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25 avril 2025
Développement
L'ESSOR DU BUSINESS DE L'EXIL EN AFRIQUE
Promesses de visas miracles, escroqueries, passeurs protégés : en Afrique, la migration est devenue une industrie lucrative où s'entremêlent mensonges et appât du gain
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 31/12/2023
Dans un continent dépourvu d'opportunités économiques, des réseaux lucratifs se développent autour de l'émigration, révèle une enquête du magazine ZAM. Entre promesses mensongères, extorsions et complicités étatiques, la migration forcée est devenue une véritable industrie.
"Il peut prier pour votre visa", affirme l'apôtre Goodwin dans l'église évangéliste Zoe Ministries en Ouganda. En échange d'offrandes généreuses, le "prophète" Elvis Mbonye promet de "faire des miracles" pour obtenir des visas, selon l'enquête du journaliste Emmanuel Mutaizibwa publiée par le magazine Afrique XXL. Grace Zawedde, parmi les milliers de fidèles présents, croit fermement pouvoir gagner les États-Unis grâce à ces prières. Pourtant, derrière ces promesses mensongères, c'est une lucrative entreprise qui se cache.
Au Cameroun, deux jeunes femmes racontent à Elizabeth Banyi Tabi avoir été escroquées par un homme se faisant passer pour un médecin américain. Elles lui ont versé 1,5 million de francs CFA chacune en échange d'un visa mensonger. À Douala, le suicide du vice-consul français Christian Hué met au jour un vaste trafic de faux visas impliquant des hommes d'affaires locaux. Une enquête détaillée qui souligne la complicité d'acteurs étatiques, comme au Nigeria, au Kenya et surtout en Ouganda où des fonctionnaires protégeraient les réseaux de passeuses vers le Golfe.
Car derrière les chiffres officiels, c'est une manne financière qui motive cette migration forcée. Entre les milliers de dollars payés chaque jour par les candidats à l'émigration et les milliards provenant des transferts de la diaspora, certains États africains tirent davantage profit de l'exil que de la création d'emplois. Pourtant, comme le souligne une source kényane à Ngina Kirori de ZAM, "il n'y a tout simplement pas de perspectives" sur le continent pour sa jeunesse.
L'AFRIQUE À LA CROISÉE DES CHEMINS EN 2024
En 2024, près d'un tiers des pays africains renouvelleront leur pouvoir politique. Un tournant décisif face aux risques qui menacent le continent. Des élections justes et de nouveaux dirigeants sont nécessaires pour relancer la croissance
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 31/12/2023
L'année 2024 sera décisive pour l'Avenir politique de nombreux pays africains, comme le souligne le newsletter hebdomadaire "Next Africa" du média économique Bloomberg dans son édition spéciale de fin d'année publiée le 29 décembre. En effet, près du tiers des nations du continent devront choisir de nouveaux dirigeants, à commencer par l'Afrique du Sud, l'Algérie mais aussi le Mali, le Tchad et le Burkina Faso récemment secoués par des coups d'État militaires.
Or, des élections crédibles et une meilleure gouvernance sont plus que jamais nécessaires pour ces pays parmi les plus pauvres au monde afin de lutter contre l'insécurité grandissante, relancer l'économie et générer des emplois, estime l'Institut Allemand de Recherche Économique. Car le sous-continent Africain concentre désormais le plus grand nombre d'attaques terroristes selon l'Institut International d'Études Stratégiques.
Le cas du Burkina Faso est emblématique avec deux putschs en 2022 et une recrudescence de la violence djihadiste comme le montrent les données du Centre Africain. Le pays devra donc choisir une voie plus vertueuse à l'image de la Mauritanie voisine qui a engagé un dialogue avec les groupes armés. En tout, 18 pays africains voteront cette année et auront l'opportunité d'élire des dirigeants capables d'enrayer l'insécurité galopante et de sortir le continent de la crise économique et du chômage endémique qui frappe sa jeunesse.
L'ASCENSION EXPRESS DE KHABY LAME
Silencieux mais d'une expressivité déconcertante, Khaby Lame illumine les réseaux de ses sketches muets. Originaire du Sénégal, le jeune homme de 22 ans est aujourd'hui l'influenceur le plus populaire au monde sur TikTok. Et une mine d'or pour les marques
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 31/12/2023
D'origine sénégalaise mais né en Italie, Khaby Lame est devenu en seulement trois ans la personnalité la plus suivie sur TikTok avec plus de 160 millions d'abonnés, rapporte le magazine économique Forbes dans son édition du mois de juillet. Sans jamais prononcer un mot, le jeune humoriste de 22 ans épate les marques qui se l'arrachent désormais pour quelques milliers d'euros afin de bénéficier de sa popularité sur les réseaux sociaux.
Récemment, Khaby Lame a vu son influence franchir un nouveau palier en incarnant son propre personnage dans le célèbre jeu vidéo Fortnite, fréquenté chaque mois par plus de 230 millions de joueurs. "Quand j'ai commencé à faire mes vidéos, on me disait de trouver un vrai travail. Mais j'ai continué parce que c'est ce que j'aime", confie le roi taciturne au magazine américain. En effet, depuis ses débuts en 2019 sur TikTok où il se moque avec dérision des tutos insolites, ses vidéos totalisent aujourd'hui plus de 2,4 milliards de likes.
Grâce à son humour visuel et son expressivité, Khaby Lame s'est imposé comme la nouvelle star des réseaux en devenant "le Charlie Chaplin du numérique", selon Forbes. Il s'est produit cette année dans des sketchs aux côtés de célébrités comme Matt Damon, Robert Downey Jr. et Tom Cruise. Du côté des affaires, l'influenceur aurait généré 16,5 millions de dollars de revenus entre juin 2022 et mai 2023 grâce à des partenariats rémunérés avec des marques prestigieuses. Désormais courtisé, il facturerait 750 000 dollars pour un seul post sponsorisé.
