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30 avril 2025
Economie
par Samuel Sene
POUR LA DÉFENSE DES INTÉRÊTS DU JOBASS
EXCLUSIF SENELUS - Il faut s’engager, prendre hic et nunc ses responsabilités pour faire entendre la voix de cette localité, qui repose sur une mine d’or : son potentiel humain. Il ne s’agit donc plus d’être amorphe ou stoïque
Sur l’hydraulique villageoise, ce n’est pas une faveur que les Jobassois demandent. Loin s’en faut ! Au contraire, ils veulent que l’Etat évalue tout le préjudice à eux causé par l’exploitation des deux plateformes hydrauliques de Notto-Ndiosmone-Palmarin et du PEAMU (Projet Eau et Assainissement en Milieu Urbain). Car, ils considérèrent que c’est un droit humain, donc leur droit qui a été sévèrement malmené, violé, bafoué, et qu’il est du devoir de l’Etat, de réparer sans délai et de manière proportionnelle, ce gravissime tort qui leur a été injustement causé. A dire vrai, nul n’est mieux placé que les Jobassois pour, en priorité, bénéficier des forages réalisés à partir de la nappe jalousement couvée et bercée depuis tant de décennies, par leur terre-mère si chère à leurs ancêtres. C’est une question de justice sociale, d’équité territoriale et de territorialisation des politiques publiques. Ou alors, ces termes forts seraient vides de sens, ou ne seraient que des slogans creux.
Rien n’est gagné d’avance. Pour sortir victorieux de ce noble combat, il est nécessaire de se parler entre Jobassois. Et ce dialogue qui ne pourrait qu’être bénéfique, s’impose. Il devient même urgent de bien se parler. Adversité ne devrait pas signifier animosité pour les jobassois. Ils peuvent être des adversaires mais pas des ennemis. Le sang les unit, la géographie les réunit. Les Jobassois peuvent et doivent discuter sans se disputer. Ils se doivent surtout d’éviter les injures et les invectives. L’injure, c’est l’arme du faible, apprend-on aux enfants. Le Jobassois abhorre les injures et a horreur des invectives. Tout juste parce qu’il est un homme d’honneur et de noblesse, un homme de valeur et de vertu. Au regard de la longue patience dont il a fait montre, il ne serait pas exagéré de dire, qu’il n’y a pas plus noble, plus authentique, plus reconnaissant et plus véridique que le Jobassois. Il est facile de constater que le Jobassois est accueillant, galant et élégant. Il se veut un exemple auquel se référer, un modèle à suivre et à imiter. Il refuse d’être un monstre revêtu de la peau d’un agneau pour mieux exploiter ses frères et sœurs. Il ne saurait répondre gratuitement à la provocation. Il refuse de descendre aussi bas pour ne point patauger dans les marécages de la bouffonnerie, de la bassesse, de la trahison et du parricide. Un Jobassois authentique ne saurait être un homme-caméléon et ne saurait non plus verser dans la prostitution politique. Il sait perdre et garder sa dignité comme il sait gagner dans la sobriété. Voilà pourquoi, il est indisposé, révolté face au comportement infamant de prétendus leaders. D’autant plus que pareil comportement versatile, irrespectueux et irrévérencieux le met dans une saine/sainte colère.
Aussi, tout intellectuel de la contrée, doit-il d’ores et déjà, se sentir investi d’une mission de protection et de sauvegarde des intérêts du Jobass. Il doit se lever contre tout prédateur foncier et se mobiliser contre tout dictateur-usurpateur. Faillir à cette mission serait se mettre du mauvais côté de l’histoire. Encore que l’intellectuel ne soit pas seulement l’instruit, le scolarisé, le diplômé. Ne sont-ils pas lésion, les instruits, les érudits et les diplômés Jobassois qui refusent de s’engager ? Par ce refus d’engagement, c’est comme s’ils faisaient fi des questions essentielles qui touchent et affectent gravement leur village, leur commune, leurs enfants, leurs parents ? L’intellectuel n’est-il pas plutôt ce visionnaire, ce leader qui œuvre inlassablement à rallier sa jeunesse, son peuple à la cause commune de la quête permanente pour le bien-être ?
Où qu’il soit et quoiqu’il fasse, l’heure est venue de se retrousser les manches et de se serrer les coudes pour mettre enfin le Jobass sur orbite et sur la rampe du développement. Il n’y a plus à attendre, il n’y a plus de temps à perdre. Il faut s’engager, prendre hic et nunc ses responsabilités individuelles et collectives pour faire entendre la voix du Jobass. Il ne s’agit donc plus d’être amorphe ou stoïque.
Un maire d’une commune rurale, sans doute charmé par la diversité et la pluridisciplinarité du capital humain jobassois, mais davantage plus conscient du potentiel réel encore inexploré/inexploité du Jobass, disait que s’il avait autant de cadres originaires de sa commune, il ferait des merveilles. Certes, un joli compliment mais aussi une pierre jetée dans le jardin des jaboissois pour les sortir de leur torpeur, leur tiédeur et leurs divisions/contradictions fratricides. A dire vrai, le Jobass repose sur une mine d’or : son potentiel humain. Un potentiel humain présent partout dans sphères de la fonction publique, dans le privé national et international. Mais un potentiel humain dont il faut humblement tenir compte à travers une démarche inclusive, participative et consensuelle, non seulement lors du débat d’orientation budgétaire, mais aussi à travers une table (dialogue permanent) de concertations, de réflexions et de propositions pour que les racines du développement durable puisent la sève nourricière qui irrigue tout le Jobass !
C’est presqu’une insulte que de voir que le Jobass qu’aucun parti ou coalition de partis ne peut perdre et gagner le département de Thiès, n’ait pas eu depuis le règne socialiste, des députés et des ministres issus du terroir. Une très longue injustice. Et encore, si le pouvoir central pouvait mieux s’appuyer sur ce potentiel immense et riche, pour d’une part bâtir le terroir du Jobass, et d’autre part développer toute la collectivité nationale.
Samuel Sene est Consultant-Formateur, Ecrivain-Chercheur
EXCLUSIF SENEPLUS - Le chef de l'Etat a perdu la bataille du ‘’vivre sans le virus’’. Parviendra-t-il à transformer une situation ‘’désespérée’’ en une opportunité enviable ? PRÉSIDENT ET GESTION DE CRISE, ‘’QUAND L’HEURE EST GRAVE !’’
L'adage dit que c'est au pied du mur que l'on reconnaît le maître-maçon. Dans la même temporalité, c'est par et dans la gestion de crise(s) de magnitude ‘’secousse du régime’’ sur l'échelle d'une Nation-État, que l'on apprécie les choix, les décisions et le leadership d'un chef d'Etat dans sa fonction de président de la République. Le Think Tank Africa WorldWide Group vous propose une toute nouvelle série du feuilleton managérial : Président et Gestion de crise, ‘’quand l'heure est grave !’’, de cinq (5) épisodes, entièrement et exclusivement consacrées au président Macky Sall. Pour cette première épisode de ''Président et Gestion de crise ‘’quand l'heure est grave’’, Style et Méthode de gestion de crise du président Macky Sall.
Dans le cadre de ‘’Président et Gestion de crise, quand l'heure est grave’’, Senghor a eu à faire face à une crise politique, universitaire et alimentaire. Abdou Diouf a eu à faire face à une crise scolaire, monétaire et du front social. Ablaye Wade a eu à faire face à une crise énergétique, alimentaire et politique. Quant à Macky Sall, il est en face de sa première crise, une crise humanitaire - une crise totale - parce que touchant à tous les secteurs d'activités de l'Humain en même temps et sous le même rapport (crise sanitaire, crise économique, crise sociale, crise scolaire et universitaire, crise culturelle).
Et le moins que l'on puisse dire, c'est la grande confusion dans la gestion de la Covid-19 en termes de stratégies et de tactiques dans la riposte du gouvernement. Un Général qui va en guerre, c'est comme un boxeur qui rentre sur le ring. Point d’abandon. Quitte à être mis K.O mais ne jamais abandonner de boxer ou de sortir du ring. Quitte à mourir sur le champ de bataille, les armes à la main, mais ne jamais abandonner ses troupes en leur disant débrouillez-vous. En beau milieu du théâtre des opérations….
Et la guerre - surtout celle que l'on décrète derechef - a ceci de particulier, en ce sens que toutes les erreurs, dans sa stratégie comme dans sa tactique, se paient cash. Douloureusement et profondément. Il semblerait que le gouvernement a perdu une bataille mais il n'a pas encore perdu la guerre. Macky a perdu la bataille du ‘’vivre sans le virus’’. Mais, Macky peut gagner la bataille du ‘’vivre avec le virus’’. Pour ce faire, il faudra que Macky se révolte au sens de tension nerveuse positive et se rebiffe au sens de prendre toute sa responsabilité pour reprendre la situation en main. Et ce serait fort dommageable pour son amour-personnel et pour le bien du peuple sénégalais, que Macky ne puisse pas trouver une issue heureuse à sa toute première crise en tant que chef de l'Etat. Car, Ablaye Wade disait de Macky, qu'il n'a pas les épaules pour diriger un pays. Idrissa Seck continue de dire de Macky, qu'il n’est pas capable de diriger le Sénégal. Sonko parle à propos de Macky, d'une gouvernance sombre et vicieuse, une gouvernance du Parti avant la Patrie. Mody Niang qualifie Macky, d'un président-politicien. Abdou Latif Coulibaly disait de Macky, que c'est du Wade sans Wade. Souleymane Jules Diop disait de Macky qu’il ne pouvait pas être plus qu'un chef de service.
Alors, c'est maintenant à Macky, au président de la République, au chef de l'Etat, qui a toutes les cartes en main, de prouver son talent et ses compétences pour lesquels nous n'avons aucun doute. Seulement, le président Macky Sall, prendra-t-il la pleine conscience du défi qui se dresse face à lui ? Se donnera-t-il les moyens de sortir de cette impasse et parviendra-t-il à transformer une situation ‘’désespérée’’ en une opportunité enviable ? Lui seul sait.
Deuxième source de devises au Sénégal, après la pêche, le tourisme traverse une crise sans précédent malgré les différentes politiques mises en œuvre par les différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays.
Deuxième source de devises au Sénégal, après la pêche, le tourisme traverse une crise sans précédent malgré les différentes politiques mises en œuvre par les différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays. Face à la concurrence de nouvelles destinations dans les pays voisins, les autorités étaient appelées à développer de nouvelles offres telles l’écotourisme, le tourisme religieux et culturel, le tourisme de santé pour en tirer le maximum de profit. Pis, la pandémie de la Covid-19 a fini par mettre aujourd’hui ce secteur à genoux. Premier secteur à ressentir les effets de la maladie, le tourisme connaît les moments les plus difficiles de son existence au Sénégal. Radioscopie d’un secteur actuellement aux «urgences».
