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26 avril 2025
Opinions
Par Mohamed GUEYE
ON NE PEUT S’INDUSTRIALISER SANS L’AGRICULTURE
Pour une économie qui réfléchit fortement aux moyens d’éviter de contracter la «fièvre hollandaise», n’est-il pas déjà trop tôt pour tenter de mettre l’accent sur le développement des secteurs comme la pétrochimie ou les mines ?
Comme ses prédécesseurs, le gouvernement actuel reprend à son compte le mantra de l’industrialisation du pays. Si Abdoulaye Wade et Macky Sall évoquaient la possibilité de développer l’industrie dans le pays, Bassirou Diomaye Faye semble décidé à en faire une véritable politique et se donner les moyens de la réaliser. Quasiment dès son discours de prise de fonction, le chef de l’Etat voyait dans la relance de l’industrie, le moyen de développer une politique d’import-substitution, qui permettrait au Sénégal de rééquilibrer sa balance commerciale en diminuant les importations, notamment des produits de première nécessité, qui pèsent lourd sur le budget de l’Etat.
La considération et la vision que Macky Sall avait pour l’industrie et la politique d’industrialisation, pouvaient se résumer au choix porté sur son dernier ministre dans ce secteur : un quasi analphabète qui ne s’est jamais intéressé à rencontrer les chefs d’entreprise de son secteur ou à tenir des réunions avec eux. Même aux temps forts de la crise du Covid, ce ministre, qui n’a jamais pu tenir un seul discours en français aux journalistes ou aux députés, encore moins à des potentiels industriels étrangers, a été content de s’exhiber devant les caméras dans une entreprise qui fabriquait des masques de protection. Quant à la Lettre de politique de développement de son secteur, on peut se demander s’il l’a jamais lue. Bassirou Diomaye Faye, sur ce point, semble à ce jour montrer plus de détermination. Le dernier communiqué du Conseil des ministres disait d’ailleurs à ce sujet : «La Vision Sénégal 2050 accorde une importance primordiale à l’accélération de l’industrialisation du pays à travers la restructuration et le développement de plusieurs filières prioritaires telles que la pétrochimie, les phosphates, l’horticulture et le tourisme. Il s’agit de bâtir une économie attractive et robuste orientée vers la valorisation endogène de nos potentialités et ressources naturelles, et fortement créatrice d’emplois décents.» Dans cette optique, le communiqué poursuit : «Le chef de l’Etat a demandé aux ministres en charge de l’Economie et de l’Industrie, en liaison avec l’Apix, d’évaluer les zones économiques spéciales et les agropoles créés en termes d’entreprises installées, d’investissements et d’innovations technologiques réalisés, de facilités (administratives, fiscales, foncières…) accordées par l’Etat, d’emplois créés et de contribution à la promotion des exportations et au dynamisme des pôles territoires.»
Est-ce une coïncidence ? On a, en tout cas, pu remarquer l’activisme que les ministres de l’Agriculture et du Commerce du gouvernement Sonko ont développé ces derniers temps. On aurait été tenté de croire que ces personnalités se sont investies avec détermination dans la réalisation de la politique industrielle dont le Président a brossé les lignes lors de la rencontre du mercredi au Palais. Mais seulement si l’on oublie de contextualiser.
Il faut savoir que le citoyen lambda vit une période difficile de Ramadan et de Carême, faite de privations du fait de la hausse sensible des prix de première nécessité. Les baisses de prix annoncées à l’arrivée au pouvoir de la nouvelle équipe dirigeante n’ont eu à ce jour que des effets… d’annonce. Si même les produits locaux ne connaissent pas de baisse, il est naturel, dirait-on, que les responsables politiques des secteurs concernés se rendent auprès des producteurs pour comprendre ce qui peut justifier la situation. D’autant que la fin du Ramadan approche, qui est une période où les consommateurs sénégalais se ruent sur les marchés. Les commerçants en profitent souvent pour faire de la rétention de produits et spéculer sur une hausse inévitable.
Dans des circonstances où le gouvernement se vantait, en début de campagne agricole, d’avoir injecté plus d’argent qu’aucun autre régime n’a jamais eu à la faire dans ce pays, ses ministres semblent avoir besoin de tâter sur le terrain, les limites de leurs politiques. La tournée dans les zones de production horticole, de nos deux ministres Mabouba Diagne et Serigne Guèye Diop, a donné l’occasion aux producteurs d’oignon de lancer leur cri d’alarme sur les risques de mévente de leur produit, dans la perspective proche de l’ouverture des frontières aux produits venant d’Europe, particulièrement de la Hollande. Si cela ne dépendait que d’eux, l’embargo sur les importations serait encore prolongé.
Cela donne à nos politiciens l’ampleur des défis auxquels ils doivent faire face. Théoriquement, le producteur sénégalais ne devrait même pas se plaindre de la concurrence de l’oignon importé, parce que, toujours en théorie, le pays est autosuffisant en oignon. Le pays produit environ 400 mille tonnes d’oignon, pour une consommation estimée en 2023 à 300 mille. Le manque de système de conservation, d’aire de stockage, ainsi aussi, il faut le dire, que l’esprit de lucre, font que les pertes post-récoltes se chiffrent en milliers de tonnes, et le pays est contraint de se tourner vers l’étranger.
Les mêmes problèmes se posent en ce qui concerne la pomme de terre, ainsi que d’autres produits. Quasiment toutes les filières agricoles du pays, où le paysan sénégalais a fait montre de dynamisme et de résilience, pour produire souvent dans des conditions pénibles, souffrent de mauvaises politiques de l’Etat. Quand ce ne sont pas les engrais et les semences qui ne sont pas appropriés pour la spéculation concernée, ce sont les difficultés rencontrées pour stocker les récoltes dans des conditions idoines. Ainsi, alors que l’agriculture sénégalaise est en mesure de produire tout ce dont a besoin le consommateur local, le pays est obligé aujourd’hui d’importer l’essentiel de sa nourriture. On a vu les conséquences de cette situation lors des crises nées du Covid-19 et de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Coupé de ses zones habituelles d’approvisionnement, le consommateur sénégalais a dû payer le prix fort pour pouvoir assurer son alimentation. Ce qui a renchéri sur son mode de vie
Cette question n’étant pas encore réglée, les dirigeants politiques, sans doute enivrés par les effluves de gaz et de pétrole sortant de nos côtes, commencent à rêver à une industrie pétrochimique ou de transformation industrielle. Bizarrement, au moment où nos parents et voisins guinéens commencent à faire des rêves en technicolor avec les perspectives de l’exploitation des minerais de fer de Simandou, qui devrait commencer bientôt, les autorités sénégalaises ne parlent pas encore de la reprise éventuelle du fer de la Falémé, avec l’implantation, qui avait été planifiée par Macky Sall, d’une aire de transformation à Sendou, sur le site du port minéralier. Chat échaudé par Arcelor Mittal sans doute ?
Quoi qu’il puisse en être, le pouvoir actuel devrait lancer un signal plus clair de son engagement sur le développement agro-industriel. On peut ne pas aimer l’implication des investisseurs étrangers dans notre agriculture, et vouloir développer des coopératives de producteurs. Mais, il ne faudrait pas oublier qu’à côté de ces producteurs, on devrait trouver des transformateurs et des commerçants. L’avantage de mettre en place ces nombreuses petites structures serait, outre de donner du travail aux petits producteurs, de lutter contre l’exode rural et de fournir des revenus décents aux producteurs. Mais si l’on veut développer une agriculture compétitive, qui soit en mesure de nourrir les nationaux et d’exporter ses surplus, on ne pourra pas faire longtemps l’impasse sur l’agro-industrie. Celle-ci ne signifie pas nécessairement investissements étrangers. Le Sénégal a montré qu’il possède suffisamment de capitaines d’industrie en mesure de faire face à la concurrence étrangère dans ce domaine. En plus, pour une économie qui réfléchit fortement aux moyens d’éviter de contracter la «fièvre hollandaise», n’est-il pas déjà trop tôt pour tenter de mettre l’accent sur le développement des secteurs comme la pétrochimie ou les mines ?
