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27 avril 2025
Economie
LA PAGAILLE DES HORS-LA-LOI
Faire en sorte que l’exploitation des hydrocarbures n’ait pas d’impacts négatifs sur l’environnement est un défi que les autorités devront réaliser. La récente fuite de gaz des champs gaziers de GTA, à Saint-Louis, montre que le risque est latent
Faire en sorte que l’exploitation des hydrocarbures n’ait pas d’impacts négatifs sur l’environnement est un défi que les autorités devront réaliser. La récente fuite de gaz des champs gaziers de Grande Tortue Ahmeyim (GTA), à Saint-Louis, montre que le risque est latent. Déjà, l’extraction des mines a causé d’importants dégâts à l’environnement, dans les différentes zones minières au Sénégal. D’ailleurs, entre décembre 2023 et septembre 2024, aucune des 484 nouvelles demandes d’exploitation minière soumises ne respecte la réglementation en vigueur.
La fuite de gaz dans les champs gaziers de Grande Tortue Ahmeyim (GTA), à Saint-Louis, quelques mois seulement après le démarrage officiel de l’exploitation, le 31 décembre 2024, remet sur la table la problématique de l’impact de l’exploitation des hydrocarbures sur l’environnement. L’Etat et l’entreprise British Petroleum (BP) ont annoncé, tout de même, la réparation de la fuite. «Ce mercredi 12 mars 2025, l’Opérateur du projet gazier GTA, BP, a notifié la réussite de l’installation de l’équipement réparant le puits A02 sur lequel une fuite avait été notifiée depuis le 19 février 2025», annonçait un communiqué du ministère de l’Energie, du Pétrole et des Mines. Le même document signale, par ailleurs, «que les tests et les observations réalisées indiquent l’absence de fuite. Les images satellitaires, prises après l’intervention, n’ont pas révélé de présence de bulles ou de condensats à la surface de l’eau», confirmant ainsi la réparation de la pièce défectueuse. L’impact de l’exploitation du gaz à Saint-Louis nourrit les craintes des pêcheurs artisanaux. Au temps, la Direction de l’Environnement et des Etablissements classés (DEEC), actuelle Direction de la Réglementation environnementale et du Contrôle (DREC), avait sollicité la Commission néerlandaise pour l’Evaluation environnementale (CNEE) aux fins de donner un avis indépendant sur l’Etude d’impact environnemental et social (EIES) du Projet de production de gaz naturel liquéfié (GNL) Grand Tortue / Ahmeyim. L’objectif principal était d’obtenir un avis externe sur les mesures proposées par les opérateurs pour l'atténuation ou la suppression des impacts afin de protéger l'environnement et, en particulier, les ressources halieutiques, la biodiversité et le littoral. Cet avis indépendant visait à favoriser une prise de décision informée sur l’octroi du permis environnemental. Par ailleurs, l’avis devrait contribuer à l’Évaluation environnementale stratégique (EES) du secteur pétro-gazier offshore.
Selon cette commission néerlandaise, l’Etude d’impact environnemental et social (EIES) du projet GTA a tenu compte d’une grande quantité́d’informations pertinentes qui devraient permettre des propositions de gestion argumentées et basées sur de bonnes connaissances. Néanmoins, la commission néerlandaise estime que ces informations ne sont pas toujours complètes et qu’elles n’ont pas été suffisamment exploitées. Ce constat a entrainé, selon toujours la commission, une analyse insuffisante du milieu marin et côtier, de la socio- ́economie de la sous-région de la zone du projet ainsi que de sa vulnérabilité́ face aux impacts liés au projet. Elle a constaté que l’EIES est incomplète sur les raisons des choix qui ont été́ faits dans la conception du projet. Ces lacunes dans l’information, l’analyse et la justification des choix, rendent difficiles une appréciation de la magnitude d’impacts et la pertinence des mesures de mitigations proposées. La prise en charge des inquiétudes de cette commission et des appréhensions communautaires reste un mystère. De même, note la source, l’exploitation du gaz de Saint-Louis a été lancée sans qu’une grande communication ne soit faite sur les mesures prises pour réduire les impacts environnementaux. Au même moment, un peu plus loin, l’exploitation du pétrole de Sangomar a, elle aussi, démarré et devra être conciliée avec les activités des insulaires du Delta du fleuve Saloum notamment celles de pêcheurs artisanaux, des femmes transformatrices de produits halieutiques, et la cueillette de fruits de mer, etc.
L’exploitation minière à l’origine d’un désastre écologique
Bien avant le début de l’exploitation des hydrocarbures, les ressources minières sont extraites dans plusieurs régions du Sénégal, dans des conditions qui ne respectent pas toujours la préservation de l’environnement. Dans la zone de Mboro, les populations se plaignent de pertes d’espaces agricoles, dues à des multinationales qui exploitent les terres pour extraire des minéraux, sans procéder à la réhabilitation nécessaire, contrairement aux exigences du Code de l’Environnement. Il en est de même dans plusieurs autres parties du pays. En novembre 2023, il est ressorti d’une étude de la Direction des Mines, notamment un audit des Plans de gestion environnementale (PGES) pour l’opérationnalisation du Fonds de réhabilitation des sites miniers et des carrières, que moins de la moitié des carrières a fait l’objet d’une Etude d’impact environnemental et social (EIES), soit 47% des projets de carrières, tandis que 44% de ces derniers ne disposent pas d’études et 9% ont des EIES en cours (rapport non encore validé par l’administration environnementale).
Pour les carrières n’ayant pas fait l’objet d’une étude d’impact environnemental, il s’agit notamment de celles antérieures à la loi N°2001-01 du 15 janvier 2001, portant Code de l’Environnement qui exige la réalisation d’une étude d’impact environnemental avant la mise en œuvre de tout projet miner. L’inexistence d’une EIES étant liée, selon le rapport, au manque d’informations des promoteurs sur l’obligation de réaliser, préalablement à toute activité, une étude d’impact environnemental. Comme explications, l’étude fait ressortir que certains promoteurs ont plusieurs autres carrières appartenant au même titre et ils pensent qu’il suffit d’en faire l’étude d’une seule carrière pour couvrir l’ensemble du titre. Pour les petites mines n’ayant pas fait l’objet d’une évaluation environnementale, sept (7) se trouvent dans la région de Kédougou, deux (2) à Thiès, deux (2) autres à Matam dont l’une est à Ndendory. Une autre mine se trouve à Bakel, dans la région de Tambacounda.
