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25 avril 2025
Développement
Par Madiambal DIAGNE
SONKO OU LE MONSTRE DE FRANKENSTEIN
Les médias s’offusquent que le leader de Pastef les insulte, les méprise et les prenne pour des moins que rien. Franchement qu’est-ce qu’il y a de nouveau sous notre soleil ?
C’est comme si de nombreuses voix importantes des médias, de la société civile et de l’opposition politique, sortent subitement d’un long sommeil, aux semblants d’un coma éthylique, pour enfin découvrir le véritable visage du leader de la formation politique Pastef. Ou bien que ces personnes soient rattrapées par le phénomène du retour brusque d’un déni d’une réalité qui, selon des réminiscences de quelques lectures freudiennes, est l’attitude consistant à refuser de voir les choses telles qu’elles sont réellement. Cela peut avoir une raison d’ordre idéologique, si cette réalité va à l’encontre de ses propres opinions. La nouveauté est que Ousmane Sonko trouve de moins en moins grâce dans les espaces publics. Désormais ses attitudes, frasques et autres déclarations font plus qu’émouvoir, elles indignent jusque dans les milieux qui lui passaient toutes ses incartades ou grossièretés, qui l’excusaient de tout en un mot.
Ousmane Sonko avait pu constituer un parfait client pour tout ce beau monde. Il était un gros épouvantail dressé face au régime du président Macky Sall. Les opposants trouvaient en lui la personne qui pouvait tout dire sans scrupules, comme mentir, calomnier, affabuler et ainsi susciter l’aversion des populations et les braquer contre Macky Sall. La fin justifiant les moyens. La Société civile, dans une posture de rentière des tensions ou des crises, pour reprendre l’expression de Yoro Dia, trouvait en Ousmane Sonko le bon pyromane pour entretenir, alimenter les tensions politiques et ainsi justifier l’intervention de secouristes pour sauver un Sénégal en péril. Les médias trouvaient en Ousmane Sonko leur meilleur client car ses déclarations tonitruantes, en veux-tu en voilà, font régulièrement les choux gras. Alors découvrent-ils tous que leur créature a pris de l’envergure et qu’elle s’est révélée effrayante ? On réalise en effet, au lendemain des élections législatives du 31 juillet 2022, que ce nouveau monstre est aux portes du pouvoir et la panique semble s’installer !
C’est en quelque sorte l’allégorie du Monstre de Frankenstein ! Dans une fiction de la romancière anglaise, Mary Shelley (1818), le Dr Victor Frankenstein avait fabriqué un être, dans le langage moderne on dirait un humanoïde, à partir de différents membres de cadavres. Une fois son œuvre terminée, il découvrit la laideur et le caractère hideux de sa créature qui l’effraya. Il l’abandonna et s’enfuit. La créature entra dans une phase de révolte et sombra dans une folie meurtrière pour attaquer et tuer son créateur qui ne l’acceptait plus, la reniait et contre la société tout entière qui la rejetait. «La morale de cette histoire est que nous engendrons souvent nous-mêmes les monstres qui nous hantent (…) Toute proportion gardée, des monstres de Frankenstein, la société en façonne tous les jours.» Mais le phénomène Ousmane Sonko aura aussi l’avantage d’être un pertinent révélateur des parjures, des reniements, de l’hypocrisie et des lâchetés des médias, de la Société civile et de la classe politique.
Qu’est-ce que les journalistes croient découvrir enfin sur Ousmane Sonko ?
Les médias s’offusquent que Ousmane Sonko les insulte, les méprise et les prend pour des moins que rien. Franchement qu’est-ce qu’il y a de nouveau sous notre soleil ? Ousmane Sonko a toujours traité de corrompus tous les journalistes qui écrivaient ou disaient des choses qui n’étaient pas conformes à sa propre vision. Déjà, avant d’entrer en politique, en 2014, il insultait les journalistes qui évoquaient les opérations de prévarications foncières menées par l’ancien directeur du Cadastre, Tahibou Ndiaye, arrêté et finalement reconnu coupable par la Justice. Les médias avaient fini par découvrir les fortes accointances et collusions entre Ousmane Sonko et Tahibou Ndiaye.
En 2017, Ousmane Sonko déversait sa bile sur les médias qui relevaient les incohérences, l’absence de preuves et le manque de rigueur de son livre «Pétrole et gaz, chronique d’une spoliation». Il n’hésitait pas à porter de fausses accusations contre les journalistes et les désignait à la vindicte de ses militants. Il triait au volet les journalistes admis à ses rencontres avec les médias. En 2019, il a fait interrompre la publication des résultats de l’élection présidentielle par les radios et télévisions qui diffusaient des résultats défavorables à l’opposition. Des hordes de militants qu’il avait chauffés à blanc avaient attaqué des maisons de presse et brutalisé des journalistes. Ils ont récidivé en mars 2021 pour empêcher les médias d’évoquer les accusations de viols et sévices sexuels portés par la dame Adji Sarr contre leur leader, faits qui seraient commis dans le lupanar de «Sweet beauty» où il avait ses habitudes et aises. Les médias ont été d’une prudence incompréhensible dans cette affaire et ont même épousé, les yeux fermés, la thèse du complot brandie par Ousmane Sonko et ses proches. On a même pu lire dans certaines colonnes des papiers dithyrambiques lui taillant, qui un manteau de héros, qui une posture d’immaculé qui pouvait jeter la première pierre à Marie Madeleine.
D’ailleurs, depuis l’éclatement de cette affaire en février 2021, jamais Ousmane Sonko n’a accepté une quelconque interview avec un média sénégalais. Les quelques entretiens qu’il a accordés l’ont été à des médias étrangers pour ne se limiter qu’à parler de son parcours politique et jeter l’opprobre sur le régime de Macky Sall. Il n’existe pas une rédaction au Sénégal qui n’ait pas essuyé de la part de Ousmane Sonko, un refus d’une demande d’interview. L’homme organise à sa guise ses sorties médiatiques sous forme de déclarations, sans aucune possibilité pour les journalistes de lui poser la moindre question. Ainsi, ces médias restent de simples caisses de résonnance de ses diatribes. Il reste que chacun peut être maître de son mode de communication mais les médias qui s’indignent aujourd’hui de cette façon de faire de Ousmane Sonko ne sont nullement obligés de traiter ses points de presse sans commentaires ou même de les couvrir. De même que ces médias ne sont pas obligés de relayer systématiquement des propos qu’ils savent pourtant totalement faux. Quel est le professionnalisme médiatique de colporter des déclarations mensongères en s’interdisant tout acte de «facts checking» ?
En prenant la responsabilité de relayer des informations qu’ils savent totalement mensongères sans pour autant les corriger, rectifier, les journalistes sont absolument complices de la forfaiture et de grossières manipulations de l’opinion. Chaque journaliste a pu compter plusieurs fois des mensonges et des manipulations orchestrées par Ousmane Sonko, comment peuvent-ils alors continuer à accorder le moindre crédit à ses dires ?
Le plus renversant dans tout cela est que ces médias et autres journalistes, qui montent sur leurs grands chevaux, ont vertement pourfendu leurs confrères et consœurs qui pouvaient se permettre de dénoncer par exemple les dérives ethniques et régionalistes de Ousmane Sonko.
Si cela peut nous consoler, ces nouvelles réactions et postures peuvent être le signal que les gens sont en train de se réveiller car «on ne peut pas tromper tout le peuple, tout le temps». Les médias réaliseraient-ils qu’ils ont plus à redouter de Ousmane Sonko que de tout autre acteur politique ? Le mépris ou le dépit est tel qu’il considère que «les réseaux sociaux sont plus importants que les médias».
