Un premier roman est souvent une gageure, toujours une aventure. La Sénégalaise Fatoumata Ngom, en publiant Le Silence du Totem, réussit un pari avec elle-même, d'autant plus que c'est plutôt une scientifique de formation. Premier roman, classiquement semi-autobiographique,mais qui dépasse l'autocentrisme pour aborder une question essentielle, celle de la restitution d'œuvres d'art africaines aux pays africains quelque soixante ans après les indépendances. En effet, il est étonnant que Fatoumata Ngom transpose en fiction une donnée culturelle postcoloniale qui allait s'avérer d'actualité au moment de la parution du Silence du totem, en l'occurrence, la restitution à l'Afrique des œuvres africaines confisquées pendant la colonisation. Certes, de nombreux pays, comme le Bénin, en avaient fait la demande depuis quelques années, sans réponse aucune de la part des différents gouvernements français et des musées. Quel est donc l'objet de ce texte de fiction qui illustre à quel point cette question est vitale ?
L'histoire du livre de Fatoumata Ngom
Le Silence du totem raconte donc l'histoire d'un masque sérère, du nom d'une ethnie du Sénégal, ramené en France par un explorateur missionnaire du nom d'Alexis de Fabrègues durant la colonisation et ainsi devenu une propriété dans la collection privée de la famille du missionnaire. Plus tard, la petite fille d'Alexis de Fabrègues, Marie-Charlotte de Fabrègues, l'a légué à l'État français. Le totem fut pris en charge par le musée des Colonies, transféré ensuite au musée du Quai-Branly. Par le biais d'une enquête rondement bien menée par la narratrice. Le voyage du masque sérère est suivi à la trace par le lecteur grâce aux notes laissées par le missionnaire explorateur, mais aussi à la mémoire de Marie-Charlotte de Fabrègues.
Un récit qui prend le lecteur
Fatoumata Ngom a superbement structuré le récit dans le sens où le lecteur entre dans l'histoire avec subtilité et, au fur et à mesure, se sent concerné par l'aventure qu'a connue ce masque. Le texte fictif est loin d'être un roman à thèse puisque l'histoire coule de source naturellement, et donc l'ensemble devient parfaitement crédible et convaincant. On entre dans le jeu d'une intrigue qui se transforme presque comme une enquête policière qui tente de résoudre l'énigme de la statue sérère : son histoire, son itinéraire, sa disparition, sa réapparition, son retour auprès des siens, structurent le récit.
Un récit dense
L'intérêt de ce roman réside dans une construction simple et complexe à la fois. De facture classique, linéaire, le développement de multiples centres d'intérêt et de multiples relations humaines, le récit en devient dense. C'est ce mixage qui en fait sa force et sa vitalité littéraire. Le personnage principal, Sitoé, a certainement atteint la plénitude dans sa vie privée, mariée, un enfant, une belle profession, après un parcours d'études brillantes qui ont commencé au Sénégal, ensuite à Paris en khâgne et une admission à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm. C'est le parcours d'une jeune Sénégalaise qui a réussi son adaptation et son intégration dans la société française avec son mariage à un Français. Le début du roman raconte les années d'apprentissage, celles de la jeune romancière elle-même, et donc les ingrédients d'un roman initiatique et d'apprentissage semblent réunis. Son exil pour poursuivre ses études à Paris est narré avec force détails, de même que les descriptions de Paris des beaux quartiers, de Paris et de ses élites intellectuelles, de Paris et de sa culture, mais aussi de Paris et de sa solitude.
COVID-19, LE SALUT PEUT-IL VENIR DES COMMUNAUTÉS ?
Il est difficile de lire les statistiques, qui semblent indiquer un hiatus entre un taux de positivité stable et l’augmentation accélérée de la mortalité en réanimation. Comment dès lors, mesurer l’impact des mesures d’assouplissement ?
Il a fallu attendre la saturation des hôpitaux, l’augmentation du nombre de cas graves, toutes pathologies confondues et la hausse de la mortalité de la Covid-19 pour se rendre à l’évidence. Une logique exclusivement technique, coercitive et verticale ne peut venir à bout de cette pandémie. Au contraire, c’est l’approche communautaire, prenant en compte les fortes implications socio-anthropologiques inhérentes à ce type d’affections, qui devrait être de mise.
Effets collatéraux d’une gestion trop médicalisée
Nous voyons apparaître, depuis peu, dans le cadre de la pandémie, des tendances inquiétantes se manifestant par une stigmatisation exacerbée (déni de la maladie, refus d’installation de CTE dans certaines localités, opposition à l’inhumation de morts du Covid-19).
Ces phénomènes, qui avaient pu être observés, il y a quelques années, durant l’épidémie de la maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest traduisent un état de panique, mais surtout un manque de solidarité et d’empathie au sein des communautés. Cela augure mal de la cohabitation avec la Covid-19, à laquelle les communautés sont appelées.
Ces dysfonctionnements sont à mettre sur le compte d’un déficit de proactivité, visible depuis le retard observé lors de la fermeture des frontières nationales, donnant l’impression que nos autorités sont en train de courir derrière le coronavirus au lieu de le devancer.
Depuis lors, on a pu observer une gestion de la pandémie caractérisée par une médicalisation outrancière allant de pair avec l'implication insuffisante des spécialistes des sciences sociales et des communautés.
Il y a, de plus, un hospitalo-centrisme, une communication principalement orientée vers le "grand public" et un confinement princier pour les cas-contacts dans des hôtels.
Au bout du compte, la stratégie centralisée, élitiste et dispendieuse a montré ses limites, n’ayant pas pu résister à l’avancée inexorable de la pandémie et à la pénurie imminente de lits d’hôpitaux.
Pilotage à vue par manque de données probantes
C’est donc contraints et forcés, n’ayant plus ni lits hospitaliers ni chambres d’hôtels, que nos autorités sanitaires semblent redécouvrir les vertus de la responsabilisation communautaire avec la prise en charge domiciliaire et les plateformes communautaires. Nous considérons, malgré tout, ces décisions comme des pas dans la bonne direction, même si elles interviennent tardivement.
En outre, il est toujours difficile de lire les statistiques de la pandémie, qui semblent indiquer un hiatus entre un taux de positivité stable (autour de 10%) et l’augmentation accélérée de la mortalité en réanimation (30 décès entre le 2 et le 28 mai). Comment, dans ces conditions, mesurer l’impact des mesures d’assouplissement annoncées par le chef de l’État, le 11 mai dernier et celui de la prochaine rentrée des classes d’examen ?
