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30 avril 2025
Opinions
texte collectif
MULTIPLE PHOTOS
NE DÉTRUISEZ PAS LES TERRES DU PHARE DES MAMELLES !
EXCLUSIF SENEPLUS - Aucun lotissement ne devrait être accordé sur les rayons de 500m du phare. Un site classé patrimoine mondial n’appartient plus seulement au Sénégal et moins encore à des bénéficiaires privilégiés
Construit en 1864 par les colons français, soit un an avant le port, le phare des Mamelles sert depuis lors de repère aux navigateurs. Tous les soirs, son faisceau blanc apparaît dans le ciel à la tombée de la nuit à raison d'une rotation toutes les cinq secondes, il est visible à une distance de 53 km.
Le phare des Mamelles est un phare situé sur la presqu'île du Cap-Vert, à environ 4 km au sud-est de la pointe des Almadies — l'extrémité occidentale du continent africain — dans la ville de Dakar (Sénégal), sur la plus occidentale et la plus grande des deux collines volcaniques coniques nommées les Mamelles.
Le phare c’est un point de repère pour les marins et les grands bateaux.
Le phare des Mamelles est le premier phare d’atterrissage de cette partie de l’Afrique. Son histoire est donc très liée à celle de toute la zone de l’Afrique de l’Ouest ouverte sur l’océan atlantique.
Servant de repère aux bateaux et aux avions dans toute cette partie de l'océan atlantique, le phare est alors un patrimoine historique à préserver et à défendre pour les générations futures, mais aussi pour la sécurité aérienne et maritime. Un accord gouvernemental a placé le Service des phares et balises du Sénégal sous la responsabilité duPort Autonome de Dakar.
Exposé des motifs ou pourquoi nous devons nous mobiliser pour préserver ce patrimoine
Le site géologique des Mamelles est inscrit à la liste des sites et monuments historiques classés ; il fait ainsi l’objet d’une protection règlementaire particulière et est ainsi « non aedificandi ».
Rare espace vert encore non encore totalement détruit par l’urbanisation sauvage et l’occupation anarchique du littoral de Dakar, il fait cependant l’objet de bien des convoitises de la part de promoteurs immobiliers et autres responsables privilégiés proches des pouvoirs politiques et financiers qui pensent avoir un droit de vie sur tous les biens communs.
C’est ce qui explique toutes les tentatives d’aliénation, d’occupation du littoral et aujourd’hui de cette assiette foncière du phare avec des lotissements et/ou construction présentant une apparence de légalité très douteuse et compromettante délivrée par on ne sait quelle magie sur une zone sismique et qui sert encore de site d’études à toutes les écoles du Sénégal. En réalité, aucune autorisation ; aucune occupation, aucun lotissement ne devraient être accordés sur les rayons de 500m du phare si l’on en croit les spécialistes géologues.
Aujourd'hui, ce patrimoine est menacé par des promoteurs véreux soutenus par des complices sans civisme ni patriotisme à l'intérieur de certains services administratifs. Un site classé Patrimoine mondial, n’appartient plus seulement au Sénégal ; et moins encore à des bénéficiaires privilégiés. Le phare est menacé par différents actes que sont l’exploitation des pierres par un système d’explosifs ; mais aussi par des constructions immobilières et hôtelières juste aux flancs du phare.
La dernière découverte a été ce chantier où un certain monsieur serait détenteur de titre foncier et qui s’est permis de débarquer un arsenal de matériels de construction pour venir creuser les racines du phare déjà menacé par d’autres actes abjects. La preuve par l’image ! Jugez-vous-mêmes !! (photos en illustration de ce texte).
Voilà ce qui se passe en ce moment sous notre Phare, un patrimoine mondial, un site géologique qui a servi de travaux de mémoire à notre chef d’Etat, le président Macky Sall, un lieu d’apprentissage pour nos écoles ; un outil de guide sécuritaire pour les navigations aérienne et maritime ! Aux côtés du Port Autonome de Dakar, qui a la responsabilité de ce site, nous allons défendre le phare et arrêter toutes les tentatives d’accaparement de cette assiette foncière si importante.
Pour arrêter tout ce désastre écologique avec tous les risques sécuritaires qui vont avec ; nous citoyens sénégalais, soucieux de l’intérêt supérieur de la Nation, avons pris l’engagement de nous mobiliser ensemble autour d’un Comité citoyen pour la préservation du Phare et de la colline des Mamelles de Dakar, en nous appuyant sur les expériences de PACTE Nouveau Monde et de la Plateforme pour l’environnement et la Réappropriation du Littoral (PERL) avec les Huit Objectifs déclinés dans la presse par son président, M. Moctar Ba, sans oublier le beau dossier de reportage déjà fait par un journaliste, Pape Alé Niang sur cette question d’occupation anarchique du littoral et de la privatisation de notre corniche. Le Collectif « Touches pas aux terres du Phare des Mamelles » s’engage sans réserve à défendre ce patrimoine de l’Humanité qui appartient en définitive aux générations futures du monde entier. Il met en garde toutes les personnes qui voudraient s’accaparer de ce patrimoine au détriment de toutes et de tous ! Il invite toutes les sénégalaises et tous les sénégalais, les citoyens du monde, à se joindre à ce groupe constitué de personnalités physiques et morales pour préserver cet espace qui est un bien commun.
Les premiers signataires de cet appel
Le Forum social sénégalais, PACTE Nouveau Monde, La Plateforme pour l’environnement et la Réappropriation du Littoral (PERL), La Convergence Africaine contre l’accaparement des terres- Eaux-Semences (section Sénégal), L’Organisation des Jeunesses panafricanistes, Général Mamadou Mansour Seck, Moctar Ba, M. Riad Kawar, Marie Angélique Savané, Anne Marie Senghor Boissy, Alioune Tine, Babacar Diop Buuba, Mamadou Mignane Diouf, Sérigne Cheikh Mbacké, Sene Halimatou Barry, Charles Owens Ndiaye, Papis Thiabou, Gnokhobaye Diouf, Dior Diom, Mamadou Bailo Bah, Marie Mbatio Ndiaye, Famara Diédhiou, Fallou Samb, Pape Abdoulaye Sène, Mohamed Sall Sao, Alymana Bathily, Gana Mbengue, Mambaye Diop, Paulele Cissé, Seyni Ba, Thiané Faye, Abdoulaye Ba, Bira Ndiaye, Ababacar Diéne, Augustin Marone, Justin Diallo.
UNE NOUVELLE INÉDITE DE BOUBACAR BORIS DIOP
COMME UN DÎNER D’ADIEU (3/4)
EXCLUSIF SENEPLUS - D’après ce que Dembo avait cru comprendre, seuls les leaders des grandes puissances et les patrons des multinationales avaient une vision d’ensemble, parfaitement cohérente, des événements mondiaux
Boubacar Boris Diop de SenePlus |
Publication 21/05/2020
Allait-il pour autant se fondre dans le troupeau et se mettre à bêler ce Je suis Charlie inepte et racoleur ? Non, les choses ne pouvaient pas être aussi simples. Il avait du mal à comprendre l’engouement soudain de millions de gens pour la pensée unique au moment même où ils s’imaginaient agir ainsi, parfois sincèrement, au nom de la liberté de conscience et du respect de la diversité des opinions.
