Dans ce numéro d"À l'Affiche", Louise Dupont reçoit Jérémy Ferrari et Mamane. Les deux humoristes ont créé ensemble le CFA – le Comédie festival africain, un gala d'humour à voir à Paris et dans toute la France. Six one man show et spectacles sont au programme, réunissant les stars de l'humour africain, avec pour objectif la construction d'un pont entre la France et l'Afrique, par le rire.
par Tierno Monénembo
LE MALI BRÛLE-T-IL ?
Qui prend en charge, aujourd'hui, les questions de l'Afrique ? Des hommes liges au service d'intérêts étrangers, antagonistes aux nôtres, et qui n'ont rien pour l'Afrique, même pas le respect et l'affection !
Le Point Afrique |
Tierno Monénembo |
Publication 18/04/2019
On achève bien les chevaux dans le film de Sydney Pollack. On achève bien les symboles dans notre Afrique biaisée où plus rien n'a de sens. Cela commence au Rwanda, le seul (avec son frère jumeau burundais) État-nation du continent. On y parlait la même langue, croyait au même dieu, Imana, et pratiquait la même religion chrétienne, apportée par les colons, bref, le seul de nos pays à avoir parachevé son unité. Cela n'a pas empêché le génocide de 1994 : 1 000 000 de Rwandais morts par la bêtise de quelques-uns ! Aujourd'hui, c'est le tour du Mali, ce vieux pays dont nous sommes tous issus et qui fut pendant des siècles un modèle de diversité ethnique et raciale. D'où cela vient-il, notre propension à nous mépriser et à nous trucider, bref à faire le sale boulot à la place de nos pires ennemis ? Est-ce le traumatisme du passé, est-ce le laxisme sans pareil de nos guides bien-aimés et de nos présidents-professeurs ? Le traumatisme du passé, on finira bien par s'en guérir en revanche, l'incurie de nos dirigeants, elle nous mènera tous, droit au tombeau.
Hier au Rwanda, aujourd'hui au Mali : les mêmes criminelles manipulations, le même raccourci malsain du discours ! À Kigali, les victimes englobaient les Tutsis (tous les Tutsis !) et les Hutus modérés comme si le reste des Hutus étaient tous extrémistes, congénitalement génocidaires. Au Mali, ce serait une guerre entre Dogons et Peuls : les premiers, criminels et revanchards, les seconds, djihadistes et coupeurs de gorges. On sait depuis La Voix de la Révolution et Radio Mille Collines combien, chez nous, les mots peuvent tuer, plus toxiques que la ciguë, plus mortels que les balles. Méfions-nous du discours politique, cette langue de bois qui nous jugule, ce redoutable opium de nos peuples. Ne nous laissons pas égarer ! Le tribalisme et l'intégrisme islamique ne sont pas les causes de nos malheurs, ce sont les effets nocifs de la mal-gouvernance. La bonne gouvernance, la vraie – je veux dire le goût de l'équité et le souci de l'humain – tend à gommer le fanatisme, ethnique, racial et religieux. La diversité se vit mieux quand le chef du village ou de l'État a plus gros dans la tête qu'un grain de fonio.
Certes, aucune société ne baigne dans la quiétude et dans l'harmonie. Porteuse comme les autres de différences et de contradictions, l'Afrique a traversé les siècles, accablée de tourments et de convulsions. Cela, mon cousin dogon, Yambo Ouologuem, l'a génialement exprimé dans son roman, Le Devoir de violence. Tout groupe humain, fût-ce la cellule familiale, est un sac à problèmes. Et si l'on passe tant de temps à désigner des prêtres et des marabouts, et des sénateurs et des présidents, c'est bien pour les contenir au moins, à défaut de les abolir. Et c'est là tout le problème : qui prend en charge, aujourd'hui, les questions de l'Afrique ? Des leaders sans légitimité et sans consistance, qui aggravent nos problèmes au lieu de les diminuer ! Des hommes liges au service d'intérêts étrangers, antagonistes aux nôtres, et qui n'ont rien pour l'Afrique, même pas le respect et l'affection !
Y a-t-il un État malien ? C'est la seule question qui vaille ! Si oui, où est-il ? Nous sommes en droit de nous demander cela. Gao, Tombouctou et Kidal échappent à l'autorité de Bamako. Sans la Franceet son opération Barkane, sans la Minusma, toutes les localités du Nord seraient aujourd'hui sous la coupe des barbus. Au Centre, le chef de la Katiba Macina vit toujours en dépit des affirmations infondées du gouvernement malien, appuyées qui plus est par une déclaration solennelle de la ministre française de la Défense nationale au Palais-Bourbon ! Un État incapable d'arrêter un certain Amadou Koufa, un État qui sous-traite sa sécurité nationale à un groupuscule informel et incontrôlable comme Dan Na Ambassagou mérite-t-il encore ce nom ?
par El Hadji Gorgui Wade NDOYE
RENDRE À CHAQUE PEUPLE SA MÉMOIRE !
Quand des Africains avertis parlent du retour de leurs objets d’art volés par les colons pas uniquement français, du reste, c’est qu’ils veulent retrouver un pan de leur passé, le génie de leurs peuples pour mieux inscrire leurs actions dans le futur
El Hadji Gorgui Wade NDOYE |
Publication 17/04/2019
Les flammes de "Notre Dame" mettent la lumière aussi sur l’importance de la sauvegarde et de la restitution du patrimoine pour tous les peuples du monde.
Il y a aujourd’hui, plus que jamais, une nécessité absolue d’inscrire les mémoires, toutes les mémoires sur l’espace de la République ! Ce n’est pas qu’un bâtiment, du ciment, du fer, du bois mais derrière, Notre Dame en incendie suscitant une émotion planétaire légitime, il y a des humains le plus souvent oubliés qui ont entrepris ce travail ! Derrière cet édifice, il y a des histoires, l’expression muette marquée au marbre de la trajectoire d’une Nation, ses joies, ses peines, sa vie, sa mort, sa survie, son existence, sa gloire, ses doutes, son espoir, son espérance.
Je voudrais soutenir que les larmes qui ont accompagné ces flammes viennent des entrailles du peuple de France et des personnes non françaises reconnaissantes ayant visité cet édifice, ce basilique marqué sous le sceau du patrimoine universel. C’est dire que personne n’a le droit d’effacer la mémoire d’un peuple ! Personne n’a le droit de garder, de voler, de spolier l’âme d’un peuple.