Avec 162 millions d'abonnés, Khaby Lame occupe la première place du classement mondial des influenceurs réalisé annuellement par Forbes. Symbole d'une réussite fulgurante sur internet où la popularité se monnaye aujourd'hui à prix d'or, il espère désormais percer au cinéma avec son court-métrage I Am Khabane présenté récemment en festival. Une ascension sans précédent pour celui qui ne parlait qu'avec les gestes.
LE COMBAT SCIENTIFIQUE DE CHEIKH ANTA DIOP RÉSONNE ENCORE AU LABORATOIRE CARBONE 14
Grâce à la datation au radiocarbone, ce haut lieu scientifique a révolutionné notre vision du passé africain. Et œuvre aujourd'hui pour une meilleure connaissance des défis environnementaux contemporains
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 31/12/2023
À l'occasion du centenaire de la naissance de Cheikh Anta Diop, célébré du 21 au 29 décembre 2023, le laboratoire Carbone 14 qu'il avait fondé en 1966 à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar a ouvert ses portes au public, révèle le site d'information RFI dans une dépêche en date du 29 décembre. Cette occasion a permis de mettre en lumière l'héritage toujours vivant laissé par le célèbre historien et scientifique sénégalais dans le domaine de la datation au radiocarbone.
Créé en 1966, le laboratoire Carbone 14 de Cheikh Anta Diop fut le premier du genre en Afrique. Par sa technique de datation au carbone 14, consistant à "analyser des objets comme des coquillages, du bois ou des ossements afin de connaître leur âge", il a permis de révolutionner l'histoire du continent en confirmant que "l'Afrique est le berceau de l'humanité", comme le rappelle le directeur par intérim Nouhou Diaby. Grâce aux travaux pionniers menés dans ce laboratoire, "on a pu mettre en évidence" que les "premiers hommes et les premières civilisations étaient nés en Afrique", réhabilitant ainsi l'histoire longtemps bafouée du continent.
Aujourd'hui, l'héritage de Cheikh Anta Diop perdure au laboratoire, qui poursuit ses activités de datation tout en élargissant ses recherches aux questions environnementales, à l'instar de la quantification de la pollution à Dakar. Selon l'ingénieur Alpha Omar Diallo, "être une force de proposition sur plusieurs thématiques comme la pollution atmosphérique, la pollution des eaux, la pureté de certains produits" permet d'"éclairer la lanterne des décideurs". Malgré une mise en sommeil dans les années 80, le laboratoire a repris du service au début des années 2000, prouvant la pérennité de l'œuvre scientifique débutée par le célèbre historien sénégalais il y a un demi-siècle.
VERS DES LÉGISLATIVES ANTICIPÉES APRÈS LA PRÉSIDENTIELLE
Avec une majorité fragile à l'Assemblée, aucun camp ne se satisfera probablement du statu quo après la présidentielle. L'opposition morcelée aura du mal à capitaliser sur sa percée de 2022. Le camp présidentiel ne peut plus compter sur sa courte avance
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 31/12/2023
Au Sénégal, la tenue d'élections législatives anticipées dans la foulée de la présidentielle de février 2024 semble être un scénario très probable, selon des observateurs politiques. Comme le souligne le site d'information Jeune Afrique dans son édition du 30 décembre 2023, "il est probable que nul ne s’aventurera, au lendemain du scrutin [présidentiel] dont le premier tour se déroulera le 25 février, à entamer un mandat de cinq ans en l’état actuel du rapport des forces à l’Assemblée nationale".
En effet, malgré sa victoire aux législatives de 2022, l'opposition reste minoritaire au parlement, ne disposant que d'une voix d'avance sur la majorité présidentielle. Cette situation précaire est encore fragilisée par l'implosion de la principale coalition de l'opposition, Yewwi Askan Wi, minée par les tensions entre le parti de Khalifa Sall et le Pastef d'Ousmane Sonko. De son côté, la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar "n’a guère plus de raisons de se satisfaire de sa majorité précaire", une seule défection pouvant rebattre les cartes.
Selon Jeune Afrique, "il est donc probable que la législature en cours, censée courir jusqu’en juillet 2027, sera abrégée dès juillet prochain par celui qui succédera à Macky Sall" à la présidence. Le verdict des urnes en février prochain devrait donc dicter l'organisation rapide de nouvelles élections législatives afin de clarifier le rapport de force entre pouvoir et opposition.
En attendant, le 20 janvier prochain, le Conseil constitutionnel rendra publique la liste des candidats à l'élection présidentielle ayant rempli les conditions requises. Un filtrage qui pourrait à nouveau rebattre les cartes, à l'instar de 2019 où seuls 5 candidats sur 30 avaient été validés. Le sort judiciaire d'Ousmane Sonko, figure de proue de l'opposition incarcérée depuis juillet, sera également déterminant pour la suite du scénario électoral sénégalais.
LE PAPE FACE À LA FRONDE AFRICAINE SUR LA BÉNÉDICTION DES HOMOSEXUELS
Alors que l'homosexualité demeure un sujet tabou dans la plupart des pays africains, les prélats du continent expriment leur distance face à l'évolution doctrinale voulue par le pape François
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 30/12/2023
De nombreux prélats africains ont manifesté leur opposition à la récente décision du pape François d'autoriser sous certaines conditions la bénédiction des unions entre personnes de même sexe, révèle un article du Monde en date du 28 décembre 2023.
Selon le quotidien français, "si les avocats de la cause LGBTQ+ qui attendaient cette mesure depuis longtemps se sont réjouis, notamment en Belgique et en Allemagne, où l’épiscopat demandait une telle avancée, les représentants de l’Eglise catholique en Afrique ont fait montre d’une défiance quasi généralisée".
Le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa et président du symposium des conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar, a ainsi écrit le 20 décembre dernier pour exprimer "beaucoup de perplexité" face à la "déclaration [papale] qui se prête à de nombreuses interprétations et manipulations", selon Le Monde. Il demande une consultation des Eglises africaines afin de rédiger "une seule déclaration synodale, valable pour toute l’Eglise d’Afrique".