Par ailleurs, certains signes inquiétants semblent étayer l’argument d’une épidémie silencieuse.
Il s’agit, en premier lieu de ces cas dits communautaires sans lien épidémiologique clair. Il y a aussi cette stigmatisation cruelle qui dissuade plus d’un citoyen à se signaler ou à "dénoncer" ses contacts. Que dire de ces morts inexpliquées, à domicile ou sur le chemin vers les structures de soins ? Tout cela plaide en faveur d’une politique de dépistage plus massive et plus intelligente, permettant de fournir un tableau de bord pour une gestion scientifique basée sur des données factuelles et probantes.
Pour une prise en charge communautaire intégrée
Le postulat de base de la prise en charge communautaire est celui d’une cohabitation forcée avec un virus mortel. Cela signifie que tous les gestes barrières comme le port du masque, le lavage des mains, la toux dans son coude ou un mouchoir, la distanciation physique... doivent devenir, pour longtemps encore, des actes réflexes pour tous les citoyens.
La mise en œuvre de ces mesures de protection devrait également permettre de poursuivre la vie socio-économique, sans courir de risques sanitaires inconsidérés.
A la lumière de la lutte contre les différentes endémies auxquelles nos populations continuent de payer un lourd tribut, il est possible de dégager quelques idées forces.
Le test de dépistage est un outil incontournable, un préalable à toute prise en charge digne de ce nom de la Covid-19. Certains cas peuvent être gérés au niveau décentralisé voire communautaire.
Les cas-contacts doivent faire l’objet de supervision communautaire (relais, badjenou gox), autant que possible à domicile, ou dans des espaces aménagés à cet effet. La prise en charge des cas positifs asymptomatiques est un peu plus délicate, d’où la nécessaire implication de prestataires de soins.
À partir du moment où le tableau clinique du patient révèle une association avec des comorbidités, la référence doit impérativement se faire vers l’échelon supérieur de la pyramide sanitaire.
En l’absence d’informations fiables des autorités sanitaires sur l’évolution possible de la maladie, le bon sens commande d’impliquer les communautés dans la lutte contre la pandémie. Cela permettra non seulement d'assurer un meilleur contrôle des cas simples au niveau périphérique mais aussi d'éviter l'engorgement des structures hospitalières pouvant porter préjudice à la continuité des soins tertiaires pour tous les patients (Covid et non-Covid).
Par Calame
PRODUIRE, CONSOMMER LOCAL OU PERIR
Etreints par l’angoisse, ne voyant pas, comme de coutume, l’ombre d’un acheteur, notamment les hommes d’affaires indiens, sillonner leurs terres qui regorgent de promesses, les producteurs de noix de cajou sont sous l’emprise de la crainte d’écouler
Etreints par l’angoisse, ne voyant pas, comme de coutume, l’ombre d’un acheteur, notamment les hommes d’affaires indiens, sillonner leurs terres qui regorgent de promesses, les producteurs de noix de cajou des régions de Kolda, Sédhiou, Ziguinchor, sont sous l’emprise de la crainte de ne pouvoir écouler leurs produits.
Cherchant à endiguer la prolifération du Covid-19, l’interdiction de circuler entre les régions qui est passée par là, pourrait selon certains experts, entraîner une mévente record de milliers de tonnes d’anacarde et un manque à gagner de plusieurs dizaines de milliards francs Cfa. Même si la campagne vient de démarrer timidement à Ziguinchor, la catastrophe annoncée ne manque pas d’interroger du fait de l’inexistence dans ces contrées d’unités de productions capables de transformer la noix de cajou. Surtout que, décortiquée et grillée, elle se conserve mieux et génère des revenus beaucoup plus substantiels. Ce qui sonne comme une évidence tarde pourtant à être consacré, les autorités se contentant d’exporter tels quels les produits, sans y injecter de la valeur ajoutée. Et dire que les locaux de l’Institut de Technologie alimentaire (Ita) regorgent de résultats et de prototypes de recherches qui n’attendent qu’à être produits en série.
A part quelques initiatives d’opérateurs économiques, ni l’Etat ni le secteur privé ne s’en sont vraiment appropriés dans le but de les promouvoir à grande échelle. Aussi, une fois de plus, faute d’industries de conservation et de transformation les producteurs se trouvent-ils devant un choix cornélien : vendre à perte ou laisser pourrir leurs fruits et légumes. Du reste, aucun secteur de la vie économique n’est épargné par ce qui revêt les allures d’une absence de vision voire d’ambition. Tenez, un exemple sidérant ! Alors que l’adage nous dit que si « le bâtiment va tout va », force est de constater le cinglant démenti qui lui est infligé au Sénégal.
Dans ce pays où l’on construit à tout bout de champ, investissant chaque portion de terre jusqu’à défigurer la capitale, menacer le phare des Mamelles, il est en effet désespérant de constater l’inexistence d’une usine dédiée au bâtiment. Hormis celle de promoteurs chinois qui vient d’être créée en direction de la production de carreau et dont la grande dimension laisse penser qu’elle sera principalement orientée vers l’exportation au détriment de la consommation locale. Et dire que le projet d’érection de la nouvelle ville de Diamniadio aurait pu s’ériger en une formidable opportunité pour consommer sénégalais. Ne serait-ce qu’en construisant en amont des usines qui puissent accompagner sa réalisation. Rien de tout de tout cela. Même pas le minimum. 60 ans après l’indépendance, hormis le ciment et le sable, tout ce qui au Sénégal est consommé dans le bâtiment provient de l’étranger.
Et le plus cocasse, c’est que souvent, à l’instar du fer, la matière première est fournie localement et nous revient transformée (poutres, barres de fer, aluminium, etc). Jusqu’aux pointes, tout nous vous provient de l’étranger. Tout autant que les promoteurs chinois, turcs, qui viennent investir avec armes et bagages, imposent leurs projets, leurs mobiliers, leurs ouvriers. Et pour finir, repartent avec nos sous, nous laissant paresseusement nous contenter de créer des agences qui se révèlent être de véritables gouffres financiers.