Deux mots vinrent à l’esprit de Dembo. Naïveté. Cynisme. Il n’aimait ni l’un ni l’autre. Et Dembo Diatta savait très bien quel épisode de sa modeste carrière littéraire avait fini par le rendre aussi suspicieux et, ricanaient certains dans son dos, quasi paranoïaque.
Cet épisode mérite que l’on s’y arrête.
S’étant mis en tête un jour d’écrire enfin une «pièce totale», il avait décidé de tout faire pour mieux comprendre, concrètement et du dedans pour ainsi dire, les guerres, attentats-suicide et insurrections populaires devenus si banals que plus personne n’y prête, aujourd’hui encore, attention. Il lui importait par-dessus tout de clouer le bec par son futur grand’œuvre à tous ceux qui voyaient en lui, sans jamais oser le dire ouvertement, un écrivain mineur, juste bon à s’attirer les vivats d’un public ignare par de grossiers appels du pied scéniques.
L’expérience faillit le rendre fou.
Il faut aussi dire que, comme à son habitude, Dembo Diatta n’avait pas fait les choses à moitié. Lui qui jusque-là ne s’était intéressé qu’aux pages sportives des journaux, se mit en devoir d’éplucher de gros ouvrages et des documents en ligne sur l’Irak, la Somalie, le Soudan, l’Afghanistan et le Mali. D’un naturel obstiné et méticuleux, il notait tout et ne rechignait à aucun travail de vérification. D’après ce qu’il avait cru comprendre, et c’était là un point essentiel de sa démarche, seuls les fomenteurs de guerres, les marchands d’armes, les leaders des grandes puissances et les patrons des multinationales avaient une vision d’ensemble, parfaitement cohérente, des événements mondiaux. Et ils étaient aussi les seuls à avoir une idée plus ou moins nette de ce que serait dans cinquante ans la terre des hommes. Dembo s’efforça donc de faire comme eux, de se délester de tout romantisme et de ne jamais bondir d’un désastre humanitaire ou d’une guerre civile à une autre. Il y avait forcément un lien entre toutes ces catastrophes, comme entre les soixante-quatre pièces d’un échiquier. Même entre la Côte d’Ivoire et l’Ukraine ? lui lançait-on. « Pourquoi pas ? rétorquait-il aux railleurs, moi je ne peux rien écarter à l’avance.» Soyons franc : parfois, oui, Dembo – qui se disait en outre fasciné par « l’immense silence de la Chine » - poussait le bouchon de la suspicion un peu loin. Du reste, ses amis jugeaient suspecte sa brusque et tardive passion pour la politique internationale et le soupçonnaient de verser dans les théories du complot. À quoi il répondait avec un petit sourire méprisant : « Il y a certes des centaines de milliers de conspirationnistes dont beaucoup sont carrément cinglés mais cela n’empêche pas qu’il y ait de temps à autre des complots et des manipulations bien réels ! » Et il ajoutait : « Vous pouvez me croire, on en a encore en pagaille, de ces fichues manœuvres de déstabilisation occultes, ou alors moi, Dembo Diatta, je ne suis pas le fils de ma mère et de mon père ! »
On s’en doute : Dembo Diatta n’écrivit jamais son chef-d’œuvre théâtral. Seuls avaient survécu à son éprouvante quête de vérité, parmi les fichiers d’un vieux MacBook Pro, un titre prétentieux et sibyllin (« Le temps des Sept misères ») et quelques esquisses de dialogues et d’indications pour une improbable intrigue. Mais sa petite virée au cœur des ténèbres n’avait pas été tout à fait vaine. Elle avait même littéralement fait de lui un autre homme. Elle lui avait appris à se méfier des fausses évidences astucieusement glissées par les medias aux oreilles des citoyens ordinaires. Aucune déclaration des leaders des pays riches ne lui semblait jamais tout à fait anodine. Ce n’est pas à Dembo Diatta que l’on aurait pu faire gober, par exemple, la fable simpliste d’un monde divisé en amis et ennemis des libertés individuelles. Les bombardements de l’Otan contre la Libye l’avaient à la fois mis en colère et amusé. Il n’avait évidemment pas cru un seul instant que si on avait lâché des jeunes Libyens hystériques contre Mouammar Kadhafi, cruellement torturé puis égorgé dans les rues de Syrte, c’était pour l’empêcher de « massacrer son propre peuple. » A force de mentir encore et encore, ces voyous au verbe fleuri finissaient par se faire coincer publiquement comme en Irak mais ça ne changeait jamais rien. Leur pari hautain sur l’amnésie des foules était toujours gagnant.
Vers dix-sept heures, Dembo se rhabilla pour aller retrouver Muriel et Christian Carpentier. Les Carpentier, comédiens aux vagues racines alsaciennes et désormais peu actifs, étaient le couple le plus solide et chouette que Dembo Diatta eût jamais connu.
Chaleureux et sans façons, à l’inverse de Muriel, plus cérébrale et même assez dure, Christian Carpentier suscitait toujours un élan de sympathie, même de ceux qui ne savaient rien de lui. Il suffisait d'avoir croisé sa route une ou deux fois pour l’appeler simplement Chris.
Muriel et lui improvisaient des petits trucs bouffons dans des théâtres de poche en tournant chaque soir autour d’une seule et même idée, du genre « Tu as remarqué, Madame, ils parlent tous du réchauffement climatique, le Pape, la Reine d’Angleterre… » et au bout de deux ou trois pitreries, « Madame » criait à tue-tête : « …et il fait bigrement plus froid partout, Monsieur ! »
Ça n’avait rien de transcendant, Muriel et Chris le savaient et s’en fichaient royalement. Ils étaient de toute façon assez intelligents pour se moquer plus d’eux-mêmes que des autres.
Dembo était content de pouvoir manger un morceau avec eux deux jours avant de filer prendre son vol à Roissy. Hélas, tout avait changé depuis les attentats de la matinée.
Il se sentait déjà mal à l’aise.
« Aurai-je le courage d’être franc avec ces vieux amis ? » se demanda-t-il pour la dixième fois en dévalant sans hâte les escaliers en bois de l’hôtel Galileo. Pour le dire en un mot, Dembo Diatta n’était ni Charlie ni Pas Charlie. C’est cela qu’il aimerait pouvoir avouer aux Carpentier ou même crier sur tous les toits si on lui tendait un micro. Mais en ces heures de surexcitation patriotique, les micros, ce n’était pas pour tout le monde et surtout pas pour un obscur auteur comique africain de passage dans la ville.
