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4 mai 2025
Société
NOUS, AFRICAINS, DEVONS AUSSI ASSUMER NOTRE RESPONSABILITÉ DANS L'ESCLAVAGE
Avec « Expression(s) décoloniale(s) », le château des ducs de Bretagne invite l’artiste béninois Romuald Hazoumé et l’historien ivoirien Gildas Bi Kakou à poser un nouveau regard sur ses collections et la traite transatlantique
Jeune Afrique |
Léo Pajon |
Publication 24/05/2021
La démarche est assez neuve en France, et prête le flanc à la polémique. Mais elle est totalement assumée. « Longtemps, nous avons abordé la traite et l’esclavage avec les outils des historiens, dans leur dimension politique, économique, sociale… Mais il manquait la dimension humaine, pose Krystel Gualdé, directrice scientifique du Musée d’histoire de Nantes.
Le Rijksmuseum, à Amsterdam, a eu de l’avance en proposant un travail de décolonisation des collections, en mettant l’émotion, l’empathie, au cœur du musée grâce à l’intervention d’artistes contemporains. Quand on avait ligoté les esclaves, ensuite, on les faisait taire. On les a empêchés de raconter l’horreur. Comme au Rijksmuseum, ici, un artiste comme Romuald Hazoumé est une passerelle entre ce passé douloureux et notre présent. »
Une vingtaine de pièces de l’artiste, parfois démesurées, sont disséminées dans le château des ducs de Bretagne : depuis sa vaste cour jusque dans les salles du musée d’Histoire. Mais l’évocation se fait parfois par petites touches.
Dans une pièce consacrée à la traite atlantique, l’artiste béninois diffuse par exemple une simple bande son. Ce sont les voix d’hommes et de femmes, des chants, des gémissements, qui disent la peur et la maladie sur le bateau qui les arrache à l’Afrique.
Elles s’ajoutent au coffrage en bois de la salle, évoquant l’entrepont d’un navire négrier. À une gravure présentant le bateau nantais la Marie-Séraphique, et la manière dont on y entassait plus de 300 esclaves. Aux menottes qui les entravaient, aux matraques utilisées pour les réduire au silence. Ou aux armes offertes par les négociants à leurs intermédiaires africains.
Réalité longtemps tue
Il faut tous ces éléments, ces textes, ces objets, ces maquettes, ces voix humaines pour faire resurgir une réalité longtemps tue. Nantes fut le premier port négrier de France, assurant plus de 42 % des départs d’expéditions de traite entre 1707 et 1793. L’abolition de l’esclavage, en 1848, marque définitivement la fin du trafic d’êtres humains.
Comme l’explique Krystel Gualdé, « la ville n’a pas été dans le déni face à son histoire coloniale, mais a longtemps tenté de l’occulter, en mettant par exemple en avant son passé de résistante pendant la seconde guerre mondiale. » Au-delà de la cité portuaire, c’est tout le pays, selon elle, qui a encore du mal à affronter la période coloniale, l’histoire de la colonisation étant encore insuffisamment enseignée ou connue. Bertrand Guillet, directeur du musée, ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme vouloir sortir « du carcan du roman national. »
L'État réceptionnera le 16 juillet prochain un nouvel avion de commandement A320neo neuf acquis auprès de la compagnie Airbus en remplacement de l'A319 devenu vétuste selon le porte-parole du gouvernement, Oumar Guèye
Le Sénégal réceptionnera, le 16 juillet prochain, un nouvel avion de commandement présidentiel A320neo neuf acquis auprès de la compagnie Airbus, a annoncé le ministre porte- parole du gouvernement, Oumar Guèye.
Dans un communiqué transmis à l’APS, il précise que ce nouvel appareil a été acheté en remplacement de l’appareil A319, fabriqué en 2001. Celui-ci avait été acquis en seconde main en novembre 2010, avant d’être mis en service en mars 2011.
Il indique qu’après ’’deux décennies d’opérations, l’A319 est devenu vétuste, nécessitant de fréquentes et onéreuses visites techniques, et par conséquent de longues périodes d’immobilisation et des dépenses de location d’aéronefs pour assurer les missions présidentielles’’.
Selon lui, ’’dès lors, il est apparu judicieux de mettre en vente l’ancien aéronef et d’acquérir un appareil neuf, plus économe en carburant et plus performant par son rayon d’action’’. Une telle option permet, à l’en croire, de réduire ‘’considérablement les charges de maintenance et d’exploitation ainsi que les dépenses liées aux escales techniques’’.
