La levée de l’état d’urgence décrété dans le cadre de la lutte contre le nouveau coronavirus n’a pas laissé la classe politique indifférente. Si des partisans du chef de l’Etat ont salué cette décision de déconfinement total qui concrétise la stratégie du « vivre avec le virus » déjà annoncé lors du discours du 11 mai, on est plutôt dans l’indignation du côté de l’opposition qui invite Macky Sall à tirer toutes les conséquences de sa démission.
Aussitôt après la fin du discours du chef de l’Etat, beaucoup de responsables politiques sont montées au créneau pour donner leur avis sur l’option de Macky Sall de mettre un terme aux restrictions qu’il avait prises dans le cadre la lutte contre la Covid-19 en faveur de la reprise des activités économiques alors que les cas de malades du coronavirus augmentent ainsi que les décès.
Si des partisans du chef de l’Etat ont salué cette décision de levée de l’état d’urgence qui concrétise la stratégie du « vivre avec le virus » déjà annoncé lors du discours du 11 mai, l’opposition préfère faire dans l’indignation. Dans un tweet posté quelques minutes après la prise de parole du chef de l’État, le député à l’Assemblée nationale et président du Mouvement Tekki, Mamadou Lamine Diallo, n’est pas allé par quatre chemins pour inviter le Président Sall à tirer toutes les conséquences au plan politique de l’échec de sa stratégie de lutte contre la Covid-19. «Comme anticipé, ce lundi 29 juin, le Président Macky Sall, après trois mois de pleins pouvoirs, lève le drapeau blanc devant le coronavirus et laisse le peuple, les soldats à eux-mêmes, alors que la pandémie se développe. Il reconnaît ainsi l’échec de sa stratégie de lutte contre la Covid-19. Il devrait en tirer toutes les conséquences au plan politique. Macky Sall a atteint ses limites», a twetté le député non inscrit également membre de la Conférence des leaders du Congrès de la renaissance démocratique (Crd).
Abondant dans le même ordre d’idées, son collègue du Crd, Thierno Alassane Sall, ancien ministre de l’Énergie et président du parti politique la République des valeurs a lui aussi fustigé cette décision du président Sall dans un tweet publié sur son compte. «Le chef Suprême MS aux Sénégalais : j’ai tout essayé contre l’Ennemi Covid mais il continue à gagner du terrain.
Ainsi, puisqu’il n’y a pas de différence entre ma stratégie et la reddition pure et simple, je décrète le retour à la normale. Désormais, je m’en remets à Dieu. Amen !»
Pour sa part, l’ancien Premier ministre et président de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail (Act), Abdoul Mbaye, soulignant que Macky Sall a choisi de devenir spectateur, invite les députés à proposer de vraies mesures de relance économique. «Nos députés ont une occasion historique de retrouver leurs habits perdus de représentants du Peuple, Macky Sall ayant choisi de devenir spectateur. Qu’ils écoutent les professionnels des différents secteurs et proposent de vraies mesures de relance économique», a-t-il tweeté.
De son côté, l’ancien ministre chef de cabinet du président du président Macky Sall, Moustapha Diakhaté, fustigeant la gestion de cette pandémie a estimé dans un post sur sa page Facebook que le chef de l’Etat a abandonné les Sénégalais avec la Covid-19. «Le Président Macky Sall a échoué à endiguer la Covid-19 et à atténuer la transmission de la maladie. Au bout de 90 jours, le coronavirus continue de faire des ravages à travers le pays. Avec plus de 6 000 cas, plus d’une centaine de morts, le Sénégal reste l’un des pays de l’Afrique soudano sahélienne les plus touchés. Au regard de la démission du président Macky Sall, l’impact à venir de la pandémie pourrait être catastrophique tant du point de vue sanitaire, économique et social», a-t-il prévenu avant de marteler. «La seule bonne nouvelle du discours présidentiel, c’est la levée de l’illégal état d’urgence assorti d’un inutile couvre-feu avec plus de 3 mois de répressions policières pour rien».
LU BEES AVEC RENÉ LAKE ET OUSSEYNOU NAR GUEYE
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LA GENTRIFICATION DE LA PRESSION FONCIÈRE AU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - C'est la course à l'accession à la propriété immobilière urbaine, avec des montées de fièvre récurrentes encore illustrée par des litiges fonciers - Aux USA comme au Sénégal, les cas de Covid augmentent de manière exponentielle
Réalisation et montage Boubacar Badji |
Publication 01/07/2020
Lu Bees avec René Lake à Washington et Ousseynou Nar Gueye à Dakar : Pression foncière immobilière continue au Sénégal et regain de la pandémie Covid-19 aux USA avec une riposte contrastée selon les États
Dans ce numéro de Lu Bees, Ousseynou Nar Gueye pointe la "gentrification" de la pression foncière au Sénégal, poussée par les bourgeoisie moyenne et haute qui font la course à l'accession à la propriété immobilière urbaine, avec des montées de fièvre récurrentes encore illustrée par les litiges fonciers concernant le littoral dakarois, Gadaye dans la banlieue dakaroise ou Ndingler dans la région de Mbour. Tous les Sénégalais peuvent t-ils raisonnablement aspirer à posséder un toit en milieu urbain ou faut-il revenir à une politique locative d'un parc de logements à loyer modéré promu par les villes ?
Du côté de l'Amérique, René Lake souligne ce paradoxe du nouveau continent qui, avec 5% de la population mondiale, fournit 25% du contingent d'infectés au Coronavirus au plan international. Les réponses des États de l'Union sont diverses et souvent opposées, balançant entre retour au confinement strict et rejet du port obligatoire du masque barrière. Il fait le parallèle avec la récente levée du couvre-feu au Sénégal, alors que la courbe des contaminations ne baisse pas, pas plus quaux États-unis.
Lu Bees, un partenariat audiovisuel hebdomadaire du mercredi entre Seneplus et Tract.sn. Réalisation et montage assurés par Boubacar Badji.
par Achille Mbembe
QUE FAIRE DES STATUES ET MONUMENTS COLONIAUX ?
Il y a quelque chose de profondément offensant à voir ces masques d’un potentat racial (le potentat colonial) trôner au centre de nos villes africaines, parfois même sur la Place de l’Indépendance, si longtemps après notre prétendue émancipation
Le texte ci-dessous a été préalablement publié en 2006 dans le quotidien camerounais, Le Messager.
