LE DISCOURS VISIONNAIRE DE MALCOLM X EN AFRIQUE
En 1964 lors du sommet de l’OUA au Caire, il tentait de sensibiliser ses « frères africains » aux discriminations vécues par les Afro-Américains. Un discours qui préfigurait l’émotion africaine ressentie, 56 ans plus tard, autour de l’affaire George Floyd

En 1964, lors du sommet de l’OUA au Caire, Malcolm X tentait de sensibiliser ses « frères et soeurs africains » aux discriminations vécues par les Afro-Américains. Un discours qui préfigurait l’émotion africaine ressentie, 56 ans plus tard, autour de l’affaire George Floyd…
Six jours après le meurtre de Georges Floyd, cet Afro-Américain de 46 ans, père de deux enfants, mort étouffé sous le genou d’un policier blanc de Minneapolis, le président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, condamnait fermement ce « meurtre survenu (…) aux mains d’agents des forces de l’ordre » et présentait « ses plus sincères condoléances à la famille du défunt ainsi qu’à tous ses proches ».
Dans le même texte, le Tchadien rappelait qu’en 1964, l’Organisation de l’unité africaine – ancêtre de l’UA – avait adopté une résolution contre les discriminations raciales, aussi bien en Afrique du Sud, qu’en Rhodésie ou aux États-Unis.
Concernant les Etats-Unis, l’OUA rappelait alors que « l’existence de pratiques discriminatoires est un sujet de profonde préoccupation pour les États membres de l’OUA », exhortant « les autorités gouvernementales des États-Unis d’Amérique à intensifier leurs efforts pour assurer l’élimination totale de toutes les formes de discrimination fondées sur la race, la couleur ou l’origine ethnique. »
Durant ce sommet de juillet 1964, Malcolm X, le leader emblématique de la lutte pour les droits et la dignité des Afro-Américains, avait été invité, en tant qu’observateur, pour tenir un poignant plaidoyer panafricain sur les discriminations dont étaient alors victimes, sur l’autre rive de l’Atlantique, les Afro-Américains.
Un discours radical et visionnaire que Jeune Afrique exhume aujourd’hui :
Excellences,
L’Organisation de l’unité afro-américaine m’a envoyé afin d’assister à cette conférence historique du Sommet africain, en tant qu’observateur, afin de représenter les intérêts des 22 millions d’Afro-Américains dont les droits humains sont quotidiennement violés par le racisme des impérialistes américains.
L’Organisation de l’unité afro-américaine a été créée par un échantillon représentatif de la communauté afro-américaine d’Amérique et elle est calquée, aussi bien par la lettre que par l’esprit, sur l’Organisation de l’unité africaine.
Tout comme l’Organisation de l’unité africaine a appelé tous les dirigeants africains à surmonter leurs différences et à s’unir autour des mêmes objectifs, pour le bien commun de tous les Africains, l’Organisation de l’unité afro-américaine a appelé, en Amérique, les dirigeants afro-américains à surmonter leurs différences et à trouver des terrains d’entente à travers lesquels ils pourraient travailler ensemble, pour le bien commun des Afro-Américains.
Étant donné que ces 22 millions d’Afro-descendants résident maintenant en Amérique, non par choix, mais uniquement par un cruel accident de notre histoire, nous croyons fermement que les problèmes africains sont nos problèmes et que nos problèmes sont des problèmes africains.
Nous croyons également qu’en tant que chefs des États africains indépendants, vous êtes les bergers de tous les peuples africains, partout dans le monde, qu’ils se trouvent encore sur la terre-mère ou qu’ils aient été dispersés outre-mer.
Certains dirigeants africains présents à cette conférence ont laissé entendre qu’ils rencontraient suffisamment de problèmes pour avoir à se préoccuper de la question afro-américaine.
Avec tout le respect que je dois à ces prises de position, que je respecte, je dois vous rappeler à tous qu’un bon berger laissera chez lui 99 moutons qui sont en sécurité pour aller secourir celui qui s’est perdu et qui est tombé entre les griffes du loup impérialiste.
Chiens policiers vicieux
En Amérique, nous sommes vos frères et sœurs, perdus depuis longtemps. Et si je suis ici, c’est uniquement pour vous rappeler que nos problèmes sont vos problèmes. Alors que les Afro-Américains se réveillent aujourd’hui, nous nous trouvons sur une terre étrangère qui nous a rejetés. Et, tel le fils prodigue, nous nous tournons vers nos frères aînés pour obtenir de l’aide. Nous prions pour que nos supplications ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd.