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30 avril 2025
Politique
L’IDÉE DU TIRAGE AU SORT VIENT DE MOI
Ndiaga Sylla décortique les dossiers électoraux brûlants. L'expert est revenu sur le parrainage, le tirage au sort, l'éligibilité de Karim Wade et Khalifa Sall mais aussi sur le recours contre la Cena à quelques mois de l'élection présidentielle
Bés Bi le Jour |
Cheikh Moussa SARR & Pape Doudou DIALLO (Photo) |
Publication 02/01/2024
Ndiaga Sylla était l’invité du dernier Jury du dimanche de l’année. L’expert électoral a décortiqué le parrainage et le tirage au sort dont il dit que l’idée vient lui. Il s’attendait aussi à ce que le Conseil constitutionnel se penche dès samedi sur la complétude du dossier de Sonko. S’il estime que Karim Wade et Khalifa Sall peuvent être tranquilles pour leur éligibilité sur les amendes qui leur sont infligées, il plaint cependant le fils de Abdoulaye Wade quant à sa nationalité qui pourrait le bloquer.
Il ferme le Jdd de l’année 2023. Ndiaga Sylla était l’invité de Aïssata Ndiathie ce dimanche sur iRadio et iTv pour décortiquer la matière électorale qu’il connaît du bout des doigts. Et cela dans un contexte où le contrôle des parrainages a démarré au Conseil constitutionnel. L’expert électoral est revenu sur le tirage au sort. «Je sais que le tirage au sort, l’idée vient de moi, en toute modestie. Parce que nous avons vécu en 2019, au premier jour, avec justement la généralisation des parrainages, toute une cacophonie. Vous vous rappelez à l’époque la bagarre qu’il y a eu (entre Mimi Touré et Malick Gakou) ? A l’époque, l’ordre du contrôle dépendait de l’ordre du dépôt. Donc, tout le monde se précipitait pour déposer en premier lieu. Or, nous savons par expérience qu’en général, s’il n’y avait pas cette contrainte, les candidats déposaient leur liste, justement, au dernier moment. Comme c’est le cas cette fois-ci. Donc, si on doit instaurer un tirage au sort, il ne devrait pas porter sur l’ordre du dépôt des candidats, mais plutôt sur l’enjeu fondamental : l’ordre du contrôle. Et c’est exactement ce que le Conseil a rétabli», a-t-il expliqué. Il estime, qu’a priori, le tirage au sort, «bien qu’il soit aléatoire, est quand même équitable parce que les chances sont égales. Et au moins, ça a le mérite d’éviter la cacophonie». Cependant, Ndiaga Sylla prône des «réformes majeures» en repensant le système de parrainage et rationalisant les candidats. Il indique qu’avec ce système, on peut espérer une vingtaine ou trentaine de candidatures au maximum.
«Le Conseil devait nous dire si le dossier de Sonko est complet»
L’expert électoral estime que le parrainage doit être amélioré. Il a rappelé que la Cour de justice de Cedeao avait ordonné à l’État du Sénégal d’abandonner ce système. Sur le refus de la Direction générale des élections de remettre la fiche de parrainage au mandataire du leader de l’ex-Pastef, il dit : «C’est pourquoi d’ailleurs j’ai longtemps considéré que l’administration électorale sénégalaise n’est pas chargée de recevoir ou de valider des candidats, n’avait pas à faire entrave justement à cette liberté de candidature. Ce n’est pas normal parce que nous sommes dans le cadre d’une élection présidentielle.» L’expert rappelle que les compétences en matière électorale sont attribuées au ministre de l’Intérieur, mais qu’il exerce à travers ses services centraux. «Alors, c’est pourquoi je m’attendais à ce que le Conseil constitutionnel, par rapport à la nouvelle procédure qui découle justement de sa décision, consistant à apprécier la complétude du dossier de candidature, nous dise si effectivement le dossier de Ousmane Sonko est complet ou non», a-t-il dit.
«L’amende ne peut empêcher Khalifa et Karim d’être candidats»
Le débat sur l’inéligibilité ou non de Karim Wade et Khalifa Sall se prolonge en dépit de la modification du Code électoral issu du dernier dialogue. S’il salue cette réintégration, Ndiaga Sylla se livre à une démonstration. L’amende non payée de Karim Wade fait débat et fait douter. «D’abord interrogeons le décret qui a gracié Khalifa Sall. Il est clairement dit qu’il est gracié à la fois de ses peines d’emprisonnement et de ses peines d’amende. Et le code électoral modifié en son article 28 dit que quelqu’un qui bénéficie d’une grâce présidentielle doit rester la période prévue pour la condamnation initiale. Par exemple, pour Khalifa Sall c’était 5 ans. Pour la peine d’amende, c’est le même code électoral modifié qui dit que si quelqu’un a été condamné à une peine d’amende pour retrouver son droit de vote doit rester une période de 3 ans pour être éligible. Donc, si on considère ces dispositions, Khalifa Sall devient éligible», a-t-il conclu. Sur le cas du fils de l’ancien président condamné à 6 ans de prison et à une amende de 13 milliards FCFA par la Crei, il explique : «Le décret de grâce de Karim Wade dit que M. Karim Wade est exempté de la peine d’emprisonnement mais pas du paiement de l’amende. Sauf que maintenant, on ne peut pas appliquer l’article L28 qui prévoit une période de 3 ans, mais plutôt l’article L30 qui règle le cas Karim. Cet article dit que ne peuvent être inscrites sur les listes électorales, à partir de la condamnation définitive, les personnes condamnées pour un certain nombre de délits pour une durée moindre. Cette disposition finit par dire toute personne condamnée à une peine d’amende supérieure à 200 000 francs. Or, Karim Wade est dans cette situation puisque c’est à coup de milliards. La condamnation définitive de Karim Wade est intervenue en 2015 alors qu’on est en 2023.» Ndiaga Sylla relève une différence entre l’amende en tant que peine prononcée par le juge et l’amende retenue par le code des impôts. Il en déduit qu’«aujourd’hui, juridiquement, l’amende infligée à Khalifa Sall et Karim Wade ne peut pas les empêcher d’être candidats».
«Si Karim devrait être bloqué, ce serait sur sa nationalité»
Par contre, entrevoit Ndiaga Sylla, si Karim Wade devrait être bloqué, ce serait sur la question de la nationalité. «Je pense qu’il en est assez conscient parce que c’est une disposition constitutionnelle qui date du Code électoral de 1992 qui dit que pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut être exclusivement de nationalité sénégalaise. Et d’ailleurs, c’est tout à fait raisonnable parce qu’il faut quand même protéger la souveraineté de notre pays. Maintenant lui (Karim) étant de nationalité française, il doit y renoncer. Le président Wade (son père) avait dit d’ailleurs, pertinemment, qu’il fallait faire la différence entre bi-nationalité et double nationalité», a dit l’expert électoral.
«Le recours contre la Cena ne peut pas reporter les élections»
Il est l’initiateur du recours contre le décret de nomination des nouveaux membres de la Commission électorale nationale autonome (Cena). Ndiaga Sylla analyse les effets de la décision éventuelle de la Cour suprême qui statue sur ce référé ce 3 janvier. «Ma conviction est que ce recours ne peut pas empêcher la tenue des élections. La première conséquence de l’annulation du décret, c’est que l’ancienne équipe doit rester en place. Encore que le rôle de la Cena sera plus déterminant à l’approche des élections. Ou alors, le président de la République doit tenir compte des griefs que nous avions soulevés, à savoir le renouvellement au tiers qui n’a pas été respecté», a-t-il conclu.
MACKY EXHIBE SES «TROPHEES», POUR SES ADIEUX
Dans son message à la nation avant-hier, dimanche 31 décembre 2023, il a dressé le bilan de ses réalisations, durant ses 12 années de président de République, en matière d’infrastructures, d’emploi notamment des jeunes, d’accès à l’eau
Après le président-poète, Léopold Sédar Senghor relevant dans son discours à la nation, le 31 décembre 1980, avoir refusé le dépôt d’une proposition de loi tendant à faire de lui un «Président à Vie» car «Nguur kenn du ko ñedd», Macky Sall aura été le deuxième chef d’Etat à réussir à faire ses adieux aux Sénégalais qui lui ont fait confiance en 2012, avant de lui renouveler ce bail en 2019. Dans son message à la nation avant-hier, dimanche 31 décembre 2023, il a dressé le bilan de ses réalisations, durant ses 12 années de président de République, en matière d’infrastructures, d’emploi notamment des jeunes, d’accès à l’eau… Aussi a-t-il salué la situation d’accalmie en Casamance et le dépôt des armes par des groupes armés qui ont désormais leur place dans la nation.