Rendez-nous notre patrimoine : notre mémoire !
Quand des Africains avertis parlent du retour de leurs objets d’art volés par les colons pas uniquement français, du reste, c’est qu’ils veulent retrouver un pan de leur passé, le génie de leurs peuples pour mieux inscrire leurs actions dans le futur qui ne peut exister sans le passé-présent.
Ailleurs, on nous demande d’oublier l’esclavage. Ailleurs, on nous demande d’oublier la colonisation. Ailleurs, on nous ment, avec arrogance et irrespect. La gifle du père fouettard n’est jamais en loin ! Comme des enfants hagards, nous les fils aînés de la Terre, nous les premiers sur le Berceau de l’Humanité, comme si on avait en face un Papa pas cool qui donne une gifle bien sentie à son gamin en lui disant c’est te mettre du baume au coeur !
Pourtant la reconnaissance des mémoires participent à guérir aussi les souffrances, à créer des points de convergences, à susciter un dialogue utile pour l’entente de l’humanité une et multiple !
Par exemple, " Parler de l’esclavage, ce n’est pas faire de l’entêtement rétrospectif" pour reprendre les mots que m’avait confiés le grand philosophe Sénégalais Professeur Souleymane Bachir Diagne, enseignant à Columbia University, répondant à la grande bêtise de Nicolas Sarkozy, alors président de France, sur l"’Afrique n’est pas suffisamment entrée dans l’histoire". Vous voyez donc l’importance de la Mémoire dans l’Histoire des peuples !
Il est, rigoureusement, très important que les Africains soient les gardiens de leur propre mémoire ! Nous rendre nos oeuvres d’art, est nous rendre notre imaginaire !
Bachir Diagne poursuivait " pour l’avenir de ce continent, il est important que nous sachions gérer la mémoire" car martelait-il, "il y va de qui nous sommes, de ce nous voulons être dans le futur", lors d’un entretien exclusif, avec votre serviteur, en 2007, plus de 10 ans avant que l’actuel Président des Français, Emmanuel Macron ait eu la brillante idée de demander un Rapport sur "la restitution du patrimoine africain".
EXCLUSIF SENEPLUS - Il n’y a pas de rire africain et Mamane ne saurait en être l’ambassadeur - C’est encore une fois les expressions d’une double assignation, de ceux qui revendiquent ce qu’ils refusent qu’on leur attribue - INVENTAIRE DES IDOLES
La première fois que j’ai vu Mamane, c’était à la télé, sur France 2, au début des années 2000, dans l’émission « On a tout essayé » pilotée par Laurent Ruquier. Il y faisait quelques apparitions, plus ou moins régulières. On pouvait déjà remarquer son front imposant, sa silhouette mince de sahélien, son goût pour les manches courtes, qui lui donnaient un style bien à lui. Derrière l’apparente timidité, se cachait un fier luron, rapide à dégainer une blague, même s’il semblait un poil en retrait par rapports à ses autres collègues.
Il faut dire que dans la bande complice et composite de Ruquier, il faisait presque pâle figure : s’il ne faisait pas carrément tâche, il était comme un cheveu tombé dans la soupe. Il n’avait pas les codes de cet humour du quotidien, franchouillard, mis en boîte pour la TV, où des camarades rigolards, balancent vannes sur vannes sur fond de jeu questions/réponses sur l’actualité, de quizz sur la société et l’actualité. La marque de fabrique de l’animateur Laurent Ruquier, qu’il a fait prospérer en dénichant des talents, en en faisant aussi la promotion, avait trouvé en Mamane, un candidat à l’éclosion très atypique. Ambassadeur déjà d’un type d’humour connoté et identifiable, celui qui se nomme Mohamed Mustapha à l’état civil, était déjà le porte-flambeau d’un rire aux inflexions africaines, aux sujets bien « exotiques », il remplissait, pour ainsi dire, une case que l’émission n’avait pas et renouvelait l’offre pour le meilleur et…pour le pire.
Plus d’une fois, ma perception, très subjective, potentiellement incomplète donc, comme impatient de le voir briller, a été au bord du malaise tant les « blagues » du natif d’Agadez me paraissaient peu élaborées, voire peu spontanées, et pour le dire nettement : très laborieuses. Il se produit souvent en France ces phénomènes d’identification, quand un noir est promu. Une inclination naturelle chez nous autre noirs, formule des vœux silencieux de le voir réussir. Réflexe sans doute porteur d’un complexe inconscient, il dit en tout cas, cet inconfort inquiet de voir l’autre échouer, échec que par procuration, l’on vit que comme le sien. Mamane était moins complice avec les autres pensionnaires et cela se voyait. Il était différent et cela se voyait aussi. Si la différence permet souvent de rafraichir le semblable sclérosé dans sa suffisance et sa ritournelle, il peut déconcerter, quand il ne porte pas avec lui, un vent nouveau qui dépoussière sans décaper.
Mamane suscitait sur ce plateau des sentiments assez contraires, entre l’illégitimité potentielle, la nécessaire promotion de la diversité, la réalité d’un ensemble peu harmonieux. Son isolement était presque l’allégorie du temps compliqué de l’intégration en France quand la greffe tarde à prendre et qu’elle pendouille à côté. Pas que l’humoriste d’origine nigérienne fut moins talentueux que le reste, certainement pas, il était plus doué que beaucoup d’autres, mais il restait un goût d’inachevé. Le cadre, s’il n’est pas le bon, peut empêcher le talent d’éclore. Sur ce plateau, il ressemblait à un pianiste qui devait régaler avec un ballon de foot...
Depuis cette naissance à la TV grand public, Mamane en a fait du chemin. Rapide tour dans l’incubateur des talents de la diversité dans le Jamel Comedy club, agitateur d’humour à RFI, producteur de l’émission Le parlement du rire sur Canal + Afrique, l’humouriste est devenu en un temps record à la fois l’exportateur et l’importateur officiel du rire dit africain. A juger la trajectoire, on ne peut que se satisfaire d’un tel envol. Mais le Jamel Comedy Club donne à voir autre chose qui nous intéressera plus tard : la naissance d’une forme d’humour qui dit détruire les clichés en les maintenant. La différence, ethnique, raciale, religieuse est devenue la matière première d’un humour, qui en essayant d’échapper au corps dominant, réhabilite les clichés que l’on ne pardonne plus aux humoristes blancs. C’est presque drôle de se dire que le Jamel Comedy club était l’atelier de négrification ou d’arabisation, des types comme Michel Leeb dont les sketchs ont été vilipendés par racisme. Patson, pensionnaire de cette pépinière, ne faisait guère plus avec ses thèmes.
