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29 avril 2025
Economie
par Gnambi Sonko
LE LEADERSHIP AFRICAIN COLLECTIF ET COLLABORATIF
Cette fois ci, il s’établira, non pas le Nouvel Ordre Mondial, mais l’Altermondialisme, et non pas par le fait des impérialistes néolibéraux, mais par des actes matures d’une Afrique debout
Décidément, le Covid-19 en aura suscité des déclarations, des productions scientifiques et littéraires, mais aussi des querelles scientifiques, politiques et géopolitiques ainsi que des positionnements.
Pour certains, le virus à l’origine du Covid-19 serait issu d’un animal sauvage, alors que pour d’autres, il serait le produit de manipulations de laboratoires. Dans cette querelle, on retrouve des scientifiques de renommée mondiale et des hommes politiques occidentaux et orientaux, mais aussi, dans une moindre mesure, des dirigeants de pays du sud – avec un flot d’informations, les unes authentiques, les autres relevant de l’intox, sous fond de manipulation de l’opinion publique internationale.
Il est dit aussi que le virus est intentionnellement lâché dans la nature afin de fonder une explication à des intentions futures qu’on pourrait articuler autour de deux processus. L’un relèverait d’une guerre économique dans laquelle des multinationales (notamment celles de l’industrie pharmaceutiques) poursuivraient l’efflorescence de leurs affaires et/ou des grandes puissances viseraient le contrôle de l’économie mondiale. L’autre processus relèverait d’une guerre démographique dans laquelle des forces tapies dans l’ombre chercheraient à asservir la population mondiale, à travers l’inoculation d’une nanopuce, en vue d’en commander les mouvements de tout point de vue, voire d’en réduire l’effectif pour le ramener à une proportion soutenable pour un certain besoin d’équilibre de la vie sur terre. Dans les deux cas, il s’agit de processus cyniques et inacceptables sur lesquels on pourrait continuer à disserter. Mais, l’obscurantisme qui enveloppe ce type de postulats est tel que s’inviter dans un exercice de leur analyse s’assimilerait à une torture intellectuelle sans intérêt.
Toutefois, s’il est hasardeux de s’engager dans la réflexion relative aux intentions qu’on prête aux protagonistes de la guerre économique et aux prétendus asservisseurs de la population mondiale, il est intéressant de s’arrêter sur les supputations consécutives à l’avènement de la pandémie du Covid-19 dans le monde. En effet, plusieurs institutions, scientifiques et autres personnalités politiques ont annoncé plusieurs choses dont les unes macabres telles que le scénario catastrophique de millions de morts à prévoir pour l’Afrique et les autres porteuses d’espoir telles qu’une future prise de conscience collective mondiale pour recentrer les efforts sur l’humain et l’humanité.
Il est vrai que les motivations qui sous-tendent ces supputations, dans leurs différentes formes d’expression, restent complexes et difficile à identifier. Pour autant, les intérêts de certains de leurs porteurs sont très vite perçus tellement le linceul de leur couverture est transparent.
C’est le cas de pseudoscientifiques et d’organismes internationaux spécialistes du commerce de la misère et de l’illusion sous fond d’un équilibre recherché de la « balance du développement » entre le nord et le sud. En se permettant des annonces macabres sur les effets de la pandémie en Afrique et la conduite d’essais de thérapies, alors même que l’Afrique était le seul espace de loin le moins touché, ces annonceurs démontrent toute l’irrévérence de leurs comportements et de leurs pratiques vis-à-vis de notre continent et de ses populations.
Leur impertinence leur a valu des brimades méritées, géographiquement bien réparties. En effet, les honnêtes citoyens des différents continents ont réagi de façon spontanée et à l’unisson pour réprimander leurs propos méprisants d’une autre époque – rappelant ainsi que le temps de la condescendance et du paternalisme nostalgiques est révolu et que rien d’insultant ne sera plus acceptable pour une Afrique debout et soutenue par de nombreux militants d’Europe, d’Amérique, d’Asie et d’Océanie qui se battent inlassablement pour l’avènement d’un monde juste. Mais, il ne serait pas étonnant que ces brimades ne puissent pas émouvoir ces scientifiques véreux et ces organismes internationaux vendeurs de misères et d’illusions, encore moins les dissuader, tellement leur acharnement sur l’Afrique est viscéral, car ce continent est depuis longtemps la seule sinon la principale source nourricière de leur existence et du fonctionnement de leurs administrations inutilement budgétivores. Ainsi, il faut s’attendre à ce que ces vendeurs de misères et d’illusions poursuivent leurs objectifs de transformer cette pandémie en une opportunité pour justifier leurs futures actions à destination de l’Afrique, à travers des stratagèmes dont ils ont l’habitude de se servir depuis le secret de leur hypocrisie cynique.
C’est le cas également, des impérialistes néolibéraux qui – pendant qu’ils accusent la République Populaire de Chine de tous les noms d’oiseaux, avec un objectif bien masqué de l’éloigner de ses partenariats les plus porteurs du meilleur potentiel de valeur ajoutée à la fois économique et humaine, notamment ceux africains – s’empressent d’investir massivement dans le pays de Mao. Ces pratiques, qui refont surface avec la pandémie du Covid-19, sont bien connues du reste, pour avoir été très souvent usitées pendant et après les précédentes périodes de crise. En effet, toutes les précédentes crises ont en commun un parterre de déclarations des plus solennelles, pendant et juste après leur avènement, sur la nécessité d’une réorganisation de l’ordre des choses pour les rendre plus centrées sur l’humain et l’humanité et moins sur l’accumulation inutile de richesses par une minorité de la population mondiale et leur concentration sur des espaces géographiques ne représentant qu’une infime proportion de la surface du globe terrestre.
Mais, de nos jours, leurs complots impérialistes habituellement tissés et exécutés sous la barbe et le nez de tout le monde, sans être dénoncés avec toute la vigueur intellectuelle nécessaire, devront faire face à la nouvelle force citoyenne universelle. Car, s’il est vrai que ceux qui en sont les porteurs demeurent tenaces dans leurs stratégies, ayant toujours obtenus leurs résultats poursuivis, il est aussi vrai que leur roublardise habituellement efficace devra se confronter à un éveil de conscience alerte et offensif à l’échelle mondiale.
En effet, ni la Chine, ni l’Afrique, ni les honnêtes citoyens de ce monde ne sauraient se laisser distraire par les vendeurs d’illusions pour une nouvelle forme de gouvernance mondiale plus juste, toujours vociférée mais jamais instaurée. Ces déclarations, portées par les plus grands dirigeants du monde, relayées par les médias les plus influents, s’accompagnent de semblants d’actes fondateurs, mais elles ne sont jamais réellement opérationnalisées avec tout le sérieux et toute la volonté qu’il faut, traduisant ainsi la nudité de leur essence manipulatrice. Hé oui, la triste réalité partagée est qu’il s’agit d’une manipulation de l’opinion des peuples pour faire croire à des changements profonds favorables. Une manipulation d’autant plus vraie que le concept de Nouvel Ordre Mondial (NOM) utilisé n’est rien d’autre que le nom de baptême, au début des années 90, du capitalisme néolibéral victorieux du communisme, au lendemain de la dislocation de l’URSS et de l’effondrement du bloc de l’Est, qui était resté pendant longtemps son contradicteur puissant et son contrepoids à la fois gênant et troublant.
Cette fois ci, il s’établira, non pas le Nouvel Ordre Mondial, mais l’Altermondialisme, et non pas par le fait des impérialistes néolibéraux, mais par des actes matures d’une Afrique debout et d’une Chine consciente de sa position irréversible de nouvelle puissance économique mondiale, soutenue par la véritable communauté internationale, celle des peuples conscients du monde entier. Oui, c’est du partenariat Sino-Afrique prélude à une un axe Asie-Afrique-Amérique latine que jaillira le changement profond pour mettre définitivement fin à l’égocentrisme occidental condescendant des impérialistes néolibéraux. Tous les peuples du monde entier, y compris ceux occidentaux (qui en subissent les effets), ne s’en sentiront que mieux économiquement, mais aussi et surtout socialement.
