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25 avril 2025
Développement
LE CNOSS ÉLARGIT LE CERCLE DE SES PARTENARIATS À LA CHINE
Le Comité national olympique et sportif sénégalais et le comité d’organisation des Jeux paralympiques d’hiver ont décidé de signer ‘’un protocole d’entente’’ en perspective des JOJ prévues en 2022 - COMMUNIQUÉ DE PRESSE
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué de presse reçu le 23 décembre 2019, du Comité National Olympique et Sportif Sénégalais (CNOSS), suite au récent séjour de son président Mamadou Diagna Ndiaye en Chine pour des partenariats en perpspective des prochains JOJ 2022.
"Dans la poursuite de la même dynamique depuis que le Sénégal a été officiellement désigné par le Comité International Olympique (CIO) en octobre 2018 à Buenos Aires pour l’organisation des Jeux Olympiques de la Jeunesse Dakar 2022, Monsieur Mamadou Diagna Ndiaye, président du Comité National Olympique et Sportif Sénégalais (CNOSS), membre du CIO a effectué une visite de travail à Beijing, du 18 au 20 décembre 2019, visite préparée d’un commun accord avec l’Ambassade de Chine à Dakar.
Le président du CNOSS conduisait une délégation de haut niveau comprenant monsieur Oumar Demba Ba, ministre Conseiller en chargé du Pôle diplomatique au Cabinet du président de la République, spécialement désigné par le chef de l’Etat qui démontre à suffisance toute l’importance accordée aux JOJ. Monsieur Ibrahima Wade, vice-président du CNOSS et Coordonnateur Général du Comité d’Organisation des JOJ Dakar 2022 était également de la délégation.
Naturellement, l’Ambassadeur du Sénégal en République populaire de Chine, S.E.M. Mamadou Ndiaye a pris part à tous les rendez-vous.
Cette visite s’inscrit dans la ligne des excellentes relations qu’entretiennent les présidents Xi Jinping de la République Populaire de Chine et Macky Sall du Sénégal, ainsi que de l’amitié et la fraternité qui lient les peuples chinois et sénégalais.
Durant la mission, la délégation a eu plusieurs audiences avec des officiels chinois, des représentants du monde sportif et des entreprises chinoises.
Avec Monsieur Gou Zhongwen, ministre de l’Administration générale des Sports de Chine, en présence de madame Li Lingwei, membre du CIO, les discussions ont porté sur les perspectives d’appui au CNOSS pour l’organisation des JOJ 2022. Le ministre, particulièrement attentif aux propos du président du CNOSS, s’est engagé à mobiliser l’ensemble des institutions chinoises susceptibles d’être impliquées auprès du Sénégal d’ici à 2022.
Monsieur Yu Zaiqing, vice-président du Comité International Olympique qui a eu un entretien avec la délégation, a fait part de sa grande satisfaction quant aux avancées dans la préparation des JOJ 2022. Il a notamment salué le leadership du président Ndiaye, la visibilité de son pays dans le gouvernement olympique et sa contribution déterminante durant les différentes sessions du CIO et dans la promotion des Valeurs olympiques.
Les échanges avec monsieur Zhang Jiandong, vice-Président du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de Beijing 2022 ont porté sur les axes de coopération entre Beijing 2022 et Dakar 2022. A ce titre, les deux parties ont convenu de signer ultérieurement un Protocole d’Entente.
Les entretiens avec Monsieur Deng Boqing, vice-président de l’Agence chinoise de Coopération internationale pour le Développement (CIDCA), instance chargée de toute la coopération chinoise à l’étranger, ont tourné autour des modalités d’appui de la Chine aux JOJ 2022. Ils ont été poursuivis avec monsieur Wang Weidong, président Directeur Général de China Sports Industry Group Co. Ltd, institution qui sera chargée de mettre en œuvre le partenariat arrêté.
Enfin, monsieur Mamadou Diagna Ndiaye s’est entretenu avec monsieur Wang Xiao, Directeur du Département des Affaires publiques du Groupe Alibaba et toute son équipe, un des sponsors TOP du CIO, pour explorer les partenariats possibles, suite à la dernière rencontre entre Jack Ma, Fondateur d’Alibaba et Thomas Bach, président du CIO. Ce dernier avait fortement encouragé le CNOSS à se rapprocher du Groupe Alibaba pour nouer un partenariat en perspective des JOJ 2022. Monsieur Xiao a rappelé la visite que le président de la République du Sénégal a effectué en septembre 2018 à Hangzhou au siège d’Alibaba.
Au terme d’échanges extrêmement fructueux et emprunts d’ouverture entre les deux délégations, les deux parties ont abouti à ce qui suit.
La partie chinoise s’est engagée auprès du CNOSS dans l’accompagnement financier pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux, et par la mise à disposition d’experts et de metteurs en scène chinois, l’entrainement des jeunes sénégalais à la gymnastique de groupe et à la chorégraphie, l’octroi de matériels pour les spectacles Sons et Lumières.
La partie chinoise s’est également engagée à appuyer le Sénégal par la préparation des jeunes athlètes pour des disciplines choisies, afin d’une mise à niveau élevé de performance à même de garantir des médailles, notamment par leur accueil au sein de centres d’entrainement en Chine, la formation de coaches, et l’octroi d’équipements individuels et collectifs.
Les deux parties ont convenu d’explorer d’autres pistes de collaboration ultérieure.
En marge des rencontres de travail, la délégation a visité plusieurs infrastructures destinées à abriter des activités sportives lors des JO d’hiver de Beijing 2022, à savoir :
le Site d’entrainement des sports d’hiver « Quatre Glaces » ;
le Site national de Patinage de Vitesse « Ruban de Glace », en cours de construction, qui sera le principal centre d’attraction sportive pour les J.O. d’hiver de 2022 ;
le Stade olympique « Le Nid d’oiseau » qui avait accueilli la cérémonie d’ouverture de J.O. de Beijing en 2008.
« Nous sommes très fiers de voir le Sénégal accueillir pour la première fois de l’histoire, les jeux olympiques sur le Continent africain. Nous sommes des amis, nos deux leaders le sont aussi, et le Sénégal peut compter sur notre soutien sans limite pour la réussite totale des JOJ de Dakar en 2022 », a confié monsieur Gou Zhongwen, ministre de l’Administration générale des Sports de Chine, qui a reçu à deux reprises la délégation.
« Les résultats de cette visite ont été à la hauteur de nos attentes et même au-delà. Nous sommes confiants quant à l’organisation de la qualité des Jeux qui seront délivrés par le Sénégal en 2022. Nous avons convenu avec nos amis chinois de collaborer pour des jeux exceptionnels à Dakar en 2022 », a déclaré pour sa part monsieur Mamadou Diagna Ndiaye au terme de la mission.
Pour rappel, la visite de la délégation en Chine fait suite à celle conduite quelques jours auparavant à Dubaï où un protocole d’accord a été paraphé entre le président Ndiaye et la Société PETRODIVE basée à Dubaï, en perspective des JOJ Dakar 2022./."
"LA FIN DU FRANC CFA, CE N'EST PAS ENCORE LA FIN DE LA FRANÇAFRIQUE"
L'écrivain Alain Mabanckou revient sur la suppression du FCFA, en rappelant que ce n'est qu'un pas franchi vers l'indépendance de l'Afrique vis-à-vis de la France : il faut désormais s'attaquer aux relations incestueuses avec les dictatures africaines
France Inter |
Ali Baddou |
Publication 23/12/2019
Alain Mabanckou, écrivain, est l'invité du grand entretien d'Ali Baddou à 8h20. Il revient sur la suppression du Franc CFA, en rappelant que ce n'est qu'un pas franchi vers l'indépendance de l'Afrique vis-à-vis de la France : il faut désormais s'attaquer aux "relations incestueuses" avec les dictatures africaines.
Bientôt, le franc CFA va disparaître dans huit pays d'Afrique de l'Ouest au profit d'une nouvelle monnaie, l'Eco. Une avancée saluée par l'écrivain, auteur de "Dictionnaire enjoué des cultures africaines" : "Il faut prendre la mesure de ce que représente le franc CFA, qui veut dire "le franc des colonies françaises d'Afrique", créé en 1945. Il continuait à donner l'impression que la domination de la France était toujours là."
"Et chaque fois que nous autres Africains faisions des dépenses, on avait presque une sorte d'impôt à payer à la France, puisque le franc CFA était frappé ici, à Clermont-Ferrand ! Comment vouliez-vous qu'on ait une indépendance économique ?"
Pour autant, l'Hexagone continue de "sponsoriser les dictatures" en Afrique Centrale
Si ce changement de monnaie est à saluer, Alain Mabanckou observe que "six autres pays d'Afrique centrale vont certainement continuer à utiliser le franc CFA, alors même qu'on retrouve dans ces six pays les plus grandes dictatures de l'Afrique Centrale, qui restent en relations étroites avec la France. On sponsorise quasiment les dictatures là-bas ! [...] On en est pas encore à dire que c'est la fin de la Françafrique. La vraie question, ce n'est pas le changement de monnaie, c'est de s'attaquer aux relations incestueuses entre la France et les dictatures, les "régimes bananiers" comme on dit."
"J'espère qu'Emmanuel Macron s'attaquera à ce problème"
L'écrivain dit espérer que le président de la République se saisisse de la question : "parce que pour l'instant ce que j'ai vu, c'est que la France a reçu deux présidents qui sont les doyens des dictatures d'Afrique centrale. Donc ça se passe de commentaires." [...] "La génération du président Macron doit être une génération qui décortique tous les problèmes. La monnaie, on en parle : parlons de la dictature. Et parlons de ça clairement."
"Quand on reçoit un dictateur, il faut le dire ! Parce que si vous recevez Sassou N'Guesso et Paul Biya, autant recevoir Kim Jong-Un."
DÉCOLONISATIONS, LA SÉRIE DOCUMENTAIRE ÉVÉNEMENT
À travers les destins uniques de femmes et d’hommes célèbres ou anonymes, d’Afrique ou d’Asie, la série déploie un récit percutant et universel qui éclaire la complexité du monde contemporain
France Culture est partenaire de Décolonisations, la série documentaire événement en 3 épisodes de Karim Miské, Pierre Singaravélou et Marc Ball, avec la voix de Reda Kateb, mardi 7 janvier à 20h50 sur Arte.
Décolonisations raconte 150 ans d’un bouleversement mondial : le renversement des empires par les colonisés. À travers les destins uniques de femmes et d’hommes célèbres ou anonymes, d’Afrique ou d’Asie, la série déploie un récit percutant et universel qui éclaire la complexité du monde contemporain.
Episode 1. L’apprentissage
De la révolte des Cipayes de 1857 à l’étonnante République du Rif, mise sur pied de 1921 à 1926 par Abdelkrim el-Khattabi avant d’être écrasée par la France, ce premier épisode montre que la résistance, autrement dit la décolonisation, a débuté avec la conquête. Il rappelle comment, en 1885, les puissances européennes se partagent l’Afrique à la conférence de Berlin, comment les Allemands commettent le premier génocide du XXe siècle en Namibie, rivalisant même avec les horreurs accomplies sous la houlette du roi belge Léopold II au Congo. Il retrace aussi les parcours de l’anthropologue haïtien Anténor Firmin, de la Kényane Mary Nyanjiru, de la missionnaire anglaise Alice Seeley Harris ou de Lamine Senghor, jeune tirailleur sénégalais devenu communiste et anticolonialiste.
Episode 2. La libération
Ce deuxième épisode, de 1927 à 1954, est celui de l’affrontement. Que ce soit à travers la plume de l’Algérien Kateb Yacine, qui découvre à 15 ans, en 1945, lors du massacre de Sétif, que la devise républicaine française, tout juste rétablie, ne vaut pas pour tout le monde, ou celle de la poétesse Sarojini Naidu, proche de Gandhi, qui verra en 1947, dans le bain de sang de la Partition de l’Inde, se briser son rêve de fraternité, un vent de résistance se lève, qui aboutira dans les années 1960 à l’indépendance de presque toutes les colonies. Mais à quel prix ? Cet épisode suit aussi les combats de l’insaisissable agent du Komintern Nguyen Ai Quoc, alias Ho-chi Minh, futur vainqueur de Dien Bien Phu, ou celui de Wambui Waiyaki, intrépide jeune recrue des Mau Mau.
Episode 3. Le monde est à nous
Des indépendances à l’ère de la postcolonie, ce troisième épisode, de 1956 à 2013, s’ouvre avec les mots du psychiatre antillais Frantz Fanon (Peau noire, masques blancs, 1952), qui rejoint les maquis du FLN en Algérie. Il se poursuit dans l’Inde d’Indira Gandhi, qui se dote de la bombe atomique, dans le Congo sous influence de Mobutu ou dans le quartier d’immigration londonien de Southall, secoué en 1979 par une révolte, pour s’achever avec l’essor d’un cinéma 100 % nigérian dans les années 1990 et la victoire juridique des derniers Mau Mau face au gouvernement britannique.
par Nioxor Tine
UN DIALOGUE NATIONAL À L’OMBRE DES BAÏONNETTES
Il est illusoire de vouloir tenir un dialogue national fructueux, tout en refusant de respecter les droits de l’homme, particulièrement le droit constitutionnel de marche et en procédant à des arrestations massives de manifestants pacifiques
Des esprits naïfs pensaient, qu’après avoir prolongé, le 24 février dernier, leur gouvernance calamiteuse, les autorités politiques de notre pays allaient faire amende honorable, rompre d’avec leur démarche despotique et leur propension pathologique à la tromperie et au reniement.
Dans un passé plus ou moins récent, d’autres politiciens, bien qu’ayant conduit des politiques tout aussi désastreuses que celle en cours, avaient su, à un moment donné, faire preuve d’une certaine hauteur (démission de Senghor, code consensuel de 1992), pour éviter à notre pays des convulsions dommageables à sa stabilité.
Malheureusement, dix mois après avoir entamé son second et dernier mandat, le président de l’APR, pose des actes préoccupants, qui ont fini d’installer le désenchantement (yakaar bu tass) au niveau de nos chaumières sénégalaises.
Une des meilleures illustrations en est la récente hausse du prix de l’électricité, qui constitue un révélateur des graves dysfonctionnements de la gouvernance du pouvoir actuel et plus particulièrement des mensonges des autorités en charge de l’énergie.
Profitant de la baisse du prix du baril de pétrole au niveau international, qui avait atteint les sommets, dans les années 2011-2012, le gouvernement actuel a réussi à améliorer sensiblement la distribution de l’énergie électrique. Il a, alors, tôt fait de mettre cette embellie au crédit du directeur sortant de la Senelec et du régime APR, même s’il faut reconnaître leurs efforts encore insuffisants dans leur stratégie du mix énergétique avec l’inauguration de centrales solaires à Santhiou-Mékhé, Bokhol, Malicounda et Ten Marina...
Ce renchérissement du coût de l’électricité survient dans un contexte où l’État APR rencontre des difficultés croissantes à satisfaire la demande sociale, lui qui a toujours prétendu placer son premier mandat sous le sceau des réalisations sociales et de l’équité. Mais les arrière-pensées électoralistes, les dépenses de prestige et la désastreuse gouvernance financière ont fini par mettre à mal les finances publiques, entrainant des tensions de trésorerie, que le ministre des finances refuse obstinément de reconnaître.
Cette situation financière catastrophique se répercute au niveau des secteurs sociaux comme l’Éducation, avec l’incapacité de l’État à honorer les factures dues aux écoles privées d’enseignement supérieur et à caser les nouveaux bacheliers dans des établissements publics saturés depuis belle lurette.
Les syndicats de fonctionnaires (agents de santé et enseignants), déçus par le non-respect des promesses gouvernementales, sont presque tous sur le pied de guerre. Quant à la promesse d’augmentation de salaires dans le secteur privé, au moment où certaines entreprises ont du mal à payer les salaires mensuels de leurs employés, elle ressemble, à s’y méprendre à un effet d’annonce et semble plutôt destinée à désamorcer une bombe sociale en gestation.
De plus, après le moratoire accordé au président-candidat, durant la période électorale pour le gel de toutes les subventions à caractère social, l’heure est venue d’appliquer la vérité des prix telle que préconisée par les officines financières internationales.
De fait, on observe, depuis la fin des élections, des agressions répétées contre le pouvoir d’achat des masses populaires, la dernière en date étant la hausse du prix de l’électricité survenant après celles du ciment, du carburant...etc.
C’est ce qui justifie cet appel au dialogue national, qui offre au pouvoir l’occasion de s’atteler aux vastes chantiers qui l’attendent, pour rendre à notre pays sa réputation de vitrine démocratique en Afrique subsaharienne.
Malheureusement, cette concertation nationale, qui est loin de faire l’unanimité au sein de l’opposition semble être dans l’impasse.
En témoigne, en premier lieu, le retard de la prise de fonction du président du comité de pilotage du dialogue national, annoncée pour le 26 décembre prochain, presque six mois après sa nomination par décret présidentiel, en date du 05 juillet dernier.
