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28 avril 2025
Politique
L'AMBASSADEUR DU RWANDA EXPULSÉ DE KINSHASA
Après des mois de tension et d'accusations d'"agression", Kinshasa, qui accuse Kigali de soutenir la rébellion du M23, a décidé samedi d'expulser l'ambassadeur du Rwanda en République démocratique du Congo
Les autorités congolaises disent avoir observé "une arrivée massive des éléments de l'armée rwandaise" pour appuyer les rebelles du M23.
Après des mois de tension et d'accusations d'"agression", Kinshasa, qui accuse Kigali de soutenir la rébellion du M23, a décidé samedi d'expulser l'ambassadeur du Rwanda en République démocratique du Congo.
Le M23 ("Mouvement du 23 mars"), une ancienne rébellion tutsi qui a repris les armes fin 2021, a gagné du terrain samedi dans l'est de la RDC, s'emparant notamment de deux villes, Kiwanja et Rutshuru-centre, situées sur la route nationale 2, axe stratégique desservant Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
Face à cette offensive, la Mission de l'ONU dans le pays (Monusco) a annoncé avoir "élevé le niveau d’alerte de ses troupes, déployées pour soutenir les FARDC (forces armées de RDC) dans leurs opérations contre le M23". "Elle fournit un appui aérien, du renseignement et de l’équipement", a-t-elle précisé sur Twitter.
En fin de journée, le président de RDC, Félix Tshisekedi, a dirigé à Kinshasa "une réunion élargie du Conseil supérieur de défense", pour évaluer la situation après "une série d'attaques" menées par le M23 "appuyé par l'armée rwandaise", a déclaré dans la soirée le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, dans un communiqué lu à la télévision officielle
Selon lui, "il a été observé ces derniers jours une arrivée massive des éléments de l'armée rwandaise" pour appuyer le M23 "en vue d'une offensive générale contre les positions des forces armées" congolaises.
Par conséquent, a-t-il ajouté, "le Conseil supérieur de défense demande au gouvernement d'expulser dans les 48H suivant sa notification M. Vincent Karega", ambassadeur du Rwanda en RDC, du fait notamment "de la persistance de son pays à agresser la RDC".
Dans la matinée, des habitants et responsables locaux interrogés au téléphone par l'AFP avaient indiqué que les rebelles avaient pris le contrôle des localités de Kiwanja et Rutshuru-centre.
Quatre Casques bleus ont été blessés dans les combats de Kiwanja: deux par un tir de mortier et deux autres par des armes légères, a indiqué la Monusco.
Un responsable de l'hôpital général de Rutshuru a de son côté fait état de "quelques blessés à Kiwanja suite à une petite résistance". Mais "le calme est revenu. Les gens commencent à circuler et à ouvrir les boutiques", a-t-il ajouté, sous couvert d'anonymat.
Accusations mutuelles
A Kiwanja, "dans notre quartier nous avons enregistré trois morts, un homme et une femme et son enfant, tués par des obus tombés sur les maisons", a déclaré un habitant, Eric Muhindo, interrogé par téléphone depuis Goma.
Rutshuru-centre se situe à environ 70 km de Goma. Des rebelles du M23 sont également signalés à Rugari, à quelque 30 km de Goma, également sur la RN2. Entre les deux se trouvent, à Rumangabo, une grande base des FARDC et le quartier général du parc national des Virunga.
par Annie Jouga
UN AN APRÈS L’IRRUPTION DU COVID
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – Durant 66 jours j’ai « décortiqué » l’actualité sous tous les angles, en y puisant l’inspiration mais toujours avec au cœur, ce virus que je n’ai jamais pu nommer autrement que par C.
J 1 – mardi 24 mars 2020 « Ce matin après avoir gentiment demandé à papi Viou d'aller faire un tour... ailleurs, je me suis mise à faire un peu de ménage. Odile, la gouvernante, ne vient plus qu'un jour sur deux.
Et après avoir fait mon lit, je me suis lancée dans le ménage de notre Salle De Bains (SDB). Me voilà à 4 pattes, question de protéger mon gentil et fragile dos, autour de la cuvette des WC.
… Tiens papi Viou est arrivé tel un pêcheur lébou, les bras chargés. Mais où donc vais-je mettre toute cette pêche ? Je n'ai pas eu l'idée de dire tout haut et surtout que j’ai plus beaucoup de sacs congélation… ? Alors système D ! D'abord j’ai fait comme ma poissonnière. J’ai donc coupé la queue dépassant et pour fermer hermétiquement. J’ai pris le gros rouleau de scotch, celui qui sert à faire les Tupperware remplis de "tiep'u wekh à la Modou", prêt à voyager…
… En allant me laver à la SDB j'ai fortement éternué et plusieurs fois et Viou était au téléphone, son interlocuteur s'est inquiété de qui éternuait comme çà, avec tout ce que cela veut dire par les temps qui courent.
… Bon Viou n'a toujours pas vu de changement dans la SDB et j’attends avec impatience ce petit moment si agréable de me servir un petit verre de punch à la vanille que j'ai fait il y a des années sans jamais y toucher... Il est délicieux mais trop doux à mon goût, j'y ai rajouté un excellent rhum de Cuba…
À la santé de corona aytcha !
Et voilà que pendant 66 jours, je me suis astreinte à un exercice d’écriture au quotidien, fort passionnant mais totalement inconnu. Durant 66 jours je m’y suis accrochée, je me suis concentrée sur les rythmes socialisants de mon environnement, des fois ignorés, ou même méconnus ; gestes qu’en temps normal on ne prend pas le temps de faire, regardant avec un intérêt nouveau depuis les différents points de vue, dedans et au-delà de l’appartement et par nécessité regardant aussi au plus profond de moi !