En lieu et place d’industries qui auraient permis de créer des emplois et d’inciter à consommer sénégalais. On observe une posture similaire dans le milieu sanitaire. Alors que tout le monde salue la qualité des ressources humaines de la santé, comme l’illustre en ce moment la gestion de la pandémie du Covid-19, les hôpitaux sont dans le dénuement. Ils sont devenus depuis quelques années des mouroirs que fuient les élites, promptes à aller, parfois la mort dans l’âme, se soigner à l’extérieur. Pareil pour les médicaments importés pour la plupart, alors qu’on aurait pu en produire, ne serait-ce que pour les plus usités sous nos latitudes, en rapport avec la pharmacopée traditionnelle. Aussi, s’est-on extasié tout récemment sur les vertus de l’artésimia de Madagascar, ignorant la culture et les recherches qui sont faites localement sur cette plante. Se pose donc l’urgence de changer de paradigmes. Si le président a indiqué dans sa dernière adresse vouloir tirer les enseignements qui découlent du Covid-19, à savoir la nécessité de consommer et de produire local, il demeure une permanence du gaspillage éhonté des ressources par les élites au pouvoir qui, en laissant entrevoir, comme dirait l’autre, que « tout change et que rien ne change », vient doucher les enthousiasmes.
Et malheureusement à côté, l’opposition ne fait que dans la critique tous azimuts, version «Demolition man », sans alternative aucune. Même si, au vu de ce qui précède, on peut être tenté de se dire que ce n’est pas demain la veille, il faut cependant être sourd et aveugle pour ne pas entendre ni voir, en ces temps de pandémie du Covid-19, la formidable énergie, inventive et créatrice, qui sourde dans la société. Dans son impatience accoucheuse d’avenir, elle exprime on ne peut plus, la nostalgie de l’excellence qui la travaille. Celle qui, à l’instar du poète nous rappelle que, « là ou croît le péril, croît aussi ce qui sauve ».
Par Sada KANE
HOMMAGE À ABDOULAYE FOFANA
Ce Grand Laye est le guide des pionniers, qui ont tous reçu de lui un viatique en entrant dans cette profession, transmis à travers ses remarques toujours bienveillantes sur nos erreurs et errements
La presse sénégalaise est en deuil avec le rappel à Dieu de Mamadou Abdoulaye Fofana. Un décès survenu hier, mercredi 27 mai, à l’âge de 77 ans, des suites d’une longue maladie. Plus connu sous le nom Fofana junior, il fut en mars 1972, le premier présentateur du journal télévisé à l’Office de radiodiffusion télévision sénégalaise (ORTS) devenue RTS en 1992. Une disparition qui affecte un autre ancien et non moins figure emblématique de la boite en l’occurrence Sada Kane. Nous vous proposons le témoignage écrit de ce dernier.
Mamadou Abdoulaye Fofana, journaliste de radio et de télévision, nous a quittés, en faisant partie des bienheureux qui sont parvenus, sans y prendre garde, par leurs actions et parcours, dans l’élégance et le talent, à ouvrir devant eux pour l’éternité, les lourdes portes de l’histoire. Ainsi pour ma part, je penserai toujours à Mamadou Abdoulaye Fofana bien au-delà du simple journaliste, car il est, pour l’éternité, le Premier présentateur du journal télévisé au Sénégal. Il est en cela l’aîné précurseur qui a su, pour ses cadets, déblayer la Voie toute nouvelle et encore mal connue, dont l’attirance pouvait cependant être ponctuée d’embûches et de traquenards pour ses suiveurs, en leur tenant la main avec fermeté et empathie, pour qu’ils ne s’égarent et ne se perdent point.
D’abord rédacteur présentateur du journal parlé de radio Sénégal, en passant premier présentateur du Journal Télévisé dont il sera rédacteur en chef plus tard, Grand Laye comme nous l’appelions , nous est apparu comme un modèle, en montrant en filigrane dans sa pratique, que le journalisme pouvait être plus qu’un métier, pour être vécue comme une Passion certes contraignante par ses exigences de rigueur incontournables, n’excluant pas une touche d’élégance, singulièrement à la télévision, afin de préserver ce miraculeux pouvoir de séduction de ce médium qui devait rester la Boîte Magique qu’elle était encore..
Avec le décès de Mamadou Abdoulaye Fofana, toute la télévision sénégalaise est aujourd’hui orpheline, car Grand Laye Fof, est bien l’enfant historique, le fils aîné de la télévision, qui a commencé formellement avec le Journal Télévisé. Ce Grand Laye est le guide des pionniers, qui ont tous reçu de lui un viatique en entrant dans cette profession, transmis à travers ses remarques toujours bienveillantes sur nos erreurs et errements, ses railleries toujours respectueuses, pour être supportables pour nous dire nos insuffisances. Car boute-en-train, Mamadou Abdoulaye Fofana l’a toujours été, et imposé une sorte de bizutage plein d’empathie, plus accepté que subi par les nouveaux arrivants à la rédaction du JT, qui savaient que c’était la manière du Grand Laye de leur souhaiter la bienvenue.
JE SUIS TRISTE DE TE DIRE ADIEU, MON CHER LAYE…
Je termine en pensant à ton père. Oui, je devrai dire, Mamadou Abdoulaye, pour respecter le souhait de ton père qui, sachant cette pratique courante chez les pulars, avait profité d’une invitation en compagnie de maître Doudou Thiam et le Père De Benoist sur l’AOF, à mon émission, pour me demander de dire aux journalistes, que c’est lui qui s’appelle Abdoulaye, et toi, son fils, Mamadou.
Repose en paix mon grand.
par Yoro Dia
LES VERTUS DU CORONA
Avant la pandémie, l’essentiel était noyé dans le superflu. Même pour la religion, les traditions, le folklore l’emportaient sur l’essentiel. Cette année, nous avons probablement eu le Ramadan le plus calme depuis longtemps
Il y a quelque temps, le gouvernement théorisait la gestion sobre et vertueuse. Ce qui n’était qu’une théorie est devenu une réalité, au moins sur le plan sociologique. Macky Sall en a rêvé sur le plan politique, le corona l’a réalisé sur le plan sociologique. Le corona est certes devenu un «hôte étranger qui vit parmi nous». Un hôte encombrant qui s’est incrusté, nous cause beaucoup de tort sur le plan économique, entrave nos libertés, mais apporte beaucoup de bienfaits sur le plan sociologique. Le corona nous impose un comportement sobre et donc forcément vertueux. La Korité de cette année a été fort sobre et nous a donc permis de redécouvrir la vertu de sobriété. Pour cette Korité, point d’inflation en termes de dépenses. Probablement la Korité la moins chère de notre histoire récente. Il en a été de même pour le Ramadan. Pour les fêtes de Korité et de Tabaski, le Sénégal est une exception en matière de gaspillage et d’ostentation, et de légitimation sociale par les dépenses. Ce qui est exceptionnel au Sénégal pour cette Korité à cause du corona est souvent la norme dans les pays musulmans.