Il y a aussi, paradoxalement, la prédominance de fait du dialogue dit politique portant sur le processus électoral qui, lui avait démarré très rapidement, juste après le lancement, en grandes pompes, du dialogue national, le 28 mai 2019. Il se poursuit encore, avec comme seul résultat tangible, pour le moment, le report illégal, de la date des élections locales en 2021.
Il s’avère, donc, de plus en plus, que le dialogue politique remplit une double fonction de diversion de l’opposition et de neutralisation de ses velléités protestataires.
Si la classe politique traditionnelle semble se complaire dans des conciliabules interminables autour du processus électoral, la détérioration progressive de la situation économique pousse les acteurs socio-politiques inéluctablement vers la confrontation.
C’est ce qui explique le succès retentissant de la marche du 13 décembre dernier, qui marque un tournant dans les luttes sociopolitiques depuis la survenue de la deuxième alternance de 2012.
Elle projette également, au-devant de la scène, la jeunesse patriotique, particulièrement les activistes de FRAPP et ceux du mouvement Y’EN A MARRE, qui s’efforcent d’élargir le mouvement social en direction d’autres forces comme les partis et les syndicats.
Au-delà des actes de bravoure et d’héroïsme individuel, il faudra davantage privilégier un travail patient d’édification d’un puissant mouvement vers une véritable alternative populaire.
Mais il est important que le gouvernement comprenne qu’il est illusoire de vouloir tenir un dialogue national fructueux, tout en refusant de respecter les droits de l’homme, particulièrement le droit constitutionnel de marche et en procédant à des arrestations massives de manifestants pacifiques.
PAR Ndongo Samba Sylla
DU FRANC CFA À L’ECO CFA : CHANGER LES SYMBOLES, MAINTENIR LE SYSTÈME ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Si la France voulait « rompre les amarres », elle aurait pu abolir l’accord de coopération monétaire qui la lie aux pays de l’UEMOA - Macron et Ouattara n’étaient pas les personnes les plus indiquées pour annoncer "la fin du franc CFA"
Après avoir soutenu à Ouagadougou en novembre 2017 que le franc CFA était une « monnaie africaine » et donc un « non-sujet » pour la France, le président Emmanuel Macron est récemment revenu à la réalité sous la pression de mouvements panafricanistes soucieux de voir l’Afrique francophone couper les liens coloniaux avec l’ancienne métropole. Macron a décidé souverainement d’apporter des réformes à la dernière monnaie coloniale qui circule encore sur le continent africain. « C’est en entendant votre jeunesse que j’ai voulu engager cette réforme », a-t-il déclaré à Abidjan, le 21 décembre 2019, avec à ses côtés le président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara.
Premièrement, le nom franc CFA, qui porte l’empreinte de ses origines coloniales (« franc des colonies françaises d’Afrique »), va être rebaptisé « ECO », apparemment dès juillet 2020 pour les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Deuxièmement, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) n’aura plus l’obligation de déposer auprès du Trésor français la moitié de ses réserves de change. Troisièmement, le gouvernement français ne sera plus représenté dans les instances de la BCEAO. Telles sont les annonces du duo Macron-Ouattara.
Des réformes symboliques de nature populiste
Au cours des décennies passées, la logique des réformes du franc CFA a toujours été de rendre moins visible la tutelle monétaire française. Au début des années 1970, la France, acculée par une forte demande de décolonisation monétaire, acceptait le transfert à Dakar et à Yaoundé des sièges des banques centrales et l’africanisation de leur personnel. Malgré cette « africanisation » des institutions de la zone franc, elle gardait le contrôle du système puisque ses représentants disposaient d’un droit de veto statutaire dans les instances de la BCEAO et de la BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale) et qu’elle contrôlait au moins 65% des réserves de change de ces dernières, lesquelles étaient déposées sur un compte spécial ouvert dans les livres du Trésor français, le compte d’opérations.
Dans les années 2000, le taux de dépôt obligatoire des réserves extérieures a été abaissé à 50 %. Les banques centrales de la zone franc sont devenues statutairement indépendantes vis-à-vis de leurs États membres. Mais elles restent sous le contrôle du Trésor français, dont la réduction du nombre de représentants a été « rééquilibrée » par le verrouillage de leurs statuts. Jusqu’à présent, aucune décision de nature statutaire ne peut être prise par la BCEAO et la BEAC sans le consentement du gouvernement français.
Les réformes annoncées par Macron ne dérogent pas à cette logique historique. La fermeture du compte d’opérations et le retrait du gouvernement français des instances de la BCEAO reviennent à passer d’un système de contrôle direct à une forme de contrôle indirect. La politique monétaire et de change en tant que telle n’est pas affectée par ces évolutions. Du moment que la parité fixe avec l’euro est maintenue, les réserves de change, quels que soient la forme ou le lieu où elles sont détenues, serviront d’abord et avant tout à la défense de cette parité. Ces réformes ne rendent donc pas la BCEAO plus autonome : elle demeure une annexe de la Banque de France, rivée à la politique monétaire de la Banque centrale européenne.
Soulignons que l’absence d’obligation de dépôt des réserves de change au Trésor français n’implique pas nécessairement une rupture des relations financières entre ce dernier et la BCEAO. Dans le cas de la BEAC, la quotité non-obligatoire des réserves de change a souvent été investie dans des obligations du Trésor français.
Si la France voulait vraiment « rompre les amarres », selon les mots de Macron, et mettre fin au franc CFA, elle aurait pu simplement abolir l’accord de coopération monétaire qui la lie aux pays de l’UEMOA. Mais elle a choisi de le renouveler et de maintenir son rôle de « garant ». Ce qui implique qu’elle reste de facto souveraine sur la gestion du franc CFA renommé ECO. Il s’ensuit également que les pays de l’UEMOA demeurent toujours sous la tutelle indirecte des autorités de l’Eurozone étant donné qu’elles encadrent la « garantie » de convertibilité supposément apportée par la France.
Que signifie cette « garantie » ? La France promet de jouer le rôle du Fonds monétaire international (FMI) auprès des pays qui utilisent le franc CFA en leur fournissant des liquidités en cas de problèmes de paiements extérieurs. Plus précisément, à chaque fois que la BCEAO se trouve dans une situation de zéro réserve de change, le Trésor français s’engage à lui prêter les montants souhaités en monnaie française (autrefois le franc français, aujourd’hui l’euro).
Or, le fonctionnement de la BCEAO (et de la BEAC) est paramétré pour que cette situation arrive le plus rarement possible, voire jamais. Dès que ses réserves de change atteignent un niveau critique, elle prend des mesures restrictives – limiter les possibilités de financement des économies de la zone – pour reconstituer ses avoirs extérieurs. Grâce à ce mode de gestion la garantie a été rarement activée pour les pays de l’UEMOA entre 1960 et aujourd’hui. La France a honoré sa promesse de « garantie » uniquement pendant la période 1980-1993. Elle l’avait fait pour permettre aux entreprises françaises, qui anticipaient une dévaluation du franc CFA, de rapatrier leurs capitaux et leurs revenus. Selon la BCEAO, la « garantie » française portait à cette époque sur un montant annuel de 32 milliards de francs CFA, un chiffre relativement dérisoire comparé à une fuite de capitaux estimée dans la zone franc à 750 milliards de FCFA pour les seules années 1988-1989. Doit-on s’étonner de voir qu’il est systématiquement inscrit le montant « zéro » dans la loi de finances française au titre de la « garantie » de convertibilité ? Dans un document publié en 2018, intitulé « Gestion des réserves internationales de la CEMAC », le FMI notait qu’il « existe des incertitudes quant à la capacité du Trésor français, qui lui-même doit respecter les règles plus larges de la zone euro, à offrir ce type de garantie à grande échelle pour une période indéfinie. » Dans ces conditions, comment la France, qui ne parvient pas à respecter ses engagements budgétaires au niveau européen, pourrait-elle se porter « garante » ? Quand les pays africains ont des difficultés économiques, comme c’est actuellement le cas dans la zone CEMAC, c’est le FMI qui est appelé à la rescousse par Paris pour imposer des politiques d’austérité, lesquelles produisent toujours et partout les mêmes résultats : misère et désolation.
Quand le ministre français des Finances, Bruno le Maire prétend que la « garantie » française permet aux pays de l’UEMOA d’avoir la certitude de pouvoir toujours financer leurs importations, il montre nolens volens son manque de considération pour l’intelligence collective des peuples et des économistes africains. Le désir de maintenir un lien formel sur le plan monétaire – et donc de garantir les intérêts économiques français – pouvait se passer d’une justification aussi paternaliste que malhonnête.