Au milieu de la rue Mélusine, Dembo s’engagea dans le parc Emile Perrin. Moins de dix minutes plus tard, il franchissait le seuil du Casa Nostra. Depuis quand venait-il dans ce restaurant italien au nom si provocateur ? C’était flou dans sa mémoire mais ça commençait à faire pas mal de temps. Huit ou neuf ans. Pourtant, il n’avait jamais échangé le moindre mot ni même un vague sourire de politesse avec Maria-Laura, la patronne. C’eût été difficile du reste car, comme lui-même, celle-ci était plutôt taciturne et semblait, au surplus, en proie à une mélancolie chronique depuis le jour où son compagnon, un certain Valerio Guerini, s’était barré avec la caisse et une des serveuses les plus pulpeuses. Le truc classique, quoi. Dembo ne connaissait pas les détails de l’affaire, il avait juste entendu un jour un client complètement ivre demander à Maria-Laura si Valerio ne lui manquait quand même pas un peu, au moins un tout petit peu, hein. Cela avait failli lui coûter très cher car, après avoir longuement hurlé sa rage contre lui, Maria-Laura était ressortie de la cuisine, les yeux injectés de sang, avec un bol d’huile bouillante. Le pauvre inconscient avait réussi à s’enfuir par une fenêtre au milieu de l’hilarité générale et on ne le revit plus jamais dans les parages.
Les Carpentier arrivèrent un peu en retard par la faute, expliquèrent-ils, des nombreux barrages policiers. Ça lui fit finalement du bien de les revoir, ce a` quoi il ne s’attendait pas. Leurs bruyantes salutations apportèrent un peu de vie au restaurant qui en avait bien besoin. Très vite, ils se mirent à parler à Dembo du concept de théâtre de rue sur lequel ils travaillaient d’arrache-pied. Depuis qu’il les connaissait, les Carpentier étaient toujours en train de s’échiner sur quelque expérience théâtrale « nouvelle » voire dangereusement « révolutionnaire ». Cette fois-ci il s’agissait de faire en sorte que de vrais passants prennent peu à peu possession de leur spectacle et en fassent un imprévisible et gigantesque n’importe quoi, danses, rugissements de lions affamés, attaques virulentes de jeunes rappeurs contre le gouvernement et tout le reste. Chris n’excluait pas que la pagaille débouche sur de vraies émeutes. Dembo le voyait très bien invoquer les hasards objectifs de l’art dramatique pour inciter le peuple à saccager les quartiers bourgeois.
Retrouvez la suite de cette fiction inédite de notre éditorialiste, Boubacar Boris Diop, sur SenePlus, vendredi prochain.
par Bosse Ndoye
LA FRANCE RESTE FIDÈLE À SA STRATÉGIE DU LÂCHER POUR MIEUX TENIR
La stratégie a merveilleusement fonctionné avec le tour de passe-passe de changement du CFA en ECO. L’ancienne métropole est restée cohérente avec elle-même depuis le début de sa longue odyssée coloniale
Dans les rapports de domination qu’elle a entretenus et qu’elle continue d’entretenir avec la majorité de ses anciennes colonies d’Afrique en général, et d’Afrique subsaharienne en particulier, la France a souvent adopté la stratégie dite du lâcher pour mieux tenir. Celle-ci consiste à faire semblant de faire certaines réformes et/ou « concessions» afin de préserver les avantages et privilèges qu’elle tire des relations (néo)coloniales avec les pays de son pré carré africain. C’est aussi une façon de calmer les ardeurs de ceux qui réclament la souveraineté totale de leurs pays en exigeant une révision complète des rapports souvent léonins les liant à l’ancienne puissance coloniale. L’histoire recèle d’exemples pouvant étayer ces propos.
Humiliée, traumatisée et épuisée par la guerre d’Indochine à laquelle mirent fin les Accords de Genève de juillet 1954 - l’année où commença à couver le feu algérien -, l’ancienne métropole, tout en espérant garder son ex-colonie de peuplement devenue département français au fil des années, préféra se séparer, à son corps défendant, du Maroc et de la Tunisie en leur accordant l’indépendance respectivement le 2 mars et le 20 mars 1956. Ainsi choisit-elle de lâcher ces deux pays pour s’accrocher à celui qui était sans doute le plus important à ses yeux afin d’éviter l’embrasement général de la région. D’autant que celui-ci pouvait entraîner la perte totale du Maghreb francophone, et avec lui ses nombreuses ressources naturelles et son bel emplacement stratégique.
Craignant que la lutte armée en Algérie ne fît des émules dans ses colonies de l’Afrique noire par effet de contagion, la France y desserra un peu l’étau de la domination avec l’adoption de la Loi-cadre Defferre en 1956. Celle-ci élargit les pouvoir locaux avec la création de Conseils de gouvernement élus suffrage universel. Mieux valait lâcher un peu de lest en octroyant quelques libertés pour toujours tenir les colonies que de faire face à de multiples soulèvements populaires déstabilisateurs pouvant être engendrés par les désirs d’autonomie qui devenaient de plus en plus grands après la seconde guerre mondiale et aussi avec l’accession à l’indépendance d’autres pays africains.
Le Général de Gaulle abonda dans le sens des réformes que la Loi-Cadre Deferre avec la Communauté franco-africaine. Bien que plus d’autonomie fût accordée aux colonies, les véritables manettes du pouvoir restaient entre les mains de la France, qui fit de son mieux pour préserver son empire, tout en évitant d’aborder la question d’indépendance et menaçait même ceux qui seraient tentés de la réclamer. La Guinée en fit les frais par son Non en 1958, même si le choix lui en avait été donné. Au final, l’Union française de 1946, la Loi-cadre de 1956 et la Communauté franco-africaine de 1958 n’ont été que des formes différentes de la mise en application de la stratégie du lâcher pour mieux tenir permettant à la France de s’adapter aux réalités sociales, économiques et politiques des temps changeants afin de préserver son empire colonial.
Lorsque les indépendances devinrent inévitables au début des années 60, la France consentit à les accorder à la plupart des territoires sous sa domination, non sans les avoir corsetées par différents accords politiques, économiques et de défense… qui jetèrent les bases des relations néocoloniales entre elle et ses futures ex-colonies. Ces mots de Michel Debré, tirés de sa lettre adressée à Léon Mba, futur président du Gabon, constituent une preuve irréfutable de la stratégie de Paris du lâcher pour mieux tenir : « On donne l'indépendance à condition que l'État s'engage une fois indépendant à respecter les accords de coopération signés antérieurement : il y a deux systèmes qui entrent en vigueur en même temps : l’indépendance et les accords de coopération.. L’un ne va pas sans l’autre[1].» Cela était valable pour presque toutes les colonies qui allaient accéder à l’indépendance. Ce qui a fait dire, à juste titre, à François-Xavier Verschave que : « Les pays francophones au sud du Sahara ont été, à leur indépendance, emmaillotés dans un ensemble d’accords de coopération politique, militaire et financières qui les ont placés sous tutelles[2].»