Il rappelle que ’’conformément au contrat d’achat signé en juin 2019, le paiement du nouvel appareil a été effectué en échéances, dont la dernière est prévue à la date de la livraison’’.
LE DRAME DES ENFANTS PERDUS DE CEUTA
La petite enclave espagnole se dit incapable d’apporter seule l’aide nécessaire aux centaines d’enfants qui débarquent sur son territoire. Un jeune migrant a ainsi tenté vendredi de se pendre avec un câble métallique. Il a été ranimé de justesse
Quelques jours après l’arrivée massive d’au moins 8000 migrants en provenance du Maroc voisin, la petite enclave espagnole de Ceuta se dit incapable d’apporter seule l’aide dont ont besoin des centaines d’enfants et d’adolescents encore présents, dont beaucoup errent dans les rues.
L’une des membres du gouvernement de cette ville autonome, María Isabel Deu, a déclaré, vendredi à la presse, que le nombre de migrants arrivés depuis lundi matin était compris «entre 8000 et 10 000». «Il semble que 6600 sont repartis pour le Maroc», ajoutait-elle. Des responsables gouvernementaux avaient estimé que parmi les migrants arrivés, environ 1500 avaient moins de 18 ans, mais Mme Deu a assuré que la municipalité ne pouvait confirmer ce chiffre.
A cela s’ajoute la difficulté, dans ce genre de situation, de déterminer l’âge exact des jeunes migrants.
Vendredi, 438 enfants et adolescents étaient enregistrés dans deux centres municipaux, où ils étaient hébergés et nourris après avoir été testés pour la Covid-19, et un troisième centre était en voie d’aménagement, a indiqué Mme Deu. Mais beaucoup d’autres, sans doute des centaines, déambulaient dans les rues, dormant à la belle étoile dans des parcs ou sur des bancs. La quasi-totalité n’ont pas d’argent et ne parlent pas un mot d’espagnol.
Certains sont venus seuls, alors que d’autres ont franchi la frontière avec des amis ou des frères plus âgés. La plupart sont des garçons, des adolescents ou des jeunes gens ayant une vingtaine d’années. Parfois, le désespoir l’emporte. Un jeune migrant, dont l’âge n’est pas connu, a ainsi tenté vendredi de se pendre avec un câble métallique sur la promenade de Ceuta. Il a été ranimé d’extrême justesse par la police, alertée par un passant.
«On n’y arrive pas»
Les autorités de cette petite ville de 84 000 habitants ont admis qu’elles étaient dépassées par la situation et appelé les 17 régions du pays à faire preuve de solidarité. «On n’y arrive pas, il y a trop d’enfants», avait lancé dans la semaine un autre membre du gouvernement local, Carlos Rontomé Romero. «Nous sommes la frontière, nous sommes la digue, mais nos capacités sont limitées. Nous sommes une petite ville de 19 km», c’est très difficile «d’absorber toutes ces personnes», déclarait-il dans une interview à la radio nationale espagnole. Depuis, 200 mineurs non accompagnés, qui se trouvaient déjà hébergés à Ceuta, ont été répartis dans diverses régions d’Espagne afin de faire de la place pour les nouveaux arrivants. Les ONG disent être elles aussi dépassées par l’étendue des besoins à Ceuta.
«Aucune ONG, ni l’Etat espagnol, ni aucun Etat européen ne pourrait faire face à cette quantité de personnes», affirme Abdessalam Mohammed Hussein, responsable de l’ONG locale Alas Protectoral (Ailes protectrices). Beaucoup de ces jeunes disent que leurs parents ne savent pas où ils sont. «Ma mère doit être très inquiète maintenant, parce que j’étais le seul qui ramenait de l’argent pour permettre à la famille de manger», confie, à l’AFP, Omar Luriaghri, qui dit être âgé de 16 ans. Il ne peut même pas l’appeler, car elle n’a pas de téléphone. Son rêve, dit-il, est «de travailler ici comme balayeur».
Retrouver les parents
La priorité de la ville est de retrouver les parents. Elle a donc ouvert jeudi une «hotline», qui a reçu «plus de 4400 appels» en 24 heures, a précisé Mme Deu. «Nos équipes travaillent sans relâche pour trouver les familles et assurer le retour immédiat de l’enfant, parce que c’est ce que les parents et les enfants veulent», a-t-elle déclaré.
