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5 mai 2025
International
LE PARI DE BIDEN EN AFGHANISTAN
Analyse des potentielles retombées politiques du retrait de Washington de Kaboul sur la nouvelle administration américaine, par René Lake au micro de VOA
L'analyste politique René Lake affirme que l'opinion publique penchera en faveur de Joe Biden pour avoir retiré l'Afghanistan après 20 ans, malgré une opération de retrait chaotique.
LES DAMNÉS DE LEUR TERRE, par Elgas
LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR, LE PAIR NÉCESSAIRE
EXCLSIF SENEPLUS - Au Sénégal, on a appris à des générations de postulants intellectuels à aimer ou haïr Senghor. Il en a découlé une terrible méconnaissance de son œuvre. En fauchant tout ou presque, on passe sous silence que le pays lui est redevable
Photo Serge Philippe Lecourt |
Elgas |
Publication 30/08/2021
Inclure Léopold Sédar Senghor dans une série baptisée « Les damnés de leur terre » peut sembler relever de l’hérésie, tant l’homme a été le récipiendaire de tous les honneurs possibles et imaginables, surtout les plus officiels. Senghor fut en effet pourvu, et bien, en apparat, toges, breloques et médailles, et ce du tout-venant : universités, républiques, monarchies, cabinets, antres religieux. Partout il fut reçu avec diligence, et son personnage, sans aspérités trop prononcées, cheminant avec le prodige qui lui est propre, lui ouvrit en grand la porte des cénacles les plus prestigieux. Il suffit de faire quelques détours dans les notices biographiques disponibles – même les plus paresseuses – pour y voir, consignés sur des pages et des pages, bien mis en valeur, les trophées du bonhomme. Dans son pays, l’homme s’est fondu au fronton des bâtiments publiques, dans la mémoire collective, et même, lettrés et illettrés confondus, dans l’imaginaire collectif. Il préfère « pourrir dans la terre comme le grain de millet », vœu formulé dans son poème liminaire adressé à Léon Gontran Damas dans Hosties Noires (1948) pour devenir « la trompette et la bouche du peuple ». On peut constater sans le flatter que la graine a fleuri et qu’il est exaucé. Il eut sa griotte et cantatrice attitrée, Yandé Codou Sène, et aujourd’hui encore les louanges défient le temps.
Une mémoire chahutée
Tout ça bien sûr ne milite pas pour son inclusion dans la liste des Damnés de leur terre pas plus qu’à parier, Fanon ne l’aurait inscrit dans la sienne des Damnés de la terre (1961). Cependant, même chez ses admirateurs les plus fervents, on s’impose désormais la discrétion : on ne le célèbre plus véritablement qu’in petto, sans gros tapages. Même si l’empreinte du « père de la Nation » est là, imposante et irréfutable, tantôt fardeau, tantôt couronne, si partout son effigie trône, si Senghor reste dans les esprits, il y a loin encore pour qu’il soit dans les cœurs, en bonne place, avec de la bienveillance mémorielle et sur le temps long. Les cœurs sont divisés à son propos. Et pas n’importe lesquels. Il importe d’aller farfouiller dans ce malaise aux allures de crime originel, disons continental, pour essayer d’y voir clair sur cette tragédie familiale, celle d’un fils perdu par son amour illégitime.
Dans le pays Sérère qui le vit naître, pays du reste pépinière à héros nationaux, le fils de Joal reste un enfant prodige et un fils prodigue. Et dans les cœurs de ce Sine royal, ce premier fils dont la gloire illumine encore la filiation, est bien chanté en psaumes et autres élégies. Mais au-delà du carcan proche, des émules acquises, dans les cercles de savoir, c’est-à-dire dans l’épique querelle intellectuelle, Senghor est dans les cœurs certes, mais à une place ingrate : celle du père déserteur, renégat de la fierté nationale. Un patriarche inassumé, dont on est presque honteux, avec ses honneurs étrangers, sinon français, qui ne signent en définitive que l’opprobre. Ses titres n’ornent que la flamboyance de son tombeau, sur lequel l’on ne manque pas d’aller cracher ou « danser » généreusement. Car dans ce Dakar prescripteur de la tendance intellectuelle, et dans cette Afrique en quête d’une renaissance chahutée par diverses péripéties, Senghor a perdu. Vingt ans après sa mort, c’est une défaite sans l’ombre d’un doute, si on en juge par les forces en présences et les idées en vogue. Dans les manifestations nationales et continentales, il est vain d’attendre des slogans à sa gloire, la seule façon pour lui d’y figurer, c’est en effigie crucifiée et brûlée en place publique pour intelligence avec l’ennemi. Ses adversaires les plus illustres sont devenus les idoles de la jeunesse, les modèles des aspirants, et les alliés des activistes qui ont le vent en poupe.
Pourquoi donc aller au-delà de ce constat historique, de cette défaite consignée, d’où aucune rémission ou réhabilitation ne semble possible pour l’ancien président sénégalais ? Pourquoi enjamber ce verdict sanglant qui s’est imposé à mesure du temps ? Sans doute parce qu’il y a dans la damnation une part fatale, mais bien plus encore une part d’injustice, sans jouer ni les avocats, ni le contempteur assagi. Survoler les rangs de ceux qui ont eu des différends, parfois des inimitiés, souvent de la rancœur contre Senghor, c’est côtoyer une incroyable galaxie d’esprits lumineux devenus symboles du continent.
Un homme politique dur
Sur le champ politique d’abord, Senghor ne fut ni un saint ni un tendre. Il faut le dire d’emblée. Parachuté dans cet univers par la force des choses et son parcours qui l’y a mené naturellement, il fut un leader coriace sous des dehors avenants et charmants voire charmeurs. Avec une componction toute bourgeoise et des manières monacales, il joua un registre maîtrisé, celui de l’homme politique sans écarts extravagants. Cette tonalité lui est naturelle quand on connaît son ascendance, lui qui est d’un lignage noble du côté de son père, Basile Diogoye comme de sa mère, Gnilane. L’un fut commerçant prospère ; l’autre de la filiation des Guelwar. C’est donc un garçon bien né, précocement mélancolique, qui n’éprouva pas les rudesses et les incartades du destins qui corsent les caractères. Hormis l’épisode de la seconde guerre, où il fut prisonnier des Allemands, et celui plus tard de l’acharnement de la faucheuse contre sa descendance, ses premiers engagements ont ainsi été marqués par une certaine douceur. Il n’a eu besoin ni de chasser pour survivre ni de combattre pour s’imposer. Un tel pedigree est une part importante de son identité.
Si l’indépendance fut acquise au Sénégal, enfant gâté de colonie, dans la dévolution et non au combat, cet état de fait institua une transition en douceur, presqu’une continuité. Incarnation de cette étape, Senghor devait fatalement susciter des querelles de positionnements, point de cristallisation des reproches de ses pairs. Car le modèle Senghor tout promis à son destin, était tout de même à rebours de la rupture sèche prônée par les mouvements panafricains et la dynamique des indépendances. S’il en partageait le fond et les optiques, dans l’impulsion de la négritude qu’il contribua à conceptualiser, il ne fut à l’inverse ni combattant, ni rebelle, encore moins activiste ; et à bien des égards, il parut se satisfaire de ce costume taillé sur mesure sans soubresauts majeurs. Était-ce au nom d’un sens du compromis déjà consommé qui cadrait bien avec son tempérament en quête de consensus, et donc tout compte fait une philosophie du pouvoir bien étudiée ? Ou alors était-ce un lien viscéral avec le colonisateur de nature presqu’affective par les liens de la langue, de la littérature et de sa foi chrétienne réelle et profonde ? Était-ce la bonne mesure pour gouverner ces pays nouvellement indépendants où il y avait tout à défaire et tout à refaire ? Sans doute un peu des trois.
L’amour coupable et la tâche indélébile
Et il ne sert à rien d’occulter l’aspect, très important, de sa francophilie bien réelle et de son amour – coupable ? – pour la France qui le lui a bien rendu. S’il s’en défend « ah je ne suis pas la France, je le sais » c’est pour dire plus loin, dans le même poème qui chante les tirailleurs, s’agissant toujours de la France « que ce peuple de feu […] a distribué la faim de l’esprit comme de la liberté à tousles peuples de la terre conviés solennellement au festin catholique ». On peut en trouver d’autres, facilement, des extraits sans équivoque, sur cet attachement et cette fascination. Un amour proche de la déférence, et contre les intérêts de son pays, arguent avec raison ses jurés. Cet amour pour le bourreau a fédéré l’essentiel des reproches à son endroit, et les noms d’oiseaux rivalisent de sarcasme pour l’accabler. Du nègre de maison au suppôt, il y a le choix. On est à un point de l’histoire où aimer la France pour un Sénégalais, fût-il Senghor, est une tare irrémissible. Aimer le Sénégal pour un Français, un acte d’ouverture. Une drôle d’asymétrie…dans une quête d’égalité.