Les mêmes toujours les mêmes qui refusent d’entendre diront qu’il y a des choses plus urgentes à faire que de se préoccuper, maintenant, des reliques, effigies et autres monuments laissés par la colonisation. Les mêmes feront valoir que le passé est passé et qu’il faut le restituer au passé. Ils affirmeront qu’au lieu de s’en prendre aux statues érigées par l’État colonial, les Africains feraient mieux de s’attaquer aux » vraies » questions, celles que leur impose le présent la production agricole, la bonne gouvernance, les finances, les nouvelles technologies, ou encore la santé, la nutrition et l’éducation, bref ce que, depuis près d’un demi-siècle, les Nègres s’échinent, souvent sans réfléchir, à épeler : le » dé-ve-lo-ppe-ment « . D’autres encore iront plus loin. Ils diront que si et seulement si les indigènes s’étaient montrés capables de préserver le peu que la colonisation leur a laissé, ils se porteraient sans doute mieux aujourd’hui. Or, à peine leurs anciens maîtres partis, ils se sont attelés à détruire l’héritage que ces derniers leur ont si gracieusement légué.
Zélotes de l’amnésie
De tels raisonnements auxquels d’ailleurs de nombreux Africains souscrivent – ont toutes les apparences du bon sens. Ils reposent pourtant sur de fallacieux présupposés.
Et d’abord, ceux qui préconisent l’amnésie sont incapables de nommer la sorte d’oubli qu’ils nous recommandent. S’agit-il d’un oubli sélectif ou s’agit-il vraiment de tout oublier du passé tout le passé ? À quelle autre communauté humaine cela a-t-il jamais été prescrit ? Supposons, un instant, que cela soit possible : comment, dans de telles conditions d’amnésie radicale, pourrons-nous répondre de notre nom, c’est-à-dire assumer, en toute connaissance de cause, notre part de responsabilité et d’implication dans ce qu’a été notre histoire ? Par quels signes reconnaîtrons-nous ce que notre présent est capable de signifier ? Car, même s’il est vrai qu’une distance relative par rapport au passé est absolument nécessaire pour » faire la paix avec le passé » et ouvrir le futur, le passé n’appartient jamais qu’au seul passé.
C’est l’une des raisons pour lesquelles la plupart des sociétés humaines portent un tel souci pour leur histoire et mettent tant de soin à s’en souvenir à travers des commémorations et, davantage encore, par la mise en place de maintes institutions chargées d’activer la créativité culturelle et de gérer le patrimoine national (musées, archives, bibliothèques, académies). Au demeurant, il n’existe de communauté proprement humaine que là où la relation au passé a fait l’objet d’un travail conscient et réfléchi de symbolisation. Plutôt que d’oublier tout le passé, c’est ce travail (critique) de symbolisation du passé (et donc de soi-même) que les Africains sont invités à effectuer.
Deuxièmement, les zélotes de l’amnésie se méprennent sur les multiples significations des statues et monuments coloniaux qui occupent encore les devants des places publiques africaines longtemps après la proclamation des indépendances. L’on sait que pour être durable, toute domination doit s’inscrire non seulement sur les corps de ses sujets, mais aussi laisser des marques sur l’espace qu’ils habitent et des traces indélébiles dans leur imaginaire. Elle doit envelopper l’assujetti et le maintenir dans un état plus ou moins permanent de transe, d’intoxication et de convulsion – incapable de réfléchir pour soi, en toute clarté.
C’est seulement ainsi qu’elle peut l’amener à penser, à agir et à se conduire comme s’il était irrévocablement pris dans les rets d’un insondable sortilège. La sujétion doit également être inscrite dans la routine de la vie de tous les jours et dans les structures de l’inconscient. Le potentat doit habiter le sujet de manière telle que ce dernier ne puisse désormais exercer sa faculté de voir, d’entendre, de sentir, de toucher, de bouger, de parler, de se déplacer, d’imaginer, voire ne puisse plus travailler et rêver qu’en référence au signifiant-maître qui, désormais, le surplombe et l’oblige à bégayer et à tituber.
Le potentat colonial ne dérogea guère à cette règle. À toutes les étapes de sa vie de tous les jours, le colonisé fut astreint à une série de rituels de la soumission les uns toujours plus prosaïques que les autres. Il pouvait, par exemple, lui être demandé de tressaillir, de crier et de trembler, de se prosterner en frémissant dans la poussière, d’aller de lieu en lieu, chantant, dansant et vivant sa domination comme une providentielle nécessité. La conscience négative (cette conscience de n’être rien sans son maître, de tout devoir à son maître pris, à l’occasion, pour un parent) cette conscience devait pouvoir gouverner tous les moments de sa vie et vider celle-ci de toute manifestation de la libre volonté.
L’on comprend que dans ce contexte, les statues et monuments coloniaux n’étaient pas d’abord des artefacts esthétiques destinés à l’embellissement des villes ou du cadre de vie en général. Il s’agissait, de bout en bout, de manifestations de l’arbitraire absolu. Puissances de travestissement, ils étaient l’extension sculpturale d’une forme de terreur raciale. En même temps, ils étaient l’expression spectaculaire du pouvoir de destruction et d’escamotage qui, du début jusqu’à la fin, anima le projet colonial.
Mais surtout il n’y a pas de domination sans une manière de culte des esprits dans ce cas l’esprit-chien, l’esprit-porc, l’esprit-canaille si caractéristique de tout impérialisme, hier comme aujourd’hui. À son tour, le culte des esprits nécessite, de bout en bout, une manière d’évocation des morts une nécromancie et une géomancie. De ce point de vue, les statues et monuments coloniaux appartiennent bel et bien à ce double univers de la nécromancie et de la géomancie. Ils constituent, à proprement parler, des emphases caricaturales de cet esprit-chien, de cet esprit-porc, de cet esprit-canaille qui anima le racisme colonial et le pouvoir du même nom comme, du reste, tout ce qui vient après : la postcolonie. Ils constituent l’ombre ou le graphe qui découpe son profil dans un espace (l’espace africain) que l’on ne se priva jamais de violer et de mépriser.
Car, à voir ces visages de » la mort sans résurrection « , il est facile de comprendre ce que fut le pouvoir colonial – un pouvoir typiquement funéraire tant il avait tendance à réifier la mort des Africains et à dénier à leur vie toute espèce de valeur. La plupart de ces statues représentent en effet d’anciens morts des guerres de conquête, d’occupation et de » pacification » des morts funestes, élevés par de vaines croyances païennes au rang de divinités tutélaires. La présence de ces morts funestes dans notre espace public a pour but de faire en sorte que le principe du meurtre et de cruauté qu’ils ont personnifié continue de hanter notre mémoire, de saturer notre imaginaire et nos espaces de vie, provoquant ainsi en nous une étrange éclipse de la conscience et nous empêchant, ipso facto, de penser en toute clarté.
Le rôle des statues et monuments coloniaux est donc de faire resurgir sur la scène du présent des morts qui, de leur vivant, ont tourmenté, souvent par le glaive, l’existence des Africains. Ces statues fonctionnent à la manière de rites d’évocation de défunts aux yeux desquels notre humanité compta pour rien – raison pour laquelle ils n’avaient aucun scrupule à verser, pour un rien, notre sang, comme du reste on le voit aujourd’hui encore, de la Palestine à l’Iraq en passant par la Tchétchénie et d’autres culs-de-sac de notre planète.