Sans doute le parallèle est-il grand, mais à le dire autrement, le marquage fort des accents, la moquerie des tares congénitales attribuées aux noirs, déjouent le racisme, car les porteurs de cet humour sont insoupçonnables avec le laisser-passer de leur mélanine. Il se crée naturellement des sujets autorisés ou non, et le talent n’est pas le baromètre de la légitimité mais l’identité. Cette bascule n’est sans doute pas anodine, elle suit le mouvement de la société. Le Jamel Comedy club qui a produit d’innombrables talents, et sans doute autant de ratés, a le défaut de sa qualité : il a créé une école dont les ambassadeurs sont pris dans des contradictions, voire pire. Il faut imaginer Régis Laspales et Philippe Chevalier faire des sketchs sur la république du Gondwana en reprenant tous les clichés malveillants sur les républiques africaines…
Dans une récente interview au Monde, Mamane affirme que son entreprise de promouvoir les talents africains est une manière de faire contrepoids à la « Françafrique ». Ce qui ne manque pas de faire sourire. Résumons : né à Agadez, se lance avec TV5, bosse avec Ruquier et Jamel, ensuite à RFI et Canal +, on ne peut faire plus France-Afrique. On notera d’ailleurs qu’il y a dans ce parcours plus de France que d’Afrique. Mais la Françafrique est devenue la cible moderne de tout ceux qui trempent dedans. On est passé juste en quelques décennies de Foccart à Rama Yade, de l’empathie négative à l’empathie positive. La Françafrique suppose, dans sa version évidente, les liens entre la France et l’Afrique, et vous seriez surpris de voir son étendue. A avoir le courage de l’attaquer, il faut aller jusqu’au bout. Elle n’est plus l’officine secrète des dominations, mais un vaste monde de relations, diplomatiques, économiques, humanitaires, sociales, conjugales, artistiques, sportives et autres, avec le cordon d’une dépendance qui place encore le sud en matière première (Mamane) et le nord en providence (France 2, RFI, Canal + Afrique).
Dans son projet de promouvoir l’humour africain en France avec le festival CFA (Comédie festival africain), Mamane s’est adjoint les conseils d’un humoriste français, Jérémy Ferrari. L’exportation du rire est en cours. L’humoriste dit quelque chose de juste dans cette interview : le rire n’est pas si universel que ça. Ce qui fait rire au Laos ne fait pas forcément rire à Rovaniemi. S’il reste des langages universels, des comiques de situation communs, l’humour reste ancré dans des territoires, des codes, des références, propres. Seul le talent, exceptionnel, peut souvent voler au-delà des barrières, mais il n’est pas donné.
Amateur d’humour sénégalais et de la série les Bobodioufs, j’avais remarqué deux choses : qu’il y avait bien des humoristes dans notre pays. Mais que l’humour comme spectacle produit, comme genre d’art à part entière, n’était pas dans les codes nationaux. Kucca, au Sénégal, faisait des apparitions télévisées et dans les téléfilms, l’humour était un allié mais pas l’objectif, un moyen pas une fin. Ce n’est pas pour rien que le one man show n’y a pas prospéré et ceux qui se sont essayé à Dakar en venant de France l’ont vite compris. Chez les Bobodioufs des premières saisons, Patrick Martinet, le réalisateur, avait réussi à capter l’air local pour l’habiller aux risques de tomber dans le loufoque et le grotesque. Le pari fut réussi même si l’essoufflement fut aussi prévisible.
L’humour et le rire restent des histoires de souveraineté, des histoires non aliénables. Beaucoup d’humoristes existent dans le continent sans obéir à aucun calendrier externe. Ce qui est assez fou, c’est de voir que Mamane, traité potentiellement d’agent du grand replacement en France est lui-même agent de la néo-colonisation en Afrique. C’est comme Aya Nakamura qui fait danser les villages de Casamance. Au fond, il importe les codes français de l’humour tout en se défendant de le faire. Avec son festival CFA, la généreuse idée de la promotion a un but commercial aussi, et surtout, il remet le centre de l’intérêt en France, où il est plus simple de faire recette car l’humour y a son économie. Autre curiosité, il dit vouloir implanter les humoristes africains en Afrique, dans une négation totale de ce qui existe bien avant tout en faisant son festival en France…
Il n’y a pas de rire africain et Mamane ne saurait en être l’ambassadeur. C’est encore une fois ici, les expressions d’une double assignation, de ceux qui revendiquent ce qu’ils refusent qu’on leur attribue. Au mieux de la contradiction, au pire de la schizophrénie. Mamane est français, promu France 2, sur RFI, Canal+, bientôt avec ses bébés à La Cigale. Employé sinon payé par Bolloré. Il n’a presque plus rien d’Agadez s’il ne l’a jamais eu une fois. Au rire noir qu’on nous propose, nous opposons un rire jaune. Celui contre le confusionnisme moderne où se glissent tous les faux combats qui font rigoler les vrais problèmes.
Les œuvres du scientifique, linguiste, sociologue et anthropologue sont méconnues des élèves - Beaucoup en effet, ne connaissent l’égyptologue que de nom
Fin mars dernier, des étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) se réclamant du « Mouvement carbone 14 » ont organisé une marche pour exiger l’enseignement des œuvres du célèbre savant sénégalais dans les programmes scolaires et universitaires. En plus de porter le nom de la plus grande université du Sénégal, Cheikh Anta Diop est considéré comme l’un des plus grands penseurs de l’Afrique. Le désir des étudiants témoigne de cette envie de la nouvelle génération de mieux se familiariser avec les livresde nos grandes figures historiques et scientifiques. Refondateur de l’histoire de l’Afrique par une recherche scientifique pluridisciplinaire, Cheikh Anta a tiré sa révérence le 07 février 1986. Toutefois, ses livres et activités restent encore peu connues aujourd’hui chez la plupart des jeunes.