Par El Amath THIAM
ENTRE REPRESSION ET RECUPERATION,QUEL CAP POUR LA JUSTICE ÉCONOMIQUE ?
Lettre ouverte au garde des sceaux, ministre de la justice
Lettre ouverte au garde des sceaux, ministre de la justice
Monsieur le Ministre, C’est avec une attention soutenue et un grand respect que nous avons pris connaissance de vos récentes déclarations, prononcées lors de votre audition devant les députés le 21 février 2025. Ces propos, empreints de vision, révèlent une volonté manifeste de réformer et d’adapter la justice économique aux impératifs contemporains.
À ce titre, votre proposition d'introduire la médiation pénale comme mécanisme de recouvrement des fonds publics détournés mérite une attention particulière, tant elle marque une avancée vers une justice plus efficace et pragmatique, capable de répondre aux enjeux de la transparence et de la gouvernance publique.
Nous saluons cette démarche novatrice qui témoigne d’un engagement clair en faveur d’une gestion plus transparente des finances publiques et d’une volonté de concilier impératif répressif et récupération des deniers publics. Il est indéniable que la mise en œuvre d’une telle initiative pourrait non seulement contribuer à restaurer la confiance des citoyens envers leurs institutions, mais également à désengorger un système judiciaire surchargé, en privilégiant des mécanismes alternatifs moins coûteux et plus rapides.
Etant l’un de ces Icones des cénacles judiciaires, vous vous positionnez désormais comme ce catalyseur de changement, en proposant une solution alternative audacieuse qui se veut à la fois pragmatique et respectueuse des principes de justice. Votre capacité à percevoir la réalité socio-économique du pays, tout en insufflant une dynamique réformatrice à la lutte contre la corruption et la délinquance économique, revêt une importance capitale pour le renforcement de la gouvernance publique et l’optimisation de l’utilisation des ressources publiques.
Justice Sans Frontière, acteurs juridiques engagés, nous soutenons fermement cette approche et vous adressons nos encouragements les plus sincères pour sa mise en œuvre. Nous croyons que cette réforme incarne une véritable opportunité de transformer notre système judiciaire, en le rendant plus efficace et plus proche des réalités économiques du Sénégal. Nous espérons que votre vision se traduira par des résultats tangibles, afin de rétablir les équilibres financiers et économiques de notre pays. Cela accréditerait l’adage selon lequel « Un mauvais arrangement vaut mieux un bon Procès» Votre analyse, lors de cette audition, témoigne d’une compréhension approfondie des enjeux juridiques, économiques et sociaux sous-jacents à la question des détournements de fonds publics. Elle repose sur des principes solides, notamment :
1. Le pragmatisme, en optant pour une approche qui privilégie la restitution effective des fonds publics détournés, plutôt que de se limiter à une approche exclusivement punitive, qui pourrait se révéler contreproductive ;
2. Le bilan matériel tangible, qui permettra de démontrer de manière concrète l’efficacité de la lutte contre la corruption et la délinquance économique, en obtenant des résultats mesurables en matière de récupération des fonds publics ;
3. L’évitement d’un procès politico-médiatique excessif, qui, par le passé, a dénaturé et fourvoyé des procédures judiciaires, comme en témoigne l’expérience de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI), et qui a causé des préjudices tant pour l’État que pour l’image de certaines juridictions d’ici et d’ailleurs sur des décisions de justice les plus controversées.
Cette approche s'inscrit dans un cadre juridique clair, qui s’appuie sur plusieurs instruments législatifs, notamment le Code de Procédure Pénale, où la médiation pénale et la transaction pénale trouvent déjà leur place. Ces dispositifs sont pleinement reconnus dans notre droit positif, et leur mise en œuvre efficace pourrait constituer un levier important dans la gestion des affaires économiques et financières.
Toutefois, plusieurs questions demeurent quant à l’équilibre entre la répression et la médiation pénale :
• Une réponse purement répressive est-elle toujours la plus adaptée pour restaurer les équilibres économiques et financiers ?
• Peut-on envisager une société dans laquelle les dirigeants sont systématiquement poursuivis pour la moindre infraction, ce qui pourrait nuire à l’attractivité économique et à la confiance des investisseurs?
• Dans le cadre de la médiation pénale, quel rôle jouerait la validation judiciaire pour garantir transparence et impartialité, et comment assurer la protection des droits fondamentaux des parties concernées ?
Le Code de Procédure Pénale, prévoit déjà des mécanismes similaires à la médiation, notamment l’article 451 qui autorise la médiation en phase de jugement, et l’article 32 qui l’autorise au stade des poursuites. La question du recouvrement des fonds, dans le cadre de la médiation pénale, pourrait ainsi être envisagée comme une transaction avant jugement, sous réserve de respecter les principes d’équité et de transparence
Par analogie, le recouvrement pourrait prendre les allures d’une forme de médiation au cours des poursuites. À défaut, ne serait-ce qu’une appellation atténuée d’un remboursement ou d’un cautionnement intervenant en phase d’instruction, en application de l’article 140 du Code de procédure pénale ? À moins qu’il ne s’agisse plutôt d’une confiscation au sens de l’article 30 du Code pénal ?
Dans tous les cas, cette tentative de déterminer le véritable sens et le fondement juridique du « recouvrement ante-jugement » démontre qu'il serait préférable que tout mode alternatif de règlement soit supervisé par un juge ou, à tout le moins, par le parquet. Il est intéressant de noter que ce processus trouve une référence dans le droit français, par la Loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, où la médiation pénale est consacrée en droit positif (article 41-1 du Code de Procédure Pénale). Cette loi a permis d’instaurer un cadre juridique formel pour la médiation pénale. Cependant, la mise en œuvre du recouvrement des fonds avant jugement soulève des préoccupations majeures, notamment en matière de transparence. Un processus de recouvrement qui se déroulerait en dehors du contrôle judiciaire ou de celui du parquet risquerait d’être perçu comme un compromis à l’intégrité du processus. La transparence doit être assurée, conformément à la Loi n° 2012-22 du 27 décembre 2012, portant Code de Transparence dans la gestion des finances publiques , qui impose un droit d’information au public et une supervision stricte des opérations financières. La discrétion, dans certaines situations, pourrait contribuer à préserver l'intégrité du processus judiciaire et à éviter des préjudices collatéraux. Les tribunaux, en particulier dans les affaires sensibles, sont parfois perçus comme des arènes médiatiques où l’honneur des mis en cause est mis à mal, ce qui nuit à l’objectif ultime de la récupération des fonds et de la stabilité économique.
Monsieur le Ministre, en optant pour une stratégie inclusive qui combine sanction et médiation, vous ouvrez une voie pertinente pour une politique pénale plus en phase avec les réalités économiques et sociales du Sénégal. Nous vous encourageons à veiller à ce que ces dispositifs soient mis en œuvre de manière transparente, garantissant ainsi à la fois l’efficacité de la justice et le respect des principes d’intégrité publique.
Enfin, il est évident que la lutte contre la délinquance économique et financière ne pourra atteindre ses objectifs qu’en conciliant répression et prévention, en instaurant une synergie qui permettra de traiter les causes profondes des détournements tout en permettant une récupération efficace des fonds publics. Dans l’attente de voir ces réformes mises en œuvre, Monsieur le Ministre, recevez l’expression de notre plus haute considération, tout en vous renouvelant nos vœux de succès dans cette initiative décisive pour une justice économique plus équitable et plus performante.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.