D'autres pays du continent comme le Malawi, le Cameroun ou le Togo ont également manifesté leur refus de mettre en application la réforme du pape. Le Togo "préconise ainsi aux prêtres de « s’abstenir » de bénir les couples de même sexe", précise l'article.
Plusieurs raisons expliquent cette hostilité africaine, encore selon la même source. L'homosexualité est interdite dans 32 pays africains et "la question des droits des homosexuels (...) y est bien trop épineuse". Par ailleurs, "les questions morales font partie des lignes de clivage entre l’Afrique et l’Occident".
Reste à voir l'issue des consultations voulues par les Eglises d'Afrique. Mais cette réaction sans précédent montre selon les experts une rupture avec Rome, même si nul ne parle pour l'heure de schisme.
L'INVESTITURE DE SONKO DANS L'IMPASSE
Alors qu'une solution de repli avait été trouvée après son interdiction jeudi par le préfet de Dakar, les forces de l'ordre ont de nouveau empêché la tenue de l'événement ce samedi selon le Pastef
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 30/12/2023
La cérémonie d'investiture d'Ousmane Sonko en tant que candidat de Pastef pour l'élection présidentielle de 2024 a encore été perturbée. Alors que le meeting initialement prévu ce samedi 30 décembre 2023 au terrain ACAPES avait été interdit par le préfet de Dakar 24h avant, une alternative avait été trouvée dans une salle privée de la VDN (ville de Dakar).
Mais selon El Malick Ndiaye, secrétaire national à la communication de Pastef, "à notre grande surprise, les forces de l'ordre ont investi les lieux pour évacuer la salle sans aucun motif". Dans un tweet, il a dénoncé cette nouvelle entrave à la tenue normale de l'événement prévu pour officialiser la candidature du leader de l'opposition.
"Le peuple sénégalais est témoin ! La communauté internationale est témoin ! Le conseil constitutionnel est témoin !", a-t-il lancé, pointant du doigt les autorités qu'il accuse d'empêcher la cérémonie par des moyens détournés. Malgré ces obstacles, El Malick Ndiaye a tenu à réaffirmer la détermination de leur candidat: "Ousmane Sonko est candidat et sera président en 2024!".
Reste à savoir sous quel format et quand pourra finalement se tenir cette investiture, dont le report met Ousmane Sonko et son parti dans l'embarras, alors que la campagne électorale bat déjà son plein. Les prochains jours devraient donner des éclaircissements sur la capacité de Pastef à organiser cet événement stratégique pour la suite de son engagement dans la course à la présidence.
CHEIKH TIDIANE DIEYE PASSE L'ÉTAPE DU PARRAINAGE
Après le dépôt des parrainages, le Conseil constitutionnel aurait entériné sa candidature malgré quelques "rares doublons"
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 30/12/2023
Bonne nouvelle pour Cheikh Tidiane Dieye et ses partisans. La candidature du membre de Yewwi a été validée par le Conseil constitutionnel ce samedi 30 décembre 2023.
C'est en tous les cas ce qu'a déclaré son mandataire à la presse. "Depuis 14h30, nous sommes dans l'enceinte du Conseil constitutionnel, nous sommes venus dans les opérations de contrôle des parrainages comme édictées par la loi. Nous en sommes ressortis avec un résultat positif de plus de 50 000 parrains", a-t-il indiqué.
Avec cette validation, Cheikh Tidiane Dieye remplit donc les conditions nécessaires fixées par le code électoral, à savoir recueillir au moins 50 000 parrainages d'électeurs inscrits sur les listes électorales, répartis sur au moins 7 régions différentes du pays.
Le mandataire s'est néanmoins dit conscient qu'il pouvait y avoir "quelques doublons en interne". Mais il a ajouté: "Naturellement il y a quelques doublons en interne dont je vais pas trop m’apaisanter". Il fait ainsi confiance au Conseil constitutionnel pour examiner "le fond du dossier" et valider officiellement la candidature de Cheikh Tidiane Dieye.
Celui-ci pourra donc, sauf décision contraire du juge constitutionnel, participer sereinement à la campagne électorale en vue du scrutin de février.
LES PARRAINAGES DE CHEIKH TIDIANE GADIO RECALÉS EN RAISON DE DOUBLONS
La validation des parrainages s'avère plus ardue que prévu cette année pour le candidat. L'ancien ministre compte profiter du délai accordé pour corriger les irrégularités et espère voir sa candidature entérinée
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 30/12/2023
Le dossier de parrainage de Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal, a été recalé par la Commission de contrôle des parrainages, en charge de valider les candidatures pour l'élection présidentielle du 24 février 2019.
Selon Aminata Diagne Ndiaye, mandataire du candidat Cheikh Tidiane Gadio, "le parrainage n'est pas du tout aisé cette fois-ci parce que vu le nombre de candidats et par rapport au fichier électoral, on s'attendait à ce qu'il y ait des doublons et c'est le cas".
En effet, avec plus de 70 candidatures déclarées pour le scrutin, le nombre important de postulants a rendu la tâche plus ardue pour recueillir les 50 000 parrainages nécessaires, soit 1% du fichier électoral, dans au moins 7 régions différentes. Certains électeurs ont pu parrainer plusieurs candidats, entrainant des doublons dans les listes de parrainages déposées.
C'est la raison pour laquelle le dossier de Cheikh Tidiane Gadio a été initialement recalé par la commission de contrôle. Heureusement, selon sa mandataire, "nous avions eu une bonne réserve et un délai de 48 heures pour combler ce gap".
Aminata Diagne Ndiaye s'est dite confiante qu'après régularisation des doublons, "cette fois-ci sera la bonne" et que Cheikh Tidiane Gadio pourra voir sa candidature validée.
