Dans une vidéo diffusée sur YouTube le 22 juin 2014, Thierry Casasnovas, un vidéaste adepte du crudivorisme et du jeûne, affirme que cette dernière pratique guérit toutes les maladies.
Thierry Casasnovas dit faire profiter à ses auditeurs son « expérience personnelle » au titre de la « libre communication des pensées et des opinions ». Il soutient qu’il est prouvé que le jeûne est un remède pour guérir toutes les maladies.
Dans un article publié en mars 2019, intitulé « Guérir de tous les maladies ! le jeûne première médecine », le site Elishean au féminin publie une autre vidéo dans laquelle M. Casasnovas fait encore valoir le jeûne comme pouvant guérir des maladies.
Est-ce donc avéré ?
Qu’est-ce que le jeûne ?
Selon le dictionnaire Larousse, le jeûne est « l’arrêt total de l’alimentation, avec maintien ou non de la consommation d’eau. Une pratique religieuse consistant en une privation complète ou partielle de nourriture ».
Le prêcheur musulman Oustaz Assane Seck, qui officie sur la chaîne de télévision sénégalaise Sen TV et sur la radio privée Zik Fm, rappelle que le jeûne du mois de Ramadan, est « le quatrième des cinq piliers de l’Islam après la Chahada, (profession de foi), les cinq prières quotidiennes, l’aumône ou zakat.
Il est suivi par le « Hadji (pèlerinage à la Mecque)». Contacté par Africa Check, M. Seck explique que le jeûne consiste, pour les musulmans, à s’abstenir de manger, de boire, d’avoir des relations sexuelles du lever au coucher du soleil.
« Bref, se consacrer davantage à Dieu mais aussi, consacrer un temps fort à la vie de la communauté des croyants », poursuit-il.
Chez les Chrétiens, le jeûne c’est le Carême qui « est un temps de préparation à la fête de Pâques. Ce temps fait référence aux 40 jours que Jésus a passé dans le désert », explique à Africa Check Abbé Roger Gomis Vicaire à la Paroisse Epiphanie du Seigneur de Nianing (Mbour), sur la Petite Côte sénégalaise.
« Le jeûne consiste à se priver de toute nourriture et de toute boisson, éventuellement de relation sexuelle pendant 40 jours d’un coucher du soleil à l’autre », renchérit Abbé Roger Gomis.
« Chez nous le but recherché, c’est une cure spirituelle, le fait de maigrir ou d’obtenir une meilleure santé, peut être une conséquence », explique M. Gomis dont la paroisse dépend de l’archidiocèse de Dakar.
Aucune preuve scientifique
« Nous n’avons pas encore vu objectivement un miracle réalisé avec le jeûne en tant que remède », indique à Africa Check le Professeur Abdoulaye Leye, spécialiste en endocrinologie-métabolisme-nutrition.
Pour ce chef du service de médecine interne/endocrinologie diabétologie nutrition du Centre hospitalier national (CHN) de Pikine, il n’y a actuellement « aucune preuve scientifique démontrant que le jeûne est un remède (au sens médicament du terme) permettant de guérir une maladie bien identifiée (au sens connaissance médicale moderne des pathologies dans leurs aspects physiopathologiques, diagnostiques et thérapeutiques) ».
Des vertus pour la prévention
« Il est clair cependant que le jeûne participe à la préservation de la santé. Ne serait-ce que du fait que notre mode de vie actuel, sur le plan de l’alimentation, est caractérisé par des excès de toute sorte qui sont source de pathologies cardiovasculaires (athérosclérose et ses complications diverses) et métaboliques diverses (obésité, diabète, dyslipidémies, goutte) », soutient le Professeur Abdoulaye Leye.
« Donc si la prévention est un pan important de la thérapeutique, le jeûne a des vertus thérapeutiques pour ces pathologies chroniques », renchérit-il.
Le jeûne a plusieurs atouts sur la santé, explique à Africa Check le diététicien-nutritionniste Ciré Mady Fall.
« Il permet de reposer le système digestif, régénérer les cellules, équilibrer l’organisme, améliorer le système immunitaire, éliminer les toxines », poursuit le nutritionniste qui est d’avis que le jeûne peut aider à « perdre du poids mais surtout à éliminer les graisses ».