Il n’y a qu’au Sénégal que les familles se ruinent pour les fêtes de Korité et de Tabaski. Cette sobriété forcée se retrouve aussi dans les baptêmes et autres mariages à l’heure du corona, où les Sénégalais sont obligés de s’en limiter à l’essentiel. Avant le corona, l’essentiel était noyé dans le superflu. Même pour la religion, les traditions, le folklore l’emportaient sur l’essentiel. Cette année, nous avons probablement eu le Ramadan le plus calme depuis longtemps. Dans les quartiers, personne ne s’est plaint des jeunes qui faisaient du terrorisme sonore la nuit, sous prétexte de réveiller les jeûneurs pour le «kheud» à l’heure où tous les téléphones portables sont équipés d’un réveil, en plus de l’appel du muezzin. Encore moins, de jeunes qui faisaient du «braquage» à chaque coin de rue sous prétexte de faire du café qu’ils vont offrir aux passants à l’heure du «ndogou». Depuis mars, personne ne se plaint de tapage nocturne causé par des chants religieux ou profanes. Le corona nous fait redécouvrir les vertus de l’essentiel et surtout comment notre société était paralysée par le virus du superflu.
Même si les dégâts économiques et sanitaires du corona sont immenses, sur le plan sociologique, il est riche en enseignements, dont le premier est que les traditions, même si elles semblent évidentes, n’ont souvent aucun fondement naturel ou logique, à commencer par celle du gaspillage lors de fêtes religieuses ou familiales qui sont devenues des moments de légitimation et de différenciation sociale. Ces cérémonies étaient plus des mesures sociales du poids financier de l’individu que des fêtes familiales ou religieuses. Un pays qui vit tout le temps entre des fêtes religieuses, des fêtes traditionnelles et familiales ne peut avoir des citoyens qui ont de l’épargne, parce qu’on y travaille pour les fêtes. Il y a un proverbe peul qui dit que «l’habitude est comme les cheveux, tu as beau raser, ça va revenir». C’est tellement vrai que les Français ont recommencé à protester et à manifester dès le lendemain du déconfinement. Au Sénégal, le naturel revient parce que depuis quelques jours on note un certain relâchement dans la lutte contre le Covid-19 chez les populations. Le ministre de l’Intérieur espère un retour à la normale pour la Tabaski. Ce retour passe par un sursaut dans la dernière ligne droite et par un rappel à l’ordre pour les masques et les mesures barrières.
Même en cas de retour à la «normale», qui est un mot polysémique, beaucoup de personnes auront la nostalgie de l’ordre et de la sobriété au temps du corona. Donc, même à la fin du corona, gardons-nous de jeter le bébé avec l’eau du bain ! Gardons les bons comportements hérités du corona qui nous a permis de faire la différence entre l’essentiel et le superflu. Si le corona nous permet de faire cette révolution sociale, on aura gagné doublement la guerre.
par François Soudan
COMMENT CONSEILLER UN PRÉSIDENT SANS TROP SE FATIGUER
Trump n’écoute rien, ou mal. Ses conseillers en font l’amère expérience chaque jour. Ceux qui ont l’oreille des chefs d’État africains ne sont pas toujours mieux lotis. Voici un manuel de survie en milieu hostile à leur intention
Jeune Afrique |
François Soudan |
Publication 27/05/2020
En cette période de pandémie, il est plus difficile que jamais pour les conseillers de Donald Trump de se faire entendre. Au point, raconte le New York Times, que les analystes de la CIA chargés de briefer le président américain sur les questions de sécurité ont dû faire appel à des consultants extérieurs pour réfléchir à la meilleure façon de lui présenter leurs dossiers.
Trump écoute peu, s’irrite vite et décroche au bout de trente minutes : un cauchemar pour les spécialistes de haut vol, chargés d’exposer la synthèse des secrets récoltés par les 17 agences de renseignements américaines au locataire de la Maison-Blanche. Est-il plus aisé de capter l’attention des chefs d’État africains ? Rien n’est moins sûr. Voici donc quelques conseils pour pouvoir (et savoir) murmurer à l’oreille de ces êtres suprêmes – à l’usage de leurs collaborateurs.
1. Tenez compte de ce que le chef croit savoir mieux que tous – et mieux que vous en particulier. Économie, sécurité, affaires étrangères… Tous les présidents ont leur spécialité, et ils absorberont difficilement une information qui n’ira pas dans le sens qu’ils auront eux-mêmes préétabli. En revanche, entamer un briefing par un élément qui conforte le chef et rend hommage à sa « vision » est un bon début.
2. Tenez compte de l’humeur du chef. Avant l’audience, renseignez-vous discrètement auprès de ceux (ou celles) qui l’ont côtoyé avant vous. En règle générale, évitez de commencer l’entretien par des informations négatives susceptibles de l’irriter.
Certains courtisans, direz-vous, ne s’embarrassent guère de ces précautions : flairant leur proie, ils affolent le président avec des fake news alarmistes et en profitent pour lui réclamer les moyens (financiers) de faire face au péril. Mais vous n’êtes pas de ceux-là.
3. Tenez compte de la porosité de votre chef aux rumeurs et aux ragots que lui rapportent ses visiteurs du soir ou les membres de sa famille. Il a beau répéter qu’il n’est pas homme à se laisser berner et qu’il est imperméable aux pressions, vous devez savoir que c’est faux. Le chef est d’autant plus sensible aux « gossips » qu’ils lui donnent l’impression d’être en contact direct avec la vox populi, dans le dos de ses collaborateurs. Le problème étant qu’il est le seul à pouvoir faire le tri entre le vrai et l’infox.
LE SÉNÉGAL MALADE DE SON ÉLITE POLITICO-ADMINISTRATIVE
EXCLUSIF SNEPLUS - L'honorariat ne constitue pas un droit automatique et ne doit générer aucune incidence financière à la charge de l’institution qui le décerne. C'est ainsi partout dans le monde, sauf chez nous
Le Sénégal a hérité, en accédant à l’indépendance en 1960, un modèle administratif conçu et mis en place par les colons français pour asseoir leur domination et exploiter, au mieux, les ressources de leur colonie. Pour faciliter sa tâche de domination et de spoliation de nos ressources, l’Administration publique coloniale s’était adjointe d’une classe de fonctionnaires locaux. Dans le but d’obtenir leur collaboration, pleine et entière, à son œuvre de domination et de déprédation, l’État colonial français leur octroya un certain nombre de privilèges, lesquels leur conférait un statut social au-dessus de celui des citoyens ordinaires.