La Société civile qui lui a tout passé, se retrouve dans sa ligne de mire
D’éminents leaders de la Société civile ont fait des sorties pour flétrir les dernières déclarations de Ousmane Sonko sur la situation au Mali et qui ont suscité la vive réaction des autorités militaires. Viendraient-ils de découvrir que Ousmane Sonko n’a jamais rien respecté ? N’avait-il pas déjà accusé le gouvernement du Sénégal et ses militaires d’épuration ethnique en Casamance sous le prétexte d’opérations de sécurisation ? On s’indigne maintenant que Ousmane Sonko s’en prenne à l’Armée nationale alors qu’il a toujours insulté la Justice, les magistrats, le président de la République, ses collègues députés, la police et la gendarmerie. Jamais cette Société civile effarouchée n’avait trouvé à objecter. Ousmane Sonko a insulté les autorités religieuses et coutumières et joué sur des fibres ethnicistes et régionalistes. Il a préconisé la remise en cause de l’intégrité du territoire national et a poussé le bouchon jusqu’à assumer les revendications de la rébellion armée sous l’égide du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc), sans fâcher cette Société civile, le moins du monde. Qui ne peut se rappeler l’attitude de Ousmane Sonko devant le meurtre de quatre soldats et la prise d’otage de sept de leurs camarades par des éléments du Mfdc en janvier 2021 ? Ses partisans criaient à un complot fomenté pour justifier une opération militaire en Casamance ! Ousmane Sonko ne se démarquera jamais de cette forfaiture et quand on exigeait des condamnations de cette humiliation à notre Armée nationale et qu’on s’interrogeait sur certains liens troubles avec le Mfdc, ce sont les mêmes personnalités de la Société civile qui nous tançaient, demandant de ne pas mêler l’Armée ou la question casamançaise à ce qu’elles voulaient voir, avec une malhonnêteté déconcertante, comme des offensives politiques contre Ousmane Sonko. On peut s’amuser à relire certains tweets et autres publications, encore que ce sont ces mêmes personnalités qui jouaient aux Vrp de Ousmane Sonko avec le président de Guinée Bissau, Umaro Sisoco Embalo, pour aider à étouffer l’affaire Adji Sarr. Ce sont les mêmes qui ont aidé à faire la jonction ou raffermir des liens avec des putschistes de Conakry et de Bamako qu’ils applaudissaient du reste en chœur.
Dans une autre posture, cette société civile, plus d’une fois, a appelé à mettre de côté les lois de la République pour satisfaire aux desiderata de Ousmane Sonko comme l’enterrement de son dossier judiciaire avec la dame Adji Sarr ou encore tordre le cou aux lois électorales pour effacer les propres turpitudes et fautes de Ousmane Sonko et de son camp et leur permettre de participer à des élections. Ainsi, au nom d’une paix civile menacée par Ousmane Sonko, qui n’a de cesse d’appeler, publiquement, à la violence, à l’insurrection et à déloger le président de la République, la Société civile a préconisé en quelque sorte d’appliquer les lois selon la tête du client. Cette même Société civile qui parle de veiller sur le patrimoine foncier de l’Etat, n’a jamais cherché à fouiner dans les innombrables parcelles octroyées à Ousmane Sonko, aux cadres de son parti et pour le financement du syndicat qu’il dirigeait et jusqu’à son actuel parti Pastef. Pourtant, des médias ont publié des titres de propriétés indûment octroyés dans ces opérations de prédation foncière.
Au demeurant, le déchaînement de violences, diatribes et insanités contre les personnalités, qui ont eu le toupet de commettre le crime de lèse-majesté en cherchant à remettre Ousmane Sonko à sa place, leur aura certainement montré qu’ils ont en face d’eux une bande de voyous qui sont dans une position de chercher à braquer la République. La Société civile semble connaître le sort de l’arroseur arrosé.
Quand des leaders féministes supplient Anna Diamanka de rester stoïque devant les violences conjugales
L’affaire Adji Sarr aura surtout ruiné le combat, de toute une vie, de femmes qui portaient en bandoulière la défense des droits de la femme. Elles sont nombreuses à avoir détourné le regard et s’être bouchées les oreilles pour éviter soigneusement de prendre en charge le combat de cette pauvre femme presque abandonnée à elle-même. Sans l’écouter, l’entendre et l’approcher, des féministes, qui ont fait leur réputation sur le registre des droits des femmes, ont traité Adji Sarr de menteuse, d’affabulatrice, de comploteuse. Une telle attitude est sans doute commode pour s’épargner des insultes et d’être pris à partie par la meute du leader de Pastef. Mais on a aussi vu des féministes, jusqu’au bout des ongles, travailler à sauver le ménage de Ousmane Sonko avec Anna Diamanka, qui est victime de graves violences conjugales répétées. Elles demandaient à l’épouse éplorée de rester stoïque, résiliente et de demeurer dans son foyer comme «une bonne épouse», d’autant que son homme serait promis à un avenir grandiose. Anna Diamanka rit encore de l’une d’elles, députée de son état et qui participait à lui prodiguer des conseils pareils avec toujours une cigarette à la main. On ne peut pas être plus émancipé des codes sociétaux sénégalais pour qu’une femme grille une clope en public. Quelles marches ou manifestations ces bonnes dames n’avaient-elles pas organisées dans ce pays pour dénoncer des violences conjugales ? Une amie, espiègle, qui a des fréquentations dans le milieu, me faisait remarquer : «Quel combat pour le féminisme ou le droit des femmes quand on appelle ses domestiques avec une cloche ?»
Gabrielle Kane a raison, l’Etat du Sénégal s’est montré lâche !
On ose espérer que l’activiste Gabrielle Kane aura réussi, grâce à sa sortie de la semaine dernière dans le journal Source A, à secouer les autorités de l’Etat du Sénégal pour qu’elles daignent s’occuper du traitement judiciaire de l’affaire Adji Sarr. Oui, Mme Gabrielle Kane a raison quand elle parle de lâcheté et de couardise de l’Etat du Sénégal qui ne prend pas les dispositions nécessaires pour faire comparaître l’auteur présumé des viols répétitifs et sévices sexuels, alors que tous les autres protagonistes ont, depuis belle lurette, fini d’être entendus par le magistrat instructeur ! Cette situation est d’autant plus inacceptable que Ousmane Sonko continue de braver la Justice et de violer (sans aucun jeu de mots) allégrement les conditions fixées par le juge lors de sa mise sous contrôle judiciaire en mars 2021. Quid de ces opposants qui découvrent sur le tard les travers de Ousmane Sonko pour dénoncer son cynisme et lui enjoignent de respecter les institutions de la République. Ils ont pu expérimenter que Pastef et ses sbires utilisent contre les opposants les mêmes armes de l’injure, de la calomnie, de la manipulation, de l’intimidation et des menaces, que contre le camp du Président Macky Sall. Finalement, tout le monde a fini de mesurer le risque d’avoir un fascisant de cette trempe à la tête du Sénégal ! Il n’est jamais trop tard !
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ABDOUL MBAYE APPEL À ROMPRE AVEC L'HYPERPRÉSIDENTIALISME
L'ancien Premier ministre, président du parti ACT et membre de la coalition Yewwi fait le tour de l'actualité sociopolitique nationale au micro de Baye Omar Guèye dans l'émission Objection de Sud FM
L'ancien Premier ministre, président du parti ACT et membre de la coalition Yewwi fait le tour de l'actualité sociopolitique nationale au micro de Baye Omar Guèye dans l'émission Objection de Sud FM.
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NGUGI WA THIONG'O, LE COMBATTANT DES LANGUES
Dans son ouvrage Décoloniser l’esprit paru en 1986, ce romancier et théoricien post-colonial analyse la violence et « l’asservissement mental » qu’a représenté l’imposition des langues européennes dans les sociétés coloniales
Ngugi wa Thiong’o est un penseur kenyan né en 1938. Romancier et théoricien post-colonial, il est notamment l’auteur d’un essai majeur paru en 1986, Décoloniser l’esprit. Dans cet ouvrage, véritable plaidoyer en faveur des langues et cultures africaines, il analyse la violence et « l’asservissement mental » qu’a représenté l’imposition des langues européennes dans les sociétés coloniales.