Dès l’instant que le jeûne équilibre l’organisme, enseigne Ciré Mady Fall, « c’est bénéfique alors pour certains troubles métaboliques tels le surpoids, l’hypercholestérolémie (correspond à une augmentation du taux de cholestérol) entre autres qui pourraient engendrer d’autres complications ».
« Cependant, pour les diabétiques il pourrait être dangereux de jeûner sans l’avis de leur médecin », tranche M. Fall.
« Certaines affections chroniques sont bien compatibles avec le jeûne », ajoute le Professeur Abdoulaye Leye. « Pour d’autres affections, le patient peut jeûner sous certaines conditions d’accompagnement. Enfin, il y a des affections sévères ou compliquées qui contre-indiquent formellement de jeûner et ceci de façon définitive », explique-t-il à Africa Check.
C’est ainsi que l’INSERM explique à l’endroit des patients que même si le jeûne est de plus en plus pratiqué par les Français et que les personnes qui le pratiquent sont satisfaites, « une satisfaction n’est pas une preuve d’efficacité ».
« Les preuves d’efficacité et de sécurité manquent pour conclure positivement », ajoute le document.
« Si son efficacité n’est pas prouvée, il semble être sans danger à court terme, s’il est encadré médicalement », indique l’institut.
« Empirisme et croyances sans vérification sérieuse »
Ce rapport de l’INSERM ne recommande pas le jeûne pour traiter un problème de santé, compte tenu des données de la science à l’heure actuelle.
« Les indications thérapeutiques du jeûne relèvent aujourd’hui d’un mélange d’empirisme et de croyances sans vérification sérieuse, même si des observations animales et cliniques laissent paraître de belles promesses », expliquent ces chercheurs, à l’endroit des décideurs.
Bref, pour cette expertise, les études disponibles actuellement sur l’intérêt thérapeutique du jeûne « sont trop peu nombreuses et souvent de mauvaise qualité méthodologique ».
« Bien que des présomptions d’effets bénéfiques du jeûne existent, il est essentiel de le démontrer scientifiquement par de nouvelles études plus adéquates et méthodologiquement solides », conseille le rapport.
Conclusion : Aucune preuve scientifique démontrant que le jeûne est un remède
Dans une vidéo diffusée sur le site elishean au féminin, un activiste fait croire que le jeûne est la « première médecine qui guérit toutes les maladies ».
Professeur Abdoulaye Leye, spécialiste en endocrinologie-métabolisme-nutrition, soutient qu’en l’état actuel, il n’y a « aucune preuve scientifique démontrant que le jeûne est un remède (au sens médicament du terme).
Un rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) basé en France, conclut que le jeûne n’est pas un remède miracle. Pour cette étude « les indications thérapeutiques du jeûne relèvent aujourd’hui d’un mélange d’empirisme et de croyances sans vérification sérieuse ».
PAR Jean-Marie François BIAGUI
DE LA SORTIE PUBLIQUE DE SALIF SADIO SANS SALIF SADIO
Une nouvelle dynamique est apparue dans la faction MFDC - Les autorités qui jouent la carte du pourrissement dans la gestion, ou plutôt la non-gestion, du conflit en Casamance, seraient bien inspirées de revoir leur copie
Jean-Marie François Biagui |
Publication 16/05/2019
Une « sortie publique de Salif Sadio » est à peine annoncée, que déjà la Toile s’agite. Elle s’affole même. Que pourrait-il bien vouloir offrir ? Ou simplement déclarer ?
Et tels les bookmakers à Londres, organisant les paris sur le sexe et le prénom d’un bébé qui promet pour bientôt sa naissance dans la famille royale, les experts ès-conflit casamançais se la jouent, et rivalisent en expertises. Et, comme en Grande Bretagne, où les parieurs n’ont droit qu’à deux cases, ‘‘Masculin’’ ou ‘‘Féminin’’, une troisième case, pour ‘‘Hermaphrodite’’ par exemple, étant là-bas littéralement absente à l’anglaise, chez nous, nos fameux experts en oublieront, pour leur part, que Salif Sadio peut ne pas se présenter en personne lors de sa « sortie publique » tant annoncée.