S’agissant des concessions minières qui n’ont pas fait l’objet d’une évaluation environnementale, on les retrouve à Thiès : deux (2) dont l’une se trouve à Darou Khoudoss, l’autre à Thicky. Il y a aussi une installation dans la Falémé à Kédougou. Pour les carrières qui n’ont pas fait l’objet d’une évaluation environnementale, plus d’une trentaine se trouve dans la région de Thiès. Trois (3) sont dans la région de Tambacounda, à Koussanar. Bafoundou et Marougoukoto sont aussi concernés. A Kédougou, on en dénombre quatre (4) : Mako, Ibel Ndebou et Dimboli. Dans la région de Dakar, Ndoukhoura Wolof accueille aussi une installation qui n’a pas fait l’objet d’une étude environnementale. A côté, il y a des carrières dont les études d’impact environnemental sont en cours. On en retrouve trois (3) dans la région de Thiès. Elles sont à Thiès, Ngoundiane et Ndébou. Neuf (9) sont dans la région de Kédougou, à Tomboronkoto, Saraya, Wassadou et Mako.
Bref, ce qui est constant dans l’étude, c’est que l’existence d’un plan d’impact environnemental ne garantit pas la disponibilité d’un plan de réhabilitation. 47% des carrières qui ont fait l’objet d’une EIES n’ont pas de plan de réhabilitation budgétisé. D’après le document, l’absence de plans de réhabilitation de certaines évaluations environnementales peut s’expliquer par le fait que l’élaboration d’un plan de réhabilitation au sein des rapports d’EIES est absente de la loi portant Code de l’Environnement en vigueur. Toutefois, des efforts de réhabilitation sont entrepris par des compagnies. A côté des compagnies, l’exploitation traditionnelle de l’or est à l’origine d’une pollution de la Falémé, obligeant l’Etat à prendre la mesure d’interdiction de la pratique de l’orpaillage sur un rayon de 500 m du cours d’eau.
Diomaye actionne son gouvernement
A signaler que la réhabilitation des sites miniers, après exploitation, est une directive de la législation sénégalaise. Un Fonds de réhabilitation des sites miniers est instauré depuis 2003, mais il n’est pas fonctionnel car n’étant pas alimenté. L’alimentation de ce fonds n’a commencé que ces dernières années. La somme mobilisée n’est pas trop importante et s’estimait, en 2023, à 1,5 milliard. Certains exploitants refusent de se soumettre à la loi, sous prétexte que leurs contrats n’intègrent pas cet aspect, car antérieurs à son adoption. L’éclaircie dans la grisaille est que les nouvelles autorités semblent avoir pris conscience du problème En Conseil des ministres du 29 janvier 2025, le gouvernement a souligné que «l’exploitation des ressources minières dans plusieurs localités du pays ne participe pas activement au développement territorial et ne profite pas aux populations locales». Voilà pourquoi, a informé le communiqué de ce Conseil des ministres, «le Président de la République a demandé aux ministres en charge des Mines, des Collectivités territoriales, des Finances, de l’Économie et de l’Environnement de procéder, sous la supervision du Premier ministre, à l’évaluation nationale de l’impact économique, social et environnemental de l’exploitation minière sur le développement des localités polarisées».
Mieux, le président de la République avait indiqué, «l’urgence de faire le point sur le Fonds d’Appui au Développement des Collectivités territoriales et les investissements en infrastructures sociales de base issus des prescriptions du Code minier ». Par ailleurs, le président Bassirou Diomaye Faye a demandé au gouvernement, «de définir avec les acteurs territoriaux un mécanisme consensuel d’amélioration des relations entre les sociétés minières et les populations à travers la préservation de l’environnement et du cadre de vie, la promotion des emplois locaux et un meilleur encadrement de la Responsabilité sociétale d’Entreprise (RSE)».
L’impact de l’exploitation des ressources extractives sur l’environnement est aussi revenu dans les discussions du Conseil des ministres du 12 mars 2025. Tout en soulignant que la transparence dans la gouvernance des ressources naturelles demeure une exigence prioritaire de l’Etat, le président de la République a rappelé «son attachement au bon fonctionnement du Comité national de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries extractives (ITIE Sénégal) et au renforcement permanent de ses moyens d’intervention dans le cadre de l’exécution de ses missions». Le président Diomaye Faye a demandé à son gouvernement «de prendre toutes les mesures requises, en relation avec ITIE Sénégal, en vue de satisfaire aux nouvelles exigences de la norme ITIE 2023 en perspective de la prochaine validation du Sénégal dont le démarrage est prévu en juillet 2025 ».
Mieux, le Chef de l’Etat est revenu sur «l’importance de veiller à la gestion optimale des impacts environnementaux et sociaux de l’exploitation minière et pétrolière sur le bien-être des populations». Il a, à ce sujet, requis un bilan des Fonds miniers d’appui et de péréquation des Collectivités territoriales, ainsi que du Fonds de réhabilitation des sites miniers. Il a chargé les ministres impliqués de tenir, sous leur présidence effective, des revues sectorielles avec le Comité national ITIE afin de mieux préparer le processus de validation du Sénégal et d’informer les citoyens et l’ensemble des parties prenantes sur la gouvernance du secteur extractif.
484 demandes d’autorisation d’exploitation enregistrées non conformes et 71 demandes de renouvellement sur 77 déposees hors-la-loi
En attendant, le ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, Biram Soulèye Diop, a révélé jeudi dernier, 20 mars 2025, qu’aucune des 484 nouvelles demandes d’exploitation minière soumises entre décembre 2023 et septembre 2024 ne respecte la réglementation en vigueur. S’exprimant lors d’un atelier consacré à la relance du hub minier régional, dans le cadre de son alignement avec l’Agenda de transformation 2050, le ministre a, par ailleurs, précisé que sur les 77 demandes de renouvellement déposées, seules 06 répondent aux exigences légales. «Tout le reste est hors la loi», a-t-il affirmé, enjoignant les entreprises concernées à se conformer aux règles en vigueur. Évoquant la répartition des titres miniers, Biram Soulèye Diop a informé que «41% des titres et autorisations sont délivrés entre la région Est et Dakar». Le même taux est octroyé dans la région de Thiès
Dès lors, il a annoncé une démarche de transparence et de réorganisation du secteur, pour une meilleure connaissance et maîtrise des activités minières par ses équipes, tout en identifiant l’ensemble des détenteurs de titres, la «mise en place des commissions chargées de collecter et d’analyser les informations nécessaires afin de permettre à l’État de disposer de données fiables sur le secteur». Cela suppose une revue exhaustive de l’intégralité des titres miniers depuis 1959. «Le rapport a été transmis au président de la République et au Premier ministre», a-t-il conclu.