Reste à savoir si l'ancien chef de la diplomatie sénégalaise parviendra effectivement à franchir cette étape clé de la validation des parrainages dans le délai imparti. Celle-ci conditionne sa participation future au scrutin de février prochain.
par Abdoulaye Dieye
SUR LE CHEMIN DE LA PRÉSIDENTIELLE 2024, QUE D’INCERTITUDES ET DE POLÉMIQUES
EXCLUSIF SENEPLUS - En refusant de respecter une injonction de la CENA, la DGE a délégitimé l'Autorité. Si cette dernière usait de ses pouvoirs de dessaisissement ou substitution, les conséquences seraient majeures pour l'organisation du scrutin
Depuis que le président de la République est élu au Sénégal au suffrage universel, onze élections présidentielles y ont été organisées : en 1963, 1968, 1973, 1978, 1983, 1988, 1993, 2000, 2007, 2012 et en 2019. La première alternance au Pouvoir a eu lieu en 20OO et la seconde, en 2012. Beaucoup d’élections présidentielles[1] ont été suivies de contestations plus ou moins violentes au motif qu’elles n’ont pas été transparentes, qu’elles ont été émaillées de fraudes…
A chaque élection présidentielle, sa particularité.
Celle de 2012 (pour ne pas remonter plus loin) a été marquée, entre autres questions, par celle de la recevabilité de la candidature du président d’alors en exercice, le Président Abdoulaye Wade. Il est allé jusqu’à organiser un séminaire international animé par « des professeurs émérites, des doyens et professeurs venant des quatre coins du monde, pour simplement convaincre les sénégalais et la communauté internationale de la recevabilité de la candidature du Président Wade pour un troisième mandat. L’effet escompté n’a pas été atteint et la suite est connue.
Celle de 2019 a la particularité de s’être déroulée sans les opposants au pouvoir les plus en vue[2].
Tout porte à croire que l’élection de 2024 sera aussi marquée par la mise à l’écart de la principale figure de l’opposition, Ousmane Sonko. Élection présidentielle n’a jamais été marquée par autant d’incertitudes. Processus électoral a rarement été marqué par autant de polémiques.
I- Que d’incertitudes sur le chemin de 2024
Par décret n° 2023-339 du 16 février 2023, le président de la République a fixé la tenue de l’élection présidentielle à la date du 25 février 2024. La période de révision exceptionnelle des listes électorales a été fixée par le décret 2023-464 du 7 mars 2023. Pourtant, la rumeur à propos d’un report de la présidentielle est encore là.
1/ L’incertitude liée aux rumeurs actuelles d’un report de la présidentielle
Le Sénégal vit de rumeurs concernant la volonté du pouvoir en place de créer les conditions d’un report de la présidentielle de 2024.
Reporter la présidentielle suppose soit la prolongation du mandat du président de la République, soit sa démission à l’expiration de ce mandat prévue en avril 2024. S’agissant de la deuxième hypothèse (très improbable à notre sens), elle entraine la mise en œuvre de l’article 31 al 2 aux termes duquel, si la présidence est vacante par démission, empêchement définitif ou décès, le scrutin aura lieu dans les soixante (60) jours au moins et quatre-vingt-dix (90) jours au plus après la constatation de la vacance par le Conseil constitutionnel. En attendant la tenue du scrutin, le président de l’Assemblée nationale assure la suppléance.
En ce qui concerne la première hypothèse, il y a lieu de constater son « impossibilité » si l’on prend en compte la position du juge constitutionnel sénégalais. Notons d’abord que le droit constitutionnel, c’est la lettre et l’esprit de la Constitution mais aussi ce qu’en pense le juge constitutionnel. Ceux qui parlent de « prolongation du mandat du président de la République » ne tiennent apparemment pas compte de la teneur du Considérant 32 de la «décision» n°1/C/2016 dans lequel le juge constitutionnel dit clairement que Ni la sécurité juridique, ni la stabilité des institutions ne seraient garanties si, à la faveur du jeu politique ou au gré des circonstances notamment, la durée des mandats politiques en cours, régulièrement fixée au moment où ceux-ci ont été conférés pouvait, quel que soit au demeurant l’objectif recherché, être réduite ou prolongée. C’est cet argument que le juge constitutionnel avait brandi pour rejeter toute possibilité, pour le président Macky Sall, de réduire son mandat conformément à son engagement.
Puisque le Conseil constitutionnel, même s’il n’est saisi que d’une demande d’avis, statue par des décisions motivées (loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016) et que ses décisions s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (Article 92 al 3 de la Constitution de 2001), nous devons considérer que le Droit a été dit.
2/ L’incertitude liée aux rumeurs (définitivement dépassées ?) relatives au troisième mandat
Le flou entretenu par le président de la République sur sa volonté de briguer un autre mandat a été préjudiciable à la paix sociale. Cela résulte d’une part d’une écriture prêtant à interprétations, d’autre part, de l’attitude du chef de l’État qui s’est séparé de tous ceux qui ont soutenu qu’il n’a pas droit à un troisième mandat et a promu tous ceux qui ont dit le contraire. En vérité, plus qu’une simple promesse électorale, se limiter à ses deux mandats était un engagement pris et constamment réitéré par le président de la République aussi bien devant l’opinion publique nationale qu’internationale[3].
Nous avons la conviction que tout cela aurait pu être évité si le juge constitutionnel sénégalais avait eu une attitude autre que celle qu’il a adoptée. En effet, il convient de rappeler que c’est par lettre n° 0077 du 14 janvier 2016, que le Président de la République avait saisi le Conseil constitutionnel, aux fins d’examiner la conformité du projet de révision de la Constitution « à l’esprit général de la Constitution du 22 janvier 2001 et aux principes généraux du droit ».
Après avoir considéré que la demande du président de la République a été formulée en des termes généraux, le Conseil a donné sa propre compréhension de cette demande en considérant qu’il doit se prononcer sur « le respect des principes et des valeurs sur lesquels repose la Constitution ». C’est sur la base de ces valeurs et principes que le Conseil a écarté la possibilité pour le demandeur de réduire son mandat.