C’est la raison pour laquelle il y a quelque chose de profondément offensant à voir ces masques d’un potentat racial (le potentat colonial) trôner au centre de nos villes africaines, parfois même sur la Place de l’Indépendance, si longtemps après notre prétendue émancipation, alors même que du fait de notre complicité, les vaincus de notre propre histoire n’ont bénéficié d’aucune sépulture digne de ce nom, encore moins d’un ensevelissement à hauteur de notre prétention à être-homme.
À cause de ces masques de terreur maquillés en visages humains, nous continuons donc de vivre, ici même, chez nous, à l’ombre du racisme colonial dont on sait que l’idée première faisait de nos pays des contrées peuplées par une » sous-humanité « . Ces statues célèbrent, chaque matin de notre vie, le fait que dans la logique coloniale, faire la guerre aux » races inférieures » était nécessaire à l’avancée de la » civilisation « . Qu’autant de ces monuments soient consacrés à la gloire des soldats et des militaires indique à quel niveau de profondeur gît désormais, dans notre inconscient collectif, l’accoutumance au massacre. Tout y est donc, dans ces monuments de notre défaite : la célébration d’un nationalisme étranger guerrier et conquérant ; celle des valeurs conservatrices héritées des contre-Lumières et qui trouvent un terrain d’expérimentation privilégié dans les colonies ; celle des idéologies inégalitaires nées avec le darwinisme social ; celle de la mort réifiée qui accompagna l’ensemble ; et, aujourd’hui, l’abjection qui, partout nous poursuit, sans repos ni pitié, à l’étranger comme ici même, chez nous.
La réalité est que rien n’a été simple ni univoque dans l’attitude des nationalismes africains postcoloniaux à l’égard des reliques du colonialisme. Trois types de réponses ont vu le jour. Et d’abord, dans la foulée des conflits liés à la décolonisation ou encore à la faveur des bouleversements politiques dont ils ont fait l’expérience dans les années soixante-dix et quatre-vingt notamment, un certain nombre de pays ont cherché à se libérer des symboles de la domination européenne et à imaginer d’autres modes d’organisation de leur espace public. Pour bien marquer leur nouveau statut au sein de l’humanité, ils ont commencé par l’abandon des noms mêmes qui leur furent affublés au moment de la conquête et de l’occupation.
L’affaire du "nom propre "
L’idée était qu’en commençant par le nom, ils redevenaient non seulement propriétaires d’eux-mêmes, mais aussi propriétaires d’un monde dont ils avaient été expropriés. Au passage, ils renouaient les lignes de continuité avec une histoire longue que la parenthèse coloniale avait interrompue. En octroyant à l’ancienne entité coloniale de la Gold Coast le nouveau prénom de Ghana (ancien empire ouest-africain) ou encore en passant de la Rhodésie au Zimbabwe, voire de la Haute Volta au Burkina Faso, le nationalisme africain cherche, avant tout, à reconquérir des droits sur soi-même et sur le monde et, au passage, à précipiter l’avènement du "dieu" caché en nous.
Mais l’on sait également que ce souci du "nom propre" n’est pas allé sans ambiguïté. Pour des raisons plus ou moins apparentes, le Dahomey (nom d’un ancien royaume esclavagiste de la côte ouest-africaine), par exemple, est devenu le Bénin. D’autres pays ont cherché à redessiner leurs paysages urbains en rebaptisant certaines de leurs villes. Salisbury est devenu Harare au Zimbabwe. Maputo s’est substitué à Lourenço Marques au Mozambique. Léopoldville est devenu Kinshasa. De Fort Lamy, l’on est passé à Ndjamena, tandis que Fort Fourreau est devenu Kousseri, et ainsi de suite.
De manière générale cependant, l’on a conservé les grands repères architecturaux de la période coloniale. Ainsi, l’on peut se promener aujourd’hui sur l’avenue Lumumba à Maputo tout en admirant, dans le même geste, les bâtiments en bordure de l’avenue et qui constituent la parfaite expression de l’Art Déco transplanté dans leur colonie par le Portugal. La cathédrale catholique est, quant à elle, l’indice même d’une acculturation religieuse qui n’a guère empêché l’émergence d’un syncrétisme culturel des plus marqués. Ainsi, à Maputo par exemple, Karl Marx, Mao Tse Tung, Lénine cohabitent avec Nyerere, Nkrumah, et d’autres prophètes de la libération noire. Si la révocation des signes coloniaux a bel et bien eu lieu, celle-ci a donc toujours été sélective.
Mais c’est dans l’ex-Congo Belge que l’enchâssement des formes coloniales et nationalistes a atteint le plus haut degré d’ambiguïté. Ici, le » nativisme » s’est substitué à la logique raciste tout en récupérant, au passage, les idiomes principaux du discours colonial et en les ordonnant à la même économie symbolique : celle de l’adoration mortifère du potentat mais cette fois, du potentat postcolonial. D’abord, sous prétexte d’authenticité, le pays a été affublé d’un nouveau nom, le Zaïre. Paradoxalement, les origines de ce nom sont à chercher, non dans quelque tradition ancestrale, mais de la présence portugaise dans la région.
Ensuite, pour pénétrer l’univers onirique de ses sujets afin de mieux les tourmenter, le potentat postcolonial a décidé qu’il devait, tout comme le Bula Matari (l’État colonial) qui l’avait précédé, être pétri et sculpté. Le culte laïc voué à l’autocrate n’a pas seulement pris la forme d’énormes statues, puissances grotesques dans un métal de cruauté. Il s’est aussi traduit par la mise en place de toute une économie émotionnelle, mélange de séduction et de terreur, modulant à volonté le viril et l’amorphe, le vrai et le faux, utilisant l’il et l’oreille à la manière d’orifices dont la fonction est d’ouvrir, de manière viscérale, le corps tout entier au discours d’un » pouvoir africain » lui aussi habité, comme le pouvoir colonial, par l’esprit-chien, l’esprit-porc et l’esprit-canaille.