Le secteur du tourisme au Sénégal s’est imposé comme le véritable moteur de l’économie, se classant même au deuxième rang après la pêche en termes de rentrées de devises dans notre pays. Développé aussitôt après les indépendances, le tourisme international et essentiellement balnéaire n’a cessé de croître. Les arrivées massives de touristes, notamment de type tout inclus, ont quasiment quadruplé de 1960 à 2000. Les transactions touristiques ont atteint, durant la même période, près de 10 % de la valeur globale du commerce extérieur du pays. Pendant plusieurs décennies, l’activité balnéaire a toujours été le moteur de l’activité touristique au Sénégal. Notre pays a aussi longtemps été vendu et perçu comme une destination balnéaire d’hiver par rapport au marché européen. Avec ses 700 km de côte maritime, les autorités en charge du tourisme avaient misé sur ce potentiel naturel.
Le Tourisme d’Affaires a connu une progression régulière depuis plusieurs années surtout dans la région de Dakar. Cette progression s’explique par l’amélioration des infrastructures d’accueil et la structuration de l’offre Tourisme d’Affaires à Dakar. Aujourd’hui les hôtels d’affaires affichent un taux de remplissage moyen de 80 à 85 % comparé aux hôtels de loisirs situés dans la zone balnéaire qui tournent autour de 25 à 30 %. Cette baisse de la destination Sénégal est causée par plusieurs facteurs selon les professionnels du secteur. Il s’agit entre autres, du manque de visibilité, de l’absence de promotion intérieure et extérieure, les forts taux de fiscalité liés à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) qui ne permettent pas au Sénégal d’être compétitif par rapport à des destinations plus à la mode comme Cuba, Thaïlande ou d’autres pays africains. Il s’y ajoute les problèmes de financements, l’accès au crédit n’est pas facile, l’érosion côtière entraînant la disparition des plages, la pollution des eaux, le comportement de la plupart des petits vendeurs qui, par manque de sensibilisation, font fuir les quelques touristes qui s’aventurent en dehors de leur hôtel, l’état de délabrement des routes dans l’est du pays.
LES POLITIQUES DE L’ETAT POUR LA PROMOTION DU SECTEUR
Pour rendre plus attractive la destination sénégalaise, de nombreuses politiques ont été mises en œuvre par les différents régimes qui se sont succédé au Sénégal. Ainsi, dans son objectif de «rationaliser» les dépenses publiques, le Président de la République, Macky Sall a supprimé bon nombre de structures dont l’Agence nationale de promotion touristique (Anpt). Une décision qui a mis les acteurs touristiques dans tous leurs états. Face à la détermination des professionnels du tourisme qui ne voulaient nullement entendre parler de la disparition de l’Anpt, Macky Sall ressuscite l’Agence sénégalaise de promotion touristique (Aspr), née des cendres de l’Anpt. Et, en 2013, le président de la République lance le visa d’entrée au Sénégal pour tous. Ce qui n’est pas sans conséquences sur le secteur. Suffisant pour que les acteurs touristiques mènent la bataille contre la décision qu’ils qualifient de facteur bloquant du tourisme. Une mobilisation qui a également obligé Macky Sall à supprimer, en mai 2015, cette réciprocité des visas qui était adoptée «sans concertation» avec les professionnels du secteur du tourisme. Son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade avait nourri des ambitions pour le développement du secteur avec la création de l’Anpt pour mieux tirer profit du tourisme. Ce que le président Abdou Diouf avait bien compris en misant sur le secteur.
LE CREDIT HOTELIER ET TOURISTIQUE POUR BOOSTER LE SECTEUR
Après la réduction des taxes, l’exonération fiscale en Casamance, la suppression du visa d’entrée, l’Etat a instauré, en 2016, le crédit hôtelier et touristique. Un outil qui est venu à point nommé, face à la crise que traversait ce secteur ces dernières années. Selon les services du ministère du Tourisme, ce nouvel instrument est placé au cœur de la Stratégie de développement du secteur du tourisme, telle que déclinée dans le Plan Sénégal émergent, avec l’ambition réaffirmée de faire du Sénégal une destination touristique de référence. Ce crédit a pour objectif, de mieux valoriser le potentiel touristique des localités du Sénégal, à travers le relèvement du niveau de qualité des services et la mise en place de nouveaux produits adaptés aux nouvelles réalités économiques. Dans sa configuration, ce crédit hôtelier ambitionne de renforcer Dakar comme ville de tourisme d’affaires, soutenue par le développement du City Trip autour de nouveaux circuits thématiques. Mais aussi, entre autres, de soutenir la requalification de l’offre touristique à Saly et sur la Petite Côte; développer l’offre de services dans l’écotourisme au Delta du Saloum et dans le Sénégal Oriental.
TOURISME RELIGIEUX ET TOURISME DE SANTE
Pour la relance du secteur touristique au Sénégal, l’Etat veut également s’appuyer sur le tourisme religieux au niveau de certaines localités du pays, à l’instar des villes comme Médine, Jérusalem et Rome. Aujourd’hui, des régions comme Kaolack, Thiès, Diourbel, Dakar, la Casamance, Kédougou, le Fouta, etc., pourraient développer ce type de tourisme qui n’est pas encore expérimenté d’une façon significative dans notre pays, en dépit des énormes potentialités, en dehors des nombreux événements religieux organisés chaque année. En effet, les régions de Kaolack, de Thiès et de Diourbel accueillent lors de la célébration des événements religieux (Gamou, Magal) des hôtes qui viennent des régions intérieures, de pays africains, d’Europe, des Etats-Unis ou d’Asie. Certes, même si ces évènements qui drainent chaque année des milliers voire millions de pèlerins musulmans, ils ne peuvent guère être considérés comme du tourisme religieux à l’heure actuelle et force est de constater que de nombreux visiteurs étrangers se rendent également dans ces cités religieuses pour contempler les grandes mosquées ou les mausolées des illustres chefs religieux comme celui de Cheikh Ahmadou Bamba…
Toujours dans ce domaine, parmi les lieux de pèlerinage catholiques, le sanctuaire Notre-Dame de la Délivrance de Popenguine et le petit séminaire Saint-Joseph de Ngazobil, sont aussi autant de sites plus connus et à promouvoir. La cathédrale de Dakar, l’église de Fadiouth et surtout l’abbaye des moines de Keur Moussa, célèbre pour ses messes dominicales chantées, accompagnées à la kora, sont très prisées des voyageurs. Dans un autre registre, faire de Dakar un hub médical à l’exemple de l’Inde, la Turquie et les pays du Nord. Voilà un autre projet que le Sénégal et ses partenaires ambitionnent de réaliser pour faire de notre pays une destination de tourisme médical au niveau de la sous-région et même au-delà. Cette idée émise pourrait non seulement permettre aux populations de disposer de structures de soins de qualité mais aussi mettre fin aux évacuations sanitaires onéreuses vers l’Europe et vers d’autres pays du Maghreb
COVID-19 «ACHEVE» UN SECTEUR AGONISANT
La pandémie de la Covid-19 a fortement affecté le tourisme au Sénégal. Premier secteur économique à en ressentir les effets, le tourisme connaît en effet les moments les plus difficiles de son existence au Sénégal. Dès l’apparition des premiers cas confirmés de coronavirus au Sénégal, les hôtels ont fermé leurs portes du fait de l’assèchement des marchés fournisseurs, la France, l’Italie, l’Espagne et la Belgique, entre autres, tous des pays qui n’ont plus de liaison aérienne avec le Sénégal. «Tous les secteurs sont touchés, mais nous, nous sommes sinistrés», avait alerté Mamadou Racine Sy président du Fopits. Avec les annulations d’évènements et des réservations, les hôtels ont perdu beaucoup d’argent. Pour accompagner les professionnels du secteur touristique, l’Etat a pris un certain nombre de mesures notamment le report des échéances fiscales et sociales des hôteliers, ainsi que l’obtention au niveau des banques un moratoire des créances dues, et sans intérêts. Des mesures qui ne font toutefois qu’éluder la sinistrose des réceptifs hôteliers face au coronavirus.
Par Calame
LA RÉPUBLIQUE DES CASTES ET DES COTERIES
D'un régime au suivant, la traversée de la «haute» société sénégalaise est ahurissante. Public-privé, majorité-opposition, magistrature-armée, religieux non pratiquants, ce monde vit en vase clos, se retrouve dans les mêmes cercles ou sur les mêmes coups
«La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe de religion. Elle respecte toutes les croyances». Théoriquement donc, les Sénégalais sont égaux devant le mérite qu’arbitre l’école, devant le pouvoir que régit la démocratie, devant la richesse que répartit la concurrence. Cà c’est sur le papier et c’est la Constitution qui le dit Beaux principes. Mais, dans un pays qui vante avec ferveur les problèmes d’équité et de l’Etat de droit, chacun essaie de s’affranchir des règles communes, usant de son rang social, de son carnet d’adresses.
Pour trouver du travail, s’ouvrir les portes d’une école, obtenir un rendez-vous, même médical, remporter un marché, arracher une subvention… Ces passe-droits sont d’autant plus utilisés que la société est minée par la crise qui exacerbe tout, bloque l’ascension sociale et accentue le déclassement. Du haut de l’échelle, dans les sphères du pouvoir, tout fonctionne entre castes soudées et coteries. C’est un monde de passe-droits et de privilèges, de combines et de corruption, un monde de l’entre soi et de la barbichette coupée du reste de la population. Une république ainsi noyautée par le copinage n'est plus qu'un décor à l'abri duquel une élite arrogante se croit tout permis. Les ruses prennent une autre dimension et leurs conséquences politiques, sociales et économiques nous concernent tous. Le peuple, mutilé par une précarité à tous les niveaux, de plus en plus désillusionné après deux alternances, témoin de l’entrain festif, limite orgiaque de ses dirigeants, porte en écharpe ses illusions perdues.
D'un régime au suivant, la traversée de la «haute» société sénégalaise est ahurissante. Public-privé, majorité-opposition, magistrature-armée, religieux non pratiquants, ce monde vit en vase clos, se retrouve dans les mêmes cercles ou sur les mêmes coups. L’essentiel c’est d’occuper la place. De hauts fonctionnaires se font intermédiaires ou agents d’influence, des parlementaires opérateurs économiques, avec en prime l’argent public toujours disponible pour faire des affaires privées. Dénoncés, ressassés depuis plusieurs années, les problèmes nés du foncier en général, le bradage des terres, l’occupation du littoral sénégalais en particulier, n’ont pas fait lever le petit doigt. Le domaine privé maritime, du moins son occupation, qui fait aujourd’hui l’actualité, et dont on fait semblant d’admettre la réalité accablante, est la bande de 100 mètres de la ligne de rivage à l’intérieur du continent. Réputé inconstructible sauf à titre précaire et révocable.