Pourquoi 14 pays rassemblant une population de plus de 160 millions auraient-ils besoin de la France pour leurs paiements extérieurs là où un petit pays comme la Gambie bat sa propre monnaie nationale sans solliciter la « garantie » d’aucune puissance extérieure ? Le concept de « garantie » de convertibilité employé par les officiels français et les partisans de la relique coloniale est d’autant plus absurde que nous vivons depuis les années 1970 une ère post-Etalon or, où la monnaie émise par les États est de nature essentiellement fiduciaire. Visiblement, la France et les thuriféraires du franc CFA ont toujours du mal à sortir du paradigme monétaire du 19e siècle, le siècle colonial par excellence !
Court-circuiter la CEDEAO
Les réformes envisagées par Macron s’attaquent seulement à certains aspects visibles de la colonialité du franc CFA devenus particulièrement embarrassants pour la France. Elles ne constituent pas une base crédible pour parler de la fin du franc CFA. Tant qu’il existera un lien formel de subordination monétaire, tant que le franc CFA/ECO sera arrimé fixement à l’euro et tant que la Banque de France continuera de détenir 90 % du stock d’or monétaire de la BCEAO, le colonialisme monétaire aura encore de beaux jours devant lui.
Ce serait cependant faire une erreur d’analyse que de croire que les motivations du président Macron sont exclusivement populistes. Ses réformes ont également pour objectif de court-circuiter le projet d’intégration monétaire tel qu’il a été conçu jusque-là dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Les 15 pays de la CEDEAO, y compris les huit qui utilisent le franc CFA, avaient choisi le nom ECO pour leur future monnaie unique et s’étaient mis d’accord pour l’adosser à un panier de devises. Avant de pouvoir adopter l’ECO, ils étaient chacun tenus de remplir un certain nombre de critères d’entrée (les « critères de convergence »). Or, d’après une déclaration récente de Zainab Ahmed, la ministre nigériane des Finances, aucun pays de la CEDEAO n’était qualifiable pour l’ECO en 2020, à l’exception du Togo, un pays qui à l’évidence n’a pas la taille suffisante pour porter seul ce projet.
Au moment même où Macron, en présence de Ouattara, annonçait ses réformes, les chefs d’État de la CEDEAO étaient en train de clore une réunion à Abuja, où ils étaient censés se prononcer sur l’avenir du projet de monnaie unique régionale. Le communiqué final de la CEDEAO a dû se résoudre à accepter le fait accompli : « Cette réforme de la zone monétaire de l’UMOA facilitera son intégration dans la future zone monétaire de la CEDEAO (ECO) », peut-on lire.
En s’appropriant indûment le nom ECO sans remplir les critères d’entrée de la zone éponyme, Macron et les pays de l’UEMOA, avec Ouattara à leur tête, signifient clairement qu’ils se moquent de l’intégration monétaire telle qu’elle était envisagée dans le cadre de la CEDEAO. Á Abidjan, Macron a appelé nommément quasiment tous les pays ouest-africains n’utilisant pas le franc CFA à rejoindre l’UEMOA, à l’exception du Nigéria et du Ghana. Le message est clair : il s’agit d’isoler le géant nigérian voire le Ghana. Ce projet n’est pas nouveau. On le trouve dans un rapport sur la zone franc de l’ex-ministre français Dominique Strauss-Kahn, publié en 2018. Dans les années 1970, la Côte d’Ivoire et le Sénégal s’étaient déjà alliés à la France pour faire capoter un projet de réforme monétaire porté par le président du Niger, Hamani Diori, et qui devait renforcer la coopération monétaire entre les pays de l’Afrique de l’Ouest. Près de cinquante ans plus tard, rien n’a visiblement changé.
Soulignons au passage que le travail de sabotage de la Côte d’Ivoire ne se limite pas au domaine monétaire. En ratifiant, en 2016, un accord de libre-échange intérimaire avec l’Union européenne alors que la CEDEAO évolue déjà dans le cadre d’une union douanière, elle a mis également en péril l’intégration commerciale régionale.
Le « kidnapping » de l’ECO par la France et les pays de l’UEMOA a au moins un « mérite » : celui d’avoir mis fin à l’ajournement récurrent du lancement de la monnaie unique de la CEDEAO. La passivité des chefs d’État de la CEDEAO face à ce détournement d’objectif est sans doute une conséquence logique au fait qu’ils n’ont jamais pris la peine d’associer leurs peuples à la discussion sur l’ECO et de leur tenir un discours de vérité. Ils ont toujours prétendu que l’ECO – une copie grossière de l’Euro qui pose des problèmes similaires au franc CFA en tant que monnaie unique – était faisable et qu’ils déployaient les meilleurs efforts du monde pour son lancement, alors qu’ils devaient savoir que la méthodologie des critères de convergence, importée de l’Union européenne, était la meilleure manière de perpétuer l’immobilisme monétaire. Macron et Ouattara, ayant compris l’impasse de l’ECO version CEDEAO, ont profité de la situation. Et, même si cela est triste pour les supporters de l’ECO version CEDEAO, le couple franco-ivoirien a en partie rendu service aux chefs d’État de la CEDEAO qui devaient logiquement annoncer un nouveau report du lancement de l’ECO. Au moins, certains pourront avoir l’illusion/l’espoir que les choses « avancent » dans la bonne direction, pour une fois.
Dans la mesure où les pays de l’UEMOA ont adopté l’ECO sans satisfaire les critères d’entrée requis, quel sens y aura-t-il à exiger des sept autres pays de la CEDEAO qu’ils les respectent afin de faire partie de la zone monétaire ECO ? Difficile d’envisager présentement comment le projet de monnaie unique CEDEAO pourra se relever de ce coup de massue. Au revoir le franc CFA, vive l’ECO CFA ! Sans doute qu’une telle prouesse incitera le gouvernement français à considérer avec bienveillance d’éventuelles ambitions de troisième mandat de certains actuels dirigeants des pays de l’UEMOA.
La lutte continue
Les réformes de Macron n’apporteront aucun changement significatif à la conduite de la politique économique et à la situation matérielle des populations. Il est cependant ironique que des réformes à la portée essentiellement symbolique aient échoué justement sur le plan des symboles. Car Macron et Ouattara n’étaient pas les personnes les plus indiquées pour annoncer « la fin du franc CFA ». L’annonce aurait eu plus de crédibilité si elle était venue, par exemple, des chefs d’État de la CEDEAO et, éventuellement, si elle avait eu l’onction des peuples. Voir le président de l’ancienne métropole coloniale « décider » de la fin d’une relique coloniale lors d’une revue des troupes françaises stationnées en Côte d’Ivoire n’est pas la manière la plus convaincante de décréter une nouvelle mort de la résiliente « Françafrique ».
Ceci étant dit, les nombreux mouvements panafricanistes, intellectuels, économistes, citoyens ordinaires qui se battent pour une seconde indépendance de l’Afrique peuvent savourer une petite victoire. Ces réformes symboliques sont des concessions qu’il faut apprécier à leur juste mesure. La forteresse CFA commence à vaciller. Une bataille vient d’être gagnée. D’autres devront être menées.
Sur le plan économique et monétaire, il faudra viser à doter le continent de monnaies souveraines qui garantissent son indépendance financière. Au-delà de la nécessité de récupérer leur souveraineté monétaire formelle vis-à-vis du gouvernement français et du FMI, les pays africains devront également procéder à des réformes en profondeur du secteur bancaire et financier, lequel conserve son fonctionnement colonial malgré le recul des banques françaises. Ils devront mettre en place des banques centrales « agents de développement », avec lesquelles ils travailleront étroitement pour faciliter le financement des économies, les projets d’industrialisation, la création d’emplois et la transformation écologique. Ils devront essayer d’éviter de s’endetter en monnaie étrangère en misant au maximum sur la mobilisation des ressources domestiques. Ce qui suppose de rompre avec l’attitude qui consiste à organiser toute la politique économique autour de la nécessité d’attirer des « financements extérieurs ». Bien entendu, tout ceci ne sera possible sans une mobilisation permanente des peuples pour exiger des « représentants »/« élus » qu’ils garantissent un cadre politique plus égalitaire.
Nous aurions tort de nous arrêter aux symboles et à la seule réforme monétaire.
Ndongo Samba Sylla a coécrit un livre sur le franc CFA avec Fanny Pigeaud : L’Arme invisible de la Françafrique, une histoire du franc CFA, La Découverte, 2018.