Je me suis forcée à dire, décrire les choses que je voyais, que j’entendais, que je ressentais dans cette période bien particulière, qui transformait apparemment mon attention décuplée.
J’ai eu des fois des doutes, des pannes de la feuille blanche en pensant avec respect à ceux dont c’est le métier au quotidien.
J’ai été fidèle dans mes récits et un jour ma fifille, Aicha de Bamako, qui recevait mes chroniques m’a demandé si je n’inventais pas un peu ou même beaucoup ! Là, elle m’a donné une idée et au beau milieu de ces chroniques véridiques je me suis improvisée « romancière ».
Durant 66 jours j’ai « décortiqué » l’actualité sous tous les angles, en y puisant l’inspiration mais toujours avec au cœur, ce virus que je n’ai jamais pu nommer autrement que par C.
Et au bout de 66 jours, je me suis dé-confinée à ma manière. Mais qui l’eût cru ? moi qui ne pensais n’être capable que de concevoir les espaces, les articuler, les conjuguer …
70 pages, 37 795 mots me renseigne l’ordinateur ! Il me fallait donc conclure.
La chronique 66, la dernière, reste très différente des précédentes. J’ai pris un grand plaisir alors à revenir en images et en pensées sur ces moments, à signaler des oublis, faire des aveux … comme un au-revoir ?
Faire un clin d’œil à certains fidèles lecteurs, comme par hasard deux Charles : celui de Dakar me reprochant de ne pas illustrer mes propos, au contraire du Charles de Praïa les préférant sans illustration, pour laisser son fantasme naviguer aisément.
Revenir sur des oublis de taille comme l’anniversaire de la mort de notre frère, Omar Blondin Diop, dans la J 49 du 11 mai où je ne m’étais souvenu que de Bob.
Des aveux … Ah, la J 65, que j’ai signée d’un nom d’artiste, Reyane de Ligné, impossible de l’illustrer car pure imagination !
Je me suis lâchée et d’un bout à l’autre … rien de vrai. Ni de près ni de loin.
J’ai pris un plaisir inouï à partir d’un fait réel, en l’occurrence la disparition du griot électrique, Mory Kanté, à broder cette avant-dernière chronique.
Qui aurai cru que cet état planétaire difficilement définissable allait durer si longtemps ? Un an ! Et surtout, est-ce même terminé en ce mois de mars 2021 ?
Mais en fait, que s’est-il passé durant tous ces jours où C. nous a piégés, tourmentés, baladés, emmerdés, car impossible de socialiser au début et pour certains, toujours et encore, tant tout était si flou !
Combien d’entre-nous sont partis, emportés par C. ? L’étau semblant se resserrer autour de nous, et aujourd’hui encore !
Cruel mois de janvier 2021 emportant trop de nos proches comme la cascade d’un sort qui s’acharne.
Les enfants nous ayant fortement recommandé de nous éloigner de Dakar, nous éloigné du C., question de limiter les risques, nous sommes allés avec un plaisir… raisonné voire mitigé, à la Somone.
Ce même janvier, et malgré mes gestes que je croyais barrière, C. m’aura rattrapée.
Contaminée, piégée, angoissée, avec la peur au ventre d’en contaminer d’autres.
Je n’avais aucun signe de la maladie et je n’avais jamais autant écouté mon corps, just in case …
Ce séjour où je me suis réfugiée avec mon chevalier servant, a été heureusement ponctué par un grand élan de fraternité venu de tout bord.
D’abord un médecin urgentiste compétent, disponible à souhait, m’a quotidiennement soignée, orientée, conseillée, encouragée, écoutée, et à distance… bref, tout pour guérir bien et vite !
J’ai également pris la juste mesure du plateau technique médical de Saly/Somone, celui-ci n’ayant pas grand-chose à envier à celui de Dakar finalement, et par conséquent tout pour nous convaincre que la retraite là-bas, c’est un bon choix … Mieux, le service médical municipal dakarois en charge de mon dossier m’a tous les jours appelée pour s’inquiéter de mon état, me conseiller et m’encourager, jusqu’au jour où les tests sont arrivés négatifs. J’étais « bleuffée » …, preuve que tout n’est pas catastrophique dans le pays.
Je n’aurais jamais mangé aussi bien équilibré grâce aux petits et grands plats qui nous arrivaient, dans un ballet très bien orchestré par les sœurs, filles, et amis vadrouilleurs.
Je n’aurais jamais bu autant de jus de fruits venus directement du « verger vadrouilleur » de Ngaparou, et livrant dans de grands sacs d’exquises mandarines, celles-ci pressées avec une détermination quotidienne par mon « amoureux de Peynet », comme nous a surnommé la grande sœur.
Paniers, glacières, Tupperwares … que je voyais arriver du haut de la mezzanine, je m’étais interdite l’accès à la cuisine, question de ne point laisser traîner sur une poignée de porte de frigo ou encore un interrupteur ce sournois virus C.
Un délice au quotidien.
Tous les soirs, je montais dans ma chambre, d’où C. avait chassé papi Viou, lui s’étant installé au niveau inférieur durant tous ces jours-là. J’ai retrouvé la joie de me vautrer dans le grand lit souvent en désordre, mon désordre dans lequel je posais çà et là mes objets que je voulais à portée de main.
Dites-moi, qui n’a pas joui de pareil plaisir ?
En tout cas moi je me régalais, et à la fin d’une journée finalement jamais comme les autres, en criant « je monte dans mes appartements », j’allais retrouver avec un plaisir à peine voilé mon nouvel espace dans lequel j’avais aussi installé une table de travail.
