SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
30 avril 2025
Opinions
par Babacar Beuz Diedhiou
ENTRE ARTEMISIA, VACCINATION ET COMPLOTISME
Ces panafricanistes virtuels qui sont farouchement anti-européens dans la rhétorique, voient pourtant la politique, la médecine, la guerre et l’économie par les yeux de l’européen et à travers ses médias
Les maux et leur cortège de dangers étaient déjà sur les réseaux sociaux, mais avec le coronavirus, comme au lendemain de chaque triste événement d’une dimension médiatique mondiale, on assiste à une boulimie de théories absurdes. Les experts en tout genre prolifèrent, et les fanatiques se radicalisent encore plus. Et pour notre part, un panafricanisme qui frôle le ridicule et rampe vers le racisme se développe. La cause : les nouveaux médias. Une vraie maladie ! L’emballement des gens sur les réseaux sociaux face aux mensonges, aux rumeurs et autres théories du complot, la manipulation des images et vidéos à des fins propagandistes, ainsi que la polarisation des croyances, sont exponentiels et explosifs. Il y a urgence ! Plus les mensonges sont grossiers et invraisemblables plus ils ont de « like », et plus ils sont partagés.
Les fausses croyances
La paresse intellectuelle nous pousse à nous attacher à des croyances erronées, pourtant des informations nous permettent de les vérifier. Si l’on s’attache obstinément à des propos faux, c’est parce que l’on a tendance à chercher des données qui confirment nos hypothèses, à trouver de faux repères, et que l’on a une propension à quêter et à guetter des gourous, des révélations, le messie… En cela internet nous aide bêtement et follement bien.
Ainsi, le président malgache, avec sa fameuse artémisia, devient une star, ses vidéos sont partagées sur toute la toile africaine, et l’artémisia devient la plante miracle ! C’est mal connaître l’Afrique, sa pharmacopée, la diversité et les vertus de ses plantes. Mais c’est aussi une sorte de réactivité face à l’Occident qui serait apparemment la cause de tous nos maux. Il faut un esprit critique, il faut des arguments scientifiques empiriques, solides, carrés et binaires par moment, il faut un lien entre hypothèses, données et connaissance, un minimum de logique mathématique, si nous voulons être crédibles. Comment se fait-il que le président malgache focalise notre attention sur une plante originaire de Chine, où elle est utilisée dans la pharmacopée depuis 2 000 ans pour ses propriétés curatives contre la fièvre et la malaria ? Des milliers de plantes soignent encore aujourd’hui en Afrique, et dans certaines régions, les gens n’ont jamais eu recours à la médecine dite « moderne » ou occidentale. En quoi le président malgache avec sa « covid organics» est-il révolutionnaire ? Cette inculture a une seul cause : internet via ses réseaux sociaux. Il nous désintègre, nous crétinise ! Il serait très compliqué et très long dans un article de faire le diagnostic et les pronostics des pathologies que les réseaux sociaux ont provoqué dans notre vie quotidienne tant au niveau social, politique, économique, culturel et surtout personnel, intellectuel et spirituel.
Internet nous rend bêtes !
A côté des avantages et des bienfaits, il y a vraiment des dérives face à ces réseaux sociaux, des effets très négatifs, donc nous ne sommes pas assez conscients : une désintégration de la culture qui se manifeste par une réduction de la qualité et de la fiabilité des informations, une destruction des relations interpersonnelles, une abolition de la vie privée, une altération de la santé, un diktat du virtuel sur le réel, une diminution des compétences intellectuelles, le développement de la crédulité, l’émergence et la dispersion de croyances irrationnelles, un fouillis d’articles et d’injonctions contradictoires... On aurait pu détailler chacun de ces maux, mais que chacun fasse son propre examen, et constate la superficialité de ses connaissances, de ses relations, et son exposition aux fausses idées, informations, et à certaines théories du complot.
Plus récemment Nicolas Carr, dans un essai célèbre intitulé « internet rend-il bête ? », a montré, en partant de son expérience personnelle et en s’appuyant sur de nombreuses études, comment internet, le media actuellement le plus utilisé, altère la structure du cerveau et modifie en profondeur ses différentes fonctionnalités. De nombreux spécialistes ont souligné le pouvoir des médias sur nous, de par leur structure et leur mode de fonctionnement, sans que nous en soyons conscients. Sans parler de la révélation continue des détails de notre personnalité, comme le fait Facebook pour nous influencer.
En effet, une fois que l’entreprise s’est fait une idée très précise de qui nous sommes, de nos envies, de nos craintes, de notre mode de vie et de nos faiblesses, la voie est libre pour nous proposer des messages au bon moment et sous le bon format, pour qu’ils soient le plus à même d’influencer notre volonté. Des contenus qui jouent sur nos humeurs, une sorte de « contagion émotionnelle » ; sans parler des méthodes de traçage, répandues sur le web. Ne parlons même pas de Whatsapp, devenu le relais de toutes « les fake news », « bullshit » et de tous les cochonneries religieuses, propagandistes – une aubaine pour les conspirationnistes panafricains. S’il y a un vaccin que nous devons réfuter et combattre c’est bien celui-ci, cette « nouvelle seringue hypodermique », pas un vaccin contre le coronavirus, qui serait créé « pour réduire la population mondialement, notamment les africains ». N’importe quoi ! Même les vrais réfractaires et réactionnaires aux vaccins n’évoquent pas ces arguments. Ils parlent du vaccin plutôt comme une manœuvre des grands laboratoires pharmaceutiques pour maximiser leurs profits, ou de l’existence de substances nocives pour notre organisme, etc. D’ailleurs, contrairement à ce que pensent ces conspirationnistes africains, pour l’OMS, la vaccination permettrait d’éviter entre deux et trois millions de morts chaque année dans le monde, pas d’en tuer. Que ceci soit faux admettons ! Cela veut dire que de part et d’autre, il y a des gens qui essaient de nous manipuler, de nous persuader ! La solution, c’est l’esprit critique : une étude réfléchie des fondements de l’esprit critique, une autodéfense intellectuelle ! Mais est-ce que tous ces millions de jeunes africains livrés à eux-mêmes, sur l’autoroute internet, sont bien armés pour cela ? Voilà une piste de combat et de réflexion noble pour tous les activistes africains.
Une multitude de récits théoriques se diffusent, qui se prétendent cohérents et cherchent à démontrer l'existence d'un complot, entendu comme le fait que des occidentaux puissants se coordonnent en secret pour planifier la réduction de la population africaine. Quelle idiotie ! Quel danger ! Quelle aberration ! Quelle hérésie ! Il se peut que des conspirations secrètes civiles, criminelles ou politiques, existent, généralement dans l'objectif de détenir ou de conserver une forme de pouvoir (politique, économique ou religieux). C’est très probable ! Rien de nouveau, c’est de la politique ! Mais avec un virus né à Wuhan, qui a tué plus de 330 milles de personnes dans le monde, noires, blanches, asiatiques, africaines, européennes, américaines, et un vaccin destiné à protéger la population mondiale, où est le complot ? Qui complote contre qui ? La tentation de démontrer qu'aucun complot n'est à l'œuvre sera interprétée comme une nouvelle tentative de tromper, de comploter ou comme le fait d’être un envoyé spécial des blancs. Tant pis ! Que des scientifiques s’activent pour trouver des remèdes, comme cela a toujours été le cas, pour inventer des vaccins, que le président Macky Sall demande à ce que le vaccin soit gratuit, où est le complot ? On connait l’appréciation que j’ai de ce président, je n’ai pas changé d’avis, mais à ce sujet, les toquards, et les crétins, ce sont ceux qui pensent qu’il y a complot !
De l’intelligence dans le panafricanisme
Le panafricanisme ! Oui ! Mais à condition qu’il soit fin, tactique et tactile, animé d’un esprit critique. C’est pourquoi le combat aujourd’hui doit tout d’abord être une lutte contre l’impérialisme numérique, pour une mentalité de la conquête du savoir, et contre notre tendance à croire que nous comprenons le monde à la perfection. Les Occidentaux ont réussi à dominer le monde en faisant un aveu d’ignorance, et dans la foulée développé une mentalité de conquête. Ces panafricanistes virtuels qui sont farouchement anti-européens dans la rhétorique, voient pourtant la politique, la médecine, la guerre et l’économie par les yeux de l’européen et à travers ses médias. Et bien qu’ils ne soient généralement pas prêts à le reconnaître, sont européens dans leur habillement, leur pensée, leurs goûts, leur nourriture, leur manière de se soigner. C’est ce paradigme qu’il faut changer. Si nous voulons réussir dans notre combat contre tous les impérialismes, il faut suivre des exemples comme Cheikh Ahmadou Bamba* qui prie pour que Dieu pardonne le colon qui vient de le capturer, ou comme Mandela qui pardonne après 25 ans de prison, chez qui, dans leur combat contre l’impérialisme colonial, on sentait la grandeur, la culture, la lecture, l’intelligence, et la dimension spirituelle ; et qui avaient leur propre agenda, pas celui du colon ou des GAFAM (Google, Facebook, Amazon, Microsoft).
« On ne doit pas tout craindre, mais on doit tout préparer »* *. « Dans la vie, rien n'est à craindre, tout est à comprendre »***. Encourageons la conquête des savoirs pour le futur et soyons conscients que la théorie du complot et le nationalisme perdront tôt ou tard le terrain. Cela n’empêchera pas de se battre pour des solutions locales, pour des intérêts communautaires, mais dans le raisonnable et la diversité ! Un travail en profondeur doit être engagé pour protéger les risques liés autant au foisonnement informationnel qu’aux faiblesses de la pensée humaine, pour le rationalisme, une professionnalisation de l’esprit critique et l’autodéfense intellectuelle. Une voie vers l’autodétermination et l’autonomie.
Babacar Beuz Diedhiou est Journaliste / communicant
*Cheick Ahmadou Bamba dans son poème (Rabbi Bima Yashrahou)
** Richelieu
***Marie Curie
par Makhtar Diouf
LE CORAN, LA SOUNNA ET LE CORONAVIRUS
EXCLUSIF SENEPLUS : Nous sommes en droit d’attendre que les partisans de l’ouverture des mosquées dans cette situation de pandémie présentent des versets du Coran et des ahadiss à l’appui de leur position
Voltaire en 1741 intitule une de ses pièces ‘’’Le fanatisme ou Mahomet le prophète’’. Montesquieu dans ‘’L’esprit des lois’’ en
1748 relie le fatalisme à l’Islam : « Cela est dans les décrets de Dieu, il faut donc rester en repos ». L’orientaliste Jacques Berque, dans sa traduction du Coran, a corrigé ces présentations déformées de l’Islam : « Je n’évoque pas ici la tendancieuse accusation de fatalisme que contredisent tant d’appels du Coran à la liberté et à la responsabilité humaine ».