Toutes les constructions qui y sont érigées aujourd’hui ne respectent pas cette norme. Comment la respecter d’ailleurs, si, du grand complexe hôtelier, qui commence de ce qui est la base du Parc des Iles de la Madeleine, à la Mosquée de la Divinité, entre 2012 et 2014, une seule autorisation avait été délivrée par l’Etat, sur 19 chantiers en cours !
Pour dire l’actualité du passé, en 1993 déjà, les promoteurs de cet hôtel, avaient proposé à l’Etat du Sénégal un échange de « bons procédés ». Se voir attribuer cette base du parc des Iles de la Madeleine, contre la construction et l’aménagement de la Direction des Parcs Nationaux sise, en ces temps-là, sur cette partie de la baie de Soumbédioune. La frénésie d’avoir «les pieds dans l’eau», ferait croire que tous ces promoteurs et privés, comme des Madames Soleil, prédisant l’avenir, même d’outre-tombe, savent déjà que dans une vie postérieure, ils seront amphibies. Mais je m’égare…
Au lieu de donner le cap à une société désorientée, abattue par la crise économique à laquelle vient s’ajouter le Covid-19, la caste s'accroche à ses privilèges et les plus hardis, ceux dont l’incivilité, l’égotisme sont proportionnels à leur ignorance des règles primaires du vivre-ensemble, creusent la falaise, s’ils n’opèrent pas une ablation d’une de nos Mamelles. Pourvu que le défilé de hauts fonctionnaires qui se désintéressent du service de l’Etat continue, que leurs intellectuels aillent à la soupe, que des courtisans arrachent des prébendes au Palais de la République, si ce n’est le Palais lui-même qui les organise et les gère. C’est de cette manière qu’ils s’excusent mutuellement, retardent quelques affaires pénales, se protègent et entretiennent les vices publics. Un monde où chacun connait tout le monde et ignore le monde. Le reste peu leur chaut !
Loin d’eux cette devise, disparue du fronton des édifices publics : « Un peuple, un but, une foi ». La leur est « l’Etat, c’est pour nous ». Comment voulez-vous qu’avec cela, que ce pays ne soit pas perclus de déficits ? Dans tous les domaines. Mais voici que cette semaine, un énorme pavé jeté dans la mer profonde de la gestion du littoral dakarois, la corniche plus précisément, fait des vagues. La question de la gestion de ce bout de territoire de Dakar, est devenue l’actualité dans les réseaux sociaux, tenant lieux de nouveaux comptoirs de café, où l’on refait le Sénégal. Avec toujours en pointillés, cette caste qui a tout du pâté d’alouette (un mélange de viande de cheval et de chair d’alouette. Ce qui est à nous ne nous appartient pas. Les règles édictées qui nous régissent doivent être les mêmes pour tout le monde. Même si, comme en grammaire, l’exception, le phénomène exceptif vise à extraire une partie d’un tout ou, plus exactement, d’un groupe initial. Qu’elle soit de droit ou grammaticale, la règle est caractérisée, si ce n’est définie, par un certain nombre de propriétés ou de qualités auxquelles les exceptions porteraient atteinte. Ainsi dit-on qu’elle est générale, impersonnelle, abstraite et qu’elle a une certaine prétention à la permanence et à la stabilité. Or, l’existence et la multiplication des exceptions, exemptions, exonérations, dispenses, dérogations, passe-droits, privilèges semblent mettre à mal ces caractères.
En visant un certain nombre de destinataires au détriment de la masse, les exceptions altèrent la généralité de la règle, gage de l’égalité entre les citoyens. En épousant chaque situation et chaque espèce, elles conduisent à une particularisation et à une individualisation des règles et, au-delà, à une segmentation du peuple. Parce qu’elles s’adaptent aux contours sans cesse renouvelés des situations qu’elles visent, elles encouragent le foisonnement et l’instabilité de la norme. Exception. Voilà que ce mot peut-être trompeur quand il est utilisé comme substantif : des lois, des régimes, des hommes « d’exception » visent ce qui est hors du droit commun, hors de la règle ou du droit ordinaire, voire hors du droit tout court.
De même faut-il se méfier du qualificatif qui en découle, « exceptionnel », qui a acquis le sens de « rare », « remarquable », ou encore de l’expression « à titre exceptionnel », qui évoque une fréquence en même temps qu’elle sonne comme une justification. La règle veut, qu’en matière foncière, la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales (CCOD), soit l’unique structure nationale habilitée à valider la cession d’un terrain de l’Etat à un particulier. Cette commission, composée au minimum d’un Conseiller technique du Ministère de l’Economie et des Finances (ou des Finances selon la nomenclature du gouvernement), qui en est le Président, a en son sein, un représentant du Cadastre, un représentant du ministère de l’Urbanisme, un représentant de la Direction des Domaines, un représentant de la gouvernance ou de la préfecture et un représentant de la Mairie. Il faut aussi souligner, qu’en matière foncière, l’Etat juridiquement, possède deux types de terrains : les terrains immatriculés qui peuvent faire l’objet de cession de sa part, et les terrains non immatriculés, qui sont de ce fait, non cessibles, sauf s’ils font l’objet d’un décret de déclassement.
Le Domaine Public maritime en est. L’Etat est son propre notaire et son propre assureur. Seulement ici, ce sont les exceptions qui sont devenues la règle, au point qu’elles sont devenues l’archétype du deux poids deux mesures. Aux uns, on demande une mille-feuille de documents qui les oblige à arpenter pendant un long temps, les couloirs des administrations. Aux autres, le statut ou la puissance financière suffit. Le respect des procédures, les obligations, c’est pour les autres Et l’Etat qui, s’il était sérieux, se considérerait spolié, ne pipe mot et laisse les exceptions se propager comme ce virus à la contagiosité exponentielle qui nous inquiète tous. Léopold Sédar Senghor, affichait son horizon à l’An 2000. Abdou Diouf sous le régime duquel les « exceptions » relatives au domaine public maritime ont commencé, peut être considéré comme un sédatif après que Abdoulaye Wade est venu aux responsabilités. Lui, c’est l’excitant dont les effets secondaires traversent encore l’Etat actuel dont le Chef fait souvent appel au volontarisme et au potentiel des individus, recourant sans cesse à la rhétorique de la rupture qui se fait attendre depuis huit ans.
Face au tollé général, un communiqué officiel nous apprend que le Chef de l’Etat « a invité le ministre des Finances et du Budget, le ministre des Collectivités territoriales et le ministre de l’Intérieur de veiller au respect des règles de gestion foncière au plan national. Le Chef de l’Etat a dans cette dynamique, demandé aux ministres concernés de mettre en œuvre un Plan global d’Aménagement durable et de valorisation optimal du littoral national et de veiller, sur l’étendue du territoire à l’application rigoureuse des dispositions du Code de l’Urbanisme et du Code de la Construction ». Pourquoi maintenant seulement, alors que lui-même, avait renoncé avaitil dit, à un terrain sur la Corniche ? Quels actes seront pris à partir de maintenant ?
Sur la corniche de Dakar, aucun investissement n’a maintenu un équilibre avec la protection de la nature. Elle est bétonnée de partout. Fils et filles de la mer, les plages étaient présentes en nous. On pouvait y être du matin au soir, dans l’eau ou au soleil en attendant patiemment qu’il aille se coucher. Aujourd’hui, moins accessibles parce que privatisées, on saccage dans le même temps notre mémoire collective et nos plus profonds souvenirs. La belle corniche perd sa prestance au profit de constructions tout au bord, bouchant la vue et l’accès à la mer. Pourtant, la côte est du domaine public. Il est vain de vouloir nous boucher l’horizon quel qu’il soit, avec un rabiot promis au radoub ou du béton, une chose est sûre, les moyens pour affronter le grand large sont à notre portée.
par Scandre Hachem
LE COVID-19 ET L'AFRIQUE À TRAVERS L'EXPÉRIENCE DU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - Un pôle économique à l'extrême sud-est, pour nommer Tambacounda, est tout à fait réalisable. Il serait un pendant à la région de Dakar et un pont pour le développement de nos échanges en direction de toute l'Afrique subsaharienne
Les prévisions funestes des experts ont encore une fois été démenties, celles-là mêmes qui nous prédisaient millions de morts et catastrophes innommables.
Non seulement la pandémie n'y a sévi qu'à des taux marginaux, mais nos élites ont pu trouver, avec le peu de moyens à leur disposition, les savoir faire et savoir être propres à amortir sa dissémination et adopter des thérapeutiques expérimentales avec une indépendance d'esprit salutaire. Et ce, malgré le suivisme plus ou moins prononcé mais relativement temporaire de nos gouvernements vis à vis des puissances coloniales.
Cette épidémie a été l'occasion d'une impulsion intense de la créativité et de l'ingéniosité de nos scientifiques et techniciens notamment dans les technologies de pointe que sont l'électronique, le numérique et l'impression additive, plus communément appelée 3D. Si les pouvoirs publics savent l'écouter dans la durée et transformer ce surgissement en stratégie, on peut raisonnablement espérer alors la naissance d'une vague de fond qui pourrait propulser l'émergence réelle de l'Afrique et asseoir toute sa place d'acteur majeur dans l'équilibre mondial.
Acteur majeur et équilibre, non pour singer le monde occidental ni le monde asiatique dans leur course infernale à la productivité, au gain de temps compté en heures, puis en minutes et en secondes, non pour être mus par l'appât du gain et du profit maximal, non pour mettre l'humain au service de la comptabilité économique qui finit par se donner pour la Science économique, et j'en passe...
Équilibre mondial et acteur majeur pour cultiver et asseoir ses valeurs culturelles et civilisationnelles fondées sur l'adage qui dit "Nitt, garabou nitt la" (l'être humain est un remède pour l'être humain), une économie dont la mission essentielle et le fonctionnement sont de répondre aux besoins sociaux et non au profit de quelques individus, fussent-ils organisés en classe sociale. Revenir à l'économie au sens étymologique de gestion des biens de la famille ou de la maisonnée. Et non l'expropriation et le travestissement de son sens au profit de l'élaboration et l'imposition de règles destinées à permettre et encourager l'accaparement essentiel des biens par les plus puissants.
Car cette pandémie, par delà notre réaction et notre réponse pour la contenir et nous en protéger, s'est peu propagée et fixée en Afrique, d'elle-même, non comme le nuage de Tchernobyl qui se serait opportunément arrêté à telle ou telle frontière, mais peut-être tout simplement parce que l'Afrique est relativement en marge des circuits et mouvements économiques et commerciaux mondiaux.