Par Baba DIOP
MEDOR
Albert Niogombaye Samb, ami d’enfance et voisin de Ton’s est également parent à plaisanterie de ce dernier. Niogo et Ton’s s’entendent comme larrons en foire. Ils se jouent constamment des tours comme du temps de leur tendre enfance
Albert Niogombaye Samb, ami d’enfance et voisin de Ton’s est également parent à plaisanterie de ce dernier. Niogo et Ton’s s’entendent comme larrons en foire. Ils se jouent constamment des tours comme du temps de leur tendre enfance.
Derrière cette belle entente, il y a comme un caillou. Le caillou se nomme Medor, le chien de Albert Diogombaye Samb. Un dog allemand surnommé « Apollon de la gente canine », à cause de sa taille imposante. Albert Samb s’était occupé du molosse depuis bébé. Le chien appartenait à sa patronne. Mais c’était Diogo qui le torchait, le dorlotait, nettoyait sa niche et le promenait. Un attachement liait Albert et Medor. Au moment de quitter le Sénégal, sa patronne touchée par la complicité qui liait Diogo à Medor décida, le cœur meurtri de céder Medor à Diogo qui une fois de retour au quartier bombait le torse. Tout le monde lui cédait le passage. Ton’s à la vue du chien changeait non pas de trottoir, mais de rue, ce qui amusait beaucoup Diogo qui fier comme Artaban se gaussait de Ton’s qui avait une peur bleue des chiens qu’ils soient toutou ou molosse et à raison. Ton’s avait été mordu par un chien d’où son aversion.
Hier, couché sur son « pliyane » avant l’heure du ndogou, Ton’s avait les narines ouvertes sur la succulente odeur du poulet de Tata posé sur le rôtissoire. Il s’en délectait. Et avant que Oustaz Alioune Sall n’annonce son « dokk diotna fi ci ndakarou ak lu ke weur », le chien de Diogo sauta par-dessus le muret de Ton’s et Ton’s de sauter sur le poulet pour se retrouver en haut du manguier et de dire à Tata « Dowal wouti echelle so bougué ndogou»
PAR Pape Touty Makhtar Sow
BA BOCAR MOUSSA, UN PANAFRICANISTE BÂTISSEUR DE PONTS DE FRATERNITÉ
Bocar n’était pas seulement un dirigeant politique clairvoyant, armé de la théorie marxiste, il était surtout un militant ingénieux, en liaison avec les masses, impliqué dans les tâches pratiques à la base
Une illustre figure du combat patriotique africain a rejoint son adresse destinale. En effet, Ba Bocar Moussa, militant infatigable de la démocratie et de la justice au service des peuples, était une passerelle entre le mouvement national démocratique (MND) mauritanien et le MND sénégalais. Les camarades sénégalais se souviennent encore de sa prise de parole au 1er congrès légal de And-MRDN tenu en 1983. Ses propos prononcés avec une rare éloquence avaient fortement retenti dans la salle du cinéma El Mansour pour exprimer la solidarité du Parti des Kadihines de la Mauritanie (PKM) à son parti frère du Sénégal.
De Nouakchott à Saint-Louis (lycée Charles de Gaulle) à l'Université de Dakar, puis à Paris, Bocar, par son engagement et son enthousiasme, a constitué un liant stimulant entre militants sénégalais et mauritaniens. Bâtisseur de ponts, il a su relier les mouvements progressistes du Nord et du Sud du Sahara. Ainsi, Il a été l'artisan discret de l’odyssée de solidarité aux militants et combattants du Front Polisario sous les bombardements de l’armée marocaine que Landing Savane et moi-même avons menée à la fin des années 70 à Tindouf, puis Al Ayoun et Dahla au nom de And Jef pour exprimer le soutien du peuple sénégalais contre l’injustice imposée aux populations Saharoui. Il a également coordonné avec bonheur la délicate opération de sauvetage et d'évacuation du principal responsable du parti le Mouvement pour la Justice en Afrique (MOJA- Gambie), Koro Sallah, blessé et poursuivi au moment des événements sanglants du putsch perpétré par Kukoi Samba en Gambie en 1981. Avec les progressistes et démocrates du Mali, de la Guinée et particulièrement du Burkina Faso sous la présidence de Thomas Sankara, Bocar avait tissé des liens étroits de solidarité et d’amitié.
Au sein de la communauté mauritanienne, il était aussi un trait d'union. Il a prôné, sans jamais se lasser, l'unité de la nation mauritanienne dans le respect des diversités ethniques et culturelles ; ni chauvinisme ni nationalisme étroit ! Lui-même était un modèle accompli d’intégration : il parlait couramment le hassania, l’arabe, le poular, le français et l'anglais voire même le soninké si je ne m’abuse. Chercheur, il se passionnait autant pour les structures et dynamiques sociales des populations de la région du Gorgol que pour les tribus du Trarza, de l’Adrar ou du Zemour.
Bocar n’était pas seulement un dirigeant politique clairvoyant, armé de la théorie marxiste, il était surtout un militant ingénieux, en liaison avec les masses, impliqué dans les tâches pratiques à la base. Pendant la période de la clandestinité, nous avons arpenté les ruelles des banlieues dakaroises de jour et de nuit pour conduire des missions, en évitant de tomber sous les fourches d’un Etat policier, répressif. Nous avions ainsi établi une base au marché de la Rue 6 de la Médina où nous nous mouvions comme des poissons dans l’eau. Cet espace jalonné d’étals maures nous servait de cadre de rencontres, d'échanges d'expériences, de support de distribution de journaux clandestins. Un jour, au cours d’une séance d’instruction sur les mesures préventives en vue d’échapper à une descente policière éventuelle, il suggéra à un camarade de prévoir d’utiliser les carcasses de mouton comme cache de documents sensibles.
Bocar, toujours en alerte, disposait d’une intelligence stratégique exceptionnelle qui lui donnait une capacité d’analyse et d’adaptation. Qualités que Abdoulaye Bathily a détectées très tôt alors que Bocar siégeait au Comité Directeur (CD) de l’Union des Etudiants de Dakar (UED) en notant dès cette époque : « la pertinence de ses réflexions, adossée à son courage dans l’action, lui donna très vite la stature morale du dirigeant qui va continuer de s’affirmer à l’épreuve des luttes… ». Pour ma part, j’ai été impressionné par la lucidité des enseignements qu’il a tirés de son expérience de participation à un gouvernement pour le compte de son parti l’Union des forces du progrès (UFP). Il me confia, autour d’un thé à la menthe et avec un grand humour, que le pouvoir politique est une épreuve terrible pour un militant qui veut rester conforme à ses principes. On ne peut être totalement indifférent, avoua-t-il avec franchise, des délices du pouvoir qui modifient forcément la perception des choses. A son avis, il faut une vigilance à toute épreuve et une pratique constante de la critique et l’autocritique avec rigueur et sincérité pour espérer rester fidèle à ses idéaux.
Sorti indemne de ce qu’il nomme l’aventure du pouvoir, il remit le métier sur l’ouvrage et reprit une vie normale de citoyen toujours proche des simples gens. Au-delà du combattant, Bocar était un homme plein de sollicitude, généreux dans le partage du savoir, doté d’une vaste culture générale, scientifique et politique, attentif aux autres avec un sens élevé de l’écoute ; il mettait d’abord l’accent sur les forces de chacun en vue de le stimuler avant de relever les faiblesses à corriger. Il avait une foi inébranlable en la force du collectif face à l’adversité et en la capacité des peuples à s’unir et à se libérer.
Cher Bocar, les ponts que tu as jetés n’ont pas cédé. Ce matin, c’est du Sénégal, ta patrie de choix que tu as été conduit à ta patrie d'origine en Mauritanie. Ainsi tu as bénéficié d'une double levée de corps à Dakar et à Nouakchott, avec des hommages poignants livrés par des camarades, auxquels tu es resté fidèle depuis plus de 60 ans, des amis et des parents. Ton fils Moctar a su rappeler avec adresse et délicatesse ton principe de retenue dans les rapports avec les pouvoirs politiques.