Dans l’Archipel des Comores – Anjouan, Grande Comores, Mohéli, Mayotte –, alors que le référendum d’autodétermination du 22 décembre 1974 a vu massivement triompher le oui en faveur de l’indépendance (94,5%), l’État français décida unilatéralement de prendre en compte les résultats île par île et non pour l’ensemble de l’Archipel. Cette décision était en porte-à-faux avec la position de l’ONU et était surtout en contradiction avec la loi française du 23 novembre 1974, qui énonce dans son article 5 : « que si le classement des résultats se fera île par île, la proclamation en sera globale[3].» C’est ainsi que l’île de Mayotte, où le non l’avait emporté à 63.22%, est restée dans l’escarcelle française à la suite d’une « élection à la Naegelen» qui y avait été organisée plus tard et qui avait conforté la volonté française. C’est dire que la France n’accepte presque jamais de perdre totalement les avantages qu’elle tire de la plupart de ses anciennes colonies africaines. Elle peut consentir à lâcher du lest, mais jamais à lâcher prise.
Cette stratégie multi-décennale, sinon séculaire, du lâcher pour mieux tenir - qui pourrait être l’autre nom du refus viscéral de Paris de décoloniser -, est en droite ligne avec l’adoption par la France du projet de loi entérinant la fin du franc CFA ce 20 mai 2020… Car avec l’ECO, bien que l’appellation CFA change, les comptes d’opérations et les représentants français dans les trois différents Conseils d’administration des 3 Banques Centrales vont disparaître, la France reste grandement présente dans cette monnaie et garde de nombreux avantages puisque c’est elle qui la garantit et qu’ il y aura entre autres toujours le principe de la convertibilité illimitée – qui fait mal aux pays membres de la zone franc -, et celui de la parité fixe avec l’Euro, sans oublier le fait qu’elle « se réserve le droit de revenir dans une instance de décision, en l’occurrence le conseil de politique monétaire[4]». Il importe aussi de mentionner que l’ancienne puissance coloniale a « courcircuité» la CEDEAO en compromettant son vieux projet de monnaie commune et surtout qu’elle refuse de voir le Nigéria menacer son emprise sur ses ex-colonies d’Afrique de l’ouest en devenant leur leader dans une organisation monétaire sous-régionale. La stratégie du lâcher pour mieux tenir a merveilleusement fonctionné avec le tour de passe-passe de changement du CFA en ECO.
La France est prête à tout mettre en œuvre pour défendre ses intérêts sur le continent. Elle doit par conséquent trouver sur sa route une réponse à la hauteur de ses ambitions. Mais celle-ci ne pourra lui être apportée que par un ensemble fort et d’après une stratégie bien définie et bien réfléchie. L’ancienne métropole est restée cohérente avec elle-même depuis le début de sa longue odyssée coloniale. Maintenant, c’est à nous de l’être avec nous-mêmes et avec nos revendications.
[1] Michel Debré, lettre adressée à Léon Mba, datée du 15 juillet 1960… cité par Said Bouamama, Planter du blanc, Chronique du (néo)colonialisme français, p.14
[2] François-Xavier Verschave, La Françafrique : le plus grand scandale de la République, p.86
[3][3] André Oraison, Quelques réflexions critiques sur la conception française du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes à la lumière du différent franco-comorien sur l’île de Mayotte, Cité par Said Bouamama, Ibid p.113
Sénégalais du Sénégal, avez-vous perçu vos 200 000F CFA de Macky Sall ? Cette surprenante décision saluée par certains immigrés posent néanmoins plusieurs interrogations, à l’exception de l’aide aux étudiants
Qui l’eût cru, l’argent du Sénégal vers la France ! Les immigrés de France ont eu la grande surprise de recevoir des mails et courriels provenant des leurs différents consulats notifiant que le président de la République a décidé de transférer des fonds de Dakar vers la France pour nous soutenir contre le coronavirus. Plus de 700 000 000F CFA nous tombent du ciel malgré la fermeture des frontières. Il nous est demandé de remplir un formulaire et de transmettre nos relevés d’identité bancaire, ce qui nous permettra de toucher 300€, environ 200 000F CFA.
Sénégalais du Sénégal, avez-vous perçu vos 200 000F CFA de Macky Sall ? Cette surprenante décision saluée par certains immigrés posent néanmoins plusieurs interrogations, à l’exception de l’aide aux étudiants. En effet, La France réputée pour être un état providence, dispose un système social solidaire qui n’existe nulle part ailleurs. Les soins sont gratuits et le salarié empêché d’exercer son travail durant cette période difficile, - donc en chômage partiel-, perçoit 84% de son salaire net. Le revenu de solidarité active (R.S.A) existe pour ceux qui ont épuisé leurs droits aux allocations chômage.
L’allocation personnalisé au logement (A.P.L.) permet de réduire jusqu’à 90 % les charges fixes de loyer pour les personnes ayant droit aux minima sociaux. Il convient de noter que les sénégalais ont les mêmes droits sociaux que les français. Ce constat ne nous invite pas à considérer que les immigrés vivent confortablement en France, non. Il pose néanmoins la question de notre rapport à l’argent et sa distribution anarchique, alors que notre pays souffre avant et pendant cette pandémie de difficultés majeures, parfois innommables.
Cette décision loufoque et kafkaïen me rend schizophrène. Cette somme d’argent sera renvoyée illico presto à nos familles installées au Sénégal car les Sénégalais de France transfèrent une très grande partie de leurs revenus pour subvenir aux besoins à leurs parents ou/et construire des écoles, des centres de santé, etc. Il ne faut pas oublier le «vol retour», puisque les immigrés paieront des frais liés au transfert d’argent vers le Sénégal.
Faites votre calcul ! RIA, WESTERN UNION … auront leur part du gâteau. Ce qui diminuera naturellement cette aumône. Par conséquent, je refuse de m’inscrire pour percevoir les 200 000f CFA qui, à mon sens, sont plus utiles à mes compatriotes au Sénégal qui souffrent terriblement pendant cette période de pandémie. Ce coup de gueule ne remet nullement en cause nos compatriotes en France qui n’ont rien demandé ; puisque l’argent tombe du ciel, il faut bien le ramasser.
D’aucuns me rétorqueront à juste titre : «Regardez autour de vous. A Dakar, des personnes qui n’ont jamais exercé une activité professionnelle roulent en 4X4 neuves, distribuent des billets de banque et nos dirigeants bénéficient beaucoup avantages qui n’existent pas dans les pays développés». Ils ont raison mais ces réactions s’apparentent-elles à un constat ou une dénonciation ?