Au Sénégal avec l’éclosion du coronavirus, une dissension est née entre les croyants à propos des lieux de culte : consensus chez les catholiques, mésintelligence chez les musulmans sur l’ouverture ou la fermeture des mosquées. Ce qui n’est pas sans rappeler le problème du fatalisme et du fanatisme qui vont de pair.
Le prophète (psl) exhortait de prier à la mosquée, disant que la prière en
groupe est 25 fois plus bénéfique que la prière faite tout seul, que chaque pas que fait le fidèle entre sa demeure et la mosquée est béni, de même que le temps qu’il reste assis dans la mosquée en attendant la prière. Il a même menacé, sans l’avoir jamais fait, de brûler les maisons des musulmans qui n’allaient pas à la mosquée (Sahih Bukhari, Mouslim). Mais toutes ces prescriptions ont été assorties de dérogations, c’est-à-dire exception à l’application pour cause de force majeure, toutes rapportées par Mouslim (1487-1491) :
En cas de forte chaleur, il recommandait de reculer la prière du milieu de la journée (tisbar). Lorsque le repas était servi, il demandait de manger avant de prier.
En cas d’intempéries (vents violents, pluies fortes …), il déconseillait d’aller à la mosquée. La prière du vendredi à la mosquée est une obligation pour le musulman qui n’a pas d’empêchement majeur, mais le prophète (psl) disait : « Je ne veux pas vous voir marcher dans la boue avec un sol glissant pour venir à la mosquée même pour cette prière». Dans de telles situations, il demandait au muezzin d’ajouter après l’appel à la prière : « Restez dans vos habitations ».
Le prophète (psl) demandait aux maris d’autoriser leurs épouses qui le désiraient, d’aller prier à la mosquée. Mais il conseillait aux femmes de prier à la maison, surtout avec les prières du matin et du soir pour une question de sécurité.
Le prophète (psl) qui recommandait aux musulmans de se dispenser d’aller à la mosquée pour ne pas être incommodés par des intempéries aurait-il demandé de les ouvrir dans une situation de pandémie comme le coronavirus qui peut conduire à la mort ? Les imams sénégalais qui ont fermé leurs mosquées n’ont fait que le suivre.
Lors de prière en mosquée, le prophète (psl) recommandait de serrer les rangs, de ne laisser entre les fidèles aucun espace où pourrait se glisser quelque dissension entre eux. Compte tenu du coronavirus, l’obligation faite de prier en mosquée à la condition de respecter la distanciation sociale fait fi de cette tradition prophétique. Raison majeure ? On accepte la raison majeure à l’intérieur de la mosquée, mais on la refuse en permettant d’y entrer. Et puis, avec la limitation du nombre de fidèles dans la moquée (comment sont-ils choisis ?) qu’en est-il de la frustration de ceux qui sont refoulés ?
Le prophète (psl) a certes dit que la prière en groupe est supérieure à la prière faite individuellement, mais la prière en groupe ne se fait pas uniquement en mosquée. Tout responsable de famille doit aussi être imam dans sa maison. Le prophète (psl) a aussi dit que « les lieux de la terre les plus chers à Allah sont les mosquées » (Mouslim), car c’est à Dieu qu’appartient toute mosquée comme le dit le Coran. Mais il a dit aussi : « la terre entière est une mosquée pour vous ; vous pouvez prier partout où vous vous trouvez à l’heure de la prière » (Mouslim). La prière (salat) figure 67 fois dans le Coran et la mosquée (masjid) 28 fois (sans la kaaba et la mosquée de Jérusalem).
Dans les pays occidentaux où le nombre de morts du coronavirus se compte par milliers, les foyers de propagation ont été des regroupements de personnes au mois de février 2020 : aux Etats-Unis, une cérémonie de mardi gras en Louisiane ; en France, les élections municipales, et une messe protestante à Mulhouse avec la présence de plus de 2 000 personnes ; les matches de football de huitièmes de finale de coupe d’Europe, en Angleterre, Espagne, Italie, France, Allemagne. Ces pays comptent pour plus de 80 pour cent des infections et décès du coronavirus dans le monde.
Le Coran a prévenu : « Et Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim, de perte de biens, de vies, et de récoltes, mais donne de bonnes nouvelles aux patients » (Coran 2 : 155). La patience n’est pas la résignation. Le Coran exhorte à l’action, à la précaution. Ce ne sont pas les versets qui manquent à cet effet :
- Et ne vous jetez pas par vos propres mains dans la destruction (Coran 2 : 195)
- Et ne vous tuez pas par vous-même (Coran 4 : 29)
Ô croyants ! prenez vos précautions … (Coran 4 : 71)
Allah vous veut la facilité et ne vous veut pas la difficulté (Coran 2 : 186)
Allah n’impose à personne ce qui est au-dessus de ses capacités (Coran 2 : 286 ; Coran 23 : 62).
Le prophète (psl) a poursuivi la sensibilisation sur la prise de précaution. Lors de la survenue d’une épidémie de peste, il lance cette mise en garde :
« Si vous êtes informés de l’éclatement de peste dans un lieu, n’y allez pas ; mais si la peste éclate dans un lieu pendant que où vous y êtes, ne le quittez pas (Boukhari, Mouslim) ».
C’est ainsi que le khalife Omar (rah), sur son chemin vers Cham (la Syrie) avec sa cavalerie, apprenant que cette région est infestée par la peste, fait demi-tour (rapporté par Mouslim).
Lors d’une épidémie, les autorités médicales conseillent d’éviter la transmission du virus d’une personne infectée à une personne saine. Le prophète (psl) ne dit rien de différent :
« Que celui qui croit en Allah et au jour dernier ne dérange pas son voisin » (Bukhari)
- « N’entrera pas au paradis celui qui inflige un tort à son voisin » (Sahih Mouslim n° 74, rapporté par Abou Huraira) ». Le terme utilisé dans le texte arabe est bawâ’iq traduit par le lexicographe anglais William Lane en ces termes : calamité, désastre, malheur, gêne… tout ce qui peut incommoder une personne pour lui rendre la vie difficile.
Selon le Coran, une calamité comme la pandémie peut survenir dans un monde et à une époque de perversité où l’on a oublié Dieu. Cette calamité se présente comme un démon, un compagnon dont personne ne veut. Et alors chacun pourrait dire :
« J’aurais aimé qu’il y ait entre toi et moi la distance séparant l'Est et l'Ouest ! Quel mauvais compagnon tu es ! » (Coran 43 : 38).
Le coronavirus est bien un compagnon dont personne ne veut, surtout qu’on ne le voit pas. C’est pour cela qu’il est recommandé la distance sociale entre les individus. Les lieux de culte (mosquées, églises …) sont des lieux appropriés de promiscuité entre les fidèles, avec forte propagation de virus. Au Sénégal, les musulmans qui s’opposent à la fermeture des mosquées s’en remettent à Dieu. Tout croyant s’en remet à Dieu, mais « Attache ton chameau, et place ta confiance en Allah ».
« Attache ton chameau, et place ta confiance en Allah ». Selon Anas ibn Malik, c’est un hadîss rapporté par At Tirmidji (sounan 2517) : il est tenu par le Prophète (psl) à un homme qui lui demande s’il peut entrer dans la mosquée et laisser son chameau libre. Il lui est ainsi enseigné que l’Islam n’a rien à voir avec le fatalisme, que le tawakul mentionné dans le Coran (distingué de tawaakul ) c'est-à-dire le fait de s’en remettre à Dieu, n’exclut pas la prise de précaution.
Le prophète (psl) en a donné l’exemple. Lorsqu’il décide d’émigrer à Médine, il prend toutes ses précautions, préparant son voyage méticuleusement dans le secret, demandant à Ali (rah) de dormir dans son lit, prenant un guide sûr, un compagnon sûr Aboubakr (rah) qu’il rassure. se basant sur ce verset : Une fois que tu as pris ta décision, place ta confiance en Allah (Coran 3 : 159). La prise de précaution précède la prise de décision.
Si les lieux de culte n’avaient pas été fermés ces derniers temps, le nombre d’infections et de décès aurait été beaucoup plus important. Des croyants infectés du coronavirus sans s’en rendre compte en auraient contaminé d’autres. La comparaison ne s’impose pas avec les épidémies de peste ou de grippe du passé ; celui qui en était atteint se savait malade et n’allait pas dans un lieu de culte qu’il n’était d’ailleurs pas besoin de fermer. Le problème avec la pandémie actuelle, comme nous le disent les spécialistes, est qu’une personne peut porter le virus sans se sentir malade.
Dans une période sans endémie, si une horde d’abeilles envahit une mosquée, personne ne voudra y entrer tant qu’elle n’aura pas été complètement désinfectée. Pourtant, une piqure d’abeille, même si elle peut être mortelle ne se transmet pas.
D’ailleurs, la fermeture des mosquées n’est en aucun cas définitive. Elle dure le temps que la pandémie soit maîtrisée. Les mosquées fermées restent en fait bien vivantes avec les appels à la prière (azann) qui y sont faites cinq fois chaque jour. Le azann est un condensé remarquable de l’enseignement de l’Islam : il contient les deux premiers piliers de l’Islam, et la wahdâniya (unicité de Dieu).
Cela dit, nous sommes en droit d’attendre que les partisans de l’ouverture des mosquées dans cette situation de pandémie présentent des versets du Coran et des ahadiss à l’appui de leur position. Même si nous la respectons.
Le verset (Coran 2 : 114) Y a- t-il plus injustes que ceux qui empêchent d’évoquer le nom d’Allah dans Ses mosquées et visent à les détruire ? n’a rien à voir avec la fermeture de mosquées en cas de force majeure et encore moins avec l’intention de les détruire. Le verset s’adressait aux païens idolâtres qui voulaient empêcher l’accès de la kaaba aux musulmans. Les appels à la prière qui sont maintenus lors de la fermeture des mosquées en cas de danger évoquent le nom d’Allah et font plus.