Je suis d’avis que pour avoir supprimé la disposition transitoire (c’est bien le Conseil qui l’a supprimée) qui était prévue à l’article 27 dans la rédaction initiale aux termes de laquelle cette disposition s’applique au mandat en cours, le Conseil est en partie responsable de ce qui nous est arrivé à savoir ces discussions et controverses à propos de la possibilité pour le Président de la République de briguer un troisième mandat. Il est vrai que le juge a justifié sa décision par le fait que la disposition n’était conforme ni à l’esprit de la Constitution, ni à la pratique constitutionnelle mais il aurait dû poursuivre son œuvre pédagogique en nous proposant une solution (une rédaction qui nous aurait épargné ce que nous avons vécu jusqu’à l’annonce de sa non candidature). Il pouvait par exemple suggérer au gouvernement de prévoir une disposition transitoire pouvant être rédigée de diverses manières[4]. N’est-ce pas que le Conseil a dit dans son avis qu’il y lieu de rédiger autrement l’article 103 du projet de Constitution (Il a même proposé la rédaction suivante : les dispositions de l’alinéa qui précède ne peuvent faire l’objet de révision sauf pour en étendre le champ d’application). En plus, le juge est allé très loin dans la correction du projet du gouvernement aussi bien dans la forme que dans le fond (Voir les articles 2, 3,4,5…). Le Conseil aurait dû adopter cette attitude pédagogique à propos de la disposition transitoire.
La déclaration du 3 juillet 2023 du président Macky Sall par laquelle il précisa qu’il ne briguerait pas un autre mandat a mis fin au débat et a fait revenir une certaine sérénité dans le pays.
3/ L’incertitude quant aux participants à l’élection présidentielle
Le chemin qui mène à la présidence de la République est parsemé d’obstacles au Sénégal. Selon l’article 28 de la Constitution, peut être candidat à la présidence de la République toute personne qui :
est exclusivement de nationalité sénégalaise ;
jouit de ses droits civils et politiques ;
est âgé de trente-cinq (35) ans au moins et de soixante-quinze (75) ans au plus le jour du scrutin
sait écrire, lire et parler couramment la langue officielle.
Pour être recevable, toute candidature doit être accompagnée :
- soit de la signature d’électeurs représentant, au minimum, 0.6% (44.231 électeurs) et au maximum, 0.8% (58.975 électeurs) du fichier électoral général dans au moins 7 régions à raison de deux mille (2 000) au moins par région ;
- soit de la signature d’élus représentant 8% des membres de l’Assemblée nationale, ce qui correspond à treize (13) députés.
- soit de la signature de cent vingt (120) chefs d’exécutifs territoriaux.
NB : Si le nombre d'électeurs représentatif du minimum, soit 44.231 parrains, n'est pas atteint, il n'est pas procédé au traitement automatisé du fichier. Si le nombre d'électeurs représentatif du maximum, soit 58.975 parrains, est dépassé, il n'est pas tenu compte du surplus qui est nul et non avenu
L’article L.29 du code électoral renseigne que ne doivent pas être inscrits sur la liste électorale :
1- les individus condamnés pour crime ;
2- ceux condamnés à une peine d'emprisonnement sans sursis ou à une peine d'emprisonnement avec sursis d'une durée supérieure à un mois, assortie ou non d'une amende, pour l'un des délits suivants : vol, escroquerie, abus de confiance, trafic de stupéfiants, détournement et soustraction commis par les agents publics, corruption et trafic d'influence, contrefaçon et en général pour l'un des délits passibles d'une peine supérieure à cinq (05) ans d'emprisonnement ;
3- ceux condamnés à plus de trois (03) mois d'emprisonnement sans sursis ou à une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à six (06) mois avec sursis, pour un délit autre que ceux énumérés au deuxièmement ci-dessus sous réserve des dispositions de l'article L.28 ;
4- ceux qui sont en état de contumace ;
5- les faillis non réhabilités dont la faillite a été déclarée soit par les tribunaux sénégalais, soit par un jugement rendu à l'étranger et exécutoire au Sénégal ;
6- ceux contre qui l'interdiction du droit de voter a été prononcée par une juridiction pénale de droit commun ;
7- les incapables majeurs…
L’approche d’une élection présidentielle au Sénégal n’a jamais été aussi marquée d’incertitudes concernant les acteurs qui vont y participer. En dehors du filtre que constitue le parrainage, la « situation judiciaire » des opposants Ousmane Sonko, Khalifa Sall et Karim Wade constitue le facteur qui suscite beaucoup d’interrogations.
Le cas Ousmane Sonko, l’opposant le plus en vue du régime
Depuis sa troisième place à l’élection présidentielle de 2019 et ses résultats plus qu’honorables aux élections locales de janvier 2022 et législatives de juillet 2022, l’opposant Ousmane Sonko a eu beaucoup de démêlés avec la Justice. Auparavant, il a été radié de la fonction publique pour manquement au devoir de réserve. Il était Inspecteur principal à la Direction générale des Impôts et Domaines (DGID).
À deux mois de l'élection présidentielle, l'incertitude plane toujours quant à sa participation à la présidentielle.
Il est difficile de ne pas analyser la situation judiciaire de Ousmane Sonko comme un complot « politico-judiciaire » visant à l’écarter de la présidentielle de février 2024 compte tenu du degré d’implication de l’Etat dans le processus judiciaire et de l’enchainement des évènements suivants ayant comme dénominateur commun, la remise en cause de son éligibilité.
Une éligibilité en question suite à l’affaire « Sweet beauty »
Accusé de viols et autres infractions, il refuse de comparaître le jour de son procès, le 23 mai, dénonçant un complot politique et se réfugie à Ziguinchor. Il est ramené de force à son domicile dakarois par le GIGN et placé sous haute surveillance policière. Il a été reconnu coupable « de corruption de la jeunesse » en première instance, le 1er juin 2023, et condamné par contumace à deux ans de prison ferme.