«Depuis 2012, je sacrifie devant vous au rituel du message à la nation pour vous présenter mes vœux à l’occasion du nouvel an. Ce soir, je vous ferai en même temps mes adieux, puisque c’est le dernier message solennel de fin d’année que je vous adresse». C’est le président Macky Sall qui fait ainsi ses adieux au peuple sénégalais. Mais avant de quitter officiellement la Présidence de la République, le 02 avril 2024, pour céder ses logements et bureau du Palais de l’avenue Roume, le président Sall a dressé le bilan de ses 12 ans à la magistrature suprême qui lui ont permis de placer, selon lui, le Sénégal sur les rails de l’émergence. «Nous sommes sur le chemin de l’émergence avec la densification de nos infrastructures routières et autoroutières, et la modernisation de notre système de transport urbain et interurbain», a-t-il déclaré lors de son message à la nation, le dernier de son magistère, avant-hier dimanche .
Il en veut pour preuve, entre autres, la comparaison des réalisations avant 2012 et celle d’après. «En 2012, notre linéaire routier était de 1500 km contre 2900 en 2023. De 32 km d’autoroutes, nous en sommes à 189, et bientôt 500 Km, à la fin des chantiers Mbour-Fatick-Kaolack, et Dakar-Tivaouane-Saint-Louis. La 2e phase du TER, Diamniadio-Aéroport international Blaise Diagne s’achève dans quelques mois, et une commande de 7 nouveaux trains s’ajoutera aux 15 actuels. Le BRT sera inauguré ce 14 janvier, avec une flotte de 121 bus électriques, alimentés par voie solaire, et climatisés, avec Wifi à bord. A terme, le personnel du BRT sera composé d’au moins 35% de femmes, dont des conductrices. Dakar Dem Dikk a fait peau neuve, avec 370 bus de dernière génération».
LANCEMENT ANNONCE PROCHAINEMENT DU PREMIER SATELLITE DU SENEGAL
Ne s’en limitant pas là, il annonce que «Le Sénégal émergent, c’est le lancement prochain du premier satellite de notre pays, conçu et réalisé par nos propres ingénieurs ; ce sont nos aéroports régionaux réhabilités, au Cap Skirring, à Kaolack, Kédougou, Sédhiou, Tambacounda, Saint-Louis, en attendant la livraison en 2024 des chantiers de Kolda, Linguère, Ourossogui-Matam et Ziguinchor. Le Sénégal émergent, ce sont nos parcs industriels et nos zones économiques spéciales ; nos nouvelles infrastructures sportives : le Dakar Arena, l’Arène nationale de lutte, le Stade Président Abdoulaye Wade et les chantiers des Jeux Olympiques de la Jeunesse de 2026».
EAU POTABLE : «L’ACCES UNIVERSEL EST DESORMAIS A NOTRE PORTEE»
Revenant la distribution de l’eau potable, il relève que l’accès universel est désormais à la portée du Sénégal, vu les avancées notées dans ce secteur. «Dans le secteur vital de l’eau, nous avons multiplié les forages en milieu rural avec la première phase du PUDC, et construit une 3e usine à Keur Momar Sarr. Notre taux d’accès à l’eau potable est passé à 98% en milieu urbain et périurbain et à 96% en milieu rural. L’accès universel est désormais à notre portée, avec deux projets de dessalement d’eau de mer : un en construction aux Mamelles de Ouakam, et un autre en cours de montage technique et financier, plus la 2e phase des forages du PUDC qui va démarrer en début 2024».
«JE PENSE AU SENEGAL QUI SE REVEILLE TOT, TRAVAILLE DUR ET SE COUCHE TARD»
Selon Macky Sall, dans notre quête du mieux-être, il a «constamment à l’esprit le souci d’équité territoriale et de justice sociale, pour que personne ne soit laissé derrière. Tous nos terroirs sont d’égale dignité ; et chacun de nous mérite une vie décente. C’est cela le Sénégal de tous, le Sénégal pour tous. Je pense au Sénégal qui se réveille tôt, travaille dur et se couche tard. Je pense au Sénégal des mains laborieuses, qui vit à la sueur de son front. Je pense au Sénégal des petits revenus et des familles démunies».
Voilà pourquoi, affirme-t-il, «j’ai mis en place des instruments d’équité territoriale et d’inclusion sociale comme le Programme d’urgence de développement communautaire, le Programme de modernisation des axes et territoires frontaliers, le Programme de modernisation des villes, le Programme XËYU NDAW ÑI, la Délégation à l’entreprenariat rapide des femmes et des jeunes, le 3 FPT, les Domaines agricoles communautaires, la Couverture sanitaire universelle et les Bourses de sécurité familiale, dont l’allocation est passée de 25 000 à 35 000 FCFA. Je suis heureux d’annoncer que j’ai renouvelé pour trois ans le Programme XËYU NDAW ÑI, portant sur 82 000 emplois jeunes pour un montant de 450 milliards de FCFA».
TAUX DE COUVERTURE MALADIE PORTE DE 20% EN 2013 A 53,2% EN 2023 ET PLUS DE 600 MILLIARDS DE FCFA A L’ENERGIE
A l’en croire, «Grâce à ces tous ces instruments actifs sur l’étendue du territoire national, nous avons amélioré le cadre de vie de nos villes, construit et réhabilité des lieux de cultes, créé des emplois et autres activités génératrices de revenus. Nous avons financé des milliers de jeunes et femmes porteurs de projets, dont 250 000 attributaires de prêts de la DER/FJ. Et nous avons permis à des millions de bénéficiaires d’accéder à des services sociaux de base, y compris la couverture maladie, dont le taux est passé de 20% en 2013 à 53,2% en 2023». Macky Sall rappelle que «de Thiéyène à Bagaya, de Fissel à Saré Liou, de Diallocounda à Waalidiala, entre autres centaines de localités, nous avons désenclavé des pans entiers du territoire national, apporté de l’eau et de l’électricité, équipé des structures de santé, et octroyé des matériels pour l’allègement des travaux des femmes». «En même temps, l’Etat continue de soutenir les ménages et les travailleurs. En plus de la hausse générale des salaires dans la fonction publique, nous soutenons les prix des denrées de première nécessité, du transport, de l’eau et de l’énergie, dont la subvention, à elle seule, s’élève cette année à plus de 600 milliards de FCFA».
MIGRATION IRREGULIERE : «L’AVENIR DE NOTRE JEUNESSE, C’EST ICI»
Macky Sall reste convaincu que «L’avenir de notre jeunesse, c’est ici, chez nous qu’il se réalise, pas dans les mirages tragiques des réseaux de l’émigration clandestine qui arnaquent nos jeunes et leurs familles».
PAIX ET SECURITE AU SENEGAL ET EN CASAMANCE ET MONTEE DES PERILS ET CONFLITS VIOLENTS
La paix et la sécurité au Sénégal et particulièrement en Casamance n’a pas été occulté dans ce discours d’adieux. «Ce soir, mes chers compatriotes, je voudrais aussi vous dire, de façon insistante et solennelle, combien il importe de préserver la paix, la sécurité et la stabilité de notre pays. La paix revient en Casamance, comme l’illustre la cérémonie d’incinération des armes le 23 décembre à Mamatoro
A la faveur de l’accalmie générale et des efforts de reconstruction en cours, tous ceux qui acceptent de déposer les armes ont leur place au sein de la nation. C’est l’occasion pour moi de saluer et remercier nos Forces de défense et de sécurité, toutes composantes confondues, pour leur engagement professionnel et patriotique». Et de poursuivre : «Avec la montée des périls, nous avons considérablement renforcé leurs effectifs et moyens opérationnels, en plus de l’amélioration de la condition du soldat, y compris les pensions des blessés et mutilés de guerre. Dans un monde de conflits et de violence sous toutes ses formes, les temps sont troubles et incertains. Nous devons sans cesse nous convaincre que rien n’est définitivement acquis. Tout peut basculer quand la paix est rompue, quand l’extrémisme, le populisme et la manipulation s’emparent des esprits, banalisent la violence, et imposent le faux à la place du vrai».