On constate à priori que les pays les plus touchés sont des plaques essentielles de la circulation des marchandises et des personnes à partir du centre de la mise à feu de la pandémie. À l'intérieur même de ces pays, ce sont les régions les plus actives dans cette économie mondiale et de ses circuits qui ont été les plus touchées, le cas de l'Iran n'étant qu'une particularité qu'il faudra élucider un jour, mais qui pourrait être lié à la proximité historique de ses échanges civilisationnels avec la Chine et avec la présence fortuite de marchands iraniens à Wuhan dès la naissance de l'épidémie, bien avant qu'on en repère l'existence et la nature, marchands qui reviennent en Iran et sont au centre de la circulation commerciale et humaine dans le pays et, enfin, au manque criant de moyens techniques et de médicaments causé par les sanctions américaines.
En dehors de ces plaques tournantes avec une forte concentration humaine et une grande densité des transports, les zones plus lointaines et moins densément peuplées ont été beaucoup moins touchées.
Rappelons que la pandémie de la peste noire aux XIV et XV èmes siècles a mis quatre-vingts ans à se propager de son centre à son apogée géographique et s'est déplacée en suivant les circuits de circulation des grands centres de vie économique et religieuses. Un rythme à la mesure aussi de la vitesse de circulation de chaque époque.
C'est ce même phénomène qui a permis de préserver relativement l'Afrique qui occupe, de fait, une place marginale dans les grands flux des circuits commerciaux mondiaux. Notre faiblesse a été pour une fois notre force.
Mais cela ne s'arrête pas là.
Le monde occidental vit depuis un demi-siècle dans un environnement de plus en plus aseptisé, où les défenses immunitaires de l'être humain sont remplacées progressivement par des médicaments, et où leur production et leur mobilisation seraient donc de moins en moins sollicitées et finiraient par être anesthésiées.
Cela n'est pas le cas en Afrique et dans de nombreux pays du Sud. Non par une quelconque anticipation stratégique, mais par un manque de moyens tout simplement. N'ayant pas le luxe de substituts extérieurs pour le protéger, notre corps serait obligé de se défendre par sa force interne, maintenir et renforcer en conséquence ses défenses immunitaires propres. Là aussi, c'est une faiblesse qui nous permettrait de renforcer cette capacité.
Et pour reprendre l'adage qui dit "Niakk pékhé, pékhé la", ne pourrait-on pas penser, selon la même logique, que "Niakk doolé, doolé la", et que la reconnaissance active de sa faiblesse face à une situation est aussi le lieu potentiel de production d'une imagination et ingéniosité extrême à élaborer et mettre en oeuvre des solutions propres à dénouer des blocages à priori inextricables.
Le constat rationnel et honnête vis-à-vis de nous-mêmes de nos faiblesses devrait nous permettre en conséquence, non de nous en satisfaire en se bombant le torse pour certains, ni de nous y complaire pour d'autres, mais de mettre en oeuvre une stratégie pour notre développement, asseoir notre place, toute notre place, dans le nouvel équilibre mondial qui se dessine. Une stratégie à l'instar des arts martiaux qui se structurent essentiellement en puisant dans sa propre faiblesse et s'appuyer sur la force de l'adversaire pour en venir à bout.
Nous vivons dans un écosystème. Notre être est en adéquation avec celui-ci dans une relation intime et séculaire, exactement comme tous les autres peuples et grandes aires de civilisation. Nous vivons donc avec les germes, les bactéries et autres agents infectieux spécifiques à notre environnement, exactement comme notre corps porte en lui de ces mêmes agents indispensables à son équilibre et non nécessairement prédateurs, sauf au cas où il subit des modifications importantes pour telles ou telles raisons ou telles ou telles circonstances. Même dans cas là, un apport extérieur pour nous protéger et guérir, du fait de sa rareté, s'accompagne du facteur essentiel que représente la mobilisation extrême de notre système immunitaire.
Pour quelles raisons n'imaginerions pas dès lors une protection fondée non sur la recherche effrénée d'un milieu aseptisé où tout agent potentiellement pathogène est traqué et détruit à coups de produits chimiques de plus en plus puissants, mais auquel il finit par s'adapter et résister toujours mieux, mais plutôt par un développement de l'hygiène tout simplement, non pour détruire ces agents selon les termes d'un combat de Sisyphe, mais tout simplement pour s'en éloigner lorsque cela est nécessaire. Ce sont là deux modes de protection radicalement différents, avec des conséquences sur le système de production et de développement pharmaco-sanitaires décisives.
Quant à chercher à s'intégrer à tout prix aux circuits commerciaux mondiaux, avec des centres de civilisations extérieurs à notre écosystème, ce qui signifie nous ouvrir aussi à des agents pathogènes auxquels notre système immunitaire n'est pas du tout préparé, malgré la "mondialisation", n'aurions nous pas intérêt à privilégier enfin le développement de nos relations économiques et commerciales dans le champ africain, celui-là même qui constitue notre milieu global, nous y fortifier, et y créer progressivement les moyens spécifiques et adéquats à notre réalité pour les affronter, sans pour autant cesser de nous nourrir abondamment et intelligemment des connaissances produites sous d'autres cieux mais savoir réhabiliter cette fois celles produites sous les nôtres tout en sachant les débarrasser de leurs pesanteurs ?
En adoptant, sans le recul critique radical nécessaire, les moyens élaborés en fonction de systèmes économiques et sociaux étrangers à notre civilisation, nous nous donnons comme un simple marché de consommateurs et nous nous présentons désarmés pour nous en remettre entièrement à lui, sans nous appuyer sur la mobilisation optimale de notre propre système immunitaire.
Ce qu'il se passe au niveau de notre corps est du même type que ce qu'il se passe dans la nature avec les produits phytosanitaires et les engrais chimiques qui se révèlent être de plus en plus puissants, de plus en plus destructeurs des richesses et des capacités propres du sol à se régénérer et des plantes à se défendre, de plus en plus chers, bien qu'à une intensité moindre et une transformation plus lente. Tout cela pour le seul profit des industries pharmaceutiques et phytosanitaires mondiales qui voient ce marché particulièrement juteux se développer à une vitesse exponentielle.
C'est par un arrimage solide à l'Afrique, par une politique intelligente, souple et pragmatique de coopération et d'associations à tous les niveaux et dans tous les domaines, que nous sommes réellement capables de nous développer de façon homogène et intégrée : nous en partageons les contraintes, les ressources naturelles, le même niveau de développement, les mêmes grandes valeurs culturelles. C'est forts de cela que nous pourrons construire et occuper notre place dans le monde et dans son nouvel équilibre.
Créer pour l'Afrique les conditions d'un développement industriel et artisanal en encourageant la petite entreprise de transformation au service de l'artisanat. Pour ne prendre qu'un exemple, pourquoi ne pas limiter les droits d'exploitation de nos richesses minières, les accompagner de contraintes strictement respectueuses de l'environnement naturel et humain, associant les petites villes et les villages mitoyens et, enfin, exiger la rétrocession d'une partie de la production à des petites entreprises de transformation ayant pour finalité de revendre leurs produits finis ou semi finis à des artisans. Ceux-ci ont souvent du mal à se fournir en produits neufs mais très chers, travaillent généralement avec du matériel récupéré licitement mais qui donne aussi lieu, dans certains cas, à des transactions sur des produits issus en réalité de vols et déprédations diverses et variées.
Une telle politique créerait un environnement où l'on verrait éclore toute une gamme de petites entreprises de transformation et de production artisanale riches en main-d'oeuvre, en savoir faire et en créativité comme l'ont montré nos ingénieurs, techniciens, médecins quand il a fallu compter sur eux-mêmes pour affronter la crise que nous subissons car il n'y avait aucune "aide" extérieure de quelque sorte que ce soit, sinon minime, qui pouvait nous parvenir et nous permettre de nous passer de leurs services. C'est d'une certaine manière contraints et forcés que nous avons dû les écouter et les prendre au sérieux. Alors profitons en pour asseoir définitivement cette politique, l'encourager et lui donner les moyens de s'épanouir dans les meilleures conditions.
Et nous n'avons pas besoin d'entrer dans une logique de toujours plus pour notre développement, ce toujours plus qui soumet le monde fondé sur le système productiviste et néolibéral à une course infernale contre l'humanité et contre la nature. Nous avons besoin d'entrer au contraire dans un monde du mieux être au service de l'être humain et de la nature.
Nous avons besoin que nos concitoyens travaillent, créent, prennent le temps de vivre en harmonie avec leur environnement social et hors du besoin, et non pas de profits toujours démultipliés au service d'une minorité.
C'est le lieu, dès lors, de revisiter tous ces paradigmes que l'on nous inculque depuis des décennies, d'en mesurer les conséquences dramatiques, en prenant le risque de nous secouer nous-mêmes, déstabiliser nos certitudes intellectuelles comme notre confort matériel, pour nous orienter dans l'élaboration d'autres finalités et rasseoir solidement nos valeurs.
Protéger l'être humain, préserver ses capacités de défense propres et renforcer son système immunitaire, nous nous le devons. Nous le devons aussi à la nature, à la préservation de l'intégrité de notre planète. Dans une telle logique, nous devrions nous réorienter vers une agriculture qui respecte ces principes. Mettre en place des méthodes qui respectent et régénèrent les sols, favorisent et protègent la vie biologique qu'ils recèlent, prendre résolument distance avec les produits chimiques qui finissent de se substituer à la force vitale des sols comme des plantes qui s'en trouve dès lors anesthésiée et inopérante. Non pas, bien sûr de façon brutale mais selon une méthode raisonnée.
Le Sénégal dispose d'ores et déjà de suffisamment de compétences humaines et techniques, de centres de formation jusqu'au plus haut niveau et d'institutions pour se charger d'élaborer, mettre en oeuvre et assurer le suivi d'une telle ambition.
La muraille verte en oeuvre pourrait être l'occasion, si ce n'est déjà en cours, au profit des villageois des zones traversées, de mettre en oeuvre une formation à ces techniques de régénération et de protection des sols et des plantes afin qu'ils en tirent le meilleur. C'est d'ailleurs la condition de réussite d'une telle opération. Il faut que les villageois y trouvent leur intérêt, pas selon une éthique et une préservation de la nature et de la vie en général mais pour améliorer leur propre quotidien de façon concrète à court terme, avec une échéance définie de façon réaliste, dans une fourchette raisonnable, condition nécessaire pour qu'ils y adhèrent et protègent les plantes semées et/ou régénérées. S'appuyer sur ce qui a été réalisé en Casamance, mais cette fois, avec le concours massif de l'État qui mobilise les compétences nécessaires, les institutions et centres de formation pour participer à cette oeuvre gigantesque par sa dimension et par l'ambition qu'elle est en droit de générer en nous, pour notre avenir. Ce serait alors un mouvement massif de formation des paysans à ces nouvelles pratiques agricoles et une école grandeur nature pour les populations proches. Impliquer les villageois dans cet esprit, c'est contribuer aussi à favoriser, chez les anciens, l'émergence de savoirs séculaires, savoirs délaissés et enfouis à force d'avoir été dévalorisés par l'imposition de techniques modernes justifiées par ce qui se donne comme le fruit de la science, alors qu'en réalité il s'agit aussi et surtout d'une prétention à soumettre la nature et d'une volonté de promouvoir la production d'outils, de semences à usage unique et d'intrants à des fins essentiellement lucratives. Encouragés, valorisés et ramenés à revivre en harmonie avec la nature, une fois renouée la confiance en eux-mêmes, en leurs savoirs et savoir-faire, les paysans feront preuve, à n'en pas douter, d'une intelligence, d'une créativité et d'un investissement qui bousculeront radicalement nos certitudes et seront en même temps salutaires pour nous aider à retrouver pieds sur terre et quelque humilité face à nos connaissances "scientifiques", en réalité des connaissances bridées, organisées et formatées pour générer profits et rentes à croissance exponentielle.