Mais, cet Altermondialisme fédérateur, suppose que nous africains soyons mobilisés en transcendant définitivement toutes nos querelles sous-tendues par nos petits intérêts égoïstes éphémères pour nous engager résolument dans la construction d’un présent meilleur pour nous et nos enfants et petits-enfants certes, mais surtout pour nos descendants les plus lointains des siècles à venir. Pour une fois, nous devons apprendre véritablement de notre histoire marquée de héros certes, mais ponctuée de trahisons internes venant surtout de notre élite. Tout le monde va s’empresser à indexer les politiciens. Non, ils ne sont pas les seuls. Pour une fois, faisons une introspection holistique, intégrant l’analyse des responsabilités des leaders politiques évidemment, mais aussi celle de chacune des couches de notre société. Ratissons large pour mieux cerner le problème auquel nous sommes confrontés afin de mieux envisager des solutions appropriées. Ratissons large, car, en réalité, toutes les trahisons de l’élite politique africaine ont été accompagnées d’une complicité agissante ou innocente de l’élite intellectuelle (en fournissant des justifications théoriques ou en se terrant dans un mutisme peureux ou non mais coupable), mais aussi des autres couches de la société, dans leurs différentes formes d’organisation (en refusant le combat contre l’injustice ou en y renonçant très vite). Le soubassement de cette complicité se trouve également dans l’incapacité des différentes couches de la société africaine à faire la part des choses entre l’intérêt général et les intérêts secondaires, entre nos querelles internes qui ne peuvent être que secondaires face à notre confrontation avec le monde extérieur demeuré inlassablement impérialiste (à tout point de vue) économique, social et culturel.
C’est dans ce sens que je voudrais humblement porter une appréciation sur deux événements africains qui me semblent injustement banalisés voire pourfendus, en invitant les africains, toutes couches socioprofessionnelles confondues, à se lever comme un seul homme pour en saisir l’opportunité que nous offre la crise pandémique Covid-19. Au cœur de ces deux événements on retrouve notre président de la République Macky Sall, bien élu pour certains, mal élu pour d’autres (dont moi-même), mais ce n’est pas l’objet.
Tout d’abord, dès ses premières sorties sur le Covid-19, Macky Sall a parlé de la nécessité de construire un nouvel ordre mondial. Y croit-il ? Ou bien joue-t-il le rôle de « marionnette » ou de « sous-préfet » de l’impérialiste néolibéral ? Le dit-il pour lui, pour l’Afrique ou pour les impérialistes néolibéraux ? Ce sont là les questions qui ont été systématiquement agitées par les commentateurs politiciens, politologues et géo-politologues. Ils ont sans doute raison, se fondant sur des actes de fourberie et de tortuosité qui sont reprochés tant à Macky Sall lui-même qu’à de nombreux dirigeants africains. Mais, n’oublions pas que dans l’histoire de l’humanité, y compris celle de l’Afrique, certains des hommes considérés comme étant des plus grands traitres ont fini par être les plus grands patriotes, volontairement ou involontairement. De fait, il serait acceptable, au nom d’un éveil patriotique, qu’il puisse être accordé à Macky Sall une présomption de bonne foi. A défaut, si les controverses de l’homme empêchent à plusieurs d’entre nous d’accorder du crédit à ses déclarations, il reste possible de soutenir le bon sens de l’idée ou des idées contenue(s) tout en construisant toute l’arsenal sécuritaire (à tout point de vue) nécessaire à son/leur éclosion. Car, les bonnes idées ne sauraient être rejetées, quelques soient les tares prêtées à l’homme qui les génère. Par ailleurs, l’adoption et la valorisation d’une bonne idée issue d’un homme, si mauvais soit-il, ne pourraient-elles pas servir à faire éclore en lui-même les meilleures valeurs d’humanité ?
Ensuite, Macky Sall s’est distingué en félicitant très tôt le président de la République de Madagascar, à la suite de l’annonce faite par celui-ci sur la solution malgache d’Afrique contre la pandémie du Covid-19, en sollicitant même la livraison d’échantillons en ces termes « Je suis en train de dire qu’il me faut trouver un petit moyen ne serait-ce que d’avoir des, quelques échantillons pour les mettre au niveau des services des maladies infectieuses où se font les traitements, déjà ». Cette sortie du président Macky Sall, a eu également droit à ses commentaires dont l’essentiel a porté sur son dénigrement, de la part de ses pourfendeurs et sur son nuancement, de celle de ses partisans. Les deux positions ayant en commun une totale ignorance déconcertante d’un acte panafricaniste de soutien à une initiative porteuse d’un leadership africain certain sur la recherche de solution à cette pandémie qui émeut l’humanité toute entière depuis près d’un semestre.
A y regarder de près, les positions dans les deux cas ont plus porté sur la personne que sur les idées. Ce qui est décevant, au point de se demander où se situe le panafricanisme ? On s’arrête sur des intérêts secondaires et non sur celui principal. On oublie ce que Macky Sall a dit d’important, pour ne mettre en relief que le pourquoi il l’a dit. Dans les deux cas, on a fait qu’une chose : dénigrer la solution malgache d’Afrique. En effet, tous les deux ont oublié l’essentiel ici qui est la découverte malgache. Alors que c’est Macky Sall qui aurait dû être oublié. Finalement, l’opposition et le soutien à un homme, président de la République soit-il, ont bénéficié de plus d’attention que la nécessité d’une mobilisation collective généralisée autour d’un Leadership africain politiquement, socialement et culturellement inodore et incolore.
Pour une fois, nous africains devons ressusciter en nous ce panafricanisme réel, qui a été bafoué et torpillé par un « épistémicide », c’est-à-dire un massacre de notre identité et de nos intelligences communes, porté par des impérialistes néolibéraux égocentristes européens que nous avons nous-mêmes soutenu quelque fois, consciencieusement ou non. Malgré tout, ce panafricanisme est encore vivace en chacun d’entre nous, car il est chanté à tort et à travers. N’épiloguons pas sur la bonne foi des uns et des autres. Notons que si chacun en parle, c’est parce que quelque part, dans son subconscient, chacun y croit. Même si nous pouvons nous interroger légitimement : Mais alors, pourquoi autant de contradictions et de paradoxes entre les déclarations de certains d’entre nous et leurs actes ? Interrogation légitime, mais pas essentielle, car, elle est porteuse de diversion et de conflits qui nous ont toujours éloignés de le primordial : combattre sans relâche l’impérialisme néolibéral qui est un fléau mondial nuisible à toute l’humanité. Interrogation légitime, mais pas essentielle, parce qu’elle tue en nous toute velléité à nous fédérer autour du principal : Construire un Altermondialisme autour d’un Leadership africain collectif et collaboratif (LAC).
C’est à cela que nous invitons les différentes couches socioprofessionnelles de l’Afrique et du monde. Car, ce LAC, sur lequel nous reviendrons dans une prochaine publication, ne saurait être ni xénophobe, ni impérialiste, ni idéologique. Il s’agit d’une dynamique qui, parce que bâtie à partir des fondements de la mère de toutes les civilisations, se veut transcendante des cloisons politiques, socioculturels et religieux, intelligemment engagée dans la lutte pour la promotion des valeurs universelles d’humanité pour un avenir mieux sécurisé de notre planète et de ses habitants.