CREATION DE NOUVEAUX VILLAGES ARTISANAUX ET LANCEMENT PROCHAIN DU CHANTIER DU MEMORIAL DE GOREE
Sur le plan culturel, le président Sall note qu’«Avec le Fonds de Développement des Cultures Urbaines et des Industries créatives, et le Fonds de Promotion de l’Industrie Cinématographique et Audiovisuelle, nous soutenons nos artistes, hommes et femmes de culture. En outre, je lancerai prochainement le chantier du Mémorial de Gorée». Pour ce qui est de l’artisanat, le chef de l’Etat informe qu’«en faveur de nos artisans, nous avons créé de nouveaux villages artisanaux à Bambey, Fatick, Kaffrine, Kébémer, Linguère et Tivaouane ; les chantiers de Kédougou, Matam et Vélingara étant en cours de finition. S’y ajoute la Zone d’activités des mécaniciens et professionnels de l’automobile, avec 488 ateliers établis sur 60 hectares. Nos mécaniciens et autres professionnels de l’automobile y trouvent un cadre de travail moderne et organisé, générant plus de 5000 emplois, qui pourrait être dupliqué dans les autres régions».
SEULS TROIS CANDIDATS ONT VALIDE LEURS PARRAINAGES
A peine lancé, le deuxième filtre des candidats à l’élection présidentielle du 25 février prochain a déjà commencé à faire ses effets
La commission de contrôle des parrainages mise sur pied au Conseil Constitutionnel a livré le bilan de sa première journée de travail le samedi 30 décembre 2023 dernier. Sur une liste de 20 dossiers de parrainages examinés ce jour-là, seuls ceux de trois candidats à la candidature à l’élection présidentielle du 25 février prochain ont été validés, deux autorisés à corriger des manquements observés dans les parrains et les 16 restants jugés irrecevables.
A peine lancé, le deuxième filtre des candidats à l’élection présidentielle du 25 février prochain a déjà commencé à faire ses effets. En effet, la commission de contrôle des parrainages installée au Conseil Constitutionnel qui a livré le bilan de sa première journée de travail le samedi 30 décembre 2023 dernier, a annoncé l’élimination de plusieurs dossiers de candidatures. Sur une liste de 20 dossiers de parrainages examinés ce jour, seuls ceux de trois candidats à la candidature à cette présidentielle du 25 février prochain ont été jugés conformes à la loi électorale, donc validés pour la prochaine étape du processus. Ces candidats qui ont validé ce deuxième filtre après le dépôt de la caution sont entre autres, Boubacar Camara, Cheikh Tidiane Dièye et Déthié Fall. Outre ces heureux élus, la Commission de contrôle des parrainages a également informé que deux candidats déclarés à savoir, El Hadji Moustapha Diouf et Rose Wardini ont été autorisés à corriger des manquements observés dans les parrains présentés dans leur dossier de candidature dans un délai de quarante-huit heures. Le mandataire du candidat déclaré à cette présidentielle de 2024, Ousmane Sonko, qui était sorti 4e dans l’ordre de passage après le tirage au sort ne s’est pas présenté.
Pour les 16 autres candidats restants, la commission de contrôle des parrainages qui a travaillé de 9 heures 30 minutes à 21 heures 30 minutes a jugé irrecevables leurs dossiers de parrainages. Il s’agit entre autres de Cheikh Hadjibou Soumaré, Amadou Aly Kane, Papa Eugène Barbier, Abdoulaye Sylla, Cheikh Tidiane Gadio, Mohamed Ben Omar Diop, Mohamed El Habib Tounkara, Mary Teuw Niane, Assome Aminata Diatta, Papa Macodou Diouf et Samba Ndiaye. Mamadou Sambou Yatassaye et Malick Guèye ont été éliminés de la course à cause des problèmes d’exploitation de leurs fichiers électroniques de parrainage présentés sous un format différent de celui fourni par le ministère de l’Intérieur.
Pour rappel, cette commission de contrôle des parrainages est composée par des membres du Conseil constitutionnel, du chef du greffe, du personnel administratif et technique en service au Conseil constitutionnel, de représentants de la Commission électorale nationale autonome (CENA), et de personnalités indépendantes ayant des compétences électorales. Toujours dans leur bilan de travail rendu public, les responsables de la commission de contrôle des parrainages ont également précisé que sur les 20 candidats déclarés à la prochaine présidentielle convoqués lors de cette première journée de travail, seuls 19 dont un candidat, en l’occurrence Ousmane Kane de l’Union sacrée Sopi Sénégal et 18 représentants de candidats accompagnés de leur informaticien se sont présentés.
LA COMMISSION DE CONTRÔLE DES PARRAINAGES REPREND SES TRAVAUX, CE MARDI
Ce mardi, la commission va contrôler les parrainages des candidats Alioune Sarr, Ibrahima Hamidou Dème, Daouda Ndiaye, Cheikh Mamadou Abiboulave, Dièye, Oumar Sylla, Cheikh Abdou Mbacké, Talla Sylla, Jean Baptiste Diouf, Idrissa Seck, Charles Emile Abdou Ciss, Khadim Diop, Aliou Mamadou Dia, Birima Mangara, Amdy Diallo Fall, Ndiack Lakh, Serigne Mboup, Papa Djribril Fall et Ibrahima Datt. Le travail de contrôle des signatures a démarré, samedi. Trois candidats à la candidature, Boubacar Camara, Cheikh Tidiane Dièye et Déthié Fall, ont collecté des parrains jugés conformes à la loi électorale.
VIDEO
JEAN-BAPTISTE DIOUF RECADRE AMADOU BA ET LES VERTS
Selon le responsable socialiste de la cinquième coordination de Grand-Dakar, l’investiture du Premier ministre comme candidat du Ps est une décision unilatérale de la direction du parti qui a fait fi des aspirations de la base. Invité du jour de l’émission Objection de la radio Sudfm le dimanche 31 décembre 2023 dernier, Jean-Baptiste Diouf, candidat dissident du Parti socialiste, a annoncé que la priorité de son régime sera le social pour aider les Sénégalais à faire face aux difficultés de la vie et booster le développement.
L e maire de Grand-Dakar et responsable de la cinquième coordination de Grand-Dakar apporte la réplique au Premier ministre, Amadou Ba, candidat de la coalition Benno Bokk Yakaar qui avait déclaré le samedi 17 décembre dernier, lors de la cérémonie de son investiture par la direction du Parti socialiste que « Je suis le seul et l’unique candidat du Parti socialiste ».
Invité du jour de l’émission Objection de la radio Sudfm le dimanche 31 décembre 2023, Jean-Baptiste Diouf, candidat dissident du Parti socialiste a révélé que l’investiture du Premier ministre comme candidat du Ps est une décision unilatérale de la direction du parti qui a fait fi des aspirations de la base. « La direction du parti aurait dû saisir l’ensemble des 138 coordinations et faire des assemblées générales pour que les uns et les autres donnent leurs avis. Ces avis remontés au niveau du bureau politique seront examinés et le secrétariat exécutif prendra une décision en respectant les aspirations de la base. Mais on a enlevé aux militants leur droit. Ce n’est pas raisonnable.
C’est ça qui a amené toute cette situation », a martelé le responsable de la cinquième coordination de Grand-Dakar qui précise dans la foulée. « Ma candidature qui a été déclarée bien avant celle de Amadou Ba, est l’aboutissement d’un cheminement cohérent. J’ai toujours défendu, lors des réunions du secrétariat exécutif et du séminaire que le parti a organisé au mois de février, l’idée selon laquelle il faut que le parti se présente à la présidentielle avec un candidat du PS ».
Par ailleurs, s’exprimant sur le programme de gouvernance qu’il entend mettre en œuvre s’il est élu au soir du 25 février prochain, Jean Baptiste Diouf qui doit passer aujourd’hui devant la commission de vérification et de validation des parrainages mise en place par le Conseil constitutionnel, a annoncé que la priorité de son régime sera le social pour aider les Sénégalais à faire face aux difficultés de la vie et booster le développement.
Poursuivant son argumentaire, il a précisé que la santé et l’éducation seront au cœur des priorités de cette nouvelle politique de gouvernance sociale avec le renforcement de la formation du personnel et la modernisation des équipements. Toujours au sujet des actions qu’il entend mettre en œuvre, Jean Baptiste Diouf s’est également engagé à réduire drastiquement la taille de son gouvernement avec seulement une vingtaine de ministères qui seront soutenus par des Directions fortes dont les dirigeants seront désignés à la suite d’un processus d’appel à candidature.
par Michel Ben Arrous et Liora Bigon, avec Mame Thierno Cissé
LE SOLDAT SÉNÉGALAIS DE NATHAN ALTERMAN, UN TIRAILLEUR AU LEVANT
EXCLUSIF SENEPLUS - La crise de mai 1945 en Syrie impliquant 2 bataillons de tirailleurs sénégalais manipulés par la France en débâcle, a longtemps été occultée. L'un des rares témoignages en est un poème hébreu traduit ici en français et wolof
Michel Ben Arrous et Liora Bigon, avec Mame Thierno Cissé |
Publication 02/01/2024
La crise de mai 1945 en Syrie, à laquelle participèrent deux bataillons de tirailleurs sénégalais, a très tôt été recouverte d'un voile d'amnésie. L'une des rares traces de cette crise de décolonisation et de ses acteurs sénégalais, manipulés par l'empire français en pleine débâcle, est un poème en hébreu, contemporain des évènements. Nous en présentons, pour la première fois, une traduction en français ainsi qu'en wolof.