En cette occasion et en cette fin du mois béni de Ramadan au Sénégal surtout, il est opportun de rappeler ce propos du prophète (psl) :
‘’ J’ai demandé au Seigneur trois choses. Il m’a accordé les premières. Je Lui ai demandé que ma oumma ne soit pas détruite par la famine, Il me l’a garanti. Je Lui ai demandé que ma oumma ne soit pas détruite par des calamités naturelles, ni par une occupation étrangère, Il me l’a garanti. Je Lui ai demandé que ma oumma ne s’entredéchire pas, Il ne me l’a pas garanti ».
C’est peut-être, contrairement aux apparences, ce qui participe à ce renforcement de l’Islam partout dans le monde.
PS : C’est la tradition de rédaction en langue anglaise sur l’Islam qui a imposé la formulation hadîth (le th terminal anglais se prononce ss). Ce texte étant en langue française, il est plus logique d’écrire hadîss au singulier, ahadiss au pluriel.
par Siré Sy
MACKY ET LES JOURNALISTES
EXCLUSIF SENEPLUS - Pape Djibril Fall est parti pour être contre Macky Sall, ce que Latif Coulibaly et Souleymane Jules Diop fussent contre Abdoulaye Wade
Si Macky n’était pas géologue, certainement, il serait devenu un journaliste. N’est-ce pas ? Macky et les journalistes, c’est une longue histoire. Tantôt à crédit. Tantôt au débit. Mais toujours en équilibre. Comme ‘’il est Midi’’, ce beau temps qu’il fait toujours, au beau milieu de la journée. Tout en équilibre entre le jour et la nuit. Une certaine opinion disait que le président Macky Sall s’est fait entourer tellement de journalistes et de communicants en ce qu’il y avait d’aussi brillant (Hamidou Kassé, Abou Abel Thiam, Racine Talla, Abdou Latif Coulibaly, Souleymane Jules Diop, Madiambal Diagne, Yakham Mbaye, Mamadou Thiam, etc.) que ses pourfendeurs les plus virulents ne pourraient pas venir de la presse et des médias. Que nenni. En période électorale, c’est Ousmane Sonko qui empêche le président Macky Sall et son régime, de dormir du sommeil du juste. Exit le temps électoral, arrivent le temps politique et le temps médiatique. Et si tant est qu’il n’en ait jamais eu, ce sont, hélas, des journalistes, tout aussi brillants que les journalistes partisans et militants au régime de Macky Sall, qui empêcheraient le calme et le répit dans le maquis. Ils ont pour noms, Adama Gaye, Pape Alé Niang et Pape Djibril Fall.
Pape Alé Niang, le Chroniqueur ‘’critiqueur’’
Pape Alé Niang, dans le registre de la contestation et des attaques, est à l’image du noble charbonnier, chiffonnier et démineur. C’est lui qui va au front, descend dans les entrailles de la terre, pour dénicher les sujets à polémique. Même s’il ne se déclare pas organiquement militant de Pastef, à son corps défendant et à travers les actes qu’il pose, on pourrait dire que politiquement, ‘’Sonko est le plus grand bénéficiaire du travail de Pape Alé’’. A défaut d'être militant organique de Pastef, Pape Alé semble nourrir une certaine sympathie pour Ousmane Sonko. Toutefois, Pape Alé Niang est aussi dans le fond, dans son corpus et dans son argumentaire de contestation et d’attaques tous azimuts. Pape Alé s’interroge et nous interroge. Avec un verbe piquant et incisif. Dans ce Sénégal où parfois, des personnes laissent sortir de confuses paroles et posent souvent des actes difficilement explicables. Pape Alé Niang fait de la contestation sur pièce et sur place. Dans ses attaques tous azimuts, Pape Alé est dans la communication (le lien) quand le gouvernement est dans l’information (le message). Et c’est en cela que Pape Alé fait mouche dans chacune de ses sorties. Et pour réduire le gap creusé par Pape Alé, le gouvernement gagnerait à élever ses mots mais pas sa voix (disait Jalal Ad-Din Rûmi) parce que ‘’c’est la pluie qui fait grandir les fleurs, pas le tonnerre’’, enseignait Rûmi.
Pape Djibril Fall, le verbe en chantant
Pape Djibril Fall est la nouvelle coqueluche des téléspectateurs sénégalais et la nouvelle attraction à la télé au Sénégal. Dans l’espace audiovisuel, à chaque période, sa nouvelle figure et les Sénégalais aiment le nouveau, l’écarlate, le croustillant et l’étincelant, comme
l'est Pape Djibril Fall. Depuis un certain temps, le débat politique public s’est appauvrit. Il tourne autour d’un ordre du discours dénonciateur sans force de perspectives et d'espérances collectives (Opposition) et un ordre du discours de type message (information) sans croisement fertile, ni relations et ni mise en perspective pour nourrir et tisser le lien. Pape Djibril Fall fait du journalisme révolutionnaire : rebelle, originalité et imprévisibilité. Avec de (belles) idées devant la tête et un talent d’athlète du verbe…
Petit retour vers le futur. Au Sénégal, le journalisme (privé) est né et s'est nourri aux origines, dans une forme de conflictualité diffuse avec le pouvoir politique – quel que soit celui qui l’incarne -. Au point que dans l’imaginaire collectif, le ‘’bon journaliste’’ serait celui qui est dur et critique avec et envers le régime en place. N’importe lequel. En tout temps et en tout lieu. Le métier de journaliste et la profession de journalisme au Sénégal, sont fortement traversés et nourris par les idéaux de la Gauche, au point qu’en face du pouvoir, le journalisme doit choisir son camp qui ne saurait être que celui de la contestation et des attaques, celui de la sentinelle et de la vigie. Parce que le pouvoir et ceux qui l’incarnent, dans un imaginaire collectif et par un subconscient tenace, seraient par excellence, contre le peuple et seraient dans les combines et dans les calculs d’épiciers du dimanche, ne seraient pas de vrais patriotes, ont une courte vision des défis et ne seraient pas tout à fait au fait des véritables enjeux. Waw....! A l’époque, le journalisme était une stratégie de la Révolution qui elle-même reposait sur le triptyque : le Maquisard, le Guérillero et le Journaliste. Quand le Maquisard et le Guérillero traquent les corps ennemis par les armes, le Journaliste s’arme de sa plume et s’attaque aux esprits, en les travaillant corps à corps.
Et c’est sur cette vague que Pape Djibril Fall surfe et réussit si brillamment par son élégance dans sa posture, dans son éloquence dans le verbe et dans la suite dans ses idées. Depuis le repli stratégique d'un certain Abdou Latif Coulibaly et un abandon de combat d'un certain Souleymane Jules Diop, les consommateurs de produits, biens et services politiques, guettaient un nouveau messie. Car, la nature a horreur du vide. Et le vide fait le talent, dit-on. Et Pape Djibril Fall est parti pour être contre Macky Sall, ce que Latif Coulibaly et Souleymane Jules Diop fussent contre Me Wade. Pape Djibril est encore un verbe en chantant, un sophiste, et il a de la marge et le talent pour devenir philosophe. Le Sophiste convainc sans avoir raison et le philosophe cherche les chemins de la vérité. Parce que la critique est facile, mais l'art est difficile.
Siré Sy, Think Tank Africa WorldWide Group
par Souleymane Jules Diop
ÉPÎTRE À MON AMI ABDOURAHMANE SARR
EXCLUSIF SENEPLUS - Il n’existe pas de pays pauvres très endettés pour la bonne raison que ce sont les riches qui prêtent et ils ne prêtent pas aux pauvres. Quand ils le peuvent, ils les rançonnent
Tu sais jusqu’à quel point je te tiens en estime. Tu es, à n’en pas douter, un homme d’une grande stature intellectuelle et il m’est arrivé souventes fois, de faire appel à ton jugement en des matières relevant de ton domaine, l’Economie. Je pense que tu as été, de nous tous - n’en déplaise à tes contempteurs - celui qui a le plus influencé et donné de la crédibilité à notre marche vers une souveraineté monétaire, dont les premiers jalons viennent d’être posés.
Nous avons eu de longs échanges sur ces points qui longent ton curriculum. Je me suis rendu en ta résidence pour te les voir évoquer et j’en suis toujours revenu comblé, comme une abeille savourant son nectar.
En revanche, je te trouve, sur la question de la dette, d’un absolutisme qui frise l’arrogance et qui trahit ce que tu es vraiment : un homme à qui il a parfois manqué de la nuance, mais un homme ouvert quand même. Or, de la nuance, c’est ce que tu devrais apporter au jugement sévère que tu portes sur le texte de l’ancien Premier ministre Mohamed Dionne.
Que dit-il finalement ? Que nous sommes dans une crise (une guerre pour d’autres) et qu’il nous faudrait trouver le moyen de relancer nos économies par l’investissement public, après avoir financé cette sale guerre qui nous prend nos vies. En somme, nous devons faire du keynesianisme en 2020, dans un contexte de décapitalisation (les investisseurs ont retiré 90 milliards de dollars des marchés émergents). Nous ne pouvons le faire jusqu’ici (ou avons pensé pouvoir le faire) qu’en empruntant aux autres ou en taxant nos propres concitoyens. Leur reprendre par une main ce que nous leur avons donné par l’autre, au risque de soulèvements populaires, de licenciements massifs et de crises sociales. Cette dernière hypothèse nous semble inacceptable, parce qu’elle est injuste. Or donc, si les conditions de l’emprunt (que les citoyens paieront en dernier ressort par des impôts futurs) n’ont jamais été aussi favorables, nous ne pouvons y recourir sans remettre en cause nos grands équilibres et dégrader notre notation.
Au demeurant, les pays de notre espace économique et monétaire ne pourront plus respecter les critères de convergence hérités arbitrairement, tu le sais bien, de Maastricht. Y aurait-il une troisième voie ? C’est ce que Mohamed Dionne appelle « un troisième moyen terme ». Son inférence est donc nouvelle, tout comme la conclusion à laquelle il parvient. Il nous faut, dans un premier temps, accorder un moratoire aux pays africains pour que les ressources allouées traditionnellement au service de la dette servent à des besoins urgents dans les secteurs de la Santé, en soutien aux entreprises et aux ménages.
Ensuite, requalifier cette dette pour qu’elle ne devienne pas un frein à la relance de notre Economie. Il est devenu évident, pas seulement pour le Sénégal, mais pour le monde entier, mon cher Abdourahmane, qu’une réponse définitive doit être apportée à la question de la dette. En 2008, beaucoup de pays se sont endettés pour renflouer les banques et les grandes entreprises. Ce sont les contribuables qui ont finalement payé à la place des financiers, économistes qui ont promu et théorisé le laissez-faire dévastateur. En France, des acteurs politiques de premier plan posent avec pertinence la problématique d'une dette, de toutes les façons, impossible à payer par les Etats !
