sénégal, qui aura besoin de toutes ses forces vives pour contenir dans les limites du supportable, ce péril sanitaire qui est dans nos murs et nous menace tous tant que nous sommes, petits ou grands, blancs ou noirs, patrons ou chômeurs, riches ou pauvres, catholiques comme musulmans.
Les besoins sont énormes, et il faudra en délimiter les priorités, médicales, alimentaires, et économiques. Il en faudra beaucoup, de gestes de solidarité et de générosité pour atteindre et remplir l’enveloppe des 1000 milliards nécessaires à cette lutte historiquement inédite.
Il est néanmoins important de ne pas transformer cette séquence, qui doit plus démontrer notre solidaire appartenance à une même nation, surtout quand celle-ci célèbre le 60ème Anniversaire de son Indépendance dans ces tristes circonstances, que d’initier un Concours Général du « Plus Généreux que moi Tu meurs ». Sans entrer dans une exhaustivité qui serait fastidieuse et injuste parfois, il convient d’interroger certains actes posés par des sociétés nationales ou multinationales, mais aussi par certains privés.
Allez, sans les suspecter d’être radins et près de leurs sous, on peut s’étonner que la Sonatel, qui fait 100 milliards de CA, ne donne « que » 250 millions, en moyens financiers, même si elle affirme que sa contribution à l’effort de guerre du gouvernement atteint en services gratuits les 2 milliards. Des SMS et autres transactions gratuits, ce n’est pas très parlant et concret pour une marque qui est au cœur de l’économie sénégalaise. 100 millions de masques, ça c’est parlant. Le patron de la CSS, Mimran, a sur sa fortune personnelle donné un milliard, et a en plus soutenu pour plusieurs autres millions, les besoins matériels et logistiques de notre système de santé. C’est parlant…
La marque Total, a il y a peu bénéficié du soutien du Sénégal dans une compétition ouvrant sur des concessions pétrolières, au détriment d’autres candidats, ce qui a créé d’ailleurs à l’époque une crise gouvernementale conduisant à la démission d’un ministre, Alassane Sall pour ne pas le nommer. La compagnie Total, à travers sa fondation d’entreprise au Sénégal, a annoncé qu’elle offrira du carburant d’une valeur de 100 millions de francs CFA pour appuyer le pays dans sa lutte contre le nouveau coronavirus. Mais ce n’est même pas un jerrican d’essence pour un 4x4, en comparaison, d’autant que les besoins sont ailleurs en urgence absolue. Concrètement, aucune compagnie pétrolière opérant dans le pays, n’est encore venu en soutien, 25 jours après le premier cas signalé au Sénégal.
A côté de cela, il y a le réconfort de voir une enseigne comme Wari, en difficulté, donner courageusement 5 fois plus que son rival d’alors dans la conquête de Free, alors que l’associé sénégalais de cet opérateur de téléphonie, bénéficie à travers les routes et programmes immobiliers, de la manne des marchés de l’Etat sénégalais. Mais heureusement, le tir a été corrigé grâce à un consortium des entreprises liées à la famille Sow.
Il y a enfin les dons de ceux qui ne peuvent faire « que » ça… Et c’est déjà beaucoup parfois, en regard de la surface de leurs entreprises, ou de leurs professions lorsque ces donateurs sont des personnes privées, et même parfois politiques.
Il y a surtout les milliers de gens qui donneront sans vouloir, c’est leur droit, qu’on les cite et les célèbre. C’est parce que nous aurons « fait nation », tous ensemble, que cette solidarité sera vigilante et agissante.
Et la générosité a souvent des épines, et il y aura, hélas, les cas dont on pourra discuter de l’opportunité, si ce n’est de l’opportunisme. Sans remettre en cause la licité du don télévisé de monsieur Tahirou Sarr, il est pour le coup, opportun de s’interroger si un homme qui figure dans une procédure judiciaire encore pendante devant la Justice, et auquel en l’état procédural du dossier, il est réclamé plusieurs milliards, peut apporter un chèque auto-blanchissant à notre ministre de l’économie. Réponse souhaitable… La générosité masque nos imperfections.
RIEN NE PROUVE QUE LE COVID-19 A ÉTÉ CRÉÉ EN LABORATOIRE
La théorie complotiste de la création d’un virus en laboratoire puis libéré dans la nature a été beaucoup relayée. Rien ne corrobore cette hypothèse mais on peut expliquer pourquoi elle prospère
The Conversation |
Eric Muraille |
Publication 06/04/2020
La pandémie de Covid-19 qui ébranle nos systèmes de santé, nos économies et bouleverse nos habitudes est également à l’origine de ce que le Dr. Sylvie Briand, Directrice du Département Pandémies et épidémies de l’Organisation mondiale de la santé, a qualifié judicieusement d’infodémie, la circulation virale de rumeurs et de fausses informations.
On peut retrouver sur le site Conspiracy Watch un florilège des théories les plus populaires à propos du Covid-19.
L’infodémie du Covid-19
Des journalistes, un ancien agent de renseignement, Dany Shoham, et de pseudo-experts, tels que l’ancien professeur de droit international Francis Boyle, ont évoqué avec sérieux la possibilité que le coronavirus SARS-CoV-2, à l’origine de l’épidémie de Covid-19, aurait été produit dans le laboratoire de biosécurité de niveau 4 (BL4) récemment construit dans la région du Wuhan, épicentre de l’épidémie en Chine.
Une autre théorie populaire chez certains suggère que le virus aurait été introduit par les juifs pour provoquer l’effondrement des marchés et pouvoir s’enrichir en réalisant des délits d’initiés. Enfin, il est également affirmé que le virus aurait été créé et breveté par l’Institut Pasteur. Ces théories sont devenues virales, au point que de récents sondages montrent que 23 % des Américains et 17 % Français sont convaincus que le nouveau coronavirus aurait été intentionnellement fabriqué en laboratoire.
