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30 avril 2025
International
PAR Louis Magloire Keumayou
MACRON L'AFRICAIN, LE SOUFFLET EST RETOMBÉ
Il est probablement le président français dont l’élection a suscité un espoir général au sein des populations africaines, toutes générations confondues. Deux ans après, elles sont partagées entre désenchantement et interrogations
keumayou.com |
Louis Magloire Keumayou |
Publication 21/08/2019
Mieux que le « Yes, we can ! » de Barack Obama, l’élection d’Emmanuel Macron a donné de l’espoir aux jeunes Africains. Il a été élu sans cocher les cases par lesquelles étaient passés ses prédécesseurs. Cette élection a marqué la fin d’un mythe. Autre mythe renversé par le jeune président : en février 2017 à Alger, pendant sa campagne, le candidat Macron était sorti des clous en déclarant que la colonisation avait été un crime contre l’humanité.
Suite à la polémique que ses propos avaient suscité, il s’était défendu en précisant qu’il n’avait pas fait acte de repentance. L’élection d’Emmanuel Macron a été perçue par la jeunesse africaine comme un permis de rêver. Jusque-là, pour envisager de devenir président en France, et plus encore en Afrique, il valait mieux être un homme d’âge avancé, avoir milité dans des partis politiques historiques, avoir empilé les mandats électifs et, détail très important pour accéder au fauteuil présidentiel d’un pays africain : avoir ses entrées au plus haut sommet de l’Etat en France. Car la France entretient avec ses anciennes colonies d’Afrique des rapports particuliers. Malgré les indépendances, acquises pour la plupart en 1960, l’influence de la France dans ces pays est restée très forte. Dans l’esprit des Africains, le destin de leurs pays et de leurs dirigeants dépend plus de l’Hexagone que des élections. Un terme symbolise cette coopération singulière et ses dérives : la françafrique. Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient, chacun à son tour, promis de la démanteler. En vain. La première pierre de ce partenariat renouvelé avait été posée par François Mitterrand, au cours d’un Sommet avec ses homologues africains.
Partenariat renouvelé
La 16è conférence des chefs d’Etat d’Afrique et de France, tenue en juin 1990 à la Baule, est entrée dans l’histoire à travers le discours dit de la Baule. Il avait été rédigé par Erik Orsenna, et prononcé par François Mitterrand. Au cours de ce Sommet, la France a initié le programme accroissement de l’ouverture démocratique et respect plus accru des droits de l’homme contre accroissement de l’aide publique au développement au coeur des relations avec les pays de son ancien pré-carré. Pris entre les feux de leurs populations qui aspiraient à une plus grande ouverture démocratique, et ceux de la France, les gouvernements africains de l’époque avaient cru percevoir dans ce discours une volonté d’ingérence de la France dans les affaires intérieures d’Etats souverains, c’est-à-dire du néocolonialisme. Ils y ont donc résisté autant qu’ils ont pu. Et un événement a changé la donne. La fin de la guerre froide et l’irruption du bloc des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) a élargi le périmètre diplomatique des pays africains. L’argent que la France posait des conditions pour leur prêter, ils pouvaient désormais en disposer, sans conditions, auprès de ces pays. En devenant président, Emmanuel Macron a pris acte de cette situation. Son choix de bâtir un partenariat renouvelé avec l’Afrique part probablement de ce constat. La politique de Macron en direction de l’Afrique repose sur quelques axes. Le respect des souverainetés nationales, l’écoute des sociétés civiles et de la jeunesse, la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la précarité et la pauvreté qui poussent les jeunes africains à migrer vers l’Europe, sans oublier la lutte contre le changement climatique ainsi que la défense des droits des femmes à l’éducation, à la formation et à l’emploi. Il a créé une structure pour porter cette ambition : le CPA – Conseil Présidentiel pour l’Afrique. Quant à son discours de politique africaine, c’est à Ouagadougou (Burkina Faso) qu’il l’a prononcé.
Le baptême du feu de Ouagadougou
Vu l’enthousiasme soulevé en Afrique par son élection, ce discours d’Emmanuel Macron était très attendu. Ses homologues africains voulaient savoir s’il les traiterait avec arrogance, ou pas. La jeunesse, quant à elle, voulait savoir si elle pourrait l’avoir comme partenaire sûr, pour enfin trouver sa place dans un système de coopération qui n’a cessé de l’exclure. Il y a enfin les associations de défense des droits de l’homme, les oppositions politiques et toutes les communautés africaines de l’extérieur, dont l’espoir de voir la françafrique terrassée par un président français a été respectivement déçu par Nicolas Sarkozy et François Hollande. Face à ces attentes aussi diverses que légitimes, le président Macron s’est appuyé sur le CPA pour préparer son grand oral africain. Le CPA est constitué de jeunes Africains (de l’ancien pré-carré, mais pas que…) et de jeunes Français. Ils sont tous issus de la société civile. Tourné vers les attentes des jeunesses d’Afrique et de France, ce Conseil a un cahier de charges défini sans ambiguïté par son géniteur lors de la conférence des ambassadeurs du 29 août 2017 : transformer la gouvernance de la politique africaine, car « la France ne saurait être ce pays post-colonial hésitant entre un magistère politique affaibli et une repentance malsaine ». Plus prosaïquement, les missions sont les suivantes : apporter au locataire de l’Elysée un éclairage sur les enjeux de la relation entre la France et l’Afrique, en formulant des propositions d’actions sur des secteurs d’avenir de cette relation tels que l’entrepreneuriat, l’innovation, le développement durable, l’éducation et la santé. A cet effet, le CPA a joué sa partition pour le renouvellement de la relation de la France avec l’Afrique. Dans le continent de la tradition orale, les discours ne suffisent plus pour convaincre. Les promesses non plus. Surtout que sur cette terre du Faso, le souvenir de Thomas Sankara reste vif. S’il fallait à tout prix lui trouver un équivalent, il serait le Che Guevara de son pays. La révolution qu’il a menée en prenant les rênes de son pays, a laissé des marques indélébiles ici, et dans de nombreux autres pays africains. Renversé par un coup d’état dans lequel le rôle de la France n’a pas encore été élucidé, son successeur, Blaise Compaoré, vient d’être renversé par des jeunes qui étaient opposés à la révision constitutionnelle qui lui aurait permis de briguer un nouveau mandat présidentiel, après vingt sept ans de pouvoir. Des militaires français l’ont aidé à rejoindre la Côte d’Ivoire par hélicoptère. C’est sur les braises encore chaudes de cette révolte populaire que le président français et son homologue burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, prennent la direction de l’université Ouaga 1.
Grand débat franco-africain
Avec le recul, c’est au Burkina Faso, le 28 novembre 2017, qu’Emmanuel Macron a tenu son premier grand débat.
Face à un auditoire remonté (marxiste et panafricain, pour reprendre les termes du président) mais pas politisé, le président français a très vite et très habilement retourné la situation en sa faveur. D’abord par le discours. Ensuite, au cours du débat ouvert qui s’en est suivi. La bascule s’est produite quand il a affirmé qu’il n’y a plus de politique africaine de la France, mais une politique française de développement spécifique, en partenariat avec les pays bénéficiaires et tous les autres donateurs, tant bilatéraux que multilatéraux. Pour commencer, il a rendu hommage à Thomas Sankara, et promis que « les documents relatifs à l’assassinat de l’ancien président seront déclassifiés à l’intention de la justice burkinabè, qui y aura librement accès. » Autre dossier judiciaire, celui de l’extradition de François Compaoré, le frère de Blaise (l’ex-président, réfugié en Côte d’Ivoire), dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo. Le président a promis qu’il fera « tout pour faciliter » l’extradition de François, dans le respect de la séparation des pouvoirs. Les juges en charge du dossier restent saisis. L’instruction suit son cours, qui n’est pas toujours aussi rapide que dans le cas de ressortissants français détenus en Afrique, et dont la justice ou les autorités politiques françaises auraient demandé l’extradition vers la France. Le fil rouge de l’échange entre le président quadragénaire et les près de mille étudiants, venus des neuf universités du pays, fut sans doute la volonté de tourner la page et la prise de responsabilité pour conduire une révolution dans les domaines de la mobilité et de l’innovation, dans une bienveillance ambitieuse. Le président a étalé ses promesses sur l’ensemble de son quinquennat. C’est peut-être pour cette raison que les étudiants africains, qui l’applaudissaient à Ouagadougou, s’interrogent encore sur le sens de la bienveillance macronienne.