Viou a géré tous les repas, comme un chef, au début en me demandant ceci-cela que je lui criai depuis assez loin ; puis il a pris ses marques, sûrement agacé par une certaine rigueur qui ne lui allait plus, et n’en faisant ensuite plus qu’à sa tête.
J’ai sincèrement pris grand plaisir à me faire servir.
Mais bon, personne ne s’y trompait, Viou a été décrété « le réchauffeur n° 1 » par les vadrouilleuses.
Alors oui, comment ne pas dire et redire, famille, amis je vous aime !
Nous faisions quotidiennement de longues balades, sur cette si belle baie pratiquement vide, la Somone d’un côté, Ngaparou de l’autre, en fonction de la marée, et souvent les seuls et avec nos masques.
5 à 6 km parfois plus, parfois deux fois par jour.
Prendre du soleil me conseillait-on pour capturer cette vitamine D.
Sans avoir hélas succombé à la tentation de plonger, la mer nous semblant un peu fraîche, mais les jambes dans l’eau jusqu’aux cuisses quand cela était possible…
Pourtant, jamais la Somone ne m’aura paru aussi contraignante ! Quelle ironie,
30 jours durant…
Et puis la raison voudrait que la vie reprenne son cours, elle nous convainc de faire attention. Alors on cherche comment, par quelle voie revenir à la normale ?
Le prochain anniversaire sera les 70 ans de ceux de la famille/amis nés en 51, février pour les premiers !
« On fête, on ne fête pas ? Et on sera combien, et où … ? »
Les échanges fusent !
Finalement … on fête et en plein air, donc la Somone s’impose, la pression des plus jeunes l’emporte prétextant que 70 ans quand même …
On est 12 adultes, le double de ce qui semble être la règle mais au bout du compte une très belle fête. Et comme à l’accoutumée à la Somone cela dure tout le week-end, tant qu’à faire …
Ailleurs on fête aussi d’autres 70 ans mais à 4. Chacun met le curseur là où il veut, là où il peut …
Comment, quand et où, le tournant va-t-il se faire ?
Les arrêtés sortis samedi 20 mars 2021 au Sénégal relatifs à la levée des différentes mesures de suspension prises il y a quelques mois donnent l’impression que « l’affaire-là est derrière nous », et sonnent comme la fin de la partie !
Les boîtes de nuit, restaurants, etc. ce week-end ont refusé du monde, semble-t-il ! Sans réelles mesures barrières appliquées.
Ici, au pays on est trop fort ! Nous avons eu un ministre du Ciel et de la Terre, aujourd’hui un président attrape-virus, et ce sera bientôt l’attrape-rêves, qui sait ?
J’ai du mal à comprendre. Comment du jour au lendemain on passe d’un état de crise, de confinement dans la tête, à celui de vie normale, de dé-confiné totalement ?
La vaccination, que j’ai faite la semaine dernière va-t-elle apporter des réponses ? Wait and see !
Je garde masque sur le nez, gel dans le sac, je dépose encore mes chaussures à l’entrée de l’appartement même si je suis bien la seule à le faire. J’ai enlevé depuis longtemps le circuit à suivre dans le hall de l’entrée et tracé lors de mes excès du début j’en conviens.
J’étreins même certains amis que je n’ai pas vus depuis longtemps, avec masque bien vissé sur le nez.
Comme quoi moi aussi j’ai levé des mesures ! Mais je continue d’écouter mon corps…
Devrais-je reprendre ce rigoureux travail d’écriture au quotidien, que j’ai partagé, parfois imposé ?
Cela me paraît ardu …, et je me questionne à peine, mais qui sait ?
Et surtout quels enseignements en tirer, je pense bien entendu à cette vie imposée par le C.
Ne dit-on pas que, après tout, le monde d’aujourd’hui devra être différent de celui d’avant !
Annie Jouga est architecte, ancienne élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle est administratrice.
L'AFRIQUE EST DÉJÀ PLUS VERTE QUE QUICONQUE
Le milliardaire soudanais Mo Ibrahim, dont la fondation est membre de la Fondation Afrique-Europe, s’est exprimé le 27 octobre à Bruxelles lors d’un press briefing restreint sur les enjeux de la COP27, vus d’Afrique
Mo Ibrahim fera partie des personnalités africaines qui se rendront à la COP27 à Charm-el-Cheikh, en Égypte, sans en attendre de grandes avancées. Il ne cache pas son inquiétude sur le manque de discussions et d’accords qui se profile. « La guerre en Ukraine et les chocs internationaux qui y sont associés ont détourné l’attention de certains dirigeants de la question du climat. La compétition entre puissances rend plus compliquée la coopération nécessaire, avec une vision de long terme ».
La Fondation Mo Ibrahim a lancé en mars 2020, avec les Amis de l’Europe, une nouvelle structure dénommée la Fondation Afrique-Europe, en partenariat avec l'African Climate Foundation et ONE. Son rôle est d'organiser des partenariats pour « transformer en opportunités » les relations entre les deux continents.
Comme à son habitude, Mo Ibrahim ne mâche pas ses mots. Il ne se montre guère étonné des tendances soulignées par le dernier rapport du think tank australien Institute for Economics and Peace (IEP) sur les « Menaces écologiques ». Ce document note une baisse de -1,5 % de l’intérêt des opinions publiques dans le monde sur le climat (48 %) entre 2019 et 2021, avec de fortes chutes en Namibie et en Zambie. Ce à quoi Mo Ibrahim objecte que « 600 millions de personnes, soit la moitié de la population, n’ont pas accès à l’électricité en Afrique. Pourquoi ces gens devraient-ils se préoccuper du climat ? Ils n’émettent rien du tout, puisqu’ils n’ont pas le courant ! ».