La vague complotiste entourant l’épidémie de Covid-19 est également stimulée par quelques gouvernements, qui se livrent une véritable guerre de l’information en politisant à outrance l’épidémie. Le président américain Donald Trump a insisté sur l’origine chinoise du Covid-19 lors de son allocution du 11 mars 2020, le qualifiant de virus chinois. En réponse, l’un des porte-paroles du ministère chinois des Affaires étrangères a posté sur son compte Twitter un article censé démontrer que le SARS-CoV-2 était déjà présent en 2019 aux USA et aurait été amené en Chine par des soldats américains.
La propagation de fausses informations peut entraver la réponse aux vraies épidémies. Un décryptage des faits vérifiables à propos de l’épidémie de Covid-19 s’impose donc.
Que savons-nous des origines du Covid-19 ?
Les résultats de l’analyse du génome du SARS-CoV-2 sont claires. Sa séquence est à 96 % identique à celle du coronavirus RaTG13 isolé chez une chauve-souris collectée dans la province chinoise du Yunan. La séquence du domaine du récepteur présent à la surface du SARS-CoV-2 et permettant l’infection des cellules humaines (RBD, receptor binding domain) diverge cependant fortement de la séquence équivalente observée chez le RaTG13. La séquence du RBD du SARS-CoV-2 est par contre très proche, 99 %, de celle d’un coronavirus isolé chez le pangolin. Ce qui suggère que le SARS-CoV-2 serait le résultat de la recombinaison de deux virus. Ce mécanisme de recombinaison a déjà été décrit chez les coronavirus.
La comparaison des séquences de coronavirus présents en nature supporte donc une origine naturelle du SARS-CoV-2. De plus, le SARS-CoV-2 ne contient aucune trace d’une quelconque manipulation génétique d’origine humaine. Plus précisément, il ne contient pas de séquences résiduelles apparentées aux systèmes de vecteurs servants classiquement aux manipulations génétiques, ce qui suggère qu’il serait bien le produit d’un processus de sélection naturelle aléatoire.
Laboratoire BL4, manipulations génétiques : réalité et mythes
Il existe effectivement un laboratoire BL4 à Wuhan, le Wuhan National Biosafety Laboratory. Construit en partenariat avec la France, il a obtenu sa certification en 2017. Suite aux épidémies de SARS de 2002-2004 et de H1N1 de 2009, la Chine voulait améliorer sa capacité à lutter contre les épidémies. Il est principalement missionné pour effectuer des recherches sur Ebola, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo et le SARS. Le seul accident documenté lié à un laboratoire travaillant sur les coronavirus en Chine est l’infection de 9 individus en avril 2004 par le virus SARS-CoV-1, responsable de l’épidémie de SARS de 2002-4. Il s’agissait de deux étudiants travaillant au National Institute of Virology Laboratory et de leurs proches.
Une trentaine de laboratoires BL4 sont recensés dans le monde. Leur fonctionnement a toujours été source de polémique et de suspicion. Certains de ces laboratoires étaient autrefois impliqués dans la fabrication d’armes biologiques. La signature de la Convention sur l’interdiction des armes biologiques de 1972, interdisant le développement, l’acquisition, le stockage et l’usage d’armes biologiques, a modifié leur finalité. Ces laboratoires sont à présent officiellement consacrés à la lutte contre les épidémies et les armes biologiques. Il a toutefois été démontré que certains États, dont l’ex Union soviétique, ont persisté, en dépit de la signature de cette convention, à financer des programmes de recherche, tel que Biopreparat, visant au développement d’armes biologiques.
Des accidents ont effectivement déjà été liés au fonctionnement de ces laboratoires BL4. Par exemple la catastrophe de Sverdlovsk en 1979, qui causa plusieurs dizaines de morts, liés à une dissémination accidentelle de spores de la bactérie Bacillus anthracis, responsable de la maladie du charbon. Les attaques terroristes à l’aide d’enveloppes contaminées au bacille du charbon en 2001 aux USA ont également été reliées à un microbiologiste, le docteur Bruce Ivins, travaillant dans un laboratoire BL4 de l’armée américaine. Ces laboratoires de haute sécurité constituent donc, à juste titre, un terreau extrêmement fertile au développement de théories complotistes.
Enfin, il est également vrai que d’anciens virus mortels ont été ressuscités en laboratoire, que de nouveaux virus sont créés par manipulation génétique à des fins de recherche et que certains virus ont déjà été disséminés dans la nature par des États. En 2005, le virus de la grippe espagnole de 1918 a été reconstruit par génie génétique et testé en laboratoire afin de mieux comprendre son exceptionnelle virulence. En 2012, le virus de la grippe H5N1 a été modifié en laboratoire afin de lui conférer la capacité d’infecter par voie aérienne le furet dans le but de comprendre comment ce virus pourrait muter pour infecter l’humain par cette voie. Le gouvernement australien a autorisé en 2017 la dissémination massive d’une souche de virus (appelée RHDV1 K5) de la maladie hémorragique du lapin afin de réduire les populations de lapins sauvages sur son territoire. Il est donc assez aisé, à partir de ces faits bien documentés, de générer une infinité de scénarios complotistes.
La théière de Russel et le Covid-19
Qu’y a-t-il de commun entre une théière céleste et les théories complotistes du Covid-19 ? Beaucoup plus qu’on ne pourrait le penser de prime abord.
Une théière serait en orbite autour du Soleil, plus précisément entre la Terre et la planète Mars. On ne peut démontrer que cette théière n’existe pas, il faudrait donc y croire. La métaphore de la théière céleste a été proposée par le philosophe Bertrand Russell pour contester l’idée que ce serait au sceptique de réfuter les bases invérifiables de la religion et pour affirmer que c’est plutôt au croyant de les prouver. La théière de Russel constitue la version cosmique du rasoir d’Ockham, également nommé principe de parcimonie ou de simplicité. Ce principe recommande d’éliminer d’un raisonnement les explications complexes d’un phénomène si des explications plus simples s’avèrent vraisemblables. Il reste un principe fondamental du raisonnement logique en Science. Il ne stipule nullement que l’explication la plus simple est forcément vraie, mais qu’elle doit cependant être considérée en premier.