LE FMI RASSURE SUR LA VIABILITÉ FINANCIÈRE DU SÉNÉGAL
Malgré un niveau de dette avoisinant 100 % du PIB, le pays reste en mesure d’honorer ses engagements financiers, a affirmé Edward Gemayel, chef de mission du FMI. Il a souligné que le pays n’a pas sollicité de restructuration.
La dette du Sénégal reste ‘’viable’’, en dépit du fait que selon le rapport de la Cour des comptes, son niveau a atteint presque 100 % du produit intérieur brut (PIB), a assuré le chef de mission du Fonds monétaire international (FMI) pour le Sénégal, Edward Gemayel.
Malgré un ratio de presque 100% du PIB, la dette du Sénégal demeure ‘’toujours viable’’, a indiqué M. Gemayel dans des propos rapportés par le site du Soleil.
Selon le site d’information qui s’appuie sur une interview qu’il a accordée au quotidien national, le gouvernement sénégalais est toujours ‘’capable d’honorer le service de la dette et n’a pas sollicité à ce jour une restructuration’’.
La mission du Fmi séjourne à Dakar du 18 au 26 mars en vue de finaliser un nouveau programme d’aides avec le Sénégal, qui facilitera le déblocage des financements.
Dans son rapport définitif sur la situation des finances publiques entre 2019 et mars 2024, publié en février dernier, la Cour des comptes avait estimé le montant de la dette publique du Sénégal à la fin de l’année 2023 à 99,67 % du PIB, contre 73,6%, selon l’ancien régime.
La Cour des comptes avait ainsi confirmé les allégations faites par le gouvernement en septembre dernier, selon lesquelles des ‘’données erronées’’ ont été publiées entre 2019 et 2023, concernant la dette et le déficit publics du Sénégal.
Le Sénégal travaille à obtenir une dérogation du FMI
Le Chef de mission du FMI attend de prendre davantage connaissance du rapport de la Cour des comptes, d’échanger avec les autorités et d’identifier des ‘’mesures correctrices’’.
Le soleil.sn rapporte que Edward Gemayel a déjà indiqué que les investisseurs sont ‘’très rassurés’’ par l’exercice de transparence auquel s’est livré le gouvernement.
Gemayel a indiqué que les autorités sénégalaises travaillent dans le sens d’obtenir une dérogation et ont déjà proposé une série de mesures correctrices, en plus de celles identifiées par le rapport de la Cour des comptes, annonçant que le prochain programme devrait refléter les priorités de l’agenda Sénégal 2050.
L’ancien Président, Macky Sall, avait contesté les accusations de falsification de chiffres par son gouvernement.
‘’J’ai laissé un pays où les indicateurs étaient au vert. Le Fonds monétaire international a confirmé cela, un mois après que j’ai quitté le pays’’, avait-il soutenu.
LES POLITIQUES DE FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE DE L’OUEST DOIVENT EVOLUER
Ex-Directeur Exécutive Adjoint pour Open Society Africa et Directeur Exécutif de Open Society Initiative for West Africa (OSIWA), Dr Ibrahima Aidara apporte sa réflexion sur la problématique globale des politiques de financement du développement en Afriqu
Ex-Directeur Exécutive Adjoint pour Open Society Africa et Directeur Exécutif de Open Society Initiative for West Africa (OSIWA), Dr Ibrahima Aidara est un économiste sénégalais qui travaille depuis longtemps sur les questions de financement pour le développement, les politiques publiques, les innovations ainsi que la mise en relation des communautés locales avec les politiques et programmes nationaux et internationaux. Dans cet entretien, il apporte sa réflexion sur la problématique globale des politiques de financement du développement en Afrique de l’Ouest : aide internationale contre financement interne.
Quelle lecture faites-vous de la situation économiste actuelle de l’Afrique ?
L’Afrique de l’Ouest, une région riche en ressources naturelles et en potentiel humain, fait face à des défis de développement complexe : inégalités économiques croissantes, infrastructures insuffisantes, gouvernance fragile et insécurité persistante, notamment dans les pays du Sahel. Afin de surmonter ces obstacles et d’assurer un développement durable, la région s’appuie à la fois sur l’aide internationale et sur des financements internes. Cependant, ces deux formes de financement soulèvent des questions de pérennité, d’efficacité et de souveraineté, ce qui exige une réflexion approfondie sur les meilleures stratégies à adopter.
L’Aide Internationale est un pilier du développement mais n’est-elle pas une dépendance risquée ?
L’aide internationale a historiquement joué un rôle central dans le financement du développement en Afrique de l’Ouest. Cette aide provient de plusieurs sources : les États-Unis, l’Union européenne, les institutions multilatérales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), ainsi que de pays émergents comme la Chine et le Brésil. Cette aide, qu’elle soit humanitaire, technique ou financière, a permis de financer des projets cruciaux dans les domaines de la santé, de l’éducation, des infrastructures et de la sécurité alimentaire. Par exemple, au Nigéria, le programme PEPFAR (President’s Emergency Plan for AIDS Relief) des États-Unis a injecté des milliards de dollars dans le secteur de la santé, particulièrement dans la lutte contre le VIH/SIDA, ce qui a contribué à la réduction du taux de mortalité liée à cette maladie.
La Chine, à travers le Forum sur la Coopération Sino-Africaine (FOCAC), a financé plusieurs projets d’infrastructures en Afrique de l’Ouest, notamment la construction de routes, de ponts, de chemins de fer, et de ports. Un exemple marquant est le projet ferroviaire Abidjan-Ouagadougou, financé en grande partie par des prêts chinois, qui a amélioré la connectivité et stimulé le commerce intra-régional. Plusieurs autres projets ont été mis en œuvre dans le domaine de l’aide alimentaire, dans des pays comme le Mali et le Burkina Faso, où des sécheresses prolongées ont mis en danger la sécurité alimentaire. L’aide internationale a permis de fournir de l’aide d’urgence à des millions de personnes en situation de crise alimentaire.
Les conditions de cession de cette aide ne s’opposent-elles pas souvent à la mise en œuvre des politiques publiques nationales ?
L’aide internationale pose plusieurs défis majeurs. L’une des principales préoccupations est une dépendance économique et politique accrue, limitant l’autonomie des pays bénéficiaires. De plus, les conditions contraignantes imposées par les donateurs, souvent inadaptées aux réalités locales, peuvent entraver la mise en œuvre de politiques publiques nationales. Dans de nombreux cas, elle affaiblit les politiques publiques nationales, qui sont parfois vidées de leur substance souveraine au profit des intérêts des bailleurs de fonds. Malgré les milliards de dollars investis, l’Afrique de l’Ouest demeure l’une des régions les plus pauvres au monde, ce qui interroge l’efficacité de cette aide et la nécessité d’explorer des alternatives plus viables.