22 pays d’Afrique dépendent des énergies renouvelables
Le grand patron regrette que « l’Afrique n’ait pas de voix » dans les discussions internationales, alors qu’elle paie très cher la facture du changement climatique, provoqué par d’autres régions du monde. Dans un panel de haut niveau organisé en janvier sur l’énergie et le climat, la Fondation Afrique-Europe a vu les experts et décideurs reconnaître, de part et d’autre, un état d’inégalité profond « qui s’aggrave et qu’il faut surveiller, estime Mo Ibrahim, car il crée du ressentiment ». L’Afrique, 17 % de la population globale, ne compte que pour 3,4 % de la consommation d’énergie dans le monde. L’Europe, 5,8 % de la population du monde, consomme 10,4 % de l’énergie.
L'HARMATTAN DÉSIGNE LA VOCATION DE CETTE MAISON D'ÉDITION
Près de 50 000 titres publiés depuis 1975… et parmi ses auteurs, nombreux sont Africains. L’Harmattan fête cette année son 47ème anniversaire. L’historien Denis Rolland retrace la genèse de cette maison d’édition à part dans un livre - ENTRETIEN
Près de 50 000 titres publiés depuis 1975… et parmi ses auteurs, nombreux sont Africains. L’Harmattan fête cette année son 47ème anniversaire. Cette maison d’édition, qui se veut au carrefour des cultures, s’est tournée depuis sa naissance vers l’Afrique et a publié nombre d’auteurs du continent. Des écrivains inconnus mais aussi de grandes plumes, comme le Nigérian Wole Soyinka, premier prix Nobel de littérature africain. À son origine, L’Harmattan avait pour objectif d’accompagner le mouvement tiers-mondiste. L’historien Denis Rolland retrace la genèse de cette maison d’édition à part dans un livre, Histoire de L’Harmattan, genèse d’un éditeur au carrefour des cultures, paru -bien sûr- chez L’Harmattan.
RFI : Dans ce livre, vous racontez la genèse de cette maison d’édition, née en 1975, vous retracez le parcours de l’un des deux fondateurs, Denis Pryen. C’est un missionnaire qui découvre l’Afrique à partir des années 1960. Première étape, l’Algérie pendant la guerre d’indépendance, puis le Sénégal en 1966. Et ce second séjour, va profondément le changer.
Oui, il va à l'université de Dakar, qui est une université en ébullition. On dit souvent que mai 1968, à Dakar, c'est en 1967-66. Il découvre les sciences humaines et sociales qui sont elles-mêmes en pleine ébullition à ce moment-là. Et, il va faire du terrain. Et quand on fait du terrain en 1966-67 à la Gueule Tapée donc dans les quartiers de Dakar, on découvre l'Islam d'abord, une autre religion monothéiste, on découvre la polygamie et on découvre d'autres structures de parenté. Et là, effectivement on comprend pourquoi à un moment, sa hiérarchie religieuse lui dit bon, ça suffit l’expérience, vous rentrez en France.
On va faire un petit saut dans le temps. En avril 1975, on y arrive, l’Harmattan, voit le jour. C'est à la fois une maison d'édition, mais aussi une librairie. Denis Pryen se lance dans l'aventure avec un autre prêtre, missionnaire comme lui, Robert Ageneau. Pourquoi déjà avoir choisi ce nom de l'Harmattan ?
Il voulait s'appeler la librairie des 4 vents et les éditions des 4 vents. Sauf que ce nom était déjà pris, donc ils ont réfléchi ensemble, ils ont décliné les différents vents. Il y en avait qui étaient pris, il y en avait qui n’étaient pas pris, et puis à un moment, ils se sont dit, qu'est-ce qui marque l'Afrique : l'Harmattan, c'est un vent qui bouscule, c'est un vent qui ennuie. Ce n’est pas un vent nécessairement très agréable d'ailleurs. Ce n’est pas un vent sympathique, mais voilà, c'est un vent qui dérange et donc ça, ça leur a plu. Ils trouvaient que le nom tapait bien, l’Harmattan, et puis que ça désignait bien la vocation africaine de l’édition et de la librairie.
Alors, les deux fondateurs sont tous deux des catholiques engagés à gauche. Ils ont été profondément marqués par la décolonisation, la guerre du Vietnam et mai 1968. Leur projet, c'est de créer entre Maspero et Présence africaine, une maison d'édition qui aide à penser le tiers monde ?
Oui, Maspero était déjà à ce moment-là, au moins côté librairie, en difficulté, il était obligé de réduire un peu la voilure. Et ce que voulaient Robert Ageneau et Denis Pryen, c'était une maison d'édition qui ne soit pas dogmatique et qui ne soit pas non plus seulement pour les Africains et qui puisse beaucoup publier.
LA TÉLÉ PEUT-ELLE DIFFUSER UNE SÉRIE SUR LE CONFLIT CASAMANÇAIS ?
Interdite de diffusion au prétexte que ses promoteurs n’auraient pas attendu les autorisations requises avant de tourner, « Rebelles », une série fictionnelle qui évoque le conflit en Casamance, est-elle victime de censure ?
La télévision sénégalaise peut-elle évoquer impunément le conflit en Casamance, cette guerre de basse intensité qui sévit depuis 1982 et représente le seul accroc notable à la stabilité légendaire du pays, qui n’a connu ni coup d’État ni conflit armé avec l’un de ses voisins depuis l’indépendance ?