Dans le cas du Covid-19, aucun fait vérifiable ne soutient l’hypothèse que le SARS-CoV-2 aurait été intentionnellement fabriqué en laboratoire. Les diverses théories complotistes ne sont supportées que par des corrélations, telles que l’existence d’un BL4 à Wuhan. Les séquences du RBD du virus pourraient, en théorie, résulter d’une adaptation du virus en laboratoire lors de culture sur des cellules humaines. Mais l’existence d’une séquence de RBD identique à 99 % chez un coronavirus infectant le pangolin supporte une hypothèse plus parcimonieuse : l’infection d’une chauve-souris ou d’un pangolin par deux coronavirus, qui auraient recombiné pour former un nouveau virus qui aurait ensuite infecté un humain ; le fameux patient zéro encore inconnu à l’origine de l’épidémie de Covid-19.
Les raisons évoquées pour expliquer l’adhésion d’un nombre croissant d’individus aux thèses complotistes sont multiples. Il est bien établi que la croissance exponentielle des connaissances scientifiques spécialisées a entraîné, paradoxalement, une augmentation simultanée de l’ignorance. Et la tendance lourde de ces dernières décennies de l’éducation à favoriser l’employabilité des étudiants plutôt que leur formation générale, en particulier dans le domaine scientifique, n’a pas aidé à rapprocher les citoyens de la science. Ni à leur permettre de développer un esprit critique.
Cette absence de culture scientifique cumulée avec l’effet Dunning-Kruger, un biais cognitif selon lequel les moins qualifiés dans un domaine surestiment leurs compétences, explique sans doute en partie la grande perméabilité du public aux théories complotistes présentant des aspects pseudo scientifiques. D’autre part, selon la théorie de l’identité sociale d’Henri Tajfel, le raisonnement logique et l’information pourraient en définitive être peu impliqués dans l’adhésion aux théories complotistes. Car adhérer à celles-ci permettrait de rejoindre un collectif et de se parer des qualités présumées de ce collectif qui s’oppose à d’autres collectifs supposés présenter de nombreux défauts. Il s’agirait donc d’une adhésion sociale et non d’une adhésion fondée sur le raisonnement.
Dans le cas précis du Covid-19, on peut aussi se demander si l’adhésion aux théories complotistes ne traduit pas en partie notre besoin viscéral de nous rassurer en inventant une explication simpliste aux phénomènes naturels qui nous terrifient. Quelle hypothèse est la plus insupportable ? Que des savants fous subventionnés par une puissance étrangère seraient à l’origine d’une épidémie capable d’ébranler nos sociétés modernes ? Ou que de nouvelles épidémies émergent naturellement suite à l’invasion et à la destruction des écosystèmes ? Dans le premier cas, il serait facile de mettre fin au cauchemar. Dans le second, c’est notre mode de vie et notre système économique qui doivent impérativement changer.
par Cheikh Oumar Dieng
CORONAVIRUS SÉNÉGAL : PROGRESSION DE LA COURBE ET STRATÉGIE DE TEST
L’évolution des cas se détache d'un doublement tous les 7 jours pour passer à près d'un doublement tous les 10 jours - La tendance de la courbe du Sénégal est sensiblement identique à celle du Japon après le 100e cas
La courbe de l’évolution des cas confirmés de COVID-19 suit des trajectoires bien différentes selon les pays. La capacité d’un virus à se propager dans la population est établie à partir de son indice de contagion (R0) - Selon l’OMS, cet indice est compris entre 1,4 et 2,5 - c’est-à-dire une personne infectée peut infecter entre 1,4 et 2,5 personnes. Ce qui veut dire que la croissance du nombre de cas peut rapidement devenir exponentielle. Des études prévoient un doublement des cas tous les 6 jours dans les différents foyers du monde. Dans les pays qui maitrisent moins la progression du virus, un doublement tous les 2 jours est noté.
Pour le Sénégal, l’évolution des cas se détache d'un doublement tous les 7 jours pour passer à près d'un doublement tous les 10 jours ou plus. Ce qui dénote d’une évolution lente et maitrisée qui ne surcharge pas la capacité de notre système sanitaire pour le moment et on espère un aplatissement de la courbe. La tendance de la courbe du Sénégal est sensiblement identique à celle du Japon après le 100e cas. Rappelons que le Sénégal (premier cas le 02 Mars), à l’image du Japon et de certains pays a rapidement pris des mesures dont le contrôles thermiques à l’aéroport et la batterie de mesures qui s’en est suivi respectivement les 14 Mars, 20 Mars et 24 Mars, à savoir la fermeture des établissements publics, la suspension des rassemblements, le contrôle accru aux frontières, la suspension de liaisons aériennes et l’état d’urgence avec les différentes mesures affiliées. Une série de dispositions prises associées à une campagne de sensibilisation sur des mesures individuelles de prévention.
Encore plus à faire dans les mesures préventives
Cependant, beaucoup reste encore à faire notamment dans la persévérance de l’application des mesures préventives et le respect des dispositions des autorités. Pour ce qui est des mesures prévention, la sensibilisation sur la distanciation sociale (1 à 2m) reste encore à se généraliser dans le pays notamment dans les marchés et autres lieux publics encore en fonctionnement. La lente progression de cas au Japon est d’ailleurs largement attribuée à la distanciation sociale et au port de masques en lieux publics. Le Sénégal devrait sensibiliser plus sur cet aspect et encourager la population au port de masques dans les lieux publics, qu’elle soit malade ou pas. Notre industrie textile et les tailleurs peuvent être mis à profit dans la fabrication de masques.