Voulons-nous être à la place du khalife pour pérenniser ces gabegies ou sommes-nous prêts ou réinventer un autre modèle. Moi, je préfère que l’argent ne tombe pas du ciel et que nos dirigeants l’utilisent à bon escient afin que les immigrés n’aient plus à combler les failles de l’état. Permettez-moi, je ne dis pas : «MERCI».
par Papa Meissa Gueye
IMPACTÉS MAIS PAS MENDIANTS
Il faut que les artistes qui déclarent des manques à gagner de centaines de millions cessent la comédie. Le fonds de secours aux acteurs culturels ne doit pas être des liasses de billets que l’on se partage
Le Sénégal, à l’instar d’autres pays du monde et de l’Afrique, vit une situation très difficile. La pandémie du coronavirus est en train de bouleverser le mode de vie des artistes et a fini de les installer dans un désarroi qui ne semble pas avoir de fin. Les autorités gouvernementales et sanitaires font des pieds et des mains pour contenir la maladie et éviter qu’elle n’atteigne de plus larges couches. Des mesures contraignantes sont prises : état d’urgence suivi de couvre-feu, limitation des déplacements, interdiction des voyages inter-régions, fermeture de certains marchés, bouleversement complet du transport en commun, point de rassemblements. Le secteur culturel s’est révélé très touché par ces mesures. Plus de concerts, plus de représentations théâtrales, l’activité artistique dont la pratique est liée à la présence du public vit ses plus durs moments.
Si dans un premier temps, ces mesures ont trouvé un écho favorable dans une large frange de la population, de plus en plus elles sont contestées. La raison est que le Sénégal est un pays dont l’économie est essentiellement basée sur l’informel. Les mesures bien que salutaires tuent les affaires des artistes et les réduisent à une situation de précarité qu’ils peinent à accepter et à surmonter. Pour autant, cela ne doit pas faire d’eux des mendiants.
Impactés oui !
Mendiants non !
La balle se trouve dès lors dans les deux camps : celui du ministère en charge de la Culture et de la Communication et celui des acteurs culturels. Il est vrai qu’il y a un déficit de communication au niveau du ministère qui ne peut fournir aucune information sur l’ aide et le secours destinés aux acteurs culturels décidés et rappelés par le président de la République, notamment lors d’un récent Conseil des ministres .
Nous invitons donc le ministre de la Culture et de la Communication à communiquer juste et vrai sur la situation au moment où les acteurs culturels, eux aussi exagèrent et versent même dans le ridicule, comme ce fut le cas avec Thione Seck, remettant ses factures au ministre. Nous condamnons cette attitude avec la dernière énergie, parce que nous pensons qu’il n’est pas décent de profiter de cette situation de pandémie, pour régler des problèmes alimentaires qui n’ont rien à voir avec le contexte dans lequel nous sommes. Il faut également que les artistes qui déclarent des manques à gagner de centaines de millions cessent la comédie. Qu’ils reviennent donc à la raison, d’autant qu’ils n’ont eu qu’un mois d’inactivité, car le mois de carême n’a jamais été un mois prolifique pour les artistes. Toutes les activités sont aux arrêts durant le mois béni.
De notre point de vue, le fonds de secours aux acteurs culturels ne doit pas être des liasses de billets que l’on se partage. Des mécanismes doivent être mis en place par les autorités pour faire bénéficier de ce fonds, tous les acteurs impactés ; à charge également pour ceux-ci d’imaginer des scénarii basés sur des démarches communes, débouchant sur des projets structurants pour chaque secteur, ouvrant ainsi la voie à un Nouvel Ordre Culturel.
De ce fait, nous proposons à la place d’une distribution automatique, le lancement d’appel à projets calqués sur la situation que nous vivons et celle d’après Covid-19 ; il sera ainsi réglé, le problème de répartition et de distribution, ce qui fera certes beaucoup de mécontents, mais contribuera à projeter les acteurs dans une démarche inclusive d’innovation, quant au financement et au développement de la Culture, dans notre pays ; démontrant ainsi notre génie créateur en ce qui concerne la gouvernance future de notre secteur.
Oui pour un appel à projet Covid-19 !
Non, pour un partage de fonds !
Impactés mais pas mendiants.
Papa Meissa Gueye est artiste/entrepreneur culturel
par l'éditorialiste de seneplus, alymana bathily
LA PROBLÉMATIQUE DES RÉPARATIONS
EXCLUSIF SENEPLUS - Il faut souhaiter la tenue de ce Tribunal International sur les Réparations proposé par les milieux nostalgiques de la suprématie euro-américaine. Il permettra à l’Afrique de faire avancer un combat essentiel
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 20/05/2020
La Chine a crée le Covid-19 et l’a délibérément laissé contaminer le monde entier. L’accusation délirante de Donald Trump est maintenant reprise en Europe par les journaux de droite. Notamment par Bild en Allemagne. Et par le Figaro en France, en y ajoutant une couche : la Chine s’est ainsi rendue coupable d’un crime contre l’humanité ! Elle doit en répondre devant un Tribunal International. Le Figaro condamne d’avance la Chine.
En lorgnant sur ses réserves de change et ses bons du trésor dont elle évalue les réserves à 4 200 milliards de dollars, Le Figaro décrète déjà qu’elle doit des réparations à hauteur de 15 000 milliards de dollars ! Rien que ça !
Il s’agit avoue le journal français, de casser le « rêve de domination absolue de l’économie mondiale » de la Chine. Imaginons un Tribunal International sur …Sur quoi au fait ? Sur les réparations suite à la propagation du Covid-19 dans le monde ? Soit !
La République Populaire de Chine pourrait alors rappeler son accusation selon laquelle le Covid-19 proviendrait en fait des USA et avait été amené à Wuhan par la délégation américaine aux Jeux militaires mondiaux en Octobre 2019. S’en suivra une polémique et le Tribunal International devra alors entendre de toutes les épidémies, à travers le temps et partout dans le monde. Notamment des épidémies au cours de cette période pendant laquelle l’Europe et les Etats Unis dominaient le monde et décidaient des politiques qui affectaient l’humanité sur tous les plans.
La République Populaire de Chine pourrait ainsi accuser l’Angleterre, la France, le Japon, les Etats-Unis et toutes les puissances européennes qui lui ont arraché des « concessions » au 19ème siècle, d’être responsables des épidémies de peste qui sévirent pendant cette période dans le pays alors sous un régime impérial rendu totalement impotent.
C’est une demande que l’Afrique tente de faire entendre depuis 30 ans. De l’OUA à l’Union Africaine, de la résolution 1339 approuvé par le Conseil des ministres du 27 mai-1 juin 1991, de la Conférence panafricaine sur les dédommagements pour l’esclavagisme, la colonisation et la néo-colonisation africaine (Abuja, Nigeria du 27 au 29 avril 1993) à la Conférence de Durban (Afrique du Sud, 31 Aout au 7 septembre 2001).
Il n’avait pourtant même pas pris en compte la demande des communautés africaines des Etats-Unis dont le Congrès a décidé depuis le 19 juin dernier d’étudier des réparations appropriées pour « la violation flagrante des droits humain et le crime contre l’humanité perpétré contre les esclaves africains et leurs descendants ».
Il faut donc souhaiter la tenue de ce Tribunal International sur les Réparations qui est proposé par les milieux nostalgiques de la suprématie euro-américaine. Il permettra à l’Afrique de faire avancer un combat essentiel.