Gnambi Sonko est Consultant en planification et évaluation de politiques publiques, Spécialiste des filières agricoles et des organisations professionnelles agricoles.
par Madiambal Diagne
FINALEMENT, ILS ONT FAIT PIRE QUE LES WADE AVEC NOS TERRES
Sous le prétexte de donner des lots de terres à quelque 300 victimes de spéculateurs fonciers sur un projet de la cité Tobago, une superficie de 60 hectares vient d’être morcelée sur les réserves de l’aéroport de Léopold Sédar Senghor
Quand on évoque le souvenir du régime de Abdoulaye Wade (2000 à 2012), les esprits sont marqués par les actes de prévarication de ressources publiques. Le Sénégal avait été mis en coupe réglée et tout le système était organisé aux fins d’un enrichissement on ne peut plus grossier des élites du pouvoir. Mais c’était surtout dans la gestion du patrimoine foncier de l’Etat que Abdoulaye Wade a posé les actes les plus ignobles. Il avait fini de passer sa boulimie foncière à tous ses collaborateurs. Les terres du Sénégal étaient dépecées pour être distribuées à des pontes du régime Wade, qui se transformaient en de vulgaires spéculateurs fonciers. Des fortunes avaient été ainsi fabriquées. Le chef de l’Etat lui-même, prenait une règle et un crayon pour découper des parcelles de terres. A la faveur de l’enquête judiciaire qui avait été ouverte contre l’ancien directeur des Domaines, Tahibou Ndiaye, à l’arrivée du Président Macky Sall au pouvoir, on découvrit qu’il arrivait au Président Wade de survoler Dakar à bord d’un hélicoptère pour repérer les espaces de terres à se partager. Abdoulaye Wade se servait toujours en premier. Ainsi, il s’était aménagé pour lui-même et sa propre famille des domaines fonciers larges de plusieurs hectares dans les endroits les plus prisés de Dakar, comme les différentes Corniches, la zone du Cap Manuel, les différentes plages de Dakar, les quartiers des Almadies, de Ngor, des immeubles du centre-ville de Dakar, entre autres. Abdoulaye Wade lotissait des camps militaires, des casernes, des réserves forestières. Il avait fait entailler, sur instigation de son architecte-conseil Pierre Goudiaby Atepa (l’intéressé le révéla lui-même dans les colonnes du journal Le Quotidien), plus de 75 hectares des surfaces de l’aéroport international Léopold Sédar Senghor, pour en faire des lotissements de terrains vendus au prix fort. Les terres étaient cédées à moins de 5 mille francs le m2 à Mbackiyou Faye, qui les aura revendues, à plus de 150 mille francs le m2, suite à une action de courtage du Président Wade lui-même. Abdoulaye Wade ne s’interdisait de toucher à aucune portion de terre, jusqu’au stade Assane Diouf de Rebeuss, et les hôpitaux et camps militaires. Il se disait même qu’il avait fait chasser l’Armée française afin de pouvoir mettre la main sur les vastes superficies de ses camps installés au Sénégal. Le régime de Abdoulaye Wade poussait la spéculation foncière jusque dans les zones rurales et agricoles. Abdoulaye Wade avait fait main basse sur des centaines d’hectares de terres agricoles notamment à Bambylor et plus de 240 mille hectares de terres de la communauté rurale de Mbane avaient été distribuées à des pontes du pouvoir, alors que la superficie disponible ne dépassait pas 180 mille hectares. Abdoulaye Wade n’épargnait pas le patrimoine bâti de l’Etat. Il était donc difficile de faire pire que lui.
Dès 2013 on alertait : «Macky, le risque de faire pire que Wade»
On avait donc déjà appris avec Abdoulaye Wade tout ce qu’il ne fallait plus faire. Dans le cortège d’une marche de l’opposition, nous commentions avec un groupe de leaders politiques, dont feu Ousmane Tanor Dieng, Jean-Paul Dias et Abdoulaye Bathily, des informations, publiées par la presse, de la cession à vil prix par le régime de Abdoulaye Wade d’appartements et de villas à Mermoz, dans Dakar-Plateau, à Fann Résidence et à la Cité Fayçal, à des membres de son entourage. Avec Wade, si vous occupiez un logement de fonction et que vous étiez dans les bonnes grâces de son régime, il suffisait de savoir demander qu’il vous fût cédé. Ousmane Tanor Dieng tirait la conclusion sentencieuse : «De toute façon, une fois au pouvoir nous leur ferons payer le juste prix ou ils rendront les villas ou appartements.»
Le 25 février 2013, dans une chronique intitulée : «Macky, le risque de faire pire que Wade», nous relevions : «Que n’a-t-on pas dit de la gouvernance prédatrice de Abdoulaye Wade notamment sur la gestion du patrimoine foncier de l’Etat ? La façon dont les réserves foncières de l’aéroport de Dakar avaient été dépecées avait choqué. Ces terres avaient été aliénées dans le cadre d’une opération qui a généré des ressources publiques importantes et qui n’ont nullement été tracées dans le Trésor public (…) On pensait que plus jamais de telles pratiques n’auraient cours, surtout que le Président Macky Sall porte en bandoulière un slogan de gestion vertueuse. Force est de constater que le cauchemar continue, que le gouvernement, après moins d’une année de gestion des affaires publiques, s’illustre négativement par des pratiques peu orthodoxes. La corruption est bien présente et constitue l’une des principales tares de l’équipe dirigée par Abdoul Mbaye.
Dans son édition du 18 février 2013, le journal Le Quotidien révélait un nouveau gros scandale foncier. L’Etat du Sénégal venait de signer avec les entreprises Socabeg et Dms Habitat, des protocoles pour un montant de 6,8 milliards de francs pour l’acquisition de terrains pour ériger des logements sociaux dont le Président Macky Sall a annoncé la réception des clefs pour le mois de juillet 2013 (Ndlr : ironie du sort, ces villas ne sont toujours pas livrées, sept bonnes années après). Une partie du paiement sera réalisée par le biais d’une dation en paiement. Cela ne rappelle-t-il pas le montage du Monument de la Renaissance africaine ? Cette nouvelle affaire tourne en une véritable opération d’escroquerie portant sur des deniers publics. En effet, l’Etat du Sénégal achète des terrains qui lui appartiennent déjà, au prix de 10 mille francs le m2. Ces terrains de Tivaouane Peulh constituent des baux que l’Etat du Sénégal se proposait d’allouer à ces opérateurs immobiliers pour moins de mille francs Cfa le mètre carré. Autrement dit, l’Etat du Sénégal se permet d’acheter ce qui juridiquement lui appartient déjà. Les services fiscaux auraient élevé, en vain, une protestation face à cette forfaiture. Ils avaient du reste fait de même lors des opérations de découpage des terres de l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Le gouvernement de Abdoul Mbaye est dans la même logique. (…) Franchement, on ne pouvait pas s’imaginer que le schéma des terres de Bambylor soit réédité sous le magistère du Président Macky Sall.» Mais plus grave, on ne s’imaginait pas, non plus, que le nouveau régime politique avait aussi appris de son prédécesseur comment dénicher des lopins de terres à se partager.