COLONISATION FRANÇAISE : "CE QUI A DOMINÉ DEPUIS 60 ANS, C'EST L'AMNÉSIE"
En qualifiant de "faute de la République" la colonisation française, Emmanuel Macron porte le premier coup au "tabou absolu" du pays des droits de l'Homme. Entretien avec Pascal Blanchard, historien et spécialiste du "fait colonial"
TV5 Monde |
Séraphine Charpentier |
Publication 23/12/2019
En 60 ans, jamais aucun président français n'avait osé aller jusque là. Samedi 21 décembre 2019 à Abidjan, Emmanuel Macron l'a fait. En qualifiant de "faute de la République" la colonisation française, il porte le premier coup au "tabou absolu" du pays des droits de l'Homme. Entretien avec Pascal Blanchard, historien et spécialiste du "fait colonial".
Dans certains pays d'Afrique, un sentiment "anti-français" s'exprime, dénonçant l'ingérence de l'hexagone dans les politiques intérieures de ses ex-colonies, notamment en terme de lutte contre le terrorisme.
C'est dans ce contexte que le chef d'État français a entamé sa tournée en Côte d'Ivoire et au Niger. Il n'a pas hésité à mettre les mots sur la période sombre de l'Histoire de son pays. Dans son discours du 21 décembre à Abidjan, Emmanuel Macron a ainsi qualifié la colonisation française de "faute de la République". Une histoire, que la France n'a pas osé regarder en face depuis plusieurs décennies.
Entretien avec Pascal Blanchard, historien, spécialiste du "fait colonial" et auteur de "La République coloniale" et de l'ouvrage à paraître le 14 janvier 2019, "Décolonisations françaises. La chute d'un Empire".
TV5MONDE : Quel a été le mécanisme psychologique de la France depuis la fin de la colonisation ?
Pascal Blanchard : Ce qui a dominé depuis 60 ans, c’est l’amnésie. C’est le sentiment de ne pas trancher, de ne pas regarder. La colonisation est le dernier grand sujet de notre Histoire contemporaine qui fait encore débat en France. Le meilleur exemple pour l’illustrer, ce sont les musées. Il y en a pour tous les sujets, sauf un : l’Histoire coloniale. En plusieurs décennies, nous n’avons même pas réussi à construire un récit commun à partager. Ça reste un des grands tabous de l’Histoire.
En quoi Emmanuel Macron est-il été radicalement différent de ses prédécesseurs sur la question coloniale ?
Tous les chefs d’Etats français ayant précédé Emmanuel Macron n’ont jamais tranché sur cette question. Même pour la gauche, ce fut un tabou absolu. On pense à François Mitterrand, qui fut ministre des Colonies en 1950-1951 avant d’être ministre de l’Intérieur, puis de la Justice pendant la guerre d’Algérie. Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy n’ont pas bougé. François Hollande a tourné autour du pot sans jamais vraiment prendre de grande décision.
À aucun moment ils n'ont affirmé très clairement que c’était une page sombre de notre Histoire, avec la même dynamique qu’Emmanuel Macron. C’est une grande nouveauté de dire que la « République » a été responsable de ce qu'il a qualifié, en 2017, de « crime contre l’humanité ». La décision d'un tel discours n’est pas mince. Le président sait qu'il va se heurter à la droite ou à l’extrême droite, à une opposition extrêmement vive des nostalgiques de ce passé. C’est donc une décision qui est mûrie, ce n’est pas juste un discours secondaire. Et il fallait passer par là pour commencer à construire une mémoire et une histoire partagées. La France est enfin prête à regarder son passé en face.
Pourquoi cette prise de conscience vient-elle seulement maintenant ?
Cette prise de conscience vient maintenant, tout simplement parce qu’Emmanuel Macron est né après les indépendances. Il l'a dit dans son discours : "Je n'appartiens pas à une génération qui a connu le colonialisme. Beaucoup des jeunes qui me le reprochent ne l'ont pas connu davantage", dit-il.
Pour lui, il est temps de changer la manière d’appréhender ce passé. Et c’est un changement fondamental dans notre manière de penser notre Histoire, nos relations avec l’Afrique, avec les diasporas africaines mais aussi antillaises, moyen-orientales et asiatiques qui vivent en France.
Pourquoi est-il toujours si difficile pour la France de reconnaître la colonisation et ses ravages ? Quel est le vrai tabou ?
Le tabou, c’est la République. Comment la République, pays des droits de l’Homme, pays de l’égalité républicaine, a pu mettre en place un système d'inégalité raciale, de domination sur les hommes, au nom de la couleur de leur peau ? C’est simple, la colonisation est une contradiction absolue avec les valeurs de la République française, avec les valeurs de la révolution française, avec les principes d’égalité et je dirais même de liberté, de solidarité et de fraternité, qui fondent les principes de la République.
L’histoire coloniale est le dernier grand tabou, puisqu’il est en antinomie avec ce qu’est la substance même de la France. Comment expliquer à quelqu’un que la France, pays des droits de l’Homme, a mis en place un système qui justement était l’antithèse des droits de l’Homme ?
La violence des conquêtes coloniales et l’Histoire des décolonisations expliquent aussi qu'il est si dur de reconnaître le mal perpétré ...
Oui. De 1943 jusqu’aux années 67-68, ce sont 25 années de violence, une jeunesse sacrifiée et dans tous ces pays, une violence absolue pour s’opposer aux indépendances. Ces histoires-là marquent notre récit avec une autre ambiguïté absolue, celle des rapatriés.
Enfin, au cœur de tous ces traumatismes de la société française, il y a un dernier paradoxe. Ceux qui hier avaient eu des grands-parents colonisés ont migré et sont venus dans le pays qui avait colonisé par le passé le pays de leurs parents ou de leurs arrières grands-parents. Quand vous mettez tout ça bout à bout, vous avez affaire à un des sujets majeurs et des plus sensibles, qui traverse aujourd’hui en terme identitaire, mémoriel, historique mais aussi en terme de relation diplomatique, la société française du XXIe siècle.
Pourquoi "reconnaître" l'Histoire coloniale et ne pas s'en excuser ?
Emmanuel Macron a reconnu. Il ne s’est pas excusé et ce n’est, en effet, pas la même chose. Ma logique sur la question est la suivante : ce n'est pas un petit blanc n'ayant pas connu la colonisation, qui est responsable de ce qu'il s'est passé en colonie. Par contre, je pense que ce qu'il faut faire pour que la société et la République aillent mieux, c'est pacifier, écouter les mémoires de tous et comprendre le fait qu’il reste quelques vieux reliquats dans la tête de certains blancs dans ce pays.
Quelle est la relation qui unit la France à l'Afrique aujourd'hui ?
Par rapport à ses relations anciennes, la France a réussi un tour de force : celui de ne pas être un pays qui serve de balise à l'Afrique, à travers un certain nombre de questions. La France n’a même pas été intelligente dans l’héritage de ce passé, tout simplement parce qu’elle n’a pas été capable de le digérer. Pourtant, nous sommes tous lucides sur ce qu’a fait l’Amérique avec les noirs, par exemple.
Il va être temps d'ouvrir les yeux, parce que les jeunes d’aujourd’hui ont bien compris ce qu’était cette Histoire, des deux côtés de la barrière. Ils sont beaucoup moins dans l’ambigüité que leurs aînés. Ceux qui ont été les petits-enfants des colonisés, savent très bien ce qu’ont vécu leurs grands-pères et leurs grands-mères.
Si la République ne regarde pas cela en face, nous allons nous heurter à une vraie violence identitaire. Tant que la société française est incapable d’accepter ce qu’elle a fait, elle continuera d'avoir un regard colonial, d'une certaine manière. C’est dévastateur pour notre société, pour nos relations avec les pays africains - et pas seulement africains, les Antilles, la Guadeloupe, la Martinique, la Nouvelle-Calédonie - et c’est dévastateur sur notre capacité de savoir que la République est capable de dépasser ces questions, pour arriver à se rebâtir sur autre chose.
Notre gestion de l'Histoire est-elle responsable de la violence présente chez certaines jeunes générations ?
On a voulu fuir cette histoire, on a voulu l’enterrer et on a cru qu’en l’enterrant ça se passerait bien. Et bien pas du tout. Cela a créé chez la jeune génération encore plus de violence que leurs parents où leurs grands-parents qui sont venus vivre en France. Il faut rendre hommage et faire Histoire, c’est-à-dire transmettre aux jeunes générations, au-delà des mythes et des manipulations. Sinon, d’autres vont s’emparer de ces questions, à tous les extrêmes. Notamment le Rassemblement National qui rejoue, à chaque génération, la guerre contre les noirs et les arabes. Il y a une vraie dimension politique derrière cela et le Rassemblement National joue sur ces questions-là depuis 45 ans. Nous savons les fractures que ça fabrique.