Les dettes des pays vont à nouveau exploser parce qu’il faut financer la « guerre » et financer la reprise. Bien avant la pandémie, le monde avait déjà un niveau d’endettement qui dépassait largement le PIB mondial. De nombreux pays ont dépassé les 100% de leur dette rapportée à leur PIB. Le Japon a dépassé les 200% suivi de pays comme l’Italie (150%), la France (115), les Etats-Unis dans les mêmes proportions.
Le débat sur la dette, mon cher Abdourahmane, devrait être abordé autrement. C’est une réflexion qui m’est venue quand Idrissa Seck, dont j’étais le conseiller, s’est félicité fièrement il y a bientôt 20 ans, du « point d’achèvement de l’initiative Pays pauvres très endetté. Il n’existe pas de pays pauvres très endettés pour la bonne raison que ce sont les riches qui prêtent et ils ne prêtent pas aux pauvres. Quand ils le peuvent, ils les rançonnent. Tous les pays très endettés sont des pays riches, figure-toi. Ensuite, aucun pays riche, en dehors de ceux qui vivent de rente pétrolière comme la Norvège, les pays du Golfe, qui sont créditeurs, ne s’est développé sans avoir eu recours à la dette.
A ce sujet, ton jugement selon lequel notre pays a accumulé un stock de dette sans résultats n’est pas juste : malgré les critiques bien justifiées sur nos choix en matière d’orientation, d’investissement, nous sommes plus riches que nous l’étions en 1960. Alors que nous n’étions qu’un million et que nous en faisons maintenant 15, nous sommes devenus plus riches en routes, en autoroutes, en infrastructure, en outils de production, en écoles, en universités, centres de formation, en entreprises, en entrepreneurs prospères et bientôt en rente gazière et pétrolière. En 1960, le goudron était une rareté et la voiture, un luxe réservé à de riches hommes.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, il va de soi que les Etats ne pourront jamais payer leurs dettes. Que faudrait-il faire ? Entrer dans un cycle de son remboursement par l’émission de nouveaux titres de dette ? Ou préconiser une solution durable comme celle qu’expose fort éloquemment Mohamed Dionne ?
Le vrai débat, celui qui doit nous occuper a été bien posé dans le cadre du PSE. Il nous faut créer les conditions d’une transformation structurelle de notre Economie, générer assez de valeur ajoutée dans nos secteurs les plus productifs, pour produire plus de richesse, taxer cette richesse pour faire face à nos besoins en développement et payer nos dettes.
Ce que la proposition de Mohamed Dionne a de pertinent, et il me semble que tu le restitues de manière injustement biaisée, c’est qu’elle apporte une réponse à une situation de pure aporie : les besoins urgents sont là, il faut les financer ; les intérêts de la dette sont échus, il faut les payer.
En ce qui me concerne, mon point de vue sur la question n’est pas d’ordre économique, il est moral. La dette des pays africains s’est constituée à partir du début des années 70, avec ce que Senghor a appelé « la détérioration des termes de l’échange ». Les règles imposées par les grandes puissances ont appauvri nos paysans et réduit au quart nos capacités budgétaires. Nous étions peu industrialisés, peu monétarisés pour faire face à une situation qui nous était imposée après trois siècles d’esclavage et un siècle de colonisation. Ensuite, les plus grandes victimes ont été les populations, pendant une longue période dite d’ajustement, qui a été une longue période de crises politiques et syndicales successives, parce que les populations ont légitimement refusé de se voir imposer le dictat du Club de Paris. Pourquoi les populations devraient-elles payer une dette à laquelle elles n’ont pas consenti et qui compromet tous leurs moyens de vivre ? Et en quoi demander son annulation peut-elle à ce point irriter ?
Mon cher Abdourahmane, il ne s’agit donc pas se ré-endetter comme tu sembles l’indiquer (ce sur quoi je suis d’accord avec toi). Il s’agit de se ré-endetter dans des conditions plus équitables pour des investissements dans des secteurs porteurs de notre économie, et rompre ainsi la chaîne de la dépendance aux facteurs exogènes qui nous inhibent.
Des économistes de votre trempe devraient justement faire preuve de courage en imaginant le monde d’après Covid, qui ne peut plus être celui d’avant, en rompant avec les paradigmes anciens. C’était le génie de Keynes de créer les conditions de la mise en place de l’Etat providence après la seconde guerre.
Le monde que nous imaginons doit être plus juste. Le PSE nouveau doit garder pour principale ligne directrice la réduction du gap entre riches et pauvres, villes et campagnes, réinventer les modalités de son financement, avec un rôle plus assumé de l’Etat dans ce domaine. C’est ce que nous avons voulu faire avec ce que j’ai appelé les 5P : Pse, Pudc, Promoville, Pumaf, Ppdc.
Et si le philosophe que je suis se mêle à ce débat d’initiés, c’est que vous êtes, Mohamed et toi, adeptes d’une discipline dont je conteste la dignité scientifique. Plus qu’une science qui a élaboré ses mécanismes de validation et de transmission, l’Economie est une pensée. Il existe chez vous comme chez les philosophes, des débats d’écoles et de pensée toujours remises en question.
Il s’y ajoute que les deux contemporains qui ont le plus marqué et infléchi vos méthodes d’analyse et vos moyens d’intervention n’ont rien à voir avec l’Economie. L’un est chimiste de formation, c’est Margaret Tatcher ; l’autre acteur de cinéma, c’est Ronald Reagan. Ils sont les deux parents de la « New Public Governement », que tu as dû approfondir lors de ton passage remarqué à Harvard. Nous sommes, Mohamed Dionne et moi, disciples d’un homme qui y a enseigné la philosophie politique jusqu’à sa mort en 2002. Il s’appelait John Rawls, auteur de « Justice as equity ».
par Moustapha Boye
L’ECO, LA FAUSSE SORTIE DE LA FRANCE
La fin du Franc CFA annoncée par la France n’est qu’un faux affranchissement puisque l’ancienne puissance coloniale continuera en réalité à entretenir de très fortes relations monétaires avec les quinze pays de la CEDEAO
Ce mercredi 20 mai 2020 devait rester dans l’Histoire comme la date de la vraie indépendance économique des pays africains d’expression française utilisant le franc CFA. Ces pays se trouvent en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale en plus des Comores. Hélas, la fin du Franc CFA annoncée par la France n’est qu’un faux affranchissement puisque l’ancienne puissance coloniale continuera en réalité à entretenir de très fortes relations monétaires avec les quinze pays de la CEDEAO qui ont décidé de lancer en juillet 2020 une monnaie unique dénommée ECO.
La décision du gouvernement français qui va être soumise à son Parlement s’inscrit dans un calendrier global mis en œuvre par les 15 chefs d’Etat de la CEDEAO lors du sommet d’Abuja du 29 juin dernier. A cette occasion, les dirigeants de la zone étaient tombés d’accord pour mettre sur pied une monnaie unique, l’ECO, en juillet 2020.
Les discussions entre la France et ses « partenaires » africains de l’Umoa ont abouti à une proposition commune de réforme des instances et du fonctionnement de la coopération suivant quatre axes :
(i) le changement de nom de la devise, les autorités de l’Umoa indiquant leur souhait de passer du « franc CFA » à l’« ECO7 » ;
(ii) la suppression de l’obligation de centralisation des réserves de change sur le compte d’opérations au Trésor ;
(iii) le retrait de la France des instances de gouvernance de la Zone et
(iv) la mise en place concomitante de mécanismes ad hoc de dialogue et de suivi des risques (notamment reporting, échanges et rencontres techniques).
La signature le 21 décembre 2019 de l’accord de coopération entre les états membres de l’Umoa et la France, est la concrétisation de cette proposition. Cet accord viendra remplacer l’accord existant de 1973. Cet accord doit être complété courant 2020 par une convention de garantie, texte technique d’application, conclue avec la Banque centrale des états de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Deux mois restant à la France pour prononcer la mort du FCFA, il fallait arranger les deux agendas du FCFA et de l’ECO qui n’avaient pas les mêmes paramètres monétaires. Le facteur handicapant, le Franc CFA est imprimé en France (Chamalières et Pessac), 50% des réserves de l’Uemoa étaient gardées par la France, la politique monétaire de nos pays était aussi décidée depuis Paris. Or dans le schéma d’Abuja, dans un premier temps, les 8 pays membres de l’Uemoa doivent commencer en juillet à utiliser l’ECO du fait qu’ils sont proches des critères de convergence (déficit inférieur à 3%, inflation inférieure à 3%, endettement inférieur à 70 %).
Ensuite, les deux grandes puissances de la zone Cedeao, notamment le Nigéria et le Ghana, deux pays anglophones il est bon de le préciser, ont conditionné leur adhésion à la monnaie unique à la coupure par la France du cordon ombilical la liant à ses anciennes colonies. Ce de manière à ce puisse être mise en place une banque centrale fédérale. La dernière étape devait consister en la mise en place d’une politique économique et commerciale, la signature des traités et du statut de la Banque centrale.
Seulement à deux mois de la date de juillet 2020, les dirigeants de la CEDEAO n’ont pas encore défini la politique monétaire à mener, encore moins le statut de la Banque centrale de la CEDEAO. A deux mois de l’échéance de juillet 2020, il ne sera pas possible d’opérer toutes ces ruptures qui devraient accompagner l’avènement de l’Eco. La servitude monétaire avec la France va alors continuer puisque le seul changement opéré sera celui du nom de la monnaie.
Divorce officiel d’un mariage de 47 ans
La coopération monétaire actuelle entre la France et l’Umoa repose sur un accord de coopération monétaire signé le 4 décembre 1973 par les ministres des Finances de l’Umoa et de la France, qui posait le cadre général de la coopération. Cet accord est complété par une convention de compte d’opérations, signée en décembre 1973 et modifiée par deux avenants de 2005 et 2014.
Sous ce régime (accord de coopération, complété par la convention de compte d’opérations et ses deux avenants), la France est représentée dans des instances techniques de gouvernance de la zone (Conseil d’Administration et Comité de politique monétaire de la Banque centrale des états de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Commission bancaire de l’Umoa). La BCEAO est l’institut d’émission commun aux états membres de l’Umoa et jouit du privilège exclusif de l’émission monétaire sur l’ensemble de ces états membres.