Dans ses romans, et à travers son théâtre, Ngugi Wa Thiongo, développe une critique virulente de la bourgeoisie issue des indépendances et de l’oppression des classes ouvrières africaines. Influencé par la pensée marxiste et Franz Fanon, il est aussi un penseur du panafricanisme et de l’émancipation de l’Afrique.
Dans Pour une Afrique libre, essai paru en France en 2017, il développe des thèmes qui lui sont chers : la nécessité de l’estime de soi chez les Africains, le rapport de l’écrivain africain à sa ou ses langues, l’héritage de l’esclavage ou l’écriture comme instrument de paix et d’émancipation des peuples.
PAP NDIAYE, KYLIAN MBAPPÉ, QUAND LA FRANCE PRONONCERA-T-ELLE ENFIN CES PRÉNOMS CORRECTEMENT ?
Papé Ène-Diaye, Kylian Ème-Bappé, Denis Sassou Ène-guesso… En France, ces patronymes sont souvent écorchés. Comme si l’apprentissage des usages linguistiques et phonétiques africains était un défi insurmontable
Le premier a des origines à la fois françaises et sénégalaises ; l’autre est le fils d’un père né à Douala (Cameroun) et d’une mère d’origine algérienne, elle-même née à Bondy (Seine-Saint-Denis).
Ène-golo Kanté ou Abdoulaye Vade
Mais au cours de la semaine écoulée, un point en commun a réuni Kylian Mbappé et Pap Ndiaye : l’incapacité congénitale des commentateurs français à prononcer correctement leurs noms de famille respectifs. Et pourtant, c’est dès 1659 que les Français ont établi un premier comptoir à Ndar, cette ville sénégalaise qu’ils allaient rebaptiser du nom d’un de leurs rois et dont ils allaient faire ultérieurement la capitale de l’Afrique-Occidentale française (AOF) : Saint-Louis. Une ville où chaque habitant ayant « fait les bancs » est, lui, en mesure de prononcer correctement le nom de son ancien bourreau colonial, qui a laissé son nom en héritage au pont emblématique qui relie le continent à l’île abritant la ville historique : Faidherbe.
À la loterie franco-africaine, l’auteur de ces lignes peut s’estimer heureux. « Ba », n’est-ce pas le premier phonème enseigné aux écoliers français, dès le cours préparatoire ? B-A : BA. Les choses sont en revanche bien plus délicates pour Pap Ndiaye et Kylian Mbappé, sans parler de quelques-uns de mes amis de jeunesse : l’écrivain Wilfried N’Sondé (né au Congo), le photographe de presse Vincent Nguyen (au patronyme vietnamien), mon presque frère Ulysse N’Goubayou (grec d’adoption) ou encore ma collègue à Jeune Afrique Aurélie M’Bida (ces deux derniers patronymes étant d’origine camerounaise).
Anonymes ou célèbres (le footballeur Ène-golo Kanté, le président congolais Denis Sassou Ène-guesso ou même, dans une autre configuration, l’ancien président sénégalais Abdoulaye Vade – le « W » de son nom étant lu comme comme dans « Wagon » et non comme dans « Western »), combien sont-ils, sur le continent, à se faire « tympaniser » quotidiennement par ces distorsions ineptes dont les toubabs ont le secret ?
Pas d’effort d’adaptation
Pour un Français, la prononciation correcte de deux consonnes consécutives au début d’un patronyme africain semble en effet un défi bien plus difficile à relever que remporter la Coupe du monde de football ou combler le trou de la Sécu. Aussi les associations de consonnes en début de mot (« Ng », « Nd », « Mb ») sont-elles régulièrement dénaturées par les Français de France. Il était donc temps, concomitance de l’actualité entre Kylian et Pap oblige, de crier ce ras-le bol : « Doy na ! » (en wolof) ; « Ya Basta ! » (en espagnol)… Bref : « Ça suffit ! »
« La prononciation défectueuse des patronymes africains, commençant par Mb-, Nd- ou Ng- notée chez les Français peut être liée à une absence de conscience phonologique, analyse Sému Juuf, doctorant en sciences du langage et traduction à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, au Sénégal. Dans le système éducatif français, la bonne articulation de certains sons n’est pas enseignée, ajoute-t-il. Dans les substantifs et noms propres français, l’on ne retrouve pas ces phonèmes. »
De 1993 à mars 2014, Essaout était longtemps resté dans l’anonymat. Mais, le 4 avril de la même année, le cours de ce « petit » village a complètement changé avec l’arrivée au trône de l’actuel Roi, Silondébile Sambou, qui inscrit sa démarche
De 1993 à mars 2014, Essaout était longtemps resté dans l’anonymat total. Mais, le 4 avril de la même année, le cours de ce « petit » village a complètement changé avec l’arrivée au trône de l’actuel Roi, Sa Majesté Silondébile Sambou, qui inscrit sa démarche et sa méthode dans la continuité. Voyage dans l’antre de l’autre Royaume du département d’Oussouye qui existe depuis des siècles.
Essaout, avec son paysage si attrayant, n’était pas trop connu du grand public avant 2014. Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Perdu dans les forêts de rôniers, ce village si accueillant, situé dans la commune de Santhiaba Manjack et qui s’étend vers les rizières et le cours d’eau, abrite l’un des Royaumes du Kassa. Dans le département d’Oussouye, en plus de celui-ci, il y a le Royaume d’Oussouye dont le bois sacré se situe non loin de l’ancienne gare routière, celui de Mlomp, mais également de Kalobone dont le trône est en vacance (le Roi Sihang Ediam Djibalène étant décédé en octobre 2014). Pour s’y rendre, il faut, à partir du village de Diakène Diola, emprunter une route latéritique plus ou moins en bon état. Ce mardi 23 août, nous avons entrepris ce voyage vers ce Royaume. Sur le long de la route qui mène à Essaout, distante de moins de 10 kilomètres, des champs de patate, des plantations d’anacardiers et de vastes étendues d’arachide sont à perte de vue. Ce périple est loin d’être pénible. Après seulement quelques minutes de route, nous découvrons de loin de grands manguiers et fromagers géants. C’est « likoukine » (les premières habitations d’Essaout). C’est ici où les Essaoutois avaient habité en premier avant de se déplacer vers le site actuel. À gauche de cet endroit, aujourd’hui inhabité et englouti par les forêts, l’ancien bois sacré, mais aussi « sinkoo », leur cimetière. C’est une petite distance qui sépare « likoukine » au village d’Essaout. Nous dépassons ces anciennes habitations et continuons notre progression vers ce hameau qui compte en son sein cinq quartiers, dont Ekaffe, Etouta, Kheuneute, Djiloubougaye et Eguéguémosse. Deux minutes plus tard, nous entrons à Essaout. À notre montre, il faisait 10 heures 23 minutes. Juste à droite de l’entrée du village, une vaste forêt verdoyante au sein de laquelle trône de grands arbres. C’est le bois sacré ou la demeure de l’actuel Roi d’Essaout, Sa Majesté Silondébile Sambou.