Quelle est selon vous la voie vers une plus grande souveraineté économique ?
Dans un des rapports que j’ai coordonnés à OSIWA en 2016, portant sur « la mobilisation des ressources domestiques, à travers la lutte contre les flux financiers illicites », nous démontrions que l’Afrique de l’Ouest a atteint un stade critique de son développement. Des décisions importantes devraient être prises afin de réduire la dépendance vis-à-vis de l’aide étrangère, accroître les investissements publics dans les initiatives de développement et réduire l’extrême pauvreté. Contrairement au narratif sur l’importance de l’aide internationale à l’Afrique, ce rapport a montré que la fuite des capitaux hors de la région est autrement beaucoup plus importante que l’aide reçue.
Le rapport révélait que les pertes dues aux prix de transfert abusifs sont passées de 11 milliards USD en 2011 à 78 milliards USD en 2018. Cette situation a entraîné une baisse des recettes publiques de trois milliards de dollars en 2011 à 14 milliards USD en 2013. Même si ces chiffres sont parfois contestés, ils sont néanmoins révélateurs. Il est impératif que nos États opèrent un changement de paradigme, afin de mettre fin à une perte de capitaux se chiffrant à plusieurs milliards, voire milliers de milliards, de dollars en flux de capitaux illicites, pour se concentrer sur le financement des priorités de développement de la région.
Finalement, notre rapport suggère que si les mesures requises avaient été prises pour lutter effectivement contre la falsification des prix de transfert, des recettes fiscales supplémentaires qui auraient été collectées entre 2012 et 2014 (s’élevant à un total de 15 milliards de dollars conformément à nos estimations ), auraient suffi pour combler le déficit financier (11,3 milliards de dollars US en 2011) pour mettre en œuvre le Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP), de la CEDEAO et contribuer ainsi à l’intégration régionale comme moyen de garantir l’éradication de la pauvreté ainsi que le bien-être, la paix et la sécurité de l’ensemble de la population, conformément aux objectifs annoncés du DSRP.
Quel mode de financement interne et durable pour les pays africains ?
Certains pays de la région commencent progressivement à explorer des moyens de financer leur développement de manière interne. Cela inclut l’augmentation des recettes fiscales, la mobilisation des ressources internes, et la promotion de l’investissement privé national. Le financement interne présente l’avantage de renforcer la souveraineté économique et de réduire la dépendance à l’aide extérieure. Par exemple, le Ghana avait entrepris des réformes fiscales ambitieuses pour accroître ses recettes internes, avec, l’introduction de la TVA qui a permis d’élargir la base fiscale et d’améliorer la collecte des impôts. La Côte d’Ivoire a mis en place des politiques pour encourager les investissements privés, tant nationaux qu’internationaux.
Des initiatives comme la Zone de Transformation Agricole ont permis aux entreprises locales et internationales d’investir dans la transformation de produits agricoles, créant des emplois et stimulant l’économie locale. Le financement privé a été essentiel pour soutenir la croissance des infrastructures, comme les ports et les aéroports, réduisant ainsi la dépendance aux financements étrangers. Le Sénégal développe des pôles territoriaux et des agropoles, misant sur les potentialités locales et le financement du secteur privé national. Le financement interne reste toutefois un défi majeur en Afrique de l’Ouest, notamment en raison des faibles taux de collecte fiscale, de la corruption et de l’inefficacité administrative dans de nombreux pays. De plus, l’accès aux marchés financiers mondiaux reste limité pour plusieurs pays de la région, et les emprunts peuvent entraîner un endettement important, comme cela a été observé dans beaucoup de pays : Ghana, Sénégal, Mali, Burkina Faso, où la dette publique a considérablement augmenté au cours des dernières années.
Est-il possible d’établir l’équilibre entre l’aide internationale et le financement Interne ?
La clé du succès réside dans l’équilibre entre l’aide internationale et les financements internes. L’aide internationale reste indispensable pour répondre à des besoins urgents, comme les crises sanitaires et alimentaires, mais elle ne peut être la seule solution pour un développement durable. Parallèlement, les pays doivent continuer à renforcer leurs capacités internes, notamment en améliorant la gouvernance, en augmentant les recettes fiscales et minimiser les fuites de capitaux, et en attirant des investissements privés. Les politiques de financement du développement en Afrique de l’Ouest doivent évoluer vers un modèle plus équilibré et durable. Si l’aide internationale joue encore un rôle clé, elle ne doit pas être une fin en soi. L’accent doit être mis sur le renforcement des capacités internes, l’optimisation des recettes fiscales et la réduction des flux financiers illicites. L’Afrique de l’Ouest possède les ressources et le potentiel humain nécessaires pour assurer son développement. Il est temps d’adopter des stratégies ambitieuses pour renforcer sa souveraineté économique et bâtir une prospérité durable pour ses populations
LE CHANGEMENT DE PARADIGME DE L’AFRIQUE S’IMPOSE
Bien que le continent dispose d’un potentiel considérable en ressources humaines, minières, énergétiques, halieutiques, pétrolières et gazières, les économies africaines demeurent vulnérables.
Le développement de l’Afrique est entravé par une crise structurelle, caractérisée par une dette publique excessive, des politiques monétaires inadaptées et une pauvreté persistante. Face à ces défis majeurs, il devient impératif d’adopter un nouveau paradigme économique, basé sur une gouvernance financière rigoureuse, une mobilisation accrue des ressources internes et une autonomie dans la prise de décisions stratégiques, afin de promouvoir une croissance durable et inclusive, préconisent des économistes.
Bien que le continent dispose d’un potentiel considérable en ressources humaines, minières, énergétiques, halieutiques, pétrolières et gazières, les économies africaines demeurent vulnérables. Paradoxalement, en dépit de cette abondance de richesses naturelles, l’Afrique figure parmi les régions les plus pauvres du monde. Cette situation s’explique par une faible valorisation des ressources, une dépendance excessive aux financements extérieurs et des prêts contractés à des taux d’intérêt prohibitifs, limitant ainsi la marge de manœuvre des États. Cette problématique a été au cœur d’un débat organisé samedi dernier, à Dakar, dans le cadre des activités mensuelles de l’Africaine de Recherche et de Coopération pour l’Appui au Développement Endogène (ARCADE). Lors de cette rencontre, les économistes Chérif Salif Sy, Demba Moussa Dembélé et Cheikh Oumar Diagne ont plaidé en faveur d’un changement de paradigme, fondé sur un modèle de développement endogène et souverain.