Une autre configuration, mélange de créativité et d’inertie, est l’Afrique du Sud, pays sans doute le plus urbanisé du continent, et où a sévi, jusque très récemment, le dernier racisme d’État au monde, après la Seconde Guerre mondiale. Depuis la fin de la suprématie blanche en 1994, les noms officiels des rivières, des montagnes, des vallées, des bourgades et des grandes métropoles ont peu changé. Il en est de même des places publiques, des boulevards et des avenues. Aujourd’hui encore, l’on peut rejoindre son lieu de travail en remontant l’avenue Verwoerd (l’architecte de l’apartheid) pour rejoindre son bureau, aller dîner dans un restaurant situé le long du boulevard John Vorster, rouler le long de l’avenue Louis Botha, se rendre à la messe dans une église située à l’angle de deux rues portant, chacune, le nom de quelque lugubre personnage des années de fer du régime raciste. Montés sur de grands chevaux, l’armée sinistre et rougeoyante des Kruger, Cecil Rhodes, Lord Kitchener, Malan et autres dispose toujours de statues sur les grandes places des grandes villes. Des universités, voire de petites bourgades portent leurs noms. Sur l’une des collines de Pretoria, capitale du pays, trône toujours le Vortrekker Monument, sorte de cénotaphe aussi baroque que grandiose érigé à la gloire du tribalisme Boer et célébrant le mariage de la Bible et du racisme.
De fait, il n’y a pas un seul petit aventurier blanc, creuseur d’or ou de diamants, pirate, tortionnaire, chasseur, ex-préposé à l’administration bantoue, ex-régisseur de prison, qui ne dispose d’une ruelle en son nom dans l’une ou l’autre des nombreuses bourgades du pays. Tous ces esprits vraiment infâmes et fangeux, habitués de leur vivant à toujours pencher vers ce qui est bas et abject (le racisme), aujourd’hui traînent dans tout le pays et jonchent sa surface, tel des âmes errantes et des ombres décevantes que l’histoire a pourtant rejeté. Ils ont tous laissé des traces ici, tantôt sur les corps des Africains qu’ils ont visités de brûlures et de flagellations (un oeil arraché par-ci, une jambe cassée par-là, au gré des mutilations, des répressions, des incarcérations, des tortures et des massacres), tantôt dans la mémoire des veuves et des orphelins qui ont survécu à tant de violence et de brutalité.
La toponymie est telle qu’à se fier aux noms des villes et de nombreuses bourgades, l’on se croirait non en terre africaine, mais dans quelque contrée obscure de la Hollande, de l’Angleterre, du Pays de galles, de l’Écosse, de l’Irlande ou de l’Allemagne. Une partie des motifs architecturaux post-apartheid prolonge cette logique du dépaysement, comme l’indique bien la course à des modèles pseudo-toscans. Pis, de nombreux autres noms constituent, littéralement, autant d’insultes contre les habitants originaires du pays (Boesman-ceci, Hottentot-cela, et plus loin, Kaffir-et-consorts). La longue humiliation des Noirs et leur invisibilité sont encore écrites en lettres d’or sur toute la surface du territoire, voire dans certains musées.
Paradoxalement, le maintien de ces vieux repères coloniaux ne signifie pas absence de transformation du paysage symbolique sud-africain. En fait, ce maintien est allé de pair avec l’une des expériences contemporaines les plus frappantes de travail sur la mémoire et la réconciliation. De tous les pays africains, l’Afrique du Sud est en effet celui où la réflexion la plus systématique sur les rapports entre mémoire et oubli ; vérité, réconciliation avec le passé et réparation a été la plus poussée. L’idée, ici, est non pas de détruire nécessairement les monuments dont la fonction, autrefois, était de diminuer l’humanité des autres, mais d’assumer le passé comme une base pour créer un futur nouveau et différent.
Ceci suppose que les bourreaux qui, dans le passé, furent aveugles à la terrible souffrance qu’ils infligèrent à leurs victimes s’engagent aujourd’hui à dire la vérité au sujet de ce qui s’est passé – et donc à renoncer explicitement à la dissimulation, au refoulement ou au déni en contrepartie du pardon. D’autre part, ceci suppose de la part des » victimes » l’acceptation du fait que la réaffirmation de la puissance de la vie dans la culture et dans la pratique des institutions et du pouvoir est la meilleure manière de célébrer la victoire sur un passé d’injustice et de cruauté.
Tel est, au demeurant, le sens des processus de mémorialisation en cours. Ceux-ci se traduisent par l’ensevelissement approprié des ossements de ceux qui ont péri en luttant ; l’érection de stèles funéraires sur les lieux mêmes où ils sont tombés ; la consécration de rituels religieux trado-chrétiens destinés à » guérir » les survivants de la colère et du désir de vengeance ; la création de très nombreux musées (le Musée de l’Apartheid, le Hector Peterson Museum) et de parcs destinés à célébrer une commune humanité (Freedom Park) ; la floraison des arts (musique, fiction, biographies, poésie) ; la promotion de nouvelles formes architecturales (Constitution Hill) et, surtout, les efforts de traduction de l’une des constitutions les plus libérales au monde en acte de vie, dans le quotidien.
L’on aurait pu ajouter, aux figures qui précèdent, celle du Cameroun. Pris dans une commotion orgiaque depuis plus d’un quart de siècle, ce pays représente, pour sa part, l’anti-modèle de la relation d’une communauté avec ses trépassés et notamment ceux dont la mort est la conséquence directe des actes par lesquels ils s’efforçaient de changer l’histoire. Tel est, par exemple, le cas de Ruben Um Nyobè, Félix Moumié, Ernest Ouandié, Abel Kingue, Osende Afana et plusieurs autres. C’est que, ici, la conscience du temps est le dernier souci de l’État, voire de la société elle-même. Pressés par les impératifs de survie et minés par la corruption et la vénalité, beaucoup, ici, ne voient pas que cette conscience du temps et de l’histoire constitue une caractéristique fondamentale de notre être-humain. Ils ne voient pas qu’un pays qui » s’en fout » de ses morts ne peut pas nourrir une politique de la vie. Il ne peut promouvoir qu’une vie mutilée une vie en sursis.
Penser et lutter
La mémoire de la colonisation n’a pas toujours été une mémoire heureuse. Mais, contrairement à une tradition très ancrée dans la conscience africaine de la victimisation, de l’uvre coloniale il n’y eut pas que destruction. La colonisation elle-même fut loin d’être une machine infernale. De toute évidence, elle fut partout travaillée par des lignes de fuite. Le régime colonial consacra la plupart de ses énergies tantôt à vouloir contrôler ces fuites, tantôt à les utiliser comme une dimension constitutive, voire décisive, de son autorégulation. On ne comprend rien à la manière dont le système colonial fut mis en place, comment il se désarticula, comment il fut partiellement détruit ou se métamorphosa en autre chose si l’on ne saisit point ces fuites comme la forme même que prit le conflit. C’est ce que comprirent, à leur époque, ceux que le potentat postcolonial a relégués au statut de » rebelles « , » morts en surplus de l’histoire » (Um Nyobè, Lumumba et bien d’autres) et privés, à ce titre, de sépulture digne de ce nom.