Pêle-mêle, on y trouve une galerie de personnages fictifs à la lisière de la réalité. Moïse Adjodjéna Badji, « un jeune politicien prometteur », protégé du directeur de cabinet du président de la République ; le capitaine Cheikh Djibril Bèye, chargé de la sécurisation de la zone, au contact direct de la rébellion, et qui « doit son ascension rapide au sein de l’armée à son extrême rigueur et à son sens prononcé de l’honneur » ; Malang Diedhiou, le chef de l’une des quatre factions rebelles casamançaises, qui est un ancien compagnon de lutte d’Émile Diatta, lui-même ancien ministre et ex-maire de Ziguinchor, chargé de négocier des accords de paix avec les factions rebelles en contrepartie d’un contrat minier pour un ami avec qui il a étudié à Paris… Et, bien sûr, le président sénégalais Alsim Fall, un ancien professeur de droit « porté à la présidence, un peu contre son gré, par sa femme ».
Affaire remontée en haut lieu
Mais, à quelques jours de la première diffusion, l’affaire remonte en haut lieu et l’agenda est bouleversé. Le directeur de la Cinématographie, Germain Coly, informe en effet Marodi TV et le diffuseur pressenti que le lancement de la série n’est pas autorisé.
Pour tenter de régler le litige, alors que les huit premiers épisodes sont déjà prêts et que les suivants ont en partie été tournés, quatre réunions successives auront lieu entre la production et les autorités. Le 9 septembre, l’ancien ministre de la Culture, Abdoulaye Diop, rencontre ainsi des représentants de Marodi en présence de Germain Coly. Cinq jours plus tard, un nouveau rendez-vous réunit cette fois Serigne Massamba Ndour, le PDG de Marodi, et le directeur de la Cinématographie.
Le 30 septembre, quelques jours après un remaniement ministériel, Aliou Sow, le nouveau ministre de la Culture, et la direction de Marodi se voient à nouveau. Enfin, le 5 octobre, trois personnes de Marodi TV ont un entretien avec Germain Coly. « Nous lui avons alors remis un support comprenant huit épisodes prêts à diffuser de Rebelles », indique le producteur.
« Il était prévu qu’il mette sur pied un comité de visionnage la semaine suivante, précise à Jeune Afrique Julia Cabrita Diatta, la directrice commerciale et du développement marketing de Marodi TV. Ce comité aurait réuni les représentants de la production ainsi que des experts indépendants afin d’évaluer la teneur de la série. » Mais, à l’en croire, cette réunion n’aura jamais lieu. « Depuis lors, Germain Coly ne décroche plus lorsque nous cherchons à le contacter », assure Thian Thiandoum. Ce dernier précise toutefois que la rencontre précédente s’était bien passée, dans une ambiance conviviale.
Contacté par JA, Germain Coly n’a pas souhaité s’exprimer. Il nous a renvoyés à un communiqué daté du 21 septembre dernier dans lequel le directeur de la Cinématographie expliquait ainsi le blocage ayant frappé la diffusion de Rebelles : « Il a été constamment relevé un manque de collaboration, frisant même la défiance puisque [le directeur général] de Marodi a continué à faire des tournages, sans autorisation, et à diffuser la bande annonce de la série », écrit-il.
Ils ont tout quitté pour une vie meilleure mais ont souvent connu sur place l'exploitation : salaires impayés, passeports confisqués, conditions de travail extrêmes qui ont entraîné, selon différentes ONG, plusieurs milliers de morts. Témoignages...
L'organisation du Mondial-2022 au Qatar a suscité la venue de milliers de travailleurs migrants pour construire stades et infrastructures. Ils ont tout quitté pour une vie meilleure mais ont souvent connu sur place l'exploitation : salaires impayés, passeports confisqués, conditions de travail extrêmes qui ont entraîné, selon différentes ONG, plusieurs milliers de morts...
Des travailleuses et des travailleurs se sont confiés à Chloé Domat et Rammohan Pateriya. Ils racontent comment le rêve s’est transformé en cauchemar, même si Doha offre aussi à certains des opportunités d’ascension sociale.
L'AFRIQUE SERA AUSSI LE CHAMP DE BATAILLE NUMÉRIQUE DES PUISSANCES ÉTRANGÈRES
Au lendemain du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité, l’expert en cybersécurité Franck Kié insiste sur la nécessité pour les États de se préparer à l’augmentation de la cybercriminalité sur le continent
Jeune Afrique |
Marième Soumaré |
Publication 29/10/2022
« Les dérives du numérique constituent aujourd’hui l’une des menaces les plus sérieuses à la paix, à la sécurité et à la stabilité de nos pays ; menaces d’autant plus difficiles à combattre qu’elles sont diffuses et protéiformes. » Franck Kié n’a rien perdu des mots du président sénégalais Macky Sall, qui présidait le 24 octobre l’ouverture du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité. C’était la deuxième participation du fondateur de Ciberobs, un observatoire sur les questions de cybercriminalité, à cet évènement annuel qui réunit les experts de la sécurité sur le continent.
« Le président Macky Sall a dit de façon claire que la cybersécurité devient une priorité pour nos États », insiste le consultant, qui se satisfait de voir « les responsables se saisir de la question ». En 2021, selon l’entreprise de cybersécurité kényane Serianu, la cybercriminalité aurait coûté 4,12 milliards de dollars au continent, contre 3,5 milliards de dollars quatre ans plus tôt.
« Les attaques visent tout le monde et sont de plus en plus sophistiquées », prévient Frank Kié, à l’heure où la numérisation des services et des activités économiques s’accroît en Afrique, qui se retrouve, une nouvelle fois, le théâtre des luttes d’influences des puissances étrangères. Entretien.