La Commission bancaire de l’Umoa, présidée par le Gouverneur de la BCEAO, est l’autorité de supervision bancaire de l’Union. Les représentants de la France y disposent d’un droit de vote sans voix prépondérante. Il est à noter que la France ne participe pas aux instances politiques (Conférence des chefs d’état, Conseil des ministres). « Le positionnement de la France évolue pour devenir celui d’un strict garant financier de la Zone. Les paramètres fondamentaux de la coopération ne sont toutefois pas modifiés : le régime de change demeure inchangé, avec un maintien de la parité fixe entre l’euro et la devise de l’Union tout comme la garantie illimitée et inconditionnelle de convertibilité assurée par la France » souligne « le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des Etats membres de l’Union monétaire ouest-africaine » déposé à l’Assemblée nationale française par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et le ministère de l’Economie et des finances. « La transformation du rôle de la France en celui d’un strict garant financier se traduit ainsi par la fin de sa représentation dans les instances techniques de gouvernance de la Zone où elle ne disposera plus, hors cas de crise, de droit de vote.
La réforme maintient inchangés les paramètres essentiels à la stabilité macroéconomique et monétaire de l’UMOA : maintien de la parité fixe de la monnaie commune de l’UMOA avec l’euro et de la garantie illimitée et inconditionnelle de convertibilité assurée par la France. La garantie apportée par la France fonctionnera sur le même principe qu’aujourd’hui : si la BCEAO fait face à un manque de disponibilités pour couvrir ses engagements en devises, elle pourra se procurer les euros nécessaires auprès de la France.
La crédibilité de l’ancrage de la monnaie de l’Union sur l’euro est donc préservée. La fin de l’obligation de dépôt des réserves de change de la BCEAO permettra à la Banque centrale de disposer de la totalité de ses réserves et de décider de leur allocation et de leur placement, avec, dans l’environnement de taux actuel, un impact probable sur la rémunération de ces avoirs » indiquent les auteurs du projet de loi.
Par Serigne Saliou Guèye
LES ENSEIGNANTS NE SONT PAS DES FLEMMARDS !
C'est dans l'air du temps de cracher ou de taper sur les enseignants. Quoi qu’ils fassent, même s’ils se préoccupent de conditions sanitaires optimales pour mener à bien cette reprise tant annoncée, c’est toujours la même caractérisation péjorative.
C'est dans l'air du temps de cracher ou de taper sur les enseignants. Quoi qu’ils fassent, même s’ils se préoccupent de conditions sanitaires optimales pour mener à bien cette reprise tant annoncée, c’est toujours la même caractérisation péjorative. Ils sont considérés comme des feignasses, des cupides voulant jouir des voluptés des vacances procurées par la pandémie du Covid-19. Aussi, ils sont toujours en proie à un déchaînement injustifié de médisance et de diatribes acerbes.
Dans un éditorial corrosif, mon directeur Mamadou Oumar Ndiaye (MON) s’est attaqué sans aménités aux enseignants les traitant de flemmards qui multiplie tous les prétextes pour ne plus reprendre le chemin des classes tant que sévit la pandémie du Covid-19 et qui parallèlement veulent être payés aux frais de la Reine.
Une telle accusation désinvolte manque de profondeur et de méconnaissance de la vraie réalité de la situation. Il suffit de voir l’embrasement inextinguible que cette sortie malheureuse de MON a suscitée dans les réseaux sociaux pour mesurer le degré du choc et d’indignation des enseignants meurtris et blessés au plus profond de leur chair et de leur conscience. Face à une reprise des cours impensée et précipitée, sans l’aval du Comité national de gestion des épidémies (CNGE), sans consensus avec les véritables acteurs (je ne parle pas de ces vieillards cacochymes se prélassant et se sucrant de subsides corruptifs de l’Etat dans de soi-disant structures, appendices de l’Etat, et appelé pompeusement associations des parents d’élèves), sans un protocole sanitaire clair, n’est-il pas légitime et humain que les enseignants exigent des gages de sécurité sanitaire pour eux et pour leurs apprenants ?
L’Oms nous dit que les écoles sont un endroit propice à la contagion, que les plus jeunes, même quand ils sont asymptomatiques, peuvent diffuser le virus. Alors n’est-il pas risqué devant des mesures sanitaires encore floues de favoriser une explosion des contaminations en rouvrant précipitamment les écoles ? C’est un mensonge si les autorités serinent que toutes les dispositions sanitaires sont mises en place pour assurer une bonne reprise des cours le 2 juin. Rien qu’à Fatick, ville du président Macky sall, 67 écoles qui doivent recevoir les apprenants et enseignants ne disposent même pas de toilettes. Certainement qu’on va mettre à leur disposition des toilettes mobiles et démontables. De qui se moque-t-on ?
Les enseignants sénégalais ont bon dos mais ils ne sont pas les seuls à exiger des garanties de sécurité sanitaire pour être d’attaque sur le champ des enseignements le 2 juin. Des parents d’élèves inquiets de même des apprenants ont décliné la proposition irréfléchie et fantasque du Président. MON fait erreur en parlant de reprise des cours quasi-généralisée un peu partout. Au Cameroun et au Niger, en RDC les cours n’ont pas repris. Le Togo et la Guinée n’ont pas encore fixé de date pour la réouverture des classes. Au Gabon et au Ghana, écoles et universités sont encore fermées. Le mali rouvre ses écoles à partir du 2 juin prochain. En Côte d’Ivoire, la reprise des cours prévue le lundi 18 mai est ajournée. L’Algérie opte pour la reprise en septembre. En Tunisie, tous les élèves inscrits dans les différentes classes ne reprendront pas les cours cette année.
Seuls les élèves inscrits en 6e et 9e passeront directement les examens, les 2 et 3 juillet 2020, sur le contenu étudié durant les premier et second trimestres. Le mardi 12 mai, le ministre tunisien de l’Education nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Said Amzazi, a annoncé que les élèves ne rejoindront les écoles qu’à la rentrée prochaine de septembre, afin de préserver leur santé. Tout en assurant que le baccalauréat aura lieu en juillet dans le strict respect des mesures sanitaires. Le ministre a assuré que, puisque 75 % du programme de l’année a été dispensé avant la suspension des cours, il n’y aura pas d’année blanche. L’Afrique du sud qui prévoit le retour à l’école le 1er juin se heurte au niet catégorique du syndicat démocratique des enseignants d’Afrique du sud (SADTU).
Et la liste est loin d’être exhaustive. L'Italie, l'Espagne et la province du Brunswick au Canada et l'Etat de New York ont acté leur fermeture jusqu'en septembre. Le Japon a rétropédalé dans l’ouverture partielle des classes pour avoir subi une seconde vague de contamination. Au Royaume-Uni, le gouvernement, qui a fermé les écoles depuis mi-mars, a annoncé que les examens de fin d’année sont supprimés. Les épreuves du General Certificate of secondary Education (GCsE) sanctionnant la fin du collège (autour de 16 ans) et celles du A Level, validant la fin des études secondaires, n’auront pas lieu.
Au Danemark, les cours ont repris chez les tout-petits seulement avec des mesures sanitaires précautionneuses très strictes. En classe, chaque enfant doit être assis à deux mètres de ses camarades. Les élèves et les enseignants sont invités à passer le plus de temps possible en extérieur, dans la cour de récréation. Chaque enfant doit se laver les mains au moins une fois toutes les deux heures. De leur côté, les professeurs sont tenus de désinfecter régulièrement les poignées de porte, les interrupteurs, mais aussi les tables, les souris et les claviers d'ordinateur. La Biélorussie, le Tadjikistan, le Turkménistan, ainsi que le Nicaragua ont opté depuis le début pour un non confinement, laissant leurs écoles ouvertes depuis le début de la pandémie. La suède a fermé lycées et universités, mais a maintenu ouverts crèches, écoles et collèges.
La vraie question que MON doit se poser est celle relative aux autres 4 millions d’apprenants qui ne sont pas concernés par cette reprise et pour qui aucun plan de reprise n’est conçu. La seule réponse péremptoire du Président est celle du télé-enseignement. si le téléenseignement était opératoire, pourquoi ne pas laisser les élèves de Cm2, 3e et terminales acquérir intra-muros ce qu’ils vont chercher à l’école le 2 juin à leurs risques et périls ?
Macky Sall, élève qui a appris avec des lampes-tempête, des bougies ou même sous des poteaux électriques, ignore-t-il, aujourd’hui qu’il est président de la République, que plusieurs sénégalais n’ont pas encore accès à l’électricité ? Sait-il que la télévision et l’ordinateur sont des luxes dans ce pays qui se nimbe d’une émergence fantasmagorique ? Il ne faut pas se voiler la face ! Il appert que la volonté de ce gouvernement, qui ne se soucie pas de ses apprenants et de ses enseignants, n’est pas de sauver l’année scolaire mais de sauver les milliards dépensés en termes de salaires, de fonctionnement et primes dans le département de l’Education. Et il faut que le ministre de l’Education et ses caudataires panurgistes cessent de colporter que reprendre les cours au mois de septembre équivaut à une année blanche. Une année blanche ne dépend que d’un seing de l’autorité présidentielle.
En 1997, le bac a été organisé en septembre à cause d’une longue crise scolaire et l’année n’avait pas été déclarée blanche. Le seul but de ce gouvernement, c’est de distribuer, après l’organisation de simulacre d’examens, des « coronadiplômes », c’est-à-dire des diplômes au rabais. Pour mieux vitrifier le corps enseignant, MON met en parallèle la frousse des enseignants au courage du personnel soignant et des forces de défense et de sécurité (FDs). Pourtant on a entendu le coup de gueule des médecins du sames qui ont demandé en quantité et en qualité des équipements de protection individuelle (EPI).
A l’hôpital Idrissa Pouye de Grand-Yoff, un médecin chef a menacé de fermer son département si les mesures de protection sanitaire n’étaient pas garanties à son personnel. sa menace mise en exécution pour 24h et voilà subséquemment ses doléances satisfaites par les autorités de la santé. Les enseignants, loin d’être des pétochards, affichent de la prudence et font preuve de responsabilité. Les magistrats refusent de reprendre les audiences si le maximum sanitaire ne leur est pas garanti. Beaucoup de chefs religieux chrétiens comme musulmans ont décidé de ne pas rouvrir les lieux de culte placés sous leurs responsabilités.