A sa compagne Fanna Hann Ba, à sa famille et à ses camarades de l’Union des forces du progrès (UFP) de la Mauritanie, aux peuples d’Afrique, j’exprime ma compassion et mes condoléances. Je porte témoignage que Ba Bocar Moussa a accompli sa part de mission dans la marche pour la liberté, l’émancipation et l’avènement de la justice sociale en Afrique
Que les portes de la miséricorde divine lui soient largement ouvertes !
par Mamadou Lamine Sow
LA RESTRUCTURATION DE AIBD SA, UN ENGAGEMENT NATIONAL POUR L’EXCELLENCE
Une refonte complète du modèle économique et de gouvernance s'impose, avec des actions concrètes sur la fiscalité excessive, les monopoles d'établissement et les synergies insuffisantes entre AIBD SA et Air Sénégal SA
Notre pays le Sénégal, en tant que territoire en développement en Afrique de l’Ouest, a formulé dans le passé, plusieurs visions et stratégies économiques et politiques pour stimuler son développement et améliorer les conditions de vie de ses citoyens.
Aujourd’hui, une stratégie globale est poursuivie dans le cadre de la vision Sénégal 2050 pour transformer son économie, renforcer sa gouvernance et réformer ses secteurs clés pour maintenir encore une hypothétique position de leader dans le secteur aérien en Afrique de l’Ouest.
Contexte
L’État du Sénégal a affiché son ambition de positionner stratégiquement le Sénégal comme un hub aérien régional majeur et Dakar comme une escale technique préférentielle en Afrique de l’ouest.
Cette vision implique cependant, plusieurs initiatives et des étapes clés pour arriver à se positionner comme un hub aérien significatif en Afrique de l’Ouest :
améliorer et développer les infrastructures existantes pour répondre aux standards internationaux ;
augmenter le nombre de destinations accessibles en développant des partenariats avec des compagnies internationales pour de nouvelles lignes, de nouvelles connectivités et attirer plus de passagers en transit ;
soutenir le développement de compagnies nationales robustes et compétitives, capables de desservir des liaisons locales, régionales et internationales ;
À ces points clés,
veiller en collaboration avec l’Anacim, sur les aspects réglementaires de sécurité et de sureté aux normes internationales ;
en plus d’investir dans des programmes de formation pour développer une main d’œuvre hautement qualifiée dans le secteur,
encourager les partenariats entre le secteur public et secteur privé pour financer les projets d’infrastructures et d’innovation,
tirer parti du hub aérien pour stimuler le secteur du Tourisme et attirer des investissements.
Cette vision doit également mobiliser le soutien gouvernemental avec une volonté politique pour la mise en œuvre de stratégies coordonnées visant à établir le Sénégal comme un point nodal du trafic aérien régional.
En tout état de cause, c’est sur la base d’une telle vision que d’importants investissements ont été consentis et des réformes engagées pour sa réalisation.
L’Aéroport International Blaise Diagne, AIBD SA représente dix (10) ans de travaux et plus de 600 millions d’euros, Air Sénégal SA, un Capital social initial de 40 Milliards XOF et autant en acquisition d’actifs et compensation de pertes d’exploitation.
Après huit (8) ans d’exploitation, malgré les réformes ayant sous tendu ces investissements colossaux, le saut qualitatif attendu n’est pas au rendez-vous et les résultats économiques et financiers affichés sont bien en deçà de ce que le Sénégal est en droit d’attendre.
AIBD SA et Air Sénégal SA, deux acteurs interdépendants, maillons centraux de la chaine de valeur où AIBD SA fournit l’infrastructure nécessaire à Air Sénégal SA pour son développement et Air Sénégal SA apporte le trafic nécessaire à AIBD pour sa croissance, sont ainsi devenus les maillons faibles du système aérien sénégalais.
Leur défaillance pourrait affecter durablement l’économie du secteur aérien et indirectement la viabilité de secteurs clés de l’économie nationale, comme le tourisme consubstantiel au transport aérien, mais aussi, l’accessibilité internationale, l’attractivité économique et la compétitivité territoriale du Sénégal.
Contexte spécifique
Certains indicateurs de performance notamment, ceux de novembre 2024 affichent un véritable effondrement du volume du trafic du fret aérien de 17,4%, de la quantité de mouvements d’aéronefs de 7,3% et du nombre de passagers de 4,6%, illustrant un secteur en perte de vitesse et en quête de relance.
Entre absence de performances économiques, difficultés financières, faible rentabilité, la restructuration devient nécessité pour assurer la viabilité à long terme. Restructurer pour encourager l’investissement et le développement durable du secteur, attirer plus de compagnies aériennes pour augmenter le trafic et compenser un marché aérien sénégalais non compétitif par rapport à ses voisins.
Malgré les efforts déployés, une grande partie du trafic aérien transite par quelques aéroports, en particulier ceux du Caire, de Johannesburg, de Casablanca et d’Addis-Abeba, de nombreuses autres routes ne sont pas ou peu desservies.
Le gouvernement, dans le cadre des politiques de rupture et d’assainissement des secteurs de croissance, a retenu la nécessité d’entreprendre la restructuration de ces opérateurs.
L’État dispose pour cela, de tous les leviers d’actions, en tant qu’actionnaire, concédant mais aussi, fournisseur de services de la navigation aérienne à travers l’ASECNA, superviseur et régulateur du système aérien à travers l’ANACIM, dépositaire des prérogatives d’autoriser les opérateurs, d’organiser le secteur et d’attribuer le ciel, les droits de trafic.
Problématique
Le transfert des opérations de l’aéroport Léopold Sédar Senghor vers l’aéroport International Blaise Diagne en 2017, n'a pas été l'occasion pour l’État du Sénégal de combler certaines défaillances structurelles pour bénéficier de plus de connectivité, de plus d’emplois et de croissance que permet le secteur en le réorganisant et l’alignant sur les objectifs nationaux de moyen et long terme, un impératif pour garantir sa résilience et sa croissance.
On s’est plutôt contenté de dupliquer les mêmes travers jadis observés à l’aéroport international Léopold Sédar Senghor.
Il en résulte une série d’adaptations opérées au fil des ans, en lieu et place de véritables restructurations, ce qui a engendré des insuffisances croisées rendant quasi-impossible leur compréhension et l’atteinte des objectifs assignés.
Alors que nos aéroports souffrent des mêmes handicaps et font tous face aux mêmes épreuves : insuffisance d’infrastructures, défauts de gestion et de gouvernance, utilisation sous-optimale des ressources, mauvaise planification induisant une faible rentabilité, le tout avec une connectivité limitée qui décourage les investissements directs étrangers et le tourisme à cause des couts d’exploitation élevés, des frais imposés aux compagnies qui réduisent la compétitivité et exacerbent une concurrence régionale, avec des hubs régionaux émergents qui détournent le trafic vers des aéroports mieux équipés ou mieux situés stratégiquement.
Facteurs de progrès
Il est donc crucial de promouvoir des partenariats PPP, améliorer la gestion et la gouvernance, encourager les politiques qui soutiennent le développement durable des infrastructures avec plus de coopération régionale pour améliorer la connectivité, et la compétitivité globale.
En termes d’infrastructures
La programmation de la mise à niveau de l’infrastructure (AIBD) s’impose par l’extension de l’aérogare Terminal passager, Terminal fret, Création d’une Zone de transit (hub), Création de hangar Cargo-fret, hangar abri avion, hangar de maintenance et une Zone technique.