Ceci nous permet d'aborder le quatrième volet des leçons de la pandémie en cours. La dissémination de la maladie suit les grands circuits de circulation économique et commerciale, et en conséquence les grandes concentrations urbaines. C'est ainsi que la région de Dakar concentre la majeure partie des populations infectées. Elle est en même temps l'unique poumon économique du pays. La confiner pour contenir l'épidémie, c'est plonger tout le reste du pays dans le marasme économique. On a pu le constater très rapidement sur le plan agro-pastoral pour ne citer que cet aspect. Briser son dynamisme économique par des mesures restrictives, rompre ses liens avec le reste du pays, c'est enrayer la possibilité pour l'écrasante majorité de ses membres de se nourrir tout simplement et la plonger dans la faim, tant l'économie informelle, d'où l'on y tire sa subsistance au jour le jour, y a cours jusque dans les moindres de ses méandres.
Cela devrait alors nous inciter à revoir notre politique d'urbanisation et de structuration de notre économie à l'échelle de l'ensemble du pays. Celles-ci restent tributaires d'une logique mise en place depuis le XIXème siècle par le système colonial. Cette logique est en voie de transformer l'agglomération de Dakar qui s'étend déjà sur toute sa région en une véritable mégalopole qui finira bientôt par absorber la région de Thiès elle-même, y compris la ville de Mbour et l'ensemble de leurs satellites.
Il serait fortement souhaitable d'enrayer résolument cette dynamique et se donner les moyens de redessiner le tissu urbanistique et économique, selon une vision holistique et une stratégie intégrée sur l'ensemble du pays, à commencer par le fait de favoriser l'émergence d'un pôle fort à son autre extrémité. Des moyens existent pour cela. Dakar est le bout d'un entonnoir où vient s'engouffrer le reste du Sénégal et des pays de la sous-région, notamment ceux du sud et du sud-est. Ce sont en conséquence tous les moyens de transports qui viennent s'y déverser, engendrant un surcroît massif de pollutions, embouteillages, pertes de temps et surcoûts substantiels qui se chiffrent chaque année à des centaines de milliards de francs, sans parler des ravages pour la santé, la surpopulation nourrie par l'exode rural et l'exode tout court de notre jeunesse la plus résolue, la plus intrépide et la plus débrouillarde.
Un pôle économique à l'extrême sud-est, pour nommer Tambacounda, est tout à fait réalisable. Il serait un pendant à la région de Dakar et un pont pour le développement de nos échanges en direction de toute l'Afrique subsaharienne au moins.
Articulée sur une politique agricole qui nourrisse son homme, une chaîne de petites entreprises de transformation et un artisanat tels que définis plus haut, les populations y verront l'intérêt de se fixer sur leur terroir et d'y trouver les moyens d'une vie raisonnablement confortable. Cela permettrait de contenir les surdensités de populations, de créer les conditions d'un maillage de régions suffisamment autosuffisantes pour éviter de multiplier déplacements forcés pour toutes sortes de besoins, et enfin de contenir les propagations de catastrophes (épidémies ou autres) et de les confiner, lorsque cela s'avèrera strictement nécessaire et non le fruit d'une panique, sans pour autant en subir des dommages catastrophiques pour les populations concernées.
Bien des éléments de bilan ont déjà été tirés de cette pandémie, d'autres le seront encore dans les mois et même les années à venir. À un mal peut correspondre un bien dit-on. Il nous appartient de relever le défi. L'Afrique en a les moyens, pour peu que nous acceptions aussi de nous tromper et subir des échecs, mais oser surtout et malgré tout nous en relever et revoir notre copie.
LE SENEGAL ENGRANGE PLUS DE 90,5 MILLIARDS FCFA
La suspension du service de la dette dû aux créanciers bilatéraux officiels jusqu’au 31 décembre prochain est une véritable bouffée d’oxygène pour l’économie sénégalaise fragilisée par la pandémie de Covdi-19
La suspension du service de la dette dû aux créanciers bilatéraux officiels jusqu’au 31 décembre prochain est une véritable bouffée d’oxygène pour l’économie sénégalaise fragilisée par la pandémie de Covdi-19. Grâce à la suspension du service de la dette, le Sénégal récolte90.567.780.874Fcfa. Ce fonds sera réinjecté dans le système pour prendre en charge les dépenses sanitaires, sociales et économiques inscrites dans le Programme de résilience Economique et Sociale (Pres). Cependant, la dette contractée auprès de créanciers privés n’est pas concernée.
Le Sénégal va engranger, à travers son adhésion à l’Initiative de suspension du service de la dette (Issd) dû aux créanciers bilatéraux officiels, une centaine de milliards. Les pays membres du G20 ainsi que de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (Fmi) ont donné un avis favorable à la suspension de la dette jusqu’à l’année prochaine. En effet, le Sénégal va réinjecter ce fonds destiné alors au paiement de la dette, dans l’économie pour renforcer la résilience à la Covid-19 qui a fini d’éprouver nos économies. «Cette suspension temporaire permettra aux pays éligibles de mieux faire face aux répercussions sanitaires, sociales et économiques de la Covid-19.
La participation du Sénégal à l’Issd se matérialisera par la suspension du paiement du principal et des intérêts dus à l’ensemble des créanciers du secteur bilatéral officiel, jusqu’au 31 décembre 2020, pour un montant de 90.567.780.874 de francs CFA entre le 1er juin 2020 et la fin de l’année, soit 13,51% du service de la dette extérieure dû en 2020», renseigne le ministère des Finances et du Budget. Selon le ministre Abdoulaye Daouda Diallo, ces 90 milliards seront consacrés au financement des dépenses sanitaires, sociales et économiques inscrites dans le Programme de Résilience Economique et Sociale (Pres) pour lutter contre les effets de la pandémie. «Les services compétents du ministère des Finances et du Budget engageront, dans ce cadre, les discussions avec le Secrétariat du Club de Paris et les créanciers bilatéraux officiels pour une mise en œuvre ordonnée de cette participation», souligne-ton dans un communiqué parvenu à «L’As».
Toutefois, le gouvernement précise que la dette contractée auprès de créanciers du secteur privé n’est pas concernée par cette suspension. «Le Sénégal réaffirme son engagement à se conformer à l'ensemble de ses obligations contractuelles vis-à-vis des créanciers du secteur privé et n’envisage pas d’étendre l’Issd à ces derniers», indiquent les services du ministère des Finances et du Budget. «Le soutien des créanciers privés au Plan Sénégal Emergent - que ce soit au travers de prêts ou la souscription d’obligations émises sur les marchés de capitaux internationaux - a permis d’inscrire le Sénégal dans une trajectoire de croissance forte et inclusive que les autorités entendent préserver. Le Sénégal reste mû par le souci de protéger cette relation de confiance qui lui a notamment permis d'emprunter à des maturités, allant jusqu’à 30 ans», rassure Abdoulaye Daouda Diallo.
LA GOUVERNANCE DE LA BAD EN QUESTION
La candidature du nigérian Adesina, candidat unique à sa propre succession n’est pas du goût de tout le monde au sein de l’institution
La candidature du Président de la Banque africaine de développement, du nigérian Adesina, candidat unique à sa propre succession n’est pas du goût de tout le monde au sein de l’institution. Des lanceurs d’alerte ont dénoncé certains travers du patron de la Banque qu’ils accusent de népotisme, de favoritisme, voire de collision avec certains états africains emprunteurs ne satisfaisant pas aux conditions requises pour bénéficier de prêts d’une institution cotée triple A. Le comité d’éthique de la Bad, a disculpé M. Adesina des fautes et manquements allégués. Cela n’a pas calmé l’ardeur de l’actionnaire américain qui a réclamé et obtenu le recours à une évaluation experte et indépendante, avec apparemment l’accord tacite des autres actionnaires non africains. Le Nigeria, pays d’origine de M. Adesina soutient son candidat alors que les autres états africains membres sont jusqu’à présent restés aphones. C’est dans tel contexte aussi chargé qu’on apprend la démission de la vice-présidente en charge de l’agriculture, du développement humain et social, l’américano-suissesse, Jennnifer Blanke, en poste depuis 2016 à la Bad. Sud Quotidien ouvre pour ses lecteurs, le débat sur cette banque réputée solide et exemplaire qui traverse une zone de turbulences sur fond de querelles d’actionnaires.
LE PRESIDENT ADESINA SUR SIEGE EJECTABLE - LA BAD CONNECTION
Oui, l’Afrique a des raisons d’être très attentive à l’impérialisme. Mais ce n’est pas la question à la BAD.
A moins que vous ne soyez totalement déconnecté des médias sociaux ou des plates-formes de messagerie comme WhatsApp (ce qui ferait de vous un être rare en ces temps de COVID19), ou que vous n’ayez aucun lien avec l’Afrique, votre calendrier, comme le mien, doit crouler sous le poids des théories donnant des raisons géopolitiques à l’imbroglio actuel entourant le renouvellement du mandat du président de la Banque Africaine Développement (BAD), Adesina Akinwumi.
Les théories vont de sa prétendue position prochinoise ayant irrité les « Américains » à sa politique de promotion d’une agriculture domestique au Nigeria qui s’accommode difficilement aux intérêts de l’agro-industrie américaine.
D’autres font état de complots sombres et sinistres pour faire dérailler le progrès financier de l’Afrique et imposer l’impérialisme occidental par la porte dérobée du financement des otages.
Adesina est charismatique et compte de nombreux partisans, en particulier parmi les cadres nigérians.
Une entrepreneure nigériane respectée qui a travaillé en étroite collaboration avec lui, lors de sa première candidature électorale a parlé avec passion dans un groupe WhatsApp de la façon dont elle avait été inspirée par la détermination obstinée d’Adesina, à renverser une règle tacite qui veut que le Nigeria, étant l’actionnaire principal, devrait être tempéré dans le soutien de ses ressortissants au poste de présidence de la Banque.