Contrariété des étudiant(e)s et des jeunes
A côté du développement de pôles d’excellence en Afrique, illustré par le campus franco-sénégalais de Dakar et le hub éducatif franco-ivoirien, il y a eu une hausse vertigineuse des frais d’inscription dans les universités françaises. Ils sont passés de 370 euros aujourd’hui à 2770 (en licence), voire 3770 euros (en master et au-delà). Les premières victimes de cette hausse sont les étudiant.e.s africain.e.s. Le président avait fait la promesse que celles et ceux d’entre elles/eux qui seront diplômés de l’enseignement supérieur français ne resteraient plus en France par nécessité, mais obtiendront des visas de circulation de longue durée pour aller et venir entre leurs pays d’origine et la France. Sans diplôme, pas de visa. Il reste cependant les 200 millions d’euros dont le versement a été promis au Partenariat mondial pour l’éducation, pour la période 2018/2020. Sur le terrain des affaires, qui est la deuxième jambe de l’ambition présidentielle en Afrique, des dispositifs ont également été déployés. 2,5 milliards d’euros pour accompagner les entreprises africaines sur la période 2018/22, 65 millions d’euros pour les start-ups africaines via Digital Africa, sans oublier les 1000 passeports talents qui seront délivrés en Afrique, chaque année, aux porteurs de projets économiques innovants. Ou encore les 7,5 milliards d’euros de l’Alliance Sahel. Tous ces investissements pourraient apporter des résultats concrets, si la culture de l’évaluation prônée par Emmanuel Macron était appliquée à la politique de coopération monétaire de la France avec les pays ayant en commun l’usage du franc CFA, dont la parité fixe avec l’euro produit l’effet d’un boulet sur les exportations desdits pays, et celui d’une subvention sur leurs importations. Le franc CFA est la dernière monnaie coloniale encore en circulation dans le monde. Sur ce sujet précis, Emmanuel Macron, qui n’a de cesse d’inviter à rompre avec les méthodes et les discours du passé, préfère refiler la patate chaude de la réforme ou de l’abandon du franc CFA, à ses pairs africains. Au grand désarroi des masses africaines dont le cri de colère contre cette monnaie ne cesse de monter.
Familiarité gênante
Les phrases polémiques d’Emmanuel Macron en France sont connues. Ses indélicatesses avec ses pairs africains, un peu moins. Quelques exemples. A Ouagadougou, il avait, sur le ton de l’humour, dit que Roch Marc Christian Kaboré, sorti (pour des raisons inconnues jusqu’à ce jour) alors qu’il répondait aux questions de la salle, était allé réparer le climatiseur. Et qu’il (Roch Marc Christian Kaboré) sortirait du franc CFA après l’avoir fait. Pour sa première visite aux soldats en OPEX (Opérations extérieures), il s’était rendu auprès des soldats sur la base militaire française de Gao, sans passer par Bamako. Son homologue malien, Ibrahim Boubacar Keita, avait même dû se rendre sur place pour l’accueillir. Autre exemple, la première visite de Georges Weah hors d’Afrique, en tant que président élu du Libéria, c’est à la France qu’il l’a réservée. Le président Macron a cru bien faire, en le recevant en présence de joueurs et de dirigeants du football. Pourtant cela fait des années que l’ex-star du ballon rond a entamé une carrière politique. En 2015 comme sénateur, avant son accession à la magistrature suprême de son pays en janvier 2018. Le recevoir de la sorte n’était pas une bonne idée. Il y a enfin le récent échange avec les diasporas africaines de France, alors qu’il recevait le président ghanéen Nana Akufo-Addo. C’était la première visite du chef de l’Etat ghanéen en France. Là aussi, l’intention était probablement louable. Mais la fusion des deux événements leur a fait perdre en solennité. Les mauvaises langues n’en ont retenu que les selfies que certain(e)s participant(e)s ont posté sur les réseaux sociaux. Cela dit, il y a tout de même quelques succès, qu’il faudra mettre à l’actif du président Macron.
Succès et avenir
Il a eu le courage de nommer Sibeth Ndiaye : femme française d’origine sénégalaise, porte-parole du gouvernement. Elle est Noire, et sa coiffure sort de l’ordinaire. Son camarade de promotion à l’ENA, et ancien président du CPA, Jules-Armand Aniambossou, ambassadeur du Bénin en France dans une autre vie, a été nommé ambassadeur de France en Ouganda. La République En Marche, a envoyé au Palais Bourbon des députés d’ascendance africaine. D’ordinaire, l’opportunité d’incarner la France ne leur est offerte que par le sport. Emmanuel Macron a aussi fait un pas décisif sur le chemin de la réconciliation avec le Rwanda, en appuyant la candidature de Louise Mushikiwabo au poste de Secrétaire générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Le domaine dans lequel il marque indéniablement de bons points, c’est celui de la restitution des biens culturels africains à leurs propriétaires légitimes. La question était en suspens depuis près de cinquante ans. Le travail sur la question a été confié à la professeure et historienne de l’art Bénédicte Savoy, et à l’économiste sénégalais Felwine Sarr. Leur rapport a été remis au président de la République en novembre 2018. Quant aux oeuvres, elles seront temporairement, ou définitivement, rendues aux pays africains dans cinq ans. En principe… L’avenir s’annonce plein de promesses. Il y a tout d’abord la saison des cultures africaines Africa 2020. Elle sera une opportunité pour les Français(e)s de découvrir l’Afrique contemporaine et sa créativité. Elle durera six mois, de mai à octobre, et mobilisera aussi bien la société civile que les acteurs privés et institutionnels. Tous les 54 pays du continent seront concernés, les départements et territoires d’Outre-Mer aussi. Il y a enfin le Sommet Afrique France de Bordeaux, sur le thème de la ville durable. Il se tiendra en juin 2020. La prudence et la maîtrise relativement faible avec lesquels il aborde les dossiers africains, ont placé Emmanuel Macron à l’abri des situations délicates que ses prédécesseurs ont dû gérer. Lors du 75è anniversaire du Débarquement de Provence, le président a dit que « La France a une part d’Afrique en elle ». Faisant référence à la contribution des soldats africains dans la libération de la France. Sans rappeler le massacre du Camp de Thiaroye, où ceux que l’on continue d’appeler communément des tirailleurs sénégalais, furent tués par l’armée française, parce qu’ils revendiquaient des droits légitimes. Il y a certes des avancées symboliques, mais pas assez pour entretenir l’enthousiasme qui est retombé tel un soufflet.
Louis Magloire Keumayou est Journaliste et président du Club de l’Information Africaine
par Yoro Dia
DAKAR ET KIGALI
Au lieu de continuer à fantasmer pour Kigali ou Paris, nous devrions nous battre pour retrouver notre rang et surtout le tenir. Au fond, qu’est-ce que Kigali a et que Dakar n’a pas ?
Notre fascination pour Kigali est la meilleure preuve de la stagnation du Sénégal pendant des décennies. Le Sénégal est passé du pays phare à un pays banal. Senghor nous avait hissés au sommet de l’Olympe, mais incapables de tenir notre rang, nous sommes descendus de notre piédestal. Nous sommes passés du pays de raffinement culturel, intellectuel et artistique à un pays où les élites sont devenues plébéiennes. Il fut un temps où tout le monde se définissait par rapport à nous. C’est ainsi qu’on a eu pendant des décennies la Côte d’Ivoire comme modèle comparatif. Les autres capitales de l’Afrique occidentale aspiraient à être comme Dakar, une des capitales littéraires du continent, car à l’époque, presque toute la littérature africaine était sénégalaise avec Sembene, Senghor, Cheikh Hamidou Kane, Cheikh Anta Diop, des auteurs sénégalais dont les livres sont devenus des classiques africains.
Aujourd’hui, où sont nos écrivains ? Aujourd’hui, ce sont les écrivains nigérians, kenyans et sud-africains dont les livres deviennent des classiques africains. Nous sommes passés d’un pays de fins lettres à un pays de gladiateurs. Nous avons aussi bien besoin des gladiateurs que des lettres, mais les gladiateurs ont pris tout l’espace, et leur langage et leur comportement sont devenus les principaux éléments de la socialisation de notre jeunesse, parce que les élites, par démagogie, ont pris l’Olympe pour la vallée de la plèbe.
Dakar est passée de l’une des belles villes du continent à l’une des villes où la vie quotidienne est devenue une torture à cause de l’encombrement. Dakar est la seule capitale au monde sans trottoir. Dans le classement des villes du monde où il est agréable de vivre, Dakar serait sans doute en queue de peloton. Notre capitale qui est une Finisterre aurait dû être un paradis urbain si l’Etat n’avait pas capitulé devant l’indiscipline et l’incivisme, pendant des décennies. Au lieu de continuer à fantasmer pour Kigali ou Paris, nous devrions nous battre pour retrouver notre rang et surtout le tenir. Au fond, qu’est-ce que Kigali a et que Dakar n’a pas ? Simplement de la volonté et du courage politique.
Naturellement, le courage politique est beaucoup plus facile dans une dictature. C’est pourquoi Kigali n’est pas un bon modèle. Tout le modèle rwandais repose sur un homme. Cet homme l’a tellement compris qu’il a été obligé de changer la Constitution pour rester ad vitam aeternam au pouvoir, afin que le système ne s’effondre pas comme un château de cartes après son départ. Le modèle sénégalais ne se fonde pas sur homme (Macky Sall part en 2024), mais sur un système politique stable. Le modèle rwandais se fonde sur la contrainte, alors que le nôtre ne peut être fondé que sur le civisme et sur le respect de la loi. Senghor avait réussi à faire fonctionner notre modèle. Ses successeurs ont échoué par manque de courage politique, mais aussi par démagogie et surtout par électoralisme. L’incivisme n’est ni naturel ni spontané, mais il l’est devenu avec le manque de réaction de l’Etat qui, en laissant faire, semble l’encourager ou le cautionner. Et le meilleur exemple est le rond-point de Liberté 6.