En termes de mode de gestion
La privatisation de la gestion n’est pas la solution magique, pas plus que la concession ou la nationalisation, mais plutôt le choix d’une gouvernance d’entreprise qui fait la distinction entre l’actionnariat (l’État) et le management et dans laquelle le gouvernement définit la stratégie sur les sujets majeurs et au jour le jour, la direction composée de gens de métiers de l’aviation exécute les tâches de gestion. Procéder au rééquilibrage entre la société de patrimoine et celle de gestion et pourquoi pas consolider les deux missions.
En termes de fiscalité
Un réel handicap pour le transport aérien africain et pas seulement sénégalais et où le Sénégal s’illustre dans le top 10 des pays de l’Afrique de l’ouest et du centre aux redevances les plus élevés. Le régime des taxes et redevances plombe le coût des billets, influence la croissance du secteur et rend les vols hors de portée.
En termes de partenariats public-privé
Veiller à concilier davantage, les intérêts pas toujours convergents de l’État, du Partenaire technique et du Privé.
En termes de coûts d’exploitation
Veiller à l’effectivité des politiques de réduction de couts dans la gestion quotidienne ; les couts élevés associés au faible trafic de passagers entraînent des hausses de tarifs.
En termes de monopole d’établissement
Les situations de monopoles au niveau des plateformes aéroportuaires rendent les services inefficaces et contribuent fortement à obérer les coûts de production, alors que les retours sur investissement s’établissent à environ (-2,6%) pour la plupart de nos aéroports Ouest-africains et qu’en-dessous de 1 million de passagers, un aéroport n’atteint pas encore son seuil de rentabilité.
En termes de synergies AIBD SA-Air Sénégal sa
AIBD SA doit se concentrer sur sa capacité à construire un véritable hub capable de rivaliser avec ceux de l’Afrique de l’Est pas seulement d’Abidjan et de Lomé pendant qu’Air Sénégal SA travaille sur des stratégies d’alliances et à résoudre les problèmes de surcapacité.
AIBD SA doit travailler sur le tissu régional et le développement des aéroports secondaires pendant qu’Air Sénégal SA se transforme en un véritable levier de développement du tourisme au Sénégal et de la connectivité.
AIBD SA doit tendre vers « les aéroports de demain » avec des modèles économiques en réponse aux attentes des consommateurs et le besoin de nouvelles sources de revenu, en allant vers plus d’intégration avec ses partenaires aériens et non-aériens, en utilisant des technologies centrées sur le passager pour réduire les couts, améliorer l’expérience de voyage et accroitre la fidélité, en renforçant l’acceptation environnementale et sociétale.
AIBD SA doit intégrer des leviers d’actions clés, étendre ses services en renforçant et en digitalisant les commerces ; utiliser des systèmes d’incitation des compagnies, développer des partenariats sur mesure et des services réinventés.
Changer de méthode de développement des projets, du fait des budgets souvent déficitaires qui font peser leurs charges sur les compagnies aériennes qui les répercutent sur les prix des billets rendant les voyages plus onéreux, avec conséquences de baisser à terme, le trafic.
Enfin, AIBD SA doit tenter de répondre aux problématiques clés suivantes :
Où en sont les aéroports du Sénégal par rapport aux plans stratégiques passés et à l’environnement du marché ? Quelle est la feuille de route stratégique de AIBD ? Quels axes stratégiques peuvent en être dérivés et comment les mettre en œuvre ?
Dans quelles activités : commerces, aéronautiques, parking, immobilier, assistance, catering etc., les aéroports du Sénégal doivent- ils investir ? Comment les revenus des activités non-régulées doivent-ils être réinvestis ou réalloués ? Quelle stratégie d’investissement ?
La structure de redevance actuelle est-elle compétitive par rapport aux autres aéroports de la région et hors région ? Quel est le positionnement des aéroports sénégalais en termes de taxes d’aéroport ? et l’ impact négatif potentiel sur le trafic. Quelle stratégie doit-être définie pour renégocier la structure des redevances ?
Quelle est l’intensité de la relation entre AIBD et ses principales compagnies ? Quels sont les divers drivers du trafic des aéroports du Sénégal ? Les infrastructures des aéroports du Sénégal sont-elles adaptées aux perspectives d’évolution et les impacts en termes de revenus et d’investissements requis ?
Comment aligner les intérêts de la compagnie nationale et ceux des aéroports du Sénégal (Air Sénégal SA et AIBD SA), quelle génération et quel partage de valeur ? en réponse à quelle stratégie et quelles ambitions de l’État ? Les directions de AIBD SA et celle de Air Sénégal SA, partagent-elles la même vision des enjeux et priorités ? quelle valeur ajoutée peut-être ciblée ? Sur quel support politique, Ministère ou Régulateur (ANACIM), les deux entreprises peuvent-elles compter pour collaborer ? Comment une structure commune de coopération peut-elle être mise en place et comment les actions communes peuvent-elles être améliorées à court termes ?
Comment maintenir un positionnement attractif ? accroitre la fidélité des compagnies et des passagers ? Comment accroitre la consommation des passagers au sein de AIBD ? Comment équilibrer les baisses de revenus liés au trafic et les revenus complémentaires ? Comment améliorer l’efficacité et la performance aéroport en termes de gouvernance de chaque aéroport et gouvernance commune de tous les aéroports grâce à une organisation rationalisée ?
Comment s’assurer que l’organisation de AIBD SA délivrera le plus haut niveau de service ? Comment améliorer la performance opérationnelle et les fonctions support pour plus de productivité et de gain de temps ? Comment réduire les couts tout en étant plus efficace ?
Mamadou Lamine Sow est spécialiste en transport aérien.
Il est urgent de soustraire du projet de loi portant statut des Notaires, avant son adoption par l’Assemblée nationale, toutes les voies d’accès projetées par une simple poignée de notaires, autre que le concours
Monsieur le président de la République,
Monsieur le président de l’Assemblée nationale,
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le ministre de la Justice, Garde des Sceaux,
Le Notariat sénégalais a de tout temps été confronté à un problème d’accès à la profession imposé par des personnes qui en assuraient la gestion au niveau de la Chambre des notaires. Des indépendances jusqu’en 2013, date du premier concours, l’accès ne s’est fait que par le choix opéré par des titulaires de charges soit sur des membres de leur famille soit sur des personnes qui leur étaient soumises au détriment des Sénégalais méritants « sans parrain ».
En 2011 déjà, la Cour suprême rendait un arrêt par lequel, elle déboutait des personnes ayant passé des dizaines d’années dans les Études de Notaire parce qu’à l’époque, la Chambre des Notaires refusait catégoriquement que ces personnes soient nommées.
En 2013, contre vents et marrées et malgré une forte résistance et un fort lobbying des notaires, Madame Aminata Mimi Touré, Ministre de la Justice, avait organisé le premier concours d’accès au stage de l’histoire du Notariat offrant ainsi la chance au pauvre fils du paysan, du pêcheur, del’éleveur et du Sénégalais moyen, d’avoir enfin accès à cette profession où, seule l’excellence doit être de mise.
La Chambre des Notaires ne pouvant empêcher la tenue du concours, n’en baissait pas moins les bras continuant le combat contre le ministre de la Justice, en refusant dans un premier temps d’intégrer certains stagiaires (issus du concours) et en renvoyant même d’autres en cours de stage pour les faire sortir de la profession. Cela n’avait pas manqué de provoquer une forte résistance de la part des stagiaires qui avaient saisi le ministre la Justice, organisé des points de presse et donné des interviews. Certains avaient même été arrêtés lors d’une manifestation devant le Palais présidentiel.