Jeune Afrique : Le 17 octobre, le régulateur des télécoms sénégalais a été attaqué par le groupe de hackers Karakurt, qui a eu accès à plus d’une centaine de gigaoctets (Go) de données. En quoi cette attaque est-elle révélatrice des risques liés à la cybercriminalité sur le continent ?
Franck Kié : Elle montre à quel point les cybercriminels arrivent à mener des attaques de plus en plus sophistiquées et n’ont pas peur de s’attaquer à l’État. Hier, c’était l’ARTP [Autorité de régulation des télécommunications et des postes], demain, ce sera la primature ou la présidence. Plus personne n’est à l’abri. Rappelez-vous les hôpitaux attaqués en Afrique du Sud pendant la crise du Covid-19. Désormais, il faut s’attendre à ce que n’importe quel service soit visé : administration, services de délivrance de passeports électroniques, opérateurs chargés de la distribution de l’eau, de l’électricité, de l’énergie. Voilà pourquoi il faut prendre des mesures dès maintenant, afin d’anticiper.
En quoi ces attaques consistent-elles et en quoi sont-elles sophistiquées ?
La méthode utilisée est celle de la rançon, où le cybercriminel infiltre votre système et stocke vos données sans que vous ne vous en rendiez compte et donc sans que vous puissiez le contrer. S’offre ensuite à lui deux possibilités : soit collecter l’information et rançonner la victime en la menaçant de divulguer ses données ; soit implanter un logiciel pirate qui bloque le système et force la victime à payer pour retrouver ses informations. C’est très différent des arnaques basiques de cyber au début des années 2000, celles des brouteurs en Côte d’Ivoire ou au Nigéria, ou la fameuse « arnaque au président », qui consiste à envoyer un mail en se faisant passer pour quelqu’un d’autre.
Selon une récente étude, 64 % des entreprises africaines ont été victimes d’une attaque de ce genre en 2021. Le secteur privé est-il le plus touché ?
L’absence de données empêche d’avoir des données précises. Ce que l’on sait néanmoins, c’est que les particuliers, plus vulnérables, étaient concernés mais aussi le secteur privé et les institutions financières. Désormais, les criminels touchent également le secteur public, qui dispose de données importantes et sensibles.
Comment les plus petites entreprises peuvent-elles assurer leur protection, qui affiche souvent un coût élevé ?
Par la sensibilisation et la formation de leurs employés, ce qui se fait de plus en plus. Les sous-traitants représentent habituellement des voies d’accès privilégiées pour viser des grands groupes, beaucoup mieux protégés, mais qui partagent leurs données avec des acteurs plus vulnérables. Les entreprises en sont conscientes, et des acteurs proposent désormais des solutions adaptées aux PME et TPE.
Le Chef de l’État a remis l’insigne du Lion au Président de l’Assemblée nationale, aux membres du Cabinet présidentiel et à d’autres Sénégalais qui se sont distingués notamment dans la réalisation du Train express régional (Ter).
Le Chef de l’État a remis l’insigne du Lion au Président de l’Assemblée nationale, aux membres du Cabinet présidentiel et à d’autres Sénégalais qui se sont distingués notamment dans la réalisation du Train express régional (Ter). La cérémonie officielle a eu lieu le vendredi 28 octobre, au Palais de la République.
Selon le service de la Communication de la Présidence de la République, le Président Macky Sall offre, à travers cette décoration, des « modèles de loyauté, de dévouement et d’engagement » au service de la République.
PAR Jean-Baptiste Placca
DADIS CAMARA ET SON HONNEUR
Lorsqu'un ex-putschiste se soucie davantage des égards qu'il estime dus à son rang qu'aux souffrances infligées aux Guinéennes et aux Guinéens
Un mois après l’ouverture du procès sur les massacres du 28 Septembre 2009, les Guinéens ont eu droit, cette semaine, à quelques bouts de vérité, de la part de l’aide de camp du capitaine Dadis Camara, à l’époque. Cette brèche dans la stratégie de dénégation convenue par les accusés n’indique-t-elle pas que ce procès va peut-être enfin s’engager vers un peu plus de sincérité ?
Jusque-là, les accusés narguaient les victimes avec leurs non réponses. Et « Toumba » Diakité s’est un peu oublié, en effet. Mais, il semble avoir déjà repris ses esprits. Comme si tous étaient persuadés qu’à force de se taire en chœur, ils finiraient par convaincre la cour de se ranger à leur logique, pour conclure qu’il n’y a eu, finalement, rien de très grave, ce jour-là, dans le stade et tout autour. Et pourtant ! 157 morts, des centaines de blessés, sans compter ces femmes traquées, violentées et violées en nombre. La justice est une nécessité. Il reste à espérer qu’elle se donnera le temps de ne pas bâcler ce procès. Ce serait un tel désastre, pour la Guinée, si tout cela devait ne consister qu’à calmer les victimes, pour réhabiliter quelque accusé à ne pas mécontenter, sous prétexte qu’il pèserait d’un poids ethnique, politique ou autre.
Dadis Camara a prévenu qu’il était là pour laver son honneur. Il doit donc, lui aussi, désirer la vérité…
Mais, au-delà du verdict de cette cour, il y a, ce que l’on appelle la responsabilité. En politique, cela s’assume. C’est le chemin de l’honneur. Les faits, ici, c’est d’abord le contexte et l’objet de ce rassemblement. À la mort du président Lansana Conté, en décembre 2008, Dadis Camara s’est emparé du pouvoir. Un coup d’État contre un mort. Tout heureux d’avoir ainsi vaincu sans péril, il s’exhibe quotidiennement dans le clinquant de sa condition inespérée de nouveau roi. L’opinion africaine s’amusait alors de ce qu’elle décrivait comme « le Dadis Show ». Pas vraiment fiers du sort si cruel qui s’acharnait ainsi sur leur pays, les Guinéens étaient dans leurs petits souliers.