Les commerçants ont commencé par occuper une partie du trottoir (pas de réaction), ils occupent tout le trottoir (pas de réaction), ils ont fini par occuper toute la route (toujours pas de réaction). L’Etat perd ainsi une route où des milliards ont été investis pour lutter contre les embrouillages. Ceux qui ont privatisé la bretelle de rond-point de Liberté 6 savent qu’ils n’ont pas le droit, mais ils ont été encouragés par l’absence de réaction de l’Etat qui n’a pas réagi à la politique de petits pas des commerçants. Cette stratégie des petits pas est redoutablement efficace dans une démocratie où il y a une crise d’autorité et un manque de courage politique à cause de l’électoralisme. On commence par des étals, ensuite on amène une table, après on fait une cantine en bois, et ensuite on bétonne. Cette politique des petits pas de l’incivisme a transformé Dakar en enfer urbain où, après les trottoirs, les passerelles, même les terre-pleins sont transformés en marchés. Etant donné que les maires d’arrondissement ne sont intéressés que par les cantines, il serait peut-être temps de confier une partie de leurs pouvoirs à la police. Au moins, on serait sûr que les terre-pleins et les ronds-points ne seront pas transformés en souk. Les Rwandais ne sont pas plus vertueux ni plus patriotes que nous. Il n’y a qu’une seule différence. Leur Etat fait respecter la loi alors que le nôtre est rongé par le cannibalisme du masla.
Air Sénégal
J’ai voyagé avec le Dakar-Paris d’Air Sénégal le dimanche 18. J’ai été ravi d’y voir des officiels sénégalais qui, probablement auparavant, voyageaient sur Air France. L’Etat a bien fait d’imposer la préférence nationale aux officiels sénégalais. Par réflexe, le privé national doit aussi suivre l’exemple. Si les autres Sénégalais préfèrent Air Sénégal grâce à l’intelligente politique des prix initiée par le nouveau directeur général, pour les officiels et le privé national, cela doit aller au-delà de la simple politique des prix. Comme disent les Anglais «right or wrong my country, c’est-à-dire dire bon ou mauvais mon pays». Pour Air Sénégal, cela doit être le même réflexe. Ils ont été très professionnels de bout en bout sauf la personne préposée à l’enregistrement qui ne connaît pas le nom Lounge.
Le Lounge Topkapi, au nom du palais ottoman Topkapi sur le Bosphore qui a vu défiler 26 sultans. On leur pardonne ce détail, car «right or wrong», c’est notre compagnie et que nous devons nous mobiliser pour en faire une aussi grande et prestigieuse que Ethiopian ou Emirates. En tout cas, nous avons déjà un grand avantage comparatif : la position de Dakar qui est déjà un hub géographique. Mais ça, ce n’est pas notre mérite, c’est du déterminisme géographique. Nous avons tous appris à l’école primaire que Dakar est la porte de l’Afrique de l’Ouest, mais économiquement nous n’en avons pas fait grand-chose. Le port de Dakar est relégué au second plan, malgré son avantage comparatif. Air Sénégal a le même avantage qui est un don de la nature, mais le reste relève de l’ambition et du management. Les Emirats ont profité du pétrole ont investir dans quelque chose qui va survivre au pétrole : Emirates. Ce serait bien que le Sénégal s’en inspire. C’est un meilleur investissement que de garder de l’argent pour des générations futures, car un investissement est avant tout pour le futur.
L'AIDE INTERNATIONALE NUIT-ELLE AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ?
Une étude révèle que les prêts accordés par la Banque mondiale ont un effet négatif sur la croissance des pays bénéficiaires
Journal Le Fil |
Yvon Larose |
Publication 20/08/2019
La Banque mondiale, l’une des deux grandes institutions financières internationales avec le Fonds monétaire international (FMI), n’a plus besoin de présentation. Créée en 1945, la Banque a pour rôle de prêter à des pays en développement de l’argent public provenant de pays développés. En 2014, elle a financé des projets d’investissement à hauteur de 65,5 milliards de dollars américains. Mais qu’en est-il des effets réels des programmes de prêts de la Banque?
Ces dernières années, deux chercheurs, l’un à l’University College de Londres, l’autre à l’Université Laval, se sont penchés ensemble sur cette question qui, jusque-là, avait été peu étudiée. En mai 2019, Rodwan Abouharb et Érick Duchesne publiaient les résultats de leur recherche conjointe dans la revue Social Sciences.
Dans leur analyse, les chercheurs ont étudié 131 pays en développement durant la période comprise entre 1981 et 2009. Cette période couvre la mise en place, par la Banque à la fin des années 1990, d’une réforme visant à améliorer l’efficacité de ses programmes de prêts. «D’une part, nous avons découvert que l’exposition à court terme, de même qu’à plus long terme, aux prêts de la Banque mondiale, loin d’améliorer la croissance économique, a tendance à l’empirer, explique Érick Duchesne, professeur au Département de science politique. Typiquement et en moyenne, durant une période donnée dans une même région du monde, nous avons calculé qu’un pays ayant reçu un prêt a vu sa croissance annuelle diminuer de l’ordre de 3 à 4%, tandis qu’un autre pays n’ayant pas reçu de prêt a vu sa croissance augmenter de 3 à 4%. D’autre part, nous n’avons trouvé aucune preuve que la réforme du début des années 2000 ait permis, entre 1999 et 2009, d’améliorer les taux de croissance des pays concernés.»
Ces observations, les chercheurs les ont faites tant en Afrique subsaharienne, en Amérique latine et aux Caraïbes qu’en Asie de l’Est et dans le Pacifique.
Sur le plan méthodologique, Rodwan Abouharb et Érick Duchesne ont croisé de multiples données relatives à plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, mentionnons l’inflation, le service de la dette, le capital humain, les taux de change, les réserves de devises étrangères, la corruption et le niveau de démocratie.
Le professeur Duchesne insiste sur les facteurs politiques. «Plusieurs de nos modèles n’indiquent pas d’effet significatif de ces facteurs sur la croissance de l’économie, souligne-t-il. Nous n’avons pas trouvé de liens entre des niveaux plus élevés de démocratie et la croissance économique. Cependant, nous avons découvert que les régimes militaires, ainsi que la guerre froide qui a perduré jusqu’à la fin des années 1980, avaient un effet négatif sur ladite croissance.»
Celui-ci rappelle que la Banque mondiale avait une stratégie en deux volets pour sa réforme. L’un de ces volets portait sur la reconnaissance de la dette nationale des pays aidés. «Les économies développées sont largement responsables de l’accroissement de la dette des pays en développement, soutient le professeur, mais ces derniers ne sont pas exempts de reproches. Des sommes faramineuses leur ont été consacrées, mais une bonne partie de cet argent s’est évaporée pour enrichir des autocrates et corrompre l’opposition politique.»
Selon Érick Duchesne, la Banque mondiale tirerait avantage à revenir à ses origines et à se concentrer sur des volets spécifiques comme la réduction de la pauvreté ou le soutien aux organisations non gouvernementales sur le terrain. «Les ressources pour la vérification de la mise en œuvre des programmes de prêts sont insuffisantes, soutient-il. D’un autre côté, des projets ciblés sont souvent plus efficaces. La Banque mondiale voit grand, mais elle devrait peut-être cibler des objectifs plus restreints là où les efforts peuvent avoir un effet plus immédiat. Le soutien aux coopératives dirigées par des femmes et l’allocation de microcrédit en sont de bons exemples.»
PAR Scandre HACHEM
POUR UN SITE AFRIQUE DES SAVOIRS
Il est nécessaire, dans le même esprit que ce qui a eu cours aux IXe et XVIIIe siècles à Baghdad puis en Europe, que l'Afrique puisse rassembler à son tour tous les savoirs dont elle est l'objet
Le IXe siècle a vu se créer la Maison de la sagesse à Baghdad. Son rôle était d'offrir un lieu d'accueil pour les savants, les chercheurs, les étudiants afin de développer, échanger et transmettre leurs savoirs, mais aussi constituer des collections de tous les écrits disponibles, y compris les traduire sur place : rassembler ainsi les connaissances et les compétences pour mieux les enrichir et les diffuser.
Au XVIIIe siècle, les encyclopédistes en Europe eurent la même ambition en se donnant pour objectif de rassembler toutes les connaissances disponibles.
Ce sont là deux périodes historiques fondamentales qui ouvrent chacune une nouvelle ère de développement du savoir immense.
La première ère est marquée par le manuscrit, la seconde par l'imprimerie.
Nous en sommes aujourd'hui à l'ère du numérique.
L'Afrique est enserrée dans l'acquisition, la formation et la diffusion des connaissances transmises par ceux qui les produisent et en sont les détenteurs. Il se trouve que ceux qui les produisent sont les puissances dominantes, l'ont soumise à l'esclavage puis au colonialisme depuis un demi-millénaire maintenant. C'est une toile d'airain forgée pendant des siècles, d'où il est difficile de se soustraire. Nos dirigeants politiques comme nos élites intellectuelles pensent dans le format même de ce qui leur a été transmis : le même schéma de définition d'une question, le même type de perception des choses, ce qui induit le même schéma d'élaboration d'une solution.
Ce sont les mêmes élites ayant accepté ce formatage qui sont aux commandes des lieux de pouvoir, les uns en tant que dominants, les autres portant les habits de dominés. Nos dirigeants, quand bien même le souhaiteraient-ils, sont dans l'incapacité objective de se soustraire à ce formatage. Incapacité de par cette "nature" intériorisée, mais aussi des écueils immenses qu'ils auraient à affronter.
L'Afrique, depuis la période de l'esclavage jusqu'à l'ère coloniale et contemporaine, a produit des luttes, des analyses, des pensées, des recherches et des concepts pour faire face à ces formes de domination et ce, dans tous les pays où ses enfants ont été déportés. Ces productions restent malheureusement séparées, isolées les unes des autres et d'autant mieux noyées dans le flot de la production et de la diffusion des idées et des connaissances, flot d'une puissance démultipliée par le numérique qui est à l'imprimerie ce que celle-ci a été au manuscrit, mais à un niveau exponentiel.