Et il ne s’y est pas présenté personnellement. Ses « lieutenants » se chargeront pour leur part de lui faire ‘‘dire’’, ou de lui faire ‘‘faire’’ ou ‘‘agir’’. Non sans faire rentrer,en l’occurrence, dans leurs droits, ou leurs frais, c’est selon, Robert Sagna avec son GRPC et ses nombreuses Associations et autres ONG satellites.
Déjà, en automne dernier, d’aucuns faisaient dire à Salif Sadio, sur les ondes de RFI, qu’ilserait, « aujourd’hui encore, à la recherche d’un « médiateur crédible » dans ce qui l’oppose à l’Etat sénégalais ». Et ce, alors même qu’il s’enorgueillissait d’avoir d’ores-et-déjà trouvé une telle pépite avec la Communauté Sant’Egidio, basée à Rome, en Italie.
Or, lors de la « sortie publique de Salif Sadio » sans Salif Sadio, il n’y aura pas de déclaration audio de celui-ci, encore moins de déclaration audio-visuelle de sa part. Quand on connaît l’homme et sa psychologie, cela est en soi un événement, ou, à tout le moins, cela fait événement. Mais, on va l’occulter ; on va même se refuser obstinément à lui donner sens. C’est un tabou. Et cela doit rester un tabou. Donc on se tait.
Ainsi, donc, Salif Sadio ne sera pas présent personnellement au 1er rendez-vous. Au 2nd rendez-vous, il remettra ça. Ses « lieutenants », aussi. Et l’affaire est jouée. Pour notre part, la lecture que nous faisons de la « sortie publique de Salif Sadio » sans Salif Sadio est sans équivoque : une nouvelle donne et, avec elle, une nouvelle dynamique sont apparues dans la faction MFDC (Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance) de Salif Sadio ; Avec ou sans Salif Sadio, la lutte continuera ;
Le « processus de Rome », jadis adulé par Salif Sadio lui-même, et si décrié de nos jours par ses « lieutenants », est dans une impasse ; et donc sans issue. C’est dire que les Autorités, qui jouent la carte du pourrissement dans la gestion, ou plutôt la non-gestion, du conflit en Casamance, seraient bien inspirées de revoir leur copie.
MULTIPLE PHOTOS
LETTRE F DU LEXIQUE DES SÉNÉGALAISERIES
Farbasenghorer : occuper des fonctions trop larges pour ses épaules ou sa petite tête - Exemple : Y en a qui croient dur comme fer que Macky Sall farbasenghore la présidence de la République depuis 2012
faadafreddyer : exporter son talent pour éviter la baolbaolisation ou que son talent se farbasenghore. Une manière de se bachirdiagner au plan artistique. Etymologie : de Faada Freddy, Abdou Fatha Seck de son vrai nom, qui forme un duo hip hop avec son pote d’enfance Ndongo D dans Daara Ji Family. Obligé d’enjamber les frontières pour que son talent immense puisse s’exprimer dans ses vraies dimensions. Après un album de gospels avec que des chœurs, des claquements de doigts et des bruits du corps, il s’apprête à sortir un album dont la musique se joue par des instruments fabriqués avec du matériel de récupération. Tout ceci n’étant pas très sénégalais, il s’éclate aux quatre coins du monde avec une petite préférence pour Paris.
Ex : si Souleymane Faye avait faadafreddyé, il n’en serait peut-être pas là à chanter des trucs pour plaire à Macky Sall.
Substantif : faadafreddyage. Exil d’un réfugié artistique.
fadiguer : chaparder, chiper. Etymologie : de Khalilou Fadiga, footbranleur international sénégalais, pilier de la fameuse « tanière » de 2002 qui accéda en quart de finale du Mondial Japon-Corée. Il se distingua plus souvent par ses frasques que ses exploits sportifs auxquels une arythmie cardiaque mit un terme prématuré, alors qu’il allait intégrer la vénérable institution italienne, l’Inter de Milan. Son plus haut fait glorieux restera le chapardage d’un bijou à Daegu, en Corée, à quelques jours de l’historique match d’ouverture de la coupe du Monde 2002 qui opposa la France au Sénégal.