UN MYTHE JAMAIS DÉSACRALISÉ
Bienvenue dans l’autre royauté du Kassa. L’une des plus anciennes. Dans l’histoire, Essaout avait été envahi à deux reprises par Oussouye, du temps du Roi Diankeubeu, puis par Niomoune. Et les habitants avaient été contraints de quitter leur village pour trouver refuge ailleurs. Cependant, ils trouvaient toujours le moyen de revenir sur les terres de leurs ancêtres. En cette matinée du mardi 23 août, un calme olympien règne dans Essaout. Dans une boutique implantée en face du bois sacré, nous y avons trouvé Néo Diédhiou. C’est lui qui nous a indiqué le chemin qui mène au domicile du Roi, là où il vivait avec sa famille bien avant qu’il ne soit désigné pour prendre les rênes du Royaume. Tout le village ou presque s’est vidé de ses occupants. C’est la période des travaux champêtres. D’ailleurs, la nuit de lundi 22 à mardi 23 août, le ciel y a véritablement ouvert ses vannes au grand bonheur des populations qui veulent terminer très vite la culture du riz avant le démarrage des événements festifs, notamment la lutte traditionnelle inter-villages et autres soirées culturelles. Ce jour-là, nous avons eu la chance de trouver le Roi Silondébile Sambou dans son ancienne demeure « liboutong » et non pas dans son Palais royal. Il était sorti pour aider les enfants à détacher son troupeau. S’il était à l’intérieur du bois sacré, il fallait faire appel à un membre de la Cour royale ou un initié pour nous y conduire. Il faut impérativement un intermédiaire, car personne n’y met les pieds sans être accompagné. C’est interdit (« nieyi nieyi », en diola), aux yeux de la religion traditionnelle. Dans toute la capitale départementale, et même au-delà, tout le monde le sait et nul n’est censé ignorer cette loi édictée par les ancêtres. Ce mythe ne sera jamais désacralisé, pour rien au monde. D’ailleurs, une fois à l’intérieur du bois sacré, il y a une cour exclusivement réservée aux visiteurs et les non-initiés dans la mesure où personne n’a le droit de pénétrer dans la résidence du Roi tenue secret et implantée loin des regards. C’est tout le sens du « nieyi nieyi », le maître-mot dans ce Royaume.
UN ROYAUME, MAIS PAS UNE MONARCHIE
Dans le département d’Oussouye, la royauté est différente de celles en Occident, par exemple, où depuis le XVIIe siècle, celles-ci sont considérées comme des régimes politiques. Pour ce cas précis, c’est seulement une personne qui exerce son plein pouvoir. Par contre, dans le Kassa, le Roi Silondébile Sambou a certes une autorité suprême, mais ne décide jamais seul. Au sein du bois sacré, il y a toute une organisation. Le Roi ne peut, en aucun cas, s’autoproclamer Roi. Pour le cas d’Essaout, c’est la famille Batéfousse qui installe le Roi. Avant de prendre une décision quelconque, Sa Majesté a l’obligation de consulter les membres de la Cour royale. Celle-ci est composée de trois familles. Il s’agit de Kheuneute, Ekaffe et Etouta. Le Royaume fonctionne comme un Gouvernement dont les Ministres sont nommés dans ces trois familles qui composent, en tout, la famille Batéfousse. Dans ce Gouvernement, tous les membres sont d’égale dignité. Mais, celui considéré comme le chef est celui qui est chargé de verser le vin de palme au moment de consulter le fétiche. Le trône est tournant, mais les fils du Roi ne seront jamais rois.
RÉGULATEUR SOCIAL ET MÉCANICIEN AU TRÔNE
Dans la société traditionnelle diola, le Roi a de lourdes responsabilités. Au-delà d’incarner un leadership fort et de gagner la confiance des populations, sur ses épaules, repose la mission de pacifier les nouveaux conflits qui surgissent au quotidien dans les villages qui sont sous sa tutelle. Chef coutumier suprême par excellence, il prie, tous les jours, pour que la paix règne dans tout le département, la région de Ziguinchor, la Casamance et tout le pays. De plus, Sa Majesté le Roi Silondébile Sambou use de toute sa diplomatie pour résoudre les différends, notamment les litiges fonciers. Il y a quelques années, il a définitivement réglé le problème entre Diakène Diola et Essaout qui se battaient pour le contrôle des hectares de terres. Avant de présider aux destinées du Royaume d’Essaout, le Roi Silondébile, auparavant Justin Sambou, intronisé le 4 avril 2014, après 21 années de vacance du trône, n’a jamais su qu’il allait porter un jour tout le peuple « essoubouhang » et agir en même temps sur certains villages qui se situent en terre bissau-guinéenne. Cette année-là, c’est un nouveau chapitre de sa vie qui s’est ouvert. Ainsi, il met une croix sur ses habitudes et occupations d’antan. Titulaire d’un Certificat de mécanique de la septième catégorie poids lourd et léger, le Roi Silondébile Sambou voulait s’exiler aux Pays-Bas, en 1996, au terme de sa formation. Sur place, il devait travailler comme transitaire. D’ailleurs, certains de ses camarades de promotion avaient été coptés par les Hollandais et un autre est parti en Belgique. Brillant mécanicien, il était le seul à être recalé. Pourquoi ? « À ce moment-là, j’avais du mal à comprendre. Je me disais, mais pourquoi mes camarades sont partis sauf moi. Ce n’était pas possible. J’avais remué ciel et terre pour pouvoir être de ce voyage. J’ai tout fait pour quitter au moins ma région natale et monnayer mon talent ailleurs. Mais, j’étais toujours à la case de départ. En revanche, au mois d’avril 2014, j’ai tout compris », confie-t-il avec un brin de sourire. Le fétiche ne voulait pas qu’il bouge. Dans sa famille, les sages savaient déjà que c’est lui qui allait diriger le Royaume. Mais, lui n’en savait rien du tout parce que ces derniers n’ont pas le droit de le lui dire.
Après ce voyage avorté, il décida de rester dans le domaine de l’automobile. Il avait son propre taxi « clando » et travaillait pour son compte. En avril 2014, arrive le moment le plus redouté : son intronisation, synonyme de fin de carrière et d’une ère. Un autre devoir l’appelle. Un autre sacerdoce pas du tout facile. Une charge plus complexe. Neuvième Roi de la famille Kamanang et successeur du défunt Roi Sihangounew Diatta, de la famille Ekaffe (choisi par les sages parce que personne ne pouvait assurer cette fonction dans la famille Sambou), Sa Majesté le Roi Silondébile Sambou joue pleinement son rôle. Il dit ne rien regretter, bien au contraire. « J’ai quitté l’école en 1990, après l’obtention de mon Certificat de fin d’études élémentaires (Cfee). Ensuite, j’ai fait 10 ans dans la mécanique automobile. Vous savez, je n’ai jamais su que j’allais être porté à la tête du Royaume d’Essaout. Je n’y jamais pensé. Mais, de tous mes trois autres frères, j’ai été choisi par les sages et je ne peux m’y opposer. Cette chose est mystique. On ne peut vous l’expliquer. Cela fait huit ans que j’endosse cette responsabilité sans aucun regret. C’est une fierté », soutient le successeur du Roi Sihangounew Diatta.
Issue d’une fratrie de neuf personnes (quatre garçons et cinq filles), « Maane », comme l’appellent affectueusement les Diolas en signe d’allégeance et de respect, est le cinquième. Très jeune au moment de son intronisation, Silondébile Sambou se dit prêt à se battre au quotidien pour une Casamance et un Sénégal prospèrent.
CES IDENTITÉS REMPLIES DE MYTHES ET DE SENS
Au-delà de permettre la distinction entre les personnes, le nom constitue l’identité de chacun, du Peul au Sérère en passant par le Wolof et le Diola. Les religions révélées ont aussi joué leur partition dans le choix de ces dénominations
Un prénom raconte une histoire. Il est la première note dans la vie d’un enfant, le définit et le caractérise. Mais, derrière cette dénomination, se cache tout un mythe, selon les ethnies, car elle en dit plus que ce qu’elle veut montrer. Au-delà de permettre de faire la distinction entre un tel et un tel, le nom constitue l’identité de chacun de ses membres, du Peul au Sérère en passant par le Wolof et le Diola. Les religions révélées ont aussi joué leur partition dans le choix de ces dénominations souvent si singulières.