Mais, lorsque Dadis a laissé entendre qu’il pourrait bien se porter candidat à la présidence de la République, opposition, société civile, citoyens ordinaires se sont levés pour contrarier son projet. Ils se donnent rendez-vous le 28 septembre, date anniversaire du fameux « non » de Sékou Touré au général de Gaulle.
Pour éviter toute surprise, ils avaient choisi un lieu clos, au lieu des artères de Conakry. Mais, ils ne risquaient pas moins de compromettre les visées du capitaine. On a donc envoyé des soldats sans scrupules les traquer dans le stade. Et cette responsabilité, personne n’a le courage de l’endosser.
NON À LA PROMOTION DE LA CULTURE DU VIOL DANS LE CINÉMA AFRICAIN
Nous dénonçons avec la dernière énergie les organisateurs du salon du cinéma au feminin qui laissent concourir un court métrage propageant de fausses informations sur le viol et nourrit la culture du viol au Togo
Quoique nous soyons toutes favorables au développement d’initiatives visant à promouvoir le travail des femmes dans tous les secteurs de la vie économique et sociale, il n’est pas question de cautionner des travaux qui portent atteinte directement aux lois que nous avons adoptées, dans nos pays respectifs, pour protéger les femmes et les filles des violences sexistes et sexuelles. Cela d’autant plus lorsque ces mises en images attentent à la dignité humaine en faisant porter aux victimes de crime de viol la charge de la faute.
À ce jour, le monde dénombre 205 230 viols déclarés, pour la seule année 2022. Selon ONU femme, une femme sur trois est victime de violences physiques et/ou sexuelles dans le monde tous les jours. Ce phénomène criminel n'est donc pas un enjeu mineur que l’on peut se permettre de traiter avec légèreté ou par des personnes n'en ayant manifestement aucune connaissance. C’est pourquoi nous dénonçons avec la dernière énergie les organisateurs du salon du cinéma au feminin qui laissent concourir un court métrage qui propage de fausses informations sur le viol et nourrit la culture du viol au Togo.
Nous avons été stupéfaites de constater ce jour, la mise en circulation dans les réseaux sociaux, du trailer d’un film dont le titre est Mea culpa. Il s’agit de la bande annonce d’un film dans lequel une jeune fille victime de viol fait son mea culpa auprès de ses parents pour avoir été violée du fait de ses agissements sur les réseaux sociaux, jugés non conforme à l’attendu social. Il est explicitement fait mention d’un lien de causalité entre sa présence sur les réseaux sociaux et son travail d’influence et le viol qu’elle a subi de deux hommes, de nuit, en extérieur.
Au Togo, l’article 211 et suivants disposent que : Le viol consiste à imposer par fraude, menace, contrainte ou violence des relations ou pénétrations sexuelles à autrui. (Art 212) : Toute personne auteur de viol est punie d’une peine de réclusion criminelle de cinq (05) à dix (10) ans et d'une amende de deux millions (2 000 000) à dix millions (10 000 000) de francs CFA. S’agissant de la relation sexuelle imposée par la violence, la contrainte ou la menace par un conjoint à un autre, elle est punie d’une amende de deux cent mille (200 000) à un million (1 000 000) de francs CFA ou de sept cent vingt (720) heures de travail d’intérêt général. En cas de récidive, la peine est de dix (10) à douze (12) mois d’emprisonnement et d’une amende d’un million (1 000 000) à cinq millions (5 000 000) de francs CFA. (Art 213) : Les peines prévues à l’article précédent sont la peine de réclusion criminelle de dix (10) à vingt (20) ans et une amende de cinq millions (5 000 000) à vingt millions (20 000 000) de francs CFA si : 1) les relations sexuelles ont été imposées par plusieurs auteurs à une même victime ; 2) le viol a occasionné une grossesse ; 3) les violences exercées ont occasionné une maladie ou une incapacité de travail excédant six (06) semaines ; 4) le viol est commis par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. 5) par une personne qui a abusé de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. (Art 214) : La peine prévue à l’article précédent est également appliquée lorsque le viol a été commis : 1) sous la menace d’une arme ; 2) par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de la victime ou les ascendants directs de ceux-ci ; 3) par une personne ayant autorité sur la victime ; 4) par une personne qui a abusé de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. (Art 215) : Lorsque le viol est commis sur une personne particulièrement vulnérable, en raison notamment de sa minorité, son âge avancé, un état de grossesse, une maladie, une infirmité ou une déficience physique ou psychique, l’auteur est puni d’une peine de vingt (20) à trente (30) ans de réclusion criminelle. (Art 216) : Toute personne coupable de viol est punie du maximum de la réclusion criminelle à temps lorsque le viol est précédé, accompagné ou suivi d'actes de torture ou de barbarie ou a entraîné la mort de la victime.