De l’autre côté, vous avez des jeunes racisés dans les quartiers populaires, qui adoptent un discours extrêmement violent parce qu’ils pensent que les blancs ne seront jamais capables de regarder en face cette Histoire. Nous devons être très vigilants car il y a un vrai danger identitariste dans le présent. La question coloniale permet, d’un côté aux ultra-racisés et de l’autre, au Rassemblement National, de nous faire une vraie guerre identitaire.
Les jeunes de France seront-ils ceux qui apporteront le changement ?
Cette jeune génération qui vit aujourd’hui en France a fait des études et elle est très lucide. Elle souhaite être le bras mémoriel de ce que leurs grands-parents et leurs parents ont pu connaître, en remettant l’Histoire à l’endroit.
De l’autre côté, les enfants de France sur dix, quinze, vingt générations se demandent comment leurs aînés ont pu faire ça, comment ceux qui se prétendent républicains ont pu accepter ça. Eux aussi ont appris à l’école, eux aussi ont regardé des films. Ils ont vu "Indigènes", des documentaires, ils se sont informés sur les réseaux sociaux, ils ont des amis de ces ex-territoires coloniaux.
Nous vivons aujourd'hui dans une société métisse. Nous devenons donc sensibles à l’histoire de l’autre, qui jusqu’alors n’était portée que par ceux qui avaient subi les affres de l’Histoire.
Au bout de combien de générations un peuple peut-il guérir d'un tel traumatisme ?
Un peuple peut guérir en quatre générations si nous faisons ce qu’il faut. La première génération subit, la deuxième se tait, la troisième est acteur de son histoire et de la mémoire. Mais si, par exemple, le discours d’Emmanuel Macron ne restait qu’un discours, alors il n'y aurait pas de vraie guérison possible. Nous avons affaire à des transferts générationnels. Si vous prenez l’Allemagne, la troisième génération est celle qui a fait le plus gros travail sur l’Histoire de la Shoah et du nazisme. Et elle ne l’a pas connu pourtant.
Que reste-t-il à faire à Emmanuel Macron et à la France ?
C’est d’abord un problème franco-français. Je considère que les Africains ont beaucoup mieux digéré cette histoire qu’on ne l’imagine. La France l'a fait sur la période de Vichy et sur la Seconde Guerre mondiale, on est donc tout à fait capable de le faire ici.
Nous avons réussi à faire un manuel scolaire franco-allemand. Il est temps d’écrire un manuel scolaire entre les pays africains et les pays européens, qui serait capable d’écrire les cinq derniers siècles en commun.
Il faut aussi des politiques publiques, savoir enseigner cette histoire à l’école. Il faut créer des grands musées qui parlent de cette question, il faut l’aborder avec des grands documentaires. Il y a aussi eu, dans l'Histoire de la République, des gens qui se sont opposés à la colonisation. Il est temps de raconter tout cela.
Nous avons cette aptitude à pouvoir remettre l’Histoire à l’endroit, à rendre hommage à ceux qui ont pu subir à l’époque les discriminations, la violence coloniale et la douleur d’être dominés. Emmanuel Macron est dans un mouvement du temps. Les choses changent, parce que la dernière génération n’a pas vécu ces événements. Et qu’elle veut comprendre.
SORO EMPÊCHÉ D'ATTERRIR À ABIDJAN
L'ex-chef de la rébellion ivoirienne qui vient de passer six mois à l'étranger, n'a pas pu atterrir en Côte d'Ivoire, comme prévu, ce 23 décembre - L'ancien allié de Ouattara devenu son opposant est présentement au Ghana
L'ex-chef de la rébellion ivoirienne Guillaume Soro, qui vient de passer six mois à l'étranger, n'a pas pu atterrir en Côte d'Ivoire, comme prévu, selon notre correspondant à Abidjan. Guillaume Soro vient d’atterrir au Ghana à Accra, confirme son porte-parole Alain Lobognon en conférence de presse.
Il avait décalé d'un jour son retour en Côte d'Ivoire où il devait arriver le 23 décembre, en raison de la visite du président français Emmanuel Macron dans le pays.
"Le comité d'organisation a décidé du report du retour de M. Soro du 22 au 23 décembre (....) La préfecture de police a relevé la focalisation et la mobilisation des services officiels de l'Etat sur cette visite officielle du chef de l'Etat français" du 20 au 22, selon un communiqué remis à l'AFP par le député Alain Lobognon, membre du parti de Soro, Générations et peuples solidaires (GPS) et proche de Soro.
Agé de 47 ans, M. Soro, qui a annoncé depuis l'Europe sa candidature à la présidentielle de 2020, devrait lancer sa campagne en Côte d'Ivoire.
Ancien Premier ministre (2007-2012) et ancien président de l'Assemblée nationale (2012-2019), il a rompu les ponts en début d'année avec le président Alassane Ouattara et la coalition au pouvoir, Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP).
Le président Ouattara, 77 ans, a plusieurs fois déclaré qu'une nouvelle génération politique devait assumer le pouvoir en Côte d'Ivoire, mais il n'a pas exclu de se représenter lui-même en 2020, pour un troisième mandat, si ses rivaux historiques les ex-présidents Henri Konan Bédié, 85 ans, et Laurent Gbagbo, 74 ans, se représentent.
Dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait 3 000 morts, la prochaine présidentielle de 2020 s'annonce tendue en Côte d'Ivoire. Les élections municipales et régionales de 2018 avaient été marquées par de nombreuses violences et des fraudes.
par Ousseynou Nar Gueye
UNE DÉVALUATION DU FCFA INÉLUCTABLE D’ICI JUILLET 2020
Cette vraie-fausse proclamation de souveraineté retrouvée est une victoire à la Pyrrhus et une défaite stratégique en marche pour l’Uemoa - Un remplacement imminent de monnaie ne s'annonce pas, il doit se constater au réveil par les populations
Les mâles sénégalais (surtout musulmans ; les chrétiens du pays étant moins enclins à la polygamie) le savent : dans ce marché matrimonial très concurrentiel qu’est celui du pays de la Teranga : le meilleur moyen de ne pas arriver à épouser une niarèle (seconde femme) est d’en informer au préalable la awo (première femme). Il faut l’annoncer à cette dernière une fois que l’hymen est noué et même consommé. Et mieux encore, le lui faire annoncer au lieu de le faire soi-même, après que la cola des deuxièmes noces ait été croqué par les convives. Ou alors, le futur polygame que vous êtes, arrivera à son deuxième mariage dans un état d’éclopé.
Il est va de même de la monnaie. Et le franc CFCA n’y échappera pas. On n’annonce pas la fin prochaine d’une monnaie et un changement aussi important que celui d’une banque centrale, sans risques gros d’intempéries économiques et financières.
Ouattara aurait dû le savoir, quand le samedi 21 décembre, aux côtés d’Emmanuel Macron (première faute de goût que cette pose à deux devant les micros), il a annoncé l’indépendance monétaire bientôt retrouvée des pays de l’UEMOA, sous le regard du président français : selon Ouattara donc, ADO (« A-dos-solutions ? »), le franc CFA disparaîtra en juillet 2020, pour être remplacé par l’Eco, la nouvelle monnaie ouest-africaine.
Nouvelle monnaie de la Cedeao ou de l’Uemoa ? Rien n’est sûr, car on ne sait si le Ghana et le Nigéria intégreront l'Eco dès sa création. Nouvelle Banque centrale à Abidjan ou à Abuja (cela est donc encore loin d'être tranché). Parité fixe avec l’Euro ? Permettez-nous d’en douter, quand hier, le ministre français de l’Economie, Bruno le Maire, marquant à la culotte Ouattara, annonce illicco avoir signé l’acte mettant fin au franc CFA, dans un tweet tout en rodomontades, à la manière de Trump.
En d’autres termes, depuis hier, la Banque de France ne garantit plus le franc CFA et n’assure plus sa convertibilité. Le président Alassane Ouattara vient de nous faire piquer là un AVC à l’échelle sous-régionale, dont il est sûr que nous ressortirons avec une hémiplégie.
Qu’a dit Ouattara samedi ? Le président ivoirien a annoncé « le remplacement du franc CFA par l'éco en Afrique de l'Ouest : Aux côtés d'Emmanuel Macron, il a annoncé ce 21 décembre la fin prochaine du franc CFA qui sera remplacé par l'éco. Les huit pays de l'actuelle zone franc en Afrique de l'Ouest vont couper les liens techniques avec le Trésor et la Banque de France, ils géreront eux-mêmes cette monnaie sans interférence de la France.".
Hé bien, cette vraie-fausse proclamation de souveraineté retrouvée est une victoire à la Pyrrhus et une défaite stratégique en marche pour l’Uemoa. C’est une annonce seulement de nature à faire jouer les spéculateurs de monnaies contre le FCFA pour sa redévalution, après celle de janvier 1994.