La question, aujourd’hui, est de savoir préciser les lieux depuis lesquels il est encore possible de penser et de lutter. Comme on le voit en Afrique du Sud, ceci commence par une méditation sur la manière de transformer en présence intérieure l’absence physique de ceux qui ont été perdus, rendus à la poussière par le soleil du langage. Il nous faut donc méditer sur cette absence et donner, ce faisant, toute sa force au thème du sépulcre, c’est-à-dire du supplément de vie nécessaire au relèvement des morts, au sein d’une culture neuve qui ne doit plus jamais oublier les vaincus.
À cause de notre situation actuelle, une très grande partie de cette lutte porte, de nécessité, sur la critique de l’ordre général des significations dominantes dans nos sociétés. Car, face au désoeuvrement, il est facile de disqualifier ceux qui s’acharnent à penser de manière critique les conditions de réalisation de l’existence africaine, sous le prétexte qu’il faut en priorité nourrir les affamés et soigner les malades. L’accouchement d’une nouvelle conscience dépendra en effet de notre capacité à produire chaque fois de nouvelles significations. Il faut donc reprendre, comme tâche centrale d’une pensée toujours ouverte sur l’avenir, la question des valeurs non mesurables, de la valeur absolue celle qui ne peut jamais être réduite à l’équivalent général qu’est l’argent ou la force pure.
Car ce que, paradoxalement, nous enseignent la colonisation et ses reliques, c’est que l’humanité de l’homme n’est pas donnée. Elle se crée. Et il ne faut rien céder sur la dénonciation de la domination et de l’injustice, surtout lorsque celle-ci est désormais perpétrée par soi-même à l’ère du fratricide, c’est-à-dire cette époque où le potentat postcolonial n’a rien à proposer d’autre que l’évidence nue d’une existence dénudée. L’enjeu symbolique et politique de la présence des statues et monuments coloniaux sur les places publiques africaines ne peut donc être sous-estimé.
Que faire, finalement ? Je propose que dans chaque pays africain, l’on procède immédiatement à une collecte aussi minutieuse que possible des statues et monuments coloniaux. Qu’on les rassemble tous dans un parc unique, qui servira en même temps de musée pour les générations à venir. Ce parc-musée panafricain servira de sépulture symbolique au colonialisme sur ce continent. Une fois cet ensevelissement effectué, qu’il ne nous soit plus jamais permis d’utiliser la colonisation comme prétexte de nos malheurs dans le présent. Dans la foulée, que l’on se promette de ne plus jamais ériger de statues à qui que ce soit. Et qu’au contraire, fleurissent partout bibliothèques, théâtres, ateliers culturels tout ce qui nourrira, dès à présent, la créativité culturelle de demain.
LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS VEUT INCITER LES MAIRES À DONNER AUX RUES DES NOMS DE SOLDATS AFRICAINS
Un livret rassemblant les parcours de cent combattants de la seconde guerre mondiale issus des colonies doit être remis mercredi à un groupe de parlementaires
Le Monde Afrique |
Pierre Lepidi |
Publication 30/06/2020
« La France a une part d’Afrique en elle. Notre gratitude doit être impérissable. Je lance un appel aux maires de France pour qu’ils fassent vivre par le nom de nos rues et de nos places la mémoire des combattants africains », avait annoncé Emmanuel Macron, le 15 août 2019 à Saint-Raphaël (Var), lors des commémorations du 75e anniversaire du débarquement de Provence.
Trois jours après le second tour des élections municipales, Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’Etat auprès de la ministre des armées, doit remettre à un groupe de parlementaires, mercredi 1er juillet, un livret intitulé Aux combattants d’Afrique, la patrie reconnaissante. Cet ouvrage de 210 pages publié par le ministère des armées, que Le Monde Afrique s’est procuré, a pour but d’inciter les maires à rebaptiser des rues, des places ou des jardins publics du nom de combattants africains morts pour la France au cours de la seconde guerre mondiale.
« En mélangeant leur sang à notre terre, ils ont payé un lourd tribut au combat contre le nazisme », écrit dans la préface Mme Darrieussecq, qui remettra elle-même l’ouvrage, lors d’une cérémonie prévue à midi à l’hôtel de Brienne, aux députés de la commission défense nationale et aux sénateurs du groupe d’études anciens combattants : « Morts pour la France, morts pour notre idéal, ces combattants méritent la reconnaissance pleine et entière de la Nation. »
Publié dans le cadre d’une convention avec l’Association des maires de France, le livret rappelle que, dès août 1940, l’Afrique a envoyé des premiers contingents de soldats à la France libre du Général de Gaulle. En Afrique subsaharienne, plus de 70 000 hommes se sont engagés. Près de 400 000 autres venaient d’Algérie, de Tunisie et du Maroc. Qu’ils soient tirailleurs, goumiers, zouaves ou spahis, les Africains ont représenté plus de 80 % des effectifs qui ont débarqué en Europe. « Et pourtant, qui d’entre nous se souvient aujourd’hui de leurs noms, de leurs visages ? », s’interrogeait Emmanuel Macron à Saint-Raphaël.
Un destin souvent tragique
Les parcours militaires de 100 combattants africains morts pour la France sont retracés dans le livret. Ils ont été rédigés conjointement par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) et le Service historique de la défense (SHD). Julien Fargettas, historien et auteur de plusieurs ouvrages sur les tirailleurs, a également contribué à la rédaction de ces fiches biographiques qui permettent de montrer que derrière chaque nom, il y a un homme avec une histoire et un destin souvent tragique.
DES MAGISTRATS FONT TOUT POUR QUE LE TEXTE NE SOIT PAS PUBLIÉE
Me Malick Sall. Me Aya Boun Malick Diop, secrétaire général du Sytjust, accuse des magistrats en service au ministère d’être à l’origine des blocages dans la publication des décrets signés par Macky Sall, comme l’instauration du Fonds commun des greffes
Le Syndicat des travailleurs de la justice (Sytjust) n’est pas près d’abandonner le combat qui l’oppose au ministre de la Justice, Me Malick Sall. Me Aya Boun Malick Diop, secrétaire général du Sytjust, accuse des magistrats en service au ministère d’être à l’origine des blocages dans la publication des décrets signés par le Président Macky Sall, comme l’instauration du Fonds commun des greffes.
Quel bilan tirez-vous du mouvement de grève de votre syndicat ?
Il faut remarquer que c’est un mouvement largement suivi, presque je dirai à 99%. Il y a une petite défaillance du fait qu’il y a certaines personnes qui se disent qu’elles ne se reconnaissent plus de ce syndicat, donc à part ça c’est un mouvement très suivi. Aujourd’hui, les travailleurs de la justice dans leur majorité sont déterminés plus que jamais à défendre les fruits de leur lutte qui sont devenus maintenant des réformes actées par des décrets du président de la République qui, malheureusement, ne sont pas mises en œuvre par la Chancellerie.