La première conséquence du jugement par contumace d’un individu est que la personne jugée ne peut pas faire appel. Il s’y ajoute que, même si le contumax a un avocat, ce dernier ne peut le défendre parce que son client est absent. Ces principes ont été strictement appliqués lors du procès du 1er juin.
Si, après la condamnation le contumax vient à être arrêté, le jugement est non avenu. C’est le code de procédure pénale en son article 356 qui prévoit que si les accusés jugés par contumace se constituent ou s'ils viennent à être arrêtés avant les délais de prescription, l'arrêt de condamnation est anéanti de plein droit et il est procédé à nouveau dans les formes ordinaires à moins que le contumax déclare expressément, dans un délai de dix jours, acquiescer à la condamnation.
Arrêté le 28 juillet 2023 sous le prétexte d'un vol de téléphone portable, il est poursuivi pour appel à l’insurrection, association de malfaiteurs, atteinte à la sûreté de l’État, complot contre l’autorité de l’État, actes et manœuvres à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves, diffusion de fausses nouvelles, mise en danger de la vie d'autrui, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et placé sous mandat de dépôt.
Tout porte à croire alors que le jugement de la Chambre criminelle qui l'a condamné se trouve anéanti de plein droit en application de l’article 356 du code de procédure pénale sus visé d’autant plus qu’il a vite rédigé une lettre adressée à l'Administrateur du Greffe du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar (TGIHCD) reçue le 03 août 2023, lui signifiant sa décision de ne point acquiescer au jugement.
Le Garde des sceaux, ministre de la Justice, ignorant le principe selon lequel il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas, conteste l’anéantissement du jugement de la Chambre criminelle au motif que le contumax n'a pas été arrêté dans le cadre de l'exécution du jugement du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar. Il cherchait à établir le caractère définitif de la condamnation de Sonko justifiant sa radiation des listes électorales annoncée le 03 août 2023 par le sous-préfet des Almadies. Entre temps, par décret n°2023-1407 du 31 juillet 2023 le parti Pastef a été dissout pour manquement à ses obligations en vertu de l’article 4 de la Constitution et de l’article 4 de la loi n° 81- 17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques, modifiée par la loi n° 89-36 du 12 octobre 1989.
La question a été tranchée par le TIHC de Dakar après que la décision de radiation a été contestée au tribunal de Ziguinchor conformément à l’article L43 al 2 du code électoral[5] et que la Cour suprême a cassé et renvoyé l’affaire devant le juge de Dakar. Le TIHC considère… qu'il est dit à l'article 307 que le jugement de contumace est anéanti de plein droit lorsque le condamné est arrêté ou s'il se constitue prisonnier avant la prescription de la peine ; qu'il n'est pas discuté que le sieur Sonko est arrêté et détenu ; que même à supposer comme le prétend l'Etat du Sénégal, qu'il s'agit d'une arrestation pour autre cause, dès lors que le contumax fait connaitre de façon expresse lors de son arrestation son état de contumax et déclare qu'il n'acquiesce pas au jugement, l'article 307 du CPP doit trouver application ; …que l'applicabilité des dispositions de l'article 307 CPP est d'autant plus incontestable qu'il est loisible au contumax, tant que la peine n'est pas prescrite, de se constituer prisonnier pour anéantir le jugement sauf à déclarer son acquiescement dans les dix jours ; qu'en le détenant, l'Etat le prive de cette faculté et ne peut, par conséquent, prétendre maintenir les effets de cette condamnation. C’est sur cette base que Le TIHC de Dakar a ordonné, le jeudi 14 décembre, la réintégration sur les listes électorales de Ousmane Sonko. Il a confirmé le jugement rendu en octobre par le juge de Ziguinchor. Cette décision a relancé sa candidature à la présidentielle de février 2024. Il avait alors jusqu'au 26 décembre pour déposer sa candidature et recueillir ses parrainages mais l’administration électoral a persisté dans son refus de lui remettre ses fiches de parrainage.
Nous ne comprenons pas pourquoi les services du ministère de l’Intérieur ont persisté dans le refus d’exécuter la décision de justice.
Nous ne comprenons pas quel est le fondement juridique du refus de la Caisse des dépôts et consignations -CDC- de recevoir le cautionnement de O. Sonko.
Nous ne comprenons pas l’attitude attentiste de la CENA à qui le législateur sénégalais a reconnu le pouvoir d’intervenir à tous les niveaux du processus électoral depuis l’inscription sur les listes électorales jusqu’à la proclamation provisoire des résultats. Elle est chargée de faire respecter la loi électorale de manière à assurer la régularité, la transparence, la sincérité des scrutins en garantissant aux électeurs, ainsi qu’aux candidats en présence, le libre exercice de leurs droits.
Une éligibilité en question suite à l’affaire « Mame Mbaye Nang »
Dans une autre affaire de diffamation, l’ayant opposé au Ministre du Tourisme M. Mame Mbaye Niang, Ousmane Sonko est condamné en première instance à deux mois de prison avec sursis et 200 millions de francs CFA de dommages et intérêts. Alors que la partie requérante semblait satisfaite du jugement, c’est le Procureur de la République qui a fait appel confirmant les accusations d’une implication de l’Etat dans une affaire privée et son « intérêt » à obtenir une condamnation remettant en cause l’éligibilité de Sonko.
La Cour d'appel qui a statué en deuxième ressort, le 30 mars, a alourdi la peine en infligeant au maire de Ziguinchor, une condamnation de six (6) mois assortis du sursis pour "diffamation et injures" tout en maintenant la sanction pécuniaire.
L’objectif de priver O. Sonko de son éligibilité n’est pourtant pas atteint si l’on procède à une lecture très stricte de l’article L 29 du Code électoral.