Depuis l’éclatement de son empire colonial, l’Administration française a su se renouveler, se moderniser et s’adapter, tant bien que mal, à l’évolution du monde. De son côté, l’Administration publique sénégalaise est restée, après 60 ans d’indépendance, avec le même modèle, hérité de son ancien colonisateur. Même si des réformes ont été entreprises, des changements opérés, des technologies introduites, il demeure que, dans son essence et sa quintessence, le modèle administratif est resté le même : une administration organisée pour profiter, d’abord, à ses propres agents, soit à une très petite minorité de privilégiés.
Un système taillé sur mesure au profit exclusif de son élite politico-administrative
La loi n°2019-17 du 20 décembre 2019 portant loi des finances pour l’année 2020 est arrêtée, à 3 258,45 milliards FCFA en recettes et à 3 708,95 milliards FCFA en dépenses. Ces montants se répartissent entre le budget général et les comptes spéciaux du Trésor. S’agissant du budget général, il s’élève à 3 122,55 milliards FCFA en recettes et à 3 573 milliards FCFA en dépenses, tandis que les comptes spéciaux du Trésor sont dotés, en ressources et en charges, de 135,95 milliards FCFA.
Dans le budget général de l’État, les dépenses de personnel représentent 817,7 milliards FCFA, soit 23% des dépenses prévues en 2020. Elles englobent notamment les traitements et salaires en espèces, les primes et indemnités, les cotisations sociales, les traitements et salaires en nature, les prestations sociales, les prises en charge médicales et autres. Selon la loi des finances de 2020, ces 817,7 milliards de FCFA correspondent aux dépenses de personnel de 160 334 agents. Ce qui donne une dépense moyenne annuelle de 5 099 979 FCFA par agent. Ce qui est énorme ! Ceci n’est qu’une moyenne, car tout laisse croire, au regard des émoluments de certains membres de l’élite politico-administrative rendus publics, que l’écart-type (servant à mesurer la dispersion), serait très élevé. Ce qui témoignerait de l’existence de grandes disparités, voire de profondes inégalités entre les agents de l’Administration publique sénégalaise.
À côté des dépenses de personnel, les autres dépenses courantes du budget général de 2020 représentent 947,43 milliards FCFA (311,85 milliards FCFA au titre des acquisitions de biens et services et 635,59 FCFA pour les transferts). Les 311,85 milliards FCFA destinés aux acquisitions de biens et services couvrent plusieurs dépenses de fonctionnement notamment celles relatives aux matériels et mobiliers (de logement et de bureau, matériels informatiques et de communication, matériels de transport, etc.), aux achats de biens (matières et fournitures de bureau, carburant, eau, électricité, téléphone, internet), acquisitions de services (frais de transports et de missions, loyers et charges locatives, entretiens et maintenance, frais de relations publiques, dépenses de communication, etc.).
Le cumul des dépenses de personnel et celles prévues pour les acquisitions de biens et services donnent un montant total de 1 129,55 milliards FCFA (817,7 milliards FCFA + 311,85 milliards FCFA). Soit 32% du budget général consacré uniquement aux dépenses de personnel et aux conditions de travail de 160 334 agents de l’Administration publique, c’est-à-dire à moins de 1% de la population totale du Sénégal (16,7 millions d’habitants en 2020). Ce qui pose plusieurs problèmes notamment celui d’ordre éthique et moral : comment moins de 1% de la population sénégalaise puisse capter, à elle seule, plus de 1 129 milliards FCFA du budget général alors qu’au Sénégal, selon la Banque Mondiale, « le taux de pauvreté était évalué à 46,7 % (…), le travail est essentiellement informel, d’où des salaires faibles, un sous-emploi et une protection sociale limitée ». Ces montants grimperaient encore si on y incluait les charges des comptes d’affectation spéciale, d’un montant de 113,7 milliards FCFA, destinées au paiement de traitements ou d’indemnités à des agents de l’État ou d’autres organismes publics dont 111,7 milliards FCFA pour le seul Fonds national de Retraite (FNR).
L’élite politique est également bien servie. En effet, la dotation de l’Assemblée nationale inscrite dans la loi des finances de 2020 s’établit à 17,8 milliards FCFA pour 165 députés, le personnel de soutien et son fonctionnement. Elle est de 6,6 milliards FCFA pour le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) avec ses 120 Conseillers, son personnel de soutien et son fonctionnement. Pour le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT), une dotation de 8,6 milliards FCFA lui allouée pour ses 150 Hauts conseillers, son personnel de soutien et son fonctionnement. Ces trois institutions politiques absorbent 33 milliards de FCFA du budget général de l’État voté en 2020. Ainsi, le coût moyen annuel (toutes charges confondues) s’établit à plus de 107,8 millions FCFA pour un député, plus de 55 millions FCFA pour un Conseiller du CESE et 57 millions FCFA pour un Haut conseiller. Ce qui est hallucinant pour un pays pauvre !
Des artifices pour continuer à vivre sur le dos de l’État même après la période active : l’honorariat
La théorie de la reconnaissance développée par Honneth (2000) part du postulat selon lequel la valeur que chacun s’attribue dépend du regard d’autrui. À cet égard, la reconnaissance aiderait à bâtir une société plus juste, car permettant à chacun d’établir sa valeur à partir du regard des autres. C’est dans cette perspective que s’inscrit l’honorariat comme tant d’autres formes et niveaux de reconnaissance.
Dans le cas qui nous concerne, la reconnaissance des personnes ayant exercé des fonctions ou appartenu à une profession, l’honorariat est tout simplement la possibilité qui leur serait offerte, après cessation de leurs activités, de se prévaloir de leur titre ou de leur grade, voire d'un titre ou d'un grade supérieur. Cette possibilité est généralement enchâssée dans les textes qui organisent le fonctionnement des institutions ou dans les statuts qui régissent l’exercice d’une profession. L'honorariat est accordé, généralement, sur proposition des pairs. Il ne constitue pas un droit automatique et, en plus, ne doit générer aucune incidence financière à la charge de l’institution ou de la profession qui le décerne. Bref, c’est un titre purement honorifique conféré à une personne en reconnaissance de sa contribution dans une institution ou au sein d’une profession. C’est ça le principe, et celui-ci est partout pareil dans le monde sauf au Sénégal.