Un remplacement imminent de monnaie ne s'annonce pas, il doit se constater au réveil par les populations. Avec cette annonce de Ouattara, tous ceux qui peuvent changer leur FCFA en devises internationales (Euro et autres) vont commencer à le faire et être poussés à s’y résoudre : les multinationales et les salariés nantis, les industriels, les banquiers, les hommes d’affaires, les populations diasporiques adeptes du Western Union…
Jusqu’en juillet 2020, le FCFA ne sera plus que la monnaie d’échange (monnaie de singes) des couches modestes et de la classe moyenne pressurisée de toutes parts et qui n’a pas les moyens d’épargner, encore moins de thésauriser. Les agneaux du futur sacrifice donc.
De plus, cette annonce ouattaresque (don quichottesque ?) conduira à un marasme économique et a une rétraction/contraction de l’activité économique dans tous les pays l’UEMOA, durant le premier semestre 2020, et jusqu’en juillet : tous les nantis vont non seulement thésauriser de l’euro, en prévision de le changer en Eco après juillet, mais dès ces fêtes de décembre, ils vont également restreindre au maximum toutes dépenses non nécessaires : sorties, voyages, restaurants, frais d’hôtels, achats de luxe (à part l'or)…
De Ouattara, on aurait espéré une autre posture, plus précautionneuse et de meilleur père de famille, plutôt que cette déclaration inconséquente d’Abidjan. Afro…Affreux.
Non, président ADO, qui vous nous mettez à dos, un changement de monnaie et de banque centrale ne s’annonce pas. Ce doit être une blietzkrieg. Outtara a pourtant été gouverneur de la BCEAO. Il l’aura malencontreusement oublié.
Un peu plus loin en Afrique, quand la Banque centrale d’Afrique du Sud a annoncé il y a quelques années devoir faire le lendemain une déclaration, importante : les cours de la bourse de Johannesburg ont drastiquement chuté. Il ne s’agissait pourtant que de la sortie le lendemain, de nouveaux billets de banque à l’effigie de Nelson Mandela. Madiba le sage, qui a dit : « Je ne pers jamais : soit je gagne, soit j’apprends". Avec Ouattara et le FCFA, sur ce coup-là : c’est « je ne gagne jamais : soit je perds, soit je persévère dans la perte ».
Pendant ce temps, l'afroclown Robert Capo Chichi alias Kemi Seba fait des conférences à auto-expulsion au Burkina, d’où il a été jeté comme un malpropre vers le Bénin. Tract le prendra au sérieux, Kemi "CFA" Seba, quand il aura renoncé à sa nationalité française et brûlé son passeport Schengen. A partir de juillet et du remplacement du FCFA par l'Éco, le sieur Chichi devra se trouver un autre cheval de bataille : la lutte contre l’excision, la dépigmentation, les mariages précoces, l'esclavage des talibés ? Le choix est large
Eco ? Le FCFA paiera plus que son écot à l’écho du 21 décembre d’Alassane Ouattara. A la différence de la dévaluation de 1994 à laquelle le populo ne s'attendait, au moins cette fois, les choses sont claires. Toute le monde sait à quelle sauce foutou on sera mangés.
Eco ? Yako !
Ousseynou Nar Gueye est éditorialiste, fondateur de Tract.sn
PAR MADIAMBAL DIAGNE
LES MANIFESTANTS PROFESSIONNELS SUR SCÈNE
Chaque cause mérite une marche. Les forces de police et de sécurité seraient-elles dédiées exclusivement à devoir encadrer des marches ? Un tel laisser-aller, un tel laxisme, n’est acceptable dans aucun pays
Plus d'une fois, nous nous sommes insurgés à travers ces colonnes des interdictions administratives prononcées pour empêcher des marches pacifiques de l’opposition. Nous apostrophions, avec une certaine véhémence, le gouvernement, notamment dans une chronique en date du 16 juin 2019 intitulée : «Quand vont-ils s’interdire d’interdire les marches de l’opposition ?».
Nous considérons qu’il demeure fondamental de reconnaître et de faire droit au citoyen de son droit de manifestation contre une décision ou un fait d’une autorité publique. Il n’en demeure pas moins que ce droit doit s’exercer strictement dans le cadre du respect des droits des autres citoyens et surtout pas dans un objectif ou une finalité de causer des troubles à l’ordre public. Les citoyens sénégalais se gardent de se joindre à des actions qu’ils perçoivent comme entrant dans une logique de trouble de l’ordre public ou mues par des velléités subversives.
Ainsi, a-t-il été observé que les rangs des marches de l’opposition, autour de thèmes n’emportant pas l’adhésion des populations, ont été snobés par ces dernières. Les organisateurs des marches s’en offusquaient et finissaient par insulter les autres citoyens qui ont choisi librement de ne pas se joindre à leurs actions.
Ainsi, nous relevions dans un autre texte en date du 6 août 2019, à l’endroit des organisateurs des marches : «Comment peuvent-ils s’étonner que les populations ne viennent pas à leurs marches ?» Il se trouve que les marches autorisées ne drainent guère des foules et passent donc inaperçues auprès de l’opinion. Pour faire la «Une» des médias, il faudrait arriver à provoquer des confrontations entre marcheurs et policiers. En effet, seules les marches réprimées par la police suite à des interdictions revêtent du succès.
En France ou aux Usa, un manifestant qui agresse un gendarme devant le Palais présidentiel serait abattu.
Il reste que les projets de marche deviennent de plus en plus nombreux et portent sur divers motifs. On voit que pour une raison ou pour une autre, de la raison la plus populaire ou essentielle pour les populations et pour l’Etat, jusqu’au motif le plus futile, des personnes sonnent la charge pour appeler à des marches. Ce qu’il y a sans doute à déplorer n’est nullement que des gens demandent à marcher pour quelque raison que ce soit, mais on voit que les organisateurs usent de tous les stratagèmes pour amener l’autorité administrative à interdire leurs marches.
On a vu la semaine dernière les organisateurs de marches pour protester légitimement contre la hausse du prix de l’électricité déposer deux déclarations de marche simultanées sur deux lieux différents et distants de plusieurs kilomètres. Comment peut-on marcher à Dakar, à la fois à la Place de l’Obélisque et à la Place de l’Indépendance ? Il est manifeste que par ce procédé, les organisateurs cherchaient à faire interdire leurs marches et ainsi avoir l’alibi pour braver les forces de l’ordre.
En outre, dans de nombreux cas, la déclaration préalable n’a pas été faite à temps ; dans d’autres, les organisateurs choisissent des itinéraires incluant des périmètres définis depuis de longues dates comme étant des périmètres de sécurité à l’intérieur desquels aucun rassemblement de personnes exprimant des contestations ne saurait être toléré. Dans tous les pays au monde, l’autorité administrative, appréciant les situations et les contextes, peut décider d’ériger un périmètre de sécurité.
En France, suite aux manifestations violentes des «Gilets jaunes», le périmètre des Champs-Elysées à Paris reste toujours déclaré comme «périmètre de sécurité», à l’intérieur duquel toute manifestation est interdite. Les juridictions administratives ont fini de donner raison à l’Etat français pour une telle mesure administrative. Au Sénégal, on refuse de reconnaître cette prérogative à l’Etat, alors que la justice saisie a confirmé la légalité de la mesure de «sanctuariser» le secteur allant de la Place de l’Indépendance à la Place Washington et incluant donc les installations du Palais présidentiel, du gouvernement et d’autres services essentiels de l’Etat.
Les organisateurs de marches qui voudraient imposer leur itinéraire dans ce secteur ne laissent pas le choix à l’autorité administrative. Dans la même logique, des organisateurs bravent les autorités administratives et menacent ouvertement d’en découdre avec les forces de sécurité si d’aventure la marche n’est pas autorisée.
Plus grave, ils brandissent la menace qu’autorisée ou pas, leur marche sera tenue, au prix de violentes confrontations avec les forces de sécurité. Qui n’a pas entendu des organisateurs de marches annoncer qu’ils prendront d’assaut le Palais présidentiel par exemple ?
Dans de telles conditions, comment pourrait-on autoriser la marche et surtout comment ne pas prendre les dispositions nécessaires pour protéger l’Etat et ses institutions. Des organisateurs de marches ont eu des pedigrees de fauteurs de troubles pour que l’autorité administrative soit fondée à leur opposer un refus systématique de diriger une marche. Dans de grandes démocraties à travers le monde, des fauteurs de troubles, identifiés et même fichés par les services de police, sont interdits de tout rassemblent public et sont même privés du droit d’aller au stade pour suivre un match de football. Une telle méthode est un instrument de police dont se sert l’autorité pour anticiper sur des situations troubles.