L’ENDETTEMENT EXCESSIF : UN FARDEAU STRUCTUREL
Selon Chérif Salif Sy, fervent défenseur de l’approche endogène du développement, l’un des principaux obstacles au développement du continent réside dans son incapacité à impulser une transformation structurelle, capable de générer une croissance inclusive et durable. Il estime que, sans réformes stratégiques et profondes, les économies africaines resteront fragiles et dépendantes des créanciers internationaux. L’endettement excessif de l’Afrique constitue, selon lui, un véritable fardeau structurel, qui s’explique par plusieurs facteurs au nombre desquels une dépendance accrue aux financements extérieurs, avec des emprunts massifs auprès des institutions financières internationales et de créanciers privés ; des déficits budgétaires chroniques, exacerbés par une faible mobilisation des ressources internes ; une gouvernance économique déficiente, marquée par des dépenses inefficientes et, dans certains cas, une mauvaise gestion des fonds publics. Poursuivant son analyse, il affirme que bien que certains gouvernements africains aient fixé des seuils critiques d’endettement, leur respect demeure incertain. Pour éviter des crises financières récurrentes, il préconise une politique budgétaire rigoureuse et une discipline économique accrue, essentielles pour garantir une croissance stable et soutenue.
LES LIMITES DE L’INDEPENDANCE MONETAIRE
La politique monétaire joue un rôle central dans la stabilité économique d’un pays. À ce titre, l’indépendance monétaire est souvent perçue comme un symbole de souveraineté, permettant aux États de réguler leurs instruments financiers. Cependant, Chérif Salif Sy, membre du Forum du Tiers-Monde, met en garde contre l’illusion que disposer de sa propre monnaie garantit automatiquement la prospérité économique. Argumentant, il rappelle que de nombreux pays dotés de leur propre monnaie sont confrontés à une inflation incontrôlée et à une dévaluation persistante, résultant d’une émission monétaire excessive et d’un manque de discipline macroéconomique. Ainsi, une gestion inefficace de la masse monétaire entraîne une érosion du pouvoir d’achat et un appauvrissement généralisé des populations.
LA NECESSITE DE REFORMES STRUCTURELLES
L’expérience des économies prospères démontre que la stabilité monétaire repose sur un équilibre entre discipline monétaire, investissements productifs et ouverture commerciale maîtrisée. Dès lors, le développement ne peut être fondé uniquement sur l’émission monétaire : il exige des réformes structurelles adaptées, garantes d’une croissance résiliente et soutenable. L’économiste Demba Moussa Dembélé souligne que l’évolution de la dette publique africaine met en évidence entre autres facteurs la dépendance croissante aux financements extérieurs ; une mauvaise gouvernance budgétaire ; un système économique mondial qui perpétue la domination des pays africains. Malgré les annulations partielles de dettes obtenues par certains pays africains au début des années 2000 grâce à l’Initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) et à l’Initiative d’Allégement de la Dette Multilatérale (IADM), la dette africaine n’a cessé de croître. Selon le président de l’ARCADE, plusieurs éléments expliquent cette situation au nombre desquels le recours systématique aux emprunts extérieurs, en raison d’une mobilisation insuffisante des ressources internes ; des conditions d’emprunt défavorables, avec des taux d’intérêt élevés et des clauses restrictives imposées par les créanciers ; une dépendance aux exportations de matières premières, soumises à une forte volatilité des marchés mondiaux, rendant difficile une planification budgétaire efficace. Les effets des ajustements structurels, qui ont limité les capacités d’investissement des États dans des secteurs productifs.
UN TOURNANT DECISIF POUR L’AFRIQUE
Selon Cheikh Oumar Diagne, ancien directeur des moyens généraux de la République du Sénégal, l’Afrique se trouve à un moment charnière de son développement économique. Il estime que le maintien du statu quo, marqué par un endettement chronique, une dépendance aux financements extérieurs et des politiques monétaires inadaptées, fragilise davantage les économies nationales. Convaincu qu’aucun pays ne peut se développer sans recourir à l’endettement, Cheikh Oumar Diagne affirme néanmoins qu’au regard du potentiel économique du continent, l’Afrique doit s’affranchir des théories économiques classiques appliquées depuis plus de 60 ans. Selon lui, « il est temps de bâtir une économie fondée sur les réalités africaines, en valorisant les ressources locales et en renforçant les capacités productives internes ».
par Souleymane Gueye
RENIEMENT PERPÉTUEL ET INVARIABLES CHIENS DE GARDE
De Wade à Diomaye, la politique sénégalaise reste marquée par des promesses non tenues que des "experts" s'empressent de justifier par des arguments techniques. Une trahison systémique des valeurs fondamentales du pays
Au Sénégal, la parole donnée est sacrée. C’est une valeur fondamentale, ancrée dans notre culture, qui définit l’honneur d’un homme. Mais en politique, cette règle ne semble pas exister. Pire encore, chaque reniement est couvert, justifié, légitimé par une caste bien organisée : les chiens de garde du système qui veille à ce que rien ne change vraiment.
Des promesses envolées, des excuses bien rodées
Abdoulaye Wade jurait qu’il ne ferait pas de troisième mandat ? Il a tenté le coup, et ses sbires ont trouvé une astuce juridique pour nous le vendre.
Macky Sall s’était engagé à réduire son mandat à 5 ans ? Il a renié sa parole, et une armée d’experts est sortie de l’ombre pour nous expliquer que « c’était techniquement impossible ».
Diomaye avait promis de sortir le président du Conseil supérieur de la magistrature et Sonko lors des législatives d’annuler la loi d’amnistie ? Aujourd’hui, ils reculent… et comme par magie, les mêmes voix s’élèvent pour nous dire que « le contexte a changé ».
À chaque reniement, le même scénario : on nous endort avec du jargon technique, on nous fait croire que nous ne comprenons pas les « réalités du pouvoir »
Les chiens de garde du système
Ces experts, hauts fonctionnaires, consultants et juristes ne servent pas la démocratie. Ils servent le pouvoir. Leur mission ? Tuer dans l’œuf toute réforme qui pourrait réellement changer le système. Ils ne sont ni neutres ni objectifs : ce sont les gardiens du statu quo, ceux qui trouvent toujours une raison pour nous dire « ce n’est pas possible ».
Quand un président trahit sa parole, ce ne sont pas les électeurs qui protestent le plus. Non. Ce sont ces technocrates qui viennent nous faire la leçon : « Vous ne comprenez pas les réalités de l'Etat ».