En réalité, c’est le ministre de la Justice qui, depuis son accession à la tête du département de la Justice, peine à mettre en œuvre ces réformes. Parce qu’en réalité, on s’est rendu compte que la mise en œuvre de ces réformes est à la périphérie de son agenda. Mais maintenant, la lutte a pris une autre dimension parce qu’on s’est rendu compte que le ministre est dans une position de combat contre les travailleurs de la justice. Parce que depuis que nous nous sommes mis à le dénoncer, il s’est mis dans une posture de pourfendre tout ce que nous avons comme acquis.
En quoi faisant ? En dressant un argumentaire qu’il a exposé au gouvernement et au président de la République pour revenir sur l’ensemble de nos acquis. Donc, c’est conscient de tous ces enjeux que les travailleurs de la justice se sont mobilisés pour préserver leurs acquis qui, en réalité, sont les acquis même du service public de la justice, parce qu’avec des travailleurs motivés, on ne peut délivrer qu’un service public de qualité.
Avez-vous tenté de rencontrer le ministre de la justice Me Malick Sall ?
Il est là depuis 14 mois. Nous l’avons rencontré à deux reprises. Le Bureau exécutif national l’a rencontré à deux reprises. Nous l’avons sensibilisé, nous l’avons observé, nous avons pris le temps de voir qu’est-ce qu’il veut exactement. Lorsqu’on s’est rendu compte qu’il n’était pas dans les dispositions de mettre en œuvre les réformes qu’il a trouvées sur place, on a déposé un préavis de grève depuis le 6 février 2019.
On a attendu jusqu’à juin. On a débuté la grève le 15 juin. Mais avant d’aller en grève le 15 juin, on a fait des sorties dans le domaine public pour critiquer sa façon de faire à partir du 2 juin, 9 juin, 22, 24 et 28 juin. Donc, il avait tout le temps pour nous faire l’économie de cette crise.
D’où viennent les ressources du fonds commun que vous réclamez ?
Le fonds commun des greffes existe depuis 1993. Il est alimenté par les frais de délivrance des actes de justice (casier, jugement, arrêt). Maintenant, il y a de nouveaux décrets qui prennent en charge de nouvelles recettes. Ce sont ces décrets-là que le ministre de la Justice refuse de faire publier. Pour ces recettes, il y a de nouvelles niches. Par exemple les amendes et les consignations, certains droits ont été un peu augmentés.
Donc depuis que ces décrets ont été signés en 2018, le ministre refuse de les publier pour la simple raison qu’il y a des personnes qui veulent créer leur propre fonds commun, c’est le fonds commun des magistrats puisque les amendes et consignations alimentaient le fonds commun des magistrats qui a été créé en 2011. Mais lorsque le Président Macky Sall est venu, il a dit qu’un magistrat ne peut pas juger et prendre l’argent des amendes et des consignations et le mettre dans sa poche.
Donc il a éliminé le fonds commun des magistrats le 30 août 2012. C’est Abdoulaye Wade qui l’avait créé le 1er décembre 2011. Les amendes et consignations qui devaient alimenter ce fonds commun des magistrats ont été versées dans le fonds commun des greffiers en 2018. C’est ce que certains magistrats du ministère de la Justice n’arrivent pas à gober. Mieux, ils proposent maintenant au ministre de la Justice de créer le fonds commun de la justice pour que les magistrats bénéficient de ces amendes et consignations. Ce qui est inadmissible. C’est pour cela qu’ils ont bloqué la publication des décrets.
Donc ce sont des collaborateurs du ministre, notamment des magistrats, qui sont à l’origine du blocage ?
Mais il est entré dans leur jeu. Ils l’ont convaincu à prendre fait et cause pour eux. Depuis que le décret est sorti, ceux qui sont au ministère de la Justice, de connivence avec ceux qui sont au secrétariat général du gouvernement qui est chargé de la publication, il y a des magistrats là-bas, ils ont fait tout pour que le texte ne soit pas publié dans l’éventualité de créer leur fonds afin de reprendre les recettes qui nous ont été allouées.
Les justiciables souffrent de cette grève. Jusqu’où le Sytjust est prêt à aller ?
Ce n’est pas la bonne question. La bonne question c’est jusqu’où le ministre de la Justice est prêt à aller. Parce que tant qu’il s’emmure dans un silence alors que c’est lui le responsable du bon fonctionnement des Cours et tribunaux, tant qu’il refuse le dialogue, nous sommes obligés de nous battre parce qu’on ne va pas accepter de travailler pour ne pas jouir de notre travail.
Dans la justice, il y a des travailleurs pauvres, c’est nous. Notre fonds commun est moribond. Nous avons des salaires indécents, nous n’avons même pas de plan de carrière.
Tant que le ministre sera dans cette posture, nous serons obligés de défendre nos intérêts matériels et moraux. C’est vrai, c’est regrettable qu’il y avait des dommages collatéraux auprès des justiciables, mais on n’y peut rien. L’unique comptable, c’est le ministre de la Justice qui essaye de nous châtier en représailles à notre témérité de l’avoir dénoncé publiquement.
LA BELGIQUE S'EXCUSE POUR SON PASSÉ COLONIAL AU CONGO
Le roi des Belges a présenté "ses plus profonds regrets pour les blessures" infligées lors de la période coloniale à l'ex-Congo belge, une première historique dans le sillage de la vague d'émotion mondiale après la mort de George Floyd aux Etats-Unis
Faute de cérémonie à Kinshasa, capitale de l'actuelle République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), rendue impossible par la pandémie de coronavirus, le roi Philippe de Belgique a adressé une lettre au président de la RDC Félix Tshisekedi à l'occasion du 60e anniversaire de l'indépendance de son pays le 30 juin 1960.
Dans ce courrier communiqué à la presse, il évoque - sans nommer son ancêtre - l'époque de Léopold II, qui a été jugée la plus brutale par les historiens, quand le défunt roi gérait le Congo et ses richesses comme son bien privé depuis Bruxelles.
"A l'époque de l'État indépendant du Congo (de 1885 à 1908 quand Léopold II céda le territoire à l'Etat belge, ndlr) des actes de violence et de cruauté ont été commis, qui pèsent encore sur notre mémoire collective", écrit Philippe, qui règne depuis 2013.
"La période coloniale qui a suivi (jusqu'en 1960) a également causé des souffrances et des humiliations.Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé dont la douleur est aujourd4hui ravivée par les discriminations encore trop présentes dans nos sociétés", poursuit-il.
Le quotidien Le Soir a salué un "geste fort et historique" du souverain.
Après ces "regrets" viendront "peut-être des excuses" comme le réclame une part croissante de l'opinion et du monde politique, a souligné La Libre Belgique.