Faible quantité de tests de dépistages
De nombreux pays ont opté pour une stratégie de dépistage massif du Covid-19. C’est le cas de la Corée du Sud, l’un des pays ayant le plus réussi à ‘’aplatir sa courbe’’, avec le déploiement près de 600 cliniques de dépistage. Une stratégie qui semble être bonne. Cependant, les stratégies différentes selon les pays et selon la disponibilité des moyens de tests. Pour le Sénégal, les autorités ont déclaré ce 03 Avril 2020 que la stratégie adoptée ne nécessite pas des tests de masse. Pourtant l’institut Pasteur a une capacité de test supérieure au nombre de tests réalisés actuellement et a l’IRESSEF en appoint.
Le 19 Mars 2020, le Sénégal a connu son premier cas dit communautaire, dont la traçabilité épidémiologique est impossible. En date du 30 Mars, le nombre de cas communautaire était constant et égal à 10 et n’apparaissait plus dans les nouveaux cas, jusqu’à ce jour (04 Avril), où l’on notre un nouveau cas communautaire. Ce sont des cas qui méritent attention et qui devraient pousser nos autorités à réaliser des tests de manière proactive notamment dans les différents foyers atteints en procèdent par échantillonnage volontaire. Par ailleurs, tout le corps médical s’occupant de la prise en charge des cas confirmés et contacts devraient aussi être systématiquement testés si les conditions sont réunies.
par Abdourahmane Ba
DE LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LES CAPACITÉS DE NOS FORCES DE L'ORDRE DANS LA GESTION DE CRISE
. Les populations devront être encadrées et éduquées, non réprimées. Les mises en garde pour le respect strict des mesures de distanciation sociale devront prendre des formes plus softs sous forme d'encadrement et d'éducation plutôt que la répression
Il est connu de tous que nous avons des forces de l'ordre, police, gendarmerie, douane et autres de proximité, qui ont un grand professionnalisme et une compétence avérée. Le Sénégal a des forces de l'ordre qui ont une grande capacité de déploiement et qui sont bien équipées. Pour preuve, la grande prouesse d'avoir pu arrêter et isoler à temps neuf personnes venant du Liberia et infectées du COVID-19 qui voulaient se faufiler à travers les mailles de nos frontières du sud. Combien de milliers de vies ont ainsi été sauvées par les forces de l'ordre en arrêtant ces neuf fugitifs si on connait les capacités de propagation inouïes du COVID-19.
En mettant directement les forces de l'ordre au cœur du dispositif de déploiement des stratégies de distanciation sociale, le gouvernement a certainement assuré une démarche très importante. Cependant, nos forces de l'ordre sont généralement beaucoup plus fortes dans la répression et la punition du fait du niveau encore limité de nos démocraties aussi bien du côté des pouvoirs que du côté de l'opposition et de la société civile.
Le bras de fer est le principe directeur dans le champ politique en Afrique avec un pouvoir utilisant les forces de l'ordre à merveille comme épouvante et l'opposition et la société civile qui ont élu domicile dans les rues pour faire tanguer les pouvoir en place et ouvrir des brèches pour négocier le re-partage du pouvoir. Cela a résulté de la création et la promotion de forces de l'ordre répressives et punitives, ainsi que leur équipement à outrance en matériel de répression : bombes asphyxiantes, équipements projecteurs d'eau chaudes et autres gaz, "liif" électriques, etc.
L'avènement du COVID-19 a révélé que les forces de l'ordre doivent aussi jouer un rôle primordial dans la gestion des crises surtout lors des pandémies qui sont la nouvelle menace à laquelle l'humanité fait face. Cependant, il est clair comme l'eau de roche que nos braves forces de l'ordre ne sont pas bien préparées à cela.
Tout au début de l'état d'urgence et du couvre-feu, la presse a reporté beaucoup d'exactions et des experts du droit et des droits humains ont pointé plusieurs manquements des forces de l'ordre qui peuvent être qualifiés de non-respect des droits des citoyens. Aussi, dans le monde rural et nos campagnes, la répression utilisée pour arrêter les marchés hebdomadaires et autres foras micro-économiques où les populations rurales trouvent leurs moyens de survie, a montré des limites certaines dans l'approche de nos forces de l'ordre dans la gestion de cette crise.
Répression punitive et gestion de crise sont deux aspects différents que les forces de l'ordre devront intégrer dans cette nouvelle situation.
Le Sénégal a joué un grand rôle en Afrique et dans le monde dans la gestion de crises postes électorales ou post-conflits dans des initiatives de stabilisation variées. L'Etat devra mobiliser les experts militaires et paramilitaires, et autres experts de crise qui ont eu cette expérience pour renforcer les capacités de nos forces de l'ordre dans la gestion de cette pandémie.
Tout le monde a vu circuler une analyse prospective de services de renseignement en Europe qui prédit des émeutes qui vont résulter du couple vulnérabilité économique des pays pauvres et mauvaise gestion de la pandémie par les gouvernements. Nous devrons porter une grande attention à cette analyse. Ici, nous devrons assurer que le biais professionnel des forces de l'ordre dans l'utilisation de la répression punitive en lieu et place de la gestion de crise, ne produise des effets pervers qui mèneraient vers des émeutes de la faim.
La gestion de crise nécessite beaucoup de soutien et de l'implication de psychologues et d'économistes. Les populations devront être encadrées et éduquées, non réprimées. Les mises en garde pour le respect strict des mesures de distanciation sociale devront prendre des formes plus softs sous forme d'encadrement et d'éducation plutôt que la répression punitive.
L'expertise existe dans l'armée, les services paramilitaires et la société civile qui ont une grande expérience dans la gestion de la stabilisation post-conflits en Afrique et dans le monde. Le gouvernement devra mettre cela en valeur pour renforcer les capacités des forces de l'ordre et éviter d'éveiller le mécontentement de la population notamment les plus vulnérables, ce qui conduirait certainement à des émeutes de la faim ingérables.
PAR Abdou Latif Coulibaly
L’INCONSCIENT NÉOCOLONIAL !