Une caste d’experts au service du prince nous explique, avec un jargon compliqué, pourquoi « c’est plus compliqué que prévu ».
Mensonge ! Quand on donne sa parole, on la tient. C’est une question d’honneur, pas de technicité !
Ce qui a besoin de trop d’explications techniques n’est ni démocratique ni populaire
La démocratie repose sur une idée simple : le peuple décide et doit comprendre les choix faits en son nom. Or, chaque fois que l’on nous inonde de jargon et d’arguments techniques pour justifier une trahison, c’est une tentative d’éloigner le peuple du débat. Une loi, une réforme, une décision politique doivent être accessibles à tous. Si un gouvernement a besoin de longues explications complexes pour légitimer ses décisions, c’est qu’il sert des intérêts cachés et non la souveraineté populaire.
Une vraie réforme n’a pas besoin de justifications interminables : elle doit pouvoir être expliquée en une phrase. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’elle ne vise pas l’intérêt du peuple, mais celui de quelques privilégiés.
Le peuple doit reprendre le pouvoir
Les Sénégalais doivent cesser d’accepter ces reniements sous prétexte qu’un expert leur a dit que c’était normal. La démocratie ne fonctionne que si le peuple exige des comptes !
Un président fait une promesse ? Il doit la tenir !
La technostructure s’oppose aux réformes ? On la balaie !
On nous dit que le système est trop complexe ? On le simplifie !
Assez des chiens de garde du pouvoir ! Assez de ces traîtres à la parole donnée ! Le Sénégal mérite mieux qu’une élite qui protège ses privilèges pendant que le peuple attend, toujours déçu, toujours trahi.
POUR ERWAN DAVOUX, LE PARTI-ÉTAT ÉTOUFFE LA DÉMOCRATIE SÉNÉGALAISE
Journalistes intimidés, opposants persécutés, économie à l'arrêt : le Sénégal de Diomaye-Sonko inquiète. Le directeur de Geopolitics.fr analyse pointe "la dérive autoritaire" d'un duo obnubilé par sa" vengeance contre l'ancien régime"
(SenePlus) - Dans une analyse publiée sur le site Marianne, Erwan Davoux, directeur de Geopolitics.fr et ancien chargé de mission à la présidence de la République, dresse un bilan préoccupant de la première année de présidence de Bassirou Diomaye Faye. Son constat est sans appel : l'exercice du pouvoir par le Pastef révèle des tendances autoritaires inquiétantes qui menacent l'équilibre démocratique du pays.
Selon l'analyse d'Erwan Davoux, le parti majoritaire a réussi à concentrer un pouvoir considérable dans ses mains. Après la victoire de Bassirou Diomaye Faye à la présidentielle de mars 2024 avec 54% des voix, son parti a remporté une majorité écrasante lors des législatives d'octobre, s'attribuant "130 sièges sur les 165 que compte l'Assemblée nationale". Cette configuration politique inédite au Sénégal a mis fin à l'équilibre des pouvoirs qui caractérisait auparavant le pays.
"Au sein de la précédente Assemblée, une coalition de partis disposant d'une courte majorité invitait au compromis et au respect des droits de l'opposition. Tel n'est plus le cas", souligne l'auteur, qui cite comme exemple significatif l'abandon de la tradition qui voulait que la vice-présidence de l'Assemblée nationale revienne à l'opposition.
L'une des critiques principales formulées par Erwan Davoux concerne l'obsession du nouveau pouvoir pour le règlement de comptes avec l'administration précédente. "Tout le débat politique est monopolisé par les attaques contre l'ancien pouvoir alors que le Pastef est aux responsabilités depuis presque un an", note-t-il.
Au cœur de cette stratégie se trouve la question de la loi d'amnistie. Votée sous la présidence de Macky Sall, cette loi couvre "tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d'infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024" dans un contexte politique. Paradoxalement, cette même loi a permis à Diomaye Faye et à son Premier ministre Ousmane Sonko de sortir de prison avant les élections.
D'après l'analyste, "le Pastef avait claironné haut et fort qu'il l'abrogerait afin de mettre en cause les dirigeants précédents mais fait désormais machine arrière", probablement parce que l'abrogation "pourrait mettre dans une fâcheuse posture Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko qui en ont bénéficié".
L'article d'Erwan Davoux met également en lumière de graves atteintes aux libertés, notamment à la liberté de la presse. "Les journalistes qui entendent exercer leur métier avec une certaine indépendance sont dans le collimateur", affirme-t-il.
Le cas du site Dakaractu est emblématique : "l'un des [sites] plus suivis du pays a été contraint de fermer ses bureaux à Dakar et à l'exil, n'étant plus un média reconnu par le pouvoir". L'auteur rappelle également que le 4 octobre, le magazine Jeune Afrique s'interrogeait : "Sénégal : peut-on encore contredire Ousmane Sonko ?"
Le traitement réservé aux opposants politiques est tout aussi préoccupant. Davoux cite le cas du maire de Dakar, Barthélémy Dias, "ancien compagnon de route d'Ousmane Sonko avec lequel il est désormais brouillé", qui se trouve "interdit d'entrée dans son hôtel de ville" et a été "démis de ses fonctions de maire par un arrêté préfectoral".
Les députés de l'opposition ne sont pas épargnés : "Farba Ngom, un proche de l'ancien président, a vu son immunité levée dans des conditions pour le moins suspectes : aucune procédure judiciaire à son encontre mais un simple signalement effectué contre lui par une instance créée par le Pastef".
Pendant que le pouvoir se concentre sur sa "volonté de revanche", l'économie sénégalaise souffre, selon l'analyse. L'audit des finances publiques lancé par le nouveau gouvernement, qualifié de "bien tardif" par l'auteur, a eu des conséquences désastreuses : "L'effet indéniable et immédiat de ce document, qui poursuivait des fins avant tout politiciennes, a été de freiner les investisseurs, renforcer les difficultés à trouver un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) et la dégradation de la note du Sénégal par l'agence de notation Moody's comme Standard & Poor's".
Le secteur du BTP est particulièrement touché : "En effet, il a été décidé l'arrêt des constructions dans une dizaine de zones du pays (afin de vérifier la légalité des permis de construire), dont le littoral de Dakar. Initialement prévue pour durer deux mois, cette situation perdure. Ce sont 10 000 emplois qui ont été perdus".
Sur la scène internationale, Erwan Davoux constate que "la voix du Sénégal, traditionnellement l'une des plus fortes sur le continent africain, grâce à l'excellence de sa diplomatie et à des chefs d'États emblématiques est quasiment atone".