Il existe un nombre incalculable de sénégalaises et de sénégalais, dans tous les domaines, qui se sont dévoués(es), corps et âme, à la construction du pays. Elles ou ils ont consacré toute leur vie active, parfois longue de plus de 40 ans, à faire progresser les choses dans leur domaine. Elles ou ils viennent de la sphère politique, de l’Administration publique, mais aussi des mouvements paysans, des professions libérales, des organisations non gouvernementales, des opérateurs économiques, etc. Autant de personnes méritantes à qui la Nation doit une reconnaissance. C’est là que certaines pratiques de l’élite politico-administrative relatives à l’honorariat peuvent relever de l’indécence doublées d’un abus ou d’un détournement de pouvoir. En effet, cette élite politico-administrative profite de sa position au sein de l’État pour travestir les principes et valeurs qui sous-tendent l’honorariat pour faire de cette forme de reconnaissance une source de privilèges une fois à la retraite. Le cas Aminata Tall, qui occupe le devant de la scène, est là pour le prouver. Ce cas, est loin d’être isolé comme le montre, par exemple, ceux des Inspecteurs généraux d’État (IGE) et des Magistrats.
Profitant de leur proximité avec le chef de l’État, les IGE ont fait passer la loi n° 2011-14 du 8 juillet 2011 abrogeant et remplaçant la loi n° 2005-23 du 11 août 2005 portant statut des Inspecteurs généraux d’État, modifiée par la loi n° 2007-17 du 19 février 2007 qui édicte en son article 27 que « les Inspecteurs généraux d’État ayant atteint la limite d’âge pour faire valoir leurs droits à une pension de retraite, et justifiant au moins de dix années de services effectifs cumulés dans le corps des inspecteurs généraux d’État, peuvent prétendre à l’honorariat. A ce titre, ils continuent de jouir des honneurs et privilèges attachés au corps ». Continuer à « jouir des honneurs » dus à leur corps, personne ne trouverait quelque chose à redire. Cela est tout à fait acceptable. Mais continuer à jouir des « privilèges attachés au corps» après la retraite, cela ressemble à une arnaque et au bénéfice d’avantages indus. Peu importe la nature et l’ampleur de ces privilèges (les IGE en ont beaucoup !), c’est une pratique qui méprise la morale et l’éthique.
La même remarque vaut pour les magistrats à qui les politiciens ne refusent rien pour des raisons que tout le monde connaît. En effet, la loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017 portant Statut des magistrats prévoit en ses articles 66, 67 et 68 l’honorariat avec la possibilité de continuer «de jouir des honneurs et privilèges attachés à leur état ». Tous les décrets conférant l’honorariat à des magistrats à la retraite en notre possession terminent par cette disposition : « Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et le Ministre de l’Économie et des Finances sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret ». Ce qui prouve, incontestablement, que la décision de conférer l’honorariat aux magistrats à la retraite a des incidences financières (notification au ministère des Finances chargé de la mise en œuvre du Décret) au contraire des Professeurs d’Université, qui sont aussi méritants. Par exemple, le Décret n° 2004-1329 du 1er octobre 2004 conférant le titre de Recteur honoraire de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis au Professeur Ahmadou Lamine Ndiaye (c’est lui qui a démarré cette université et a réussi en faire une institution réputée par la qualité de ses enseignements) termine tout simplement par «Le Ministre de l’Éducation est chargé de l’exécution du présent décret». Ce qui dénote l’absence d’incidences financières de cette décision. Ceci conformément aux principes de l’honorariat.
Avec tout cela, on peut comprendre pourquoi il n’y a pas eu de changements en profondeur depuis 1960. L’Administration publique sénégalaise est aux mains d’une caste de privilégiés qui pense d’abord à ses propres intérêts avant ceux du peuple. C’est cela la triste réalité. Macky Sall, lui-même, a avoué, lors de la cérémonie de lancement officiel du Programme d’appui à la modernisation de l’administration que de 2012 à 2019 « plus de 307 milliards de FCFA ont été dépensés pour l’achat de véhicules ». Cela se passe de commentaires !
par Babacar Diop
L'ECO DE LA SERVITUDE
Le destin de l’Afrique se joue encore au XXIe siècle à la table de conférence des ministres de Paris. Décidément, les chaînes de la conférence de Berlin (1884-1885) restent longues et solides
Le conseil des ministres de France, en sa dernière séance, a officialisé le changement de nom du franc Cfa qui devient l’« Eco ». L’image constitue une humiliation pour les peuples africains dont la dignité a été bafouée pour une nouvelle fois. Le destin de l’Afrique se joue encore au XXIe siècle à la table de conférence des ministres de Paris. Décidément, les chaînes de la conférence de Berlin (1884-1885) restent longues et solides. Nous avons besoin de la volonté inaltérable des peuples pour les rompre définitivement.
Le changement de nom du franc Cfa, sans mesures substantielles, est la preuve la plus éloquente que nous sommes toujours victimes d’une violente domination et exploitation néocoloniales. En réalité, l’Eco constitue le symbole d’une nouvelle répression et aliénation monétaires de l’Afrique. Pourquoi toujours la France et l’Europe et pas nous-mêmes ? Pourquoi la France garantit notre monnaie ? Pourquoi la parité devrait rester fixe à l’Euro ? Pourquoi la Banque de France devrait imprimer les nouveaux billets Eco ? Voilà ce qu’on appelle la répression et l’autorépression monétaires.
Les pays de l’UEMOA et de la CEMAC sont les seuls au monde dont la monnaie dépend toujours et encore de l’ancienne puissance coloniale. Les peuples de l’Amérique latine et de l’Asie progressent à pas de géant avec dignité vers la pleine libération. En Afrique, nous refusons d’assumer notre responsabilité collective et historique devant notre destin.
Le projet de monnaie commune régionale des 15 pays de la CEDEAO, avec un régime de change flexible, annoncé avec enthousiasme, s’est transformé en une illusion. Les dirigeants africains ont préféré protéger les intérêts de la France, que d’entendre la saine et juste colère de la jeunesse africaine. Alassane Ouattara et Macky Sall, les valets de pied de la France en Afrique, doivent comprendre que la jeunesse africaine revendique plus qu’un changement de nom. Elle réclame la fin de la domination et de l’exploitation du continent africain par les pays développés. Elle revendique la pleine souveraineté en vue de la promotion d’un monde plus humain pour tous.