Sur les essais vaccinaux dangereux réalisés sur le sol africain, on note de la part de certains dirigeants du continent leur propension à céder aux sollicitations des firmes internationales, en abdiquant leurs responsabilités pour brader leur souveraineté
C’est le penseur palestino-américain, Edward Saïd, qui, dans une remarquable critique de l’œuvre littéraire d’Albert Camus, parle de l’inconscient colonial, pour qualifier l’auteur, après une analyse fine de sa production littéraire ; disons un colonialiste qui s’ignore ou feignant de ne pas l’être. Pour le bénéfice de cette analyse, nous emprunterons à Saïd ses mots, pour tenter de comprendre globalement ce que les deux scientifiques français ont dit dans les médias de l’Afrique, en parlant d’essais vaccinaux. Signalons tout de même, avant d’avancer dans notre propos que les scientifiques Jean Paul Mira, chef du service de réanimation à l’hôpital Cochin de Paris, et Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm, qui avaient proposé une étude du vaccin Bcg, en Afrique, ont finalement présenté leurs excuses à tous ceux et celles qui ont été heurtés et meurtris par leurs propos tenus sur le plateau de La chaîne continue d’information (LCI) appartenant au groupe TF1. Qu’est-ce que ces deux scientifiques ont réellement dit, justifiant le courroux de tous les êtres dotés de raison ? Afin que nul n’en ignore, on cite leurs propos, je souhaiterais cependant avant mettre en exergue les questions de l’animateur du débat qui est en réalité la source principale du scandale et son aiguillon déterminée.
A mon avis, cet animateur est plus méprisable que ceux qui ont été désignés comme étant les principaux coupables. A ce titre, il devrait être plus accablé que le sont aujourd’hui ses répondants. Ses questions connotées avec une forte arrière-pensée raciste, est celle-ci :« Est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation ? » l’interroge Jean-Paul Mira. Le médecin se risque ensuite à une comparaison hasardeuse : « Un peu comme c’est fait d’ailleurs pour certaines études sur le sida. Chez les prostituées, on essaye des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées et qu’elles ne se protègent pas. »
Les mots sont ainsi lâchés, un boulevard s’ouvre pour les répondants qui, je suis sûr, connaissant bien les techniques du métier, ont dû convenir avec le journaliste, lors du briefing préparatoire des entretiens, de poser à l’antenne ces questions méprisables Celles-ci attestent de la hauteur d’esprit singulière de l’interviewer. Réponse des scientifiques : « Vous avez raison, on est d’ailleurs en train de réfléchir à une étude en parallèle en Afrique », lui répond alors Camille Locht. Au même titre que les interviewés, le journaliste doit des excuses.
Bien sûr que oui, pour les excuses ! Mais nous aurions souhaité que de telles paroles ne puissent jamais être prononcées, car ces excuses ne pourront jamais effacer les effets de cette bêtise humaine du reste inexcusable. Cette bêtise, dis-je, n’a pas encore fini de charger les cœurs de profondes et douloureuses marques de blessures. Ayant suivi sur la chaîne de télévision les propos des deux scientifiques parlant d’essais probables d’un vaccin contre le Covid 19 (le BCG) en Afrique, j’ai été choqué, comme beaucoup de citoyens africains. Traumatisé même, tant la désinvolture et le mépris affichés pour la vie des Africains, marqueurs d’un racisme qui s’ignore certainement, ont été caractéristiques de leurs interventions. En considérant le niveau d’études des personnes en cause et les fonctions qu’elles occupent, la révolte n’en était que davantage plus intense.
En prenant cependant un peu de recul, je me suis surpris à vouloir leur trouver quelques excuses pour leur indélicatesse. Sans les absoudre, j’ai été enclin à relativiser cette bêtise que je pense congénitale, car elle est produit d’une histoire coloniale aux séquelles dévastatrices. Ces séquelles sont, en effet, la conséquence d’une sinistre trajectoire historique bâtie autour d’un complexe séculaire de supériorité de race et de civilisation. Malheureusement, c’est presque partout ainsi en Occident, dans le rapport défini ou à définir avec les populations anciennement colonisées.
Au gré de mes infiltrations dans les réseaux sociaux, ce dimanche 5 avril 2020, je suis tombé sur un tweet largement partagé et dont l’auteur est identifié comme étant un capitaine des services sanitaires espagnols qui, face au drame que vit son pays, a pu écrire : « je n’aurai jamais imaginé ce scénario en Espagne, mais plutôt en Afrique ». Malheureusement, hélas pour lui, cela se passe bien chez lui, en Espagne. Pour en revenir aux scientifiques français, j’ai cherché à apaiser un peu la colère qui m’a envahi au moment où j’écoutais leurs interventions sur l’antenne de LCI. A un moment, je me suis dit, heureusement que ces chercheurs n’ont pas de fonctions politiques majeures qui pourraient s’avérer décisives pour assouvir le dessein nourri. Je n’ai pas cependant manqué de m’interroger, quand j’ai lu le vendredi 3 avril 2020, dans le journal Sud quotidien, un article dévoilant et analysant le contenu d’une note diplomatique des fonctionnaires du Quai d’Orsay. Celle-ci est quasiment rédigée, selon les termes qu’en rapporte le journal, dans le même esprit et est également conçue dans une perspective ne déparant pas tellement le fond de la pensée charriée par les propos des deux chercheurs. Il s’agit, dans l’un et l’autre cas, de faire preuve d’un esprit charitable à mettre en œuvre pour sauver les pauvres Africains en péril. Le contenu de la note dévoilé par le journal sonne alors comme en écho aux propos des scientifiques. Même si les contextes et les objets sont différents, les paroles des scientifiques français mises bout en bout avec les écrits prêtés aux fonctionnaires du Quai d’Orsay font penser à la réflexion de l’intellectuel palestino-américain Edward Saïd qui, parlant d’Albert Camus, a écrit :« L’écriture de Camus est animée par une sensibilité coloniale extraordinairement tardive et en fait sans force, qui refait le geste impérial en usant d’un genre, le roman réaliste, dont la grande période en Europe est depuis longtemps passée. (…) ».