Ces nouveaux scandales fonciers qui éclaboussent Macky Sall
Selon l’entendement général, il ne restait plus de terres à Dakar après le passage de Abdoulaye Wade. Mais on aura la preuve du contraire. Macky Sall avait dénoncé les attributions foncières scabreuses du régime défunt et avait promis que plus jamais de telles pratiques ne seraient tolérées. Il avait chargé le Pr Moustapha Sourang d’élaborer un rapport sur la question foncière. Des consultations furent faites sur l’ensemble du territoire national pour voir clair sur tous les litiges et proposer des réformes sur la question foncière au Sénégal. Mais très rapidement le régime de Macky Sall a pris le pli de son prédécesseur. Des terrains, en veux-tu, en voilà. On se nourrit toujours sur la bête. Les cas sont légion et on en oublierait même ! Dès 2014, une nouvelle opération de morcellement de parcelles a été effectuée sur les réserves foncières de l’aéroport de Dakar. Mais le plus sulfureux est à venir. Sous le prétexte de donner des lots de terres de 200 mètres carrés à quelque 300 personnes, victimes de spéculateurs fonciers sur un projet de la cité Tobago, une superficie de 60 hectares vient d’être morcelée, sur les réserves de l’aéroport de Léopold Sédar Senghor. Cette surface va du siège de la Boa au hangar de l’avion de commandement du président de la République. Des hauts fonctionnaires, des responsables politiques, des chefs religieux, des journalistes, ont été servis. Ces terrains sont aujourd’hui revendus au prix moyen de 50 millions de francs l’unité de 200 m2. Un rapide calcul donne une idée des énormes gains réalisés. Les bénéficiaires du lotissement sur le Tf 5725/DG aux abords de l’hôtel Radisson sont encore plus heureux, car le mètre carré sur ce site est cédé à 1 million de francs. Ce site qui provoque les hurlements de Barthélemy Dias, le maire de la commune Mermoz-Sacré-Cœur, a été partagé à des autorités politiques, des hauts fonctionnaires, des guides religieux, des personnalités étrangères et des opérateurs économiques. Le titre foncier numéro 17861/DG constituant le camp militaire Leclerc au quartier Liberté VI, a été découpé pour les mêmes catégories de personnes. Un guide religieux s’y est vu offrir un lot de 9 hectares qu’il a immédiatement revendu à plus de 5 milliards de francs. Une partie du camp militaire de l’armée de l’Air a été morcelée en 63 parcelles de 500 m2, distribuées à des autorités militaires et des personnalités civiles. Le Haut commandement de l’Armée nationale avale difficilement la pilule, du fait qu’il existait sur le site un projet d’érection du siège de l’Etat-major de l’armée de l’Air. A quelques encablures de ce site, un beau domaine surplombant la mer et la Mosquée de la Divinité a été affecté à un opérateur qui y construit un hôtel. Un autre opérateur économique a bénéficié d’une autre affectation foncière sur la falaise protégeant la zone côtière, sur le flanc de la colline du phare des Mamelles, derrière les immeubles en construction de la Caisse des dépôts et consignations. De l’autre côté du phare, sur l’ancien champ de tirs, affecté en son temps par Karim Wade au projet hôtelier du groupe Kharafi et qui devait également abriter des villas présidentielles pour le Sommet de l’Organisation de la conférence islamique en 2008, une certaine bamboula a été organisée. Des groupes de citoyens déclarés protecteurs de l’environnement protestent vigoureusement contre ces affectations foncières. L’ancienne gare routière «Pompiers» a été donnée à des promoteurs immobiliers marocains et une partie de la caserne de police Abdou Diassé est tombée dans l’escarcelle des opérateurs immobiliers. La zone du hangar des pèlerins de l’aéroport de Yoff vient de faire l’objet d’un nouveau lotissement en 400 parcelles de 250 m2. Les attributaires les revendent au prix de 75 millions de francs Cfa. Sur la Corniche Ouest de Dakar, les terres controversées jouxtant l’hôtel Terrou-Bi ont fini d’être définitivement affectées.
Le périmètre qui était affecté pour la construction de l’Ambassade de Turquie, un projet contre lequel s’étaient soulevés des habitants de Dakar, a été réaffecté. Une extension a aussi permis de servir d’autres personnalités. Le Président Macky Sall avait fait stopper le lotissement de la bande des filaos de Guédiawaye, sur une longueur de plusieurs kilomètres, entre la plage Malibu et le village de Malika. De nombreux lots de terrains devaient revenir à des proches de Ousmane Sonko, le leader de Pastef. Mais curieusement, le lotissement a été repris et devrait passer prochainement devant la Commission de contrôle des opérations domaniales (Ccod). On relèvera que ce lotissement en parcelles à usage d’habitations trahit le Plan d’aménagement urbain de Dakar qui destinait la zone à l’érection de réceptifs hôteliers et autres endroits de villégiature longeant la future «autoroute la côtière». L’affectation de grands espaces de terres à Pointe Sarène, à un opérateur économique qui n’a pas tardé à les revendre à prix d’or, défraie la chronique.
Par ailleurs, on a fini de constater que des dizaines d’hectares de terres de la nouvelle ville de Diamniadio ont été allouées à des particuliers qui se sont livrés à des opérations de spéculation foncière. De vastes terres qui n’ont pu être vendues font déjà l’objet d’hypothèques. Le nouveau Délégué général du Pôle urbain de Diamniadio, Diène Farba Sarr, a du mal à reprendre ces terres qui n’ont pu être mises en valeur. Toujours à Diamniadio, d’autres opérateurs immobiliers ont bénéficié d’affectations foncières pour des logements sociaux, mais ont réalisé sur les sites des logements vendus à des centaines de millions de francs Cfa. Les lotissements entamés par le régime de Wade à Bambylor, Sangalkam et le Lac rose ont pu être poursuivis.
Les parangons de vertu à la bouche pleine
Ils sont nombreux à vouloir s’indigner devant des scandales de prévarication de ressources publiques. Mais la question foncière s’avère assez délicate pour nombre d’entre les parangons de vertu de la scène publique sénégalaise. Elles sont nombreuses, ces vigies de la bonne gouvernance, journalistes, leaders de la Société civile, activistes, hommes ou femmes politiques, qui se taisent comme des carpes dès qu’il s’agit de ces questions foncières, ou qui font une dénonciation sélective, tant certains se sont fait servir à l’occasion. «Une bouche pleine ne parle pas», dit un proverbe africain. Cela explique la confusion de bien des personnalités sur la question foncière, mais l’opinion constate bien ce silence. Ils sont nombreux, journalistes et hommes politiques, à s’être égosillés sur l’affaire du Tf 1451/R, indexant un prétendu scandale qui aurait porté sur 94 milliards de francs. Il est fort utile de dénoncer des actes de prévarication et pour autant on ne les a jamais entendus sur le lotissement de la «zone de recasement» de l’aéroport de Yoff, effectué sous le régime de Macky Sall, comme on ne les avait jamais entendus du reste et jusqu’à présent, dénoncer le dépeçage de plus de 80% de la superficie du site de la Foire de Dakar par le régime de Wade. On entend de nombreuses personnes fulminer, certainement à juste raison, contre les lotissements au pied du phare des Mamelles. C’est sans doute une belle posture patriotique, mais protéger le littoral pour protéger le littoral de Dakar, ne devrait-on pas aussi parler de certains projets immobiliers du Cap Manuel ou derrière l’hôtel Terrou Bi ? Qu’on nous appelle tous à montrer nos mains propres ! C’est dans l’air du temps, avec les mesures de prophylaxie contre la pandémie du Covid-19. Le Sénégal ne s’en porterait que mieux !
LE FORUM CIVIL INDEXE UNE MAL GOUVERNANCE DU SECTEUR
Le Forum Civil s’invite dans la guéguerre notée entre les associations d’armateurs de pêche regroupées au sein du Gaipes et le ministère de tutelle, relativement au sujet d’attribution de licences de pêche à des bateaux chinois et turcs.
Le contentieux entre le Gaipes et le ministère de la Pêche et de l’économie maritime, relativement à l’attribution de licences indues de pêche à des bateaux chinois et turcs relève tout simplement, selon le Forum Civil, d’une «Gouvernance du secteur caractérisée par la fraude, la corruption, un corporatisme exacerbé et des situations de monopole de fait organisées ou entretenues par l’etat ». La révélation a été faite hier, dimanche 7 juin, par Birahime Seck et Cie qui, à travers une déclaration, ont invité les deux parties à ….des discussions utiles pour préserver la ressource.
Le Forum Civil s’invite dans la guéguerre notée entre les associations d’armateurs de pêche regroupées au sein du Gaipes et le ministère de tutelle, relativement au sujet d’attribution de licences de pêche à des bateaux chinois et turcs. Déclarant suivre avec une grande attention les échanges entre, d’une part, le Groupe des Armateurs et Industriels de la Pêche du Sénégal (Gaipes) et, d’autre part, le ministère de la Pêche et de l’Economie Maritime (17 avril) sur les sujets relatifs à la délivrance de ces dites autorisations, par l’entremise de la Commission consultative d’attribution de licences de pêche (Ccalp), comme les bisbilles qui en ont suivi, le Forum civil s’est voulu ferme sur la question.