Lycée Blaise Diagne. En ce début de matinée, un vent fort et poussiéreux souffle et agresse presque les yeux. L’ambiance des jours d’école n’est pas au rendez-vous dans cet établissement qui, d’habitude, grouille de monde. Les vacances de la Quinzaine de la jeunesse sont passées par là. Seuls quelques élèves de Première et de Terminale sont présents sur les lieux. Ils révisent ou suivent des cours de rattrapage. Parmi eux, certains affirment, en toute franchise, qu’ils n’ont aucune idée des thèses défendues par l’égyptologue. Son travail est encore considéré comme un mythe dans la conscience de ces apprenants. Coumba Badiaga, élève en classe de Terminale L’1A, en fait partie.« Je n’ai jamais étudié une œuvre de Cheikh Anta Diop. Ses ouvrages ne sont pas inscrits dans le programme. Mais, je sais au moins que c’est un homme politique », avoue-t-elle. Ses autres camarades embouchent la même trompette. Une situation qu’ils déplorent tout de même, car trouvant insensé d’étudier les œuvres littéraires de figures historiques étrangers, en lieu et place de certains livres d’érudits sénégalais comme Cheikh Anta Diop.
Au lycée Maurice Delafosse, le même décor s’offre à nous. Un calme y plat règne. Ici également, seuls quelques élèves du Club scientifique sont visibles dans la cour de l’école. Trouvé en pleine discussion avec ses camarades, un élève en Seconde SD, sous le couvert de l’anonymat, soutient que les œuvres de Cheikh Anta Diop ne sont pas inscrites au programme. Mais, en bon scientifique, il s’est débrouillé pour prendre connaissance de ses ouvrages, tels que « Nations nègres et culture », « Antériorité des civilisations nègres : mythe ou vérité historique ». «C’est à la bibliothèque du Centre culturel Blaise Senghor que j’ai eu à les lire parce que je voulais vraiment découvrir les écrits de ce grand scientifique pour pouvoir m’inspirer de lui », révèle le jeune élève, le sourire au coin des lèvres. Tout le contraire de Mamadou Sylla, élève en classe de Première S qui n’a pas une grande connaissance des travaux du dit chercheur.
Des clubs et cercles d’amis pour inverser la tendance
Il lui a fallu découvrir un pan du travail de Cheikh Anta pour demander à ce qu’on inscrive ses ouvrages dans le programme scolaire. « J’ai récemment découvert un de ses livres bilingues où il traduisait certains termes scientifiques en wolof pour montrer qu’on peut étudier la science en wolof. Je trouve que toutes ses œuvres doivent être inscrites au programme pour mieux aider les élèves à connaître le caractère multidimensionnel de Cheikh Anta Diop », indique le jeune Mamadou. D’ailleurs, le Club scientifique compte rendre un hommage au savant durant les journées scientifiques du lycée mixte Maurice Delafosse prévues le 4 mai prochain », dit-il.
Au lycée Lamine Guèye, c’est la même remarque. Mais ici, pour combler le vide, un cercle des amis de Cheikh Anta Diop a été mis en place par les élèves.
Un contenu parcellaire dans l’enseignement supérieur
Parrain de l’Université de Dakar, le travail de Cheikh Anta Diop est enseigné dans certains départements, souvent à partir de la Licence III. Par contre, au département d’Histoire, l’œuvre du professeur figure dans les programmes dès la Licence II/Section Egyptologie. Seulement, des voix en réclament davantage vu la dimension du savant. A la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Ucad, près de 32 000 étudiants sont inscrits. Mais,du fait des fêtes de la jeunesse, elle s’est un peu vidée d’une bonne partie de ses pensionnaires. Néanmoins, quelques étudiants y maintiennent le souffle de la vie. A notre passage au département d’Histoire, un des hauts lieux de diffusion des idées du Pr Cheikh Anta Diop, moins de dix étudiants étaient présents. Sur place, nous avons trouvé le Pr Alioune Dème. Interrogé sur la vulgarisation de l’œuvre de Cheikh Anta, il pense que des efforts sont faits dans leur département. D’après cet archéologue, dès la Licence II, les étudiants se familiarisent avec ses œuvres. « Il y a des cours sur lui en Licence II et III et en Master. C’est déjà quelque chose avec la Section d’Egyptologie », ajoute M. Dème.
« C’est le lieu de préciser que, pour le département d’Histoire, les idées de Cheikh Anta Diop sont enseignées depuis 1981, date de la levée des mesures qui le frappaient mais également date du retour de Babacar Sall, Babacar Diop et moi-même après une formation en France », révèle, pour sa part, le Pr Aboubacry Moussa Lam, enseignant audit département. Il est de ceux qui pensent qu’on devait enseigner l’œuvre de Cheikh Anta Diop dans les autres départements de l’Ucad. M. Lamplaide également pour la révision des contenus pédagogiques portant sur l’œuvre du savant. Secrétaire au département d’Histoire, Djiba Camara souligne qu’en première année, il y a des cours en Histoire moderne et contemporaine. « En Licence II, on enseigne l’œuvre de Cheikh Anta Diop,et tous les étudiants sont concernés. Pour la Licence 3, c’est la spécialisation», explique-t-il. Le Pr Dème exprime toutefois ses inquiétudes avec le départ à la retraite du Pr Lam, le seul titulaire en Egyptologie au département d’Histoire. « Si le Pr Lam part à la retraite en juillet prochain, ce sera la mort de l’Egyptologie au département d’Histoire », avertit-il.
Une pensée toujours incompréhensible
Lors d’une conférence animée en 2016, à l’occasion de la célébration de la disparition du savant, le Pr Babacar Sall, archéologue, avait déploré que l’actualité de la pensée de Cheikh Anta Diop reste toujours « incompréhensible » dans les esprits des Africains. « Les Noirs n’ont pas encore compris que leur devenir est lié à la connaissance de ce qu’ils ont été », avait martelé l’égyptologue. Pour quelqu’un comme l’historien et égyptologue congolais Théophile Obenga, qui a longtemps cheminé avec Cheikh Anta Diop, l’homme qui a donné son nom à l’Université de Dakar s’est fait distinguer par sa création de concepts. « C’est ma conviction, disait-il, car il a permis aux Africains d’assumer ensemble les combats ». Le disciple du chercheur regrette cependant cette « faiblesse conceptuelle qu’il y a chez les Africains », avec cette facilité qu’ils ont parfois à « s’approprier les choses des autres ». « A la lueur de l’analyse globale de son œuvre, on constate que Cheikh Anta Diop a sérieusement ébranlé l’idéologie européenne en démontrant scientifiquement l’origine monogénétique et africaine de l’humanité, l’origine africaine de la civilisation égyptienne, l’origine africaine du savoir grec sans oublier l’origine africaine des concepts philosophiques, des religions dites monothéistes », s’était réjoui Babacar Sall.