Le 9 mai 1945, un bataillon de tirailleurs sénégalais débarque du croiseur Montcalm à Beyrouth. Le 17, un second bataillon débarque du Jeanne d'Arc. Les tirailleurs sont aussitôt acheminés en Syrie, dont la marche vers l'indépendance était ponctuée de violentes manifestations antifrançaises. Le 29 mai, le commandement français donne l'ordre aux tirailleurs, appuyés par des bombardements intensifs, de prendre Damas d'assaut. S'ensuivent trois jours de combats de rue, de saccage et de pillages. La dernière nuit avant le cessez-le-feu, celle du 31, est "une nuit de dagues et de couteaux". C'est aussi la dernière nuit du tirailleur anonyme, mort "dans l'éther des médications", auquel le poète israélien Nathan Alterman consacre, quelques jours plus tard, un poème sobrement titré "A propos d'un soldat sénégalais". En voici nos traductions, en français et en wolof:
A propos d'un soldat sénégalais
Qu’on enrôla pour la Guerre mondiale et qu’on envoya après la victoire dans la tourmente des émeutes et des rivalités franco-britanniques au Levant
Jëm ci ab soldaar, doomu Sénégal
Bu ñu dugaloon ca Xeex bu mag ba dajoon Adduna te, gannaaw ndam la, ñu dellu ko dugal ca coowu xeexi mbedd yaak kujje ga doxoon ca diggante tubaab yaak àngale ya ca Levant
A l’orée du Sénégal, à l’orée du Sénégal,
un petit Sénégalais
grandissait, grandissait.
Aux palmiers il grimpait, dans les vagues se baignait.
Froides sont les vagues à l’orée du Sénégal.
Ca catal Sénégal, ca catal Sénégal,
ab xale, domu Sénégal a nga fa
di màgg, di màgg.
Di yéeg ca ron ya, di sangu ca duus ya.
Sedd lañu def, duus ya ca catal Sénégal.
Puis vint un fonctionnaire, un fonctionnaire colonial est passé,
avec une lourde corde sénégalaise l’a attaché.
Jékki, ndawal nguur gi ñëw fa, ndawal nguurug nootkat ya jaar fa,
yeew ko ak buum gu diis.
Puis dans les plantations il travailla,
et charge sur charge, sur son dos on chargea.
Et quand ses forces furent épuisées,
du travail forcé il se sauva.
Mu doxe fa, di liggéey ca tool ya,
sëf ci sëf, sëf wu nekk ñu bootal ko.
Ba dooleem jéexee,
liggéey yu sañul bañ ba la rëcc.
Puis autour d’un fouet il se tordit à terre.
Longs sont les fouets au Sénégal, longues leurs lanières.
Et ensuite, quand les armées furent convoquées par les nations,
on l’enrôla au secours de la civilisation.
Laxasu na ci yar ba koy caw, bërangu na ca suuf.
Yar yee ko gudd ca Sénégal, car yee ko gudd.
Ñu teg ca ne, ba réew ya taxawalee xare ya,
ñu dugal ko ca wallu lay tax ñu naan nite.
Il s’enfonça dans la fumée, ploya sous l’éclair rugissant,
et ses lèvres noires furent couvertes de sang.
Mais coiffé d’une chéchia tropicale,
d’une chéchia tropicale,
il marchait avec les libérateurs de l’Europe, il marchait d’un pas égal,
et on lui expliquait tout le temps comme il faut, tout le temps,
que pour la civilisation,
l’on combat et l’on meurt.
Et quand soudain cessa le carnage, quand le silence tomba sur les combattants,
il comprit que la civilisation était sauvée.
Mu xuus ca saxaar sa, sëgg ndax dooley melax may riir,
dereet ji di siit ca tuñam yu ñuul ya.
Terewul, ak mbaxana koppateem,
mbaxana koppateem,
muy dox ànd ak ñay yewwi Europe, di dox, yem ak ñépp,
fu mu fa tollu, ñu di ko tegtal, ca na mu ware, dëkk ca
naan ko, lay tax ñu naan nite,
xeexal ko, dee ca.
Jékki, reyante ba dakk, tekk ga law ca ña doon xeex,
mu xam ne, lay tax ñu naan nite mucc na.
Et il dit en lui-même : « Tu ne te reposes pas souvent,
repose-toi un peu… » Et c’était une nuit
au Levant.
Mu ne ci xelam « Doo faral di noppalu,
noppalul tuuti… » Ag guddi la woon
ca Levant.
Et c’était une nuit de dagues et de couteaux,
une nuit de concessions, une nuit de pétrole,
une nuit d’experts et de capitaux.
Une nuit anglo-arabo-française au Liban.
Oui,
une des nuits du Moyen-Orient.
Guddig xeej ak i paaka la woon,
guddig moomeelu suuf, guddig pétrole,
guddig boroomi xam-xam ak alal.
Guddi gu àngale-araab-tubaab séq ca Liban.
Waaw,
genn ci guddiy Moyen-Orient.
… Quand sur son dos ils le traînèrent à l’hôpital,
il interrogeait encore, en vain, la nuit orientale :
Qu’était-il arrivé ? Dans sa tête en sang tournoyaient cette nuit
les fusillades, les émeutes et les grandes vagues de chez lui.
Le Sénégal et la France ! Le Sénégal et les Anglais !
Un Sénégal d’enfants et d’anciens, tous Sénégalais !
Sénégal d'hier et de toujours, Sénégal de tous les futurs,
Le Sénégal des Alliés victorieux !
…Ba ñu ko jaaxaanalee di ko diri jëmale ko loppitaan,
guddig penku ga tontuwul lenn ca laajam ya mu dëkke :
Lan moo xewoon ? Ca guddi googu, ca biir boppam bay nàcc, mu nga cay daw
fetalante ya, xeexu mbedd ya ak gannaxi dëkkam yu mag ya.
Te àdduna xeex na, te àdduna am na ndam, te àdduna mucc na
ngir sa njëriñ, Sénégal ! Ngir yow, Sénégal ! »
Ainsi délira-t-il, jusqu’à sa mort, dans l’éther des médications.
Et la question du Levant
fut portée devant l’assemblée des nations.
Et l’on commença à en disputer
et ceux qui représentaient le Sénégal
étaient tous
Blancs.
Noonu, mu wéy di waxtu ba dee, ci éther ja ànd ak garab ya.
Te li jëm ci Levant
ca pécum xeeti àdduna la mujj.
Ñu tàmbali koo waxtaane
te ña fa toogaloon Sénégal
ñépp
di ñu weex.
Le souffle de ce poème, publié en juin 1945 à Tel Aviv dans le quotidien Davar, anticipe de quelques années les textes de Senghor et de Birago Diop sur les tirailleurs. Sa perspective reste unique.
Senghor, on s'en souvient, s'adressait dans son "Poème liminaire" (Hosties noires, 1948), à ses "frères d'armes" de manière générique, "frères noirs à la main chaude sous la glace et la mort". Il défendait leur honneur en "déchirant" symboliquement, et toujours collectivement, "les rires banania sur tous les murs de France". Le poème d'Alterman reconstitue plutôt un destin singulier, individuel, les grandes étapes d'une unique vie volée.
Le "Sarzan" de Birago Diop (Contes d'Amadou Koumba, 1947), sergent Keita devenu Sarzan-le-fou, était comme le soldat anonyme d'Alterman un personnage singulier, mais Birago se gardait à dessein de décrire ses années de guerre. L'avant et l'après suffisaient à montrer une transformation radicale. L'enfant de Dougouba était parti à Kati, "de Kati à Dakar, de Dakar à Casablanca, de Casablanca à Fréjus, puis Damas". Il était revenu aliéné, au sens propre: étranger à lui-même, à son village et à ses traditions, se vouant désormais à "tuer les croyances [...] extirper les superstitions [...] les manières de sauvages". Ses années de tirailleur, qui l'avaient à ce point changé, restaient l'énigme centrale du conte.