Dans une déclaration en date d’hier, dimanche 7 juin, l’organisation membre de Transparency international relève qu’ «après une revue documentaire et une série de rencontres avec le bureau du Gaipes et le ministre de la Pêche, il est arrivé à constater, qu’au-delà de la question de la tenue d’une session à distance de la Ccalp, le secteur est confronté à des enjeux de souveraineté halieutique qui a des conséquences, substantiellement, financière, économique, industrielle, sociale, sociétale». Se voulant plus direct, le Forum civil a fait remarquer que : «le premier enjeu est relatif à la Gouvernance du secteur caractérisée par la fraude, la corruption, un corporatisme exacerbé et des situations de monopole de fait organisées ou entretenues par l’Etat». Qui plus est, selon Birahime Seck et cie, «l’autre enjeu est la question de la préservation et de la disponibilité des ressources halieutiques surexploitées dans les principales pêcheries, comme l’atteste l’avis du Centre de Recherches Océanographiques de Dakar Thiaroye (CRODT) du 27 mai 2020, sur la situation des principales ressources halieutiques exploitées au Sénégal». Et de signifier que cette situation est connue par le Gaipes et le ministère de tutelle. Raison pour laquelle, selon le Forum civil, «une posture de prudence s’impose à l’Etat, dépositaire du pouvoir régalien de la gestion des ressources, dans l’attribution des licences de pêche».
FINALISER L’ENQUETE SUR LES LICENCES ATTRIBUEES PAR OUMAR GUEYE
Pour toutes ces considérations, le Forum Civil a tenu à faire un certain nombre de recommandations aux deux parties. Au ministère de la Pêche et de l’économie maritime, il est demandé ainsi de «réaliser, dans des délais très rapprochés un audit sur le pavillon sénégalais par un cabinet indépendant, choisi par appel à concurrence sur la base d’un cahier des charges neutre ; publier la liste des licences attribuées (entre 2018- 2019 et en 2020, renouvelées ou régularisées) afin de connaitre les bénéficiaires effectifs et les catégories de pêcheries concernées ; finaliser l’enquête sur les autorisations de pêche attribuées sous la gestion de Monsieur Omar Gueye et initiée par Madame Aminata Mbengue Ndiaye».
Dans la même optique, les services du ministre Alioune Ndoye sont priés « de prendre des mesures urgentes contre la fraude exercée par des bateaux d’autres pavillons qui débarquent au Sénégal avec des cartons neutres pour «sénégaliser» le poisson ; de dématérialiser et de revoir les modalités de paiement des certificats sanitaires et de capture qui épousent les contours d’une source de corruption organisée et paralégale ; de retirer, toute nouvelle licence qui aurait été attribuée sans tenir compte de l’avis technique formulé par le CRODT sur la situation de la ressource », en autres recommandations. Quant au Gaipes, le Forum civil a invité ses membres «d’engager, sans délais, avec le ministère de la Pêche et de l’économie maritime, organe de l’Etat chargé d’appliquer la politique sectorielle en la matière, toutes discussions utiles à l’amélioration de la gouvernance du secteur au bénéfice des acteurs concernés» et surtout de «participer, à côté d’autres acteurs intéressés, au financement de la recherche suivant des modalités strictement encadrées par la loi».
par Abdou Diaw
LE BAISER MORTEL DU FAUX MONNAYAGE
La falsification de la monnaie ne fait que contribuer à polluer l’environnement des affaires du pays et à rendre notre système financier plus vulnérable. Il est plus que jamais urgent d’agir pour juguler ce fléau
Deux (2) milliards d’euros (près de 1.311 milliards de F Cfa), soit le tiers du budget 2020 du Sénégal arrêté à 4.215 milliards et plus que la dotation du Force-Covid-19 (1000 milliards de FCfa. C’est cette rondelette somme de faux billets que la Section de recherches de la gendarmerie aurait saisie, lundi 18 mai 2020, à Mbao. Un chiffre astronomique qui fait froid dans le dos. Ce n’est pas une injection de liquidité hebdomadaire de la Bceao que nous avons l’habitude de voir, ni une opération de levée de fonds d’émissions d’euro-bonds. Des faux billets ! Le Sénégal renoue ainsi avec ce fléau qui devient de plus en plus récurent sous nos cieux.
Alors que les dossiers d’un parlementaire et d’un célèbre chanteur, pris dans le piège du faux monnayage, restent pendants devant les juridictions, qu’une autre affaire de faux billets retentit au Sénégal. Cette cagnotte semble battre le record de toutes les saisies effectuées ces dernières années au Sénégal par les forces de sécurité. Au regard de ces quantités importantes saisies en l’espace d’un temps réduit, l’on se demande si notre pays n’est pas devenu une plaque tournante du faux monnayage.
Les opérations de saisie se succèdent et ne se ressemblent guère. Nous devons nous inquiéter si, aujourd’hui, il existe d’autres canaux parallèles, outre que la Banque centrale, qui injectent de la liquidité dans le circuit de l’économie nationale. Oui, la pratique de fabrication de faux billets est aussi vieille que le monde, mais le fléau a atteint, ces derniers temps, des proportions qui frisent, quelquefois, l’inconscience et l’insouciance. La falsification et l’altération de signes monétaire ayant cours légal sur le territoire national sont devenues si courant au point que nous perdions l’attention. Le plus dangereux, c’est lorsque les faussaires vont jusqu’à jeter leur dévolu sur les signes monétaire étrangers. Comme c’est le cas hier avec la prise de près de 2 milliards d’euros. C’est une toute autre industrie monétaire qui prend progressivement ses marques dans l’économie nationale avec un système de création huilé.
Ces émissions monétaires illégales ne sont pas sans conséquences sur notre économie nationale. Appartenant à l’Union monétaire ouest africaine (Uemoa), notre politique monétaire est sous la gouvernance de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, seule institution habilitée à émettre de la masse monétaire dans les huit États de l’Uemoa (Burkina Faso, Bénin, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, et Togo) y compris le Sénégal. Toute quantité de monnaies mises en circulation doit être mesurée à l’aune de l’économie réelle et refléter les contreparties qui constituent la source de la création monétaire.
C’est pourquoi, l’injection frauduleuse d’autres volumes monétaire, hors du circuit normal, porte préjudice à l’établissement réel du Tableau des opérations financières de l’État (Tofe) qui, rappelons-le, constitue un document statistique retraçant toutes les ressources et tous les emplois de l'État en termes financiers pendant une période donnée. La menace est d’autant plus grande quand on ignore, aujourd’hui, la quantité exacte de billets de banques illégalement mise en circulation dans nos économies.
Le faux monnayage peut être également source d’inflation pour nos économies si l’on se réfère à la théorie quantitative de la monnaie de Milton Friedman, Prix Nobel d’économie en 1976 et fondateur de l’« école de Chicago ». Il soutient que c’est l’accroissement de la masse monétaire (quantité de monnaie mise en circulation dans une économie par une institution émettrice) qui est la cause unique de la hausse des prix. En d’autres termes, il perçoit l’inflation comme un phénomène monétaire dans la mesure où elle résulte d’une hausse de la quantité de monnaie plus rapide que celle de la production.
L’autre conséquence liée au faux monnayage, c’est la perte de confiance sur laquelle repose essentiellement l’usage monétaire. La propension à voir circuler plus de fausses monnaies dans l’économie installe la panique, la suspicion et la méfiance au sein des agents économiques qui utilisent la monnaie comme l’instrument d’échange de prédilection. À une échelle plus globale, la falsification de la monnaie ne fait que contribuer à polluer l’environnement des affaires du pays et à rendre notre système financier plus vulnérable. Il est plus que jamais urgent d’agir pour juguler ce fléau qui risque de déstabiliser tout le système économique et financier.
À cet effet, les actions des institutions comme la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) et le Groupe intergouvernemental d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique de l'Ouest (Giaba) doivent être renforcées afin de barrer la route à ces faussaires de billets de banques, nocifs à notre économie. De même, sur le plan communautaire, la loi uniforme relative à la répression du faux monnayage et des autres atteintes aux signes monétaires dans les États membres de l’Umoa, adoptée par le Conseil des ministres de l’Umoa, les 24 et 25 juin 2016 à Lomé, doit être appliquée dans toute sa rigueur. « La mauvaise monnaie chasse la bonne », affirmait le financier anglais,Thomas Gresham.
par Nioxor Tine
RIPOSTE À LA COVID-19, AU-DELÀ DES GESTES BARRIÈRES
Les mesures correctrices passent par la mise sur pied d’un large front auquel le pouvoir devra associer de larges segments de la Nation, en vue de délibérer, de manière démocratique du plan de résilience économique et sociale
En dehors des aspects purement sanitaires, la pandémie à la Covid-19 a cette vertu de dévoiler, sur un mode fast-track, les mécanismes les plus occultes et les plus obscurs de la façon cavalière, dont nos autorités exercent le pouvoir.