«Beaucoup pleurent et veulent rentrer chez eux depuis leur arrivée.» Mais les choses ne sont pas si simples, car la loi interdit qu’un mineur soit renvoyé dans le pays d’où il vient sans que sa situation soit évaluée avec soin. «Renvoyer des enfants n’est pas légal et ne peut pas être toléré», avertit Ricardo Ibarra, responsable d’une association qui regroupe des ONG dans le domaine de la défense des droits des enfants. Il dit craindre que certains jeunes soient refoulés sans bénéficier des protections prévues par la loi. Car le cas de chaque mineur doit être examiné individuellement pour déterminer «s’il est préférable de le renvoyer ou qu’il reste en Espagne», a précisé, à l’AFP, l’avocat Albert Pares Casanova.
C’est le gouvernement espagnol «qui décide en dernier ressort s’ils doivent partir ou peuvent rester», a-t-il ajouté. Un porte-parole du ministère espagnol de l’Intérieur a assuré à l’AFP que tous les retours de migrants se faisaient dans le respect des procédures prévues par la loi. Mais il a aussi indiqué ne pas avoir de détails sur les âges des personnes renvoyées au Maroc.
LE PROJET DE SUPPRESSION DES VILLES N’EST PLUS D’ACTUALITÉ
Le projet de suppression des villes comme Dakar n’est plus d’actualité. Le coordonnateur de la cellule de communication de Benno Bokk Yakaar (BBY), Papa Mahawa Diouf, fait la précision devant le Jury du dimanche (JDD), ce 23 mai. Il en veut pour preuve : "si on écoute en tout cas l’agenda du gouvernement, il y a eu un découpage qui a été évoqué et proposé et qui doit permettre, dans Dakar, de rationnaliser un peu l’aménagement du territoire, de réparer quelques injustices politiques historiques notamment sur Keur Massar (érigé en département), mais également dans la zone de Sangalkam. D’ailleurs, les discussions continuent avec les populations qui ont quelques aspirations sur certaines localités, qui veulent devenir des communes, semble-t-il."
Poursuivant, il nie mordicus tout subterfuge visant un transfert d’électeurs en vue des locales du 23 janvier 2022.
"Ce qui est important, je pense, c’est de se rendre compte que globalement, dans cette réforme, quand on prend Keur Massar (érigé en département), il n’y a pas le moindre doute mais quand on constate aussi les incohérences territoriales, c’est évident qu’il fallait rationnaliser. Plusieurs communes y compris Bambilor et Diamniadio vont se retrouver pratiquement avec les mêmes superficies. Il y avait aussi des réajustements qu’il fallait faire avec Yenne et Diamniadio. Il y avait un travail sérieux d’aménagement. C’est cette vision qui est en train d’être mise en œuvre."
Pourquoi Dakar d’abord ? "Il faut bien commencer quelque part", minimise l’apériste.
LE SÉNÉGAL SOIGNE SON ENTRÉE
L’équipe du Sénégal a battu celle de l’Ouganda 5-1, soignant ainsi son entrée dans la Coupe d’Afrique des nations de beach soccer qui s’est ouverte ce dimanche à Saly Portudal
Dakar, 24 mai (APS) – L’équipe du Sénégal a battu celle de l’Ouganda 5-1, soignant ainsi son entrée dans la Coupe d’Afrique des nations de beach soccer qui s’est ouverte ce dimanche à Saly Portudal.
Logé dans le groupe A réduit à trois avec le retrait de la RD Congo, le Sénégal fera sa deuxième sortie contre la Tanzanie.
Dans le groupe B, le Mozambique a battu l’Egypte 7-5.
PAR Tierno Monénembo
LES RÉPUBLIQUES HÉRÉDITAIRES
À Brazzaville, si tout se passe bien un Sassou Nguesso en remplacera un autre. Au Cameroun, la candidature de Franck Biya n'est plus un tabou. En Guinée équatoriale, on ne voit personne d'autre pour succéder à Teodoro Obiang Nguema que son fils
En Afrique, parler de tribalisme est un abus de langage. Ç'aurait été merveilleux si nos dirigeants pratiquaient un véritable tribalisme : ils auraient au moins réglé les problèmes d'une partie de la population. En vérité, la politique chez nous n'est pas une affaire de tribu, c'est une affaire de famille. La mort du maréchal Idriss Déby, et son remplacement quasi automatique par son fils, en est un indéniable révélateur. Idriss Déby n'est pas un cas isolé, même si on a appris avec stupeur que son clan détenait à lui seul tous les leviers économiques et politiques du pays.