Alterman suit son "Soldat sénégalais" pas à pas, de l'enfance à la mort – une enfance qu'on devine insouciante, évoquée à grands traits naïfs de manière à contraster avec l'intensité croissante des épreuves ultérieures: travail forcé, évasion, arrestation, mobilisation forcée, en Europe d'abord puis au Levant, où la mort le surprend, littéralement, en plein délire. Jusqu'à son dernier souffle, le soldat demande à son père de se réjouir, persuadé d'avoir "sauvé la civilisation" et de l'avoir fait "pour ton bien, Sénégal!" Ici se rejoignent les trois auteurs. Alterman, Birago et Senghor, depuis des perspectives différentes et complémentaires, disent ensemble l'hypocrisie absolue d'une colonisation soi-disant civilisatrice qui dispose des tirailleurs, de leur humanité et de leurs vies, au gré de ses seuls intérêts.
Encore Senghor et Birago avaient-ils eux-mêmes servi, colonisation oblige, sous le drapeau français. Mais Alterman? Que vient faire un soldat sénégalais sous sa plume?
Nathan Alterman (1910-1970) était l'une des grandes voix de la poésie moderne hébraïque. Sa chronique hebdomadaire dans Davar était si populaire que chaque vendredi à l'aube, les lecteurs les plus impatients se pressaient à la porte de l'imprimerie pour être sûrs d'obtenir une copie du journal. Ses poèmes, en page deux, trouvaient un écho considérable dans l'arène culturelle et politique locale, tant pendant la période du Mandat britannique en Palestine qu'après l'établissement officiel de l'État d'Israël en 1948. Cette année-là, Davar eut l'idée de publier en volume, et d'offrir à tout nouvel abonné, l'intégrale des poèmes écrits par Alterman depuis 1943. Les abonnements doublèrent aussitôt – et Alterman continua sa chronique jusqu'en 1967.
Sa renommée, Alterman la doit à parts égales à ses qualités proprement littéraires et à l'acuité de ses commentaires sur l'actualité. L'hébreu est une langue particulièrement dense, qui dit beaucoup de choses en peu de mots et peut aussi dire plusieurs choses au moyen d'un même mot ou d'infimes variations. La poésie d'Alterman mobilise des tournures anciennes, des images et des formes tirées de l'hébreu bibliques, et les réassemble selon une prosodie créative qui joue sur les rythmes de la langue, les assonances et les formes de versification. Par-delà sa sobriété, sa dureté apparente, son style reconnaissable entre tous autorise autant le lyrisme que la satire. Poète organique, dirait Gramsci, Alterman tient pour Davar la chronique d'une histoire chaude, brûlante, l'histoire en train de se faire. Ses textes portent sur la guerre, la Shoah et les pogroms en Europe, les réfugiés juifs que l'administration coloniale britannique considère "illégaux" et refoule de Palestine mandataire, les tensions judéo-arabes, le mouvement des kibboutz et les luttes ouvrières, la création d'Israël... Plusieurs de ses poèmes, censurés par les autorités britanniques, sont devenus des chants immensément populaires.
L'empathie d'Alterman pour le "soldat sénégalais" exprime une solidarité de fait – la fraternité des subalternes, manipulés comme des pions sur l'échiquier des puissants. Aux lendemains de la Première Guerre mondiale, la Société des Nations avait donné mandat à la Grande-Bretagne d'administrer les "provinces arabes" de l'ex-empire ottoman, vaincu et dépecé. La Grande-Bretagne exerçait une "tutelle provisoire" sur la Mésopotamie (correspondant à peu près à l'Irak actuel) et la Palestine; la France sur la Syrie et le Liban (ensemble désignés comme "le Levant"). Toute l'ambiguïté du système mandataire, qui signifiait en réalité une domination de type colonial, résidait dans le caractère "provisoire", indéfini, de la tutelle.
La Deuxième Guerre mondiale faisait bouger les lignes. Conséquence de la défaite française en 1940, le commandement militaire des forces alliées au Moyen-Orient avait échu à la Grande-Bretagne pour la durée de la guerre. Le commandement britannique déclencha l'Opération Exporter l'année suivante, lui permettant de déloger les forces vichystes de Syrie – forces qui étaient alors principalement constituées de troupes coloniales, parmi lesquelles trois bataillons du 17e régiment de tirailleurs sénégalais. Le gouvernement de Vichy avait entre-temps choisi de quitter la Société des Nations, ce qui, du point de vue des nationalistes syriens, soutenus par l'Allemagne, valait cessation immédiate du mandat et reconnaissance implicite de l'indépendance syrienne. Ajoutons-y, en Palestine sous tutelle britannique, les appels au soulèvement lancés par le grand mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini, allié de l'Allemagne nazie contre le colonisateur anglais, et l'on comprendra que le temps des mandats, non seulement touchait à sa fin, mais que celle-ci serait tout sauf simple.
Dopés par la libération de Paris (août 1944), les Français entendaient imposer à la Syrie naissante des accords garantissant leurs intérêts au Levant. La France souhaitait mettre en place une convention qui rendrait obligatoire l'enseignement du français dans les écoles publiques, s'opposait à l'armement de la gendarmerie syrienne en armes lourdes, et voulait aussi maintenir en territoire syrien des "troupes spéciales" sous commandement français. Les nationalistes syriens ne voulaient rien concéder. Les Britanniques, qui avaient quelques années plus tôt chassé les forces vichystes et conservaient pour quelques mois encore le commandement militaire sur toute la région, trouvaient aussi les exigences françaises passablement exagérées. Il n'en fallait pas plus pour que De Gaulle, toujours prompt à soupçonner des "intrigues anglaises", réelles ou imaginaires, et à attiser les rivalités, décide de passer en force. On connaît la suite. Trois jours de violence extrême, Damas à feu et à sang, et une débâcle française. La France n'obtint rien. Ses troupes furent renvoyées de Syrie. Humiliation suprême, elles furent cantonnées avant leur évacuation dans des garnisons syriennes, avec interdiction d'en sortir, sous contrôle de militaires anglais.
Que reste-t-il des tirailleurs au Levant? A El-Mina, la ville portuaire de Beyrouth, une petite communauté de Libanais métis, descendants des tirailleurs sénégalais. Quelques travaux universitaires confidentiels, un grand vide dans les manuels d'histoire. Un poème en hébreu.
Combien d'histoires oubliées? L'une d'elles, peu connue, a été rapportée par Moshe Dayan, le visage israélien le plus connu de la Guerre des Six jours (1967). Dayan, dont l'œil recouvert d'un bandeau noir deviendrait le signe distinctif, avait encore ses deux yeux en 1941. Il avait cette année-là rejoint une unité locale combattant aux côtés des Britanniques, avec mission de s'emparer des ponts stratégiques autour du village d'Iskenderun (aujourd'hui en Turquie) dans le cadre de l'invasion britannique du Levant contre les forces vichystes. Son unité atteignait la zone qu'elle était censée occuper quand retentirent des coups de feu. Les tirs venaient d'un officier français et d'un tirailleur sénégalais. "J'ai pointé sur eux la mitrailleuse que j'avais en ma possession et j'ai regardé avec des jumelles pour déterminer leur emplacement exact. C'est à ce moment qu'une de leurs balles m'a touché aux yeux", témoignerait Dayan sur son lit d'hôpital. Que son bandeau sur l'œil soit dû à un Français ou à un Sénégalais, cela relève de l'anecdote. Plus significatif est le fait que deux types de tirailleurs se trouvaient alors face à face. L'un, côté français, était Sénégalais. L'autre, Moshe Dayan, était sujet colonial des Britanniques. Deux colonisés s'affrontant dans une guerre qui n'était pas la leur.
Nous voulions depuis longtemps présenter ce poème à des lecteurs sénégalais. L'autorisation des ayants-droit d'Alterman, de son éditeur Hakibbutz Hameuchad et de ses petits-enfants, Nathan Slor et Yael Slor Marzuk, nous est parvenue à l'été. Le coup d'État au Niger donnait alors au vieux poème, 78 ans déjà, une nouvelle actualité: une autre "guerre des autres" couvait. La CEDEAO menaçait de rétablir manu militari le président déchu, la France poussait à la "fermeté", le Sénégal s'interrogeait: faudrait-il, ou non, envoyer là-bas nos Diambars? Puis la poussière est retombée, les putschistes se sont installés, et nous avons pris le temps de peaufiner notre travail de traduction. Nous étions presque prêts quand le 7 octobre nous a surpris. L'assaut du Hamas contre les kibboutz du sud d'Israël. La riposte de Tsahal à Gaza. La guerre des images et des mots, sommant chacun de se positionner, de s'aligner sur des solidarités primaires, de juger ce que les commentateurs les plus péremptoires ne connaissent que de loin, et si peu, et si mal. Comment parler de poésie quand déferle la haine, quand chacun ampute de moitié sa capacité d'empathie, quand notre humanité commune se fait hémiplégique? Nous voulions éviter que la publication d'un poème israélien ne soit prétexte à un regain d'invectives, de commentaires malveillants et d'inutiles passions.