A la fois physicien, paléontologue, historien, anthropologue et linguiste, le savant sénégalais a démontré que l’Afrique était bien la première civilisation au monde. Un point de vue qui lui a valu de vives critiques en Occident et sur le continent. « L’œuvre intellectuelle de Cheikh Anta Diop nous révèle un vaste champ de connaissances précises et bien développées », avait soutenu le Pr Obenga. Son apport intellectuel dépasse de loin les cadres étroits que comprennent les classifications égyptologues, avait-il ajouté. Selon lui, le professeur fut aussi un scientifique méticuleux qui nous a laissé des chemins bien tracés dans des domaines aussi divers que la linguistique et la chimie, l‘économie politique et l’esthétique.
Encore des efforts à faire
Trouvée en face de la bibliothèque du département, Rougui Thiam, étudiante en Licence i, pense que le Sénégal doit faire beaucoup d’efforts,pour que l’œuvre du savant soit bien connue. Déjà, cette originaire de Ndendory,dans le département de Kanel, se félicite de sa présence dans le programme dès la Licence 2.
Etudiant guinéen ayant fait tout son cursus scolaire au Sénégal, Mamadou Saliou Barry, inscrit en Licence II au département d’Histoire, dit être fier de parler d’un grand savant, avocat du continent africain. « Pour son immense œuvre, Cheikh Anta Diop mérite plus de considération, notamment par la vulgarisation de son travail », estime-t-il. « L’œuvre de Cheikh Anta Diop n’est pas bien valorisée au Sénégal ; ce qui est dommage ! Elle est enseignée en classe de Terminale en philosophie et en Seconde en histoire. Mais, on peut faire plus », déclare Souleymane Diao, étudiant en Licence 1 en Histoire. Il souhaite que le travail de Cheikh Anta Diop soit au programme dès la Licence I. Un autre étudiant, en Master 2 en Histoirecette fois, prône, sous l’anonymat, un travail de vulgarisation dans d’autres départements de l’Ucad, à savoir en Géographie, Philosophie, Physique...
LABORATOIRE CARBONE 14
Immersion dans l’antre du savant
L’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) abrite le Laboratoire carbone 14, une réalisation du Pr Cheikh Anta Diop connue essentiellement en datation à des fins archéologiques.
Derrière l’imposant bâtiment de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), se trouve une petite bâtisse. Elle abrite le Laboratoire de carbone 14. Tout juste en face de l’entrée principale, une affiche est collée au mur. On peut y lire des détails sur sa date de création, en 1965, par Cheikh Anta Diop. « Ce laboratoire est le noyau d’un centre atomique des basses énergies où les techniques suivantes sont en cours d’application », lit-on sur l’affiche. « Le laboratoire est devenu fonctionnel en 1966 et les datations ont été faites jusqu’au début des années 1980. L’activité du laboratoire s’est arrêtée complètement en 1986, date de la mort de Cheikh Anta Diop », explique le Pr Maurice Ndèye, chef du labo. Selon lui, les travaux de recherche effectués portent essentiellement sur la datation à des finsarchéologiques, préhistoriques, géomorphologiques, hydro-chronologiques, géologiques, océanographiques, paléo-climatologiques, géochimiques, etc. Il y a aussi des mesures de faibles activités en vue de déterminer la pollution atmosphérique et océanique, la contamination de la végétation... Entre 1999 et 2001, le gouvernement sénégalais a donné son feu vert à la réhabilitation du laboratoire. Ceci a permis de restaurer le bâtiment, d’acquérir un nouvel équipement et d’avoir un laboratoire neuf et fonctionnel. « Les premières nouvelles datations commencèrent en 2003 après une calibration du compteur par les échantillons fournis par l’Aiea et l’Université Paris VI », renseigne-t-il. Après ces explications, M. Ndèye nous fait visiter les différents compartiments de cette structure où le savant sénégalais a passé une bonne partie de sa carrière. D’abord, la salle 1 qui est celle du prétraitement des échantillons. Ensuite, nous pénétrons dans la salle du musée. « Dans cette salle, on y retrouve tout le matériel qu’utilisait Cheikh Anta Diop. Il est devenu obsolète », dit-il. Ensuite, il y a la salle de prétraitement chimique où on traite la pollution marine. La salle de synthèse, comme son nom l’indique, reçoit les échantillons après le prétraitement. Enfin, il y a la salle de comptage où se trouve un compteur à scintillation liquide. « C’est dans ce compartiment que se pratique la datation, renseigne Maurice Ndèye qui dirige ce laboratoire depuis 2003.
Le Laboratoire de carbone 14 continue de recevoir des chercheurs, des enseignants et des étudiants. « Nous encadrons des étudiants. Chaque semaine, nous recevons aussi des élèves », note-t-il non sans préciser que l’infrastructure participe à l’animation scientifique de l’Ucad. D’ailleurs, le Labo a été choisi pour abriter la 22èmeConférence internationale sur le carbone 14 qui a eu lieu en 2015. « Depuis la découverte, par Frank Libby,en 1949, de la méthode de datation par le carbone 14, les spécialistes du genre se retrouvent, tous les trois ans, à l’occasion d’une conférence internationale, pour débattre des avancées des travaux et des découvertes dans ce domaine », informe M. Ndèye,soulignant que le Laboratoire participe régulièrement à ces rencontres. « De 2003 à 2012, notre laboratoire s’est distingué par des présentations scientifiques aux différentes conférences respectivement organisées par les villes de Wellington, Oxford, Hawaï et Paris », ajoute-t-il.
Même s’il fonctionne, fait savoir son chef, le labo est confronté à un problème de moyens. « Un laboratoire doit avoir un budget consistant. C’est un laboratoire de physique et de chimie, et cela demande beaucoup de moyens. Nous sommes régulièrement confrontés à des problèmes de budget », regrette le Pr Ndèye.
LE MINISTRE MAURITANIEN DES AFFAIRES ETRANGERES RASSURE LES SENEGALAIS
Ismaîla Cheikh Ahmet tente de rassurer les Sénégalais suite à la série de rafles et reconductions d’étrangers aux frontières mauritaniennes - En situation irrégulière, des étrangers en y compris des sénégalais sont expulsés chaque jour du territoire.
(Seneplus.com, Dakar) – Les sénégalais sont les bienvenus et le resteront toujours en Mauritanie, a assuré le ministre mauritanien des Affaires Etrangères, Ismaîla Cheikh Ould Ahmet au micro de la Radio Futurs médias.