Les méfaits de la parentèle
À une ou deux exceptions près, tous nos dirigeants sont vulnérables aux terribles méfaits de la parenté. La famille est une chose forte, une chose irrationnelle devant laquelle nous sommes tous impuissants. Surtout en Afrique où, nombreuse et impérative, elle se mêle de tout, décide de tout. Houphouët-Boigny savait ce qu'il faisait quand, dès le début de l'indépendance de la Côte d'Ivoire, il a chassé ses enfants du terrain de jeu politique. À l'inverse, ce sont les méfaits du clan familial qui ont eu raison de Sékou Touré. Ce sont ses frères et ses sœurs, ses cousins et ses neveux qui l'ont réduit au rang vil de dictateur sanguinaire, lui qui fut la figure charismatique du « Non » à de Gaulle.
De plus en plus contesté aussi bien au sein du peuple qu'au sein de son propre parti, il crut bien faire, à partir de 1967 de remplacer et son parti et son gouvernement par sa famille avec les désastreuses conséquences que l'on sait.
CES TURBULENTES PIONNIÈRES AFRICAINES OUBLIÉES DE L'HISTOIRE
Dès les années 1930, des Africaines en avance sur leur temps se sont imposées dans des bastions farouchement masculins. Géraldine Faladé Touadé ranime le souvenir de ces pionnières injustement méconnues dans un essai remarquable
Jeune Afrique |
Clarisse Juompan-Yakam |
Publication 23/05/2021
Madeleine Ly, Marie Madoé Sivomey, Jeanne Martin Cissé, Sita Bella… Ces noms de femmes n’évoquent rien pour certains d’entre vous ? Ils devraient pourtant. Médecin, maire, institutrice ou journaliste, elles ont été des pionnières dans leur domaine dès les années 1930, dans des bastions jusque-là réservés aux hommes. L’ancienne journaliste Géraldine Faladé Touadé leur rend hommage dans un essai paru en septembre dernier aux éditions Présence africaine : Turbulentes ! Des Africaines en avance sur leur temps.
À 86 ans, celle qui se présente comme une « passeuse de mémoire » dresse le portrait de dix-sept « combattantes » déterminées, anticonformistes, qui ont fait bouger les lignes malgré les obstacles et parfois au péril de leur vie. À défaut d’en faire leurs modèles, Géraldine Faladé aimerait que les jeunes générations découvrent ces femmes injustement méconnues, et sachent ce qu’elles ont enduré pour leur ouvrir la voie.
Précurseuse du mouvement nappy
Première de ces guerrières placées sous les projecteurs, une « simple esthéticienne » : Josepha Jouffret, dite Josepha. « Dans les années 1960, les Parisiennes noires qui ne défrisent pas leurs cheveux dissimulent leurs tresses sous un foulard. Inconsciemment – ou peut-être pas –, elles s’ingénient à renier leur africanité. Josepha leur a appris à l’aimer et à l’assumer. Elle nous a donné envie d’être nous-mêmes », explique Géraldine Faladé Touadé.
Elle déroule ensuite la success story de cette femme née à la Martinique, mais qui se présentait toujours comme Guinéo-Sénégalaise : l’ouverture, audacieuse, au cœur du Quartier latin, du premier espace de beauté entièrement consacré à la femme noire ; la ruée du tout-Paris de la mode vers la rue Gay-Lussac, contribuant à la notoriété d’une adresse qui devient vite mythique ; la concurrence des géants de la cosmétique qui fleurent le bon filon…
À la puissance financière de ces derniers, Josepha oppose sa culture, son assurance et sa créativité. Sur les bâtons à lèvres, elle convoque le bleu et l’ambre en lieu et place du rouge écarlate, qui devient criard sur les peaux mates et alourdit les traits. Aux fonds de teint, elle attribue des noms évocateurs de peuples d’Afrique : bambara, peul… « Elle nous apportait glamour et style et nous cessions d’être des Africaines en peine. » Pour Géraldine Faladé Toundé, Josepha a ouvert la voie à la reconnaissance de la grâce particulière des femmes noires, et son mode de pensée est précurseur de mouvements d’aujourd’hui, tel le nappy.