« Quel est ton nom ? » demande le surveillant en le fouettant sans pitié, et l’esclave de répondre : « Mon nom est Kunta Kinte », les pieds et les mains attachés. Le fouet s’abat de nouveau sur lui, jusqu’à ce qu’il dise que son nom est Toby et non Kunta Kinte. Cette scène de l’épisode 1 de la mini série sur l’esclavage, Roots (Racines), sortie dans les années 1970, montre l’attachement de Kunta Kinte à son nom de naissance. Cela reflète son appartenance ethnique et ses origines dont il n’était pas prêt à se départir pour adopter le nom Toby choisi par son maître. C’est ce qu’a aussi voulu montrer feu Abass Diao dans son Mémoire d’études publié à l’École nationale supérieure des bibliothèques en France, dans les années 80, sur l’étude des noms sénégalais. Le prénom est, d’après l’auteur, un signe d’appartenance ethnique. De ce fait, il remplit différentes fonctions. Il y a, selon lui, tout un symbolisme autour de la grossesse de la femme, de la naissance et du nom donné à l’enfant. Cela explique les choix des prénoms que l’on retrouve uniquement dans une ethnie bien donnée et dans un contexte précis.
Talisman contre la faucheuse
Bougouma (je ne t’aime pas), Amul Yakaar (sans espoir), Ken Bugul (personne n’aime), Biti Loxo (l’extérieur de la main), Yadikoon (tu étais venu) ou encore Sagar (tissu sans valeur) sont autant de prénoms qui, à première vue, font sourire et peuvent même susciter des moqueries, car inhabituels, voire rares. Mais, le prénom est un boubou qu’on peut difficilement enlever. Malgré sa singularité, il revêt un sens particulier. Ndèye Codou Fall Diop explique que ces dénominations ont la même source. L’enseignante en écriture wolof au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) renseigne que ces noms sont donnés à des personnes dont la mère accouche et que son enfant meurt de façon répétée ou perd des enfants à bas-âge. Les prénoms dits « yaradaal » sont toujours présents dans la société wolof et sont des noms conjuratoires attribués à des enfants pour éviter leur mort précoce dans un contexte familial de décès juvéniles à répétition.
Les anthroponymes antinomiques sont présents chez les Halpulaars et sont destinés à « vaincre » la mort. « Nous avons des prénoms tels que Tekkere, assimilé à un morceau de tissu sans valeur, ou encore Ndoondi qui veut dire cendre », affirme Papa Ali Diallo, spécialiste en sciences du langage. Il peut y avoir une motivation à l’antinomie pour décrédibiliser en apparence l’enfant et le dévaloriser. Mais, cela représente, selon le linguiste, une stratégie pour assurer sa survie.
Les Sérères ont aussi des prénoms ayant trait à la mort comme Gaskel, Honan ou encore Nioowi. « On exorcise la mort en l’intégrant dans le nom du nouveau-né pour tromper les forces de la mort », explique Sobel Dione, un adepte de la culture sérère aux textes très lus sur le réseau Facebook. Felwine Sarr, Mouhamed Mbougar Sarr ou encore Léopold Sédar Senghor sont des noms familiers et les personnes qui les portent ont brillé par leur intelligence. Cependant, derrière ces figures, se cachent des anthroponymes lourds de sens. Felwine désigne celui qui est aimé de tout le monde ; Sédar, celui qui n’aura jamais honte, et Mbougar signifie celui qu’on n’aime pas. Ils tracent, dès la naissance, la trajectoire des bambins et influent sur leur vie. Dans la culture sérère, ces noms sont très répandus, d’après Sobel Dione. Le passionné de la culture sérère soutient que le prénom et le nom sont constitutifs de la personne dans cette ethnie. Il est plus qu’un signe, il est une figuration symbolique de la personne. « Le prénom situe l’individu dans le groupe, il représente le corps, l’âme, le totem », fait savoir ce dernier. Sobel Dione cite comme exemples des noms comme Ngor qui veut dire le vrai homme, Sobel qui signifie celui qui précède tout, Fakhane pour désigner la gentille, la tendre, Mossane, la belle, ou encore Ñokhor, le bagarreur.
L’attribution du prénom intervient entre un et six ans chez les Diolas, d’après les explications de Paul Diédhiou. L’anthropologue de formation renseigne que cette singularité se traduit par le fait que par le prénom, on peut appréhender les notions d’enfer, de paradis et de réincarnation. Ceci renvoie également à la singularité du prénom diola qui « meurt » (kukét) avec la personne qui le porte si toutefois cette dernière décède à la fleur de l’âge. « C’est un sacrilège que de nommer une personne qui meurt jeune. C’est pour cette raison que l’on prend la précaution de prénommer les enfants entre un et six ans », relève-t-il.
Une marque distinctive
Les qualificatifs des prénoms sont aussi retrouvés chez les Peuls avec des anthroponymes honorifiques, tels que Ceerno pour dire savant/enseignant, Elimaan pour dire imam. Selon les explications de Pape Ali Diallo, spécialiste en sciences du langage, il existe, dans ce même registre, des appellations comme Malaado désignant celui qui est béni, Mawɗo signifiant homme mature, Cellu pour celui qui est en bonne santé, entre autres. Gora pour brave homme, Serigne désignant savant, Gorgui signifiant homme mature, Soxna pour désigner une épouse ou encore Magatte pour femme ou homme mature, sont autant de noms qualificatifs retrouvés chez les Wolofs.
Le prénom se basant sur un des traits de l’enfant est retrouvé également chez les Diolas. À titre d’exemple, Paul Diédhiou, anthropologue de formation, cite des noms tels que Djalissa qui désigne un enfant chétif, Djamissa qui signifie chétive pour une enfant, Akodji pour désigner le vilain ou encore Anatolediakaw pour la vilaine.
« Un des critères pour déterminer le moment à partir duquel on attribue un prénom à un enfant est la marche », explique Paul Diédhiou. L’enseignant-chercheur à l’Université Assane Seck de Ziguinchor relève que lorsqu’un enfant sait réellement marcher ou courir, il peut se voir attribuer un prénom. Ainsi, jusqu’à ce stade, le bambin n’en porte pas.
REGAIN D'OPTIMISME POUR LES DÉMOCRATES AVANT LES MIDTERM
René Lake relève quelques bons points politiques à l'actif de Joe Biden et de son camp ces derniers mois dans la perspective des élections de mi-mandat de novembre prochain, au journal de VOA Afrique
René Lake relève quelques bons points politiques à l'actif de Joe Biden et de son camp ces derniers mois dans la perspective des élections de mi-mandat de novembre prochain, au journal de VOA Afrique.
L'invité est à suivre à partir de la 10e minute.
par l'éditorialiste de seneplus, jean-claude djéréké
MARIE KORÉ, UNE GRANDE FIGURE DE LA LUTTE ANTICOLONIALE EN CÔTE D’IVOIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Les trois mots qui résument bien la trajectoire de cette femme sont : courage, autorité et patriotisme. Elle n'avait pas peur de se mettre en avant pour affronter les épreuves qui jalonnent le chemin de la liberté
Jean-Claude Djéréké de SenePlus |
Publication 27/08/2022
“Mes sœurs bhété, baoulé, dioula et de partout, n’ayez pas peur ! Chez nous aussi nous n’avons pas peur de l'eau, nous avons l’habitude de travailler dans l’eau. Ce n’est pas parce qu’on nous envoie un jet d’eau avec du sable que nous devons nous décourager car une personne qui veut aller au secours de son époux, de son frère, de son fils ne doit pas reculer devant si peu de choses.” Ainsi s’exprimait Marie Koré, le 22 décembre 1949. Elle s’adressait aux femmes qui avaient décidé de marcher d’Abidjan à Grand-Bassam où étaient détenus 8 dirigeants du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), la section ivoirienne du Rassemblement démocratique africain (RDA). Il s’agit de Bernard Dadié, Mathieu Ekra, Jacob Wiliams, Jean Baptiste Mockey, Albert Paraiso, René Séry Koré, Lama Kamara, Phillipe Vieyra (cf. Henriette Diabaté, ‘La marche des femmes sur Grand-Bassam’, Abidjan, Nouvelles Éditions africaines, 1975 ).