Devions-nous différer indéfiniment sa publication? Y renoncer? Nous avons finalement fait le pari que non. La parole poétique pourrait bien être celle qui manque tant à notre époque, et à chacun, pour rétablir du doute et de la nuance dans des certitudes trop rigides.
LES FAMILLES À L'ÉPREUVE DES DIVISIONS PARTISANES
De la guerre ouverte entre le frère et la sœur Mbodji à Bambey à la saine cohabitation chez les Youm et les Dias: la politique peut renforcer les discordes comme cimenter les unions familiales au Sénégal
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 02/01/2024
La politique peut parfois semer la zizanie au sein même des familles sénégalaises, selon une analyse publiée sur le site d'information Seneweb.
Comme l'explique un article paru le 10 décembre dernier, "la politique, cette pratique devenue immonde, galvaudée par la quête amorale de privilèges, semble être le seul terrain où des membres d’une même famille, unis par les liens du sang, s’opposent...parfois farouchement."
Des rivalités qui peuvent aller jusqu'à la "guerre fratricide", entre accusations et affrontements entre partisans. Car "la politique au Sénégal divise plus qu’elle ne rapproche", relève Seneweb.
Cette réalité est analysée par des experts. "La famille comme la politique sont chargées d’affects et d’enjeux puissants où s’arbitrent la concorde ou la division, le pluralisme ou l’exclusion", observe Anne Muxel, sociologue et politologue française citée par le média en ligne.
Moussa Diaw, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, abonde dans ce sens : "Ces divergences peuvent apparaître au sein d’une famille et constituer une source de division. Ce n’est pas seulement propre à l’Afrique. On le voit un peu partout dans le monde", souligne-t-il.
La rivalité fratricide des Mbodji
L'article prend l'exemple de la famille Mbodji à Bambey, où "le choc entre les clivages politiques et la concorde familiale a empoisonné l’atmosphère".
Aïda Mbodji, ancienne ministre du gouvernement libéral, s'est opposée farouchement à son frère aîné Pape Abdou Khadre Mbodji, candidat de l'Alliance Dekkal Ngor, devenue APR du président Macky Sall.
"Dans ce combat fratricide pour le contrôle de Bambey, tous les moyens sont bons pour ébranler l'autre", rapporte Seneweb. Accusations, affrontements entre partisans... "Les Mbodji se sont violemment entre déchirés pendant plus de quatre ans."
La hache de guerre n'a été enterrée qu'en 2013. "Désormais, en tout cas en ce qui me concerne, il n’y a plus de problème entre ma sœur Aida Mbodji et moi", déclare alors Pape Abdou Khadre Mbodji.
D'autres familles parviennent à préserver l'unité
A contrario, certaines familles parviennent à surmonter leurs divergences politiques, comme les Youm ou les Dias.
Chez les Youm, le secrétaire général du Pur Cheikh Tidiane Youm s'oppose politiquement à son frère Oumar Youm, ministre des Forces armées. "Malgré la vive tension (...) les frères-Youm préservent jalousement leurs relations fraternelles", note l'article.
Chez les Dias, où Jean-Paul (BCG) et Barthélémy (PS/Yewwi Askan Wi) appartiennent à des camps opposés, "la famille prime sur la politique", rapporte Seneweb.
La politique peut donc à la fois rapprocher ou déchirer les familles au Sénégal, en fonction de la capacité à séparer convicitons personnelles et liens du sang.
QUAND LA MACHINE ÉLECTORALE GRINCE
RAPPORT SENEPLUS D’ANALYSE PRÉ-ÉLECTORALE - Suspicions de politisation de l'administration, immixtion marquée de la justice dans la sphère partisane, entraves persistantes à certaines candidatures : de multiples facteurs exacerbent les antagonismes
(EXCLUSIF SENEPLUS) - Le présent rapport d’analyse est le deuxième à être élaboré et le premier de cette année 2024, dans la perspective de l’élection présidentielle de février prochain qui a lieu au Sénégal, le premier rapport ayant été rédigé il y a près d’un mois (fin novembre 2023).
Depuis l’élaboration de ce premier document, certaines données contextuelles demeurent : la question de l’indépendance des acteurs du processus électoral (Direction générale des élections, CENA etc.), ainsi que celle de l’interprétation des dispositions du code électoral relatives à l’éligibilité par exemple. D’autres données sont apparues depuis la production du rapport précédent : au moins deux décisions de justice rendues par le Tribunal d’instance de Dakar et par la Cour suprême, l’entrée dans le jeu préélectoral de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui est l’organisme qui reçoit la caution (de 30 millions) déposée par les candidats, ainsi que l’investiture de certaines personnes comme candidats officiels de formatons ou de coalitions.
A près d’un mois et demi du scrutin, il s’agit d’évaluer la conjoncture socio-politique sénégalaise, en essayant d’y repérer les facteurs qui concourent à l’apaisement d’une situation préélectorale préoccupante et les facteurs qui, au contraire, contribuent à accroître la tension entre les acteurs.
Au-delà de cette analyse de la conjoncture actuelle, le lien sera établi, chaque fois que nécessaire, avec des éléments qui ont été soulignés dans le rapport précédent. Cette approche inscrite dans une forme de continuité est nécessaire, non seulement parce que des faits précédemment évoqués subsistent encore, mais parce qu’il a été souligné qu’il existe des racines institutionnelles ou des causes structurelles aux dysfonctionnements que le pays vit à l’heure actuelle.
Evaluation de la conjoncture socio-politique
Cette évaluation consiste, ainsi qu’il a été dit, en une identification d’éléments de détente et d’éléments de tension dans le contexte actuel.
Eléments de détente
On peut en trouver dans la libération récente d’une vingtaine de prisonniers, dont au moins trois sont des membres du parti « Pastef », dissous il y a quelques mois. Ces personnes étaient emprisonnées depuis près de dix mois, dans le cadre d’une vaste opération d’arrestations de dirigeants de ce parti politique.
Les décisions de relaxe ont été rendues par le tribunal correctionnel de Dakar, le 22 novembre et le 13 décembre 2023.
Il s’agit incontestablement d’un facteur de décrispation, des voix ayant régulièrement appelé à « libérer les prisonniers d’opinion » au Sénégal.
Deux circonstances doivent cependant amener à tempérer l’effet apaisant de ces verdicts judiciaires. D’une part, les personnes relaxées ne bénéficieront d’aucun mécanisme de réparation du préjudice qu’elles ont subi, alors même que l’activité professionnelle de certains d’entre eux a ainsi été arrêtée et, surtout, il reste encore beaucoup de personnes embastillées pour les mêmes raisons. Une amélioration notable de la situation ne découlera que de la libération d’un nombre important de prisonniers, et non d’un élargissement au compte-gouttes de ces personnes dont certaines ignorent toujours les véritables charges qui pèsent sur elles.
Eléments de tension
Il existe à l’heure actuelle, au moins trois données qui sont de nature à aggraver la tension préélectorale au Sénégal. Il s’agit :
de l’incapacité à sortir de l’impasse en dépit des décisions de justice rendues ;
du sentiment d’une implication systématique de l’Administration dans le jeu politique et électoral ;
des interactions nocives entre l’agenda judiciaire et l’agenda politico-électoral.
Chacun de ces points doit être expliqué.
L’incapacité à sortir de l’impasse malgré les décisions de justice intervenues
La décision rendue par le Tribunal d’instance de Dakar, le 14 décembre dernier a, après le jugement du Tribunal de Ziguinchor du 12 octobre, décidé d’annuler la radiation de M. Ousmane Sonko, principal opposant, et d’ordonner sa réinscription sur les listes électorales, réinscription qui permet sa candidature à la présidentielle. Le Tribunal de Dakar avait été saisi sur renvoi par la Cour suprême qui, le 17 décembre, avait cassé le jugement du Tribunal de Ziguinchor.
Or, cette nouvelle décision n’a nullement éclairci la question de la participation du principal opposant. Non seulement l’Etat est resté mutique sur son intention d’exercer un recours – qui consisterait en un pourvoi de cassation -, mais, forts du caractère suspensif du jugement dernièrement rendu, les partisans de M. Sonko ont immédiatement cherché à recueillir des « fiches de parrainage » auprès de la Direction générale des élections – rattachée au ministère de l’Intérieur -, ce qui leur a été refusé, pour la deuxième fois.