O. Sonko n’a été condamné ni pour crime, ni pour vol, escroquerie, abus de confiance, trafic de stupéfiants, détournement, corruption et trafic d'influence, contrefaçon, ni pour l'un des délits passibles d'une peine supérieure à cinq (05) ans d'emprisonnement. Il n’est pas en état de contumace. Une interdiction du droit de voter n’a pas été prononcée contre lui. Il est frappé d’une condamnation de six (6) mois assortis du sursis. Or, l’article L29,3 vise ceux qui sont condamnés à une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à six (06) mois avec sursis, pour un délit autre que ceux que nous venons d’énumérer.
Il faudra attendre de savoir ce que le pourvoi en cassation introduit devant la Cour suprême donnera, pour en avoir le cœur net.
Les cas Khalifa Sall et Karim Wade
Lancés officiellement le 31 mai courant, les travaux du dialogue national initié par le chef de l’Etat ont été clôturés le 22 juin. Ils ont été présentés par une bonne partie de l’opinion comme devant rendre possible les candidatures de Khalifa Sall et Karim Wade. Le nouvel article L.28, modifié par la loi n° 2023-16 du 18 août 2023 dispose que Nul ne peut refuser !'inscription sur les listes électorales : aux personnes qui, frappées d'incapacité électorale à la suite d'une condamnation, bénéficient de la réhabilitation ou font l'objet d'une mesure d'amnistie ou de grâce.
Pour les personnes bénéficiant d'une mesure de grâce, !'inscription sur les listes électorales ne pourra intervenir qu'après l'expiration du délai correspondant à la durée de la peine prononcée par la juridiction de jugement, s'il s'agit d'une peine d'emprisonnement, ou d'une durée de trois (03) ans à compter de la date de la grâce, s'il s'agit d'une condamnation à une peine d'amende.
Des interrogations demeurent malgré tout quant à la participation des « graciés) à l’élection de 2024. La grâce, contrairement à l’amnistie, n’efface que la peine mais laisse intacte l’infraction commise et la condamnation prononcée. Quelle sera la position du juge devant la déclaration sur l’honneur par laquelle un candidat, condamné à une peine d’amende, atteste être en règle avec la législation fiscale du Sénégal ? Que contient le volet n°3 du casier judiciaire des deux candidats ?
Karim Wade est-il de nationalité exclusivement sénégalaise ?
II- que de polémiques
a/ Polémique à propos de la portée de l’article 2 du décret n° 70-1216 du 7 novembre 1970
Autrement posée, la polémique a porté sur l’aptitude de l’Agent Judiciaire de l’Etat à intervenir en matière électorale ou autre en qualité de représentant de l’Etat.
Pour les avocats du candidat O. Sonko, l'Agent Judiciaire n'est pas recevable à intervenir dans la cause concernant la radiation de leur client puisqu'il ne dispose d'aucune attribution en matière électorale.
Comme réponse, la partie Etat a invoqué l'article 2 du décret n°70-1216 du 7 novembre 1970 portant création de l'Agence judiciaire de l'Etat et fixant ses attributions aux termes duquel : l'Agence judiciaire de l'Etat est chargé du règlement de toutes les affaires contentieuses où l'Etat est partie et de la représentation de l'Etat dans les instances judicaires. Toute action portée devant les tribunaux et tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour les causes étrangères à l'impôt ou au domaine doit, sauf exception prévue par un texte spécial être intentée, à peine de nullité, par ou contre l'Agent judiciaire de l'Etat. Pour les avocats de l’Etat, la Direction Générale des Elections, la Direction de l'Automatisation du Fichier et le Ministère de l'Intérieur n'étant pas dotés de la personnalité juridique, l'intervention de l'Agent judiciaire est juridiquement fondée.
A travers l’arrêt n° 72 du 17 novembre 2023, la Cour suprême, statuant sur le pourvoi en cassation formé contre la décision du Président du Tribunal d'instance de Ziguinchor, a considéré que sans avoir à justifier d'un mandat, l'Agence judiciaire a un pouvoir de représentation générale de l'État, sauf lorsqu'un texte confère cette prérogative à d'autres services et celle-ci est admise toutes les fois où une entité ou autorité administrative dépourvue de la personnalité juridique et, par conséquent, de la capacité d'ester en justice, est en cause.
Cela ne semble pas être l’avis de l’ancien ministre, Mamadou Abdoulaye Sow, Inspecteur du Trésor à la retraite pour qui, si, comme l’admet la Cour suprême, l’AJE a un pouvoir de représentation générale de l’État qui lui est donné par un texte de 1970, comment comprendre alors que l’article 54 du décret n° 95-040 portant organisation du ministère de l’Économie, des Finances et du Plan ait prévu que (l’AJE) peut …recevoir mandat spécial de toute administration ou de toute personne publique ou organisme parapublic… pour les représenter en justice ou dans un contentieux extrajudiciaire .
Le TIHC de Dakar intervenant sur la question, considère que le requérant, en saisissant le juge chargé du contentieux de l'inscription sur les listes électorales aux fins d'obtenir l'annulation de la mesure de radiation a, lui-même, installé l'Etat dans la cause puisque l’acteur dont les actes sont contestés, c’est le Directeur de l'Automatisation des Fichiers, une autorité administrative déconcentrée, agissant en cette qualité et, par conséquent au nom de l'Etat du Sénégal. Le juge considère que la représentation de l'Etat dans le contentieux de l'inscription sur les listes électorales n'étant pas conférée à aucune autre entité, il va sans dire que cette prérogative revient à l'Agent judicaire.
b/ Polémique à propos du caractère suspensif ou non du recours en cassation après une décision du tribunal d’instance
La Direction Général des Elections a refusé d’appliquer la décision de réintégration du candidat Sonko conformément à l’ordonnance n°01/2023 en date du 12 octobre 2023 du Président du Tribunal d’Instance de Ziguinchor qui a annulé la mesure de radiation de ce dernier des listes électorales et ordonné sa réintégration par les services centraux du ministère de l’intérieur sur la liste électorale de la commune de Ziguinchor ainsi que sur le fichier général des électeurs au motif qu’il pendait un pourvoi en cassation au niveau de la Cour suprême. Nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une violation manifeste du code électoral qui énonce très clairement que la décision du président du Tribunal est rendue en dernier ressort, autrement dit, elle ne peut faire l’objet d’appel. La seule possibilité offerte à la partie non satisfaite, c’est un recours en cassation devant la Cour Suprême, conformément aux dispositions de la loi organique sur ladite Cour. Or, celle-ci ne prévoit que certaines hypothèses de suspension d’une procédure par un recours[6].