Si on réussit à passer l’objet de la querelle centrale sur Senghor que l’on vient d’évoquer, on peut noter sur le plan politique d’autres griefs qui l’empoignent. Depuis les désaccords avec Lamine Gueye – autre fils chanté du pays – au lendemain de la seconde guerre sur des choix politiques jusqu’à la scission avec la fédération du Mali en 1960, en passant par sa répression des débordements de 1963 et de 1968, Senghor a montré un certain art martial de la gestion politique. On ne compte plus ses concurrents, anciens amis devenus opposants, et victimes de ses « punitions » aux inclinations très carcérales et de répressions sanglantes. On pourrait tourner la question à loisir, chercher des arguments à décharge, et si en face on n’eut pas que des saints, Senghor avait quand même une conception de la démocratie très peu inclusive, étroite et violente. Son empressement à couper court à la parole contraire n’honorait ni ses engagements intellectuels, ni son legs politique. La tâche est là au milieu du front, ombre ravageuse sur sa réputation de rondeur bienveillante. Mamadou Dia, Blondin Diop, Pathé Diagne, Cheikh Anta Diop.... Ils sont nombreux à avoir subi son arbitraire, sans toujours mériter ce funeste sort. Dans le contexte très porteur pour les idées d’émancipation des années 50 /60, bâillonner la dissidence ne pouvait déboucher que sur un effet désagréable et rétroactif, lequel, avec le temps, était promis à consacrer les victimes d’hier avec le privilège habituel des victimes : celui d’être encensées outre-mesure en passant ainsi vite sur leurs propres manquements et forfaits. Le symbole de cette célébration par défaut, c’est Mamadou Dia, devenu depuis son martyre, l’anti-Senghor qui suscite les regrets et compile les bénéfices de la comparaison.
La théorie et la pratique du pouvoir : une dissonance
Si Senghor a eu du flair dans ses écrits politiques, sur sa vision du socialisme, en pressentant par exemple rapidement la dissonance entre le marxisme théorique et les réalités africaines, il n’en tira pas de bénéfice dans l’immédiat. Il a partagé ce constat avec Amady Ali Dieng, intellectuel sénégalais, qui s’était montré sceptique sur les Damnés de la terre de Fanon dont il produisit une remarquable critique. Mais ces nuances et intuitions visionnaires dans ses idées politiques, généreusement expliquées dans le tome 2 de Liberté, Nation et voie africaine du socialisme (1971), semblent parties en pures pertes. Car politiquement, l’époque vouait un culte au Marxisme, et si lui - d’ailleurs primo-communiste dans ses premiers engagements et aspirant socialiste plus tard - n’a pas été particulièrement tenté par les promesses du Marxisme, à l’examen d’aujourd’hui, il n’eut pas tort. L’héritage du Marxisme sur le continent comme matrice idéologique est constamment battu en brèche et rétrospectivement, son pressentiment fut le bon. De telles pièces à conviction ne pesèrent pas bien lourd dans la balance de son procès. On jeta le bébé avec l’eau du bain. Du politique, on ne lut ainsi que très peu le théoricien, mais on accabla généreusement le praticien du pouvoir, avec ses dents de glace dans le velours de l’apparence.
Des questions légitimes se posent dès lors. Comment un tel élan théorique a-t-il pu se laisser aller à une gestion politique aussi virile, avec des inflexions dictatoriales par moment ? Cela reste un mystère. Toujours est-il, avec un tel passif, tous les acquis de Senghor sont foulés aux pieds par l’acte d’accusation, dans le procès historique qui s’est ouvert avant sa mort et qui est aujourd’hui encore entretenu. Les mots sont durs à son endroit ; le verdict plus encore. À même en oublier que les vertus prêtées au rôle prééminent des confréries dans la gouvernance politique au Sénégal, fut un legs de l’administration coloniale que Senghor a veillé en entretenir. Ce que le Sénégal se gargarise d’avoir comme modèle de régulation sociale est un compromis colonial, une entente cordiale entre colonisateurs et chefs locaux que Senghor a formalisée par la suite, et intégrée comme une tradition perçue comme endogène. Ces bases de la stabilité politique du Sénégal portent une part de son mérite et ses soutiens, peu bruyants mais bien nombreux, ne manquent pas souvent de saluer ces actes forts : son départ en transition douce en 1980 quand le continent voyait des satrapes s’accrocher au pouvoir et la survivance de sa vision culturelle qui a perdu de son ascendant depuis son départ.
Littérature, de la controverse légitime aux attaques personnelles
Même fortune dans le champ littéraire ou presque, le poète fédère contre lui la crème du continent : Stanislas Adotevi, Wolé Soyinka, Mongo Béti, et bien d’autres illustres noms, se sont payés Senghor, en termes souvent redoutables, sans toujours avoir tort. Les critiques d’Adotevi dans Négritude et Négrologues (1972) et de Soyinka dans la même veine, étaient de l’ordre de la controverse des idées, notamment les désaccords sur la Négritude. À ce titre, elles ajoutaient de la matière au débat, malgré la rudesse des charges. Mais chez beaucoup d’autres de ses détracteurs, les attaques ont vite migré du terrain des idées à celui de la personne en elle-même. Même chez ses supposés amis, il n’a pas toujours été en odeur de sainteté comme le symbole une malédiction chronique qui empoissonne son héritage. Il ne fut par exemple pas un régulier de Présence Africaine, temple de l’époque, où il ne publia aucun livre, tout au plus quelques textes dans la Revue. On n’y garde pas le souvenir d’un combattant, d’un ami de la maison, de la cause, porté par exemple par la fièvre du moment.
Même Césaire, l’ami indéfectible qui ne l’a jamais renié, a admis en termes sibyllins que Senghor n’avait pas que des « répulsions » pour la France, pour faire dans l’euphémisme. Les deux hommes resteront pourtant jumeaux de la Négritude, siamois, avec l’ardeur flamboyante pour l’Antillais et le charme diplomatique du Sérère. Et même quand Sartre préface son Anthologie de la poésienègre et malgache (1948), dans l’abrasif Orphée Noir, il semble y avoir là encore une dissonance, entre le philosophe ami des opprimés et Senghor lui-même, le dernier des opprimés. Les deux textes semblent varier d’épaisseur politique, ils ne portent pas la même charge, et produisent un drôle d’écho disharmonieux, comme si Sartre ou Senghor s’étaient trompé, l’un ou l’autre, dans leur choix. Un concerto aux tons en décalage.
Le pair et le repère
Tout cela produit une chose : on se paie Senghor. C’est même devenu une mode. Un défi. Un passage initiatique pour les aspirants intellectuels. Parmi les premiers à recevoir les honneurs, premier admis dans les enceintes prestigieuses, quand bien même la docilité en même temps que le mérite l’y ont propulsé, Senghor ne pouvait devenir qu’un punching-ball. Un baromètre à partir duquel se mesure la jauge du positionnement intellectuel. Une sorte de boussole qui indique une direction que l’on s’empresse de ne pas suivre, à l’exception d’un dernier quarteron d’irréductibles dont la voix ne porte guère hors des cercles de poésies dépolitisées.
La presse et les travaux universitaires se sont fait l’écho de cette querelle, et dans les éléments récurrents, dont on ne fera pas l’inventaire ici – d’autres plus qualifiés l’ont fait fort bien – on retiendra les phrases devenues elles-mêmes les chefs d’accusation : « l’émotion est nègre, la raison Hellène ». « « La colonisation est un mal nécessaire ». Des livres ont été écrits, en défense ou en accusation de ces éléments, et si des siècles ne parviennent pas à en faire une exégèse admise pour tous, c’est qu’il y a trop à comprendre ou pas assez. Tout est évident ou parfaitement complexe. Et ce n’est par manque d’avoir ratiociné au mot près pour traduire ces extraits. Les protagonistes du débat figés dans leurs camps prennent peu en considération les avis inverses. Il faut des coupables et des héros. Et à ce jeu, Senghor n’avait pas les arguments pour peser devant ces « preuves » on ne peut plus accablantes.
L’homme et l’œuvre broyés ?
Dans tout cela, y a-t-il finalement de la place pour la Littérature ? D’entendre sa voix poétique, inaliénée, dans un souffle de création non captif des déformations politiques ? Pas tellement sûr. Dissocier l’homme de l’artiste ? C’est encore la prétention de la frontière, oublier que l’homme entier était à la fois poésie et politique, génial et vil ; de Joal et de Verson, ombre et lumière, et qu’à tout prendre, il faut le prendre en entier et renoncer aux idoles parfaites… Senghor était d’un temps où la Littérature ne se faisait pas seulement, comme un caprice esthétique ou une purge de quelques obsessions ; pas seulement un divertissement. Elle se pensait avec une certaine démangeaison épidermique. Elle investissait la langue, le mot, le rythme, elle portait une métaphysique. Habitée par un démon, elle était un art chevillé au corps, possessif et entêtant. Elle était investie d’une mission. Si celle de Césaire fut évidente pour beaucoup, le contretemps Senghorien ne manquait pas de cette fibre. Du séminaire de Ngazobil sur la petite côte sénégalaise de l’enfant du Sine à l’académie française du Quai Conty pour le serviteur du français, en passant par Louis-le-Grand, l’agrégation, et une carrière de professeur de Lettres à Tours, sans oublier les grandes étapes à Dakar et à Verson en Normandie, c’est une sacrée trajectoire. Une vie pleine qui ne pouvait pas offrir que de l’éclat, de la vertu, un lisse héritage.