Comment alors autoriser une marche de personnes qui, chaque fois qu’elles arrivent à déjouer la vigilance de la police, s’agrippent sur les grilles du Palais présidentiel et agressent les forces de sécurité préposées à la surveillance de ce lieu stratégique ?
Il est clair que dans de grandes démocraties comme en France ou aux Usa, un manifestant qui se serait permis, à l’image de Guy Marius Sagna, d’aller s’agripper aux grilles du Palais présidentiel tout en criant des slogans agressifs et en se bagarrant comme un hystérique avec des gendarmes en faction sur les lieux aurait reçu une décharge d’une arme automatique. Le cas échéant, les conséquences auraient été encore plus graves. Il apparaît de bon sens pour une autorité administrative d’empêcher, par précaution, une aussi fâcheuse et on ne pourrait plus regrettable éventualité.
Le phénomène des manifestants professionnels
On va observer que les organisateurs des marches restent les mêmes personnes et endossent toutes les causes. Les mêmes personnes peuvent vouloir marcher pour le prix de l’électricité, elles voudraient aussi marcher, en synergie avec des commerçants, contre l’installation d’une chaîne de supermarchés, elles tiendraient à marcher pour donner du crédit à un reportage d’une chaîne de télévision étrangère accusant des personnalités politiques de malversations, elles voudraient prendre fait et cause pour une partie dans un différend commercial ou pour demander à des entreprises étrangères de quitter le sol sénégalais ou pour demander la disparition du franc Cfa ou pour s’opposer à une réforme politique, électorale ou de la Constitution du pays.
Ces personnes voudraient marcher parce qu’elles soupçonneraient le président Macky Sall d’entretenir l’idée, qu’il n’a d’ailleurs encore jamais exprimée, de briguer un troisième mandat à la tête du Sénégal en 2024. Les mêmes personnes voudraient marcher pour la date des élections ou pour exprimer une solidarité à des populations en colère dans d’autres pays. Ainsi, chaque jour est propice pour une marche, chaque cause mérite une marche. Les forces de police et de sécurité seraient-elles dédiées exclusivement à devoir encadrer des marches ?
Bien sûr que non ! Un tel laisser-aller, un tel laxisme, n’est acceptable dans aucun pays. Il reste que ces marcheurs sont pour la plupart des personnes à qui aucune activité professionnelle effective n’est connue. Ce sont en quelque sorte des chômeurs qui voudraient consacrer leur temps à organiser des marches pour toutes les causes et les plus farfelues. Ces personnes vivraient-elles de subsides que leur procurerait l’activité d’organisation de marches ?
On voudrait ne pas croire que des officines d’organisation de marches sont créées pour faire des prestations rémunérées d’organisation de marches à la carte. Ne serait-on pas en train de voir prospérer au Sénégal cette activité connue aux Usa, où des «manifestants professionnels» sont postés tous les matins aux abords de la Maison Blanche pour soulever des pancartes de dénonciation ou de protestation, au gré des questions qui préoccuperaient le payeur du jour ?
Il y a de l’intérêt à regarder sur YouTube, la pièce décapante, Manifestant professionnel, jouée en 1970, par les acteurs français Jean Yanne et Daniel Prévost. En effet, le dialogue souligne «qu’il y a un tas de gens qui ont des revendications, qui voudraient protester, mais qui ne peuvent pas manifester parce qu’ils n’ont pas le temps pour le faire, car ils travaillent. Alors ils paient des manifestants pour porter des pancartes et hurler des slogans à leur place». On ne le dira jamais assez, si on devrait qualifier l’action de certains hommes et femmes politiques et d’activistes quant à la tenue de manifestations dans Dakar, l’irresponsabilité ne serait pas un mot trop gros. Le chaos qu’on cherche systématiquement à installer à la Place de l’Indépendance et alentours, du fait d’une poignée d’individus, est à regretter.
On pourra épiloguer autant qu’on voudra sur le respect des libertés publiques, le droit de manifester et de marcher, mais on ne peut fermer les yeux sur une irresponsabilité à outrance d’acteurs se cherchant une légitimité tous azimuts. Nous sommes les premiers à reprocher dans ces colonnes tous les manquements des forces publiques et de l’Etat quant à l’encadrement des manifestations pacifiques des citoyens, mais force est de reconnaître qu’il y a un péril insurrectionnel qui cherche à faire son lit sur l’espace public sénégalais.
Cherche-t-on à émuler un siège comme celui de la Place Tahrir, avec des rangs vides ? Cherche-t-on à défier l’Etat et à mettre en pratique des démarches réactionnaires de guérilla urbaine pour exister ? Cherche-t-on juste à jouer aux héros irresponsables, enfilant la cape de n’importe quel combat ? A toutes ces questions, les actions que nous voyons ne nous contredisent guère.
Des personnalités se cherchent une légitimité dans la rue. La mise en scène reste classique. Les annonces chocs se succèdent à longueur de journée dans les médias. On prépare les esprits au chaos total, à des hordes de justiciers sociaux qui viendront libérer de tous les maux. L’action à venir est peinte comme le début de la lutte légitime qui va libérer. La posture de s’ériger en sentinelle de la démocratie et martyr est adoptée sur toutes les plateformes. Rares sont les argumentations structurées pour justifier le registre d’actions choisies. Tout est dans l’invective.
A population lassée, indifférence totale
Ce jeu d’irresponsabilité ne fait pas fortune pour la simple et bonne raison que les populations sénégalaises détournent leur regard de tous ces appels au désordre et à l’anarchie. La légitimité des acteurs qui invitent à investir les rues est une raison de cette indifférence. Le discours usé qui est tout le temps proposé est aussi une explication pertinente. A force de sauter de combat à combat, une justification des actions menées peine à faire sens auprès de l’opinion. La caricature du «dégagisme» vient à l’opinion qui ne se laisse plus embarquer dans n’importe quel combat.
Le préjudice causé aux populations par tous les manifestations et les dispositifs sécuritaires extrêmes finissent par irriter tout passant ou riverain. Ils sont nombreux les citoyens qui, par le tort subi lors des appels aux manifestations, discréditent tout combat et toute action que porteront les responsables politiques et les activistes. Ils sont nombreux les commerçants, travailleurs et automobilistes du centre-ville qui sont énervés et déçus qu’un jeu du chat et de la souris se tienne en plein cœur de Dakar et bloque leurs activités.
Ils sont nombreux les citoyens sénégalais qui en ont marre de se faire prendre en otage dans des combats sous le sceau du bien commun, mais qui s’inscrivent essentiellement dans la poursuite d’agendas personnels. Ils sont aussi légion les citoyens sénégalais qui voient clair dans le discours des «révolutionnaires» de salon et café de Dakar.
Ce n’est pas d’une telle manière que l’action contestataire se mène dans une démocratie. Avant de faire des appels à une lutte qui «libère», il faudrait penser la démarche, voir ses contradictions et surtout être logique dans celle-ci. Le Sénégal mérite bien plus que ces petits jeux de rue.
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FEMME AFRICAINE, HÉROÏNE DE L'OMBRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Notre continent est porté par les femmes - Rien ne justifie que la femme soit considérée comme quelque chose d’annexe – La femme africaine a toujours participé aux combats de sa société - SANS DÉTOUR AVEC SYLVIA SERBIN ET MARIÈME DIA
La femme africaine est l’objet du numéro de Sans Détour. Il s’agit notamment toutes ces figures héroïques passées sous silence ou moins valorisées que leurs homologues masculines. À en croire l’invitée de l’émission Sylvia Serbin, les femmes ont longtemps souffert d’une certaine marginalisation à travers les cahiers de l’histoire. Pour l’autrice de "Reines d'Afrique et héroïnes de la diaspora noire", livre qui dresse le portrait de 22 figures féminines héroïques et conquérantes du continent, la femme africaine a beaucoup contribué à l’émancipation de l’Afrique. Il n’est donc pas question qu’elle ne soit guère reconnue au même titre que les hommes. Sylvia Serbin espère que son ouvrage suscitera beaucoup d'autres initiatives de mise en lumière de la femme africaine.
Marième Dia, coordonnatrice du projet "Gno Yam", estime qu’il est important d’éduquer les enfants sur l’approche genre et la relation qu’ils devraient avoir avec les femmes dans la société. « Respecter les femmes, c’est respecter le monde. C’est cela notre combat », a ajouté la directrice de l’école bilingue.
Retrouvez l'intégralité de l'émission coproduite avec l'école d'imagerie Sup'Imax.