En effet, le ministre de la santé nous certifiait, avant-hier, le 04 juin, que l’épidémie, était sur une tendance baissière en lieu et place d’oscillations du taux de positivité sur un plateau évoquée lors d’une émission radiophonique du dimanche 31 mai dernier. Aujourd’hui, son équipe d’experts vient de confirmer, à l’occasion de sa troisième conférence -bilan mensuelle, que le coronavirus était dans une phase de circulation active et qu’il fallait redouter une démultiplication des cas et des décès.
Le seul remède brandi par toute cette élite bien-pensante contre cette situation délétère semble être d’accabler les citoyens, coupables de légèreté et de négligence dans l’application des mesures préventives. On semble leur assigner le rôle de boucs émissaires pour toutes les défaillances de nos décideurs.
Quels que puissent être la pertinence et l’efficacité des gestes barrières, ils ne sauraient, à eux seuls, tenir lieu de stratégie anti-Covid.
Les contradictions, évoquées plus haut, entre un homme politique de la majorité, ministre de la République et des technocrates compétents mais tenus par le devoir de réserve, semblent tout simplement relever d’un conflit entre deux logiques.
La première technique, à laquelle on a reproché son hospitalo-centrisme, sa médicalisation excessive et sa verticalité, a permis d’engranger quelques acquis malgré toutes les contraintes extra-sanitaires provenant du pouvoir.
Elle semble avoir atteint ses limites et tend de plus en plus à vouloir changer de paradigme, en mettant davantage en exergue la responsabilisation communautaire.
L’autre politicienne dont les motivations ont trait à la consolidation de positions de pouvoir que la crise sanitaire pourrait remettre en cause. Elle n’a pas su fédérer les forces vives de la Nation, qui pourtant, avaient fait preuve de bienveillance à l’égard d’un plan concerté de lutte contre la pandémie.
Les autorités de notre pays, au lieu de saisir cette main tendue, ont préféré persister dans leurs errements habituels, en privilégiant une gestion solitaire, caractérisée par la précipitation et le manque de transparence. Pire, ils n’ont cessé de poser des actes clivants, mal perçus par l’opinion publique (marchés octroyés de manière discrétionnaire, absence de concertation avec l’Opposition et la société civile, atteintes aux libertés, arrêtés controversés sur l’honorariat, promotion de transhumants...).
Last but not least, ils n’ont pas su mener à bien le programme de résilience économique et sociale, ce qui a plongé de larges secteurs des masses populaires dans une subite précarité aggravée par un couvre-feu illogique et oppressant, surtout pour ceux qui résident dans des quartiers populaires.
Cela a provoqué des manifestations sur toute l’étendue du territoire national mais plus particulièrement dans les deux plus grandes villes de notre pays, d’où la nécessité de mesures d’assouplissement pour baisser la tension sociale.
Au total, malgré l’auto-glorification qui est la marque de fabrique de ce régime, nous constatons une poursuite inexorable de la propagation du virus, dans un contexte où la visibilité sur la prévalence réelle de la Covid-19 fait défaut, à cause de l’insuffisance des tests effectués.
Les mesures correctrices passent par la mise sur pied d’un large front auquel le pouvoir en place devra associer de larges segments de la Nation, en vue de rétablir la confiance et surtout de délibérer, de manière démocratique du plan de résilience économique et sociale.
Il s’agira d’évaluer le niveau de mise en œuvre de ce plan, qui prévoyait, outre 64,4 milliards au secteur de la santé, 100 milliards pour les secteurs les plus touchés, en plus des 69 milliards destinés à la distribution de denrées alimentaires.
Il faudra également discuter des modalités de son exécution pour renforcer les rubriques dévolues au dépistage des cas, à la prise en charge des cas graves, mais aussi à l’accompagnement des couches les plus socialement vulnérables.
L’implication réelle des forces vives de notre pays, préalable incontournable à un engagement communautaire bien compris, doit dépasser le cadre symbolique d’un comité de pilotage confiné dans le rôle peu valorisant de supervision de la distribution laborieuse et controversée de denrées alimentaires.
Cette évaluation pourrait, en plus de procéder à une révision consensuelle des stratégies de maîtrise de la pandémie, jeter les bases de réformes profondes des différentes politiques publiques.
AUDIO
OBJECTION AVEC MOHAMED DIA
Le consultant bancaire aux États-Unis est l'ivité de Baye Omar Gueye
Alors que la Chine se serre la ceinture économiquement en réponse au coronavirus, les dirigeants africains s'inquiètent de l'avenir des projets d'infrastructure, du commerce et, dans certains cas, ils demandent carrément un allègement de la dette.
La Chine est le plus grand partenaire commercial de l'Afrique, avec plus de 200 milliards de dollars d'importations et d'exportations combinées par an. La Chine a également financé des projets d'infrastructure tels que des routes, des ports et des chemins de fer sur tout le continent. Le coût global de ces projets s’évalue à plusieurs milliards de dollars.
Mais à cause du coronavirus, l'économie mondiale a pris un coup. Les pays africains, déjà fragiles, se retrouvent dans l’incapacité de rembourser leur dette.
"L'économie chinoise est très touchée par la maladie COVID-19", selon Yun Sun, directrice du programme Chine du Stimson Center, un centre de recherche politique basé à Washington. "Cela va absolument réduire la capacité de la Chine à continuer à soutenir des projets d'infrastructure dans les pays en développement, y compris en Afrique, au même rythme qu’auparavant".
Au premier rang des préoccupations se trouve l’initiative "Belt and Road", ou la nouvelle route de la soie. A travers cette initiative, le gouvernement, les banques et les investisseurs privés chinois ont prêté environ 146 milliards de dollars aux pays africains entre 2000 et 2017. Mais en raison de la pandémie mondiale de coronavirus, nombreux sont ceux qui réclament une pause dans les remboursements ou une forme quelconque de remise de la dette.
"Il n'y a pas qu'un seul pays africain qui se réjouit de cet appel à l'allègement de la dette mondiale", explique Mme Sun. "Mais je dirais que le tableau est très différent du côté chinois. Tout d'abord, étant donné le montant massif de la dette que les pays africains doivent à la Chine, la question clé est de savoir s'il est financièrement faisable pour la Chine d'annuler ces dettes".
On estime que les pays africains vont dépenser en tout 44 milliards de dollars pour le service de la dette cette année.
Les créanciers mondiaux, dont le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et les prêteurs privés des pays du G20, dont la Chine, ont accepté de suspendre les paiements du service de la dette de 77 des pays les plus pauvres du monde. Beaucoup de ces pays sont en Afrique.
De son côté, la Chine s'est déclarée ouverte à un nouvel allégement de la dette, mais elle préfère négocier au cas-par-cas avec chacun des pays débiteurs. C’est d’ailleurs la même posture que le Club de Paris a annoncée récemment.
LE COVID-19 DICTE UNE NÉCESSITÉ D'AUDITER ET D'ÉVALUER LA DETTE AFRICAINE
Pour mieux assurer la redevabilité, la responsabilité mutuelle, les responsabilités collectives et individuelles, et avoir une meilleure idée sur l’efficacité de la dette, plus qu’un audit, il faut aussi nécessairement une évaluation
Déclaré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 11 mars 2020 comme une pandémie, le Covid-19 a atteint de plein fouet l’économie des pays africains et mis à nue la vulnérabilité et le manque de résilience des Etats ainsi que l’inefficacité de la croissance économique enregistrée les dix dernières années. La pandémie Covid-19 a, du même coup, suscité de la part de l’élite africaine, des universitaires et de la société civile un débat sonore sur la dette de nos pays qui a servi, entre autres, à financer cette croissance économique apparente.