En vérité, ce que Edward Saïd identifie chez Camus et l’identifie comme la manifestation l’inconscient colonial, peut être répété concernant beaucoup d’intellectuels et d’officiels occidentaux, dans leur rapport à l’Afrique. Je pense que face à toutes ces déclarations, notes écrites et autres éléments factuels, à partir desquels des comportements pervers et dangereux, ou jugements inconvenants sont portés sur l’Afrique et, qui sont souvent dénoncés par les Africains de tous bords, ne devraient surprendre personne. Cela peut choquer, il est vrai, comme c’est le cas avec les essais vaccinaux envisagés actuellement. Faut-il le rappeler : cela est déjà arrivé par le passé sur le continent. Pas une seule fois d’ailleurs et, les coupables ne sont personne d’autre que les mêmes : les grandes firmes pharmaceutiques occidentales, avec le soutien et l’encouragement de leurs gouvernements. Le Monde diplomatique qui faisait le point sur la question a publié, en juin 2005, un article titré : « L’Afrique, cobaye de Big Pharma ». L’auteur de l’article, Jean Philippe Chippaux, de souligner : « Attirés par la faiblesse des coûts et des contrôles, les laboratoires pharmaceutiques testent leurs produits en Afrique, au mépris de la sécurité des patients.
Face à la multiplication des accidents, certains essais ont dû être interrompus. Ces dérives révèlent comment les industriels du médicament utilisent les populations du Sud pour résoudre les problèmes sanitaires du Nord. En mars 2005, les essais cliniques du Tenofovir, un antiviral utilisé contre le sida, ont été suspendus au Nigeria, en raison de manquements éthiques graves ». Poursuivant son propos le journaliste du Monde diplomatique enfonce le clou en expliquant : « Menées par l’association Family Health International pour le compte du laboratoire américain Gilead Sciences, ces expériences étaient financées par le gouvernement américain et par la Fondation Bill et Melinda Gates. Si elles ont été aussi interrompues au Cameroun (février 2005) et au Cambodge (août 2004) (1), elles se poursuivent en Thaïlande, au Botswana, au Malawi, au Ghana et aux États-Unis.
En août 2001, des dérives semblables ont conduit à l’ouverture d’une action judiciaire. Une trentaine de familles nigérianes ont saisi un tribunal new-yorkais afin de faire condamner le laboratoire américain Pfizer pour le test du Trovan, un antibiotique destiné à lutter contre la méningite. Au cours de cette étude, pratiquée en 1996 pendant une épidémie de méningite, onze enfants sur deux cents avaient trouvé la mort et plusieurs autres avaient gardé de graves séquelles cérébrales ou motrices. » Pourtant, toutes les expérimentations et essais qui ont été déroulés sur le sol africain, l’ont été au mépris des règles de droit interne des États qui l’ont autorisées et en violation flagrante des conventions, protocoles, déclarations et autres instruments de droit international, comme le note Philippe Chippaux qui renseigne : « Plusieurs déclarations internationales complètent et précisent le Code de Nuremberg, notamment celles d’Helsinki en 1964 et de Manille en 1981. La première définit les principes éthiques de la recherche médicale ; la seconde a plus spécialement été conçue pour les études cliniques menées dans les pays en voie de développement. Ces textes insistent, en particulier, sur la compétence des investigateurs, le respect du consentement des participants, la confidentialité et la protection des sujets. Cependant, il s’agit de recommandations qui ne prévoient aucune sanction ».
En dépit des remarques faites sur Albert Camus, à l’appui des travaux de l’intellectuel palestinien, Édouard Saïd, nous revenons à lui, pour dire qu’en définitive, face à cette situation tragique, l’Afrique ne doit s’en prendre qu’à elle-même. Elle est depuis fort longtemps considérée comme acquise l’idée que : les firmes capitalistiques occidentales obnubilées par le profit ne reculeront devant rien pour faire leur business. Ni devant la morale, quelle qu’elle soit, ni devant l’éthique. Dès lors on comprend que pour des raisons de rentabilité économique, et pour des préoccupations de maximisation, à l’extrême même, de leurs profits, la presque totalité des industries qui doivent, aujourd’hui, être en première ligne en France et ailleurs en Europe dans la lutte contre le Covid-19, en fournissant des masques, des gants et autres flacons de solutions hydro alcooliques, respirateurs, aient eu, depuis des années maintenant, à délocaliser en Asie et en Chine, principalement, leurs structures de production. L’Europe peine aussi dans sa lutte face au Covid-19, à cause des ruptures de stocks notées partout sur son sol, concernant tout ce matériel indispensable à son corps médical pour faire face à la pandémie. Face à la pénurie qui n’a épargné aucun pays en Europe, la Tchéquie, toute honte bue, en était arrivée à subtiliser du matériel en transit sur son territoire, avant de tout restituer à sa vraie destinataire, l’Italie. Le matériel qui a été un moment volé avait été convoyé à sa destinataire depuis la Chine.