C’est à la suite de sept (07) années de stage qui était pourtant fixé à trois (03) ans par le statut des notaires, que le président Macky Sall, lui aussi, contre vents et marrées et un fort lobbying a créé vingt (20) charges et nommé quarante (40) notaires dont vingt-deux (22) issus du concours et dix-huit (18) issus de la liste alors appelée « viviers » pour résorber tous les problèmes du Notariat. Avec cet acte posé, il scellait ainsi toute possibilité de nomination en tant que notaire, d'une personne qui ne réussirait plus dorénavant au concours :
De 2014 à 2022, des personnes ayant échoué au concours (la fameuse liste dite des 15) ont, avec l’appui de leur parrain « Notaire » et au détriment du métier, essayé de se faire nommer notaire. Ce qui a été refusé tour à tour par Monsieur Malick Sall et Monsieur Ismaila Madior Fall tous deux ministre de la Justice, estimant tous les deux que de telles nominations iraient à l’encontre du respect de l’égalité des chances et participaient à privilégier une certaine classe « neveux, fils, nièces, amis, etc. de notaires » au détriment des autres.
En 2023, le second concours a été organisé dix (10) années après le premier et trente (30) personnes ont été déclarées admises dont vingt (20) pour le concours direct et dix (10) pour le concours professionnel.
Aujourd’hui, les vingt (20) stagiaires issus du même concours n’ont pas les mêmes dates d’inscription sur le registre alors qu’ils ont réussi au même concours. Cela étant dû au retard enregistré dans leur intégration dans les cabinets. Ces derniers ont même adressé récemment une correspondance à la chambre des notaires pour demander la baisse de la durée de stage qui devrait passer de cinq (05) à trois ans, comme pour le concours du Barreau.
Fort de tout ceci, le Notariat que l’on croyait avoir rompu avec ces pratiques d’un autre âge (népotisme,parachutage, parrainage, etc.) continue toujours, à travers quelques un de ses membres (qui avaient pourtant fermement combattu l’accès aux 22 stagiaires légitimes issus du concours), à vouloir intégrer des personnes « leurs protégés » qui n’en ont pas le droit et qui se répartissent comme suit :
- Celles qui ont échoué au premier concours et ont refusé de se présenter à nouveau pour le second estimant que c’est leur droit d’être nommé directement comme notaires du fait de leur ancienneté ;
- Celles et ceux qui sont titulaires du diplôme supérieur du Notariat (diplôme français) qui ne peut être considéré comme diplôme de référence et qui a été rejeté par 99% des notaires sur l’actuel projet de projet de loi portant statuts des notaires. Le diplôme ne justifie pas la compétence. Si le titulaire dudit diplôme est aussi apte, il n’aurait pas de difficultés à passer avec succès tout concours.
Il est cependant à noter que malgré « l’adoption » du projet de projet de loi des statuts en plénière de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau, certains continuent toujours à vouloir l’amender pour réintégrer tous les points négatifs déjà enlevés lors de la soumission du projet à tous les notaires (la majorité devant l’emporter). Certains notaires sont prêts à tout pour que certaines personnes intègrent la profession et de ce fait, ils essaient de vouloir masquer leurs forfaits en intégrant d’autres personnes qui seraient dans la même posture que « leurs protégés » de sorte que, si la loi est adoptée avec leurs dernières observations taillées sur mesure et non soumises à la majorité pour observations (tricherie), qu’ils en profitent pour les faire nommer avant son abrogation future pour faire valoir par la suite, la théorie des droits acquis.
Monsieur le président de la République et Monsieur le Premier ministre, vous avez été une fois abusés à travers le décret N 2024-1181 par lequel vous avez nommé une personne aux fonctions de notaire alors qu’elle ne remplissait pas les conditions requises. Il est donc urgent que vous preniez en main le projet de projet de loi portant statut des Notaires pour y soustraire, avant adoption par l’Assemblée nationale, toutes les voies d’accès projetées par une simple poignée de notaires, autre que le concours qui demeure le soubassement de votre crédo au niveau des populations et le parachèvement ultime de l’égalité des chances et des citoyens devant la loi.
Pour l’accès uniquement par voie de concours.
Pour que vive l’égalité des chances.
PAR CHEIKH TIDIANE MBAYE
L'ÉMIGRATION IRRÉGULIÈRE À DIONEWAR, UN CHOIX, UNE FATALITÉ ?
À Dionewar, l'émigration irrégulière ne se mesure pas seulement en départs, mais aussi en absences. L'absence des garçons dans les maisons, dans les activités communautaires comme le mouvement Navétane, en dit long sur l'impact de cette dynamique
J'ai eu l'occasion, lors d'un voyage pédagogique à Dionewar avec des des étudiants de l'Un-Chk ( ex UVS) du club de sociologie de l'ENO de Mbour, de toucher du doigt une réalité qui dépasse les simples chiffres et les discours officiels sur la migration irrégulière au Sénégal. Là-bas, l'émigration clandestine n'est pas seulement une option, presque un passage obligé.
Dans cette localité où la la pêche, jadis florissante, peine aujourd'hui à nourrir ses travailleurs, l'horizon est bouché pour une jeunesse en quête d'un avenir meilleur.
Le constat est révélateur de l'ampleur du phénomène. À Dionewar, l'émigration irrégulière ne se mesure pas seulement en départs, mais aussi en absences. L'absence des garçons dans les maisons, dans les rues, dans les activités communautaires comme le mouvement Navétane, en dit long sur l'impact de cette dynamique.
Le manque de perspectives professionnelles et la pauvreté omniprésente façonnent un imaginaire collectif où l'Europe est conçue comme un eldorado.
À Dionewar, partir par la mer, c'est aussi banal que prendre un car rapide pour Dakar.
Ceux qui réussissent - ou du moins, ceux en donnent l'apparence - sont les émigrés clandestins. Leurs maisons imposantes et leur réussite matérielle sont les meilleures campagnes de promotion pour ce voyage périlleux.
Ce qui m'a le plus marqué, c'est l'implication des familles elles-mêmes dans ce processus.
Contrairement à l'image de jeunes fuyant en secret. Ici, ce sont les parents qui financent ces départs. Investir dans un voyage clandestin est souvent perçu comme le seul moyen d'assurer une ascension sociale à leur progéniture.
Lors de notre dernier jour à Dionewar, nous avons échangé avec des jeunes tout juste rapatriés d'une tentative avortée. Loin d'être découragés, ils nous ont confié qu'ils étaient prêts à repartir dès que possible.
Aujourd'hui, alors que l'on parle de l'implication du maire de Dionewar dans un réseau de convoyage vers l'Espagne, je ne suis pas surpris. Je ne connais ni les tenants ni les aboutissants de cette affaire, mais une questione taraude : et si, au-delà de la légalité ou de l'illégalité de son acte, ce n'était qu'un cri d'impuissance face à l'absence de solutions locales ?
Le problème du Sénégal est sociologique. Nous persistons à refuser de nous regarder en face, à identifier nos failles et à nous donner les moyens de changer.
L'émigration clandestine n'est pas qu'une affaire de passeurs ou de candidats au départ, c'est un symptôme d'une crise plus profonde qui mérite une réponse globale. Car, comme le dit l'adage, on n'arrête pas avec ses bras.
Dionewar, comme bien d'autres localités du Sénégal, a vu sa jeunesse s'engager politiquement avec espoir et détermination.
Lors de notre voyage, nous avons constaté que ces jeunes, malgré les difficultés économiques et l'émigration clandestine, plaçaient leurs espoirs dans un changement politique. Un an plus tard, leur rêve s'est concrétisée avec l'accession de Pastef au pouvoir.
Dès lors, il y a une responsabilité morale du nouveau régime : répondre aux attentes de cette jeunesse qui a porté un projet de rupture.
La question de l'émigration clandestine, en particulier à Dionewar, ne peut être traitée sous l'angle de la seule répression ou des accords migratoires. Il faut des solutions globales et locales, durables et adaptées aux réalités des jeunes de dionewar et d'ailleurs.
Bien sûr, par honnêteté intellectuelle, il serait hasardeux de juger aujourd'hui de leur rapport au nouveau pouvoir.