Le 22 mars 2019, exactement un an avant la survenue brusque de la pandémie Covid-19, le Consortium pour la recherche économique en Afrique (CREA), dans une rencontre de haut niveau à Hararé, avait attiré l’attention de nos dirigeants et partenaires sur la fragilité de nos économies et la volatilité de la croissance enregistrée. Le CREA avait rappelé que cette fragilité, qui compromet nos chances de développement, était multidimensionnelle et principalement caractérisée par l’instabilité politique, une diversification limitée des activités économiques, l’extrême violence, et les chocs climatiques.
Les pyramides des âges et le climat en Afrique ont fortement atténué les effets sanitaires néfastes liés à la pandémie Covid-19. Toutefois, ses effets sur nos économies déjà fragiles sont immenses et peuvent déboucher sur l’instabilité amplifiée et la disruption politique généralisée, la récession économique et l’extrême pauvreté répandue, l’insécurité alimentaire sévère et même la famine. Emboitant le pas à la Commission économique des Nations-Unies, la Banque mondiale a estimé que l’Afrique au sud du Sahara va connaître sa première récession depuis plus de 25 ans, qui tournera entre une croissance économique de -5% à -2,1% en 2020.
C’est dans ce contexte que des chefs d’Etats de nos pays ont demandé l’annulation pure et simple de la dette africaine. Les institutions financières internationales ont pris des mesures rapides pour aider les pays africains à faire face à la gestion de la pandémie. Entre autres, la dette multilatérale des 25 pays les plus pauvres a été effacée, les pays du G20 ont aussi accepté de suspendre partiellement le service de la dette de 77 pays à revenu faible pour un montant de 14 milliards de dollars sur un total de 32 milliards de dollars. Certains dirigeants et plusieurs économistes de renommée internationale ont estimé que ces mesures, même si elles permettraient aux Etats africains d’avoir une marge de manœuvre plus large pour mettre en œuvre des politiques budgétaires plus adaptées à la gestion de la pandémie, elles demeurent insuffisantes.
Les statistiques de la dette extérieure des pays de l’Afrique au sud du Sahara consolidées et publiées par la Banque mondiale (International Debts Statistics2020) montrent un encours global de 721 milliards de dollars en 2019 (états arrêtés fin 2018) à peu près 433 trillions de FCFA. Cette dette est multiforme et a plusieurs origines et mécanismes différents : les stocks de dettes extérieures constituent 81% (la dette extérieure long-terme est à 493 milliards de dollars, la dette extérieure court-terme est à 68 milliards de dollars et les crédits FMI sont de 22 milliards de dollars), 10,8% sont constitués des décaissements à long-terme, les remboursements de capital long-terme sont de 6%, et le paiement des intérêts long-terme de 2,2%.
Cette dette extérieure des pays de l’Afrique au sud du Sahara est constituée de 24,8% de dette du secteur privée (non garantie par le secteur public) et de 75,2% de dette du secteur public (dette publique extérieure). Sur les stocks de dettes extérieures (493 milliards de dollars), la dette publique constitue 74% venant essentiellement des créanciers officiels multilatéraux et bilatéraux (club de Paris et autres y compris la Chine), et la dette privée non garantie par le secteur public constituent 26% et vient des obligations et des banques commerciales.
À partir de l’année 2010, un virage très important s’est opéré sur la dette extérieure et la nature des prêts des pays de l’Afrique au sud du Sahara. Entre 2010 et 2017 il y a une baisse drastique des prêts multilatéraux (-12%) et des prêts bilatéraux Club de Paris (qui est constitué de 22 membres permanents, essentiellement des pays européens y compris la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, plus les États-Unis, la Fédération Russe, l’Australie, le Canada, le Brésil, Israël, Japon, et Corée du Sud ; et des participants ad-hoc parmi lesquels on peut citer l’Arabie Saoudite, le Koweït, le Portugal, et même l’Afrique du Sud).
Parallèlement, une augmentation significative a été notée sur la même période pour les prêts venants des partenaires bilatéraux hors Club de Paris, principalement la Chine (+7%), les prêts commerciaux (+5%), et les obligations (10%). Aussi, le niveau médian de dette extérieure des pays de l’Afrique au sud du Sahara qui était de 90% des PIB en 2000 a chuté à 32% des PIB en 2010, résultat surtout lié à l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et à l’initiative de l’allégement de la dette multilatérale (Africa’s Pulse 2019). Cependant, à partir de 2010, la proportion médiane de la dette publique extérieure par rapport au PIB a recommencé à enfler considérablement parallèlement à une modification continue de la composition et l’origine des prêts, pour se stabiliser en 2018 à 53% des PIB des pays africains au sud du Sahara.
Très tôt au tout début de la pandémie Covid-19, l’Union africaine s’est empressée de mettre sur pied une équipe de sauvetage avec des personnes ressources cooptées pour négocier l’allégement ou l’annulation de la dette africaine. Plusieurs chefs d’Etats avaient appelé à son annulation pure et simple. Il faut noter que la plupart des jeunes dirigeants africains venus au pouvoir au début des années 2010 avaient de grandes perspectives transformationnelles et des programmes gigantesques pour mettre l’Afrique sur les rampes de l’émergence économique. Ils ont très vite été stoppés par le poids de la dette et les conditions de convergence économiques multiples, la réticence de certains créanciers ainsi que la pression de la société civile. La pandémie Covid-19 est venue aggraver cette situation et réduire presque à néant la capacité d’endettement des pays africains pour le financement aussi bien de la gestion de la crise que des programmes qui étaient dans les plans. Ainsi, l’annulation de la dette pourrait être la seule panacée vers de nouveaux financements et l’émergence économique tant rêvée.
Des économistes africains ont très vite rappelé techniquement qu’un audit de la dette était nécessaire avant de parler de toute annulation, ne serait-ce que pour conforter les créanciers et les opinions publiques africaines e renforçant la confiance. Cependant, pour mieux assurer la redevabilité, la responsabilité mutuelle, les responsabilités collectives et individuelles, et avoir une meilleure idée sur l’efficacité de la dette, plus qu’un audit, il faut aussi nécessairement une évaluation. Il y a des nuances entre l’audit et l’évaluation quant aux raisons pour lesquelles ils seront effectués. L’audit de la dette publique permettra de déterminer sa validité, son authenticité, et vérifier si l’ensemble des procédures et normes prédéfinies ont été respectées. L’évaluation de la dette elle, permettra de mesurer son mérite, les résultats et impacts tirés de son utilisation, et les avantages liés à l’utilisation de l’ensemble des actions, politiques, normes et stratégies pour atteindre ses objectifs prédéterminés.
Même s’il est louable de mettre en place des équipes constitués d’anciens chefs d’Etat, d’experts et personnes ressources cooptées, ces commissions ne pourraient à la rigueur que superviser le processus et agir comme des comités de pilotage. De toute façon, elles ne devront certainement pas mener directement l’audit et l’évaluation de la dette. Il faut obligatoirement un audit et une évaluation indépendants de la dette, menés par des organisations privées et/ou non-gouvernementales pour assurer toute impartialité. Les départements d’audit et d’évaluation des partenaires multilatéraux, des Nations-Unies, des experts désignés par les partenaires bilatéraux et les obligataires pourront se concerter, mettre en place une task-force internationale qui appuiera technique le processus en commençant par l’élaboration de la note conceptuelle pour l’audit et celle pour l’évaluation. Les partenaires multilatéraux pourront prendre en charge le recrutement des cabinets d’étude internationaux qui prendront en charge des volets spécifiques de l’audit ou de l’évaluation.
Ces études d’audit et d’évaluation pourront cibler la période 2000-2019 avec 2010 comme point mid-term de virage important et couvrir plusieurs champs désagrégés en programmes sociaux et programmes productifs. Les équipes d’audit devront nécessairement intégrer des juristes pour préparer les dossiers de ceux qui ont participé à tout détournement de la dette. Les recommandations issues des ces études pourront donner des orientations plus claires sur quelle partie de la dette (pouvant varier de 0 à 100%) devra être annulée, et intégrer les stratégies, politiques et actions post Covid-19 et mieux favoriser ainsi la mobilisation des ressources pour leur bonne exécution.