Il rappelle que sous la présidence de Macky Sall, le Sénégal avait obtenu "que l'Afrique soit représentée au G20" et jouait "un rôle actif dans le dénouement de crises intra-africaines". Désormais, selon l'auteur, "tout cela appartient au passé" car le président et son Premier ministre "sont portés par un panafricanisme régional ambiant".
En conclusion, Erwan Davoux s'inquiète pour l'avenir de la démocratie sénégalaise. Il rappelle que "le Sénégal n'est ni le Mali, ni le Niger, ni le Burkina. C'est un pays à la tradition démocratique bien ancrée et dans lequel la conscience politique est élevée".
Face à cette situation, l'auteur s'interroge : "Pour l'instant, le duo qui dirige l'État résiste. Pour combien de temps encore ?"
AIR SÉNÉGAL À LA CONQUÊTE DU CIEL SAHÉLIEN
L'éviction d'Air France des pays de l'AES a créé une opportunité que les compagnies africaines s'empressent de saisir. Le transporteur national revient ainsi à Niamey après cinq ans d'absence et double ses fréquences vers Bamako
(SenePlus) - Selon les informations rapportées par Jeune Afrique, Air Sénégal s'apprête à faire son retour dans la capitale nigérienne après une longue absence. "Le 27 mai 2025, un Airbus A319 d'Air Sénégal se posera à Niamey pour la première fois depuis cinq ans. La liaison, brièvement opérée par le pavillon sénégalais en 2019 et 2020, n'avait en effet jamais été relancée après le Covid", précise le magazine panafricain.
Ce retour s'inscrit dans une stratégie plus large de consolidation régionale pour la compagnie sénégalaise qui, comme l'indique JA, "a opéré en 2024 une vaste réorganisation de son programme de vol, éliminant toutes les destinations non rentables (dont l'Afrique centrale et les États-Unis)". Le transporteur national adopte une approche prudente en "couplant ses trois vols hebdomadaires vers Niamey avec une escale à Bamako", autre capitale de l'Alliance des États du Sahel (AES) désormais inaccessible au pavillon français.
L'offensive sahélienne d'Air Sénégal se manifeste également par un renforcement significatif de ses fréquences vers Bamako, qui passeront "de 6 vols hebdomadaires actuellement à 11, à partir du 27 mai", rapporte Jeune Afrique. Quant à Ouagadougou, troisième capitale de l'AES, elle verra ses dessertes augmenter considérablement puisqu'Air Sénégal "la proposera quotidiennement à compter de mi-mai, contre trois fois par semaine actuellement".
Interrogé par l'hebdomadaire, Ibra Wane, professionnel de l'aviation basé à Dakar, estime que cette réorganisation des vols d'Air Sénégal ne constitue pas véritablement une tentative de remplacer Air France, mais s'inscrit plutôt dans la continuité de sa nouvelle stratégie commerciale. "Dans sa stratégie de rationalisation de son programme, la compagnie s'est repliée sur la zone qu'elle maîtrise le mieux, et qui a son propre marché très dynamique. Si l'absence d'Air France lui permet d'engranger du trafic additionnel vers ces trois villes, c'est tant mieux, mais je ne pense pas que ce soit son but premier", explique-t-il.
Air Sénégal n'est pas seule à vouloir capter la clientèle délaissée par Air France. Jeune Afrique rapporte qu'"Air Côte d'Ivoire a prévu d'augmenter ses fréquences vers Niamey et Ouagadougou". Concrètement, les vols vers ces deux capitales "passeront de 10 par semaine actuellement pour chacune des deux capitales à 11 au 1er mai, puis à 14 au 1er juin".
Cette montée en puissance revêt un caractère particulièrement stratégique pour la compagnie ivoirienne qui, comme le souligne le magazine panafricain, "n'attend plus que la livraison (annoncée comme imminente) de son A330neo pour lancer ses propres vols entre Abidjan et Paris". Cette nouvelle étape lui permettrait de "maîtriser l'ensemble du trajet auquel Air France a été contraint de renoncer".
Plus intéressant encore, Jeune Afrique révèle qu'Air Côte d'Ivoire "pourrait même endosser le rôle de remplaçant 'naturel' d'Air France sur la seconde partie du trajet, un accord de partage de code étant en cours de discussion entre le pavillon ivoirien et son actionnaire minoritaire (qui détient 11% de son capital)".
Si Air Sénégal et Air Côte d'Ivoire se positionnent avantageusement pour récupérer une partie de la clientèle d'Air France, la concurrence reste vive. Comme l'explique John Grant, analyste en chef du spécialiste des données aériennes OAG, : "Lorsqu'une compagnie est bannie d'un État, le marché ne disparaît pas. Les gens qui doivent voyager choisissent d'autres itinéraires et d'autres compagnies aériennes pour leur voyage".
Toujours selon Jeune Afrique, si "Corsair est ainsi la seule compagnie à proposer des vols directs entre Paris et l'une des capitales de l'AES (Bamako), les propositions de vols avec escale sont légion, d'Ethiopian Airlines à Royal Air Maroc en passant par Turkish Airlines". Ces compagnies "restent compétitives malgré l'allongement conséquent du temps de vol qu'implique un détour par Istanbul" ou d'autres hubs.
LE SÉNÉGAL FORGE SON AVENIR MINIER
Le projet ambitieux de développement d’un pôle minier régional, destiné à relever les défis de l’exploitation minière est estimé à 509 milliards de francs CFA
Le projet ambitieux de développement d’un pôle minier régional, destiné à relever les défis de l’exploitation minière au Sénégal, est estimé à 509 milliards de francs CFA. L’annonce a été faite à Dakar hier, jeudi 20 mars, par le ministre de l’Industrie et du Commerce, M. Sérigne Guèye Diop. Le projet devrait générer près de 6 000 emplois directs et indirects, contribuant ainsi à la dynamisation du secteur.
Dans sa volonté de s’imposer comme un acteur majeur du secteur minier en Afrique de l’Ouest, l’État du Sénégal a lancé une étude approfondie visant à structurer un plan minier d’envergure. Ce projet, qui se veut une référence dans le domaine, concerne les régions de Thiès, Kédougou et Tambacounda et repose sur la mise en place d’une offre structurée et cohérente.