Il est nécessaire, dans le même esprit que ce qui a eu cours aux IXe et XVIIIe siècles à Baghdad puis en Europe, que l'Afrique puisse rassembler à son tour tous les savoirs dont elle est l'objet, et plus particulièrement dont elle est la productrice, objets de savoirs mais aussi donc sujets de ces savoirs, compétences, objets de recherche, méthodologie et jusqu'aux élaborations pédagogiques. C'est une condition sine qua non pour qu'elle puisse être actrice de son éducation comme de son histoire, puisant dans ses forces internes et ses valeurs endogènes, mais aussi être partenaire à part entière de la production universelle.
Le numérique en est l'outil fondamental, central et essentiel. Précisons clairement qu'il est l'une des matrices du développement en Afrique. Toute civilisation qui entre dans une ère de développement, pour se donner les moyens de son défi, se doit de respecter la loi du développement inégal et combiné et doit en conséquence s'emparer des dernières technologies en cours. Nous ne referons pas le chemin des encyclopédistes en nous centrant sur les règles de la production imprimée, et encore moins d'un temple physique des savoirs. Ce serait un combat perdu d'avance qui entraînerait dans son sillage bien des énergies, des compétences et investissements matériels démesurés. L'outil de cette ambition est le numérique, et dans sa forme la plus légère.
Une telle entreprise, fondée sur le numérique, demande essentiellement une équipe de compétences, diverse, solidaire et ouverte, et peu de moyens matériels, avec pour objectifs :
- la création d'un logiciel libre, gratuit et collaboratif, selon le même principe que Wikipédia, qui nourrit des articles et agrège toutes publications ayant trait à l'Afrique
- l'élaboration d'un système de classification des domaines de savoirs et de recherches.
- une équipe de modérateurs
Tout cela se gère en ligne, y compris à l'appui de rencontres par visioconférence.
Par Sie OFFI SOME
HOMMAGE À GARY S. ENGELBERG
Merci au Dr Georges Tiendrébéogo de faire parvenir ce message à la famille de Gary ENGELBERG, à l’équipe de ACI-Baobab, aux amis et aux connaissances de notre cher ami et frère disparu.
Merci au Dr Georges Tiendrébéogo de faire parvenir ce message à la famille de Gary, à l’équipe de ACI-Baobab, aux amis et aux connaissances de notre cher ami et frère disparu.
C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris le départ de Gary ce 12 août 2019. Je crois être assez bien placé pour apprécier à la fois les qualités humaines et professionnelles de notre cher ami et frère disparu.
Je témoigne ici à titre professionnel d’abord, à titre personnel ensuite.
1. Reconnaissance à titre professionnel et au nom des bénéficiaires des Programmes Pop’MédiAfrique et Fem’MédiAfrique du CILSS du Burkina, de Côte d’Ivoire, du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal.
C’est vrai, j’ai d’abord connu Gary en 1994, à la faveur de mes activités professionnelles de journaliste. Je venais d’être recruté en juin 1994 comme chargé de l’information au sein du Centre d’étude et de recherche sur la population et le développement (CERPOD) existant alors et basé à Bamako (Mali). C’était une structure spécialisée du CILSS (Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel) qui regroupait, à cette date, neuf pays d’Afrique de l’Ouest (Burkina, Cap-Vert, Gambie, Guinée-Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad) contre treize Etats actuellement avec l’intégration du Bénin, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée et du Togo.
Et depuis cette date, Gary et moi avions cheminé ensemble, au fil des activités d’information, de communication et de mobilisation sociale pour la promotion de la santé de la reproduction chez les adolescents et les jeunes ainsi que contre le VIH/Sida. Deux programmes, Pop’MédiAfrique et Fem’MédiAfrique avaient mis en place à cet effet. Ils avaient été financés par le CILSS et l’USAID-Bureau de l’Afrique à travers le projet SARA (Soutien à l’analyse et à la recherche en Afrique). Parmi les partenaires techniques initiaux de ces deux programmes figuraient principalement Population Reference Bureau et l’ancienne Academy for Educational Development (AED) avec le projet SARA. Africa Consultants International (ACI) avait apporté un appui technique déterminant à l’exécution des programmes médiatiques. D’autres partenaires comme Open Society International for West Africa, le Projet Santé Familiale et Protection du Sida (SFPS)/USAID, apporteront également des appuis à des activités en faveur du réseau de journalistes ainsi créé.
Gary, de par ton implication et ton engagement enthousiastes, tu as été un des acteurs essentiels qui a permis à ces deux programmes d’obtenir des résultats appréciables. Avec bien sûr, à tes côtés l’équipe de ACI et celle de Population Reference Bureau (PRB) animée par Rhonda Smith et Victoria Ebin. Ainsi, de Dakar (Sénégal) à Abidjan (Côte d’Ivoire) en passant par Ouagadougou (Burkina), Bamako (Mali), Nouakchott (Mauritanie) et Antananarivo (Madagascar) ainsi que La Haye (Pays-Bas), New York (Etats-Unis) et Durban (Afrique du Sud), des journalistes de ces deux programmes avaient assuré la visibilité de différentes activités d’envergure internationale sur les questions de population/développement, particulièrement sur la santé de la reproduction et sur le VIH/Sida.
Gary, avec ta dynamique équipe de ACI comprenant Dr Fatim Louise Dia puis Dr Georges Tiendrébéogo, tu as contribué, largement, à l’implication active de la communication dans la lutte contre le VIH/Sida avec des journalistes de presse écrite, de radio et de télévision aux côtés des responsables de programmes IEC (Information-Education-Communication) des associations nationales de planification familiale et de bien-être social des pays ouest-africains cibles. Cette collaboration professionnelle a duré plus d’une dizaine d’années. En effet, en février 2010, des journalistes, issus de ces deux programmes, avaient pris une part active à la Conférence régionale “Population, développement et planification familiale en Afrique de l’Ouest francophone : l’urgence d’agir” tenue au Burkina. Celle-ci avait abouti au lancement du Partenariat de Ouagadougou. Certains des journalistes du réseau participent toujours aux activités de communication mis en œuvre par ce Partenariat.
Ainsi Gary, ton charisme, ta pédagogie participative, tes méthodes d’animation innovantes, tes qualités humaines et ton sens de l’organisation ont permis aux programmes Pop’MédiAfrique puis Fem’MédiAfrique, en particulier, de se dérouler avec succès. Et tu as positivement marqué des dizaines de journalistes, hommes et femmes, d’Afrique de l’Ouest francophone. Ils ont ainsi appris, auprès du grand éducateur que tu as été à leurs yeux, à mieux connaître le virus du sida et à affuter les outils de communication appropriés pour contribuer à en freiner la propagation.
Gary, tu as maintenu, sans relâche, pendant près de vingt ans, cet engagement personnel dans la lutte contre le VIH/Sida et pour la promotion d’une santé de la reproduction responsable des adolescents et des jeunes en Afrique de l’Ouest. Des organisations et structures autres que le CILSS à travers l’ancien CERPOD peuvent en témoigner également.
Gary, tous les participants aux Pop’MédiAfrique et Fem’MédiAfrique, journalistes et chargés de programmes IEC des associations nationales de planification familiale et de bien-être social sont affligés par ton départ. Nous gardons de toi l’image d’un aîné attachant, à l’écoute, humaniste et toujours prêt à se dévouer pour la cause des autres. Bref un grand éducateur comme l’a écrit avec justesse l’un d’entre nous.
Merci Gary, d’avoir su nous insuffler ton ardeur au travail, ton optimisme et tes convictions. Tu as su nous montrer que nous pouvons améliorer notre vie personnelle et celle de nos prochains en mettant la main à la pâte et en comptant les uns sur les autres.
Gary, tous les bénéficiaires des deux programmes, Pop’MédiAfrique et Fem’MédiAfrique, journalistes et chargés de programmes des associations nationales de planification familiale de bien-être social me chargent de présenter à ta famille, à toute l’équipe de ACI et à tous tes amis et connaissances, nos condoléances les plus attristées.
Très cher Gary, repose en paix.
2. Reconnaissance au nom de la famille Sié Offi Somé du Burkina
Gary, cette deuxième et dernière partie de mon témoignage est davantage personnelle. Et tu sais pourquoi. Beaucoup d’amis, et singulièrement les membres de ma famille, ont pu mesurer la profondeur de ton estime et de ton amitié à mon égard.
Ta modestie dût elle en souffrir, je m’en voudrais de ne pas illustrer cette facette de ta personnalité faite de bonté et de générosité, à travers ton intervention décisive dans un épisode difficile de ma vie personnelle. Fin juin 1998, j’étais rentré chez moi, au Burkina, après avoir passé 4 ans au CERPOD, au Mali. J’avais continué, comme consultant, à travailler sur les deux programmes médiatiques touchant aux questions de population/développement jusqu’en fin 2003. Au début de l’année 2004, j’assurais la coordination d’un programme de lutte contre le trafic d’enfants en Afrique de l’Ouest au sein de Terre des Hommes Allemagne, dans leur bureau régional du Burkina, situé à Bobo-Dioulasso. Au dernier trimestre de cette année-là, j’avais été atteint d’une maladie grave qui exigeait une intervention médicale rapide.