Dr. Abdourahmane Ba est Expert international en management et évaluation de politiques et programmes
par Siré Sy
ABDOULAYE WADE, AUDACE ET ORIGINALITÉ (3/3)
EXCLUSIF SENEPLUS - Il lui a manqué durant tout son magistère, un dispositif central de planification pour exécuter ses idées sans trop perturber le fonctionnement de l’Etat - PRÉSIDENT ET GESTION DE CRISE, ‘’QUAND L’HEURE EST GRAVE !’’
L'adage dit que c'est au pied du mur que l'on reconnaît le maître-maçon. Dans la même temporalité, c'est par et dans la gestion de crise (s) de magnitude ‘’secousse du régime’’ sur l'échelle d'une Nation-État, que l'on apprécie les choix, les décisions et le leadership d'un chef d'Etat dans sa fonction de président de la République. Le Think Tank Africa WorldWide Group vous propose Feuilleton managérial : Président et Gestion de crise, ‘’quand l'heure est grave!’’.
Pour cette troisième épisode de ''Président et Gestion de crise ‘’quand l'heure est grave’’, Style et Méthode de gestion de crise du président Ablaye Wade, ‘’Gorgui'', le Mao sénégalais.
Dans son style de gestion, on peut noter une volonté très poussée du président Wade à redonner aux Sénégalais, une capacité de rêver, d’échapper à l’adversité et à la dureté des contraintes économico-sociales, à travers un sens d’innovation et d'imagination extrêmement fertiles. Il a juste manqué au président Ablaye Wade durant tout son magistère, un dispositif central de planification, à même de mettre ses idées en ordre et de les exécuter, sans trop perturber le fonctionnement de l'Etat et de la chose publique.
Dans sa gestion de crise ‘’quand l'heure est grave’’, le président Wade n'aura jamais subi l’agenda d’une crise, ne s'est jamais laissé débordé par une crise, quitte même à créer une crise sur la crise. Wade, un illustre metteur en scène politique. L’autre trait de caractère si saisissant dans le style et la méthode Wade, c’est sa capacité de dépassement des adversités et de pardon aux Hommes. Wade se voyait presque comme un grand-père et/ou comme un père et les Sénégalais étaient ses petits-enfants voire ses enfants. Et en tant que tel, une issue heureuse est toujours trouvée. N’est-ce-pas ?
Une médaille a forcément un revers. Si dans son style et sa méthode, le président Senghor fut ‘’prestige et autorité’’, le président Ablaye Wade, dans son style et sa méthode, fut frappé par cette démesure que De Gaulle appelait ‘’la passion d’étendre coûte que coûte, sa puissance personnelle au mépris des limites tracées par l'expérience humaine, le bon sens et la loi.”
Le président Abdoulaye Wade, sous sa présidence (2000-2012), a eu à faire face à trois crises d’amplitude ‘’secousse du régime’’ sous l'échelle d'une Nation-État : une crise énergétique, une crise financière et une crise alimentaire. Le président Abdoulaye Wade, au chapitre de sa gestion de la crise énergétique (pétrole et électricité), n'a pas pu empêcher des émeutes de l'électricité, une saignée des finances publiques et du budget, à hauteur de plus de mille milliards de Francs CFA, sans résultat probant. S’il y a un goût d'inachevé dans le magistère du président Wade, c'est bien la gestion de cette crise énergétique, avec un prix du baril à 190 dollars et un rationnement dans la fourniture de l'électricité aux entreprises et aux ménages. Cette crise énergétique fera partie des causes qui vont emporter le président Wade et son régime.
Le président Wade va aussi faire face - de manière indirecte - à une crise financière, qui aura un fort impact dans le parachèvement de ses chantiers. Au point que le président Wade, pour s'en sortir et reprendre les choses en main, va s’ouvrir et ouvrir l'économie sénégalaise, aux capitaux du Moyen et Proche Orient et aux capitaux des pays d’Asie.
Et enfin, le président Wade va faire face à une crise alimentaire qu’il aura brillamment gérée. Car dans un contexte de crise alimentaire mondiale, au point de dégénérer vers des émeutes et des saccages un peu partout en Afrique, Wade a lancé l'opération Goana, en réhabilitant la production horticole, rizière et de contre-saison. L’une des prouesses qu’aura réussi le président Wade, dans la gestion de cette crise alimentaire, c'est de lancer le go d'une perspective vers une autosuffisance alimentaire qui reste à parachever.
Ablaye Wade, le ‘’Mao Sénégalais’’
Mao Zedong, est l'homme de la Longue marche (1934-1935) chinoise. Une marche qui posa les premiers pas de ce qui est le grand reclassement de la Chine, que Deng Xiaoping, a eu à parachever et que Xi Jinping est en train de consolider. La Chine, au centre du monde, précurseur et grand vainqueur de la mondialisation.
Ablaye Wade est celui qui a posé le Sénégal, sur des rails nouveaux, à partir de 2000, en permettant au Sénégal, d’emprunter une toute autre trajectoire historique dans sa marche vers le progrès. Ablaye Wade est pour le Sénégal et l'Afrique, ce que fut Mao Zedong pour la Chine et l'Asie. Une idée de la Politique et du Temps. Un temps appelé à survoler le temps, pour s'inscrire dans la durée imputrescible des époques sublimées, celles qui éclairent la marche d'un pays, le Sénégal ; la marche d'un continent, l'Afrique. Si pour Mao Zedong, ses écrits théoriques et sa pratique politique ont donné naissance à un courant marxiste-léniniste connu sous le nom de maoïsme ; les écrits théoriques et la praxis politique d’Ablaye Wade ont donné naissance à un courant du libéralisme à l’africaine qu'est le Wadisme, une doctrine économique et politique dite du Libéralisme-interventionnisme.
Durant ces deux mandats, Ablaye Wade, orateur doué et fin tacticien, fait passer le nombre de collèges de 220 en 2000 à 749, et celui des lycées, de 48 à 134. Sur la même période, le budget de l’Éducation nationale a quadruplé. Ablaye Wade lance de grands travaux pour moderniser le Sénégal, réaménage le port de Dakar, construit un nouvel aéroport international, une nouvelle autoroute et étend l’électricité dans les campagnes. Sur le plan de la santé, Ablaye Wade double le nombre de structures sanitaires (18 centres médicaux), améliore les conditions d'accès à l'eau potable et parvient à faire baisser la mortalité infantile. Ablaye Wade développe une grande politique agricole, la Grande offensive agricole pour la nourriture et l'abondance (Goana) qui va changer la carte agricole du Sénégal (riz, arachide et horticulture). Sur le plan économique, entre 2000 et 2010, Ablaye Wade relève la situation économique du Sénégal, avec un taux de croissance (+4%) supérieur à celui des années 1990, une inflation contenue et des ressources de l'État en constante augmentation. Sur le plan international, Ablaye Wade inaugure l’ère de nouveaux partenaires économiques avec le Moyen-Orient et l’Asie et promeut le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), projet panafricain visant à faire entrer l'Afrique dans le commerce mondial et à se libérer de l'assistanat.
A suivre, l'épisode consacré au président Macky Sall
René Lake en débat sur VOA avec le républicain Herman Cohen, ancien ministre de Bush - La société américaine est structurellement raciste - L'affaire Floyd rappelle trop d'autres cas similaires - Donald Trump a fait preuve d'un leadership défaillant
René Lake en débat sur VOA avec trois autres invités, y compris le répubicain Herman Cohen, ancien ministre chargé des affaires africaines de George H. Bush. Le sujet : Le cas de George Floyd, la face visible de l'iceberg ? Comment réformer cette société américaine dans ses structures les plus discriminatoires à l'égard des minorités ? Quid de la posture de Donald Trump en ces moments troubles pour le pays ?
L'émission "L'Amérique et vous", remet au centre des débats, la question des discriminations raciales aux Etats-Unis, ravivée par le récent meurtre de George Floyd, Afro-américain, par un policier blanc.