Elle reste la colonne vertébrale d’une œuvre poétique, majeure, que même ses détracteurs les plus chevronnés lui reconnaissent. Dans le Tome 1 dans Liberté, Négritude et humanisme, discours, conférences (1964) on retrouve toute la grammaire de la poésie de cette œuvre résolument panafricaine qui a toujours été son obsession. Dans le jeu des phrases à monter en épingle, sa poésie offre nombre de repaires sublimes tant elle est une des plus belles esthétiquement, philosophiquement, avec ses portées humanistes, sa profondeur endogène, et sa délicate fragilité. Tant elle porte l’énergie de sa langue, de son pays, de son Joal, dans cet universel déjà horizontal chez lui qui est devenu la référence des épistémologies du Sud. Un Michel Torga avant l’heure « l’universel, c’est le local sans les murs ». Un festin désormais admis dont il est exclu au motif de la tâche originelle de traîtrise qui semble tout défaire, comme l’acide attaque la matière. Sans doute est-ce la plus grande injustice contre son œuvre. Vue et filtrée à travers lui, broyée même, toute sa dimension panafricaine, militante, qu’il a obsessionnellement nourrie jusqu’au Festival des arts nègres (1966), et partant, sa politique culturelle, est soustraite de son legs majeur. En fauchant tout ou presque, on passe sous silence que le Sénégal lui est redevable d’une part de son rayonnement. « Notre noblesse nouvelle est non de dominer le peuple mais d’être son rythme et son cœur », écrivait-il dans Hosties noires. Il le fit le long de toute son œuvre, toute – et c’est notable – orientée vers l’Afrique et les Mondes Noirs malgré l’évident tropisme français. Poèmes, récits, théories politiques, journaux, lettres, discours, anthologies, essais, tout est là, prêt à plaider pour lui, à l’enfoncer aussi.
Comment faire un bon parricide ? L’exemple de Tchicaya
Dans sa biographie de Tchicaya U Tam’si, Boniface Mongo-Mboussa décrit la relation du poète congolais à Senghor. Tchicaya ne voulait haïr ou détester Senghor comme on nous l’enseigne à presque tous, mais seulement le « tuer ». Un parricide littéraire, rien d’autre, à la fois hommage et envol. S’affranchir du carcan sans le renier. La leçon de Tchicaya n’a pas été apprise ou retenue. L’option binaire a prospéré. Au Sénégal, on a appris à des générations de postulants intellectuels, dans un sens comme dans l’autre, à aimer ou haïr Senghor, pas à le tuer hélas. Une telle injonction, produite par la déformation de l’Histoire, a bien opéré. On ne prend plus la peine de le lire, puisque le tribunal a rendu son verdict. Il en a découlé une terrible méconnaissance de son œuvre, en même temps qu’une grande admiration et haine à doses pas toujours égales. Comme s’il n’existait pas cette zone grise, qui ne saurait être une tiédeur, mais bien la fabrique de vrais esprits tiraillés, capables de faire un choix et d’élucider un texte avec des arguments non biaisés dès le départ.
Comme l’acte inaugural de la difficulté du continent à ne pas entretenir un débat sain et serein, l’affaire « Senghor » est symptomatique de l’incapacité, devenue désormais hélas pathologie aigue aujourd’hui, de ne pas critiquer sans destituer. De ne pas porter le désaccord sans l’hostilité. En désignant les « traitres » du continent, c’est l’extrême étendue de leur qualité qu’on restreint à une petite portion, réceptacle des crachats ainsi invités à s’abattre. Défier cet ordre, c’est réinstituer Senghor à l’agenda et le lire, véritablement, et seulement après se faire un avis. Pas sûr que cette option ait du succès.
Dans Ndessé toujours dans Hosties noires, sublime chant crépusculaire, ode amère à la mère, Senghor écrit en chute du poème au plus fort du Spleen : « Mère, je suis un soldat humilié, qu’on nourrit de gros mil. Dis-moi donc l’orgueil de mes pères ! » La petite ironie de l’histoire, c’est que Sédar, son prénom sérère, signifie « celui qui ne sera jamais humilié ». Il ne le fut jamais en réalité, mais tous les honneurs qui l’ont inondé, l’ont aussi un peu coulé dans la momification vivante. Ils masquent une blessure intérieure, celle de ne pas avoir assez gagné les cœurs pour rester dans les mémoires avec le bon rôle. Senghor et sa mansuétude pleine de sagesse et de dérision, le savaient sans doute : sa défaite est sublime parce qu’elle porte une part de victoire indicible, inavouable. Et le triomphe de ses adversaires, paradigme à l’œuvre aujourd’hui, porte ses parts d’ombre et ses défaites qu’on n’osera jamais dénoncer, parce que c’est le sens de l’Histoire peu importe la destination. Avoir tort avec Cheikh Anta Diop sera toujours plus acceptable qu’avoir raison avec Senghor. Loi de l’époque, du nombre, du vent de l’histoire, du mouvement ; loi de la justice ! C’est la condition même du pair nécessaire, dans tous les sens du terme. Celui qu’il nous faut, pour le meilleur et le pire.
NDATÉ YALLA MBODJ, HÉROÏNE DE LA RÉSISTANCE À LA COLONISATION PAR FAIDHERBE
Longtemps oubliée de l’histoire sénégalaise et africaine, dernière grande reine du royaume du Waalo commence à être petit à petit réhabilitée grâce à la mobilisation d’historiens et de sociologues
Elles ont combattu l’oppression coloniale ou s’érigeaient et s’érigent encore contre la domination masculine. Elles portent haut le combat contre les mutilations génitales ou les stéréotypes de genre. Portrait de ces résistantes, souvent dans l’ombre, voire oubliées de l’histoire….
Au Sénégal, Ndaté Yalla Mbodj est la dernière grande reine du royaume du Waalo entre 1846 et 1855 - un royaume dans la vallée du fleuve Sénégal, au nord du pays. Mais elle est surtout la première à résister à la conquête coloniale française dirigée par le général Faidherbe à la moitié du 19ᵉ siècle.
Longtemps oubliée de l’histoire sénégalaise et africaine, elle commence à être petit à petit réhabilitée grâce à la mobilisation d’historiens et de sociologues.
ALLIANCE DE CIRCONSTANCE ENTRE TALIBANS ET AMÉRICAINS
L'analyse politique, René Lake décrypte sur VOA, les conséquences de l'attentat suicide perpétré par l'État islamique à l'aéroport de Kaboul jeudi, sur les opérations d'évacuation en cours en Afghanistan à l'aune du changement de régime
L'analyse politique, René Lake décrypte sur VOA, les conséquences de l'attentat suicide perpétré par l'État islamique à l'aéroport de Kaboul jeudi, sur les opérations d'évacuation en cours en Afghanistan à l'aune du changement de régime.
texte collectif
POUR UNE ACTION URGENTE EN ÉTHIOPIE
Face à l’impuissance des institutions internationales à faire taire les armes au Tigré, des intellectuels africains dont Achille Mbembe, S. Bachir Diagne, B Boris Diop et Felwine Sarr, prennent la plume pour appeler à une médiation rapide dans ce conflit
Avec J. A |
Texte Collectif |
Publication 27/08/2021
Nous rédigeons cet appel en tant qu’intellectuels africains du continent et de la diaspora. Beaucoup d’entre nous ont consacré leur vie professionnelle à la compréhension des causes et des solutions potentielles aux conflits intra et interafricains. La détérioration constante de la situation en Éthiopie nous consterne et illustre de manière tragique le peu d’intérêt que suscitent les nombreux commentaires des intellectuels africains sur la manière de résoudre les conflits qui déchirent le continent.
Nous sommes profondément bouleversés par la guerre civile en cours en Éthiopie – que certains qualifient de conflit interne régionalisé, étant donné le rôle joué par l’Érythrée dans ce conflit. Nous constatons avec consternation que les protagonistes du conflit ne sont plus seulement les forces de défense du Tigré (TDF) et les forces de défense nationale éthiopiennes (ENDF), ainsi que les forces spéciales d’Amhara, mais aussi l’armée de libération oromo d’un côté et, de l’autre, les forces spéciales de plusieurs autres régions, ainsi que de nombreux conscrits.
Nous notons également les percées des TDF dans les régions d’Amhara et d’Afar – qui, bien qu’elles prétendent chercher à permettre l’accès aux chaînes d’approvisionnement humanitaire et autres, contribuent à l’expansion du conflit dans toute l’Éthiopie.
Justice réparatrice et exacerbation des tensions
L’Éthiopie est un pays majeur sur le continent, non seulement parce qu’elle a résisté avec succès à l’expansionnisme impérial européen, mais aussi parce qu’elle abrite le siège de l’Union africaine (UA), notre organisation intergouvernementale, dont nous déplorons le manque d’engagement effectif dans la résolution de la crise éthiopienne. L’UA et ses États membres – en particulier les États voisins de l’Éthiopie – ne doivent pas laisser l’Éthiopie dicter les termes de leur engagement dans la recherche d’une solution à ce conflit.
Nous tenons également à déplorer le nombre sans cesse croissant de civils touchés par ce conflit – les décès, les violences sexuelles, l’exode des réfugiés, la faim avérée et les besoins médicaux et psychosociaux non satisfaits, les rapports faisant état de détentions illégales généralisées et ciblées (notamment en raison de l’appartenance ethnique), les disparitions forcées et la torture en détention. Nous condamnons aussi les destructions des biens matériels et immatériels chèrement acquis au Tigré, ainsi que dans d’autres régions d’Éthiopie, y compris les établissements d’enseignement supérieur et le patrimoine culturel. La population éthiopienne a suffisamment souffert. Le pays ne peut se permettre de nouvelles destructions.
Tous les Éthiopiens doivent reconnaître qu’une solution politique plutôt que militaire s’impose désormais, quelles que soient les revendications et les contre-revendications, légitimes ou non, sur les circonstances qui ont fait que l’Éthiopie en est arrivée là. La justice réparatrice, y compris la réquisition et la contre-réquisition de terres faisant l’objet d’une contestation, et la détention de membres des familles de groupes politiques récemment mis hors la loi, exacerbent les tensions, entraînant des cycles de violences générationnelles.