Il n’y a pas d’antagonisme naturel entre daaras et école «française». Refusons le manichéisme qu’on veut nous imposer ! Nous appartenons aux deux mondes
La semaine dernière, je vous entretenais de la «querelle des allégeances» dans notre pays entre l’Etat, l’allégeance collective et les autres allégeances privées, et comment, contrairement à l’histoire de la chrétienté, l’islam a réglé la question de cette querelle des allégeances par une division de travail entre ceux qui doivent s’occuper de la «cité de Dieu», dont le royaume n’est pas de ce monde et ceux qui doivent s’occuper de la «cité des hommes», à savoir les politiques. L’islam a réglé la question en reconnaissant de fait le primat de l’Etat jusqu’à ce que le Sénégal, un pays toujours en quête d’exceptionnalisme, réinvente la querelle des allégeances. Cette dernière est aussi une des manifestations et conséquences de la querelle des écoles que certains cercles intellectuels veulent coûte que coûte nous imposer. Depuis des décennies, on cherche à opposer les daaras à l’école française. On cherche à faire du Sénégal une terre de confrontation intellectuelle, une autre querelle des allégeances entre Al Azhar et la Sorbonne, une nouvelle terre de croisade entre les Orientaux (daaras) et les Occidentaux (école française).
Les croisés de ce nouveau choc des civilisations, comme tous les entrepreneurs identitaires, sont dans les généralisations abusives. Il n’y a rien de plus superficiel que cette querelle des écoles qu’on veut nous imposer. Il n’y a pas d’antagonisme naturel entre daaras et école «française». Le manichéisme ne s’impose pas. On veut nous l’imposer. Les idéologues de ce que j’appelle les Orientaux (produits des daaras et de l’école arabe) insistent lourdement sur la notion «école française», sauf qu’à part quelques écoles privées, il y a plus d’écoles françaises. Il y a une école publique sénégalaise où les enfants sont socialisés pour être de bons citoyens sénégalais. Dans nos écoles, on n’apprend plus «nos ancêtres les Gaulois», la bataille de Derklé y a remplacé la bataille de Marignan, l’exil de Cheikh Bamba y a remplacé le baptême de Clovis. Les Sénégalais qui ont moins de 50 ans et qui connaissent l’histoire du Sénégal l’ont appris à l’école sénégalaise. Le français est une langue, comme l’arabe ou le russe. Apprendre en français ne transforme pas en Gaulois ou en Cathare.
Les idéologues chez les «Occidentaux» veulent créer un apartheid intellectuel en pensant que les arabophones se contentent des mosquées et de leurs prêches, en reproduisant chez nous un réflexe anti-clérical purement français. Refusons le manichéisme qu’on veut nous imposer ! Nous appartenons aux deux mondes. La plupart d’entre nous sont les produits des deux mondes. Ce qui fait de notre pays un pont naturel entre les deux mondes. Le Sénégal, c’est de grands intellectuels comme oustaz Barkham Diop, l’ambassadeur Moustapha Cissé qui parlent arabe comme Imrul Quays, mais aussi Léopold Sédar Senghor, qui a résumé notre vocation et notre destin en deux mots : «Enracinement et ouverture». Ce n’est pas parce qu’on a fait la Sorbonne qu’on doit être Gaulois, mais ce n’est pas parce qu’on a fait Al Azhar ou l’Université de Médine qu’on doit devenir Arabe. Malgré les apports orientaux (l’islam, la culture arabe) et occidentaux (la République), nous sommes restés ce que nous avons toujours été : des Wolofs, des Peuls, des Mandingues…et nous sommes devenus plus riches que les Arabes et les Français, parce qu’en plus de leur culture, nous avons gardé la nôtre. Bien avant Huntington et son choc des civilisations, Senghor nous exhortait au dialogue des civilisations. Le Sénégal et les Sénégalais doivent en être l’incarnation.
par Ousseynou Nar Guèye
IMMUNITÉ COLLECTIVE ET SORTS INDIVIDUELS, L’OPTION MACKY SALL CONTRE LE COVID-19
Sur le continent noir, à forte population jeune où les personnes entrent à un âge avancé sur le marché du travail et y restent longtemps, l’immunité collective, en « brûlant ces bibliothèques que sont les vieillards », libéra des millions d'emplois
« Il nous faut apprendre à vivre avec le virus ». C’est la phrase-choc (et effectivement assez choquante) qui restera du discours du 11 mai du président Sall. Les réactions des partis politiques (porte-parole de l’allié parti Socialiste, y compris), des chapelles religieuses (église et confréries musulmanes) et du front social (syndicats enseignants) est unanime : la volte-face de Macky Sall, dans « la guerre » qu’il avait lui-même décrété contre le Covid-19, est un acte de non-assistance à population en danger.
Pourtant, le choix de M. Sall semble être celui fait aussi par les dirigeants des autres pays africains (Ghana, Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Burkina Faso) mais aussi occidentaux (France, USA…). Tous ces gouvernants disent la même chose : le virus est là pour durer et il faut faire avec dans nos vies quotidiennes ; le directeur général de l’OMS lui-même conforte cette thèse. Selon lui, le coronavirus est là pour des années encore. Conclusion ? il faut déconfiner et ainsi décadenasser les économies nationales et les échanges mondiaux. Au risque, sinon, de voir le monde entier plonger dans la pire et plus longue récession des temps modernes.
Le choix est donc celui de la théorie dite de l’immunité collective : en pratique, laisser le virus circuler, infecter le maximum de personnes, qui en ressortiront malades, et éventuellement décédées. Ou guéries, et immunisées. Le pic étant rapidement atteint et la courbe de la cloche de la pandémie retombant fissa.
Avec cette immunité collective, chacun est laissé à son sort individuel. Et si le pari est réussi, au lieu d’un marasme économique mondial, on risque bien d’assister à un rebond économique positif et spectaculaire global, pareil à celui que la planète a connu au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Pour l’Afrique comme pour le monde, ce boom économique sera alors la résultante d’un boomerang démographique : le trépas massif des seniors, catégorie sociale la plus vulnérable au Covid-19 et la plus susceptible d’en décéder.
En Europe, et notamment dans un pays à modèle social d’Etat-providence comme la France, la question des retraites sera ainsi réglée. Ces pays à forte population de retraités n’auront plus à assurer le paiement dispendieux de leurs pensions, que les contributions des entreprises et des actifs n’arrivent pas à assurer, et pour lequel on s’escrime à faire adopter un système de capitalisation, que les populations rejettent en bloc.
En novembre 2018, dans une étude, le FMI estimait que l’Afrique doit créer 20 millions d’emplois pendant 20 ans pour « absorber les nouveaux arrivants sur les marchés du travail ». Pour ce qui est du continent noir donc, à forte population jeune (âge moyen au Sénégal : 19 ans), où les personnes entrent à un âge avancé sur le marché du travail, et y restent longtemps passé la soixantaine, l’immunité collective, en « brûlant ces bibliothèques que sont les vieillards », libéra des millions de postes dans l’emploi formel et informel. La question de l’emploi des jeunes sera ainsi réglée.
Cette analyse est bien cynique. Mais c’est le président Sall qui a commencé.