On l’appelle Marie Koré, parce qu’elle épousa en secondes noces René Séry Koré, mais son vrai nom est Zogbo Galo Marie. Elle a vu le jour en 1910 ou en 1912 à Gossa, village situé dans la sous-préfecture de Gboguhé (Daloa). On ignore à quel moment elle débarque à Abidjan. Ce qu’on sait, en revanche, c’est qu’elle va y rencontrer et épouser un Français. Le mariage ne dura pas longtemps parce que le Français n’appréciait pas l’engagement politique de sa femme. Celle-ci militait dans le RDA qui luttait pour la fin de la colonisation. En dehors de la politique, Marie vendait de la banane plantain frite ou “aloco” à Treichville, une commune d’Abidjan. C’est là qu’elle fit la connaissance de René Séry Koré qui vivait déjà avec une autre femme appelée Meunde. Koré venait d’être licencié des P.T.T. par l’administration coloniale pour son appartenance au PDCI-RDA.
En 1947, Marie Galo, devenue Marie Séry Koré, est élue présidente des femmes du PDCI. Deux ans plus tard, elle participe aux manifestations qui ont lieu devant le palais du gouverneur socialiste Laurent Péchoux. Arrivé à Abidjan courant 1948, Péchoux avait pour mission de supprimer le RDA qui, entre autres choses, n’acceptait pas l’injustice dont étaient victimes les agriculteurs ivoiriens (par exemple, le kilo de café était acheté 45 francs CFA au producteur et vendu officiellement en France à 420 francs métropolitains). Pour parvenir à ses fins, Péchoux créa le Parti progressiste dirigé par Étienne Djaument. Le 22 décembre 1949, Marie Koré et d’autres femmes décident de rejoindre à pied Grand-Bassam qui fut la capitale du pays entre 1893 et 1900 et que 40 km séparent d’Abidjan. Pour empêcher les femmes d’atteindre Grand-Bassam, l’administration coloniale interdit aux transporteurs de rouler. “Nous ne sommes pas nées avec des voitures. Nous sommes habituées à marcher. Ça ne nous coûte donc rien de faire le voyage à pied”, répliqua Marie Koré. Certaines manifestantes devaient se retrouver au palais de justice, d’autres à la prison civile. Marie faisait partie du second groupe. Le 24 décembre 1949, très tôt, elle et les femmes de son groupe empruntent la rue principale. Les forces de l’ordre, qui avaient dressé un barrage sur le pont construit sur la lagune Ouladine, lancent des jets d’eau mélangée à de la vase et à des tessons de bouteilles. Mais les femmes ne reculent pas. Marie Koré monte sur le pont avec sa fille Denise sur le dos. Les femmes lui emboîtent le pas mais Marie glisse et tombe avec sa fille. Elle est battue avant d’être conduite au commissariat. Elle sera déférée au parquet avec quelques-unes de ses camarades et incarcérée en même temps que sa fille.
Le 15 décembre 1949, commence le boycott des produits français. Partout, les populations sont vent debout contre le système colonial mais les manifestations sont violemment réprimées par la police coloniale. Plusieurs morts et blessés sont enregistrés à Agboville, Bouaflé, Dimbokro, Gohitafla, Séguéla, etc. Que fera le PDCI pour sortir de l’impasse ? “Pour éviter un atroce massacre comme à Madagascar en 1947, le RDA décida de se désapparenter des groupes communistes et d’amener le pouvoir colonial à composer avec lui et à faire des réformes”, écrit l’historien Jean-Noël Loucou en avril 2016. Pour lui, l’indépendance de la Côte d’Ivoire ne fut pas octroyée mais négociée (https://news.abidjan.net/articles/588788/le-pdci-rda-de-1946-a-2016-70-a...). Peut-on souscrire à la thèse de l’indépendance négociée quand on sait que Houphouët était en position de faiblesse ? Pour négocier, il eût fallu que le PDCI disposât d’une force égale ou supérieure à celle de la France coloniale.
En mars 1950, les dignitaires du PDCI, incarcérés depuis février 1949, bénéficient d’une mise en liberté partielle. Marie Koré meurt, trois ans plus tard. Sa fille n’a que sept ans. A-t-elle succombé aux mauvais traitements subis pendant la lutte pour l'indépendance ou bien a-t-elle été tuée par l’éther qu’un médecin français lui aurait injecté en lieu et place de l’anesthésie avant de l’opérer d’un panaris à l’hôpital annexe de Treichville ? Difficile de dire ce qui s’est vraiment passé dans les derniers moments de sa vie. Ce qui est certain, c’est que la République n’a pas oublié le combat de Marie Koré. Elle lui a témoigné sa reconnaissance en créant un timbre postal à son effigie, en érigeant un monument qui représente trois femmes, en donnant son nom à une école primaire dans la commune d’Adjamé. Plusieurs associations féminines portent son nom. Le pont sur la lagune Ouladine, entre Grand-Bassam et Abidijan, a été baptisé “Pont de la Victoire” en souvenir de la résistance des femmes à l’administration coloniale qui avait injustement embastillé les militants du PDCI-RDA. La Banque centrale des États d’Afrique occidentale (BCEAO) a mis la photo de Marie Koré sur un billet de 1 000 francs CFA.
Les trois mots qui, à mon avis, résument bien la trajectoire de Marie Koré sont : courage, autorité et patriotisme. Marie Koré n’avait pas peur de se mettre devant, non pour se faire remarquer, mais pour affronter les épreuves qui jalonnent le chemin de la liberté (gaz lacrymogènes, jets d’eau, prison, etc.). Ses mots d’ordre étaient toujours suivis parce qu’elle était capable de donner l’exemple et de remonter le moral de ses camarades quand il le fallait. Pour elle, la patrie était beaucoup plus importante que l’ethnie et la religion. Elle refusait que son pays soit dominé et exploité par un autre pays. Elle lança l’appel au rassemblement des femmes parce qu’elle avait compris que les militants du PDCI emprisonnés à Grand-Bassam menaient le bon combat. Cette femme, qui avait horreur de l’injustice et de l’oppression, est incontestablement l’une des grandes figures de la lutte pour l’indépendance en Côte d’Ivoire et il ne fait l’ombre d’aucun doute que son engagement, sa détermination et son courage l’ont fait entrer dans l’Histoire.
UN MAL À JUGULER
L’enseignant-chercheur-sociologue Abdoulaye Ngom, le psychologue-sociologue Abdoulaye Cissé, l’économiste Meissa Babou Ciss et l’activiste Guy Marius Sagna analysent la situation délicate de la jeunesse a Sénégal
L’enseignant-chercheur-sociologue de l’université Assane Seck de Ziguinchor, Dr Abdoulaye Ngom, le psychologue-sociologue Abdoulaye Cissé, l’économiste Meissa Babou Ciss et l’activiste Guy Marius Sagna analysent la situation délicate à laquelle la jeunesse est confrontée. Ils donnent leurs avis, entre autres, sur l’efficacité des politiques mises en place par l'État pour régler les problèmes des jeunes, l’attitude agressive de ces derniers et leur engagement politique.
‘’Frappés de plein fouet par la persistance du chômage, les difficultés de la vie quotidienne, la pauvreté et l’échec de toute perspective d’amélioration de leur quotidien, nombreux sont les jeunes Sénégalais qui, à l’heure actuelle, éprouvent un sentiment de désespoir, "yaakaar bu tass", comme ils le disent’’, analyse l’enseignant-chercheur-sociologue, Dr Abdoulaye Ngom de l’université Assane Seck de Ziguinchor. Ce "sentiment de désespoir" chez les jeunes s'exprime, le plus souvent, au sein d'un lieu qu’ils nomment avec ironie "banc diaxlé". Le "banc diaxlé", ou ‘’banc du désespoir’’, note M. Ngom, est un lieu de retrouvailles entre jeunes pour passer du temps, boire du thé et discuter de sujets comme la lutte, le football, la politique ou les affres de leur vie.