Devoir d’agir
L’Éthiopie est au bord du précipice ; nous devons agir. Nous invitons donc :
Le gouvernement éthiopien et le gouvernement régional national du Tigré à répondre positivement aux appels répétés au dialogue politique, y compris avec les groupes concernés et impliqués des régions d’Amhara et d’Oromia.
Le gouvernement éthiopien et le gouvernement régional national du Tigré à recourir de manière positive, dans le cadre de ce dialogue, au concours des nombreux intellectuels africains qui ont proposé des solutions pour sortir du conflit.
Les États voisins à exercer une pression maximale sur le gouvernement éthiopien et le gouvernement régional national du Tigré pour qu’ils acceptent, dans le cadre de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de l’UA, de participer à la résolution de ce conflit par une médiation extérieure.
L’IGAD et l’UA à assumer pleinement leurs rôles de médiateur auprès des protagonistes de ce conflit, notamment en apportant tout leur soutien politique à l’envoyé spécial de l’UA pour la Corne de l’Afrique, qui sera bientôt désigné.
Le reste de la communauté internationale à continuer à soutenir les actions de l’IGAD et de l’UA en utilisant les tactiques de persuasion nécessaires pour amener les protagonistes à la table des négociations, les y maintenir et trouver une solution politique menant à un dialogue national plus large sur l’avenir de l’État éthiopien.
Nous exhortons tous les dirigeants et groupes civiques éthiopiens à faire preuve de maturité et de vision pour reconstruire un pays qui a déjà trop longtemps souffert. Nous demandons que tout règlement politique négocié inclue un processus de reddition de comptes concernant les atrocités de masse perpétrées en Éthiopie. L’histoire de l’État africain témoigne de l’efficacité de la voie de la vérité, de la paix, de la justice et de la réconciliation.
Signé :
Souleymane Bachir Diagne, Professor of French and Philosophy, Director of the Institute of African Studies Columbia University
Mamadou Diouf, Leitner Family Professor of African Studies, Department of Middle Eastern, South Asian and African Studies Columbia University
Elleni Centime Zeleke, Assistant Professor Department of Middle Eastern, South Asian and African Studies Columbia University
Godwin Murunga, Executive Secretary Council for the Development of Social Science Research in Africa (CODESRIA)
Boubacar Boris Diop, Award winning author of Murambi, The Book of Bones and many other novels, essays and journalistic works
Achille Mbembe, Research Professor in History and Politics, Wits Institute for Social and Economic Research University of the Witwatersrand
Jimi O Adesina, Professor and Chair in Social Policy College of Graduate Studies University of South Africa
Ato Sekyi-Otu, Professor Emeritus, Department of Social Science and the Graduate Programme in Social and Political Thought York University
Felwine Sarr, Anne-Marie Bryan Distinguished Professor of Romance Studies Duke University
Imraan Coovadia, Writer, essayist and novelist, Director of the creative writing programme University of Cape Town
Koulsy Lamko, Chadian playwright, poet, novelist and university lecturer
Willy Mutunga, Former Chief Justice Supreme Court of Kenya
Maina Kiai, Former Chair Kenya National Human Rights Commission Former United Nations Special Rapporteur on the rights to freedom of peaceful assembly and of association
Rashida Manjoo, Professor Emeritus Department of Public Law, University of Cape Town, Former UN Special Rapporteur on violence against women
Siba N Grovogui, Professor of international relations theory and law Africana Studies and Research Centre Cornell University
Nadia Nurhussein, Associate Professor of English and Africana Studies Johns Hopkins University
Martha Kuwee Kumsa, Professor of Social Work Wilfrid Laurier University
Mekonnen Firew Ayano, Associate Professor SUNY Buffalo Law School
Dagmawi Woubshet, Ahuja Family Presidential Associate Professor of English University of Pennsylvania
Awet T Weldemichael, Professor and Queen’s National Scholar Queen’s University
Abadir Ibrahim, Ethiopian Human Rights Activist and Lawyer
Michael Woldemariam, Associate Professor of International Relations and Political Science, Director of the African Studies Center Boston University
Safia Aidid, Arts and Science Postdoctoral Fellow Department of History University of Toronto
Abdoulaye Bathily, Professor of History University Cheikh Anta Diop
David Ndii, Kenyan Economist
Siphokazi Magadla, Senior Lecturer in Political and International Studies Rhodes University
Fred Hendricks, Emeritus Professor Faculty of Humanities Rhodes University
Pablo Idahosa, Professor of African Studies and International Development Studies York University
Ibrahim Abdullah, Department of History and African Studies, Fourah Bay College University of Sierra Leone
Seye Abimbola, Senior Lecturer School of Public Health, University of Sydney
Makau Mutua, SUNY Distinguished ProfessorSUNY Buffalo Law School
Salim Vally, Professor Faculty of Education University of Johannesburg Director, Centre for Education Rights and Transformation
L. Muthoni Wanyeki, Kenya Political Scientist
Dominic Brown, Activist and Economic Justice Programme Manager, Alternative Information and Documentation Centre
Michael Neocosmos, Emeritus Professor in Humanities Rhodes University
Zubairu Wai, Associate Professor Department of Political Science and Department of Global Development Studies University of Toronto
Alden Young, Assistant Professor, African American Studies University of California
Benjamin Talton, Professor of History, Department of History Temple University
G Ugo Nwokeji, Associate Professor of African History and African Diaspora Studies, Department of African-American Studies University of California
Lionel Zevounou, Associate Professor of Public Law, University of Paris Nanterre.
Amy Niang, Professeur associé, L’Université Mohammed VI Polytechnique
Sean Jacobs, Associate Professor of international Affairs Julien J Studley Graduate Programmes in International Affairs The New School Founder and Editor of Africa is a Country
Abosede George, Associate Professor of African History Barnard College
Dr Abdourahmane Seck, Senior Lecturer Université Gaston Berger
Nimi Hoffmann, Lecturer Centre for International Education University of Sussex Research Associate Centre for International Teacher Education Cape Peninsula University of Technology
Maria Paula Meneses, Vice-Presidente Conselho Científico do CES Centro de Estudos Sociais Universidade de Coimbra
Ibrahima Drame, Director of Education Henry George School of Social Science
Cesaltina Abreu, Co-Director Laboratory of Social Sciences and Humanities Angolan Catholic University
Lina Benabdallah, Assistant Professor of Politics Wake Forest University
Oumar Ba, Assistant Professor of International Relations Department of Government Cornell University
Samar Al-Bulushi, Assistant Professor Department of Anthropology University of California
Nisrin Elamin, Assistant Professor of International Studies Bryn Mawr College
Marie-Jolie Rwigema Incoming Assistant Professor Applied Human Sciences Concordia University
Eddie Cottle Postdoctoral Fellow Society, Work and Politics Institute University of the Witwatersrand
Amira Ahmed School of Humanities and Social Science American University of Cairo Convenors’ Forum of The C19 People’s Coalition
Ibrahim Abdullah, Department of History and African Studies Fourah Bay College University of Sierra Leone
Jok Madut Jok, Professor of Anthropology Maxwell School of Citizenship and Public Affairs Syracuse University
par Frédéric Atayodi
COVID-19, LE MYSTÈRE PLANE TOUJOURS SUR LA RÉSISTANCE DE L’AFRIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps - On se demande encore pourquoi le continent résiste alors que beaucoup voyaient à travers elle l’aire de jeu favori du SARS-Cov-2. La pandémie offre un champ de recherche aux scientifiques africains
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps - On se demande encore ce qui a bien pu se passer pour que le continent résiste alors que beaucoup voyaient à travers elle l’aire de jeu favori du SARS-Cov-2. La pandémie est un champ de recherche qui s’offre aux scientifiques africains – PAR FRÉDÉRIC ATAYODI
#SilenceDuTemps - Plus d’un an après l’apparition de la Covid-19, l’apocalypse annoncée hâtivement sur le continent n’a pas eu lieu. Loin de jubiler et de dormir sur nos lauriers, nous Africains devons considérer cette situation comme un défi. Les scientifiques du continent devraient se donner les moyens de comprendre les raisons de cette relative résistance afin de nous aider à nous projeter dans l’avenir. D’ailleurs, le fameux Coronavirus donne encore du fil à retordre à la communauté scientifique avec ses interminables variants.
La planète entière continue de fonctionner au rythme de la Covid-19 depuis bientôt deux ans. L’Afrique demeure toujours la partie du monde la moins éprouvée directement par le virus. Pourtant, dès les premiers mois de cette pandémie, en 2020, des prédictions les plus folles avaient été faites sur notre sort, nous Africains. Le cap de l’apocalypse avait été donné de manière péremptoire depuis l’Occident. Ainsi, des fonctionnaires internationaux, depuis leurs bureaux douillets de New York, Genève ou encore de Paris, avaient la ferme conviction qu’en Afrique, nous mourrons comme des mouches. Cela d’autant plus que l’Occident, avec tous ses attributs, a du mal à contrer l’épouvantable virus. Que dire d’une région du monde beaucoup moins prête à y faire face ? C’est sans doute une telle analyse qui a conduit à ces prédictions hâtives sur l’Afrique et qui vont se révéler être inexactes.
Précautionneuses et pour parer à toute éventualité, des agences onusiennes et autres, Fondations, auraient, en toute discrétion, acheté quantité de housses en plastique pour que les cadavres ne jonchent pas nos villes et nos campagnes.