Ex : son téléphone lui a été fadigué dans le bus sans qu’il ne s’en rende compte.
Substantif : fadigage. Menu larcin.
farbasenghorer : occuper des fonctions trop larges pour ses épaules ou sa petite tête. Etymologie : de Farba Senghor, ancien contrôleur des prix au ministère du Commerce, militant fantasque du PDS, revenu d’Italie selon ses dires auréolé d’un diplôme avec mention « élément hors du commun ». Mémorable exploit : en 2000, il déclencha le fou-rire du taciturne Idrissa Seck, alors tout puissant numéro 2 du PDS lorsqu’il déclara vouloir poser sa candidature pour être maire de Dakar. Et puis un beau jour, il fut nommé ministre par le Père Wade. La République venait d’être outragée. Depuis, elle n’est plus la vieille dame respectable devant laquelle le tout-venant présentait ses hommages déférents.
Ex : Y en a qui croient dur comme fer que Macky Sall farbasenghore la présidence de la République depuis 2012.
Substantif : farbasenghorade. Dégradation, dépréciation.
footbranler : mener tambour battant une double carrière de footballeur de jour et de fêtard la nuit en parallèle. Avec en plus d’une constante irrégularité aux entraînements, des bâtards et quelques faits divers pour corser la note. Etymologie : la contraction de football, le sport roi et de branler qui signifie selon les circonstances être paresseux ou se tripoter la quéquette. La liste serait trop longue, pensez donc : depuis Garrincha…
Ex : et tu crois que c’est en footbranlant comme ça que tu vas nous ramener la coupe d’Afrique ?
Substantif : footbranleur. Joueur de foot à l’hygiène de vie discutable.
VIDEO
LA GRIOTTE MALIENNE FACE À MACKY SALL
Le président qui volait le 14 mai à bord de la compagnie Air Sénégal International a reçu un mémorable hommage de la part d’une griotte malienne anonyme - La vidéo a fait le tour des réseaux sociaux
Le président Macky Sall qui volait le 14 mai à bord de la compagnie Air Sénégal International a reçu un mémorable hommage de la part d’une griotte malienne anonyme.
«Poullo gnamata gathié !», soit littéralement, «un peul ne mange pas la honte». Et la virtuose, gardienne de la transition, descendante de Djeli Kouyaté, de poursuivre : «Wallahi, vous êtes un président exemplaire».
La vidéo a fait le tour des réseaux sociaux.
BALOTELLI SE LÂCHE SUR LE COLONIASME
L’attaquant italien d'origine ghanéenne a publié sur Twitter ce jeudi un message politique à l’attention des "politiciens du monde entier" - Un coup de gueule contre les clichés véhiculés sur l’immigration africaine
Balotelli n’a pas la langue dans sa poche, ce n’est pas une nouveauté. Mais cette fois-ci le Marseillais, auteur de 8 buts en ligue 1 cette saison, est sorti du champ sportif pour s’inviter sur le terrain politique. Sur son compte Twitter, il a tenu à adresser un message contre la manière de traiter l’immigration africaine.
Ses paroles sont fortes. "Si vous ne vous étiez pas accaparé les richesses de l’Afrique durant des siècles il n’y aurait jamais eu aucune immigration depuis ce continent". Des mots qui interviennent dans une période d’élection européenne où l’immigration fait figure de thème majeur.
"L'Afrique est le continent le plus puissant et riche de la planète"
Et Balotelli ne s’arrête pas là: " L’Afrique est le continent le plus puissant et riche de la planète… Alors pourquoi des gens quittent leurs terres? Guerre? Maladie? Ignorance? NON!! Pauvreté! Comment l’Afrique peut être aussi pauvre en étant le continent le plus riche de la planète??? Tout le monde connaît la réponse mais c’est juste plus pratique de rester silencieux et de faire comme si de rien n’était ".
Originaire du Ghana de par ses parents biologiques, Balotelli est né à Palerme, avant d'être confié à une famille d’accueil à l'âge 3 ans. Victime de nombreux incidents racistes durant sa carrière, "Super Mario" dénonce régulièrement le climat xénophobe qui règne aujourd'hui dans de nombreux pays.