La loi ne retient que la fraude, la menace, la contrainte ou la violence exercées sur la victime qui ne sont pas corrélatives à un comportement ou à un autre de celle-ci mais aux torts exclusifs de l’auteur. Elle sous-entend de plus le non-consentement de la victime peu importe le ou les comportements précédents qui ne valent pas consentement à être agressée quels que soient les liens qui unissent les deux personnes. Enfin, la loi considère que cette infraction a des conséquences sur la santé de la victime et des conséquences psychosociales avec la survenue d’une grossesse au décours de ce crime. Dès lors supposer que la victime aurait d’une manière ou d’une autre demandé à se faire agresser sexuellement ne repose sur aucun fondement juridique. Supposer que la victime par son comportement a incité l’auteur de viol à commettre sur sa personne un acte d’une telle gravité ne repose pas plus sur un fondement légal. Supposer que la victime devrait se sentir coupable d’une agression qu’elle a subi est donc d’une inanité sans borne.
Outre les effets susmentionnés concernant la santé physique d’une victime de viol, il n’est pas fait mention que ce crime enlève vingt (20) années d’espérance de vie à une victime. De plus les effets psychiques à long terme ne sont pas plus connus par la loi togolaise. Or le viol induit chez 80% des victimes des troubles psychiques graves pouvant aller d’un état de sidération mentale à l’éclosion de maladies mentales du registre psychotique, qui sont les maladies mentales chroniques les plus difficiles à traiter. Au surplus, le viol modifie les perceptions de soi et de l’environnement des victimes et conduit ces dernières à adopter des comportements allant de l’évitement et du repli social aux conduites à risque suicidaire voir au suicide.
Pour les personnes ayant vécu ce traumatisme grave, les suites psychosociales sont tout aussi graves car, dans nos sociétés ultra violentes avec les femmes, il est parfaitement connu et documenté que les victimes de viol sont discriminées, pointées du doigt et exclues du groupe social. Cela sous le prétexte qu’il leur revient de s’assurer que rien de fâcheux ne leur arrive. Comme si elles pouvaient être tenues responsables des actes posés par des agresseurs. Cet état de fait pèse comme un poids permanent sur la santé mentale de toutes les femmes togolaises et sa stabilité mais encore davantage s’agissant des victimes.
En conséquence, il est bien évident que lorsque des victimes de viol sont exposées à un environnement ultra violent à leur égard, véhiculant des représentations fausses, dégradantes et humiliantes à leur endroit, il existe des processus sociaux de re-victimisation qui obèrent leurs possibilités de sortie du trauma. En effet, cela met à feu la totalité des troubles dont elles souffrent voire fixe les traumatismes de manière quasi irréversible. Ces représentations erronées équivalent à une réédition de leur propre traumatisme pour certaines et/ou à des traumatismes cumulatifs pour d’autres. La prise en charge psychologique et psychiatrique s’en trouve particulièrement mise à mal. Nous sommes donc toutes et tous responsables par nos paroles, nos actes, nos pensées, nos représentations de l’aggravation ou non de leur état. Au surplus, on ne peut valablement pas leur demander de se sentir coupables d’un crime qu’elles ont subi ni dans la réalité ni même dans une fiction quel que soit l’angle que le cinéaste ait voulu adopter pour évoquer ce sujet. Ainsi il n’est pas pensable de laisser développer des supports cinématographiques qui ruinent les efforts de ces femmes pour se remettre de leurs traumatismes, pas plus que de ruiner les efforts consentis par le gouvernement et toutes les organisations des droits humains concernant cette question.
En derniere analyse, nos sociétés sont héritières de traumatismes graves dont l’exacerbation de la violence à l’égard des personnes vulnérabilisées est symptomatique. Il nous appartient de faire un travail urgent sur nous-mêmes et de freiner tout comportement visant à porter atteinte à notre dignité humaine et particulièrement à l’intégrité de nos corps. Pour ce qui concerne le viol des femmes, il est implicitement et explicitement autorisé par la permissivité de nos sociétés aux traitements dégradants à l’égard des femmes. Il est autorisé par l’idée de la domination d’un genre humain sur un autre genre humain lui octroyant des privilèges de droits divins. Il est autorisé par le rapport de force existant entre les hommes et les femmes glorifié et valorisé dans des productions culturelles (tel que le cinéma) ou des traditions qui tardent à disparaitre. Il est autorisé par l’idée généralement admise que le corps des femmes est à la libre disposition des hommes mais qu’elles sont responsables de ce qui leur arrive. Il est encore autorisé par l’idée répandue d’une pulsionnalité masculine conquérante, violente et sans limite au risque de l’homosexualité. Il est autorisé par l’idée qu’une jeune fille/femme par sa vêture, ses fréquentations, son travail ou tout autre velléité d’indépendance est responsable du viol qu’elle subit. Il est autorisé par l’indifférence réservé aux crimes et délits commis contre des femmes et des filles. Il est autorisé par le sensationnalisme des médias qui exposent les victimes plus que les auteurs. Il est autorisé par la clémence réservée à ces actes quand ils arrivent devant nos juridictions. Il est enfin autorisé parce que la sociologie, depuis les années 70, ne cesse de rappeler derrière le concept de culture du viol.
Si nous ne voulons pas assumer que nos sociétés promeuvent le viol, il nous faut travailler tous ensemble à éradiquer tout comportement, toute idée, toute croyance, toute norme sociale qui encourage implicitement ou explicitement le viol. C’est pour toutes ces raisons que nous demandons solennellement, nous toutes féministes africaines, le retrait du film Mea culpa du concourt du court-métrage de l’édition togolaise du salon du cinéma au féminin.
Naya Nakeba Yamina Goudiaby, étudiante en droit, féministe radicale
Elgas, journaliste et écrivain
Jean Noël Mabiala, PhD en sciences du langage – Président fondateur du centre de recherche et de formation FC-ONLY, spécialiste des questions d’interculturalité et du rapport à l’autre
Pour les Pays-Bas
Loes Oudenhujisen, doctorante en études africaines, Féministe