La Seconde émancipation des peuples africains à laquelle j’appelle à plein cœur passera nécessairement et impérativement par une libération monétaire. En vérité, le destin de l’Afrique se joue inexorablement sur la monnaie.
La jeunesse africaine, épuisée par la violence de la domination et de l’exploitation de la France, consciente de ses droits, mais également de ses responsabilités historiques, et en tant que force vive de notre peuple, organisera et dirigera les luttes populaires, patriotiques et démocratiques pour la conquête de la souveraineté de nos Etats.
La dignité de l’Afrique n’est pas matière à commerce.
par l'éditorialiste de seneplus, penda mbow
SOUTENONS LE PROFESSEUR EMMANUEL BASSÈNE
EXCLUSIF SENEPLUS - Dans ce contexte si particulier de lutte contre le Covid-19 où personne ne semble vraiment détenir la solution, le moment est peut être venu d’interroger notre patrimoine et nos savoirs endogènes
Après lecture de l’interview du Professeur Emmanuel Bassène dans la livraison du journal l’Observateur de ce samedi 23 mai 2020, je fus fort embarrassée. Devons-nous abandonner ce vaillant collègue, se débattre tout seul autour de ce judicieux combat concernant « la valorisation de nos ressources locales en matière de santé » et qu’il mène depuis plusieurs décennies ?
Dans ce contexte si particulier de lutte contre le Covid-19 où personne ne semble vraiment détenir la solution, le moment est peut être venu d’interroger notre patrimoine et nos savoirs endogènes. Pour paraphraser l’éminent Professeur Joseph Ki Zerbo, il est largement temps d’arrêter de s’asseoir sur la « natte des autres ».
Le Professeur Bassène a parfaitement raison d’évoquer une image à défendre pour le Sénégal. Dans ce domaine précis, on ne peut pas être à la remorque d’autres pays car le Sénégal bénéficie d’un héritage et d’une expérience exceptionnels en la matière !
Et il est légitime de s’interroger sur le blocage du projet de loi relatif à l’exercice de la médecine traditionnelle au Sénégal adopté en Conseil de ministre depuis le 31 mai 2017. Même si on doit cerner les effets néfastes d’un « recours massif et parfois incontrôlé des populations à la médecine et à la pharmacopée traditionnelles » d’une part et de maitriser la « profusion des guérisseurs » d’autre part, nous devons profiter de la situation pour lancer notre propre industrie pharmaceutique.
En plus, nous n’avons plus le choix car la crise du Covid-19 a bouleversé certains solidarités et partenariats qui s’effritent de jour en jour ; il s’agit de répondre à partir de nos propres ressources, aux défis qui nous interpellent. Nous disposons de savoirs endogènes, d’une recherche empirique, d’une recherche scientifique qui remonte aux années 40.
A l’Institut Fondamental d’Afrique Noire Cheick Anta Diop, se trouve le plus ancien herbier d’Afrique francophone créé depuis 1941. Le département de Botanique avait pour principal objectif, la création d’une banque de toutes les espèces végétales de l’Afrique francophone puis de toute l’Afrique continentale et insulaire ; plus de 60 000 spécimens s’y sont inventoriés, selon les botanistes.
Des chercheurs de renommée internationale ont séjourné dans cet institut. On a souvenance de feu le Doyen Ahyi, le botaniste qui parlait aux plantes, des chercheurs de la trempe d’Antoine Nongonierma, spécialiste de l’Acacia. On peut aussi évoquer l’apport du géographe Paul Ndiaye qui s’est beaucoup investi dans les Aires protégées du Sénégal. Les plantes poussant dans notre pays ont été décrites de manière détaillée dès 1954 aussi bien sur le plan botanique que chimique, successivement par le Père Berhaut, les Professeurs Joseph Kerharo et J. G. Adam.
Par conséquent, plusieurs strates de savoirs sur les plantes existent dans ce pays. Pourquoi ne nous en servons-nous pas pour résoudre nos problèmes de santé ? Des tentatives n’ont pas manqué et on peut citer par exemple, l’expérience du Professeur Yvette Parès de l’hôpital Traditionnel de Keur Massar ou encore celle du Docteur Eric Gbodossou du centre Malango et des techniciens comme Gaoussou Sambou. Certainement, il en existe beaucoup d’autres ; c’est ainsi que le document de référence élaboré par le Professeur Bassène ajoute à cette liste, le Centre communautaire de Technologie appropriée pour la santé de Yeumbel, le centre de Médecine traditionnelle El Hadj Demba Ba (Gëstu) de Pout, le Centre de Médecine traditionnelle El hadj Malick Sy de Tivaouane, tous des références pour la promotion de la médecine traditionnelle.
Encore une fois, Emmanuel Bassène dans son argumentaire peut s’appuyer sur l’ancienneté de l’Ecole africaine de Médecine et de Pharmacie créée dès 1916 et qui deviendra la faculté de Médecine et de pharmacie en 1962. Dès lors, allons-nous simplement nous contenter de pharmaciens gestionnaires d’officines et non pas de fabricants de produits pharmaceutiques ?
La crise du Covid-19 a largement démontré notre vulnérabilité face à cette option.
Le moment est venu de recenser tous les savoirs endogènes, de les exhumer pour nous prémunir d’un monde très incertain. Plusieurs idées circulent autour des plantes comme le rat, le nger, le nim, le nébéday, le sexaw, l’artémesia, le mbantémare ou autres condiments comme le clou de girofle, l’ail, le miel, etc. Il reviendra aux spécialistes d’étudier les meilleures combinaisons, les dosages pour des remèdes, des molécules à offrir à nos populations souvent désarmées face à la fulgurante de ce coronavirus.
Il est vrai que lorsqu’on suit un peu les débats en cours, on se rend compte très facilement de la puissance de l’industrie pharmaceutique. Il y a quelques années, j’avais lu un roman fabuleux de John Le Carré intitulé la Constance du Jardinier paru aux Editions Seuil, en 2005. Il s’agit d’un thriller qui tourne autour des pratiques supposées ou réelles des laboratoires pharmaceutiques.
Qu’on ne s’y trompe pas : même pour sauver des vies, des moyens colossaux peuvent être en jeu mais profitons de l’ère des remises en cause, pour nous définir une nouvelle trajectoire et être au rendez-vous du donner et du recevoir, car notre survie en dépend grandement.