L'engagement politique évolue au gré des actes posés par les dirigeants. Mais une chose est certaine, une jeunesse qui croit au changement est une jeunesse qui mérite des réponses concrètes.
Quand une localité voit disparaître une partie de sa jeunesse active, c'est tout son équilibre social, économique et culturel qui vacille. Ce n'est seulement une question de départs individuels, mais une véritable saignée qui affecte la structure familiale, la transmission des savoirs et même l'animation de la vie locale.
Cela montre que la migration irrégulière, à Dionewar comme ailleurs, n'est pas un simple choix personnel. C'est un phénomène collectif, un système ancré dans les réalités locales et perçu comme la seule issue possible.
Face à cela, il est impératif de réfléchir à des alternatives concrètes pour redonner espoir et perspectives à ces jeunes avant qu'ils ne prennent la mer.
PAR AHMADOU BELLA DIALLO
MISE À JOUR DE L'ÉCONOMIE SÉNÉGALAISE, LA FUTURE ARME DU GOUVERNEMENT
Le flop du rapport de la cour des comptes a mis les autorités sénégalaises dans une mauvaise posture. Aujourd’hui la mise à jour de l’économie sénégalais ou rebasing semble être une arme salvatrice pour ce gouvernement.
La déception des bailleurs de fond et des investisseurs privés suite à la conférence de presse du gouvernement en date du 26 septembre 2024. Aussi les dégradations successives de la note souveraine de l’état du Sénégal rend les conditions d’accès au crédit très compliqué voir impossible.
Le flop du rapport de la cour des comptes a mis les autorités sénégalaises dans une mauvaise posture. Aujourd’hui la mise à jour de l’économie sénégalais ou rebasing semble être une arme salvatrice pour ce gouvernement.
Il faut savoir que le rebasing (mise à jour de l’économie) est un processus visant à mettre à jour l’année de référence utilisée pour calculer le Produit Intérieur Brut (PIB) et d’autres indicateurs économiques. Cette révision permet de mieux refléter la structure actuelle de l’économie en intégrant les nouveaux secteurs d’activités et en améliorant la précision des données statistiques.
Au Sénégal, la dernière mise à jour a eu lieu en 2018, remplaçant l’année de base 1999 par 2014. Aujourd’hui, un nouveau rebasing est en cours afin de tenir compte des transformations économiques récentes, notamment l’essor du numérique, l’exploitation des hydrocarbures et la croissance des services financiers.
L’objectif de ce rapport est d’examiner les enjeux, la méthodologie et les impacts du rebasing, en mettant en lumière les secteurs à inclure et ceux à exclure.
À savoir : •Actualisation de la structure du PIB pour mieux refléter l’économie actuelle.
•Intégration des secteurs émergents tels que le commerce en ligne et les énergies renouvelables.
•Amélioration de la fiabilité des statistiques économiques et leur comparabilité au niveau international.
•Facilitation de la prise de décision économique et renforcer la crédibilité du Sénégal auprès des investisseurs.
Il faut cependant noter que le gouvernement sortant avait entamé le processus du rebasing en prenant comme année de référence 2023 (période post Covid 19).
Le choix de l’année 2023 est pertinent au regard des données collectées suite à des enquêtes auprès des entreprises, la collecte de statistiques fiscales et douanières, ainsi que des données issues des comptes nationaux.
Ce qui nous emmène à intégrer les activités des secteurs qui ont pris de l’importance dans l’économie sénégalaise et doivent être intégrer dans le nouveau calcul du PIB dont
* l’économie numérique et télécommunications (mobile Money tels que orange Money, wave …) et e-commerce
*Pétrole et gaz : exploitation des ressources offshore (GTA, Sangomar
* Énergies renouvelables : développement des parcs solaires et éoliens,
* Tourisme et industries culturelles : cinéma, mode, écotourisme.
Aussi il faut exclure certaines activités en perte de vitesse ou en déclin, illégal ou absence de données fiables comme :
* les activités clandestines et informelles non quantifiables (trafic, contrebande),
* Services administratifs non marchands qui n’ont pas d’impact direct sur la production économique.
Maintenant il faut voir l’Impact du Rebasing sur l’Économie Sénégalaise
Les premières estimations indiquent que le rebasing ou mise à jour de l’économie pourrait augmenter le PIB du Sénégal d’environ 30 %, le faisant passer à plus de 31 000 milliards de FCFA. Cette révision statistique aura plusieurs effets positifs :
* Réduction du ratio dette/PIB, passant de plus de 99 % à environ 70 %, améliorant ainsi la perception de la soutenabilité de la dette.
La mise à jour de l’économie donne une meilleure attractivité pour les investisseurs étrangers grâce à une évaluation plus réaliste du poids de l’économie et une possibilité d’adapter les politiques économiques en fonction de la nouvelle répartition sectorielle.
Aussi il faut noter les défis et recommandations puisque malgré ses avantages, le rebasing (mise à jour de l’économie) présente certains défis :
•Difficulté d’intégration du secteur informel, qui représente une part importante de l’économie mais reste sous-documenté.
•Manque de données précises dans certains secteurs émergents.
Pour surmonter ces obstacles, il est recommandé de :
•Améliorer la collecte et la fiabilité des données grâce à des enquêtes et des outils technologiques avancés.
•Sensibiliser les acteurs économiques à l’importance de déclarer leurs activités pour une meilleure visibilité économique.
•Mettre en place un suivi régulier pour éviter des écarts trop longs entre deux exercices de rebasing.
Et enfin le rebasing (mise à jour de l’économie sénégalaise) est une étape cruciale pour moderniser les outils statistiques du pays et offrir une image plus fidèle de sa réalité économique.
En intégrant les nouveaux secteurs dynamiques et en excluant les activités non pertinentes, cette révision permettra d’améliorer la prise de décision économique et d’attirer davantage d’investissements.
Cependant, il est essentiel de renforcer la collecte des données et d’assurer une meilleure coordination entre les institutions économiques pour garantir la réussite du processus. Le rebasing doit être vu comme un outil stratégique pour une meilleure planification du développement du Sénégal.
Par Fatou Warkha SAMBE
QUAND LA VIE PRIVEE DEVIENT UN LIVE SUR TIKTOK
L’ascension fulgurante des influenceurs sur TikTok marque une transformation majeure du paysage numérique. Autrefois un simple espace de divertissement, TikTok est aujourd’hui un lieu stratégique où l’information, la polémique et le scandale cohabitent
L’ascension fulgurante des influenceurs sur TikTok marque une transformation majeure du paysage numérique. Cette application, autrefois un simple espace de divertissement, est aujourd’hui un lieu stratégique où l’information, la polémique et le scandale cohabitent pour générer du buzz. Si TikTok s’est imposé comme un outil incontournable pour des millions d’utilisateurs, il a aussi été perçu comme une menace par les autorités sénégalaises, qui l’ont temporairement suspendu lors des luttes contre le pouvoir de Macky Sall.
A l’époque, TikTok était devenu le refuge numérique des activistes et opposants, un espace où les internautes partageaient des informations en temps réel, mobilisaient des foules et diffusaient des critiques virulentes contre le gouvernement. Cette plateforme a également vu émerger une vague d’insulteurs politiques, des figures jusqu’alors inconnues qui, grâce aux algorithmes, ont gagné en influence en attaquant violemment les autorités en place. Aujourd’hui, même si cette pratique persiste toujours, elle semble s’être déplacée vers un autre terrain : celui de la vie privée devenue un spectacle interactif.
Cette vie privée exposée n’est pas seulement celle des influenceurs, mais surtout celle des célébrités et des anonymes devenus malgré eux des sujets de scandale. Chaque jour, de nouveaux «cas» émergent, où des vies privées sont dévoilées sans consentement, des secrets sont révélés de la pire des manières. Ces pratiques transforment la vie intime des individus en un spectacle continu, alimenté par un écosystème numérique où la viralité prime sur la véracité.