Ce type d’incidents peut survenir par ci par là, ce sont des cas individuels, mais de manière générale les sénégalais sont les bienvenus et ces incidents n’affecteront pas les bonnes relations entre les deux pays, a-t-il assuré.
Il a donné l’exemple des accords de partage du gaz et des visites des présidents de part et d’autre. Le ministre mauritanien des Affaires Etrangères a évoqué d’autres questions liées à la coopération entre les deux pays.
JE NE CROIS PAS À LA RÉUSSITE INDIVIDUELLE
S’exprimant lundi lors de la cérémonie de passation de service avec ce dernier, Amadou Ba annonce qu’il compte s’inscrire "dans la même dynamique pour continuer la mission accomplie par son prédécesseur à la tête de la diplomatie sénégalaise
Dakar, 15 avr (APS) - Le nouveau ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur Amadou Ba se dit engagé "dans la même dynamique" que celle de son prédécesseur Me Sidiki Kaba, en vue de contribuer au rayonnement du Sénégal à l’international.
S’exprimant lundi lors de la cérémonie de passation de service avec ce dernier, Amadou Ba annonce qu’il compte s’inscrire "dans la même dynamique pour continuer la mission accomplie par son prédécesseur à la tête de la diplomatie sénégalaise".
Amadou Ba a également assuré qu’il ne ménagera "aucun effort" pour traduire en actes la vision diplomatique du président de la République Macky Sall.
Pour ce faire, il compte s’appuyer "sur l’ensemble du personnel du ministère’’ des Affaires étrangères, "les ambassadeurs, les consuls et vice-consuls".
"Je ne crois pas à la réussite individuelle", a assené le nouveau patron de la diplomatie sénégalaise.
Son prédécesseur, Me Sidiki Kaba, désormais ministre des Forces armées, invite son successeur à davantage œuvrer "pour faire de la diplomatie sénégalaise ce qu’elle a toujours été".
Me Sidiki Kaba a salué "le professionnalisme" et "la générosité" des ambassadeurs et consuls pour leur "franche collaboration" lors de son passage au ministère des Affaires étrangères.
Il a également rappelé à l’endroit de son successeur quelques principes portant notamment sur "la diplomatie de bon voisinage", avec la nécessité de maintenir autour du Sénégal.
L’ancien ministre des Affaires étrangères a également évoqué "la diplomatie économique et culturelle", se disant confiant concernant ce point, en ce sens que "la diplomatie économique" constitue selon Me Kaba "un prolongement du travail brillamment effectué" par son successeur à la tête du ministère de l’Economie et des Finances.
Me Sidiki Kaba a par ailleurs cité la diplomatie de paix et de sécurité, qui explique la participation du Sénégal dans les missions de maintien de la paix, dans la gouvernance mondiale et la défense de l’Etat de droit.
SIBETH NDIAYE, GRANDE GUEULE, GRANDE MUETTE
Elle était cerbère de la communication élyséenne, elle est désormais porte-parole du gouvernement - Son défi : dépasser les réserves des journalistes avec qui elle a entretenu des relations tumultueuses ces deux dernières années
Les Échos |
Elsa Freyssenet |
Publication 15/04/2019
Il faut imaginer la scène dans la salle des fêtes rénovée du palais de l'Elysée. Dix-sept conseillers démissionnaires écoutent le chef de l'Etat leur rendre hommage devant leurs familles. Une page se tourne et Emmanuel Macron « n'aime pas quand les gens partent ». L'existence de cette cérémonie, au soir du 8 avril, a été révélée par « Le Parisien ». Mais pas les mots que le président a réservés à Sibeth Ndiaye, son ancienne conseillère presse et communication récemment nommée porte-parole du gouvernement . « Tu devais retenir les informations et entretenir le mystère, maintenant il va te falloir petit-déjeuner, déjeuner et dîner avec les journalistes , » a-t-il dit, selon plusieurs témoins. A l'évocation de ses relations tumultueuses avec les médias, peut-être Sibeth Ndiaye a-t-elle ri (c'est ce qu'elle fait lorsqu'un interlocuteur touche juste). Elle était cerbère de la Macronie, elle doit devenir un porte-voix pédagogue. Emmanuel Macron aime lancer des défis à ses collaborateurs.
« Porte-parole du gouvernement, c'est un boulot de chien, » nous disait-elle fin janvier. Deux mois et demi plus tard, elle n'a pas changé d'avis : « En ce moment, j'ai l'impression de repasser mon BAC. J'apprends des fiches et des fiches. » Bosser les dossiers et manier les éléments de langage, elle sait faire… Mais à trente-neuf ans, l'ancienne conseillère ne passe pas seulement de l'ombre à la lumière. Elle va devoir incarner de la façon la plus avenante possible pour les Français un pouvoir, longtemps jugé arrogant, qui espère rebondir avec la sortie du grand débat national. Elle parle simplement, elle sait avoir l'oeil rieur et le sourire désarmant… « Il faut un porte-parole rond et enveloppant, pas exclusivement dans la riposte , » lui a conseillé Edouard Philippe. « Les gens ont besoin de générosité et de proximité, » lui a glissé Emmanuel Macron.
Cette promotion à ce poste exposé - « on est une cible, » dit-elle - a été la surprise du dernier remaniement. Elle était donnée partante depuis trois mois, dans le sillage d'Ismaël Emelien et de Sylvain Fort, les deux autres conseillers pilotant la communication de l'Elysée, et la voilà en première ligne. Cette « remontada » traduit à la fois un caractère - « Sibeth, c'est une warrior, » glisse Stanislas Guerini, le délégué général de LREM - et trois mois d'hésitation de la part du chef de l'Etat.
Macron y avait songé en 2017
L'idée n'a pourtant pas surgi à la dernière minute : en 2017 déjà, Emmanuel Macron avait songé à la nommer porte-parole de l'Elysée car il avait été « marqué », dixit un proche, par la manière dont elle « crevait l'écran ». Puis, au début de l'année 2019, il a envoyé un émissaire la sonder sur le porte-parolat du gouvernement. Elle n'avait pas répondu, elle voulait rester à l'Elysée pour s'occuper de stratégie.