Elle fait allusion à la conviction que cette décision de l’Okonjo-Iweala a conduit l’équipe de lobbying à faire le forcing en faveur d’Adesina contre des candidats préférés de certaines puissances occidentales, ce qui a dû déranger et engendrer des inimitiés durables.
Preuve supplémentaire de ce “plan géopolitique” pour nuire à la position d’Adesina, ses partisans soulignent les récents commentaires de David Malpass, président de la Banque mondiale, critiquant la BAD pour des normes de crédit laxistes qui auraient poussé les prêteurs à l’Afrique à s’endetter déraisonnablement.
En qualifiant les bouleversements actuels à la BAD d’ingérence impérialiste, de néocolonialisme et d’intrigue occidentale contre l’autosuffisance africaine, les commentateurs ont élargi le champ d’application de l’analyse bien au-delà de l’aspect initial mis sur le compte des intrigues de haut niveau entourant le départ de cadres supérieurs de la Banque pendant qu’Adesina estampille son autorité sur l’institution et s’est positionné pour un renouvellement sans bruits de son mandat.
Sans surprise, de nombreux Africains peu au fait des réalités du monde du financement multilatéral du développement se sont focalisés sur la question des pays non africains possédant des actions et ayant des droits de vote à la BAD.
Sur twitter, un observateur furieux a rappelé à ses partisans, les prophéties de l’ancien président Shehu Shagari, qui s’était battu avec beaucoup d’abnégation, contre l’ouverture de la BAD aux actions étrangères. Shagari, dans cette interprétation de l’histoire, avait prévu ce que ses homologues n’avaient pas vu : accorder aux étrangers un intérêt quelconque sur les affaires africaines, c’est créer des conflits futurs.
Une explication plus simple. (…)
Plutôt que d’évoquer la géopolitique, ce qui se passe à la BAD peut être expliqué simplement. Tout d’abord, il y a les enjeux de pouvoir organisationnel auquel chaque acteur fait référence, ensuite la mauvaise stratégie et technique d’investissement souveraine de l’Afrique subsaharienne.
Prenons la critique Malpass, qui a été utilisée comme un prétexte dans la théorie de la conspiration américaine. S’il est vrai qu’il n’y a pas de relations particulières entre Steven Dowd, le représentant américain au conseil d’administration de la BAD et Adesina, il en est autrement de celles qui lient le dirigeant de l’agroindustrie et de la logistique de l’Etat de Floride à David Malpass. Malpass lui-même entretient de solides relations avec Steven Mnuchin, le secrétaire américain au Trésor et représentant au conseil d’administration de la BAD. Cette situation a fait dire que les critiques de Malpass ne sont que l’œuvre d’un « tueur à gage ». Toutefois une telle vision est aujourd’hui dépassée. En effet dans ses discours, Malpass s’en prend non seulement à la BAD, mais aussi à plusieurs banques régionales de développement. Il critique tout azimut les normes qu’il juge très lâches sur lesquelles elles se basent pour accorder des prêts. Concernant Malpass, ce discours n’est pas nouveau. En 1989 déjà, il adoptait la même démarche dans le témoignage qu’il fit devant le sous-comité des opérations étrangères du Comité des crédits du Sénat des États-Unis. A cette occasion il a critiqué la plupart des banques multilatérales de développement comme ayant des normes « hors-normes ».
Cela a fait suite à un examen effectué en 1982 dans le cadre des opérations multilatérales de financement des banques de développement (BMD). Les États-Unis, droits dans leurs bottes, avaient empêché la Banque mondiale de participer aux investissements pétroliers et gaziers, insistant sur le fait qu’il existe d’autres sources de financement sur les marchés commerciaux.
Quels que soient les « mérites » de la politique américaine sur les BMD, imposant des critères d’évaluation de crédits plus stricts, ce n’est pas une posture nouvelle sous couvert d’ « une conspiration géopolitique » contre le président de la BAD.
Malpass est peut-être été sincère, même si nous pensons qu’il a été mal conseillé.
Les faits démontrent que les prêts non remboursés ont plus que doublé de valeur depuis 2014 alors que le carnet de prêts n’a augmenté que d’environ 50%. Ce n’est pas la preuve formelle d’une détérioration des normes de crédit au fil des ans, mais cela montre que les conditions d’approbation deviennent un peu plus libérales en ne laissant pas apparaitre la capacité de remboursement de l’emprunteur. Des désaccords compréhensibles peuvent exister dans l’analyse des faits.
Ce qui est sans doute la raison première de la discorde personnelle entre certains acteurs clés de la BAD. Les départs des cadres supérieurs au début du mandat d’Adesina ne se sont pas opérés de manière sereine. Personne à la BAD n’ignorait les rancunes, les campagnes de chuchotement et les points de presse « off-the-record » qui avaient cours.
La vérité toute simple, réside dans le fait que les banques multilatérales africaines ont toujours été sujettes à des machinations et des intrigues qui éclatent de temps en temps, quand quelques intérêts privés sont menacés. Le linge sale se lavant alors en public.
Développements intrigants
En 2013, Laurence do Rego, alors directrice générale du risque et des finances chez Ecobank Transnational (Ecobank), une banque initialement cofondée et largement créditée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a publiquement accusé le Conseil d’administration du prêteur régional de « ne pas fonctionner dans l’intérêt des actionnaires ». La vague qui s’en est suivie a englouti de nombreux cadres, dont le PDG Thierry Tanoh et le président Kolapo Lawson.
Do Rego a accusé le président de la Banque «d’escroqueries et de fraude. Dans cette controverse, c’est le gouvernement nigérian qui avait voulu nettoyer la banque et expulser le président, alors même que le conseil d’administration le soutenait.
Nous pouvons également prendre exemple sur Martin Ogang, le directeur général ougandais de la Banque du commerce et du développement de l’Est et du Sud (PTA), aujourd’hui TDB, dont le licenciement a été très fortement demandé et obtenu par le Zimbabwe.
La décision du Zimbabwe de se retirer de la PTA n’était qu’une étape d’une longue histoire de machinations internationales et de litiges crées autour de l’affaire Ogang. Ogang congédié, une jurisprudence sur les immunités et les privilèges des organes multilatéraux régionaux et de leurs acteurs avait été mise en place.
Les institutions de financement du développement (IPF) sont ce qu’elles sont parce que la politique s’y mélange à l’argent. C’est pourquoi il est surprenant que les gens soient allés si loin dans la recherche de théories géopolitiques complexes pour conclure à une conspiration américaine ayant conditionné ses objectifs au départ d’Adesina de la banque.
Il est vrai que la lettre de Mnuchin était arrogante par endroits.
Le rejet complet des procédures de la gouvernance interne qui avaient été évoqué jusquelà au sein de la BAD pour répondre aux préoccupations des lanceurs d’alertes, et la demande faite à un « enquêteur externe indépendant, d’une réputation professionnelle sans tâche » pour refaire l’enquête est une dénonciation générale de la qualité du très hétéroclite conseil des gouverneurs (composé de tous les ministres des Finances des 80 pays membres) et de 20 administrateurs .
Mais le conseil d’administration a peut-être mal évalué le degré de l’intérêt public, et aurait pu avoir à l’esprit que dans le cadre d’une enquête très médiatisée menée par un membre de la direction, confronté à un éventail aussi large d’accusations, d’actes répréhensibles, mais aussi peu étayées, la pratique conventionnelle est que le Conseil retienne un avocat externe ayant des titres de compétences irréprochables.
Il faut noter la grande différence entre faire appel, mener une enquête indépendante et obtenir les meilleurs conseils d’un spécialiste en éthique et celui d’un conseiller que rien ne lie au cadre supérieur « accusé» d’autant plus que tout le monde sait que le conseil est fortement divisé sur cette question précise.
Les mécanismes d’enquête sur une situation aussi délicate, où les accusateurs profitent pleinement des protections des dénonciateurs de l’organisation, et où les allégations abondent, selon lesquelles certains directeurs exécutifs sont directement impliqués, ne peuvent être considérés comme une routine en matière de procédures.
Des compétences spécialisées impartiales et hors banque sont nécessaires. C’est précisément l’avantage qu’ont les avocats externes quand ils ont eu à y travailler.
Je ne suis donc pas convaincu que les développements actuels à la BAD soient le prétexte d’une réflexion géopolitique en cours en Afrique en ce moment.
L’angoisse nait du fait même qu’il y a des actionnaires non africains dans la BAD et appelant à l’autonomie africaine dans la gestion et la possession complète de sa propre banque de développement est particulièrement ténue.
La BAD en tant que banque régionale de développement à part entière s’est progressivement internationalisée.
Les 26 actionnaires non africains (allant de la Turquie au Luxembourg) qui détiennent 40% des capitaux y sont partisans de rendements exclusivement, ce qui est banal pour des gouvernements non africains. C’est ce qui motive leur intérêt pour une banque de développement régional. La participation non asiatique à la Banque asiatique de développement, par exemple, est de 36,6 %. Elle est très proche de celle qui prévaut à la BAD. Les stocks de capitaux appartenant à l’Amérique latine (près de 50%) à la Banque interaméricaine de développement renforcent cette opinion. Ce format n’est pas une nouveauté dans les pays du Tiers monde.
Parmi les actionnaires de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) il y a l’Arménie, la Biélorussie, l’Inde, Israel, le Mexique, la Mongolie, l’Ukraine, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, et les États-Unis (qui en est le plus grand). Le Japon y a autant d’actions que les puissances européennes que sont l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie. La Russie a plus d’actions que l’Espagne, les Pays-Bas ou la Suisse.
Trois pays africains, le Maroc, l’égypte et la Tunisie, sont actionnaires de la BERD. Si les gouvernements de l’Afrique subsaharienne n’ont pas jugé bon d’y investir, la seule raison est le manque d’attention à la stratégie de gestion des fonds souverains, un sujet sur lequel je reviendrai.
La BAD est la seule grande banque régionale de développement dont les États-Unis ne sont pas membres fondateurs.
En fait, contrairement à la BAD, qui a résisté à l’actionnariat non régional pendant longtemps, principalement en raison de l’influence de son principal membre fondateur, le Nigeria, la Banque asiatique de développement (BAD) a choisi dès le début, d’être attrayante pour les investisseurs souverains internationaux, en particulier les États-Unis.