Avec un discours anxiogène ambiant et omniprésent relayé par de grandes chaines d’info, nous Africains avions fini par céder à la peur. Et raisonnablement, il y avait de quoi, puisque le terrible SARS-COV-2, l’agent pathogène du Coronavirus, faisait des ravages en Europe, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Mais presque deux ans après, même si l’Afrique n’a pas été épargnée, elle est restée l’une des régions du monde la moins touchée. L’hécatombe que les Occidentaux nous avaient prédite n’a pas eu lieu.
En revanche, l’Occident a été frappé de plein fouet par le fameux Coronavirus. Des chiffres éloquents montrent à suffisance la situation. En effet, sur les 184 millions de cas dépistés dans le monde, l'Afrique n'a enregistré que 5,5 millions de cas au total avec un peu plus de 140 mille décès. Seule l’Afrique du Sud a atteint un, voire deux millions de cas de contamination.
Moins de 6 millions de cas pour les 54 les États du continent, ce n’est presque rien comparé à certains pays pris isolément. Par exemple, les États Unis à eux seuls ont atteint 33 millions de cas avec plus de 600 mille décès. L’Inde a enregistré plus de 30 millions de cas avec environ 400 mille morts, suivi du Brésil (plus de 18 millions de cas pour plus de 500 décès).
En Europe, la France a franchi plus de 5 millions de cas pour plus de 100 mille décès, l’Espagne a connu près de 4 millions de cas avec 80 mille décès. L’Italie a dépassé la barre des 4 millions de cas avec plus de 127 mille décès et le Royaume-Uni a dépisté presque 5 mille cas dont 128 décès. Ces données montrent très clairement que le Covid-19 a fait des ravages ailleurs dans le monde, notamment en Occident. Le variant delta parti d’Inde a commencé à sévir à nouveau en Europe.
Non seulement l’Afrique résiste, mais le plus curieux c’est que quand on examine les chiffres, on se rend compte que les pays africains qu’on aurait pu soupçonner de subir le choc de cette pandémie parce classés souvent parmi les pays les plus pauvres du monde (Centrafrique, Niger, Tchad, etc.) sont ceux qui ont été les moins infectés.
En tout cas, jusqu’ici on se demande ce qui a pu bien se passer pour que l’Afrique résiste alors que beaucoup voyaient à travers elle l’aire de jeu favori du SARS-Cov-2. L’univers, la nature, Dieu ou les dieux auraient-ils eu pitié de nous au point de nous préserver de cette apocalypse annoncée à grands renfort médiatique ? Pour le moment, il semble qu’il n’y ait pas d’explication scientifique. Alors que le monde peine encore à venir à bout de ce virus, l’Afrique ne doit pas s’endormir sur ses lauriers. Les efforts individuels de protection doivent se poursuivre, les chercheurs doivent continuer leurs travaux et les politiques doivent jouer leur rôle. Il est d’ailleurs plus que pressant comment le virus a circulé sur le continent.
- Une énigme qui ouvre un champ de recherche pour nos scientifiques -
En effet, l’énigme reste entière quant à la relative résistance du continent à la Covid-19. Il urge, dans une démarche pluridisciplinaire, que nos universitaires : infectiologues, sociologues, anthropologues, psychologues, etc., cherche à mieux comprendre la situation afin de pouvoir capitaliser sur ces savoirs. Ainsi, l’Afrique pourra se projeter dans le futur car en matière de pandémie « nul ne sait ni le jour ni l’heure ». D’ailleurs, le Pr. Didier Raoult dans une de ses interventions soutenait que le monde sera de plus en plus exposé à des pandémies de cette nature due à des maladies émergentes.
En vérité, l’avènement du Sars-Cov2 est un champ de recherche qui s’offre aux scientifiques africains. Si les pays du Nord n’ont pas trouvé de traitement, il n’est pas impossible que la solution vienne d’Afrique. Il sera surtout nécessaire de travailler davantage à exploiter notre potentiel de plantes médicinales immenses qui peuvent révéler leurs secrets en ce temps d’urgence sanitaire. Cela a sans doute démarré au plus fort de la crise avec l’expérimentation de toutes sortes de plantes, mais il faudra intensifier les initiatives avec l’appui politique conséquent.
Étant donné la richesse de notre biodiversité, l’immensité de nos plantes médicinales, qu’est-ce que l’Afrique ne pourrait offrir au monde en termes de soin ? Donc cette pandémie doit être un prétexte pour la relance des recherches sur la pharmacopée africaine. Nos dirigeants doivent prendre la mesure de la situation. Ils doivent surtout considérer cette crise sanitaire comme un avertissement dans le management de la santé de leurs populations.
- L’Afrique en sursis -
En effet, ce contexte de crise doit inciter les chefs d’État africains à élaborer des politiques sanitaires conséquentes, voire communes, adaptées à des situations similaires. L’Union africaine devrait être le fer de lance de telles politiques. Si le Coronavirus n’a pas ébranlé le continent tel qu’on le craignait, imaginons que d’autres crises d’aussi grande envergure surgissent à l’avenir, est-ce que l’Afrique sera-t-elle prête à y faire face ? D’où l’urgence de repenser nos politiques de santé publique en Afrique.
Tout compte fait, quand une crise sanitaire sévit dans le monde entier, les autres (les Occidentaux) n’ont aucune raison de venir résoudre nos problèmes avant d’avoir résolu les leurs. Chaque pays s’occupe prioritairement de ses citoyens et on ne peut reprocher à aucun pays d’être nationaliste en pareilles circonstances. Et c’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé, notamment avec les vaccins dont nombre de pays sont toujours en attente sur le continent. De ce point de vue, l’Afrique a tout intérêt à commencer à se prendre en charge. Alors qu’ailleurs dans le monde, des centaines de millions de personnes sont vaccinées, très peu le sont en Afrique pendant que le variant delta continue de faire des ravages.
En attendant une explication scientifique de la résistance de l’Afrique à la pandémie, il faut rappeler que quelques tentatives d’explication ont essaimé çà et là n’ont pas vraiment convaincu.
- Des explications qui ne convainquent pas -
D’abord, certains ont soutenu que l’Afrique a échappé au pire parce que nos dirigeants avaient précocement pris des mesures comme la fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes, en plus de l’instauration des couvre-feux et de l’État d’urgence. Soit ! Mais ailleurs dans le monde, des dirigeants ont fait autant sans que cela ne freine le virus. D’ailleurs, le Sénégal a été un bel exemple sur ce plan. Et pourtant, le virus s’est introduit et y a éprouvé durablement le pays. Beaucoup d’autres pays d’Afrique subsaharienne ont fait autant. Au Bénin, en revanche, Patrice Talon n’a pas eu besoin de fermer tout le pays pour cause de Covid-19. Et le pays n’en n’a pas particulièrement souffert. Nos dirigeants n’ont donc pas de ce point de vue à se bomber le torse d’avoir pu faire barrage au virus grâce à quelques mesures politiques fortes que ce soient. Cet argument n’est pas recevable.
Ensuite, d’autres analyses laissent croire que l’Afrique a été plus ou moins préservée parce qu’elle a eu l’expérience de gestion des pandémies, notamment le virus Ébola. Cette explication est encore beaucoup moins convaincante. Il est utile de rappeler qu’en 2014, le virus ébola n’avait principalement frappé que trois pays ouest-africains : la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia. Si capitalisation d’expérience il y a, ça ne devrait concerner que ces pays. Or, nous n’avons rien vu d’extraordinaire que ces trois pays ont entrepris pour barrer la route au SARS-Cov-2 depuis son apparition et qui pourrait faire d’eux des exemples de gestion.
Une autre thèse est celle de ceux qui évoquent la jeunesse de la population. Selon cette thèse, le virus a eu du mal à pénétrer durablement parce que le continent est majoritairement jeune. Cet argument est tout aussi spécieux parce que partout dans le monde, le premier constat fait dès les premiers mois est que le Coronavirus infecte plus les personnes d’un certain âge. Donc, c’est tout à fait normal que les jeunes d’Afrique aussi y soient à l’abri. Ce qui affaiblit davantage cette thèse, c’est que malgré le fait que le Coronavirus s’attaque plus aux personnes âgées, en Afrique, on n’a pas non plus noté une apocalypse dans le rang de nos papis et mamies. En d’autres termes, nos parents et grands-parents africains ne sont pas tombés comme en Europe ou ailleurs dans le monde du fait de cette pandémie.
Enfin, certains analystes ont évoqué le facteur climatique. Mais là encore, ça ne semble pas tenir. Même les certitudes du Pr Didier Raoult sur ce point sont tombées. En effet, cela fait plus d’un an que la Covid-19 sévit dans le monde. Toutes les saisons annuelles se sont succédé les unes après les autres et la situation reste peu ou prou stable sur le continent. In fine, il faut admettre que la relative résistance de l’Afrique au Covid-19 demeure une énigme à élucider. Peut-être que si on comprend cette situation, on pourra mieux prévenir le Coronavirus ou ses variants pas seulement en Afrique, mais peut-être ailleurs dans le monde aussi.
Frédéric Atayodi est un journaliste diplômé du CESTI. Il a travaillé au cours des dix dernières années pour nombre d'organes de presse dont SenePlus où il a été rédacteur en chef pendant plusieurs années. Il a été également chargé de projet au cabinet de communication Nexus Groupe.