A cet effet, ici au Sénégal, mobilisons-nous pour donner des moyens au Professeur Bassène et à tous ceux qui travaillent sur les plantes de notre pays.
PISTES DE REFLEXION POUR UNE LUTTE EFFICACE CONTRE LE COVID 19 AU SENEGAL
L’analyse des mesures prises par l’état sénégalais et l’appréciations de certains spécialistes, nous a permis de dégager des recommandations qui pourraient permettre de mieux lutter contre l’expansion de la pandémie
L’analyse des mesures prises par l’état sénégalais et l’appréciations de certains spécialistes, nous a permis de dégager des recommandations qui pourraient permettre de mieux lutter contre l’expansion de la pandémie COVID-19 au Sénégal.
En effet, dès le début de la pandémie, l’état a pris plusieurs mesures dont l’instauration de l’état d’urgence avec un couvre-feu, la fermeture des établissements d’enseignement et des lieux de cultes ainsi que le respect des mesures barrières. Ces mesures étaient appréciées par la majorité de la population, mais avec l’augmentation du nombre de cas (79 à 3000 entre le 23 mars et le 24 mai 2020 soit une hausse de 37%) et le plombage de l’économie, certains spécialistes de la santé ont préconisé des mesures alternatives.
Parmi ceux-ci, nous pouvons citer le Docteur Pape Moussa Thior, expert en santé publique, ancien coordonnateur du programme national de lutte contre le paludisme. Il reconnait la complexité de la lutte contre le covid-19 et salue la gestion de la crise par l’État du Sénégal.
Cependant il ne trouve plus pertinent de continuer à faire l’état d’urgence car il estime qu’on ne doit pas empêcher les gens de circuler entre les régions, Dakar ayant la particularité de concentrer l’essentiel des structures de santé du pays. Et il se trouve que la majorité des malades qui sont pris en charge dans les centres anticancéreux et les centres chirurgicaux viennent de l’intérieur du pays (Matam, Podor, Ziguinchor, etc.).
Ces malades rencontrent des difficultés énormes pour venir à leur rendez-vous médical parce que les transports publics interurbains ne marchent pas. Par ailleurs, Monsieur Moustapha Diakhaté, ex ministre-conseiller du Président de la République plaide pour une levée de l'état d'urgence assorti d'un couvre-feu qui n’a pas permis d’endiguer la chaine de transmission de la Covid-19 au vu de l’augmentation exponentielle du nombre de cas. Il a aussi signalé sur le plan économique la mise en veilleuse de plusieurs activités génératrices de revenus et des entreprises du secteur informel, piliers de l’économie sénégalaise.
Le Professeur Moussa Seydi, Chef du Service des Maladies infectieuses de l’hôpital Fann, quant à lui fait partie de spécialistes qui ne partagent pas l’avis du Docteur Thior, qui pourrait selon lui mener à la catastrophe si on laisse le virus circuler. Il précise qu’il est préférable de prévenir l’effusion de la maladie dans le pays que d’essayer de guérir après.
Face à cette évolution de la situation, le Président de la République, a décidé d’adapter la stratégie afin de permettre le déroulement des activités essentielles et de faire vivre l’économie du Pays en veillant à la préservation de la santé de la population. Il a ainsi décidé de l’assouplissement des conditions de l’état d’urgence comme suit :
- Réaménagement des horaires de bureau ;
- Ouverture des marchés et autres commerces pendant 6 jours le 7éme jour étant dédié au nettoiement ;
- Ouverture des marchés hebdomadaires, communément appelés « loumas » dans les limites de chaque Département ;
- Réouverture des lieux de culte ;
- Reprise des cours le 2 juin pour les classes d’examen ;
- Etc.
Pour éviter la propagation du virus, il a instruit aux membres du Gouvernement de veiller particulièrement à ce que la fréquentation des lieux de culte, des établissements scolaires et espaces publics (marchés et autres commerces, y compris les restaurants), obéisse strictement aux mesures de distanciation sociale et aux gestes barrières, notamment le port obligatoire du masque et le lavage des mains.
Ces mesures ont été diversement appréciée par la population particulièrement celle relative à la reprise des cours. En effet, on constate malheureusement que la majorité de la population ne respecte pas les mesures barrières, ce qui contribue à inquiéter d’avantage certains parents d’élèves.
Par ailleurs, suite à certaines études dont celle de « The Lancet » jugeant inefficace voire néfaste le recours à la chloroquine ou à ses dérivés comme l'hydroxychloroquine contre le Covid-19, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) préconise la suspension temporaire des essais cliniques avec l’hydroxychloroquine qu'elle mène avec ses partenaires dans plusieurs pays. Cependant les résultats de ces études contrastent avec les chiffres très encourageants qui établissent l'efficacité de la molécule dans certains pays comme le Sénégal, le Maroc et plusieurs autres pays africains et européens. Il y a aussi l’utilisation de la Covid Organics qui n’est pas recommandée par l’OMS pour le traitement de pandémie.
L’analyse de la situation actuelle fait ressortir qu’au Sénégal :
- La seule mesure préventive relative aux gestes barrières n’est pas respectée ;
- Le seul traitement utilisé au Sénégal pour le traitement de la maladie est remis en cause par l’OMS (1515 malades guéris, 36 décédés sur 3134 à la date du 25 mai 2020).
Par conséquent on doit veiller davantage à l’obligatoires du port de masques et des gestes barrières. Ce qui ne peut se faire qu’avec un déploiement important des forces de sécurité difficile à réaliser si on continue à les mobiliser durant la nuit (couvre-feu).
Pour rendre effective les gestes barrières, il serait donc souhaitable de mettre fin au couvre-feu en interdisant les rassemblements dans les espaces publics, les bars, les restaurants, etc.
Pour cela on doit déployer la majorité des policiers, gendarmes, militaires et ASP pour faire respecter les gestes barrières, ainsi :
- Toute personne qui sortira de sa maison devra porter un masque ;
- Toutes personne qui ne respecte pas les gestes barrière devra subir une sanction exemplaire.
Le déploiement massif de ces forces de l’ordre avant le démarrage des cours contribuera à réconforter d’avantage les élèves, leurs parents et les enseignants. Nous ne saurions terminer sans nous poser quelques questions :
- Concernant l’hydroxychloroquine, peut-on se permettre de le laisser tomber si on n’a pas un remède alternatif et accessible ?
- Par ailleurs, les essais cliniques sur le Covid Organics ne doivent-ils pas être accélérés en vue de son utilisation comme préventif ?