Gary, mon épouse Estelle, « désemparée », t’en avait informé. Rapidement, tu avais pris les choses en mains. Tu avais lancé et coordonné, de manière efficace et décisive, une chaîne de solidarité. Tu avais sonné le rassemblement de ton vaste réseau d’amis de la galaxie ACI et de divers horizons professionnels. Je vais seulement mentionner le cas particulier de Babacar Touré du Groupe Sud Communication (dont tu ignorais alors, me dira-t-il un jour, que nous étions amis, promotionnaires à l’école de journalisme puis confrères, au début des années 80, à Vivre Autrement, une revue de consommateurs éditée par Enda tiers monde, une organisation internationale basée à Dakar). Et mon autre aîné dans le métier, El Bachir Sow, revenu au journal Le Soleil, après un brillant passage au CERPOD et qui utilisera les colonnes de son journal pour donner l’alerte sur ma situation.
Mon cher Gary, c’est sous ton impulsion et ton leadership, que des ressources financières complémentaires nécessaires à mes soins avaient été mobilisées. Cet élan humanitaire, une course contre l’évolution rapide de la maladie, avait alors permis d’assurer dans les délais, ma prise en charge médicale en France.
Gary, tu vois donc que c’est à toi (et à de nombreux autres amis que je ne peux malheureusement tous citer nommément ici (et dont certains, sans doute, sont en ce moment rassemblés autour de toi) que je dois de pouvoir écrire ces lignes.
Tu le sais également, mon cher Gary, je témoigne au nom d’Estelle, mon épouse et de nos trois filles Taami, Mia et Dana qui ont appris la nouvelle de ton départ avec beaucoup de peine. Elles n’oublient pas ton passage, à Ouagadougou, en octobre 2008 et les moments pleins d’émotion partagés ensemble.
Gary, la famille Somé te doit tellement, que les mots lui sont bien insuffisants ce jour encore pour t’exprimer sa gratitude comme tu avais pu le constater de ton vivant. Comme l’a écrit Estelle à ACI, « par ta détermination et avec la volonté du Tout Puissant, notre famille, désemparée en 2004, a retrouvé le sourire. Un grand homme au grand cœur s’en est allé. Que le Seigneur dans sa miséricorde infinie te réserve une bonne place dans son Royaume ».
Gary, mon plus que grand frère comme j’aimais à t’appeler, repose en paix.
A tes parents, à toute l’équipe de ACI, à tous tes amis et connaissances, toutes nos sincères condoléances.
Mon cher Gary, Estelle, Taami, Mia, Dana et moi, bref, toute la famille Somé te garde dans son cœur. A jamais.
POURQUOI LES BLANCS SONT DES "EXPATRIÉS" TANDIS QUE TOUS LES AUTRES SONT DES "IMMIGRÉS" ?
« Dans le lexique de la migration humaine, il y a toujours des mots hiérarchiques, créés avec l’intention de placer les Blancs au-dessus du reste du monde », selon Mawuna Remarque Koutonin, rédacteur en chef de SiliconAfrica.com
Express Business |
Audrey Duperron |
Publication 18/08/2019
Le monde établit une distinction remarquable entre “l’expatrié” blanc et les autres migrants, observe Mawuna Remarque Koutonin, rédacteur en chef de SiliconAfrica.com.
« Dans le lexique de la migration humaine, il y a toujours des mots hiérarchiques, créés avec l’intention de placer les Blancs au-dessus du reste du monde », écrit Mawuna Remarque Koutonin, ajoutant que le concept d’expatrié est l’un d’eux.
Selon Wikipedia, un expatrié est “une personne résidant temporairement ou de façon permanente dans un pays autre que celui où il a été élevé”. Avec une telle définition, on devrait s’attendre à ce que toute personne partie travailler dans un autre pays pour un certain temps soit qualifiée d’expatriée, quelle que soit sa couleur de peau ou son origine, mais il n’en est rien. Le mot expatrié est un terme réservé exclusivement aux blancs occidentaux qui vont travailler à l’étranger.
Les Africains, les Arabes, les Asiatiques, sont tous des immigrés. “Les Européens sont des expatriés parce qu’ils ne peuvent pas être au même niveau que les autres ethnies. Ils sont supérieurs. Immigrants est un terme réservé aux ‘races inférieures’”, écrit Koutonin.
Deux poids, deux mesures
Il note que le journal financier américain The Wall Street Journal, une publication de premier plan dans le monde, a lui-même abordé cette question. Le journal consacre d’ailleurs un blog consacré à la vie des “expat” et s’est aussi questionné sur les subtilités de l’emploi de ce terme.
« Certains immigrants sont décrits comme des expatriés ; d’autres comme des immigrés ; certains sont simplement catégorisés comme des migrants. Cela dépend de la classe sociale, du pays d’origine et du statut économique. Il est étrange que certaines personnes à Hong Kong soient décrites comme des expatriées, mais pas d’autres. Toute personne ayant des racines dans un pays occidental est considérée comme un expatrié … Les domestiques philippines ne sont que des “invitées”, même lorsqu’elles sont là depuis des décennies. Les Chinois continentaux parlant le mandarin sont rarement considérés comme des expatriés … C’est un « double standard » imbriqué dans la politique officielle”, avait conclu le journal.
Les cadres supérieurs Africains ne sont jamais des « expatriés »
Koutonin souligne que l’on observe le même phénomène en Afrique et en Europe. “Les meilleurs professionnels africains qui travaillent en Europe ne sont jamais considérés comme des expatriés, mais comme des immigrés. Et lorsqu’ils sont hautement qualifiés et qu’ils sont employés par des entreprises occidentales, on les répertorie non pas comme des expatriés, mais comme des “immigrants hautement qualifiés”.
Les vestiges du suprémacisme blanc
“La plupart des Blancs nient qu’ils bénéficient des privilèges d’un système raciste. Mais notre responsabilité est de les signaler et de mettre fin à ces privilèges, qui sont directement liés à une idéologie suprémaciste dépassée”, affirme Koutonin.
Il conclut par un conseil : “Si vous voyez ces “expat” en Afrique, appelez-les immigrés, comme tout le monde », dit Koutonin. Si cela heurte leur supériorité blanche, eh bien tant pis. La déconstruction politique de cette vision du monde dépassée doit continuer”.
J'AVOUE, J'AI HAÏ "TINTIN AU CONGO"
L’écrivain congolais (RDC) Jean Bofane avait écrit ce texte en 2009, peu après l’élection de Barack Obama à la présidence de la République aux États-Unis, mais jamais publié, parce que la copie n’avait pas convenu à ceux qui l’avaient commandée
Le Monde Diplomatique |
Sabine Cessou |
Publication 18/08/2019
L’écrivain congolais (RDC) Jean Bofane avait écrit ce texte en 2009, peu après l’élection de Barack Obama à la présidence de la République aux États-Unis, mais jamais publié, parce que la copie n’avait pas convenu à ceux qui l’avaient commandée. « On a invoqué le manque de place », indique l’auteur, qui a bien voulu passer son texte ici. Il est signé « Fossoyeur Jones », un personnage tout droit sorti des livres de Chester Himes, le surnom que ses amis donnent à Jean Bofane. Chaque année, des polémiques éclatent en Belgique autour de Tintin au Congo et la personnalité de Hergé. La dernière en date remonte à janvier 2019, lors de l’hommage fait à cet album pour ses 90 ans, republié avec fierté en « colorisation originale » sur version numérique par les éditions Moulinsart, alors que les éditions Casterman préconisent un « avertissement » avant toute réédition, et que des Afrodescendants protestent contre les messages racistes qu’il diffuse auprès de la jeunesse.
Vié Didier, mon vieux,
Un grand journaliste m’a appelé pour que je rédige quelque mots sur Tintin au Congo mais Vié Didier, avec tout le respect que je te dois, il faut que je te dise, j’ai toujours eu du mal, avec ce livre. La première fois que je l’ai ouvert — je n’avais pas dix ans — il m’est tombé des mains dès la vingtième page. Je n’avais aucune conscience militante à l’époque, tout ce que je savais de la politique, c’était la colonisation et la mort de Lumumba, peu de choses en réalité. Pourtant, Vié Didier, les dessins, les attitudes, les dialogues que contenait ce Tintin ne m’enchantaient plus comme les autres titres que j’avais lus auparavant. Tout ce qu’exprimait le récit, c’était, une fois de plus, la négation flagrante de l’appartenance des Africains à la communauté humaine. Les grands yeux ahuris que je découvrais à chaque page témoignaient que ces êtres sombres n’étaient pas vraiment comme tout le monde. Les Indiens de Tintin en Amérique avaient le regard fier, eux. Les Mayas du Temple du soleil, n’en parlons même pas. Pour la première fois, moi, qui, très tôt, avait été accaparé par la littérature, celle-ci me blessait personnellement ; en tant qu’enfant noir, je me sentais trahi.
Tintin, nous l’avons tous adulé lorsqu’il a réussi à démanteler ce réseau de trafiquants de drogue dans Coke en stock. Qui n’a applaudi son implication pour le salut du Dalaï Lama et du yéti dans Tintin au Tibet ? Quelle énergie n’a-t-il pas déployé pour venir en aide à son ami Abdallah ? Un Arabe, pourtant. À la lecture de Tintin au Congo, j’avoue que je l’ai haï, ce petit blanc gentillet, aux contours asexués, au nez insignifiant, affublé d’une houppette somme toute ridicule, donnant des leçons et dénigrant le Congolais durant au moins la moitié des pages narrant sa lamentable aventure coloniale.