Malgré cette ouverture, sur l’hégémonie régionale de la BAD, le Japon a exercé une très grande influence. Depuis sa création, chacun des présidents de la Bad est japonais. Et ce, malgré le fait que la participation japonaise dans la BAD est à égalité avec celle des États-Unis (par rapport à la situation dans la BAD où le Nigéria a près de 50% de plus en participation que les États-Unis). D’autres éléments de preuve, très clairement inscrits dans que l’actionnariat qui n’est aisément contrôlable. C’est la mondialisation de la « finance souveraine », plutôt que la dynamique impérialiste qui semble être en jeu ici. En tout cas, c’est cette même mondialisation qui a conduit à l’augmentation de plus de 11 fois la base du capital de la BAD au cours des vingt années.
Il convient également de mentionner que les membres non régionaux sont souvent convoités parce qu’ils n’empruntent pas.
Dans un sens, on peut dire que les membres régionaux ne font que faire circuler l’argent entre eux alors que les “étrangers” injectent de l’argent “réel”.
Le Nigéria est certes le principal actionnaire, mais il emprunte à équivalence. La plus grande proportion des prêts non souverains de la BAD, soit plus de 18 % au Nigéria. Viennent ensuite les pays d’Afrique du Nord, qui bénéficient de près de 45 % des prêts en cours.
La structure du capital de la BAD, dont plus de 90% souscrits étant “callable” (en termes bruts, “promis”) plutôt que versés (comme d’autres BMD à cet égard), est un fardeau porté par tous ses membres, y compris les “étrangers” non-emprunteurs, pour se voir créditer des grandes sommes que la BAD emprunte pour les prêter ensuite aux pays “d’origine”, dont certains ne peuvent pas obtenir de prêts même de la Banque mondiale.
La quasi-totalité de la base de la notation triple A de la BAD repose sur le capital appelant massif (près de 27 milliards de dollars avant les nouvelles augmentations prévues pour la levée de capitaux en cours) promis par les pays riches et non emprunteurs. En bref, la BAD a désespérément besoin des membres non africains pour maintenir son dynamisme, voire sa viabilité.
La question la plus intéressante est de savoir pourquoi les gouvernements africains ont tendance à ne pas augmenter leurs parts à cet actif de qualité d’investissement adossé au crédit de certains des pays les plus puissants du monde .
Nous ne pouvons attribuer le préjudice, le cas échéant, de cette omission ou de cette négligence qu’à un mauvais sens de la stratégie financière plutôt qu’à certaines machinations impériales. C’est, me semble-t-il, le bon cadrage de la situation géopolitique de l’Afrique : une stratégie faible ou inexistante.
Le Ghana, par exemple, a des fonds bloqués dans des actifs négatifs à intérêt réel à New York depuis un certain temps maintenant parce que l’élite du pays semble incapable de construire le consensus politique nécessaire et de faire preuve de créativité sur la restructuration des mandats d’investissement de ses fonds pétroliers excédentaires souverains (une super majorité parlementaire est nécessaire pour faire des progrès).
Il va sans dire qu’aucun impérialiste ne tire les ficelles dans cette affaire interne à la BAD
La non-performance des Fonds souverains africains a presque toujours été attribuée à l’absence de stratégie claire et de mandats flous.
Etant donné qu’il s’agit des entités locales les mieux placées pour soutenir des institutions comme la BAD qui a une assise financière pour accroître sa base de capital, il y a dans l’opinion cette idée que l’actionnariat étranger aux capitaux de la BAD doit être découragé au profit de la propriété africaine. La faute doit être imputée aux Africains eux-mêmes et non aux étrangers
Je récuse l’existence d’un argument plus « sophistiqué » qui veut que la façon dont les institutions de financement du développement finissent par être « capturées par l’impérialisme », souvent à cause du système financier de Bretton Woods, par sa rigueur technique. Mais ce n’est pas l’argument que nous développons dans l’affaire en cours de la BAD.
C’est vrai, l’Afrique a des raisons d’être très vigilante par rapport à l’impérialisme, et les préoccupations générales, relatives à l’ordre mondial néolibéral qui sont souvent légitimes. Mais il ne sert à rien de se donner en spectacle et avec fracas pour faire des comptes rendus de réunions à caractère « géopolitique
Bright Simons est analyste des politiques, directeur de think tank et technologue du Ghana. Il a siégé à plusieurs conseils d’administration et comités consultatifs internationaux.
Bright SIMONS (ThEAFRICAREPORT.COM)
LE SÉNÉGAL OBTIENT L'ALLÈGEMENT DE SA DETTE
Le service de la dette de l'Etat sera allégé de quelque 137 millions d'euros cette année grâce au moratoire décidé par les pays du G20, un ballon d'oxygène qui servira à lutter contre les conséquences du coronavirus, selon le gouvernement
Le service de la dette de l'Etat sénégalais sera allégé de quelque 137 millions d'euros cette année grâce au moratoire décidé par les pays du G20, un ballon d'oxygène qui servira à lutter contre les conséquences de la pandémie de coronavirus, selon le gouvernement sénégalais.
"La participation du Sénégal à l'Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) se matérialisera par la suspension du paiement du principal et des intérêts dus à l'ensemble des créanciers du secteur bilatéral officiel jusqu'au 31 décembre 2020 pour un montant 90,57 milliards de francs CFA (137 millions d'euros) entre le 1er juin 2020 et la fin de l'année, soit 13,51% du service de la dette extérieure dû en 2020", a précisé le ministère des Finances et du Budget mercredi dans un communiqué. Le Sénégal entend affecter les budgets libérés au "financement des dépenses sanitaires, sociales et économiques" de son Programme de Résilience destiné à lutter contre les effets de la pandémie de Covid-19, selon la même source, alors que le pays d'Afrique de l'Ouest a enregistré plus de 4.500 cas de coronavirus et 54 décès.
Le président sénégalais Macky Sall avait salué le 17 avril avec retenue la décision du G20 de suspendre la dette des pays les plus pauvres, parmi lesquels nombre d'Etats africains, mais il avait persisté à réclamer l'annulation, "plus que réaliste" selon lui, de cette dette. Mercredi, le Sénégal a toutefois "réaffirmé son engagement à se conformer à l'ensemble de ses obligations contractuelles vis-à-vis des créanciers du secteur privé" et assuré qu'il "n'envisage pas d'étendre l'ISSD à ces derniers".
Face au plongeon de l'économie, le G20 avait pris mi-avril la décision inédite de suspendre pour un an les remboursements de la dette des pays les plus pauvres fragilisés par la pandémie -- une initiative déclinée depuis par les 22 pays du Club de Paris, ainsi que par une poignée de créanciers émergents (Chine, Inde, Arabie saoudite, Turquie, Afrique du Sud).Ethiopie, Tchad, République du Congo et Pakistan ont obtenu mardi cette suspension, après huit autres pays comme le Mali, la Mauritanie ou encore le Burkina Faso.Dix-neuf autres dossiers devraient "aboutir rapidement", avait expliqué mercredi avant l'annonce du Sénégal la présidente du Club de Paris, Odile Renaud-Basso.
DETTES AFRICAINES, LA CADENCE DES MORATOIRES S'ACCÉLÈRE
À ce jour, le Club de Paris a validé des moratoires sur les dettes de 8 États africains. Mais la question des possibles annulations, elle, est loin d’être réglée
Jeune Afrique |
Nelly Fualdes |
Publication 11/06/2020
Avec la validation des dossiers de l’Éthiopie, du Tchad et du Congo, le 9 juin, le Club de Paris a porté à 8 le nombre de pays africains qui bénéficient à ce jour d’un moratoire sur leur dette publique (avec le Mali, le Burkina Faso, le Niger, la Mauritanie et le Cameroun), et à 1,8 milliard d’euros le montant des échéances reportées. Et d’autres pays devraient suivre : « Sur les 31 pays qui ont formulé des demandes, 22 sont situés en Afrique subsaharienne », a indiqué la présidente du Club de Paris, Odile Renaud-Basso, lors d’un point de presse, le 10 juin.
Selon elle, il n’y a pas de surprise à attendre de l’instruction des dossiers en cours : « Les pays qui ont déposé leurs dossiers sont ceux avaient été sélectionnés comme éligibles [Le Zimbabwe, l’Érythrée, le Soudan et la Syrie de l’étaient pas, du fait d’arriérés auprès des prêteurs multilatéraux], et qui en ont fait la demande. Sauf s’ils changent d’avis et refusent les termes du contrat qui leur est soumis, la procédure aboutira », affirme-t-elle.
Si 19 dossiers sont encore en cours d’instruction, la directrice du Trésor français n’exclut pas d’avoir à se pencher sur d’autres demandes : « Certains pays, très prudents au départ, notamment du fait de craintes sur leurs capacités futures d’emprunt sont en train de réviser leurs positions et pourraient se manifester », explique celle qui constate une « accélération des demandes ».
« Il est tout à fait normal qu’il y ait des évolutions dans les positions des gouvernements, du fait des discussions bilatérales avec leurs créanciers qui avancent et du partage d’analyse entre États africains qui peuvent aboutir à des prises de positions communes », commente Nicolas Jean, avocat spécialisé dans le financement de projets en Afrique chez Gide, un cabinet qui s’est positionné dès la mi-avril sur le créneau de la renégociation des dettes des pays africains, déployant une vingtaine d’avocats sur le sujet.
Un moratoire, et après ?
« La dette à l’égard du Club de Paris ne représente qu’une partie des dettes des pays africains », relativise l’avocat, pour qui « cette respiration est indispensable, mais le véritable enjeu reste l’investissement ». « L’Afrique n’est pas surendettée, elle est sous-financée. Pour éviter à l’avenir d’en venir à des renégociations, moratoires ou annulations, et de dégager des capacités d’endettement supplémentaires, il faudrait qu’une partie des financements soient faits à des taux concessionnels, et que le reste se voit appliqués des taux cohérents avec leur profil de risque et avec les taux appliqués dans les autres régions du monde », développe-t-il.
OPA HOSTILE DE LA FRANCE ET DE L'UE SUR L'ECO POUR PROLONGER LE FCFA
En difficulté face aux opinions publiques africaines, le gouvernement français a fait preuve d’une manoeuvre subtile. : il lui faudra réussir à scénariser la fable de la fin du FCFA - NOTE DU COLLECTIF AFRIQUE DU PCF
SenePlus publie ci-dessous, la note du collectif Afrique du Parti Communiste Français (PCF), reçue ce 10 juin 2020, à propos de la réforme du FCFA annoncée en décembre dernier à Abidjan et récemment entérinée par le gouvernement français.
"L'accord de coopération monétaire entre lese gouvernements des États de l'Union monétaire ouest africaine (UMOA)* et le gouvernement français, signé le 21 décembre 2019, vise à réformer les instances et le fonctionnement du FCFA.
Il doit être ratifié par les parlements concernés par cet accord.
Il prévoit :
- La suppression de l’obligation de centralisation des réserves de change sur le compte d’opérations au Trésor
- Le changement de nom de la devise
- Le retrait de la France des instances de gouvernance de la zone et la mise en place concomitante de mécanismes de dialogue et de suivi des risques.