Une des premières sage-femme d’Afrique francophone
Autre portrait marquant, celui d’Aoua Kéita, femme aux talents multiples et au caractère de feu. Son carburant ? D’abord son père, qui l’a toujours soutenue. Puis son mari, qui l’éveille à la politique avant leur séparation – la pression familiale aura raison de leur couple sans enfants. Et sans doute aussi, les déboires qu’elle rencontre sur son chemin. Née dans le Bamako colonial de 1912, Aoua Kéita est destinée à être mère au foyer. Son père l’inscrit en secret à l’école, contre l’avis de son épouse, qui tente de freiner l’enthousiasme de la gamine.
Le président du Centre africain de la nouvelle économie est l'invité de Baye Omar Gueye sur Sud FM.
À PERPIGNAN, LE RÊVE FRANÇAIS BRISÉ DES MIGRANTS
Quand depuis l'Espagne ils aperçoivent enfin Cerbère, village fouetté par les vents marins, le "rêve français" semble si proche. Mais pour beaucoup de ces hommes et femmes venus d'Afrique au péril de leur vie, le désenchantement opère rapidement
Perpignan - Quand depuis l'Espagne ils aperçoivent enfin Cerbère, paisible petit village fouetté par les vents marins, le "rêve français" semble si proche. Mais pour beaucoup de ces hommes et femmes venus d'Afrique au péril de leur vie, le désenchantement opère rapidement.
Apied ou en train, parfois cachés dans des camions, le passage le plus emprunté par les migrants à la frontière franco-espagnole a longtemps été du côté du Pays Basque.
Mais depuis 2020, ils sont toujours plus nombreux à tenter la traversée plus à l'est, par les Pyrénées-Orientales, selon la Police aux frontières (PAF). Sollicitée à plusieurs reprises, la préfecture n'a donné aucun chiffre.
La mine grise et le regard las, Nasser*, un trentenaire algérien arrivé en France il y a quatre mois, accepte de raconter son histoire à l'AFP depuis un squat de fortune où il survit à Perpignan.
Avec le départ au printemps 2019 de Bouteflika, président de l'Algérie durant 20 ans, "on a cru que nos vies s'amélioreraient", confie-t-il. Un espoir vite douché.
Pour cet ancien maçon ayant participé aux marches hebdomadaires du mouvement antirégime Hirak, la route de l'exil est ainsi devenue une évidence: "Pour offrir un avenir meilleur à ma fille", restée en Algérie.
"J'ai déboursé l'équivalent de 3.000 euros pour faire la traversée en zodiac jusqu'à Almeria en Espagne. On a failli y passer plusieurs fois. Depuis, j'ai l'impression d'être un peu mort", détaille-t-il péniblement, les yeux rivés sur une barquette de couscous froid.
"Je ne suis pas venu en France mendier. Je rêvais uniquement de pouvoir travailler honnêtement. Mais il n'y a rien pour nous ici, rien", constate amèrement Nasser.
Dans la cité catalane, le trentenaire erre de squat en squat, après avoir dormi à la rue. A la nuit tombée, il rejoint une dizaine d'autres "harragas" (migrants clandestins, ndlr) près d'un terrain vague à la sortie de Perpignan, où ils partagent cigarettes, bons plans et souvent des silences lourds.
- "Nouvelle route" -
Comme lui, ils sont 40.106 migrants, d'Afrique du Nord et subsaharienne principalement, à avoir atteint par la mer les côtes espagnoles en 2020, contre 26.168 l'année précédente, soit un bond de plus de 53%, selon l'Organisation internationale des migrations (OIM).
Dans son village frontalier de 1.300 âmes, le maire de Cerbère Christian Grau a lui aussi ressenti en 2020 une "importante augmentation du flux migratoire".
"Des groupes de 20, 30, parfois jusqu'à 50 migrants arrivaient jour et nuit" au village, dit-il à l'AFP.
Un an plus tard, et avec le renfort de policiers et gendarmes aux points de passages promis en novembre par le président Emmanuel Macron, la traversée se fait désormais plutôt en solo.
T-shirt rouge et sac noir en bandoulière comme seul bagage, un homme d'une vingtaine d'années a réussi à éviter les contrôles et presse le pas sur une route fendant les collines de Cerbère.
Il demande un peu d'eau à un touriste en camping-car, puis le chemin de la gare, constate un photographe de l'AFP lors d'une journée ensoleillée de mai.
L'extrémité sud de la côte Vermeille "est une nouvelle route pour les migrants, c'est sûr", affirme M. Grau.