Magnanimes, l’homme et la femme noire pourraient en rire ou répliquer d’un haussement d’épaule désinvolte mais l’apologie du racisme sous toutes sortes de formes — on l’a vu — a servi à légitimer des colonisations, justifier des génocides, absoudre des crimes contre l’humanité. Il est plus facile d’éliminer quelqu’un lorsqu’on a réduit à néant sa réputation ; lorsqu’on l’a déjà, à moitié, effacé de la surface de la terre. L’homme et la femme noire ont toujours été bien placés pour le savoir.
Mais, Vié Didier, où était Hergé pendant que Tintin dévaluait les gens et traitait les Pygmées de zèbres ? Il n’est un secret pour personne que la première version de l’ouvrage, celle en noir et blanc, a été éditée en 1931 par Le petit Vingtième, le supplément jeunesse du Vingtième siècle, un journal qui se situait, à peu près, à droite de la droite de l’Église catholique et avec qui Hergé collaborait régulièrement. Pendant l’Occupation, le quotidien fut dissous par les Allemands et le personnel se retrouva affecté au Soir volé, où tout le monde s’était éclipsé sauf Hergé. Durant cette période dramatique, Tintin, au lieu de harceler l’ennemi, d’entrer dans la clandestinité, sous prétexte de reportages, chassait le trésor en mer ou faisait tourner des boules de cristal en Amérique latine — lorsqu’il n’était pas à Moulinsart en train de faire la fête avec ses amis. Après la guerre, comme beaucoup, le cas de Hergé fut examiné par les autorités mais on estima que, pour un dessinateur, passer du pourpre clérical au brun national-socialiste était une question de goûts et de couleurs, et que cela ne se discutait pas. Un stigmate de ce genre aurait pu ruiner la carrière de n’importe quel artiste un peu moins doué mais l’œuvre de Hergé, plus efficace qu’un fétiche Tshokwe, parvient à tisser autour de sa personne un rempart de sainteté.
Vié Didier, dire du mal de Tintin au Congo, c’est voir l’intelligentsia de Belgique s’insurger et lever des boucliers de mépris. Traîner Tintin au Congo devant les tribunaux parce qu’on y décèle de l’insulte raciste, c’est faire face à un arsenal de chapitres du droit pénal concernant la liberté d’expression. Toucher à l’intégrité de Tintin au Congo, c’est craindre, en secret, la nuit, de devoir s’acquitter de droits d’auteur exorbitants pour avoir prononcé plusieurs fois de suite, le nom sacré de Tintin. On dirait que Tintin au Congo a été élevé au patrimoine de l’humanité, on dirait la huitième merveille du monde.
Mais si l’album est constamment vilipendé par de dangereux activistes, c’est parce qu’on a occulté la forêt que cachait l’arbre. Il y a des bouquins qu’il ne faut surtout pas dissimuler. Il faut lire ces guides à destination des coloniaux en partance pour le Congo où l’injure et la cruauté sont affichées à chaque alinéa. On devrait faire déclamer dans les écoles ces lettres de jeunes officiers adressées à leur douce maman qui relatent comment ils ont accompli un périple de plus de six cents kilomètres à travers la jungle hostile et comment ils ont été obligés, tels des anges purificateurs, de massacrer des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants sur leur passage afin d’apporter les lumières de la civilisation aux nègres et à leurs négresses. D’autre part, que pensaient les grands philosophes, les grands penseurs, de l’homme noir ? Comment évaluaient-ils son intellect ou la taille de son pénis ? Évoquer le contexte de l’époque c’est faire preuve de légèreté quand la plupart des gens ignorent exactement de quoi était fait, ce contexte. Dans notre XXIe siècle tolérant, sur tous les médias, des Américains désemparés propagent la nouvelle qu’un type semblable à Coco occupe désormais la Maison Blanche (Obama) et se demandent, même, comme Milou ou le roi Baudouin en 1960, s’il faut lui faire confiance.
Tintin au Congo mérite une vision plus juste, remise à sa juste valeur. Il est, après tout, deuxième vente au hit-parade des Tintin, Vié Didier. Proclamer qu’il aurait été écrit presque par inadvertance, dans un moment de distraction en quelque sorte, c’est faire offense à l’auteur. Quant au racisme qu’on pourrait prêter à Hergé, il y a momentanément en Belgique présomption d’innocence, et son culte de la personnalité, pour l’instant, le protège mieux qu’une caution chez un juge. Mais en Afrique, le culte de la personnalité, on connaît : ça va, ça vient ; rien n’est jamais joué. Et comme chante Grand Mopao : le mensonge arrive par l’ascenseur, la vérité, elle, arrive par l’escalier. Pardonne-moi de te déranger avec ce sujet controversé, Vié Didier, et salue Mwana Danzé, dite Tantine Betena, dite Motema Magique, ton épouse, Anna Lanza.
Ton jeune frère,
Fossoyeur Jones (c’est moi).
TOUT SAVOIR DE L'AFFAIRE SARKOZY-KADHAFI
Cet été, les sarkozystes ont mené tambour battant une opération de communication, largement alimentée par une série d’articles, pour dénoncer une « machination » dans l’affaire des financements libyens. La manœuvre ne résiste pas à l’examen des faits
Il va y avoir du changement dans les coulisses du dossier Sarkozy-Kadhafi. Le principal juge qui instruit l’affaire des financements libyens, Serge Tournaire, doit quitter son cabinet parisien début septembre pour rejoindre le tribunal de Nanterre.
Atteint par la limite de durée qu’un juge d’instruction spécialisé peut passer au même endroit — celle-ci est fixée à dix ans —, Serge Tournaire va laisser sa place de premier juge chargé de ce dossier ultrasensible à sa collègue Aude Buresi. Celle-ci a l’avantage de déjà parfaitement connaître les méandres de l’affaire, étant désignée comme juge numéro 2 depuis le début des investigations au printemps 2013.
Six ans après l’ouverture d’une information judiciaire par le parquet de Paris (et huit ans après les premières révélations de Mediapart), l’instruction a d’ores et déjà permis de dégager une impressionnante somme de faits qui, agrégés et mis en cohérence, forment le faisceau d’indices graves et concordants, pour reprendre la terminologie du code de procédure pénale, ayant justifié aux yeux des juges les mises en examen de :
– Nicolas Sarkozy, pour « corruption passive », « recel de détournement de fonds publics » et « financement illicite de campagne électorale » ;
– Claude Guéant, pour « corruption passive », « complicité, blanchiment et recel de corruption », « recel de détournements de fonds publics », « complicité de financement illégal de campagne », « faux », « usage de faux » et « blanchiment de fraude fiscale » ;
– Éric Woerth, pour « complicité de financement illégal de campagne » ;
– L’homme d’affaires Ziad Takieddine, pour « complicité de corruption » et « complicité de détournement de fonds publics » ;
– ainsi que l’émission d’un mandat d’arrêt à l’encontre d’un autre intermédiaire actuellement retenu à Londres, rival du précédent, Alexandre Djouhri, pour « corruption active », « faux et usage de faux », « complicité de détournement de fonds publics », « recel et blanchiment de détournement de fonds publics » et « blanchiment de fraude fiscale ».
En droit, cela ne signifie pas qu’ils sont coupables – seul un tribunal correctionnel pourra le dire s’ils sont renvoyés pour y être jugés lors d’un procès –, mais qu’ils sont suspects.
Face à cette situation de fait, la stratégie de défense du « clan Sarkozy » dans l’affaire libyenne se décline désormais en trois axes : un silence obstiné face aux magistrats, des manœuvres procédurales visant à délégitimer les juges d’instruction pour (notamment) gagner du temps et, en attendant, une communication politique outragée afin de se présenter face à l’opinion comme la victime d’une « machination ».
Mais l’opération de communication sarkozyste de cet été sur le dossier libyen, largement alimentée par une série d’articles du Journal du dimanche – dont le directeur (et auteur desdits articles) n’a pas hésité à évoquer dans l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles une éventuelle nouvelle affaire Dreyfus (sic) –, a surtout consisté à masquer deux réalités autrement gênantes pour l’ancien président.
Deux dérobades.
Primo, Nicolas Sarkozy, comme ses deux anciens lieutenants Claude Guéant et Brice Hortefeux (qui a été placé sous le statut de témoin assisté), a décidé de ne pas répondre à la moindre question des juges.
Secundo, il s’est désisté à bas bruit, début juillet, de sa plainte en diffamation contre Mediapart et l’intermédiaire Ziad Takieddine quelques semaines avant un procès qui devait avoir lieu à la rentrée.
On a connu attitude plus cohérente pour qui se dit serein. De sorte que, regardée du point de vue du clan Sarkozy et de ses soutiens – y compris médiatiques –, la situation ressemble de plus en plus à cette fulgurance d’Edgar Allan Poe tirée de Double Assassinat dans la rue Morgue : « Nier ce qui est, et expliquer ce qui n’est pas. »
Alors voici ce qui, dans ce dossier, est ; et voici pourquoi ce qui n’est pas n’est pas.
♦ Du fiasco saoudien à l’eldorado libyen
À l’origine de l’affaire libyenne, il y a paradoxalement l’Arabie saoudite. Ou plutôt un fiasco saoudien. Sitôt arrivé au ministère de l’intérieur en 2002, le cabinet de Nicolas Sarkozy active une vieille connaissance de l’époque Balladur, l’homme d’affaires Ziad Takieddine, pour mener à bien en 2003 et 2004 la conclusion d’un gigantesque contrat de défense, baptisé « Miksa », avec les Saoudiens. Le montant du marché est vertigineux : 7 milliards d’euros. Celui des commissions occultes promises au réseau Takieddine aussi : 350 millions d’euros.