Ainsi, ‘’le ‘banc du désespoir’ constitue, pour ces jeunes, une sorte d’exutoire qui leur permet de mettre à nu les divers problèmes auxquels ils sont confrontés et auxquels ils tentent de faire face quotidiennement’’, dit-il. La jeunesse, il faut oser le dire, est confrontée au chômage, à la pauvreté et au manque de perspective.
Aux yeux du psychologue-sociologue Abdoulaye Cissé, par ailleurs expert en prévention et lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre, cette situation est à la fois inquiétante et terrifiante, parce que la jeunesse, qu’on le veuille ou pas, est l’avenir de la nation.
Des mécanismes d’insertion des jeunes dévoyés
Pourtant, divers mécanismes d’insertion ont été mis en place par l’État, dans le but de lutter contre le chômage des jeunes. Cependant, note Abdoulaye Cissé, la plupart de ces mécanismes ne profitent pas, malheureusement, à sa cible originelle, à moins qu’elle ne soit politiquement engagée, notamment dans les partis de la mouvance présidentielle. ‘’Voilà ce qui fragilise tous les mécanismes de financement et affaiblit la plupart des initiatives intentées par l'État, dans le cadre de la lutte contre le chômage. Ils sont destinés initialement à toute la jeunesse, mais dans la pratique, ils ne profitent généralement qu’aux jeunes qui sont dans les partis au pouvoir’’.
En tout cas, c'est le sentiment qu’ont la plupart des jeunes qui déposent leurs dossiers auprès des structures chargées de rendre opérationnelles ces initiatives de l’État, si l’on s’en tient notamment à leurs propos. D’après M. Cissé, c’est justement ce que montre un travail de recherche fondamentale en cours sur les politiques d’insertion des jeunes et des femmes au Sénégal. ‘’Cette perception qu’ont les jeunes sur l’accès aux mécanismes de financement de l’État crée effectivement des frustrations et pousse certains d’entre eux à s’engager en politique, dans l’espoir d’avoir la possibilité d’accéder enfin à ces mécanismes’’, dit-il.
S’y ajoute l’inadéquation qu’il y a entre les politiques publiques établies jusque-là et les aspirations essentielles de la population, en termes notamment d’emploi et d’insertion professionnelle, et cela, depuis 1960. Pour Abdoulaye Cissé, ‘’le PSE, en tant que document de référence des politiques publiques, ne déroge pas non plus à la règle, malheureusement. Last but not least, il importe de convenir qu’il n’y a pas encore une véritable politique de jeunesse au Sénégal apte à créer les conditions nécessaires, en vue de favoriser l’entrepreneuriat et l’auto-emploi ou à créer les conditions y afférentes. Il n’y a que des mesures conjoncturelles de mitigation, voire d’atténuation’’.
Énormité des moyens et insuffisance des résultats
Même son de cloche chez l’économiste Meissa Babou. Pour lui, malgré la promesse de nombreux emplois, il n’y a rien. Il ne voit pas quelque chose de solide fait pour les jeunes. ‘’Je ne vois plus le Fonds national de promotion de la jeunesse (FNPJ). Les structures peuvent donner des chiffres chimériques, mais sur le terrain, on ne voit rien. Il est difficile de voir quelqu’un qui a bénéficié de ces financements, à part quelques groupements de femmes’’, dit-il. Il y a aussi les structures de formation que l’État a mis en place pour capaciter les jeunes. L’économiste constate l’énormité des moyens et l’insuffisance des résultats.
‘’Ils ont mis beaucoup d’argent, mais ça n’a pas porté ses fruits. Ce n’est pas la voie économique et sociale capable d’engranger du travail. Ils sont très pressés jusqu’à créer la Der, sans réfléchir sur les stratégies. Le gouvernement, après avoir englouti autant d'argent, n'ose pas faire le bilan’’, regrette-t-il.
De son côté, l’activiste Guy Marius Sagna est catégorique : sans souveraineté, point de développement possible. Sans patriotisme économique, point de résolution du chômage. ‘’Avec le libre-échange, il n’y a pas de sortie de la pauvreté pour le Sénégal et l'Afrique. Si ces préalables ne sont pas réglés, toute initiative entrepreneuriale débouchera vers la faillite, comme c'est le cas des 64 % de PME qui meurent trois ans après leur création au Sénégal, car elles sont nées dans un environnement qui déroule le tapis du Doing Business aux entreprises étrangères qui écrasent nos entreprises sur leur passage’’, prévient-il. ‘’L'entrepreneuriat n'est efficace dans la lutte contre le chômage que si nous tournons résolument le dos à la préférence étrangère, impérialiste, néocoloniale’’, insiste-t-il.
En effet, selon lui, la jeunesse sénégalaise, tout comme celle de l’Afrique, subit les conséquences d'une ‘’politique néocoloniale’’ qui imposerait aux jeunes de choisir entre ‘’la valise ou le voyage et le chômage au Sénégal ; entre la radicalisation terroriste et la pirogue de ‘Barça ou de Barsax’ ; entre être le ‘boy’ d'un des ministres ou directeur d'agence de Macky ou être un agresseur ou un oublié de l'État néocolonial, etc.’’.
Attitudes agressives des jeunes
Un certain nombre d’attitudes agressives des jeunes peut être inextricablement lié à la dure situation qu’ils vivent au jour le jour, selon le Dr Abdoulaye Ngom. Situation caractérisée par l’absence de toute perspective de réussite et d’amélioration de leurs conditions de vie. ‘’Lorsque, pendant plusieurs années, ils peinent à sortir d’une pauvreté ambiante et chronique, lorsque, pour certains, les revenus qu’ils ont ne leur permettent pas de faire face aux nombreux problèmes auxquels ils sont confrontés, certains jeunes peuvent être amenés à avoir des attitudes agressives’’, a dit l’enseignant-chercheur-sociologue.
Abondant dans le même sens, le psychologue-sociologue Abdoulaye Cissé souligne qu’en psychologie, toute accumulation de frustration est susceptible de déboucher sur des actes de violence. Cela dit, ‘’le contexte décrit plus haut ne peut pas ne pas avoir une répercussion sur les actes de violence notés ces temps-ci, d’autant plus qu’ils impliquent très souvent des jeunes en quête d’emploi ou engagés dans des emplois précaires. Cependant, c’est seulement un paramètre parmi une kyrielle de facteurs. La jeunesse, par essence, est contestataire, notamment quand l’avenir se révèle sombre et perpétuellement incertain pour sa frange la plus importante. Le ‘Barça ou Barsax’ n'était pas, en son temps, un simple slogan de désespoir, mais aussi, un cri du cœur qui en disait long sur l’absence de perspective des jeunes dans leur propre pays’’, a-t-il analysé.
Aujourd’hui, selon lui, c’est d’autres moyens qui sont utilisés, même si absolument rien ne peut justifier le recours à la violence. D’après le psychologue-sociologue, l’attitude agressive de la population, et pas seulement de la jeunesse, découle plus de l’intolérance qui est aujourd’hui à son paroxysme dans toutes les sphères, du fait de nombreux autres facteurs pas nécessairement liés à la situation incriminée. Un point de vue partagé par l’économiste Meissa Babou.
Jeunesse manipulée par les politiques ?
‘’Il est clair que certains partis politiques, mais pas tous, fort heureusement, exploitent les jeunes pour atteindre leurs objectifs. Ce constat est un secret de polichinelle, du fait que le monde politique sénégalais est composé d’hommes politiques véreux assoiffés de pouvoir, mus par leurs propres intérêts, qui utilisent certains jeunes dans le cadre de leurs combats politiques’’, a noté le Dr Abdoulaye Ngom.