Alors MON, pourquoi refuser aux enseignants ce que l’on admet pour les autres ? Certes le Covid-19 est une maladie bénigne mais impitoyable chez tous les patients qui présentent des comorbidités. Et c’est une erreur que de soutenir dans l’absolu que le taux de létalité est de 1 %. Le Covid-19 n'est pas meurtrier partout avec la même intensité. Il n’a pas la même gravité et la même létalité partout où existent des foyers et des chaînes de transmission. Au jour du 21 mai, avec 329.799 morts et 5.049.390 cas d’infection officiellement diagnostiqués dans le monde, le taux de létalité est de 6,53 %.
Au Sénégal, la létalité qui est encore faible pourrait du jour au lendemain exploser si les clusters se multiplient. Et l’analyse de la courbe épidémique, dans sa phase ascensionnelle actuellement, indique qu’il n’est pas à écarter un nombre plus important de décès dans les jours à venir. Et c’est aussi une erreur de dire que le palu est plus mortel que le Covid. Il est avéré aujourd’hui (bilan total du 9 février au 13 mai) que le Covid-19 est devenu la 3e maladie infectieuse la plus mortelle du monde derrière l’hépatite et la tuberculose. Suivent le sida et la malaria. En cinq mois, le Covid a fait plus de 300 mille morts au plan mondial. Le palu en douze mois (année 2019) a tué près de 450 mille personnes dans le monde. Il est temps de conclure cette réaction qui n’est point une apologie. Les enseignants sont loin d’être des pantouflards ou des froussards.
Quand certains fonctionnaires de l’Etat, valorisés ostensiblement aujourd’hui, désertaient les zones de guerre lors de la crise casamançaise, seuls les enseignants, par devoir et par conscience professionnelle, restaient à leurs lieux de travail. Après les FDs, le corps enseignant a payé le plus lourd tribut parmi les autres catégories socio-professionnelles. Pendant des années, les enseignants ont eu à faire les frais de cette guerre dévastatrice du sud. Certains d’entre eux ont été sauvagement trucidés, d’autres devenus éclopés et invalides à cause des mines antipersonnel, et les plus chanceux étaient dépouillés de leurs biens. A ceux-là s’ajoutent les traumatisés psychologiques. Ils sont nombreux ces soldats de la craie qui ont payé de leur vie en voulant façonner des vies dans des zones où les irrédentistes faisaient la loi. Et in fine, aucun hommage posthume n’a été rendu aux enseignants qui ont été victimes de cette guerre sénégalo-sénégalaise. Et Mariama Ba a vu juste quand elle dit dans son best-seller Une si longue lettre que « les enseignants forment une armée noble aux exploits quotidiens, jamais chantés, jamais décorés ». Les régimes successifs ont tout fait pour dévaloriser la fonction enseignante en confinant les enseignants dans le registre des sempiternelles revendications. Et malheureusement, c’est cette image caricaturale de l’enseignant grognon, paresseux, rouspéteur en toute occurrence distillée par l’Etat dans la société que MON retient de ces soldats du savoir qui se donnent quotidiennement pour la grandeur de leur patrie sans attendre des passe-droits particuliers en contrepartie.
Par Séraphin PRAO
LA FRANCE MAINTIENT L'UEMOA DANS LA SERVITUDE
Sous l’ère Macron, la France est décidée à maintenir ses positions sans toutefois apparaître impérialiste. L’adoption du projet de loi entérinant la transformation du franc CFA en ECO est un coup de maître du gouvernement français
Le grand Sun Tzu disait que «la meilleure stratégie est celle qui permet d’atteindre ses objectifs sans avoir à se battre». En tout cas, tout porte à croire que sous l’ère Macron, la France est décidée à maintenir ses positions sans toutefois apparaître impérialiste. L’adoption du projet de loi entérinant la transformation du franc CFA en ECO est un coup de maitre du gouvernement français.
En réalité, c’est la suite logique de l’accord signé le 21 décembre 2019, entre le président Alassane Ouattara, au nom des pays de l’UEMOA et le président français, Emmanuel Macron, à Abidjan. Les ‘’ennemis du développement’’ du continent africain veulent faire croire qu’il s’agit d’une révolution copernicienne alors que dans les faits, c’est une simple stratégie pour contrôler indirectement les économies de l’UEMOA sans paraître impérialiste. Nous montrons à travers ces quelques lignes, que le nouvel accord est purement symbolique puisque la France continuera de contrôler les économies africaines au profit de ses entreprises. Le projet de loi du 20 mai 2020 est purement symbolique
Depuis 1945, la France pille les fabuleuses ressources des Pays africains de la Zone Franc (PAZF), par le truchement de plusieurs canaux, dont le canal monétaire de l’accord de coopération monétaire. Avec l’accord du 21 décembre 2019, rien ne change sinon un aménagement de l’ancien accord pour briser l’élan patriotique des Africains quant à la reconquête de leur souveraineté monétaire. Pour ce faire, Macron n’a pas oublié la célèbre pensée de Léopold Sédar Senghor, qui disait que « l’émotion est nègre mais la raison est hellène ».
Changer le nom et quelques dispositions marginales suffiront par calmer ces pauvres africains, telle était l’idée qui a milité en faveur de la signature de l’accord du 21 décembre 2019, du côté de la France. D’ailleurs, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye sur le perron de l’Elysée, est précise sur le sujet : « cette fin symbolique devait s’inscrire dans un renouvellement de la relation entre la France et l’Afrique et écrire une nouvelle page de notre histoire ». Pour celui qui a un minimum d’ingrédient intellectuel comprend sans effort, qu’il s’agit d’une arnaque monétaire de la France.
Dans les faits, les trois changements dans cette réforme sont : le nom de FCFA qui devient ECO, l’arrêt des dépôts de la moitié de nos réserves de change auprès du Trésor français et le retrait des instances de gouvernance, des fonctionnaires français. En quoi est-ce que la décision de retrait d’un intrus de votre maison, doit constituer une prouesse de sa part ? Bien au contraire, de façon honteuse, la France reconnait qu’elle s’est immiscée dans les affaires monétaires des pays africains sans invitation. De même, avec la pression des pays africains et mêmes occidentaux (l’Italie et la Russie), la France est obligée de mettre fin à ce honteux pillage de nos réserves de change, à travers le dépôt de la moitié de nos réserves de change auprès du Trésor français. Cependant, la France va toujours contrôler les économies des pays de l’UEMOA avec l’accord du 21 décembre 2019.
Le contrôle indirect des économies de la zone UEMOA par la France La France se retire des instances de gouvernance de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) sans retirer son influence sur les économies des pays Africains. Rappelons que jusqu’à présent, le ministre des Finances et le gouverneur de la Banque de France participaient aux deux réunions annuelles, dont l’une se déroulait à Paris. Comme pour interdire aux Africains, tout excès d’enthousiasme, le ministre des Affaires étrangères, de la France, Jean-Yves Le Drian, rappelle ceci : « le rôle de la France évolue pour devenir celui d’un strict garant financier de la zone ».
Qui peut nous convaincre de ce qu’un pays tiers peut apporter sa garantie à un autre sans contrepartie. C’est donc une façon subtile pour la France de contrôler les économies africaines. D’ailleurs, le concept de « garantie » de convertibilité employé par les officiels français et les partisans de la relique coloniale est d’autant plus absurde que nous vivons depuis les années 1970 une ère post Etalon or, où la monnaie émise par les États est de nature essentiellement fiduciaire. La valeur de la monnaie dépend du dynamisme de son économie et de l’acceptabilité des agents économiques. La France est supposée fournir toutes les devises nécessaires aux pays de la zone franc, pour leurs importations. Or, le fonctionnement de la BCEAO (et de la BEAC) est paramétré pour qu’une situation de manque de devises arrive le plus rarement possible, voire jamais. Dès que ses réserves de change atteignent un niveau critique, la banque centrale prend des mesures restrictives, comme la limitation des possibilités de financement des économies de la zone – pour reconstituer ses avoirs extérieurs. Grâce à ce mode de gestion, la garantie a été rarement activée pour les pays de l’UEMOA entre 1960 et aujourd’hui.
En dehors de cette supposée garantie, la parité fixe pose encore un problème car la France continuera de jouer son rôle de garant pour cette monnaie qui maintiendra également une parité fixe avec l’euro (1 euro = 655,96 francs CFA). Cette parité fixe permet aux entreprises françaises en zone franc, d’éviter un risque de change, c’est-à-dire, une perte liée à une variation du taux de change. Etant donné que les pays africains constituent un déversoir de produits manufacturés et un réservoir de matières premières, il faut créer les arrangements monétaires qui sécurisent les investissements français en Afrique. C’est donc l’objet du maintien de la parité fixe.
Du moment que la parité fixe avec l’euro est maintenue, les réserves de change, serviront d’abord et avant tout à la défense de cette parité. Ces réformes ne rendent donc pas la BCEAO plus autonome : elle demeure une annexe de la Banque de France, rivée à la politique monétaire de la Banque centrale européenne. Par-dessus tout, le projet de loi du 20 mai, en France, vise à saboter le projet monétaire souverainiste des pays de la CEDEAO. La vérité est que la France a peur de ce vaste projet des pays de la CEDEAO. On sait que le Nigeria, un pays anglophone est la première économie de la zone et le succès du projet est synonyme de la perte du pré carré français en Afrique de l’Ouest. En court-circuitant le projet d’intégration monétaire des pays de la CEDEAO, la France sait que les pays anglophones n’accepteront jamais cette vassalisation monétaire. Du coup, les pays de l’UEMOA resteront les seuls pays à utiliser l’ECO tout en restant dans une servitude monétaire sous le joug français. La preuve est que le franc CFA ne disparaît pas complètement : les six pays d’Afrique centrale (Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad), qui forment une zone monétaire distincte, continueront à l’utiliser.
En définitive, le projet de loi français est un épiphénomène et une reconnaissance honteuse du pillage des économies africaines par la France. La crise du Covid-19 a montré la fragilité des Etats qui n’ont pas adopté une vision stratégique de l’industrialisation. Or, les pays africains ne sont même pas au stade de l’industrialisation. Il est urgent que ces pays utilisent pleinement tous les instruments à leur disposition pour aller très vite à l’industrialisation.