Tout était prêt. Mais les chiraquiens, informés des tractations et suspectant l’existence de possibles canaux de financements occultes dans la perspective de l’élection de 2007, mettent fin d’autorité aux négociations. À l’époque, la haine est tenace entre le vieux lion Jacques Chirac, président de la République, et le jeune loup Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur. Ce dernier sera même obligé d’annuler à la dernière minute, début 2004, un déplacement à Riyad à la demande expresse de l’Élysée. Une humiliation. Et une porte qui se ferme.
Le soupçon chiraquien était-il crédible ? Le fait est que Ziad Takieddine est accusé par la justice d’avoir été dix ans plus tôt, entre 1993 et 1995, en association avec deux intimes de Nicolas Sarkozy (son ancien collaborateur à Bercy Thierry Gaubert et Nicolas Bazire, son futur témoin de mariage), le porteur de valises des balladuriens grâce à l’argent noir prélevé sur des contrats d’armement gouvernementaux avec l’Arabie saoudite (déjà) et le Pakistan. Un procès doit avoir lieu cet automne, vingt-cinq ans après les faits ; c’est ce que l’on appelle le volet financier de l’affaire Karachi.
Sur les cendres de ce fiasco saoudien va naître l’histoire libyenne de Nicolas Sarkozy. Le même homme de l’ombre est toujours à la manœuvre, Ziad Takieddine. C’est lui qui, une nouvelle fois, se charge en coulisses de la diplomatie parallèle du cabinet Sarkozy, lui qui assure dès le printemps 2005 le lien avec le nouvel eldorado qu’incarne la Libye du colonel Kadhafi. Quantité de documents aux mains des juges (lettres, rapports, notes, témoignages…) prouvent aujourd’hui que Takieddine fut l’obligé des sarkozystes vis-à-vis des autorités libyennes.
Mieux : des photos révélées en 2011 par Mediapart ont montré qu’à la même période l’un des plus proches lieutenants de Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, passait du bon temps en famille aux frais de Takieddine sur son yacht immatriculé au Luxembourg ou dans son hôtel particulier situé près du Trocadéro, à Paris. Le même Takieddine que les sarkozystes, qui l’ont tant choyé et défendu, présentent aujourd’hui comme un « voyou » et un « sinistre individu » – les mots sont de Sarkozy.
Guéant, la sentinelle
La première sentinelle officielle de Nicolas Sarkozy en Libye sera le préfet Claude Guéant, son directeur de cabinet et homme de confiance. Ziad Takieddine lui organise de bout en bout, fin septembre 2005, un discret déplacement à Tripoli. Un voyage qui, d’après les notes préparatoires de l’homme d’affaires, « doit revêtir un caractère secret ». « Il sera préférable que CG se déplace seul, et que le déplacement s'effectue “sans fanfare”. L'autre avantage : plus à l'aise pour évoquer l'autre sujet important, de la manière la plus directe… », écrit Takieddine, lourd de sous-entendus.
Durant son escapade à Tripoli, le bras droit de Sarkozy va rencontrer secrètement, « à l’insu des services de l’ambassade », d’après les juges, l’un des principaux dignitaires libyens, Abdallah Senoussi, chef des services de renseignement militaires et beau-frère de Kadhafi.
L’homme a été condamné en 1999 par la cour d’assises spéciale de Paris à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir été le principal instigateur de l’attentat contre l’avion de ligne DC10 d’UTA ; il est donc toujours visé par un mandat d’arrêt international quand il reçoit en toute discrétion le numéro deux de la place Beauvau…
La rencontre Guéant-Senoussi, qui a lieu hors de la vue de tout diplomate et de tout officiel français, qui n’a été inscrite à aucun agenda et ne fera l’objet d’aucun compte rendu, est chaperonnée par Takieddine, dans le double rôle de l’entremetteur et du traducteur.
♦ Du matériel d’espionnage français pour la dictature
« Lors de cette rencontre, a raconté plus tard Senoussi aux juges, il a été décidé que la Libye bénéficierait d’une technologie sécuritaire par le biais d’une entreprise qui collabore avec le ministère de l’intérieur. »
Ce marché avec une société française, piloté depuis la Libye par Senoussi, existe-t-il ? La réponse est oui. Il s’agit d’un vaste contrat commercial obtenu par l’entreprise Amésys, qui a notamment vendu en 2007 à la Libye de Kadhafi du matériel d’espionnage numérique. Un contrat qui a posé de nombreux problèmes.
Dans une note de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) du 30 mars 2007, récemment obtenue par les juges, on peut ainsi lire : « La livraison à la Libye de matériels d’interception de communications et de contre-mesure électronique est extrêmement sensible et génère une certaine tension au sein des personnels amenés à s’en occuper. Il conviendra de s’assurer que ces matériels sont vendus avec les autorisations nécessaires. »
Le matériel français a non seulement été livré à Tripoli, mais a été copieusement utilisé par le régime Kadhafi, notamment au moment des révoltes de Benghazi en 2011 – certains opposants ont été torturés après avoir été débusqués via le système Amésys. À cause de la France, donc. « Il nous a été utile en Libye et à l’étranger, car nous interceptions toutes les communications par Internet entre les membres de l’opposition en Libye et à l’étranger », a confirmé Senoussi sur procès-verbal.
Le dignitaire libyen avait-il par ailleurs raison de dire que cette société entretenait un lien serré avec le ministère de l’intérieur sous Sarkozy ? Là encore, la réponse est positive. C’est la société elle-même qui en parle le mieux. Dans une plaquette promotionnelle adressée aux Libyens, Amésys écrivait : « Le ministre de l’intérieur français [Nicolas Sarkozy – ndlr] dispose d’une réelle connaissance corroborée par une collaboration avec la société spécialisée dans ce domaine. »
LA MAURITANIE ATTEND TOUJOURS LE RETOUR DE LA PLUIE
Depuis le début de la saison pluvieuse le 13 juillet dernier, aucune précipitation n’a été enregistrée dans 7 des 13 régions du pays
Depuis le début de la saison pluvieuse le 13 juillet dernier, aucune précipitation n’a été enregistrée dans 7 des 13 régions du pays. Une situation née des changements climatiques selon les services météorologiques mauritaniens.
L’hivernage tarde à s’installer en Mauritanie. Les premières pluies ont été enregistrées tardivement à la mi juillet dans certaines régions de l’est et du sud-est. Une situation préoccupante selon les services de la météorologie, qui pointent les longues pauses observées entre deux précipitations.
« Après le démarrage [des pluies], il y a eu encore une pause, explique Coulibaly Hamidou, directeur adjoint de l’office national de la météorologie. On avait prévu que ces pauses allaient être de nature anormalement longue. Effectivement, elles ont été très longues. Donc c'est ce qui a provoqué un retard dans le développement du tapis herbagé. Certaines zones ont quand même reçu de premières précipitations au mois de juillet. »
Ces interruptions de pluies sont nées des changements climatiques. D’où l’inquiétude des spécialistes de la météo.
« La situation pluviométrique cette année commence à être un peu inquiétante, confie Coulibaly Namidou., on seulement en termes de date du début de la saison, mais aussi en termes de cumul pluviométrique. Parce que si nous prenons l'exemple du poste pluviométrique de Sélibaby, d'habitude en cette période-là, il franchit quand même les 200 millimètres. Actuellement, ce poste est à moins de 150 millimètres. »
Les Mauritaniens ont organisé vendredi des prières pour un hivernage pluvieux dans toutes les mosquées du pays, à la demande du gouvernement. Ce sont des pratiques courantes dans les pays musulmans.
"EN AFRIQUE, IL EST TEMPS DE DÉCOLONISER NOS IMAGINAIRES"
Le philosophe Souleymane Bachir Diagne explique qu’il n’y a pas un lieu qui serait à lui seul le théâtre de l’histoire universelle. Loin de l’européocentrisme, la philosophie est de toutes les cultures
Le Monde |
Nicolas Truong |
Publication 17/08/2019
Entretien. Né en 1955 au Sénégal, dans une famille de lettrés musulmans, Souleymane Bachir Diagne a été formé à l’Ecole normale supérieure, notamment par Louis Althusser et Jacques Derrida. Il dirige l’Institut des études africaines de l’université Columbia, à New York. Philosophe des mathématiques (Boole : l’oiseau de nuit en plein jour, Belin, 1989 ; Logique pour philosophes, NEAS, 1991), philosophe de l’islam (Comment philosopher en islam ?, Philippe Rey, 2014) et philosophe de l’Afrique (En quête d’Afrique[s], avec Jean-Loup Amselle, Albin Michel, 2018), Souleymane Bachir Diagne explique que la décolonisation des imaginaires n’est pas une guerre, mais signifie qu’il n’y a pas d’humanités séparées.
Qu’est-ce qui, dans votre parcours, vous a rendu sensible à la nécessaire décolonisation des imaginaires ?