Il y a quand même eu des Sénégalais qui ont soutenu le caractère suspensif du pourvoi en cassation introduit devant la Cour suprême en arguant du fait qu’il importe de tenir compte de l’hypothèse de la cassation par le juge suprême de la décision d’instance. Le cas échéant, il risque d’y avoir réintégration suivie d’une nouvelle radiation si la Cour suprême casse et tranche la question autrement ou si elle renvoie devant une autre juridiction d’instance qui ne confirme pas le premier jugement.
Au-delà de la polémique, l’attitude de la DGE, a fait naître des suspicions légitimes quant à la neutralité et l’aptitude de l’administration électorale pour garantir la transparence et la sincérité du scrutin à venir ainsi que l’égalité des candidats. Or, le système électoral doit promouvoir des conditions d’exercice garantissant la transparence et la sincérité du scrutin ainsi que l’égalité des candidats.
La confiance des acteurs à une élection comporte un enjeu fondamental et même vital : le maintien de la croyance en la vertu de la légitimité démocratique. Cela n’est pas à négliger.
1. Éviter la pléthore de candidats à la candidature passe par un meilleur encadrement de l’opération « retrait de fiches de parrainage ». On pourrait instituer un cautionnement remboursable au candidat dont le dossier a été jugé recevable par le juge constitutionnel. Autant de candidats à la candidature (plus de 260 finalement) contribue à décrédibiliser la station présidentielle.
2. L’épisode du refus de la DGE de respecter une injonction de la CENA, doit faire réfléchir. Elle a enlevé toute crédibilité à cette Autorité. Quelle serait les conséquences d’une décision de la CENA de mettre en exécution les pouvoirs que lui confère la loi, à savoir les pouvoirs de dessaisissement ou de substitution d’action ?
Il est opportun d’étudier les possibilités de rattacher la DGE à la CENA et d’en faire son bras technique.
[1] Ce fut le cas des élections de 1963, 1968, 1978, 1988 et 1993
[2] A Karim Wade et Khalifa Sall, on a créé une situation judiciaire empêchant toute possibilité de participation. Accusé d’avoir profité de ses fonctions pour détourner 1,8 milliard de francs CFA de la régie d’avance de la mairie de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, a été condamné à 5 ans de prison ferme au terme d’un procès qui aura duré près de deux mois et demi.
En ce qui concerne Karim Wade, même si son arrestation était pratiquement une demande sociale, les sénégalais ont été surpris de constater que sur une liste de 25 personnes de l’ancien régime citées comme devant être poursuivies, seul ce dernier a finalement été poursuivi et condamné en 2015, ce qui l’éloigna de l’élection présidentielle de 2019.
A l'ouverture du Groupe consultatif 2014 pour le Sénégal, réunissant le pays, ses bailleurs et partenaires techniques et financiers (PTF), le Président SALL a déclaré ce qui suit : ' …La réforme ramènera à cinq ans, renouvelables une seule fois, le mandat de sept ans pour lequel j'ai été élu. Elle sera d'application immédiate. En visite de travail à Paris, il soutint, à l’issue d’un déjeuner avec son homologue français qu’il fera bel et bien un mandat de 5 ans au lieu de 7. (…il y a déjà une commission que j’ai confiée au président Amadou Makhtar Mbow qui est en train de travailler sur la question. Cette commission me soumettra des propositions, parmi lesquelles la première mesure sera la réduction du mandat en cours de 7 à 5 ans. Que ce soit par référendum ou par un vote à l’Assemblée, je réduirai mon mandat à 5 ans ».
Les différentes déclarations du président de la République exprimées à propos du mandat et qui circulent à travers des vidéos ont été émises entre 2016 et 2018. Cela rend inopérant l’argument selon lequel ceux qui ont voté « oui » au referendum de 2016 ont balisé la voie du « second quinquennat ». Qui n’a pas entendu le Président de la République dire que s’il est élu en 2019, il accomplit son deuxième et dernier mandat et qu’en 2024 « parénassi ».
Voir ci-dessous un extrait de l’avant-projet de Constitution proposé :
Article 151
Le président de la République en fonction termine son mandat au cinquième anniversaire de la date de son élection. Seules ne lui sont pas applicables au cours du présent mandat, les dispositions prévues à l’article 63 al 2.
Le mandat en cours du Président de la République lors de l'adoption de la présente Constitution est compris dans le décompte du nombre de mandats autorisé.
[5] Aux termes de l’article L 43 al 2 du Code électoral, tout citoyen omis sur la liste électorale ou victime d’une erreur purement matérielle portant sur l’un de ses éléments d’identification et détenant son récépissé peut exercer un recours devant le Président du Tribunal d’Instance dans les vingt (20) jours qui suivent la publication de la liste électorale, soit directement, soit par l’intermédiaire de la CENA.
[6] Aux termes des dispositions combinées des articles 36 et 74-2 de la loi n° 2017-09 sur la Cour suprême, le délai de recours et le recours ne sont suspensifs que dans les cas suivants :
1- en matière d’état ;
2- quand il y a faux incident ;
3- en matière de vente immobilière ;
4- en matière pénale, sauf, d’une part, en ce qui concerne les condamnations civiles et, d’autre part, l’existence de dispositions législatives contraires ;
5- dans les cas suivants :
déclaration d’utilité publique ;
expulsion d’étranger ;
extradition ;
litiges relatifs à l’élection aux conseils des collectivités territoriales.
Le professeur Abdoulaye Dièye est enseignant au département de droit public de la faculté des Sciences juridiques et politiques de l'UCAD