La monnaie a sans aucun doute, un rôle primordial à jouer dans tout processus de développement. Les pays de l’UEMOA n’ont rien compris à ce niveau et c’est dommage. Entre le franc CFA et l’ECO version Macron, la différence n’est pas nette car, entre le cochon et le sanglier, la seule différence notable est que le premier est au village et le second en brousse. D’ailleurs, lorsqu’on a un litige avec le cochon, il ne faut pas appeler le sanglier comme témoin»
Séraphin Prao est économiste, enseignant chercheur spécialisé en Théorie Monétaire
PAR Babacar Ngom
À CE PAYS QUI M'A TOUT DONNÉ
Sur le fond, je ne connais pas les termes du contrat liant Akilee à la Senelec et sur la forme nous n’avions pas consulté tous les membres du CIS avant la motion de soutien. Je voudrais sincèrement présenter mes excuses à tous ceux que cela a dérangé
Le vendredi est pour les jours de la semaine ce qu’est le Ramadan parmi les autres mois de l’année, ai-je appris d’un Saint Homme.
Ce vendredi 22 mai 2020 est le dernier de ce mois béni qui, dans quelques jours, in chaa Allah, nous offrira l’heureuse opportunité d’unir nos cœurs dans la paix de la Korité.
Le mois béni du Ramadan, et spécialement le jour de l’Aïd, est toujours une occasion de nous tourner vers Allah (SWT), Lumière des Cieux et de la Terre, pour implorer Sa Miséricorde et clamer Ses Bienfaits. Il est le Maître de l’Univers et du Temps.
Aussi, réfugié auprès de Lui, je saisis l’occasion pour demander pardon aux membres de ma famille, à mes amis, à mes collaborateurs, à mes interlocuteurs de chaque jour, à mes compagnons de route dans la vie sociale et dans les affaires et à tous mes compatriotes.
La main sur le cœur, je vous dis à toutes et tous « Bal lenn ma akh » !
Le Club des Investisseur Sénégalais a défrayé la chronique ces derniers jours. Permettez-moi quelques mots sur ce sujet.
Pour rappel, le CIS est né du besoin de fédérer un large pan de forces vives de l’entreprenariat sénégalais afin d’impulser une dynamique capable de définir et de porter les idéaux d’une nouvelle approche du patriotisme économique. Son objectif est d’apporter sa contribution au combat national pour l’émergence d’un Sénégal nouveau. Ce besoin et cette démarche sont inscrits dans la légitime aspiration de faire du secteur privé national le socle et le fer de lance de notre politique de développement.
Et voici qu’au moment où il ambitionne de déployer ses ailes dans le ciel des affaires du pays, le CIS est pris dans une tempête.
La cause : une motion de soutien à une jeune entreprise sénégalaise dont les principaux acteurs sont membres du CIS.
Erreur sur le fond comme sur la forme. Sur le fond, je ne connais pas les termes du contrat liant AKILEE à la SENELEC et sur la forme nous n’avions pas consulté tous les membres.
Je voudrais, humblement, sincèrement reconnaitre, ici et maintenant, mon erreur et présenter mes excuses à tous ceux que cela a dérangé, déplu ou agacé. Mea culpa, maxima culpa ! L’erreur est humaine, je reconnais la mienne et saisis l’occasion de ce mois de pardon pour présenter mes excuses et solliciter le pardon de tous.
Ai-je besoin d’expliquer ce qui m’a motivé dans ce soutien ? J’ai juste voulu apporter un appui à des jeunes compatriotes qui sont des cadres dont la compétence est reconnue par tous ceux qui les connaissent et qui ont eu l’occasion de les pratiquer.
Parler de soi n’est pas chose aisée. Ce n’est pas un exercice où j’excelle mais la circonstance et le contexte m’y obligent. Ces jeunes me rappellent à la fois le pari audacieux et le parcours difficile qui ont été les miens : Porter toujours plus haut et plus loin le projet d une vie, dans la douleur, l’abnégation, la foi en des lendemains meilleurs pour notre pays et enfin la conviction inaltérable que l’avenir, avec l’aide de Dieu, est entre nos mains.
Comme tant d’autres membres éminents du CIS ou non, j ai crée des emplois, produit de la valeur ajoutée, développé des filières ouvertes à de nombreux compatriotes, à des familles entières.
Au soir de ma carrière professionnelle et au moment de passer le flambeau à une nouvelle génération, c’est une solide éthique comportementale fondée sur la droiture et le sens permanent de l’effort que j’espère - de tout mon cœur- leur laisser en viatique dans un monde ou les repères ont beaucoup changé et changent nombre d’entre nous.
Je demeure convaincu que tant d’amis, frères et sœurs Sénégalais partagent cette conviction et cette espérance.
Quand sonnera l’heure de la retraite (très prochainement s’il plaît à Dieu), je partirai, plus que jamais, profondément convaincu que c’est un secteur privé, porté et incarné, par d’authentiques patriotes, un secteur privé fort, dynamique et uni, qui sera un des artisans majeurs de l’émergence de ce pays que j’aime tant et qui m’a tout donné.
Encore une fois, en ce mois béni du Ramadan, je demande pardon à tous et pardonne aussi à tous.
texte collectif
MULTIPLE PHOTOS
NE DÉTRUISEZ PAS LES TERRES DU PHARE DES MAMELLES !
EXCLUSIF SENEPLUS - Aucun lotissement ne devrait être accordé sur les rayons de 500m du phare. Un site classé patrimoine mondial n’appartient plus seulement au Sénégal et moins encore à des bénéficiaires privilégiés
Construit en 1864 par les colons français, soit un an avant le port, le phare des Mamelles sert depuis lors de repère aux navigateurs. Tous les soirs, son faisceau blanc apparaît dans le ciel à la tombée de la nuit à raison d'une rotation toutes les cinq secondes, il est visible à une distance de 53 km.
Le phare des Mamelles est un phare situé sur la presqu'île du Cap-Vert, à environ 4 km au sud-est de la pointe des Almadies — l'extrémité occidentale du continent africain — dans la ville de Dakar (Sénégal), sur la plus occidentale et la plus grande des deux collines volcaniques coniques nommées les Mamelles.
Le phare c’est un point de repère pour les marins et les grands bateaux.
Le phare des Mamelles est le premier phare d’atterrissage de cette partie de l’Afrique. Son histoire est donc très liée à celle de toute la zone de l’Afrique de l’Ouest ouverte sur l’océan atlantique.
Servant de repère aux bateaux et aux avions dans toute cette partie de l'océan atlantique, le phare est alors un patrimoine historique à préserver et à défendre pour les générations futures, mais aussi pour la sécurité aérienne et maritime. Un accord gouvernemental a placé le Service des phares et balises du Sénégal sous la responsabilité duPort Autonome de Dakar.
Exposé des motifs ou pourquoi nous devons nous mobiliser pour préserver ce patrimoine
Le site géologique des Mamelles est inscrit à la liste des sites et monuments historiques classés ; il fait ainsi l’objet d’une protection règlementaire particulière et est ainsi « non aedificandi ».
Rare espace vert encore non encore totalement détruit par l’urbanisation sauvage et l’occupation anarchique du littoral de Dakar, il fait cependant l’objet de bien des convoitises de la part de promoteurs immobiliers et autres responsables privilégiés proches des pouvoirs politiques et financiers qui pensent avoir un droit de vie sur tous les biens communs.
C’est ce qui explique toutes les tentatives d’aliénation, d’occupation du littoral et aujourd’hui de cette assiette foncière du phare avec des lotissements et/ou construction présentant une apparence de légalité très douteuse et compromettante délivrée par on ne sait quelle magie sur une zone sismique et qui sert encore de site d’études à toutes les écoles du Sénégal. En réalité, aucune autorisation ; aucune occupation, aucun lotissement ne devraient être accordés sur les rayons de 500m du phare si l’on en croit les spécialistes géologues.
Aujourd'hui, ce patrimoine est menacé par des promoteurs véreux soutenus par des complices sans civisme ni patriotisme à l'intérieur de certains services administratifs. Un site classé Patrimoine mondial, n’appartient plus seulement au Sénégal ; et moins encore à des bénéficiaires privilégiés. Le phare est menacé par différents actes que sont l’exploitation des pierres par un système d’explosifs ; mais aussi par des constructions immobilières et hôtelières juste aux flancs du phare.
La dernière découverte a été ce chantier où un certain monsieur serait détenteur de titre foncier et qui s’est permis de débarquer un arsenal de matériels de construction pour venir creuser les racines du phare déjà menacé par d’autres actes abjects. La preuve par l’image ! Jugez-vous-mêmes !! (photos en illustration de ce texte).
Voilà ce qui se passe en ce moment sous notre Phare, un patrimoine mondial, un site géologique qui a servi de travaux de mémoire à notre chef d’Etat, le président Macky Sall, un lieu d’apprentissage pour nos écoles ; un outil de guide sécuritaire pour les navigations aérienne et maritime ! Aux côtés du Port Autonome de Dakar, qui a la responsabilité de ce site, nous allons défendre le phare et arrêter toutes les tentatives d’accaparement de cette assiette foncière si importante.
Pour arrêter tout ce désastre écologique avec tous les risques sécuritaires qui vont avec ; nous citoyens sénégalais, soucieux de l’intérêt supérieur de la Nation, avons pris l’engagement de nous mobiliser ensemble autour d’un Comité citoyen pour la préservation du Phare et de la colline des Mamelles de Dakar, en nous appuyant sur les expériences de PACTE Nouveau Monde et de la Plateforme pour l’environnement et la Réappropriation du Littoral (PERL) avec les Huit Objectifs déclinés dans la presse par son président, M. Moctar Ba, sans oublier le beau dossier de reportage déjà fait par un journaliste, Pape Alé Niang sur cette question d’occupation anarchique du littoral et de la privatisation de notre corniche. Le Collectif « Touches pas aux terres du Phare des Mamelles » s’engage sans réserve à défendre ce patrimoine de l’Humanité qui appartient en définitive aux générations futures du monde entier. Il met en garde toutes les personnes qui voudraient s’accaparer de ce patrimoine au détriment de toutes et de tous ! Il invite toutes les sénégalaises et tous les sénégalais, les citoyens du monde, à se joindre à ce groupe constitué de personnalités physiques et morales pour préserver cet espace qui est un bien commun.