Si bien que le jeudi 28 mars - soit trois jours avant le remaniement - le chef de l'Etat hésitait encore entre la confirmer dans ses fonctions auprès de lui ou en faire une secrétaire d'Etat. Il a tranché entre le vendredi et le samedi, en fonction des équilibres à respecter dans le gouvernement. « En une nomination, il a résolu trois problèmes : la parité, la diversité et sa communication, » résume un membre du premier cercle. Voilà pour la version terre à terre.
Il y aurait aussi une dimension affective : « A l'Elysée, elle était en bout de course, mais le président voulait montrer que ceux qui l'ont aidé peuvent rebondir, » dit un autre. Plus globalement, Emmanuel Macron a allié son confort (en l'occurrence la maîtrise de la communication gouvernementale via une fidèle) et son goût du symbole. Formulé par lui en privé, cela ressemble à un mea culpa : « Dans les deux premières années, j'ai insuffisamment réussi à changer le profil des gens lors des nominations, on a beaucoup reproduit les parcours classiques, plutôt masculins et issus des grands corps de l'Etat. »
« On s'est embourgeoisé, » a-t-il aussi regretté auprès d'un de ses amis. Il voulait déroger aux profils technos pour tenir compte de la crise des « gilets jaunes » et personnifier, via le choix d'une porte-parole franco-sénégalaise, son bras de fer avec le RN - un clivage central, pour lui, en période électorale.
Quelques semaines avant sa nomination, Sibeth Ndiaye a troqué ses tresses pour une coiffure afro, cheveux libérés et visage auréolé. Dans les années 1970, il se serait agi d'un geste politique, à la manière d'une Angela Davis. Aujourd'hui, la secrétaire d'Etat évoque un choix « beaucoup esthétique et un peu provocateur car je sais que cela interroge ». Il y a une dimension casting dans son entrée au gouvernement. Elle le sait, elle l'assume - il faut bien des rôles modèles - mais elle espère bien « apporter quelque chose au-delà du symbole . »
Elle a entendu les paroles rassurantes du juppéiste Gilles Boyer :« Dans ce job, tu feras des conneries et ce n'est pas grave. » Il y a eu aussi un avertissement décisif, celui d'Ismaël Emelien, qu'elle a consulté avant d'accepter le poste : « La marche va être super-haute, ne pense pas du tout que cela va être facile. » Elle a aimé l'idée : « Comme j'ai souvent l'esprit de contradiction, cela m'a beaucoup motivé. »
Melting-pot à elle toute seule
« Même pas peur » pourrait être sa devise si elle n'en avait hérité une autre, plus poétique, de sa famille : « Là où tu es, tu es à ta place. » Sibeth Ndiaye a grandi à Dakar dans la très grande bourgeoisie, avec domestiques et chauffeur, élevée par une mère présidente de la Cour constitutionnelle et un père numéro deux du parti d'Abdoulaye Wade. Ils s'étaient connus à Paris dans les cercles indépendantistes.
Sa mère était métisse (germano-togolaise), d'une famille riche et catholique ; son père, fils d'un tirailleur mort au combat, était pupille de la nation et musulman. Leurs quatre filles pouvaient choisir leur religion : Sibeth s'est fait virer des deux enseignements et finira athée. A la maison, on vénère d'abord les livres et on parle politique tout le temps. Quand elle arrive en France à quinze ans pour poursuivre sa scolarité au lycée Montaigne, dans le huppé 6earrondissement de Paris, elle est déjà un melting-pot à elle toute seule.
Le choc n'en est pas moins rude lorsque ses camarades de classe l'imaginent avoir grandi dans une case. Elle vient d'apprendre que son père se meurt d'un cancer. Elle bûche (beaucoup, toujours) et trébuche. Elle excelle en français mais ne fera pas la prépa scientifique à laquelle son père la destinait. Ce sera la fac et le syndicalisme étudiant, à l'Unef comme chef de file de la tendance strauss-kahnienne minoritaire.
Elle y fait ses classes et s'y constitue un réseau avant de rejoindre le PS en 2002. En 2008, Claude Bartolone la repère et l'appelle au Conseil général de Seine-Saint-Denis. De ces années là, l'ancien député PS Christophe Borgel garde un souvenir : « Les discriminations et la question sociale, ces sujets-là comptaient vraiment pour elle. » Et Mathieu Hanotin, l'ancien directeur de campagne de Benoît Hamon, avec qui elle est restée amie, affiche une certitude : « Le gouvernement est de droite mais pas elle. »
La misère, Sibeth Ndiaye en prend conscience dès l'enfance lorsque son père l'emmène distribuer des vivres aux mendiants et aux lépreux. Aujourd'hui encore, au fur et à mesure qu'elle raconte ces expéditions, qu'elle se remémore le tintement des pièces de monnaie dans les boîtes de conserve des enfants des rues, l'émotion monte. Sa voix s'étrangle et ses yeux s'embuent. « Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi j'avais tout et d'autres n'avaient rien, j'étais scandalisée. »
Pro-Macron avant tout
L'indignation est toujours présente, mais on ne saurait conclure sur la nature de ses convictions économiques et sociales. Ce n'est pas son passage sans transition, à Bercy, du cabinet d'Arnaud Montebourg à celui d'Emmanuel Macron qui est troublant (tout le monde a besoin de travailler). C'est sa manière de défendre bec et ongles toutes les initiatives du chef de l'Etat. Sans nuances et au-delà du raisonnable parfois.
Comme la séquence du « pognon de dingue » qu'elle a postée l'an dernier sur son compte Twitter, après validation au sommet. Polémique, la vidéo a plombé l'annonce du reste à charge zéro, mesure sociale du quinquennat. Mais, dans les mois qui ont suivi, la questionner sur le sujet, c'était s'entendre dire qu'on avait une écoute réductrice de la « pensée complexe » - l'expression vient d'elle - du président.
« Mon job c'était de tenir la ligne. Si moi je ne le fais pas, qui le fait ? » dit-elle aujourd'hui. Sa collègue de gouvernement Marlène Schiappa avance une explication complémentaire : « Sibeth et moi sommes issues de la gauche, mais on est En marche et pro-Macron avant tout. »
Entre Sibeth Ndiaye et Emmanuel Macron, « une relation personnelle » s'est nouée en 2015 par un cadeau et une attention. Le cadeau, c'est un livre de Roland Barthes offert par le ministre à sa conseillère qui venait de perdre sa mère. Et l'attention a eu lieu après une crise de larmes au Salon du Bourget. Sibeth Ndiaye se faisait systématiquement barrer la route par le service de sécurité, contrairement aux conseillers blancs en costume ; elle, la conseillère presse, ne pouvait accéder à son ministre. « Tu portes toute ta vie le fait d'être une femme noire , » dit-elle à son patron. Il lui a alors longuement serré la main en la regardant intensément et « je me suis attachée à lui , » dit-elle.