En reconnaissant les faits, la Tchéquie a tenté de maquiller son forfait, en parlant de méprise. Qu’on ne vienne surtout pas nous parler de complexe de l’émotion, parce que nous nous indignons, à juste titre, des inepties qui sont dites sur nous Africains. Ce complexe ne renvoie à rien du tout, sinon à une rhétorique vide de sens. J’ai lu d’ailleurs à cet effet sur les réseaux sociaux des réflexions qui me dispensent d’épiloguer, outre mesure, sur cette accusation dénuée de tout fondement que l’on oppose souvent aux Africains, à chaque fois qu’ils s’indignent de propos teintés de forts relents racistes sortis par des personnes de l’acabit du professeur Jean Paul Mira et de son acolyte Camille Locht, avec qui il a sévi sur les antennes de la chaîne de télévision française LCI. Vous permettrez que je cite quelques passages de l’une de ses réflexions proposées par un internaute qui a signé son texte sous le nom de Dalaï. Ce dernier écrit avec beaucoup de pertinence des vérités qui, parfois, méritent d’être rappelées à nos amis de l’occident. Dalaï écrit :« Demandez aux français pourquoi ils condamnent toujours le salut nazi ? Ils savent ce que cela rappelle comme charge émotionnelle. N’avons-nous pas le droit de demander un peu d’égards quand on parle de nous ? N’avons-nous pas le droit de demander qu’on nous considère comme des hommes et des femmes, humains nés de femmes, et non comme des singes ? Qui plus que l’Africain se bat aujourd’hui pour être reconnu tel un humain (..) ». L’auteur ne s’arrête pas en si bon chemin, il poursuit son raisonnement en notant avec une égale pertinence dans son propos : « Quand un canal aussi important que la télévision est utilisée pour comparer tout un peuple constitué de plus d’un milliard de personnes à des prostituées, quelle réaction attendez-vous de la part de la jeunesse africaine ? (…) Définitivement, il faut que le reste du monde intègre dans sa conscience que nous sommes des Humains au même titre que tous. C’est à ce seul prix qu’on pourra cesser de nous indigner ». Revenant précisément sur les essais vaccinaux dangereux réalisés sur le sol africain, on note de la part de certains dirigeants du continent leur trop grande propension à céder aux sollicitations des firmes internationales, en abdiquant leurs responsabilités pour brader leur souveraineté nationale. De ce point de vue, nous avons envie d’évoquer Albert Camus. Ce dernier, faisant en août 1944 l’éloge des Français qui s’étaient levés contre l’occupant allemand, a dit : « Un peuple qui veut vivre n’attend pas qu’on lui apporte la liberté. Il la prend ».
Après nos complaintes et plaintes légitimes, face aux propos des scientifiques français, la seule chose qu’il me semble important de faire par nous autres Africains, c’est de savoir tirer la morale politique de cette pensée de Camus ! Un point c’est tout.
LE PATRON DE LA BAD CONTESTÉ PAR DES EMPLOYÉS
« Pour avoir un bon poste, ce n’est plus les compétences qui priment, mais la proximité avec Adesina et ses lieutenants. C’est la triste réalité, confie un ancien cadre. Or c’est une institution qui gère de l’argent public. »
Le Monde Afrique |
Joan Tilouine et Yassin Ciyow |
Publication 05/04/2020
Des employés viennent d’alerter les gouverneurs de la Banque sur des comportements « contraires à l’éthique » et des traitements de faveur au sein de l’institution panafricaine.
Une enquête interne, sensible et gênante, suit son cours à la Banque africaine de développement (BAD). En toute discrétion car elle vise son président, le nigérian Akinwumi Adesina. A la tête, depuis 2015, de la première institution de financement du développement d’Afrique, ce brillant économiste et ancien ministre de l’agriculture du Nigeria (2011-2015) se retrouve accusé par une frange du personnel de favoritisme au profit de proches compatriotes et de comportements « contraires à l’éthique ». Les soupçons portent également sur des cas de « violation du code de conduite » et d’« entrave à l’efficacité (…) affectant la confiance dans l’intégrité » de la Banque.
A l’origine de cette affaire embarrassante, il y a « un groupe de membres du personnel préoccupés » par des pratiques jugées douteuses qu’ils ont recensées avec minutie, dans l’ombre, pour éviter, disent-ils, une « crise institutionnelle ». Soucieux de préserver leur anonymat, ces employés se sont mués en lanceurs d’alerte, comme le permet le code de conduite de la BAD. Le 19 janvier, ils ont déposé plainte et transmis au département de l’intégrité et de la lutte contre la corruption de la Banque un document de onze pages détaillant seize cas d’abus présumés, impliquant parfois directement le président Adesina. Des allégations actuellement « examinées par le conseil des gouverneurs de la BAD », précise le directeur du département des services juridiques, Godfred Awa Eddy Penn, qui s’interdit tout commentaire.
Depuis, ces lanceurs d’alerte déplorent des entraves à l’enquête mais aussi « des tentatives faites pour découvrir nos identités », écrivent-ils dans une lettre adressée en ce début de mois d’avril, cette fois directement aux gouverneurs de la BAD, représentant les 54 pays membres africains et les 26 pays non régionaux (dont la France). « Des membres du personnel proches du président [Adesina] se sont efforcés de saboter toutes les tentatives du comité d’éthique de remplir ses fonctions », soulignent les lanceurs d’alerte dans cette dernière missive. Ce dernier n’a pas souhaité réagir.
« Nigérianiser » la BAD
Dans cette note consultée par Le Monde Afrique, les lanceurs d’alerte commencent par pointer des « traitements de faveur » accordés à des ressortissants du Nigeria, première puissance économique d’Afrique et principal actionnaire de la BAD depuis sa création en 1964. « Alors qu’environ 9 % des nouvelles recrues étaient des Nigérians (ou des binationaux d’origine nigériane), ils représentent environ 25 % des postes de direction nouvellement recrutés », écrivent-ils. Ce qui donne un certain écho aux critiques formulées ces dernières années par des gouverneurs de la BAD mais aussi par certains chefs d’Etat du continent.
Fin 2019, le président tchadien, Idriss Déby, avait écrit à M. Adesina pour exprimer son agacement à ce sujet. L’Ethiopie avait aussi rappelé disposer de candidats pour des postes à responsabilité. « Adesina n’a pas caché sa volonté de “nigérianiser” la BAD en confiant à des compatriotes les postes-clés, mais aussi en accordant plus facilement des lignes de crédit à des entreprises nigérianes de premier plan », dit un ancien cadre proche du président. Un autre dénonce un faux procès : « Proportionnellement à ses parts de capital, le Nigeria [9,33 %] est sous-représenté parmi le personnel de la BAD. A l’inverse, la France [3,7 %] compte de nombreux salariés. »
Des proches du président Adesina ont été désignés à des fonctions stratégiques au sein de cette institution établie à Abidjan qui gère notamment de l’argent public des contribuables africains. Mais ces nominations font fi des règles strictes de recrutement, insistent les lanceurs d’alerte. Ces derniers citent le cas d’un ami de M. Adesina nommé à un poste de direction, pourtant encore occupé par son prédécesseur. Ce qui contraignit la BAD brièvement à régler deux salaires. Un autre, ami d’enfance cette fois, s’est vu octroyer, en 2017, un contrat de 326 000 dollars (environ 300 000 euros) pour sa société de communication nigériane, avant d’être lui-même recruté à la BAD quelques mois plus tard. Pourtant, lors d’un audit interne de l’institution, le contrat avait été signalé comme relevant potentiellement d’un « conflit d’intérêt ».