L’étude dudit projet a permis d’évaluer les besoins financiers à hauteur de 509 milliards de FCFA, financés conjointement par l’État et le secteur privé, en vue d’optimiser l’exploitation des ressources minières et de renforcer l’attractivité du pays dans ce domaine. S’exprimant hier, jeudi 20 mars 2025, à Dakar, lors d’un atelier dédié à la relance du hub minier régional, en cohérence avec l’Agenda de transformation 2050, le ministre de l’Industrie et du Commerce a précisé que cette initiative repose sur trois composantes essentielles à savoir une plateforme de collaboration entre chercheurs, startups, étudiants, centres de recherche, investisseurs et industriels, afin de renforcer les compétences et le capital humain ; un pôle logistique dédié au transport, au tri, à l’expédition et à la distribution des intrants miniers et un centre de services regroupant l’ensemble des prestations d’appui à l’industrie minière.
Valorisation des ressources locales et création d’emplois
Le Sénégal dispose d’importants gisements de calcaire, d’or, de phosphate, de fer ainsi que de minerais rares. Cependant, seuls 23 % des services liés à l’exploitation minière sont actuellement captés sur le territoire national, le reste étant assuré par des acteurs étrangers. Afin d’inverser cette tendance, le gouvernement ambitionne d’accroître la transformation locale des matières premières. « Il ne s’agit plus d’exporter uniquement des minerais bruts, mais d’accompagner les entreprises locales dans la production de produits intermédiaires et finis », a souligné le ministre. À titre d’exemple, la filière aurifère bénéficiera d’infrastructures dédiées au raffinage et à la transformation, favorisant ainsi l’émergence d’une industrie locale de la bijouterie. En outre, ce projet devrait générer près de 6 000 emplois directs et indirects, contribuant ainsi à la dynamisation du secteur.
Un appel à l’investissement national et international
Le ministre Sérigne Guèye Diop a exhorté les investisseurs sénégalais à s’engager pleinement dans ce projet structurant, affirmant qu’il est primordial que le pays conserve la maîtrise de ses ressources naturelles. Il a également invité les partenaires internationaux à s’implanter au Sénégal, en veillant au respect du contenu local afin de soutenir l’industrialisation du pays. Le ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, M. Birame Souleye Diop, a pour sa part assuré que l’ensemble des départements ministériels concernés (Industrie, Commerce, Travail, Emploi, Urbanisme, Transports terrestres et aériens, Formation professionnelle) sont pleinement mobilisés pour la mise en œuvre du projet, initié depuis 2022.
Un engagement du secteur privé
Salimata Kane, porte-parole des porteurs de projets, a exprimé son impatience quant à la concrétisation de cette infrastructure, affirmant la capacité de transformation et de structuration qu’elle représente pour le secteur minier. « Sur le plan financier, nous représentons collectivement plus de 120 milliards de francs CFA », a-t-elle précisé.
De son côté, M. Alpha Sy, directeur exécutif du Club des investisseurs, s’est félicité de la volonté de l’État de confier ce projet stratégique au secteur privé national, estimant que cette démarche répond parfaitement aux attentes des acteurs économiques locaux. Avec cet ambitieux programme, le Sénégal aspire à se positionner comme un véritable hub minier de référence en Afrique, conciliant exploitation optimale des ressources et développement industriel durable.
AUTORISATION D’EXPLOITATION MINIÈRE, AUCUNE DES 484 NOUVELLES DEMANDES JUGÉE CONFORME
Biram Soulèye Diop a précisé que seules six des 77 demandes de renouvellement respectent les exigences légales. Face à ces irrégularités, le gouvernement entend renforcer le contrôle et la transparence du secteur.
Le ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, Biram Soulèye Diop, a révélé jeudi qu’aucune des 484 nouvelles demandes d’exploitation minière soumises entre décembre 2023 et septembre 2024 ne respecte la réglementation en vigueur. « Je vous informe qu’aucune des 484 nouvelles demandes de titres d’autorisation d’exploitation reçues durant cette période n’est conforme à la loi », a déclaré le ministre lors d’un atelier consacré à la relance du hub minier régional, dans le cadre de son alignement avec l’Agenda de transformation 2050.
Par ailleurs, il a précisé que sur les 77 demandes de renouvellement déposées, seules six répondent aux exigences légales. « Tout le reste est hors la loi », a-t-il affirmé, exhortant les entreprises concernées à se conformer aux règles en vigueur. Évoquant la répartition des titres miniers, Biram Soulèye Diop a indiqué que « 41 % des titres et autorisations sont délivrés entre la région Est et Dakar ». Le même taux est observé dans la région de Thiès, a-t-il ajouté.
Dans une démarche de transparence et de réorganisation du secteur, le ministre a souligné que ses équipes s’attellent à une meilleure connaissance et maîtrise des activités minières, tout en identifiant l’ensemble des détenteurs de titres. « J’ai mis en place des commissions chargées de collecter et d’analyser les informations nécessaires afin de permettre à l’État de disposer de données fiables sur le secteur », a-t-il assuré.
Dans cette optique, son département a entrepris une revue exhaustive de l’intégralité des titres miniers depuis 1959. « Le rapport a été transmis au président de la République et au Premier ministre », a-t-il conclu.
par Amadou Diaw
ET SI L’ON ESSAYAIT LE TRAVAIL
EXCLUSIF SENEPLUS - Le silence, souvent perçu comme une simple absence de bruit, revêt en réalité une profonde signification dans nos vies. Il est un lieu de régénération propice à la réflexion, à l’introspection
Lorsque les murmures de l’ignorance se muent en clameurs assourdissantes, c’est alors que la voix de la sagesse, celle des sachants doit se faire entendre.
Le silence, souvent perçu comme une simple absence de bruit, revêt en réalité une profonde signification dans nos vies. Il est un lieu de régénération propice à la réflexion, à l’introspection.
Dans le tumulte de nos existences modernes, marquées par un flot continu d’informations et de sollicitations, le silence apparaît comme un refuge précieux.
Cette nécessité d’une cure de silence s’applique particulièrement aux politiques, nouveaux et anciens dirigeants, aux divers acteurs de notre espace, presse, société dite civile, universitaires, chroniqueurs, etc. Tous parlent souvent, et fort. Ils semblent aussi souffrir de surdité, surtout lorsque vous ne partagez pas leurs idées. Plusieurs d’entre eux, occupent des stations qui influent directement sur le devenir de notre pays.
La capacité à prendre des décisions éclairées dépend en grande partie de la capacité à se déconnecter du tumulte extérieur pour se connecter à notre intériorité. Le silence offre souvent, un espace de recul précieux pour questionner nos motivations profondes, évaluer l’impact de nos actions et réaligner nos valeurs sur l’intérêt commun.
Et surtout, remettons la valeur « travail » au cœur de nos vies.
Oui, ensemble, observons une cure de silence et essayons nous au travail.