Je suis né au Sénégal en 1955, l’année de la conférence de Bandung, en Indonésie, dont on peut dire qu’elle est la date officielle de la décolonisation puisqu’elle affirme qu’aucune culture n’a le droit d’en coloniser une autre. Autre fait notable, ce sont les pays asiatiques et africains qui l’ont organisée, alors que l’Europe, qui avait l’habitude de convoquer les sommets internationaux, est absente. Dans sa constitution même, cette conférence a donc tout simplement décentré l’Europe. Et l’on n’a pas encore fini de mesurer l’importance de cet événement : l’Europe n’est plus le lieu d’où l’on parle des autres, mais ce dont on parle entre Asiatiques et Africains. Cette date marque aussi la cascade des indépendances. J’ai donc grandi en dehors de la colonisation. Mais celle-ci était encore présente dans l’enseignement, puisque l’histoire africaine était minorée et que littérature commençait à Rutebeuf (1235-1285) et se terminait avec Camus. J’aimais et j’aime cette littérature française. Mais il était important et nécessaire d’y faire entrer la poésie de Senghor et de Césaire. Cela s’est fait progressivement.
Vous êtes le premier Sénégalais à entrer à l’Ecole normale supérieure, à suivre les cours de Louis Althusser et de Jacques Derrida. Or la pensée occidentale semble alors peu propice à élargir la philosophie aux autres aires géographiques. Une phrase d’Emmanuel Levinas vous a particulièrement marqué…
Jacques Derrida, qui a été mon « caïman », comme on dit à Normale-Sup, est un des philosophes qui ont levé la chape de plomb de l’eurocentrisme. Quant à Emmanuel Levinas, il est entendu qu’il est le philosophe de l’Autre, c’est incontestable, le penseur magnifique de la manifestation de l’Autre en son visage qui commande de traiter autrui avec respect. Mais, en dehors de cette métaphysique du visage, il prolonge l’ethnocentrisme de la philosophie occidentale : « Je dis souvent, bien que cela soit chose dangereuse à dire publiquement, déclare-t-il dans French Philosophers in Conversation, de Raoul Mortley (Routledge, 1990, non traduit), que l’humanité ne consiste qu’en la Bible et les Grecs. Tout le reste, tout l’exotique est danse ».
L’Europe est l’universel et le reste du monde doit se régler sur elle. Cette idée remonte au moins à Hegel, pour qui une région n’existe qu’à partir du moment où l’Europe pose son regard sur elle, ou lorsqu’un Européen y met les pieds. Une phrase comme « Christophe Colomb a découvert l’Amérique en 1492 », par exemple, est totalement absurde quand on y réfléchit : si l’Amérique a été « découverte », elle l’a été par les Amérindiens. Dans mon enfance, on m’a enseigné qu’aux alentours de 1830 l’explorateur français René Caillié avait « découvert » Tombouctou. Or cette capitale intellectuelle de l’Empire du Mali et de l’Empire songhaï a une histoire très ancienne, reliée au reste du monde musulman, qui est une histoire de lettrés et de commerçants échangeant jusqu’en Espagne et en Chine, avant que Caillié, un jeune désœuvré parti se refaire dans les colonies, n’y passe quelques jours et s’y ennuie, avant de revenir en France comme un héros… C’est contre cet européocentrisme qu’à Bandung le pluriel du monde a fait irruption sur le théâtre de l’histoire. Et le mouvement ne s’est, depuis, pas arrêté.
Pourquoi critiquez-vous l’universalisme au nom de l’universel ?
Si l’on considère que la philosophie est l’une des activités les plus élevées de l’être humain qui médite sur sa propre existence, alors il faut considérer qu’elle est universellement partagée et qu’elle a existé dans toutes les cultures, loin de l’européocentrisme de Levinas. La translatio studiorum – c’est-à-dire le transfert des connaissances de la philosophie grecque au monde européen – n’est pas allée unilinéairement d’Athènes à Rome pour terminer à Londres, Paris ou Heidelberg, mais elle a fait tours et détours par Nichapour, Bagdad, Cordoue, Fès, Tombouctou.
La logique d’Aristote était enseignée à Tombouctou où l’on discutait ses syllogismes bien avant la visite de M. Caillié. Une figure de la pensée médiévale comme Roger Bacon (1214-1292) rappelait que, si Dieu avait donné ses lois en hébreu d’abord, la philosophie avait été ensuite grecque mais aussi arabe, notamment avec Avicenne. Thomas d’Aquin – avant qu’il ne soit sanctifié – a été accusé d’hérésie par l’Eglise pour avoir énoncé des thèses venues d’Averroès. Même Descartes, qui se veut le philosophe du recommencement absolu, écrit que la matrice de sa philosophie est cette science étrangère, au nom arabe, qu’est l’algèbre. Les imaginaires juifs, musulmans et chrétiens étaient enchevêtrés. L’épuration ethnique de l’histoire de la pensée date du XIXe siècle, de la période de la colonisation et de la vision de l’histoire théorisée par Hegel. Et que dire, pour évoquer un débat en cours, de l’affirmation que l’art, africain ou asiatique, ne peut acquérir universalité qu’en entrant dans les musées européens ? Décoloniser les imaginaires, ce n’est pas s’opposer ou mener une guerre d’indépendance, mais considérer qu’il n’y a pas d’humanités séparées et qu’il n’y a pas un lieu qui serait seul le théâtre de l’histoire universelle.
Mais les choses n’ont-elles pas changé, notamment à l’université ?
A Columbia, j’aime donner un cours dit de « civilisation occidentale » qu’on appelle, pour rire, « from Plato to NATO » (de Platon à l’OTAN). Ce cours présente les grands textes de la philosophie occidentale, de Platon à John Rawls (1921-2002), mais parmi ces textes on trouve aussi, outre la Bible, le Coran, Averroès, Al-Ghazâli ou Ibn Tufayl. C’est un cours qui, jouant sur la géographie correspondant au nom « Europe », enseigne qu’une civilisation est toujours ouverte, et que les cultures humaines ne sont pas des insularités juxtaposées.
Cette critique de l’universalisme européen ne va-t-elle pas trop loin lorsqu’elle s’oppose à ce qu’on appelle « l’appropriation culturelle » ?
Tomber dans le relativisme total – et considérer qu’il n’y a que du pluriel – est aussi inacceptable que l’arrogance de l’universalisme d’un centre autoproclamé. Mais universel il y a, et nous visons le même horizon, si l’on considère qu’il y a une condition humaine commune, qui signifie, par exemple, que ce qui se passe au Sahel a des conséquences en France ou au Pakistan. Et pour parler culture : au théâtre comme au cinéma, je considère que nous pouvons tous représenter tous les personnages, qu’ils soient noirs ou blancs, hommes ou femmes, à condition que le talent y soit.
Un homme peut comprendre et représenter la souffrance d’une mère qui perd son enfant. Jean-Loup Amselle et moi avons évoqué l’affaire du Withney Museum en 2017 pour dire notre opposition aux manifestations qui ont voulu dénier à une artiste blanche, en ne trouvant dans sa démarche que voyeurisme, la légitimité de chercher à exprimer, dans une peinture abstraite, la souffrance infinie d’un corps d’adolescent noir lynché par le racisme et le suprémacisme blanc [une partie de la communauté artistique afro-américaine avait demandé la destruction d’un tableau de l’artiste Dana Schutz représentant un adolescent noir, Emmett Till, tué en 1955.]. Le vieil adage humaniste – « Rien de ce qui humain ne m’est étranger » – doit redevenir la prière quotidienne de l’homme contemporain.
Pourquoi l’art africain est-il, selon vous, une philosophie ? Et pourquoi, malgré sa pluralité, en parlez-vous aussi au singulier ?
Il faut toujours rappeler le pluriel de ce qui est africain pour éviter le stéréotype qui veut que ce continent soit comme un même pays – comme si visiter le Danemark vous renseignait sur la Grèce. Mais je tiens aussi à parler au singulier pour viser le fait que les arts africains traditionnels partagent d’avoir généralement – pas toujours – tourné le dos à la reproduction mimétique, en utilisant notamment des formes géométriques. Oui, c’est une philosophie de ce qu’est le réel qui se donne à lire dans cet art symbolique. Qui ne cherche pas l’apparence, comme la statuaire grecque, mais la sous-réalité, comme dirait Senghor, qui est force et qui se manifeste à travers elle. Comme la fécondité, par exemple, est force qui se rend présente dans les traits exagérés de tel objet que l’on appelait « fétiche ».
La meilleure façon de répondre au fanatisme meurtrier qui tue au nom d’Allah est d’enseigner la tradition intellectuelle et spirituelle de l’islam, dites-vous. Comment et pourquoi ?
A un moment de ma trajectoire, qui ne me menait pas dans cette direction, j’ai considéré de ma responsabilité, par les temps que nous vivons, de m’instruire de la philosophie islamique et de l’enseigner aussi car l’islam est une religion méconnue comme la tradition intellectuelle et spirituelle qu’elle est. Par les musulmans eux-mêmes souvent. Non, l’islam n’est pas né le 11 septembre 2001. Mais la violence a colonisé les esprits et aujourd’hui s’ajoute à l’ignorance de beaucoup l’intervention de certains doctes qui croient pouvoir expliquer que tout le bruit et la fureur viennent de ce que cette religion est violente par essence. Le cercle vicieux de l’explication par la vertu dormitive en somme. Contre l’ignorance et contre les demi-habiles, il est urgent d’enseigner, et d’abord aux musulmans eux-mêmes, la pensée de ceux (comme par exemple Tierno Bokar Tall, mort au Mali, son pays, en 1939, ou celles (comme par exemple Rabia Al-Adawiyah, morte en l’an 801), qui ont expliqué, pour les âges, ce qu’est un islam du pluralisme et de l’amour.