Rigolote et tranchante
Sibeth Ndiaye est un curieux mélange d'indignation et de discipline, tour à tour rigolote et tranchante, à la fois attachante et énervante. Pendant la campagne présidentielle puis à l'Elysée, c'est elle qui maquillait une à deux fois par jour Emmanuel Macron. Dans ces moments-là, elle lui parlait sans détour (elle est réputée pour cela).
On le sait peu mais le très polémique dîner de la Rotonde, où le candidat a semblé célébrer sa victoire dès le soir du premier tour de la présidentielle, avait été très discuté dans l'équipe de campagne. Lors d'un déjeuner quelques jours avant le premier tour, ils sont plusieurs à monter au créneau dans l'espoir de faire annuler la fête. Au dire des participants, Ismaël Emelien est le plus cassant - « c'est une faute » - et Sibeth Ndiaye la plus acharnée, revenant plusieurs fois à la charge face à un candidat qui cherche à clore le sujet. Les souvenirs de Nicolas Sarkozy et du Fouquet's sont évoqués en vain.
Et pourtant, quand le dîner fait effectivement scandale, l'équipe d'Emmanuel Macron engueule les journalistes. Franchise en interne mais tolérance zéro à l'égard des critiques externes. « On a rejeté la gauche, la droite, les syndicats et les médias , » reconnaît un ancien membre de l'équipe. Tous des corps intermédiaires impopulaires, rien que des survivances de l'ancien monde…
Le chef de l'Etat ne veut pas de récits coulisses (pour rompre avec la présidence Hollande et imposer une image jupitérienne), son stratège Ismaël Emelien ne jure que par le passage par les réseaux sociaux et la production d'images maison et Sibeth Ndiaye est en première ligne. Elle distille au compte-gouttes même les informations les plus basiques. « Le verrouillage, c'est vrai, j'assume complètement , » dit-elle.
Tous les médias et tous les journalistes ne sont pas logés à la même enseigne (en fonction des sujets et des utilités), mais nombre d'accrédités à l'Elysée, ceux qui suivent le chef de l'Etat au jour le jour, enragent. Ils doivent se battre pour conserver leur salle de presse avec vue sur la cour de l'Elysée.
Mensonges et défiance
La défiance s'installe… « L'ennui quand les oppositions sont à la ramasse, c'est que les opposants c'est vous , » dit-elle un jour à une journaliste. « Vu ton papier, tu n'es pas près de faire partie du prochain pool , » lance-t-elle une autre fois à un accrédité. Souvent, on a entendu que « ces histoires n'intéressent pas les Français ». Peut-être, tant que tout va bien. Mais plus après l'affaire Benalla et la crise des « gilets jaunes ».
La nouvelle porte-parole en est consciente : « Je vais devoir me faire connaître des Français en ayant un passif. » Le journalisme politique n'a jamais été un monde de Bisounours : les pressions et même le mensonge - « assumé » par Sibeth Ndiaye « pour protéger le président » - existaient déjà sous d'autres mandatures. Si l'on excepte les mensonges d'Etat (hors catégories), tout est affaire de gradation dans cette relation où personne n'est dupe et chacun joue sa crédibilité.
Et dans la soirée du 5 décembre 2018, en pleine crise des « gilets jaunes », alors que des journalistes cherchent à savoir si la taxe carbone est « suspendue » jusqu'au printemps ou « abandonnée » pour toute l'année - Edouard Philippe a utilisé les deux termes à quelques heures d'intervalle -, la conseillère du président leur transmet une citation du Premier ministre où figure un mot en lettres capitales : annulée. C'est alors la ligne du chef de l'Etat mais absolument pas le mot utilisé par Edouard Philippe.
Publier une citation contrefaite aurait été une faute professionnelle pour ces journalistes (qui ont vérifié et se sont abstenus). Sibeth Ndiaye plaide « une erreur dans les échanges de SMS avec Matignon à la fin d'une journée de folie ». Et cette journée avait, il est vrai, été chaotique. Mais s'est-elle ensuite excusée auprès des destinataires qu'elle a failli décrédibiliser ? Alors qu'on lui pose la question, elle sursaute. Elle n'y avait pas songé.
L’ETAT EST UN PARTENAIRE DES SÉNÉGALAIS DE L’EXTÉRIEUR
’’oeuvrer pour que les Sénégalais qui sont dans les quatre coins du monde puissent sentir qu’ils ont un Etat stratège, un Etat partenaire’’ - Les premiers mots de Moïse Diégane Sarr
Bicol, (Fatick) 15 avr (APS) - Le Secrétaire d’Etat chargé des Sénégalais de l’extérieur, Moïse Diégane Sarr, entend ’’oeuvrer pour que les Sénégalais qui sont dans les quatre coins du monde puissent sentir qu’ils ont un Etat stratège, un Etat partenaire’’.
M. Sarr, nommé Secrétaire auprés du ministre des Affaires étrangères, chargé des Sénégalais de l’extérieur, s’exprimait, dimanche, lors d’une visite à Bicol (Diarrère), son village d’origine, où les populations lui ont réservé un accueil chaleureux.
’’Un Etat partenaire’’ est ’’un Etat qui les implique parce qu’ils sont des Sénégalais à part entière, et en cas de besoin, la République est là pour porter secours et assistance’’, a-t-il expliqué.
’’Voilà la maxime qui va fonder notre action, à la tête du Secrétariat d’Etat avec le soutien de tous’’, a précisé M. Sarr qui compte également aider ’’les enfants nés de cette immigration qui souhaiteraient connaitre le Sénégal, les aider à faire du Sénégal leur mère-patrie’’.
’’Nous irons également à la rencontre des jeunes cadres dans les grandes entreprises, les écouter et voir ensemble leur implication dans la construction d’un Sénégal émergent’’, a-t-il poursuivi.
’’Nous devons, a-t-il encore relevé, faciliter les procédures pour permettre aux sénégalais de l’extérieur d’accéder à un toit, par la mise en place d’une banque de la diaspora’’.
’’Nous devons également assister les Sénégalais en prison à recouvrir la liberté en outillant davantage les consulats’’, a-t-il encore souligné.