Ousseynou Nar Gueye est éditorialiste, fondateur – éditeur du site d’informations Tract.sn
par Hawa Ba et Ayisha Osori
L’INFORMATION CRÉDIBLE, VACCIN CONTRE LA DÉSINFORMATION
Quand les limites entre réalité, préjugés et peurs s'entremêlent, cela crée des histoires fausses qui sont difficiles à démanteler. La bonne communication adaptée à différentes audiences pourrait faire la différence entre la vie et la mort
A l'âge des réseaux sociaux, l'information se répand plus rapidement que n'importe quel virus et il ne semble y avoir aucun vaccin contre la désinformation. Pendant que les gouvernements se battent pour contenir la pandémie, les messages d'intérêt public et la communication doivent se concentrer sur comment faire accepter aux citoyen.ne.s que la maladie est réelle, partager les connaissances nécessaires pour prévenir et traiter l'infection, déconstruire mythes et histoires fausses qui ont un impact négatif sur l’efficacité de la réponse. Cela pourrait sauver de nombreuses vies.
Si la limite est ténue entre amour et haine, elle l'est encore plus entre les « fake news » et la réalité, surtout sur les réseaux sociaux. De même pas que la pandémie du COVID-19, l'infodémie contre laquelle l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) nous avait prévenu-e-s se répand en Afrique de l'Ouest. « Le Coronavirus n'existe pas ». « Les bananes permettent de guérir du Coronavirus ». « Le Coronavirus est un complot ». « Le Coronavirus a été envoyé par Dieu pour punir l'humanité ». Pourquoi la désinformation prospère-t-elle ?
Un terrain fertile pour les fake news
Même si l'effet négatif du confinement sur les comportements ne peut être nié, il y a d'autres raisons pour lesquelles fake news et désinformation se multiplient : manque de confiance, asymétrie de l'information, une culture d'instrumentalisation de l'information, expériences de vie, convictions culturelles, mythes et cohésion sociale fragile. Cette combinaison crée un terrain fertile pour des histoires fausses qui prennent en compte la réalité de la vie des gens et suppléent au manque d'informations nécessaires pour gérer les anxiétés et réalités du Covid-19. Au moment où les gouvernements se battent pour contenir la pandémie, il y a au moins trois domaines sur lesquels les messages d'intérêt public et la communication doivent se concentrer.
Contaminé.e par un virus venu de Chine ? Scepticisme !
Encore aujourd’hui, beaucoup doutent encore de l'existence du Coronavirus et peinent à croire qu'ils/elles peuvent être affecté.e.s par un virus qui est apparu pour la première fois en Chine, un pays si lointain et où ils/elles n'ont jamais posé le pied. C'est là que le G5, Bill Gates et autres théories du complot de base se multiplient et mêmes d’éminentes personnalités ont contribué à entretenir de tels discours en déclarant publiquement que « le Coronavirus est une pure invention ». Les fake news sur des complots contre les Africain.e.s et musulman.e.s épousent trop la réalité des essais de vaccins hasardeux dans le Nord du Nigeria par exemple et trouvent un écho favorable lorsque deux scientifiques européens proposent que les essais de vaccins utilisent les Africains comme cobayes. En fait, cela nourrit des peurs qui ne sont pas toujours infondées.
Le Sénégal et le Kénya ont reconnu le danger que représentent les fake news face à la gestion de la pandémie et, dans le but d'en dissuader la propagation, prévoient de punir par une amende toute personne qui répandra de fausses informations. D’ailleurs, des convocations à la police d’auteur.e.s de fake news ont déjà eu lieu au Sénégal.
Confinement, tensions et théories du complot…
Quand les limites entre réalité, préjugés et peurs s'entremêlent, cela crée des histoires fausses qui sont difficiles à démanteler. Internet est riche en théories du complot, populaires chez des gens plus ou moins éduqué.e.s, sur des tentatives de contrôle de la démographie en Afrique par l'Ouest. Il devient aisé d'utiliser les déclarations du président Macron sur la croissance de la population africaine pour nourrir les théories sur les vaccins comme étant des moyens de contrôle de la croissance de la population.
Parfois, des tensions sous-jacentes remontent à la surface, renforcées par la désinformation. Au Sénégal, des divisions sont apparues entre les Sénégalais.e.s habitant le pays et les émigré.e.s sénégalais.e.s au début de la pandémie, les émigré.e.s et leurs familles stigmatisé.e.s et accusé.e.s d'avoir ramené le virus avec eux/elles en Afrique. Soudain, ceux/celles qui étaient auparavant loué.e.s pour leurs transferts d'argent depuis l'étranger devinrent des menaces pour le pays, dénué.e.s de patriotisme. Au Nigéria, une vidéo sur l'enterrement du directeur de cabinet du président Buhari était soupçonnée d'avoir été modifiée pour impliquer et créer des tensions entre le Nord d'où le président et son secrétaire général viennent et le reste du pays.
Ce n'est qu'une question de temps avant que les tensions du confinement, exacerbées par la faim, ne poussent à faire porter la faute aux « autres ». Un fait que des pans de l'histoire nous encouragent à soupçonner. De nouveaux boucs émissaires vont être identifiés, surtout parmi les survivant.e.s au Coronavirus qui sont nombreux.se.s, étant donné le taux mondial de guérison qui est à 80%. Une communauté en Côte d'Ivoire a ainsi exprimé ses frustrations en démantelant un centre de tests de peur que sa présence ne ramène des malades dans leurs quartiers, en oubliant que le centre leur serait aussi bénéfique.
Les annonces gouvernementales d'intérêt public doivent commencer à aborder les questions de stigmatisation et de préjugés de manière proactive pour gérer l'impuissance à laquelle des millions d'individus sont confronté.e.s face aux incertitudes nourries par le Covid-19.
Soif de savoir sur la prévention et le traitement
Les gens veulent savoir comment prévenir l'infection et comment la traiter. Le vide créé par le manque d'information est rempli par des charlatans et des personnes innocentes essayant d'être utiles. Cette information est cruciale, surtout dans des pays plurilingues où beaucoup ne peuvent pas lire dans la langue officielle de communication du gouvernement c’est-à-dire le portugais, le français et l'anglais. La communication doit se faire de manière créative, dans plusieurs langues, et à travers les plateformes les plus populaires chez différents publics.
Durant la crise Ebola, des messages SMS et Whatsapp au Nigeria ont créé une vague de consommation de boisson avant l'aube et de bains à l'eau salée pour prévenir l'infection. Aujourd'hui, les conseils de prévention contre le Coronavirus sur Whatsapp par des marabouts et expert.e.s incluent la consommation d'eau chaude toutes les deux heures, la consommation de boissons chaudes faites de feuilles de neem et l'application de beurre de karité sur le nez. Une partie de ces communications semble officielle et parfois le seul signe qu'elles ne le sont pas est la dose généreuse de fautes que beaucoup ne repèrent pas. Cela n'a pas aidé que le président de la Guinée Alpha Condé proclame dans une vidéo que boire de l'eau chaude et appliquer du menthol sur le nez participe à éloigner le virus ou que le président Trump, populaire chez certain.e.s en Afrique de l'Ouest, promeuve la chloroquine en tant que traitement.