Vague de départs
Plus récemment, une juriste nigériane réputée pour ses compétences et son entregent fut propulsée fin 2019 à la tête du forum d’investissement qu’organise la BAD. Or cette ancienne dirigeante de la Commission nationale des pensions au Nigeria, avait été limogée deux ans plus tôt par le président Muhammadu Buhari. Elle est depuis visée par des enquêtes des autorités de son pays pour de présumés détournements de fonds publics. « M. Adesina ne pouvait pas ignorer sa situation [judiciaire] lorsqu’il l’a recrutée », écrivent les lanceurs d’alerte dans leur note. Interrogée à ce sujet, la BAD n’a pas souhaité réagir.
Un proche conseiller d’Adesina reconnaît, sous couvert d’anonymat, une forme de « gouvernance verticale parfois perçue comme autoritaire », avant de rappeler que le président « a la liberté politique de choisir des hommes et des femmes en qui il a confiance. C’est comme ça partout ». A 60 ans, M. Adesina va briguer un second mandat cette année et compte bien rester le tout-puissant patron de la BAD qu’il a dynamisée à sa façon, en attirant notamment des capitaux privés. Dans un secteur du développement particulièrement concurrentiel et politique, l’institution reste un acteur incontournable dont le capital passera de 93 à 208 milliards de dollars d’ici à dix ans. « Cette augmentation de capital est sans précédent et Adesina est sans doute le meilleur promoteur que la Banque n’ait jamais eu », explique un diplomate occidental.
Sauf qu’en interne l’ambitieux et séduisant M. Adesina jouit d’une réputation plus nuancée et sa gouvernance est particulièrement contestée. Volontiers « show off », un brin autoritaire dans sa manière de diriger, le patron se montre indifférent aux critiques et à la grogne de ses employés. Il n’a guère semblé s’émouvoir de la récente vague de départs volontaires de certains des meilleurs techniciens de la BAD, las de sa gouvernance et des lubies de sa « cour ». « Pour avoir un bon poste, ce n’est plus les compétences qui priment, mais la proximité avec Adesina et ses lieutenants. C’est la triste réalité, confie un ancien cadre. Or c’est une institution qui gère de l’argent public. »
Mélange des genres
Sur le plan international, M. Adesina est une personnalité reconnue et appréciée, lauréat du Prix Sunhak de la paix 2019, deux après avoir reçu le World Food Prize. Sauf que les 750 000 dollars perçus pour ces deux prix n’ont, selon les lanceurs d’alerte, jamais été reversés dans les caisses de la BAD qui a pourtant réglé les déplacements de sa délégation pour assister aux cérémonies, aux Etats-Unis et en Corée du Sud. Même mélange des genres autour de sa biographie, parue en 2019 : la BAD paie l’auteur chargé du portrait élogieux du président Adesina qui en conserve les droits à titre privé.
Il n’aime rien tant que parler de sa « vision » pour l’agriculture, du développement du continent africain. Plus discrètement, il fait de la politique inhérente à sa fonction. « Il a décomplexé les réserves politiques d’usage et donne l’impression de renvoyer l’ascenseur à ceux qui l’ont porté au pouvoir », observe un ancien cadre, déçu par le président Adesina.
Très proche du chef d’Etat ivoirien Alassane Ouattara, qui l’avait soutenu lors de sa première candidature et a annoncé qu’il l’appuierait à nouveau, le président de la BAD à l’éternel nœud papillon s’affiche volontiers avec les responsables politiques de son pays, le Nigeria. Il s’y rend fréquemment, se mettant en scène avec le chef d’Etat, Muhammadu Buhari, ou avec son vice-président Yemi Osinbajo.
« Traitement de faveur »
D’après les lanceurs d’alerte, les Nigérians ne sont toutefois pas les seuls à bénéficier de « traitements de faveur ». Dans leur document, ils pointent du doigt d’autres recrutements et démissions de hauts cadres intervenus ces dernières années dans des circonstances douteuses. Et les cas sont, là aussi, légion. Ainsi, en 2016, le tout fraîchement nommé directeur des ressources humaines signe un contrat avec une entreprise de recrutement kényane dans laquelle il aurait des parts.
Alors qu’un audit interne est demandé pour faire la lumière sur cette affaire, le président Adesina aurait, selon les lanceurs d’alerte, permis à son collaborateur de démissionner et de jouir d’une « importante indemnité de départ ». Cette même année 2016, un cadre zambien a « attribué frauduleusement », selon un autre audit et une enquête interne, deux contrats d’un montant de 18 millions de dollars à des sociétés russe et américaine. Il a été promu en octobre 2019. « Un cas d’impunité qui laisse perplexe », notent les lanceurs d’alerte. A les lire, ces pratiques n’ont pas vraiment cessé. En janvier 2020, le bureau de l’éthique de la BAD a une nouvelle cheffe nommée grâce à de « petits arrangements entre amis », en dépit de ses erreurs passées. Elle avait accusé son prédécesseur de harcèlement mais sa plainte s’est avérée fausse et « malveillante », selon une enquête interne.
« Le président nomme comme cheffe de l’éthique une personne coupable d’un comportement gravement contraire à l’éthique », constate les lanceurs d’alerte qui se disent mobilisés pour « empêcher la fraude, la corruption ou la mauvaise conduite (…) pour rétablir la confiance dans l’efficacité de la gouvernance de la Banque ». La direction de la BAD assure que ces faits, pour la plupart démontrés par des enquêtes internes passées, sont actuellement « examinés ».