Et à Perpignan, plus grande ville de France dirigée par le parti d'extrême droite Rassemblement national (RN), le maire Louis Aliot évoque "plusieurs dizaines d'étrangers clandestins qui pénètrent chaque jour sur notre sol" depuis l'Espagne, dans une lettre adressée en novembre à M. Macron.
Les associations aidant les migrants disent, elles, se sentir "dépassées" depuis un an.
"On n'arrive plus à aider tout le monde. Avant on distribuait 40 repas par jour, aujourd'hui on en est à plus de 200", témoigne Fatouma M. H., vice-présidente de l'association Au coeur de l'humanité 66.
Infatigable, la jeune femme transporte tous les soirs sur son tricycle des dizaines de repas aux personnes sans-abris de Perpignan, "harragas fraîchement débarqués ou SDF avec des problèmes d'addiction".
- "Certaine candeur" -
A la Cimade, association défendant le droit des réfugiés et migrants, Jacques Ollion explique "l'importante hausse du nombre d'arrivées" ces derniers mois, notamment d'Algérie, par "l'inaction du gouvernement (local) qui a douché les espoirs d'une jeunesse désespérée".
Depuis quelques mois, grèves, augmentation du chômage et paupérisation s'ajoutent dans ce pays d'Afrique du nord à une profonde crise économique née de la chute de la rente pétrolière et aggravée par la pandémie de coronavirus. Le salaire minimum stagne à un peu plus de 125 euros.
Le responsable local de la Cimade pointe néanmoins une "certaine candeur" des nouveaux arrivants, "sans véritable projet construit".
Yassine*, un menuisier algérien de 28 ans, à Perpignan depuis neuf mois, se sent "pris au piège".
"On nous traite de voleurs, alors que la seule chose dont on rêve est d'avoir un emploi. Chez moi, j'étais au chômage et on m'avait dit qu'il y aurait du travail ici. Où ? Quel travail ? Je ne trouve rien", murmure le jeune homme.
Yassine comme "bien d'autres +harragas+" à la rue réfléchit sérieusement à un moyen de faire le voyage en sens inverse.
"Ils se rendent compte qu'ils sont condamnés à une vie de clandestinité. Ce constat d'échec est un moment très difficile, vis-à-vis d'eux-mêmes, de leur famille, mais aussi des autorités puisqu'un migrant illégal qui revient en Algérie peut être condamné à une peine d'emprisonnement", souligne M. Ollion.
Pour retourner "au bled", il leur semble donc inenvisageable d'emprunter les routes "légales", même si Alger vient d'annoncer l'ouverture partielle de ses frontières en juin, fermées depuis plus d'un an à cause de la crise sanitaire.
Il leur faudra donc, une nouvelle fois, recourir à des passeurs, et une nouvelle fois, risquer leur vie.
* Les prénoms ont été changés
AKON CITY AU POINT MORT
Les travaux de la première phase du projet porté par Akon devaient démarrer au 1er trimestre 2021. Mais jusqu’ici, rien n’a été fait. Les habitants de la zone s’interrogent
Le rappeur américain d’origine sénégalaise Akon avait lancé officiellement ce projet pharaonique le 31 août dernier, à Mbodiène, à une centaine de km au sud de Dakar. Objectif : faire sortir de terre « une ville africaine du futur », écologique, avec une architecture audacieuse, des hôtels, un centre d’affaires, un hôpital… Coût total estimé : 6 milliards de dollars. Les travaux de la première phase devaient démarrer au 1er trimestre 2021. Mais jusqu’ici, rien n’a été fait. Les habitants de la zone s’interrogent.
La première pierre, posée il y a près de 9 mois, est toujours là. Mais rien de plus sur le site. Pas de travaux ni d’ouvriers. Seulement des bergers nomades installés à proximité. Le chef du village de Mbodiène, Michel Diome, était enthousiasmé par le projet. Aujourd’hui, il attend du concret. « On a fait la pose de la première pierre et jusqu’à présent, on a pas de renseignement, rien du tout. C’est une promesse qu’on attend. »
Assis à l’ombre dans la cour de sa maison, Jean Marie Diouf lui aussi attend les indemnisations prévues pour son terrain cédé à la SAPCO, la Société étatique d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal. « J’avais mon champ de huit hectares que je cultivais et ils m’ont proposé 972 000 francs. Et jusqu’à présent, on court après eux. On n’a pas reçu un franc. »