Toutes les informations partagées dans ces lives sont ensuite reprises, partagées et publiées par des comptes qui ne se soucient pas de leur exactitude. Peu importe que les révélations soient vraies ou non, l’essentiel est de générer du contenu, du clic et de l’engagement. Ainsi, la frontière entre vérité et manipulation se brouille encore davantage, laissant place à une culture du scandale, où les réputations peuvent être détruites en quelques heures, sans possibilité de rétablir les faits.
Le plus en vogue d’entre eux, celui qui prétend détenir l’exclusivité des «CAS», a récemment affirmé lors de ses dernières sorties que ce sont les proches des célébrités elles-mêmes qui lui fournissent ces informations. Certaines personnes iraient même jusqu’à payer entre 500 000 et 1 million de francs Cfa pour qu’il divulgue des «affaires» en direct.
Cette révélation met en lumière un marché de l’exposition et de la diffamation, où la vie privée devient une monnaie d’échange, et où les liens de confiance au sein des cercles intimes sont exploités à des fins de buzz et de profit.
Le phénomène des lives ne se limite pas au Sénégal. Partout dans le monde, des influenceurs exploitent les réseaux sociaux pour diffuser des polémiques et dévoiler des scandales. Des figures comme Coach Amonchic ont bâti leur notoriété sur ce type de contenu, prouvant que cette tendance dépasse les frontières. Cependant, il n’y a qu’au Sénégal que ces pratiques prennent une tournure aussi destructrice, où l’on ne se contente pas de commenter des faits publics, mais où l’on jette en pâture des vies privées, exposant des individus qui n’ont jamais demandé à être placés ainsi dans l’espace public. Ici, la délation et la divulgation d’informations personnelles sont devenues des armes pour détruire des réputations, parfois orchestrées par les propres proches des victimes.
Ce phénomène met également en lumière un voyeurisme malsain qui s’est installé dans la société sénégalaise. Il ne s’agit plus seulement de suivre un contenu, mais de s’acharner sur des individus exposés, parfois contre leur gré. Ce qui choque davantage, c’est la méchanceté des proches eux-mêmes, ceux qui, pour des raisons souvent viles - jalousie, vengeance, ou simple soif de notoriété- n’hésitent pas à vendre des informations intimes. Ce commerce de la diffamation est désormais bien rôdé, alimenté par une audience avide de scandale et une société qui a banalisé l’humiliation publique.
Dans cette quête d’attention permanente, la frontière entre vérité et mise en scène devient floue. Certaines «révélations» semblent savamment orchestrées pour maximiser l’audience. Alors, où se situe la limite entre authenticité et manipulation ?
Nous sommes dans une nouvelle forme de téléréalité interactive, où les frontières entre spontanéité et stratégie sont brouillées. Pourquoi cette fascination ? La transparence totale, la sensation de participer en temps réel à des vies rendues accessibles, l’illusion d’une proximité avec ces créateurs de contenus nourrissent cette addiction collective. Mais à quel prix ?
Dans la jungle du numérique, plus c’est choquant, plus ça marche. Les algorithmes de TikTok favorisent les contenus les plus polarisants et émotionnels. Le drame attire les vues, et les vues attirent l’argent.
Ils ont compris ces mécaniques et les exploitent parfaitement : des teasers avant les lives, des révélations chocs, des conflits amplifiés. Ce n’est plus seulement une histoire de contenu, mais une véritable stratégie médiatique où l’on capitalise sur le scandale. Et nous, spectateurs, sommes à la fois complices et consommateurs de cette mise en scène
Ces lives ne se contentent pas de capter l’attention. Ils impliquent le public. Chacun commente, prend parti, alimente la polémique.
Des extraits de ces directs sont repris sur d’autres plateformes, amplifiant le phénomène et nourrissant un cercle sans fin. Nous sommes-nous habitués à consommer la vie des autres comme un spectacle ? Sommesnous devenus des voyeurs insatiables ?
Ce qui est encore plus alarmant, c’est que même le mois béni du Ramadan n’a pas mis un frein à cette spirale infernale. La saison des «top cas» continue sans interruption, et l’on est en droit de se demander quelle société sommes-nous en train de devenir ?
Comment un peuple peut-il normaliser à ce point la mise en scène de la souffrance et du dénigrement ? Qui est le pire : ceux qui animent ces lives en passant des heures à décortiquer la vie des autres sans jamais prendre la peine de vérifier la véracité de leurs propos, ou ceux qui restent dans l’ombre, qui alimentent ces révélations en orchestrant des campagnes de diffamation contre des proches, des collègues ou des célébrités ?
Nous sommes à une époque où les vies privées sont transformées en monnaie d’échange, où la méchanceté et la trahison deviennent lucratives. Il ne s’agit plus seulement de curiosité malsaine, mais bien d’un mécanisme destructeur qui réduit des individus à de simples sujets de consommation, piégés dans un engrenage où ils n’ont aucun contrôle sur leur propre récit.
Cette quête de transparence absolue a un prix. Des influenceurs, exposés à une pression constante, sont pris au piège du cycle du buzz. Ils doivent sans cesse aller plus loin pour captiver leur audience.
Les conséquences sont lourdes : harcèlement en ligne, diffamation, pressions psychologiques, réputation détruite en quelques minutes. Le moindre dérapage peut mener à une vague de cyberviolence incontrôlable.
Nous avons tous une part de responsabilité dans cette mécanique infernale. A chaque vue, à chaque commentaire, à chaque partage, nous renforçons le pouvoir de ces influenceurs qui n’hésitent pas à briser des vies pour quelques milliers de likes. Il est urgent de questionner notre propre rôle dans cette industrie de la destruction. Jusqu’à quand continuerons-nous à nourrir ce système ? Jusqu’à ce que nous-mêmes, ou l’un de nos proches, soyons les prochains sujets d’un live ?
Par Baba DIOP
LAVEMENT
Ce matin, en entrant dans son « thaya peul », Tons constata que ses bourrelets avaient fondu comme beurre au soleil. Se dessinaient, sur le haut de son corps, ses clavicules. Il n’en croyait pas à ses yeux
Ce matin, en entrant dans son « thaya peul », Tons constata que ses bourrelets avaient fondu comme beurre au soleil. Se dessinaient, sur le haut de son corps, ses clavicules. Il n’en croyait pas à ses yeux. Lui Tons, grassouillet au début du ramadan, le voici devenu une planche à repasser. Dans cette cure d’amaigrissement, il n’y a pas que l’observance des règles du jeûne, il y avait aussi Tata qui voyait que la morphologie de Tons d’avant ramadan prenait les formes du lutteur Fodé Dossouba. Un ventre en pomme plus que proéminent, Il fallait, se dit Tata, mettre le holà. Elle n’avait pas besoin d’un sumo dans sa maison. Elle avait mis tout ce qui était gras dans le congélateur, puis l’avait fermé à clé. Pas de saucisson, point de beurre, pas de mayonnaise, pas de chocolat non plus. Tons avait beau haussé le ton devant cette privation de ce qu’il prenait pour les délices du monde. Tata restait de marbre, le sourire moqueur
Hier, la cousine du Fouta se pointa avec du « thiéré Ndondi et alors que Tata avait posé sur la table un succulent « Mafé kandia, crevette, touffa, guédiou yass », Tons en avait mis plein la panse. Il ne lui manquait qu’un déversoir pour évacuer le trop plein de son estomac. Quand la cousine du Fouta défit le morceau en tissu qui emballait le « Thiéré Ndiondi », Tons fut ému par l’appel du pays qui ne pouvait être remis au lendemain. Il s’empiffra de nouveau. A l’heure du Nafila, on entendit appeler au secours. « Oup lene ma ? Biir bi may tim biir ru kana ». Et la cousine du Fouta de conseiller à Tata : « Ah, gnou defal ka lavement bok »