GUÉRÉO, UN PARADIS SI ENCLAVÉ
La colline est le tampon naturel avec la cité religieuse de Popenguine - Il est aussi le pont entre les deux villages fondés par des Lébous

Les premières maisons de Guéréo semblent offrir une disposition étagée sur les flancs de la colline Cap de Naz, appelée « Toundou Gorgui ». Sur cette élévation se trouve le génie titulaire qui veille sur le village où les prêtres ont fait escale lors de la quête de lumière qui les a conduits à Popenguine. Sur sa partie basse, entre les mangroves, les élévations et les dénivellations dunaires, de belles villas et des complexes hôteliers poussent comme les champions. Mais le village n’est pas encore sorti de l’auberge.
Sur la route de Popenguine en venant de Sindia, c’est à Kiniabour que l’on vire. C’est par une piste latéritique carrossable et jonchée de nids de poule longue de 7 km que se découvrent les habitats de Guéréo. Ces maisons sont bâties sur un sol rocheux sur le flanc de la chaine de collines. A partir de la place publique vaste et entourée de maisons, le regard sur la partie Nord Est, offre une disposition étagée des maisons sur le flanc de la colline appelée ici « Toundou Gorgui ». Sur la pointe la plus avancée de la mer, la colline est le tampon naturel avec la cité religieuse de Popenguine. Il est aussi le pont entre les deux villages fondés par des Lébous. « C’est ici que les prêtres se sont installés en 1880 avant de partir s’établir à Popenguine », raconte Lamine Dione.
Un nouveau pôle touristique en gestation
Leur escale et leur départ pour Popenguine font l’objet de deux interprétations. Pour certains, la lumière que les prêtres cherchaient se trouvait à Popenguine. Pour d’autres, le génie tutélaire de Guéréo est musulman. Ces genres d’interprétation foisonnent dans les livres de légendes en Afrique. En tout état de cause, c’est sur la cime de la colline Cap de Naz que se trouve le génie qui veille sur Guéréo, un village peuplé de musulmans. « Entre 1939 et 1945, c’est sur le sommet de la colline que les Alliés avaient installé leurs canons. C’est sur cette colline que se trouve le génie du village », rapporte Monsieur Diouf, un militaire originaire de Guéréo qui se promenait dans les abords.
Le relief n’est pas homogène. Loin du génie tutélaire, vers la lagune, un climat doux accueille les visiteurs. Les dunes sont coiffées par de belles villas. Des maisons roses avec une forme de case se distinguent au milieu d’une belle verdure sur la dune. En bordure de mer, d’autres villas à l’architecture exotique, avec des jardins et des arrière-cours verdoyants rappellent les résidences d’une bourgeoisie. « La plupart de ces maisons appartiennent aux Libanais. Certains viennent uniquement pour passer le week-end. Nous assistons à une vente des terrains.
Beaucoup de personnes viennent ici pour en chercher », explique Ibrahima Faye, dans l’arrière-cour d’une villa aux portes et fenêtres encadrées dans des briques en terre battue, aux lignes tanguant entre l’architecture nubienne et les formes architecturales cubiques. Le village de Guéréo est resté longtemps isolé du fait de l’inexistence de routes praticables. Ce terroir qui regorge de ressources halieutiques, de sites historiques et de belles plages est devenu depuis quelques temps une destination privilégiée pour gens nantis. Avec ses atouts géographiques qui lui confèrent une proximité avec la capitale, Gueréo a de quoi attirer des gens en quête de calme. D’imposantes villas inoccupées. Des maisons vite transformées en hôtels les week-end. « Ceux qui ont acquis des terrains construisent des maisons de repos exclusivement consacrées à leur famille et aux amis », relève Modou Ndione. Il est le jardinier, en même temps gardien de cette belle demeure située en bordure de mer.
Des maisons inhabitées en bordure de mer
« Les propriétaires sont des Libano-sénégalais », informe t-il. « La famille ne manque jamais l’occasion de venir se ressourcer ici pendant les week-ends », souligne-t-il. Un peu plus loin, des demeures du même standing sont visibles. Elles font toutes face à la mer. Certaines appartiendraient à des étrangers qui ne viennent au Sénégal qu’une fois par an, pour les vacances, informe Modou Ndione. Sur ces collines et près des vases, des villas sont éparpillées entre les élévations et les bas-fonds dunaires. Les résidents peuvent choisir soit d’orienter la devanture de leur maison vers la mer, soit vers la lagune. L’hôtel « Les Manguiers de Guéréo » est déjà en service. La construction d’un autre complexe a été suspendue. On invoque les risques potentiels de perturbations des écosystèmes. « Le village s’agrandit. Mais son potentiel économique est sous-exploité. A Guéréo, nous avons l’avantage d’avoir une vue sur la mer et sur la lagune », se vante le chef de village, Diallo Ndione. Ses ancêtres, les fondateurs, sont originaires du Baol. Tous étaient des musulmans sauf Gana Ndione. C’était au XIV ème siècle.
Si le village est sorti de l’obscurité, il souffre encore de son enclavement. Les préjudices sont énormes. C’est le cœur empli d’émotion que le chef de village ouvre cette triste page de l’histoire.
« De Toubab Dialaw à la Pointe de Sangomar, c’est le seul village de la Petite Côte qui n’a pas de route goudronnée. Nos pêcheurs préfèrent aller s’installer à Palmarin ou Joal où ils peuvent écouler plus facilement leurs poissons. Nous avons plus de 150 pirogues. Une boulangerie moderne avait ouvert ses portes ici. Le propriétaire versait près de 2 000 000 de francs Cfa de salaire aux fils du village. Mais il était obligé de fermer parce que ses voitures de liaison avaient une durée de vie qui ne lui permettait pas d’amortir ses investissements », regrette le chef de village.
Les villageois ont décidé de prendre leur destin en mains.
Du moins si les autorités ne tiennent pas leurs promesses de construction de la route au plus tard au mois d’avril 2018. « Lors de notre dernière réunion, les fils du village ont décidé que chacun donne au moins un sac de ciment. Nous avons pris la décision de construire notre route avec les moyens de bord », dévoile le chef de village. Au plan sanitaire, Guéréo n’est pas mieux loti. La première structure sanitaire de référence pour les 17.500 habitants est un dispensaire si l’on se fie au chef de village. Pourtant Guéréo est devenu aujourd’hui par la force des choses un nouveau pôle touristique.