MOHAMED MBOUGAR SARR, LA MARQUE DES GRANDS
Le jeune écrivain sénégalais part sur la piste d'un auteur africain culte, disparu après avoir publié un chef-d'oeuvre en 1938. La Plus Secrète Mémoire des hommes, une quête éblouissante, signée par un talentueux romancier de 31 ans
Autant le dire tout de suite, ce roman est un grand livre, un joyau de savoir-faire qui vous enchante, vous transporte et vous poursuit. Mohamed Mbougar Sarr, retenez ce nom, est le jeune auteur de cet ouvrage au propos passionnant et à l'architecture aussi parfaite qu'emballante. Le trentenaire, né à Dakar, fils de médecin, a une "tête bien faite". Il est diplômé de l'EHESS et auteur de trois romans. Il se fait conteur, mais aussi historien, philosophe, sociologue de la littérature... c'est dire la richesse de son récit fleuve, à l'ironie pétulante, dédié à un écrivain malien Yambo Ouologuem. Ce dernier fit sensation en 1968 en ayant été le premier romancier africain à recevoir le prix Renaudot pour Le Devoir de violence (Seuil), mais il connut l'opprobre, quatre ans plus tard, après de graves accusations de plagiat.
Le Renaudot 1968 en ligne de mire
C'est ce feuilleton, dont les heurs et malheurs, a inspiré le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr. "Attention, prévient l'auteur, rencontré dans la quiétude d'un Paris déserté, il ne s'agit en rien d'une exofiction, Ouologuem fait juste figure d'arrière-plan, de détonateur en quelque sorte. J'en avais entendu parler en classe de première. Plus tard, j'ai lu Le Devoir de violence, un roman éblouissant." Dans cette histoire audacieuse de la dynastie des Saïfs, dans l'empire imaginaire de Nakem, il est question, huit siècles durant, de guerres interethniques et de compromissions dans la traite négrière et la colonisation. "J'ai été touché par la solitude du jeune Malien, poursuit Sarr, notamment condamné par les tenants de la négritude, d'Hampâté Bâ à Senghor, qui a qualifié son roman 'd'effroyable' - sa vision du continent africain, en prise avec la domination arabe avant même la colonisation européenne, ne cadrait pas avec la thèse alors en vogue. Ont surgi les doutes et les dénonciations..." André Schwarz-Bart, Graham Greene (qui lui intentera un procès), John D. MacDonald, mais aussi Tacite, Flaubert, Maupassant, "divers griots et chroniqueurs noirs" sont quelques-unes de ses sources. Ouologuem parle de clins d'oeil, de références... Mais le mal est fait, l'ouvrage est retiré, l'écrivain rentre au pays.
"Rimbaud nègre" ou "bave de sauvage"
Oublions Yambo Ouologuem, place à T. C. Elimane, le héros sénégalais de La Plus Secrète Mémoire des hommes. Ce jeune inconnu de 23 ans déboule sur la scène littéraire en 1938 grâce à un roman, Le Labyrinthe de l'inhumain, l'histoire d'un roi sanguinaire prêt à commettre le Mal absolu pour obtenir le pouvoir. La presse s'enflamme. Chef-d'oeuvre signé par un "Rimbaud nègre" pour le critique de L'Humanité, "bave d'un sauvage" pour celui du Figaro, mystification pour d'autres... Elimane reste invisible, seuls ses deux jeunes éditeurs acceptent les interviews. Mais de phénomène de foire, il devient objet de scandale lorsque deux doctes professeurs du Collège de France l'accusent de pillages et d'emprunts. Le mystérieux écrivain disparaît, tout comme son livre, bientôt culte. La légende est en marche...
"Combattant du désert" puis bourreau des Tchadiens : l'ex-président tchadien Hissène Habré, mort mardi à 79 ans, a suscité fascination et horreur pendant son règne (1982-1990) après la répression implacable qu'il a exercée
Hissène Habré, qui s'est emparé du pouvoir par les armes en 1982, devenant rapidement l'architecte d'une répression terrible, est mort au Sénégal où il avait été condamné à perpétuité pour crimes contre l'humanité à l'issue d'un procès sans précédent.Les médias sénégalais ont rapporté qu'il avait succombé au Covid-19.
"Combattant du désert", "homme des maquis", "chef de guerre": les qualificatifs abondent pour exalter ses qualités militaires du temps de sa superbe.
Son parcours dans les années 1970 et 1980 s'inscrit dans l'histoire agitée du Tchad indépendant dont il a été le troisième président.
Né en 1942 à Faya-Largeau (nord), il grandit dans le désert du Djourab, au milieu de bergers nomades.Intelligent, il est remarqué par ses maîtres.
Devenu sous-préfet, il part étudier en France en 1963, à l'Institut des hautes études d'Outre-mer.Il étudie ensuite le droit à Paris, y fréquente l'Institut d'études politiques et fait son éducation politique en dévorant Frantz Fanon, Ernesto "Che" Guevara, Raymond Aron.
De retour au Tchad en 1971, il rejoint le Front de libération nationale du Tchad (Frolinat), dont il prend la tête, avant de fonder avec un autre nordiste, Goukouni Weddeye, le conseil des Forces armées du Nord (Fan).
A partir de 1974, il se fait connaître à l'étranger en retenant en otage - durant trois ans - l'ethnologue française Françoise Claustre, obligeant la France à négocier avec la rébellion.
Il sera ensuite Premier ministre du président Félix Malloum, avec qui il rompra, puis ministre de la Défense de Goukouni Weddeye, président du Gouvernement d'union nationale créé en 1979.
- Allié de l'Occident contre Kadhafi -
Nationaliste convaincu et farouchement opposé au dirigeant libyen de l'époque Mouammar Kadhafi, qui a les sympathies de Weddeye, il rompt peu après avec son ancien allié, déclenchant une guerre civile à N'Djamena, qu'il doit évacuer fin 1980.
A partir de l'est du Tchad, où il a repris le maquis, il combat Goukouni Weddeye soutenu par Tripoli, pour rentrer victorieusement à N'Djamena en 1982.
Son régime, soutenu face à Kadhafi par la France et les Etats-Unis, durera huit ans.
Cette période est marquée par une terrible répression: les opposants - réels ou supposés - sont arrêtés par la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS, police politique), torturés, souvent exécutés.
Une commission d'enquête estimera à plus de 40.000 le nombre de personnes mortes en détention ou exécutées sous son règne, dont 4.000 identifiées nommément.
En décembre 1990, Habré quitte précipitamment N'Djamena, fuyant l'attaque éclair des rebelles d'Idriss Déby Itno, un de ses généraux qui a fait défection 18 mois plus tôt et a envahi le pays depuis le Soudan.Le président Déby, tué en avril 2021 par des rebelles venus de Libye, dirigera le Tchad d'une main de fer pendant 30 ans.
Chassé du pouvoir, Habré trouve refuge à Dakar pour un exil qui sera paisible pendant plus de vingt ans.
Au Sénégal, il troque treillis et casquette kaki pour un grand boubou et un calot blanc.Musulman pratiquant, il se fait apprécier de ses voisins, avec lesquels il prie lors des fêtes religieuses, se montre aussi discret que généreux, participant à la construction de mosquées ou au financement du club de foot...
En 2011, quand le président sénégalais Abdoulaye Wade, sous pression, crée la surprise en voulant l'expulser, des habitants du quartier de Ouakam manifestent leur soutien à M. Habré, en soulignant qu'il a une femme et des enfants sénégalais.
Il est finalement arrêté le 30 juin 2013 à Dakar puis inculpé par un tribunal spécial créé en vertu d'un accord entre l'Union africaine et le Sénégal.
Son procès, le premier au monde dans lequel un ancien chef d'Etat est traduit devant une juridiction d'un autre pays pour violations présumées des droits de l'homme, s'ouvre le 20 juillet 2015.
Le 30 mai 2016, il est condamné à la prison à perpétuité pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, tortures et viols.
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HISSÈNE HABRÉ EST DÉCÉDÉ
L’ex-président tchadien est mort ce mardi 24 août à 79 ans des suites du Coronavirus. Sa contamination au virus avait été annoncée un peu plus tôt par son épouse Fatimé Raymonne Habré
Hissène Habré n’est plus. L’ex président du Tchad (de juin 1982 à décembre 1990) est décédé ce mardi 24 août à 79 ans, des suites d’une contamination au Coronavirus. Sa contamination au virus avait été annoncé un peu plus tôt par son épouse Fatimé Raymonne Habré.
Dans un communiqué visiblement rédigé tard la nuit dernière, l'ancienne première dame tchadienne assurait que son époux était encore conscient et que des médecins s’étaient mobilisés pour prendre soin de lui. De même, le président du Sénégal, Macky Sall, aurait immédiatement mobilisé les moyens nécessaires pour la prise en charge de Habré. Ce dernier était interné dans « un hôpital public sénégalais qui dispose d’un plateau technique de qualité à même de traiter un cas aussi sérieux », selon le communiqué de madame Habré.
Condamné à perpétuité à Dakar par les Chambres extraordinaires africaines, pour crimes contre l’humanité, Habré avait pu bénéficier lors de la première vague de Covid, d’une sortie de prison de 60 jours, accordée par la justice sénégalaise en raison de la pandémie de Covid-19. Une dérogation qui ne lui avait pas été accordée lors de cette troisième vague.