Sur la forme
Le projet a été construit loin des regards. L’annonce faite le 21 décembre 2019 à Abidjan avec l’ultra libéral Alassane Ouattara, installé par les chars français en 2011, ne doit rien au hasard. Une fois d e plus, les peuples africains n’ont pas été conviés aux discussions. Ils apprendront dans la presse ce que Paris, Bruxelles et quelques dirigeants africains bien choisis ont décidé pour eux.
Quant à l'affirmation que ce serait « les autorités de l’UMOA (q ui) ont fait part de leur souhait de voir évoluer le fonctionnement de leur coopération monétaire avec la France », on peut bien sûr en douter. La pratique visant à faire croire que les anciens pays colonisés seraient demandeurs n’est pas nouvelle.
État des signatures et ratifications
L’accord a été signé par le Ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire et par l’ensemble des Ministres des Finances des États membres de l’UMOA. La ratification est en cours dans chacun de ces États. À ce stade, a ucune notification officielle de ratification n’a été adressée à la France.
Comme à son habitude, la France ouvre la voie, les autres devront suivre.
Sur le fond
Comme l’indiquaient des intellectuels africains dans une déclaration en janvier dernier, « si certains symboles gênants, associés au franc CFA, vont disparaître, les liens de subordination monétaire sur le plan légal et sur le plan de la conduite de la politique monétaire restent en place ».
La porte-parole du gouvernement, Sibeth Nd iaye ne s’y trompe pas quand, après la présentation du projet de loi en conseil des ministres, elle fait allusion à une fin symbolique : « Cette fin symbolique devait s’inscrire dans un renouvellement de la relation entre la France et l’Afrique et écrire u ne nouvelle page de notre histoire ».
L‘étude d’impact attachée au projet de loi rassure les parlementaires sur la question des intérêts français. La coopération monétaire, anciennement liée au FCFA et demain à l’ECO, est préservée :
«Les paramètres fon damentaux de la coopération ne sont toutefois pas modifiés : le régime de change demeure inchangé, avec un maintien de la parité fixe entre l’euro et la devise de l’Union tout comme la garantie illimitée et inconditionnelle de convertibilité assurée par la France ». 1
L’accord « pose les axes de la réforme (…), tout en conservant explicitement le régime de change fixe vis à vis de l’euro » . Le gouvernement fr ançais ne masque pas cet arrimage, il le spécifie « explicitement ».
L’ancrage à l’Euro est un outil essentiel de l’ingérence monétaire. La politique monétaire des pays concernés sera dépendante de celle de la Banque Centrale Européenne. Cette parité fixe a pour résultat de garder prioritaire la lutte contre l’inflation au détriment d’un véritable développement industriel, agricole et d’une politique de progrès social.
La « rénovation » du CFA laisse aussi de côté la question de la transférabilité qui permet aux entreprises notamment multinationales de soustraire leurs bénéfices aux pays africains. Elle fait également l’impasse sur le manque criant d’échanges économiques entre pays africains.
Par ailleurs, le retrait annoncé de la France des instances de gouvernance de la Zone, est modulé par la « présence au Comité de politique monétaire (CPM) de la BCEAO [Banque Centrale des É tats d’Afrique de l’Ouest, ndlr] d’une personnalité indépendante et qualifiée nommée intuitu personae par le Conseil des Ministr es de l’UMOA, en concertation avec la France (article 4). Cette personnalité, qui prendra part aux délibérations, sera choisie en fonction de son expérience dans les domaines monétaire, financier ou économique ».
Le détail des principes généraux des relations entre la France et les instances de l’UMOA sera précisé après la ratification du projet de loi. On demande aux parlementaires de se prononcer sans avoir connaissance de ces détails précisés dans des « textes subordonnés (convention de garantie ; échanges de lettres entre la France et la BCEAO pour fixer les modalités des échanges d’information nécessaires pour permettre à la France de suivre l’évolution de son risque ; détermination par accord ad hoc des parties pour les réunions techniques de suivi ».
La France à la manoeuvre
Face à l’aspiration grandissante des peuples et des pays africains à la souveraineté politique et économique, le gouvernement français manoeuvre.
Les quinze pays de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) avaient retenu en juin 2019 à Abuja (Nigeria) le nom de l’ECO pour leur projet de monnaie unique régionale ouest africaine. Aboutissement d’une lente gestation initiée en 1983, reportée de nombreuses fois, accélérée depuis quelques an nées, mais loin d’être prête tant les critères de convergence exigés des pays membres sont irréalistes.
Il ne s’agit pas ici de se prononcer sur la nature du projet très libéral de la CEDEAO, mais de constater que la France s’est clairement invitée po ur perturber le jeu. Elle a récupéré en quelques sorte le projet y compris le nom pour le modifier et en faire un outil au service de ses intérêts et des intérêts européens. D’ailleurs le jeudi 16 janvier, dans le cadre de la Zone monétaire ouest afric aine (ZMAO), le Nigeria et cinq autres pays de la CEDEAO ont condamné la décision de l’UMOA de renommer « unilatéralement » le franc CFA en ECO et de « voler » en quelque sorte le projet de monnaie de la CEDEAO nommé également ECO…
Une course de vitesse est donc engagée. Le calendrier précipité. En pleine pandémie de COVID, la ratification du projet de loi est lancée à Paris.
Seule l’Afrique de l’Ouest est concernée, ce qui confirme la nature de la manoeuvre. Les six pays de la Communauté économique et moné taire d’Afrique Centrale (CEMAC) sont tenus à l’écart de la réforme, de même que les Comores qui possèdent eux aussi un franc CFA. Il n’existe pas en Afrique central de projet monétaire concurrent, inutile donc de proposer une fin symbolique du CFA pour ce tte zone…
En lieu et place d’un panier de devise, il s’agira d’un arrimage à l’Euro. Cette OPA hostile de la part de l’État français sur le projet de monnaie ouest africain est aussi réalisée pour semer le trouble et la confusion. Elle avive des tensions. La France clame que « l’objectif était de parvenir à une réforme participant à la modernisation de l’UMOA, mais aussi facilitant son extension progressive aux sept autres pays de la CEDEAO ». Chacun sa vérité.
Les pays de la CEDEAO non membres de l’UMOA accepteront ils de se plier à ce nouvel « Eco » arrimé à l’Euro ? Rien n’est moins.
Paris choisi la politique du fait accompli . En imposant son propre agenda, il coupe l’herbe sous le pied des pays anglophones dont la locomotive Nigeria et espère inscrire dans le marbre les logiques contenues dans l’accord de coopération avec l’UMOA.
En difficulté face aux opinions publiques africaines, le gouvernement français a fait preuve d’une manoeuvre subtile. Il n’est plus sur la défensive. Il devient proactif et impulse la marche à suivre. Pour les opinions, c’est un coup de poker : il lui faudra réussir à scénariser la fable de la fin du FCFA . C’est aussi cela qui est en jeu et qu’il s’agit de déconstruire.
Un projet de loi pour perpétuer les mécanismes de la domination monétaire du FCFA
La question posée pour nous est la suivante : s’agit-il, avec cette fin annoncée du FCFA, de parachever la décolonisation ? Non. La meilleure preuve est toute simple, elle réside dans l’existence même d’un accord de coopération monétaire entre la France et les pays de l’UMOA. Cet accord décidé loin des peuples est rendu davantage présentable que le vieux et connoté FCFA dont la survivance devenait problématique. Débarrassé de ses oripeaux, il n’en constitue pas moins un accord de domination. Si le gouvernement français voulait mettre fin au FCFA et à ses mécanismes, il se serait désengagé en menant une large concertation en amont avec les gouvernements et les peuples, leurs représentants, les sociétés civiles. Il n’y a rien de tout cela.
L’État français ne sort pas de la logique de domination monétaire. C’est l’occasion, 60 ans après les indépendances, d’appeler à faire un bilan pour évaluer si la perpétuation de cette coo-pération monétaire est nécessaire.
La tutelle post coloniale, monétaire, économique, militaire, a-t-elle été de nature à ouvrir des perspectives, à améliorer le sort des peuples en Afrique francophone ? A l’évidence non. Le bilan est affligeant dans l’ancien pré-carré, entre maintien sous tutelle de régime dictatoriaux, autoritaires, les déstabilisations, les guerres (Centrafrique, , Sahel…), les États faillis, l’incapa-cité à répondre aux défis sociaux, économiques et environnementaux…
Il n’y a donc aucun intérêt à reconduire une page de coopération monétaire, mais si elle est présentée comme nouvelle. En réalité rien ne change.
Le gouvernement français est obligé de manoeuvrer en recul, ce qui est à mettre au crédit des prises de consciences et mobilisations en Afrique, mais il ne sort pas de la logique de domination.
Parce que nous sommes pour la fin du FCFA et des mécanismes qui le régissent, une des étapes nécessaires pour parachever la décolonisation, il est proposé de s’opposer à ce projet de loi qui ne fait que les perpétuer sous un autre nom, voire de tenter de les élargir à d’autres pays, une fois les « irritants » politiques enlevés.
Le Parti communiste français, qui a apporté sa pierre dans la résurgence et la montée du débat pour le dépassement du FCFA, devra poursuivre la démarche. D’autant que les projets officiels en cours sont tous d’essence libéral, et que montent les sentiments nationalistes ou anti-français - sur fond de racialisme, stériles et dangereux donc instrumentalisables par les dominants. Ce danger n’est pas à sous-estimer. En plus de l’obscurantisme, c’est un piège supplémentaire en Afrique de l’Ouest, équivalent à celui de l’extrême droite ici ; les ramifications sont d’ailleurs connectées.
D’où l’importance d’avancer sur une alternative de progrès pour la pleine souveraineté moné-taire et économique des peuples et des pays africains en concertation avec les forces progres-sistes sur nos deux continents.
1 Cette étude d’impact explique non seulement aux députés que rien de fondamental dans la tutelle monétaire ne va changer mais qu’en plus la mise en oeuvre de cette tutelle va coûter moins chère : « La fin de l’obligation de dépôt des réserves de change de la BCEAO sur le compte d’opérations entraînera également la fin de la rémunération avantageuse des avoirs déposés sur le compte (à un taux de 0,75% actuellement). Pour mémoire, ce sont respectivement 40,6 et 40,4 M EUR qui ont été ver sés à la BCEAO en 2018 et 2019. Enfin, la garantie de change dont bénéficient les sommes déposées par la BCEAO sur le compte d’opérations disparaîtra également. Les dépôts obligatoires de la BCEAO bénéficient actuellement d’une garantie de non dépréciation par rapport au panier de devises internationales constitutif du droit de tirage spécial (DTS) ». Tout est dit.
Dominique JOSSE, Félix ATCHADE et Daniel FEURTET pour le Collectif Afrique"