En somme, et en dépit des décisions de justice intervenues, l’Administration refuse de délivrer des fiches de parrainages à M. Sonko.
A l’heure actuelle, et devant cette impasse presque totale, les yeux se tournent vers le Conseil constitutionnel, qui doit recevoir et apprécier les candidatures. L’espoir des partisans de M. Ousmane Sonko repose, semble-t-il, sur une jurisprudence passée du conseil, dans laquelle celui-ci avait entendu sanctionner l’incurie de l’Administration en ne faisant pas supporter à un candidat les errements commis par celle-ci. Il s’agit de la décision n°E/3/98 du 15 avril 1998.
C’est dans le courant du mois de janvier 2024 que ce verdict attendu devrait intervenir.
Le sentiment d’une implication systématique de l’Administration dans le jeu électoral et partisan
La situation s’est aggravée du fait de deux nouvelles données.
D’une part, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), censée recueillir la caution des candidats, a refusé de recevoir celle du candidat Sonko. Cela donne le sentiment qu’en plus de la bataille qu’il doit livrer sur le front judiciaire, l’opposant doit se battre contre une Administration qui fait également obstacle à sa candidature. Le sentiment qu’une Administration jusque-là réputée non partisane soit mêlée à des enjeux d’élections et de pouvoir contribue certainement à « charger » davantage le contentieux préélectoral.
Il faut y ajouter une information qui est loin d’être anecdotique ou seulement symbolique : c’est que les « portes » de la DGE comme celles de la CDC sont « restées fermées ». Autrement dit, les mandataires de M Sonko n’ont même pas été « reçus », aucun dialogue – au sens élémentaire d’échange de mots – n’a eu lieu. Cette fermeture est révélatrice de l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui le « dialogue politique » au Sénégal.
Il faut mettre en relation cette posture de l’Administration avec les entraves rencontrées par un autre candidat, M. Khalifa Sall, dans une tournée qu’il a récemment effectuée dans le pays. Le 30 novembre, celui-ci mentionnait dans un communiqué des « entraves persistantes rencontrées par son cortège », du fait notamment des forces de la gendarmerie. Le 5 décembre, une déclaration de la même veine était enregistrée.
Ces événements, qui sont inquiétants à quelques jours de l’ouverture officielle de la campagne électorale, posent, à un autre niveau, la question de la neutralité de l’Administration sénégalaise dans un contexte préélectoral.
Le soupçon d’une instrumentalisation de la justice à travers les interactions entre l’agenda judiciaire et l’agenda politico- électoral :
Deux décisions judiciaires viennent alourdir le climat actuel.
L’une est la décision, rendue par la Cour suprême le 22 décembre dernier, qui rejette le pourvoi formé par l’actuel maire de Dakar dans une affaire pour laquelle il a été condamné à deux ans de prison dont six mois de prison ferme et une condamnation à payer 25 millions à la famille d’un jeune homme décédé dans les violences préélectorales de 2011. Cette sentence pourrait entraîner la déchéance du mandat de député que le maire de Dakar, Barthélémy Dias, détient actuellement.
Une telle déchéance ne devrait en principe intervenir que suite à une demande faite par le Garde des Sceaux ; or, on sait que l’actuelle détentrice du poste, avocate de profession et femme politique ayant rallié le parti au pouvoir, était également le conseil de M. Dias il y a quelques années, dans la même affaire…
Il s’agit là, certes, de hasards de l’histoire, mais il est clair qu’ils ne contribuent pas, dans le contexte actuel, à dissiper les liaisons dangereuses qui existent entre la justice et la politique au Sénégal.
La seconde décision, dont il est question ici, n’est pas encore rendue, au moment où ces lignes sont écrites.
Elle aura également pour cadre la Cour suprême, le 4 janvier 2024, et opposera M. Ousmane Sonko au ministre du tourisme Mame Mbaye Niang. En première instance et à la suite d’une plainte en diffamation, l’opposant avait été condamné à une peine deux mois de prison avec sursis et à verser 200 millions de F CFA au plaignant. Le verdict de la Cour d’appel avait été plus sévère puisqu’il infligeait la peine de 6 mois de prison avec sursis à M. Sonko. Cet autre feuilleton judiciaire est également mis en relation avec l’éligibilité de l’opposant.
Scenarios/Recommandations
A l’heure actuelle, il s’agit de mettre en exergue l’importance décisive que revêt la décision que le Conseil constitutionnel rendra au sujet des candidatures. Plus précisément, le conseil est attendu sur deux points :
une question générale : le traitement des parrainages reçus. On se souvient que le parrainage, qui est une technique de sélection des candidatures, a été introduite dans le système électoral national par une loi constitutionnelle de 2016 et qu’en 2019, des candidats importants ont vu leur dossier rejeté pour des motifs techniques, liés au traitement informatique des parrainages et d’aucuns avaient alors crié au scandale. Si l’on devait assister à la même sévérité, il est évident que le contentieux s’alourdirait de griefs adressés au juge constitutionnel, en plus des griefs nourris à l’encontre la justice judiciaire et de l’Administration.
Il faut rappeler ici deux choses. D’une part, le Conseil constitutionnel du Sénégal a essuyé dans le passé des critiques sévères, dues à sa jurisprudence en général et au traitement de la candidature du président Wade en 2012. D’autre part, il est du pouvoir de ce juge de « moduler » son pouvoir d’annulation des candidatures, de concevoir son office en termes moins sévères sur la question du parrainage et de construire une jurisprudence « apaisante », plutôt que productrice de tensions. Tout dépend de la compréhension que le juge constitutionnel lui-même a de sa mission dans un contexte donné.
Une question spéciale : celle de la recevabilité de la candidature de M. Sonko ou de quelqu’un qui lui est apparenté politiquement.
A l’aune du tableau qui vient d’être dressé, deux scénarios majeurs nous paraissent concevables : un « pessimiste » et un autre « un peu plus optimiste ». L’absence d’un troisième scénario, qui serait encore plus réjouissant, s’explique par le fait que, de notre point de vue, une telle perspective rassurante s’éloigne au moment où ces lignes sont écrites. Cela signifie qu’à notre sens, l’élection de février 2024 est déjà grevée de sérieuses hypothèques et qu’en tout état de cause, une appréciation positive ou laudative des conditions de préparation de celle-ci est désormais exclue.
Premier scénario : Pessimiste
Il n’y a pas de libération importante de prisonniers, le Conseil constitutionnel rejette beaucoup de candidatures dont celle de M Sonko ou de quelqu’un d’apparenté, aucune mesure de décrispation n’est prise, des candidats continuent de subir des tracasseries diverses : c’est alors la légitimité même du scrutin de février 2024 qui pourrait en pâtir.
Second scénario : Un peu plus optimiste
Le conseil Constitutionnel se montre assez « libéral » dans son traitement des dossiers de candidature, la justice judiciaire n’a pas rendu, d’ici-là, de décisions se traduisant par l’élimination de candidats, la candidature de M. Sonko ou quelqu’un de proche est admise : sans que tous les problèmes soient aplanis (il resterait notamment des personnes en prison, dont éventuellement M Sonko), on pourrait aller vers un scrutin relativement apaisé en février 2024.
En tout état de cause, des initiatives pourraient être prises par les organisations de la société civile, pour contribuer à la sérénité de l’élection. Ce sont les recommandations suivantes :
Elaboration, pas nécessairement formelle, d’une « éthique » de la campagne électorale à laquelle seraient conviés tous les candidats, qui seraient alors invités à des rencontres pour exprimer leur adhésion à cette éthique ;
Encourager les candidats à non seulement éviter des déclarations de nature à préjuger des résultats (« victoire dès le premier tour » par exemple) mais à accepter le verdict des urnes si l’élection se passait bien dans l’ensemble ;
Dépasser la conjoncture actuelle et travailler ultérieurement, selon des modalités à déterminer, sur les limites structurelles de la démocratie sénégalaise et du processus électoral dans son ensemble. Il faut cependant être clair sur ce point : la démarche suggérée sera plus ambitieuse qu’une simple revue technique ou un audit du fichier, initiatives déjà prises de nombreuses fois dans le passé. Il s’agirait d’aller plus loin : éloigner le spectre de la politisation de l’Administration et assortir tout manquement de sanctions.
Ci-dessous, le rapport de décembre précédemment publié en trois volets :
Depuis Doha où il s'est exilé suite à des procédures judiciaires controversées, l'ancien ministre a prononcé ses vœux pour la nouvelle année en dressant un tableau positif des défis à relever par le Sénégal et en affirmant sa volonté de changement
Dans un discours teinté d'optimisme prononcé pour le Nouvel An, Karim Wade a fait part de sa détermination à offrir aux Sénégalais une alternative porteuse d'avenir pour 2024.