LES DAMNÉS DE LEUR TERRE, par Elgas
MONGO BÉTI, LE PAUVRE CHRIST D’AKOMETAM
EXCLUSIF SENEPLUS - Il s’est parfois trompé dans ces procès personnalisés, mais son œuvre est égale et la colonne qui lui tient de pilier, c’est le refus des assignations et la quête poétique, politique, littéraire, de la vérité et de la dire
Dans Le pauvre Christ de Bomba (1956), le révérend Père supérieur (RPS) Drumont, religieux affable, la main sur le cœur, entreprend d’évangéliser quelques villages africains. Flanqué de l’enfant de chœur Dénis, son boy qui tient le récit, et de l’impétueux Zacharie, son cuisinier, la trinité fait sa tournée pour professer la parole du Christ et étendre le royaume du Dieu chrétien dans les bandes de terre incroyantes de l’intérieur. Derrière, ils laissent Bomba, fief acquis à la cause nonobstant quelles poches à l’animisme têtu, une chapelle aussi, la Sixa, qui regroupe et veille sur les jeunes filles du village. On y fait vœu de chasteté et de piété. C’est ainsi fort de Bomba que le périple commence, pour accroître la communauté des fidèles.
Sur les routes de cette évangélisation à marche forcée, les fortunes du Père Drumont et de ses serviteurs sont tantôt touchées par la grâce, tantôt heurtées par la réalité brute, parfois brutale. Dans le récit satirique qui taille une belle place à Dénis, le cœur pur de l’enfance qui conte les aventures tel un tintin inversé, Mongo Beti présente le Père Drumont sous des traits avantageux : il est plutôt sincère, probe, et sa foi, réelle, portée par une candeur naturelle, et par la croyance obstinée dans sa mission. Mongo Béti remonte ainsi à toute l’architecture coloniale, les liens de l’église avec l’administration de tutelle, et malgré les gages de bons sentiments que répand le Père Drumont, victime de la cause qu’il professe, la désillusion est au bout du chemin. L’ecclésiaste jette l’éponge, rend la soutane dans un acte presque sacrificiel ; et derrière, c’est la chute de l’empire religieux qui émet ses premiers fracas, notamment dans la Sixa où la nature et la chair pécheresses ruinent le serment.
Sans jamais appuyer le trait, avec la finesse tranchante d’un texte suggestif, mais aussi puissamment dénonciateur, on se retrouve dans le même univers qu’à Umuofia, village et cœur de roman de Chinua Achebe, dans Things fall apart (1958). Un même contexte les unit, celui de la rencontre coloniale, elle et ses brutalités, symboliques et physiques, les prétentions exogènes face au mur des ancrages endogènes, et fatalement, l’hybridation très peu providentielle qui s’en suit qui s’achève en abâtardissement mâtiné de rancœur. Le jeune romancier laisse ainsi libre cours à son mauvais esprit drolatique, son ironie décapante, son art virtuose du récit, ses inspirations voltairiennes, pour porter le message critique contre la colonisation, ses alibis civilisateurs et surtout ses greffes forcées sur des populations qui n’ont rien demandé à personne. Un écrivain est né.
Le révérend Père supérieur « Biyidi » ?
Enfant, le petit Alexandre Biyidi avait déjà les graines d’insubordination qui feront sa légende. Exclu du séminaire d’Akono pour rébellion, le natif d’Akometam, repart à Mbalmayo poursuivre ses études. La confession l’ennuie et la voie de Dieu n’est pas tellement sa vocation, il le pressent très vite. L’exclusion est ainsi un compromis acceptable pour le jeune turbulent. S’est-il, bien des années plus tard, vengé, en se glissant sous les traits de Zacharie, de Dénis, ou des populations des routes insoumises et souvent insensibles à la parole du révérend père supérieur Drumont ? L’histoire ne le dit pas, mais sa description de cette tournée et la voix de Dénis laissent transparaître la malice du pied de nez à l’histoire. N’empêche, avec Le pauvre Christ de Bomba, le jeune Alexandre Biyidi, devenu Mongo Béti du nom de son peuple, « fils des Béti », signe son premier succès, qui inaugurera, d’essais en romans ou interviews, ses réquisitoires contre la colonisation, dont du reste il sera, malgré tout, un produit.
Dans les années 90, sa carrière atteint les sommets : romancier, essayiste, pamphlétaire, après un long exil, loin de la mère patrie, Mongo Béti entreprend, à son tour, une tournée chez lui. Et le voici désormais libraire, éditeur, et entrepreneur agricole dans son village, solidement accompagné par son soutien indéfectible, sa femme Odile Tobner. Seulement, au tableau des ombres, Mongo Béti grisé sans doute par la candeur de la redécouverte de chez lui, par l’énergie de la reconnexion imminente, a ironiquement les mêmes accents que le révérend Père Drumont. À Akometam, où il fourmille d’idées pour transformer un village resté apathique, la parole et l’acte ne font pas de miracle. Et dans ce Cameroun qu’il redécouvre, les violences sont partout, l’inertie accablante, les Hommes, surtout les mâles, perpétuateurs de cette léthargie, en prennent pour leur grade. Il écrit un essai, La France contre l’Afrique, retour au Cameroun (1993). Nul besoin de dire le désenchantement qui s’en suit. Le cahier retour de son voyage au village natal porte deux charges : l’ambition euphorisante, mais aussi le poison désagréable du sentiment de régression à rebours des discours porteurs de l’époque. Akometam n’est pas Rambouillet, commune de chasse royale des Yvelines où il fut longtemps maître, et Yaoundé et Douala ne sont pas Rouen, où il enseigna les lettres jusqu’à sa retraite.
L’entrepreneuriat est du reste une vraie constante chez les immigrés dont les départs annoncent toujours le vœu de retourner à la maison. Par le commerce, l’envoi de finances, l’initiative culturelle, les immigrés souhaitent rentrer. Pour enfin rembourser cette dette indéchiffrable du départ. Chez les hommes de lettres et les intellectuels, les livres deviennent la matérialisation de cet élan, où les thèmes, l’engagement, viennent soigner le Blues et le sentiment d’abandon du quotidien national. L’exil et la mélancolie, et c’est classique, sont la matière première des récits, surtout aux portes des indépendances. Seulement chez beaucoup, les livres ne suffisent pas, les professions de foi non plus, pas plus que les prophéties. Il faut faire, passer du discours aux actes. Donner corps à la politique, et des suites aux idées. Prêcher donc. Bâtir. C’est ce à quoi consent, à sa retraite, Mongo Béti en investissant à Akometam. Seulement comme le révérend Père Drumont, l’envie, le souhait, la détermination, la sincérité, ne sont pas des gages de transformation ni de succès. Comme l’ecclésiaste, l’écrivain se heurte à un corps social que le roman, malgré sa grande imagination, méconnaît et sous-estime. C’est avec tous ses projets envers les siens ainsi semés, sans garantie de voir éclore la toison des récoltes, que l’auteur s’éteint en 2001, faute de soins en temps opportuns, chez lui. Du pauvre Christ de Bomba à celui d’Akometam, il s’est écoulé un demi-siècle, longue parenthèse des belles intentions, légitimes ou non, qui se soldent par un échec. Mongo Béti aura pour lui le mérite, inattaquable, d’avoir ensemencé cette terre, et ce ne serait nullement surévaluer son impact que de lui prêter la paternité d’une certaine activité intellectuelle au Cameroun et dans le continent.
Le pamphlétaire et des prestigieux ennemis
Mongo Béti est un saré numéro il faut dire. Du Christ, il eut presque les mêmes ennemis. Rappel : Alexandre Biyidi naît à Akometam, il poursuit ses études au Cameroun. Décroche son bac et s’établit en France, tour à tour en Provence, puis dans la capitale. Diplômé, ensuite agrégé, il enseigne dans des lycées. Il écrit dans la revue Présence Africaine sa première nouvelle, Sans amour ni haine. S’en suit sous le nom de plume de Eza Boto, Ville cruelle (1954), où déjà la ville en proie aux transformations dues à la colonisation montre un odieux visage, puissants contre faibles, arbitraires, injustice. Il n’a que la vingtaine, mais tout est déjà là ou presque : un style, une langue, une éthique, une appétence pour la castagne et une érudition. Il monte au front et ne rechigne pas à donner des coups.
Il a la même trajectoire curieusement que Senghor. Césaire comme Alioune Diop son mentor de Présence Africaine, ont été profs dans des lycées français. Ça en ferait presque un club, n’eût été l’insolence de Mongo Béti qui ne manque pas une occasion de se payer Senghor, qui devient son ennemi préféré. Il lui voue une détestation cordiale, à ce premier de classe, lunettes sur le nez, avec ses inflexions académiques et son amour un poil prononcé par le colonisateur. De textes en interviews, Mongo Béti s’établit en tête de la cabale qui deviendra une mode suivie jusqu’à Wolé Soyinka, de se faire le poète. Mais Senghor ne sera pas le seul, Mongo Beti est un puncheur, il en a l’attirail, l’art de la formule, la croyance dans sa vérité et surtout, il a les munitions littéraires pour se prêter à ce bellicisme chatoyant et viscéral. Il attaque aussi Camara Laye quand paraît L’enfant noir (1953), dans un texte à la charge pointue : Afrique noire, littérature rose, paru dans la revue Présence Africaine. Il lui reproche de chanter Kouroussa quand la colonisation brûle l’Afrique. Un débat s’engagera du reste, avec des prises de positions, Senghor commettra Comme les lamantins vont boire à la source, en postface de Ethiopiques (1956), pour rappeler les grands traits de sa conception littéraire. Pas sûr que le Sénégalais s’en tire ainsi, car les griefs de Mongo Béti sont bien là, insensibles, et dans la parole de l’accusation, une littérature contemplative, dépolitisée, est un acte sinon de trahison de lâcheté et il en veut à ses passeurs et à ces passifs.