De son côté, la Première ministre Sophie Wilmès a souhaité un débat "sans tabou, avec sincérité et sévérité" sur cette "histoire partagée" entre Belges et Congolais.A l'occasion d'une cérémonie à Bruxelles, elle a rappelé qu'une commission parlementaire devait s'y atteler prochainement, associant experts belges et africains, une première en Belgique.
"Comme pour d'autres pays européens, l'heure est venue pour la Belgique d'entamer un parcours de recherche, de vérité, de mémoire" et de "reconnaître la souffrance de l'autre", a affirmé la dirigeante libérale francophone, en écho à la lettre du roi évoquant l'objectif d'une mémoire enfin "définitivement pacifiée".
- Statues vandalisées -
En 2000-2001, une commission d'enquête parlementaire s'était penchée sur le contexte de l'assassinat en janvier 1961 de Patrice Lumumba, éphémère Premier ministre du Congo.Elle avait conclu à la "responsabilité morale" de "certains ministres et autres acteurs" belges.
Outre le Congo, l'empire colonial belge comprenait également en Afrique le Ruanda-Urundi, territoire qui deviendra le Rwanda et le Burundi après son indépendance en 1962.
La mort de l'Afro-Américain George Floyd, asphyxié fin mai par un policier blanc à Minneapolis aux Etats-Unis, a ravivé en Belgique le débat sur les violences de la période coloniale au Congo et sur la personnalité très controversée de Léopold II qui régna de 1865 à 1909.
De nombreuses statues représentant l'ancien souverain à la longue barbe ont été vandalisées à travers le pays, souvent recouvertes de peinture rouge symbolisant le sang versé par les Congolais.
Certaines universités et municipalités ont également décidé de retirer statues ou bustes.Cela doit être le cas mardi après-midi dans un parc public à Gand.
Dans une pétition ayant recueilli plus de 80.000 signatures, le collectif "Réparons l'Histoire" a réclamé que "toutes les statues" en hommage à Léopold II soient retirées à Bruxelles, notamment la statue équestre érigée face au palais royal.
Le texte de cette pétition, un des éléments déclencheurs de la mobilisation désormais relayée par des élus belges, accuse Léopold II d'avoir "tué plus de 10 millions de Congolais", un nombre contesté par les historiens qui évaluent la "décroissance démographique" (morts, famines, maladies...) entre 1 et 5 millions.
Via des sociétés concessionnaires, Léopold II a recouru au travail forcé pour extraire notamment le caoutchouc au Congo.Des exactions - jusqu'aux mains coupées pour les travailleurs insuffisamment productifs - ont été documentées.
"On a mis en évidence les fameux +bienfaits de la civilisation+ apportés par les Belges, mais entre les routes, les hôpitaux, les écoles, on sait que tout ce qui a été construit visait essentiellement à servir ce système d'extraction et de production de richesses pour les colons", a fait valoir à l'AFP Romain Landmeters, chercheur à l'université Saint-Louis à Bruxelles.
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FLOU AUTOUR DES ÉVÉNEMENTS DE BISSINE
EXCLUSIF SENEPLUS - Qui a autorisé les populations à regagner leur village en plein hivernage ? Qui a assuré le transport dans des camions ? Les conditions de sécurité étaient-elles réunies ? L'Etat est vivement interpellé - ENTRETIEN AVEC COUMBA NDIAYE
Mondeafrik.com et SenePlus |
Publication 30/06/2020
Le 15 juin dernier à Bissine, un véhicule de l’armée a sauté sur une mine, faisant deux morts et des blessés graves, au moment du convoyage des populations dans leur village abandonné à cause de la crise casamançaise. Coumba Ndiaye Kane, ancienne député n’a pas caché son étonnement de voir des populations munies de coupe-coupes et de haches, transportées dans des camions, pour, dit-on, construire des huttes en pleine saison des pluies.
Selon elle, cette affaire est très sérieuse pour être rangée dans les tiroirs de faits divers. Et d’adresser ces questions au gouvernement, à l’Anrac et à l’Armée : qui a autorisé les populations à regagner leur village en plein hivernage ? Qui a assuré le transport dans des camions ? Les conditions de sécurité étaient-elles réunies ? Quelle est la part de responsabilité de l’Agence nationale pour la Relance des Activités économiques et sociales en Casamance (ANRAC) dans ce qui s’est passé à Bissine Albondy, quand on sait qu’elle a pour mission, entre autres, d’assurer la coordination des activités de reconstruction en Casamance ; de démobiliser et réinsérer les combattants et leurs familles et de piloter la dépollution des zones infestées (mines) ?
Au-delà de l’accident de Bissine Albondy, Coumba Ndiaye Kane exige des réponses sur le regain de tension en Casamance, après des années d’accalmie.
Il nous plait de vous féliciter sur les nombreuses mesures sanitaires prises dans le cadre de la politique de sensibilisation et de lutte contre le Coronavirus et surtout de votre leadership en Afrique avec les initiatives prises pour l’annulation de la dette africaine surtout en cette période de pandémie. Il nous plait aussi, Monsieur le Président de la République, de vous tenir informé de la situation à laquelle vivent depuis plusieurs mois les Sénégalais vivant au Maroc.
En effet, depuis la fermeture des frontières, des milliers de nos compatriotes sénégalais sont bloqués au Royaume du Maroc. Parmi ces nombreux Sénégalais, figurent de jeunes filles et garçons, regroupés au sein d’une structure de Petites et Moyennes Entreprises (PME) avec le GIE, dénommé GIE GP GLOBAL EXPRESS qui exercent dans le GP dans plusieurs destinations.
Ces derniers sont aujourd’hui dans l’expectative, car tous avaient acheté un billet pour rentrer au pays. Malheureusement ils n'ont pas pu embarquer. Ils se trouvent actuellement dans une situation de précarité et souhaitent rentrer au Sénégal.
Excellence Monsieur le Président,
Ces GP détiennent des colis qu’ils devaient expédier au Sénégal et se trouvent dans l’impossibilité de les acheminer depuis le début du confinement au Maroc.
Aujourd’hui aucun parmi ces Sénégalais ne peut plus se prendre en charge. Ils n’ont même plus de quoi payer, les frais d’hôtel, l’hébergement et pour la restauration, ils arrivent difficilement à y faire face.
Excellence, Monsieur le Président,
Compte tenu des nombreuses dépenses qu’ils ne peuvent supporter, vous connaissant soucieux et conscient du développement économique et social, nous avons pensé faire appel à votre générosité dans le cadre d’un soutien et nous sommes sûrs que votre geste ne nous fera pas défaut et contribuera à la réussite non seulement d’un élan de solidarité mais aussi à sortir ces Sénégalais des difficultés dont ils font face.
Espérant pouvoir mériter de votre soutien et à bénéficier de votre précieux concours, nous prions d’agréer, Excellence Monsieur le Président de la République, à l’assurance notre très haute considération.