"Après 7 ans d'un exil forcé qui m'a privé d'aller prier sur les tombes de mes proches, je tiens à remercier le Qatar et son dirigeant pour leur générosité", a déclaré le candidat déclaré à la présidentielle, soulignant le "réconfort et l'apprentissage" trouvés durant cette épreuve.
S'adressant aux militants du PDS, "fidèles et résilients" selon lui, Karim Wade a salué leur rôle dans le maintien "de l'esprit du grand parti". Il a également promis de "redonner espoir et ambition" au pays, notamment en investissant dans l'éducation, la formation et l'entrepreneuriat des femmes et de la jeunesse, "moteurs du changement".
L'année 2024 sera "un choix crucial" entre "division et renoncement" ou bien "unité, réconciliation et ambition", a-t-il martelé. Face au "drame" de l'émigration clandestine, il s'est engagé à "offrir à nos enfants un avenir meilleur où bénéficier des promesses du Sénégal".
"Je ne peux accepter que des Africains meurent en mer ou dans le désert. Cette situation ne saurait durer, nous devons agir ensemble", a affirmé avec gravité le candidat. Promettant une gestion "transparente et efficace" des ressources, Karim Wade a dit vouloir guider le pays vers "la démocratie, la prospérité et l'harmonie sociale".
Fort de sa "résilience et [sa] foi dans notre potentiel collectif", l'opposant a conclu sur une note d'optimisme, traçant ainsi une voie ambitieuse pour l'avenir du Sénégal.
LE MONDE AMBIGU À L'AUBE 2024
2023 s'est achevé dans la ferveur des festivités du Nouvel An. Mais derrière les sourires et les paillettes, le monde entrait dans sa nouvelle année avec toujours autant de guerres, de menaces climatiques et de crises à surmonter
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 01/01/2024
Les grandes capitales mondiales ont célébré avec de magnifiques feux d'artifice le passage à l'année 2024, mais dans le même temps, des conflits se sont poursuivis un peu partout dans le monde, rapporte l'AFP. Alors que le Hamas a tiré des roquettes sur Tel-Aviv, qu'Israël a pilonné Gaza, que la Russie a frappé l'Ukraine et que le Japon a été secoué par des séismes, l'optimisme reste fragile face aux défis qui entourent la nouvelle année.
À New York, des milliers de personnes ont assisté à la descente de la boule de Times Square, tandis que le président Joe Biden a exprimé son espoir pour l'économie américaine lors de ses vœux. À Sydney, plus d'un million de fêtards ont envahi le port malgré la pluie pour admirer les feux d'artifice. D'autres spectacles pyrotechniques ont illuminé Auckland, Hong Kong, Bangkok ou Rio.
À Paris, plus d'un million de personnes se sont rassemblées sur les Champs-Elysées, où un feu d'artifice a marqué le point d'orgue de la soirée. "C'était terrifiant, c'est la vie que nous vivons, c'est dingue", a déclaré à l'AFP Gabriel Zemelman, 26 ans, devant un bar de Tel-Aviv, après que les sirènes aient retenti pour annoncer des tirs de roquettes depuis Gaza.
En Israël, l'année restera marquée par une attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre. Les Nations unies estiment que 85% de la population de Gaza, soit près de deux millions d'habitants, ont été déplacés. "Ce fut une année noire et pleine de tragédies", a dit à l'AFP Abed Akkawi, réfugié dans un camp de l'ONU.
Au Japon, l'année a commencé par de puissants séismes ayant entraîné des évacuations. En Ukraine, où l'invasion russe approche de son deuxième anniversaire, le président Volodymyr Zelensky a promis de "ravager" les forces ennemies, assurant disposer bientôt d'un million de drones.
Si certains Russes aspirent à la paix, Vladimir Poutine est resté déterminé, jurant que son pays "ne reculera jamais". L'année s'achève dans l'ombre des tensions, alors que plus de quatre milliards de personnes dans le monde seront appelées aux urnes en 2024.
par Bakary Sambe
AU SAHEL, APRÈS LE MILITARO-POPULISME, L'ISLAMO-NATIONALISME ?
Nous sommes désormais à l’ère de l’endogénéisation d’un salafisme ouest-africain et sahélien, avec une stratégie de normalisation à la faveur d’une puissante vague de souverainisme qui ne néglige plus aucun levier
Au Sahel, le terrorisme est une tragédie sécuritaire dont le caractère spectaculaire détourne souvent l’attention des décideurs d’un autre phénomène inquiétant : la montée de l’islam politique. Malgré une approche différenciée, les deux phénomènes nourrissent pourtant le même dessein : la destruction de l’entité étatique.
Destruction de l’État
Inattendu, violent, dévastateur, le terrorisme mise sur le spectaculaire là où l’islam politique vise une déstructuration progressive des fragiles États de la région en sapant, par la délégitimation, leurs fondements démocratiques et républicains. À cela s’ajoute un islamo-nationalisme lié à l’inséparabilité conjoncturelle entre les imaginaires religieux et nationalistes à l’heure des revendications identitaires.
Ces dernières rencontrent l’adhésion de certains caciques de la gauche traditionnelle, qui rêvaient de « grand soir », et celle des mouvances salafistes appelant au retour aux « valeurs ». Nul autre terreau ne pouvait être plus favorable aux alliances de circonstance entre des « anti-impérialistes » et des acteurs islamistes, tels Cerfi au Burkina Faso ou Izala au Niger.
L’arrivée des régimes militaires a ainsi mis en lumière de possibles connexions entre militaro-populisme et islamo-nationalisme. À Niamey, où Izala s’impose au sein même de la haute administration, les grands corps de l’État prêtent serment sous les Allah akbar des chefs de la junte. À Ouagadougou, les généraux rivalisent d’ardeur dans la récitation du Coran, ovationnés par les troupes et les foules idolâtrant un certain IB [Ibrahim Traoré]. Sa relation antérieure avec les mouvements islamiques et l’imaginaire de la « mission salvatrice » d’un musulman « enfin » arrivé au pouvoir favorisent une sainte alliance entre casernes et mosquées d’un pays majoritairement musulman. En 2014, sous Yacouba Isaac Zida, chef de l’État de transition après la destitution du président Blaise Compaoré, la communauté musulmane manifestait déjà son désir d’être mieux représentée dans les hautes sphères de l’État.
Alliance entre casernes et mosquées
C’est souvent du chaos qu’émergent les messies. Les échecs des régimes « démocratiques » successifs ont paradoxalement fait des coups d’État des moments de respiration intronisant des juntes aux solutions « magiques ». Pourtant, le Niger, le Mali et le Burkina Faso cumulent chacun pas moins de trente ans de régimes militaires, lesquels n’ont jamais pu empêcher ni la corruption ni la mal-gouvernance, et encore moins l’insécurité.
Les longues années de désengagement de l’État depuis les ajustements structurels ont aussi favorisé la montée en puissance d’organisations et d’ONG religieuses investissant des secteurs névralgiques, tels l’éducation, le travail social et les politiques de jeunesse. De plus, les courants islamistes se sont longtemps engouffrés dans la brèche de l’« antisystème » et de la critique du modèle démocratique, qui peine à réaliser les rêves de développement ainsi que les promesses de sécurité et de stabilité. Dans une parfaite stratégie de récupération des frustrations accumulées, les courants salafistes se départissent de leur caractère « importé », malgré l’influence des pays du Golfe. Ils veulent faire figure de réalité « endogène », s’inscrivant aussi dans la problématique – politiquement porteuse – de contestation de l’Occident impérialiste et « néolibéral ».
Endogénéisation du salafisme
Nous sommes désormais à l’ère de l’endogénéisation d’un salafisme ouest-africain et sahélien, avec une stratégie de normalisation à la faveur d’une puissante vague de souverainisme qui ne néglige plus aucun levier. On doit s’interroger sur les capacités d’un tel courant à se poser en recours crédible après l’échec, prévisible, des régimes militaires.
Les tombeurs des régimes civils « incompétents » sont-ils sûrs de ne pas faire le lit d’un militantisme islamique surfant sur le populisme ambiant et peut-être sur leurs échecs futurs pour incarner l’alternative ? Auquel cas les sociétés civiles, bridées par la forte réduction de l’espace démocratique ou embrigadées par des militaires, ne pourront plus arrêter cette vague qui s’annonce encore plus dévastatrice pour les États fragiles de la région.