Responsabilité des gouvernements
Il est estimé que l'utilisation des réseaux sociaux a augmenté de 40% durant la pandémie et que WhatsApp est depuis des années en tête des applications de communication les plus populaires en Afrique. Plus de gens en ligne et sur ces plateformes, signifie que plus de personnes sont exposées aux fake news et à la désinformation.
Un des inconvénients d'une pandémie à l'âge des réseaux sociaux est que l'information se répand plus rapidement que n'importe quel virus et il ne semble y avoir aucun vaccin contre la désinformation. Il est de la responsabilité des gouvernements de ne pas en rajouter à ce flot d'informations de manière irréfléchie et anonyme. Une solution serait de pourvoir des personnes d'influence en connexion internet et en informations crédibles, qu'elles puissent parler à leurs communautés à travers la radio, la télévision, des vidéos et des lives Instagram pour que des visages qui inspirent confiance partagent constamment des choses vraies et utiles. Une autre solution serait de continuer à collaborer avec les médias pour financer du fact-checking.
Alors que la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest comme la Cote d’Ivoire, le Ghana le Nigéria et le Sénégal ont commencé à alléger les règles liées au confinement, les gouvernements, les médias et la société civile doivent intensifier la communication - et celle sociale - dont le but est de partager des informations factuelles sur la prévention et le traitement du Coronavirus ; la construction et le maintien d'une relation de confiance ; et l'éradication de préjugés existants ou naissants. La bonne communication adaptée à différentes audiences pourrait faire la différence entre la vie et la mort.
Hawa Ba & Ayisha Osori travaillent à OSIWA (Open Society Initiative for Africa).
par Alassane Niang
IL ÉTAIT UNE FOIS, CE BEAU PAYS !
Cette intelligentsia de cour, de science, de foi, finit par transformer ce « masla » qui garantissait la paix sociale en un « masla » de tabou, qui exclut les plus misérables, les plus faibles rendant leurs espoirs naïfs et leur avenir incertain
Il fut un temps où le Sénégal était un beau pays, un pays où les contradictions les plus profondes s’échouaient autour d’un bol de riz, de l’humour oui de la tolérance comme toujours. De ce sénégalais bavard qui préférait d’abord le dialogue à la violence, la solidarité à l’égoïsme.
Un sénégalais qui préférait une paix douillée à une tension vaine. Un « masla » solide et sincère, qui fit la force de sa société et qui fut le fondement qui allait asseoir une nation soudée.
Le sénégalais était ancré dans ces principes, sa croyance aussi forte qu’elle puisse être, s’adossait à la science, à l’humanisme et à la tolérance. Elle ne laissait pas place à l’obscurantisme, qu’elle soit religieuse, politique, et même ethnique. Le Sénégalais avait foi à sa liberté, à cet Etat auquel il n’hésitait pas à donner sa vie lorsque les principes qui en constituaient les colonnes, risquaient de s’écrouler. Oui, le sénégalais croyait à la démocratie, à la liberté. Ce n’était pas pour rien qu’on appelait sa terre, terre de la Teranga, une terre d’hospitalité.
Nostalgique de cette époque où cette terre était paisible, où même les plus misérables se contentaient malgré leur misère, d’une paix sincère. Ils vivaient heureux, ils vivaient en paix avec eux-mêmes, espérant que demain, leur tour viendra. Ces brises soyeuses et cette terre bénie qui enveloppait chaleureusement d'une argile légère et d'une boue moelleuse d’illustres érudits, de braves guerriers, de pacifistes et de saints qui par leur piété rendirent un si petit pays aussi grand, admiré de tous. Ce pays où les gouverneurs aussi tyranniques qu’ils pouvaient être, savaient aux moins ce qu’était une nation. Ce pays ou de preux chevaliers, de religieux sanctifiés conscients de leurs responsabilités, n’hésitaient pas à monter sur leurs grands chevaux pour défendre ce peuple et prôner l’éthique et la probité dans la gouvernance. Ce pays avec ses robins de bois héroïques, aussi sanglants, aussi truands, mais surtout aussi populistes, leurs petits larcins aux moins étaient plus sobres et plus humains.
Mais les temps passèrent, ces souvenirs si lointains s’effacèrent de la mémoire des Sénégalais. Ils oublièrent leur passé, leur valeur et se tournèrent vers la cupidité, la recherche effréné de la richesse, du voyeurisme au risque d’y laisser leur honneur, leur liberté et leur quiétude. Leur soif de connaissance fut remplacée par la soif de richesse, de paraître qui corrompirent même ceux qui étaient considérés comme les garde-fous, censés leur rappeler leur passé. Leur bavardage innocent, laissa place aux bavardages de bornes fontaines, de haines inutiles qui attisèrent la désunion et étouffèrent les crimes et les injustices les plus ignobles. La vie de leurs saints, de leurs érudits et de leurs valeureux, qui par leur sang donnèrent un sens à ce pays, furent oubliés et effacés. Oubliant de se surpasser afin de consolider et enrichir les acquis, ceux, sensés suivre leur pas se muèrent en de conteurs d’histoires. Ils donnèrent un caractère mythique aux actes et à la vie de leurs illustres aînés, ils installèrent l’obscurantisme, freinant ainsi toute volonté de suivre les pas de nos illustres aïeuls, n’est-ce pas là le sens de leur combat ? Cette intelligentsia de cour, de science, de foi, finit par transformer ce « masla » qui garantissait la paix sociale en un « masla » de tabou, qui excluait les plus misérables, les plus faibles rendant leurs espoirs naïfs et leur avenir incertain.
Un avenir que même les plus optimistes prophètes de l’après Covid-19 ne peuvent prédire, avec un brouillard sombre, aussi aveuglant que l’incertitude. Le Sénégal ne doit pas avoir peur de ce Covid-19, mais des démons qu’il ne cesse de repousser. Le Sénégal doit arrêter de courir, il doit affronter ses démons qui le pourchassent. Il ne peut plus courir, il est à bout de forces, sous ses pieds, les épines de la haine, de l’injustice et de l’ignorance la handicapent et le font souffrir. Il se doit de s’arrêter et d’y faire face, armé de son histoire, de sa tolérance, de ces valeurs et de son amour. Ce beau pays ne doit pas demain, devenir un pays autrefois, riche, qui s’appauvrit au fur et à mesure que ses puits de pétrole dont il n’avait pas profité, tarissent.
Sa jeunesse ne doit plus connaître le chômage, le désespoir. Fatiguée de l’incompétence de ces dirigeants, elle ne doit pas demain, trouver l'espoir dans la haine et la violence à l’égard des étrangers pour assouvir sa souffrance.
Le Sénégal ne doit pas accepter que demain, ses fils et ses filles oublient la tragédie des Tutsis et des Hutus. Que la vie de leur frère, ne soit valorisée pas que seulement par la race, l'ethnie, la religion ou la confrérie, mais qu'elle ait de la valeur par le seul fait d'être d'abord une vie.