LA PRESIDENTE
Ndeye Arame NGOM
Pape NDIAYE
MACKY ENFONCE UNE PORTE SANITAIRE DEJA OUVERTE
Avec la levée complète de l’état d’urgence, il n’est pas interdit d’avancer que la population risque de sauter sur mine pandémique dont les éclats feront sans doute des ravages communautaires
Hier, le président de la République Macky Sall a prononcé un énième discours… viral. Cette fois-ci, il a décrété la fin de l’état d’urgence déclaré au Sénégal depuis le 23 mars 2020 pour mieux lutter contre la pandémie du Covid-19.
Dans la foulée, il a levé définitivement le couvre-feu sur toute l’étendue du territoire à partir d’aujourd’hui, 23 heures. Entérinant une situation de fait. Car, le président de la République a enfoncé une porte de déconfinement total déjà ouverte. Ce, depuis les dernières manifestations contre ce couvre-feu à Dakar, Mbour, Mbacké, Touba, Thiès etc. Des manifestations qui avaient complètement fragilisé l’état d’urgence.
Sous la pression sociale, le président de la République avait dû écourter la durée du couvre-feu nocturne de 23h à 5 h du matin. Un couvre-feu qui avait déjà été ramené de 21h à 5h du matin après avoir été fixé à ses débuts à 20h pour se terminer à six heures du matin ! Pour en revenir au dernier format de ce couvre-feu que « Le Témoin » quotidien avait qualifié de « couvre-sommeil », les populations continuaient de repousser les « 23 h » au-delà par des violations flagrantes en cette période de chaleur.
Dans presque tous les quartiers de Dakar et sa banlieue comme Niary-Tally, Pikine, Thiaroye-gare, Parcelles Assainies, Guédiawaye, Rufisque, Hann-village, Ouakam, Colobane etc., les gens déambulaient dans les rues jusqu’au petit matin. Mieux, ils ne respectent plus les gestes barrières encore moins la distanciation sociale.
Dans les mosquées par exemple ! Pour preuve, lors des dernières prières collectives du vendredi, les fidèles n’ont pratiquement plus respecté la distanciation physique édictée par les autorités. Dans les transports en commun comme les Ndiaga-Ndiaye et cars rapides, les bonnes vieilles habitudes d’entassement ont repris. Sur les plages comme dans les lieux publics, les rares porteurs de masques les laissent pendre négligemment sur le menton c’est-à-dire au-dessous du nez et de la bouche qu’ils sont censés protéger. Le constat, le triste constat, hélas, c’est que les populations de Dakar et d’ailleurs n’ont pas attendu la levée de l’état d’urgence sanitaire pour reprendre leur vie normale en toute insécurité sanitaire.
A ce rythme, les mesures édictées n’avaient plus leur raison d’être. Pis, certains boulangeries, pâtisseries, fast-food et restaurants commençaient déjà à fonctionner jusqu’au petit matin c’est-à-dire au-delà de 23 heures.
Avec la levée complète de l’état d’urgence, il n’est pas interdit d’avancer que la population risque de sauter sur mine pandémique dont les éclats feront sans doute des ravages communautaires. A preuve, dès la fin du discours du président Macky Sall d’hier, les téléspectateurs et auditeurs n’ont retenu que la « fin du couvre-feu » qui sonne comme une délivrance. En effet, vous conviendrez avec nous ô combien nos compatriotes étaient pressés de se défaire de l’emprise de ce couvre-feu nocturne.
La propagation du virus, les gestes barrières, les masques, la contamination autour du thé nocturne etc., ils n’en ont cure ! Pour dire que personne ne croit plus vraiment à cette lutte contre le coronavirus et son cortège de morts. Quotidiennes.
Déjà 108 morts de covid 19 et des milliers de contaminés, la peur virale reste et demeure ! Mais la crainte de mourir de faim et de rater les vacances 2020 à cause du couvre-feu pourrait se dissiper. Sans compter la nécessité de préparer la Tabaski qui passe par l’obtention d’un bon mouton. Et pour les Sénégalais, c’est cela l’essentiel !
L’APPROCHE COMMUNAUTAIRE CONSIDÉRÉE COMME LA MEILLEURE ARME CONTRE LE CORONAVIRUS
L’approche communautaire est la voie la plus indiquée pour vaincre la maladie à coronavirus, a estimé lundi soir le président du conseil d’administration de ‘’Fel Yook’’
Mbour, 30 juin (APS) – L’approche communautaire est la voie la plus indiquée pour vaincre la maladie à coronavirus, a estimé lundi soir le président du conseil d’administration de ‘’Fel Yook’’, une fédération d’associations de développement communautaire de Mbour (ouest), partenaire de l’ONG ChildFund.
‘’Si nous voulons vaincre cette maladie, il faut changer de paradigme en adoptant une approche communautaire. Miser sur une stratégie basée sur l’approche communautaire est, à mon avis, la bonne stratégie de proximité pour combattre cette maladie’’, a dit Alpha Faye en livrant aux journalistes le bilan d’étape du plan stratégique de riposte contre la Covid-19 de la fédération ‘’Fel Yook’’, lors d’un point de presse.
Selon M. Faye, cette structure a contribué ‘’considérablement’’ à la résilience des ménages vulnérables de sept collectivités territoriales du département de Mbour. Pour y arriver, elle s’est appuyée sur ses 11 associations membres, avec un budget de 89 millions de francs CFA.
Les communes de Thiadiaye, Fissel-Mbadaane, Ndiaganiao, Sessène, Sandiara, Nguéniène et Mbour sont les bénéficiaires des actions menées par ‘’Fel Yook’’, a précisé, lors du point de presse, Diarga Ndour, chargé de programme de ChildFund, dans le département de Mbour.
‘’Nous intervenons, pour la plupart, en zones rurales où, avec cette épidémie, nous avons noté un ralentissement de l’activité économique. Nous avons estimé devoir ravitailler les ménages vulnérables en denrées alimentaires, pour qu’ils puissent faire face à ce choc-là, en augmentant leur capacité de résilience’’, a expliqué Alpha Faye.
Selon M. Faye, le plan de riposte à la Covid-19 a permis de sensibiliser les ménages, par des visites à domicile, sur la gravité de la maladie et les mesures préventives à prendre.
‘’Nous avons aussi remis aux ménages des kits d’hygiène, notamment des bouilloires, du savon, de masques, de l’eau de Javel. Nous avons aussi aidé les ménages (…) en leur offrant du riz, de l’huile et du sucre’’, a poursuivi Alpha Faye.
Intervenant dans une zone à vocation agricole, ‘’Fel Yook’’ et ChildFund ont jugé nécessaire d’aider les ménages en leur offrant des semences céréalières et légumineuses, selon M. Faye.