Au rayon des détestations et parfois du mépris, Mongo Beti ne se prive pas non plus de se moquer des jeunes pousses, de la relève. Il s’attaque dans une interview à « l’inculte » Kourouma et s’élève souvent en procureur contre son compatriote et pair, symbole même du fourvoiement pour lui, Ferdinand Oyono. D’où lui vient une telle fibre ? Probablement d’une légitimité et surtout celle d’avoir été un des premiers à affronter la Françafrique du temps de sa superbe et d’avoir subi la censure et manqué les honneurs réservés aux plus consensuels, comme le futur académicien et honorable ennemi, Senghor.
Le pourfendeur de la Françafrique
Aujourd’hui, Mongo Beti est l’auteur auquel se réfèrent volontiers les activistes du panafricanisme et à raison. Il fournit une matière inestimable, mais souvent irréductible à des seuls slogans, tant il a été généreux dans la critique, à la fois contre les élites de l’intérieur que celles de l’extérieur. Dès Le pauvre Christ de Bomba, mais surtout dans Main basse sur le Cameroun (1972)qui signe son retour après presque 15 ans de silence, il a débusqué toute l’inanité de la colonisation et la survivance de ses liens au détriment du continent. Pour le brûlot Main basse sur le Cameroun qui charge l’élite au pouvoir, marionnette d’une entité plus grande, la France, le livre est saisi et censuré. Si François Maspero, son éditeur courageux, s’entête, c’est quand même tous les quartiers diplomatiques avec Jacques Foccart en tête qui manœuvrent pour le bâillonner. Contre des alibis tortueux, il se débat en justice et obtient gain de cause. Avec le temps, la censure aura l’effet inverse et consacrera la vérité de cette dénonciation et le livre sera réédité avec un grand impact. Tenir tête à la Françafrique, au moment où elle installait, maintenait, chassait, à loisir, qui elle voulait à la tête des États africains, recourant au besoin au crime, tout cela fait de Mongo Beti un modèle, un héros, un Christ sauveur.
D’autant plus que le contexte camerounais est assez étrange. Voilà un pays, avec une tradition guerrière, des intellectuels réputés, avec une guerre de libération qui a consacré de grandes figures nationales (Ruben Um Nyobe, Roland-Félix Moumié, Ernest Ouandié…), mais un pays étrangement soumis, et bon élève de la Françafrique avec des présidents à la longévité incroyable et à la passivité pathologique. Comment rationnellement expliquer qu’un pays qui a donné au continent une bonne part de ses héros les plus prisés et les plus chantés, soit celui dans lequel, cette parole a si peu de portée ? Le mystère reste entier, on pourra se rassurer en faisant appel au mythe du prophète honni chez lui. Mongo Béti quant à lui, porte cette flamme.
Il peut sembler à beaucoup, au vu de cette obstination de l’écrivain camerounais, à dénoncer la crapulerie de la France que l’étiquette d’engagé, voire d’enragé, fut la plus saillante chez l’homme. On ferait erreur. L’acte d’accusation n’était jamais gratuit. Mongo Beti avait pour lui, une vraie palette d’écrivain, sans doute l’une des plus complète du champ francophone qui allie, la virtuosité du style, l’insolence de la pensée et l’humanisme des valeurs. Un écrivain qui marque et qui laisse des traces sur ses lecteurs. Ses essais comme ses romans, toujours porteurs de cette fibre politique, a donné la matière à d’innombrables exégètes très autorisés (Ambroise Kom, André Djiffack, Boniface Mongo-Mboussa…) pour lire la question de l’engagement de l’écrivain, et toutes ces dimensions. On ne compte pas le nombre d’articles, d’hommages, de travaux universitaires, sur cette question de l’engagement qui est devenue le cœur d’une querelle jamais résolue sur le continent : que doit écrire l’écrivain africain ? Les termes de cette controverse prennent avec l’œuvre assumée, criée partout, de Mongo Beti, une vraie tonalité rebelle. L’engagement est une éthique, mais doit-elle être une tyrannie ? Toute œuvre, même faite de silence, n’est-elle pas engagement ? Quelle est la part de la liberté si les créneaux sont déjà annoncés et le carcan inextricable ? Les questions, légitimes, peuvent fuser. On se risquerait à peine de trancher, en s’abritant dans la sagesse lumineuse de Toni Morisson : la littérature est le lieu même de la liberté.
Un auteur qui déjoue les tentatives de récupération
Comme Cheikh Anta Diop, l’héritage ne Mongo Beti ne manque pas de se faire propriété privée de certaines émules zélatrices, héritage qu’on instrumentalise au besoin, pour sa seule vertu panafricaine. Ce qui serait une hérésie, pour ceux qui l’ont lu, consciencieusement. Mongo Beti est souvent juste, ce qui est qualité rare, il s’est parfois trompé dans ces procès personnalisés, mais son œuvre est égale et la colonne qui lui tient de pilier, c’est le refus des assignations et la quête poétique, politique, littéraire, de la vérité et de la dire : la définition même du courage dans les termes de Jaurès. En faire donc un ennemi de la France, où il vécut relativement heureux, c’est faire un récit romancé de sa vie, car dans ses romans, la mesure de la critique était égale en destination de tout le monde. Il a prévenu contre les mythes enchanteurs de la décolonisation, et jamais on a intercepté une candeur incantatoire. Chez lui, plus que tous les autres, on perçoit à la fois une éthique et une équité des cibles. Et le rayon de son œuvre colossale couvre tous les champs et dans les trois tomes de Le Rebelle qui compile ses écrits de combats, se articles, ses interviews, on est frappé par son acuité et sa familiarité avec les sujets contemporains, où son regard humaniste domine.
Sur le plateau de Bernard Pivot, à Apostrophes, l’homme sanglé de son costume trois-pièces, livre dans un ton mélancolique, mais bien acéré, le sens de son œuvre et décrie la colonisation, mais jamais on interceptera un reniement aigre de la France. Pays dont il a gardé les manières, une part de la culture, dont il connaissait la littérature mieux que celle de son continent. Son deuxième pays en somme. Rayer cette part de son histoire, c’est manquer une part importante, du portrait et du legs.
Vers la fin de sa vie, dans les rues du Cameroun et d’Akometam qu’il voulait changer, on note une déception, elle sera présente, voire omniprésente, dans le tiers de sa vie. S’il n’a pas été tendre dans ses romans, un certain vernis poétique amortissait le choc du réel. Mais dans les trois tomes de Le Rebelle (2006), on note cette acrimonie, cette ambition à l’horizon un peu plombé. Sa critique du Cameroun, de ses hommes, de ses pesanteurs ; sa critique du continent plus globalement, dans sa part de responsabilité dans son destin, s’y feront au plus grand jour. C’est un texte recueil inédit où la variété des registres aboutit à un ensemble unique, comme un testament littéraire, sur ses goûts, ses lectures, ses origines, ses combats. Même si, dans sa grande œuvre romanesque, il l’a esquissé, c’est dans Perpétue et l’habitude du malheur (1974), l’un de ses plus grands romans, qu’il revient sur le destin funeste d’une femme, Perpétue en l’occurrence, qui subit comme l’acharnement du sort, la tragédie des siens. Un féminisme de première heure, un refus de l’obscurantisme. L’ouvrage est écrit quelques années après Main basse sur le Cameroun, et montre si besoin en était, la grande flexibilité d’une écriture qui pourchasse l’injustice, où elle se terre.
Le vocatus du Messager
L’extraversion de la littérature africaine est un serpent de mer. On s’y écharpe souvent. Logée à la même enseigne, la parole intellectuelle ne peut échapper à ce procès originel de la prééminence du chez-soi. Écrire de loin déforme dans un sens ou un autre, parce que sans doute la littérature transforme par essence. Mais la blessure possible, parfois narcissique, c’est méconnaître à terme, rêver et fantasmer son propre pays, l’imaginer en illusion, le comparer, s’en faire une image presque virginale ; et à partir d’un tel portrait tiré dans le silence et l’espoir au loin, mais tellement éloigné du réel dans son inaliénabilité, se faire comme le révérend Père Drumont, un entrepreneur du Bien, un messager, et une providence. Et on peut s’appeler Mongo Béti et pourtant, malgré tout, vivre cette tragédie à la métaphore presque christique. Parler et faire au nom du Bien ne sont jamais une garantie de succès. Mais il est heureux que la littérature n’échoue jamais, elle qui n’est pas une religion, ni un dogme, mais un transport d’émotions. Dans les deux cas, c’est aimer assez son prochain pour essayer de lui ouvrir les yeux.
Ce texte fait partie des "Damnés de leur terre", une série proposée par Elgas, publiée une première fois sur le site béninois Biscottes littéraires, en décembre 2020. Elle revient sur des parcours, des destins, vies, de cinq auteurs africains qui ont marqué leur temps et qui restent au cœur de controverses encore vives. Axelle Kabou, Williams Sassine, Bolya Baenga, Mongo Béti, Léopold Sédar Senghor. La série est une manière de rendre hommage à ces auteurs singuliers et de promouvoir une idée chère à Elgas : le désaccord sans l’hostilité, comme le fondement même de la démocratie intellectuelle et littéraire.
Le prochain épisode est à lire sur SenePlus lundi 30 août.