La jeunesse sénégalaise, en tout cas, à une profonde soif de changement à plusieurs niveaux et tout leader qui incarne l’espoir peut effectivement cristalliser leur attention, d’après Abdoulaye Cissé. Ainsi, à ses yeux, ceux qui, en revanche, veulent coûte que coûte y arriver peuvent - parce qu’ils pensent qu’ils ne disposent plus d’aucune issue - donner l’impression qu’ils sont manipulés, alors que ce n’est véritablement pas le cas. ‘’Ils trouvent leur compte auprès de ces politiciens et jouent finalement la carte du donnant-donnant. Cela dit, la jeunesse peut donner l’impression d’être exploitée par certaines formations politiques, alors que tel n’est absolument pas le cas. Ils s’engagent de part et d’autre, soit par conviction et l’espérance d’un avenir meilleur, soit par opportunisme et calculs purement politiciens’’, a indiqué M. Cissé.
En tout cas, pour Guy Marius Sagna, il existe une autre forme de radicalisation qui serait salutaire. Il s’agit de la radicalisation ‘’anti-impérialiste, antinéocoloniale, la radicalisation de la révolution panafricaine et souveraine’’. C'est à cette révolution anti-impérialiste, populaire et panafricaine que ces camarades et lui invitent dans le cadre du Frapp. Car, pour eux, c’est la seule démarche qui peut, de manière durable, régler les problèmes des Sénégalais et donc de la jeunesse africaine du Sénégal.
‘’J'ai foi en l'avenir, quand je vois de plus en plus de jeunes et de non jeunes répondre à l'appel de la radicalisation révolutionnaire, patriotique, en s'engageant dans les mouvements citoyens anti-impérialistes, en lançant des initiatives dans différents secteurs de la transformation des produits locaux, des services, de l'agriculture, du commerce... qui matérialisent sur le terrain le slogan du Frapp : ‘Doomi réew mooy tabax réew’’, a salué M. Sagna.
UN PAYS EN STAND-BY
En raison des calculs politiciens, le président de la République laisse le pays sans gouvernement et sans Premier ministre depuis le Conseil des ministres du 3 août dernier, au lendemain des législatives du 31 juillet 2022
En raison des calculs politiciens, le président de la République laisse le pays sans gouvernement et sans Premier ministre depuis le Conseil des ministres du 3 août dernier, au lendemain des législatives du 31 juillet 2022. Les ‘’ministres de la transition’’ qui devaient gérer les affaires courantes semblent plus préoccupés par leur propre sort.
Voilà presque un mois que le Sénégal est suspendu à la formation d’un nouveau gouvernement. Annoncé depuis le premier Conseil des ministres après les élections législatives, le remaniement tant attendu tarde encore à voir le jour. Et c’est devenu un secret de Polichinelle : l’Administration est presque à l’arrêt dans beaucoup de départements ministériels. Interpellé, ce cadre dans un ministère de la place confirme : ‘’C'est une réalité bien perceptible. Pratiquement, il n'y a plus d'activités dans les ministères, le mien y compris. Certains ministres ne viennent même plus au bureau. Ils sont aux abonnés absents.’’
Pour s’en convaincre, fait remarquer le fonctionnaire, il suffit de regarder les grandes éditions de la Radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS1). ‘’Certains, dit-il, essayent de sauver la face en faisant des sorties intempestives face à certaines urgences, mais la réalité est que personne ne travaille. Presque dans tous les ministères, ce sont les secrétaires généraux qui expédient les affaires courantes. Certains départements ministériels n'ont même plus de cabinet. C’est un vrai parfum de vacance gouvernementale.’’
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le constat sur les ministres introuvables en ces temps incertains est presque unanime. Par exemple, alors que les consommateurs sénégalais sont accablés depuis quelque temps par la vie chère, la ministre du Commerce, Assome Diatta, se fait désirer. En lieu et place, c’est le secrétaire général dudit ministère et quelques directeurs qui montent au créneau pour jouer les premiers rôles. Il en est de même des ministres en chargés de l’industrie et de l’agriculture, malgré les nombreuses difficultés auxquelles font face leurs secteurs respectifs. Ces derniers sont loin d’être les seuls membres du gouvernement concernés par cette vacance de fait.
Naguère prompts à monter au créneau pour éteindre les feux, ils semblent plus préoccupés par leur sort individuel, dans ce contexte où le président de la République est appelé à redistribuer les cartes.
Épée de Damoclès sur la tête de beaucoup de ministres
En fait, bien avant même ce climat marqué par l’annonce d’un remaniement, le pays était presque à l’arrêt, à cause de la campagne électorale. Tous avaient déserté pour aller s’occuper de leur base électorale, d’autant plus que le président de la République s’est par le passé montré intransigeant contre les perdants. Avec la défaite de plusieurs responsables de premier plan, l’épée de Damoclès plane sur la tête de beaucoup de ministres.
D’ailleurs, c’est un des aspects évoqués par un de nos interlocuteurs pour justifier l’absence de certains membres du gouvernement. ‘’Vous savez, signale-t-il, on vient de sortir d’élections qui n’ont pas été de tout repos pour la plupart des ministres. C’est normal que certains aillent un peu se reposer, parce que ça a été un peu compliqué pour eux…’’.
Dans ce contexte, les agents, dans beaucoup de ministères, suivent également le rythme de leurs supérieurs. À l’image des ministres, ils ont eux aussi déserté les bureaux. ‘’Certains peuvent rester une semaine sans venir, d’autres passent une fois par semaine… Il n’y a que le SG et quelques chefs des services les plus essentiels qui sont là pour évacuer les affaires courantes’’, fait remarquer un agent. Et d’ajouter : ‘’Faites un reportage dans n'importe quel ministère, vous vous rendrez compte que la majeure partie des agents ont déserté les lieux.’’
Par ailleurs, si dans certains ministères tout est à l’arrêt, dans d’autres, par contre, les choses fonctionnent peut-être au ralenti, mais elles fonctionnent. C’est ce que semble expliquer cet agent qui invite à plus de nuance. À l’en croire, il y a des ministères où les gens continuent de travailler presque normalement, même si le ministre peut être absent. Il insiste : ‘’Pour moi, c’est une fausse perception de croire que les gens peuvent faire dans le public ce qu’ils veulent, qu’il n’y a pas de contrôle. En tout cas, ce n’est pas le cas de mon ministère où le contrôle est systématique et que les gens sont obligés d’avoir des autorisations pour s’absenter. C’est aussi valable en ce moment, bien que j’avoue que le ministre n’est pas toujours là. Mais cela n’a aucun impact sur le service.’’
Autrement, renchérit-il, cela allait se savoir. ‘’Je pense que pour parler de blocage, il faut surtout regarder les indicateurs. Et je pense que là, tout se déroule assez bien. Les autorisations et autres certificats dont les usagers ont besoin sont délivrés normalement. Sinon, vous les auriez entendus ruer dans les brancards. Maintenant, même en temps normal, il y a des gens peu consciencieux qui ne font pas le job.’’
Factures non payées
En parlant d’indicateurs, ils sont quand même nombreux les acteurs économiques à se plaindre de retards dans le paiement de leurs factures au niveau du ministère des Finances. Si certains indexent des difficultés de trésorerie, la plupart l’imputent surtout à cette situation de non gouvernement et d’absence de Premier ministre qui plane, depuis les Législatives. Et si le chef de l’État va jusqu’au bout de sa logique, cette situation pourrait se poursuivre jusqu’au 14 septembre au moins, date d’installation de la 14e législature.
En effet, comme l’annonçait ‘’EnQuête’’ dans ses précédentes éditions, Macky Sall a la hantise de procéder à un remaniement et de faire éclater sa majorité plus que précaire, qui ne tient qu’à un député.