Les premiers signataires de cet appel
Le Forum social sénégalais, PACTE Nouveau Monde, La Plateforme pour l’environnement et la Réappropriation du Littoral (PERL), La Convergence Africaine contre l’accaparement des terres- Eaux-Semences (section Sénégal), L’Organisation des Jeunesses panafricanistes, Général Mamadou Mansour Seck, Moctar Ba, M. Riad Kawar, Marie Angélique Savané, Anne Marie Senghor Boissy, Alioune Tine, Babacar Diop Buuba, Mamadou Mignane Diouf, Sérigne Cheikh Mbacké, Sene Halimatou Barry, Charles Owens Ndiaye, Papis Thiabou, Gnokhobaye Diouf, Dior Diom, Mamadou Bailo Bah, Marie Mbatio Ndiaye, Famara Diédhiou, Fallou Samb, Pape Abdoulaye Sène, Mohamed Sall Sao, Alymana Bathily, Gana Mbengue, Mambaye Diop, Paulele Cissé, Seyni Ba, Thiané Faye, Abdoulaye Ba, Bira Ndiaye, Ababacar Diéne, Augustin Marone, Justin Diallo.
UNE NOUVELLE INÉDITE DE BOUBACAR BORIS DIOP
COMME UN DÎNER D’ADIEU (3/4)
EXCLUSIF SENEPLUS - D’après ce que Dembo avait cru comprendre, seuls les leaders des grandes puissances et les patrons des multinationales avaient une vision d’ensemble, parfaitement cohérente, des événements mondiaux
Boubacar Boris Diop de SenePlus |
Publication 21/05/2020
Allait-il pour autant se fondre dans le troupeau et se mettre à bêler ce Je suis Charlie inepte et racoleur ? Non, les choses ne pouvaient pas être aussi simples. Il avait du mal à comprendre l’engouement soudain de millions de gens pour la pensée unique au moment même où ils s’imaginaient agir ainsi, parfois sincèrement, au nom de la liberté de conscience et du respect de la diversité des opinions.
Deux mots vinrent à l’esprit de Dembo. Naïveté. Cynisme. Il n’aimait ni l’un ni l’autre. Et Dembo Diatta savait très bien quel épisode de sa modeste carrière littéraire avait fini par le rendre aussi suspicieux et, ricanaient certains dans son dos, quasi paranoïaque.
Cet épisode mérite que l’on s’y arrête.
S’étant mis en tête un jour d’écrire enfin une «pièce totale», il avait décidé de tout faire pour mieux comprendre, concrètement et du dedans pour ainsi dire, les guerres, attentats-suicide et insurrections populaires devenus si banals que plus personne n’y prête, aujourd’hui encore, attention. Il lui importait par-dessus tout de clouer le bec par son futur grand’œuvre à tous ceux qui voyaient en lui, sans jamais oser le dire ouvertement, un écrivain mineur, juste bon à s’attirer les vivats d’un public ignare par de grossiers appels du pied scéniques.
L’expérience faillit le rendre fou.
Il faut aussi dire que, comme à son habitude, Dembo Diatta n’avait pas fait les choses à moitié. Lui qui jusque-là ne s’était intéressé qu’aux pages sportives des journaux, se mit en devoir d’éplucher de gros ouvrages et des documents en ligne sur l’Irak, la Somalie, le Soudan, l’Afghanistan et le Mali. D’un naturel obstiné et méticuleux, il notait tout et ne rechignait à aucun travail de vérification. D’après ce qu’il avait cru comprendre, et c’était là un point essentiel de sa démarche, seuls les fomenteurs de guerres, les marchands d’armes, les leaders des grandes puissances et les patrons des multinationales avaient une vision d’ensemble, parfaitement cohérente, des événements mondiaux. Et ils étaient aussi les seuls à avoir une idée plus ou moins nette de ce que serait dans cinquante ans la terre des hommes. Dembo s’efforça donc de faire comme eux, de se délester de tout romantisme et de ne jamais bondir d’un désastre humanitaire ou d’une guerre civile à une autre. Il y avait forcément un lien entre toutes ces catastrophes, comme entre les soixante-quatre pièces d’un échiquier. Même entre la Côte d’Ivoire et l’Ukraine ? lui lançait-on. « Pourquoi pas ? rétorquait-il aux railleurs, moi je ne peux rien écarter à l’avance.» Soyons franc : parfois, oui, Dembo – qui se disait en outre fasciné par « l’immense silence de la Chine » - poussait le bouchon de la suspicion un peu loin. Du reste, ses amis jugeaient suspecte sa brusque et tardive passion pour la politique internationale et le soupçonnaient de verser dans les théories du complot. À quoi il répondait avec un petit sourire méprisant : « Il y a certes des centaines de milliers de conspirationnistes dont beaucoup sont carrément cinglés mais cela n’empêche pas qu’il y ait de temps à autre des complots et des manipulations bien réels ! » Et il ajoutait : « Vous pouvez me croire, on en a encore en pagaille, de ces fichues manœuvres de déstabilisation occultes, ou alors moi, Dembo Diatta, je ne suis pas le fils de ma mère et de mon père ! »
On s’en doute : Dembo Diatta n’écrivit jamais son chef-d’œuvre théâtral. Seuls avaient survécu à son éprouvante quête de vérité, parmi les fichiers d’un vieux MacBook Pro, un titre prétentieux et sibyllin (« Le temps des Sept misères ») et quelques esquisses de dialogues et d’indications pour une improbable intrigue. Mais sa petite virée au cœur des ténèbres n’avait pas été tout à fait vaine. Elle avait même littéralement fait de lui un autre homme. Elle lui avait appris à se méfier des fausses évidences astucieusement glissées par les medias aux oreilles des citoyens ordinaires. Aucune déclaration des leaders des pays riches ne lui semblait jamais tout à fait anodine. Ce n’est pas à Dembo Diatta que l’on aurait pu faire gober, par exemple, la fable simpliste d’un monde divisé en amis et ennemis des libertés individuelles. Les bombardements de l’Otan contre la Libye l’avaient à la fois mis en colère et amusé. Il n’avait évidemment pas cru un seul instant que si on avait lâché des jeunes Libyens hystériques contre Mouammar Kadhafi, cruellement torturé puis égorgé dans les rues de Syrte, c’était pour l’empêcher de « massacrer son propre peuple. » A force de mentir encore et encore, ces voyous au verbe fleuri finissaient par se faire coincer publiquement comme en Irak mais ça ne changeait jamais rien. Leur pari hautain sur l’amnésie des foules était toujours gagnant.
Vers dix-sept heures, Dembo se rhabilla pour aller retrouver Muriel et Christian Carpentier. Les Carpentier, comédiens aux vagues racines alsaciennes et désormais peu actifs, étaient le couple le plus solide et chouette que Dembo Diatta eût jamais connu.
Chaleureux et sans façons, à l’inverse de Muriel, plus cérébrale et même assez dure, Christian Carpentier suscitait toujours un élan de sympathie, même de ceux qui ne savaient rien de lui. Il suffisait d'avoir croisé sa route une ou deux fois pour l’appeler simplement Chris.
Muriel et lui improvisaient des petits trucs bouffons dans des théâtres de poche en tournant chaque soir autour d’une seule et même idée, du genre « Tu as remarqué, Madame, ils parlent tous du réchauffement climatique, le Pape, la Reine d’Angleterre… » et au bout de deux ou trois pitreries, « Madame » criait à tue-tête : « …et il fait bigrement plus froid partout, Monsieur ! »
Ça n’avait rien de transcendant, Muriel et Chris le savaient et s’en fichaient royalement. Ils étaient de toute façon assez intelligents pour se moquer plus d’eux-mêmes que des autres.
Dembo était content de pouvoir manger un morceau avec eux deux jours avant de filer prendre son vol à Roissy. Hélas, tout avait changé depuis les attentats de la matinée.
Il se sentait déjà mal à l’aise.
« Aurai-je le courage d’être franc avec ces vieux amis ? » se demanda-t-il pour la dixième fois en dévalant sans hâte les escaliers en bois de l’hôtel Galileo. Pour le dire en un mot, Dembo Diatta n’était ni Charlie ni Pas Charlie. C’est cela qu’il aimerait pouvoir avouer aux Carpentier ou même crier sur tous les toits si on lui tendait un micro. Mais en ces heures de surexcitation patriotique, les micros, ce n’était pas pour tout le monde et surtout pas pour un obscur auteur comique africain de passage dans la ville.
Au milieu de la rue Mélusine, Dembo s’engagea dans le parc Emile Perrin. Moins de dix minutes plus tard, il franchissait le seuil du Casa Nostra. Depuis quand venait-il dans ce restaurant italien au nom si provocateur ? C’était flou dans sa mémoire mais ça commençait à faire pas mal de temps. Huit ou neuf ans. Pourtant, il n’avait jamais échangé le moindre mot ni même un vague sourire de politesse avec Maria-Laura, la patronne. C’eût été difficile du reste car, comme lui-même, celle-ci était plutôt taciturne et semblait, au surplus, en proie à une mélancolie chronique depuis le jour où son compagnon, un certain Valerio Guerini, s’était barré avec la caisse et une des serveuses les plus pulpeuses. Le truc classique, quoi. Dembo ne connaissait pas les détails de l’affaire, il avait juste entendu un jour un client complètement ivre demander à Maria-Laura si Valerio ne lui manquait quand même pas un peu, au moins un tout petit peu, hein. Cela avait failli lui coûter très cher car, après avoir longuement hurlé sa rage contre lui, Maria-Laura était ressortie de la cuisine, les yeux injectés de sang, avec un bol d’huile bouillante. Le pauvre inconscient avait réussi à s’enfuir par une fenêtre au milieu de l’hilarité générale et on ne le revit plus jamais dans les parages.
Les Carpentier arrivèrent un peu en retard par la faute, expliquèrent-ils, des nombreux barrages policiers. Ça lui fit finalement du bien de les revoir, ce a` quoi il ne s’attendait pas. Leurs bruyantes salutations apportèrent un peu de vie au restaurant qui en avait bien besoin. Très vite, ils se mirent à parler à Dembo du concept de théâtre de rue sur lequel ils travaillaient d’arrache-pied. Depuis qu’il les connaissait, les Carpentier étaient toujours en train de s’échiner sur quelque expérience théâtrale « nouvelle » voire dangereusement « révolutionnaire ». Cette fois-ci il s’agissait de faire en sorte que de vrais passants prennent peu à peu possession de leur spectacle et en fassent un imprévisible et gigantesque n’importe quoi, danses, rugissements de lions affamés, attaques virulentes de jeunes rappeurs contre le gouvernement et tout le reste. Chris n’excluait pas que la pagaille débouche sur de vraies émeutes. Dembo le voyait très bien invoquer les hasards objectifs de l’art dramatique pour inciter le peuple à saccager les quartiers bourgeois.