«LE NUMERIQUE, UN LEVIER D’ENTRAINEMENT DES AUTRES SECTEURS»
Directeur de l’Economie numérique et du partenariat au ministère de la Communication, des télécommunications, des postes et de l’économie numérique, Seth Sall analyse, dans cet entretien, les opportunités d’emplois du secteur numérique.
Il évoque aussi les contraintes qui pèsent sur l’environnement des startups et propose des pistes de solutions.
Macky Sall s’est engagé à créer un million d’emplois pendant son second mandat. Quelle peut être la contribution du secteur numérique ?
La contribution de l’économie numérique sera déterminante dans l’atteinte de cet objectif d’un million d’emplois. L’économie numérique est aujourd’hui érigée au rang de priorité avec une volonté politique affirmée par la haute autorité. Nous avons la chance d’avoir un président de la République qui a une pleine conscience des enjeux et opportunités qu’offre l’économie numérique. L’enjeu aujourd’hui pour le Sénégal est d’exploiter tout le potentiel dont regorge le digital pour booster la croissance économique et accélérer la création d’emplois. Cette option est reflétée dans le Plan Sénégal émergent (Pse) qui positionne l’économie numérique comme un moteur de croissance et d’emplois, mais également comme un levier d’entraînement des autres secteurs de l’économie. C’est ce qui explique également l’initiative salutaire prise par le chef de l’Etat de faire de l’économie numérique un programme spécial pour son second mandat. Le potentiel du secteur de l’économie numérique en termes de création d’emplois n’est plus à démontrer. Ce potentiel est à situer à plusieurs niveaux. D’abord, l’économie numérique en tant que secteur d’activité est source d’emplois, de production, de distribution et de consommation de biens et services digitaux liés aux infrastructures, aux matériels et logiciels informatiques ainsi qu’au déploiement et à l’exploitation des réseaux de télécommunication. De même, l’économie numérique en tant que support et levier des autres secteurs d’activité est à l’origine d’une quantité considérable d’emplois liés à la numérisation des contenus et à la dématérialisation des procédures des secteurs de l’économie. Egalement l’économie numérique, en tant que facteur de transformation, n’a pas encore fini de générer de nouvelles modalités de création de richesse et donc de nouveaux types d’emplois liés au ecommerce, au marketing digital, aux services financiers digitaux, au elearning, au esanté, bref aux nouveaux métiers du web et du mobile. Enfin, l’économie numérique, considérée comme source d’innovation, offre des promesses énormes de création d’emplois liés à la fintech, aux métiers du Cloud, de l’intelligence artificielle, l’Internet des objets (Iot, en anglais), de la robotique et de la blockchain.
Quelle analyse faîtes-vous de l'environnement des startups au Sénégal ?
La startup a un rôle clé à jouer en tant qu’entreprise ayant un caractère innovant et disposant d’un important potentiel de croissance économique et de création d’emplois. L’analyse de l’écosystème des startups fait ressortir, d’une part, un fort taux de natalité des startups lié en partie au dynamisme du secteur du numérique et d’autre part, un taux élevé de mortalité occasionné par la traversée de la fameuse vallée de la mort. Cette situation peut s’expliquer par plusieurs raisons : les financements bancaires sont quasi inaccessibles pour les startups compte tenu de leurs spécificités (pas d’actifs tangibles, structure de coûts différente…). Les fonds d’investissements privés sont encore anecdotiques au Sénégal, et les délais de financement sont longs. En dehors de la Der (Délégation générale à l’entreprenariat rapide des femmes et des jeunes) et du futur Fonds du numérique, il n’existe pratiquement aucun fonds public pour appuyer les porteurs de projets aux premiers stades, où le niveau de risque est trop élevé pour attirer des investisseurs privés. Pour pallier ces contraintes, d’importantes initiatives sont en train d’être prises par le gouvernement pour garantir aux startups un environnement permettant de promouvoir le développement d’une culture de l’innovation et de l’entrepreneuriat ; de faciliter la création et le développement d’entreprises innovantes ; de renforcer les capacités techniques et managériales des startups ; de renforcer l’écosystème du financement des startups ; de promouvoir un environnement incitatif pour les startups et pour les investissements dans le secteur du numérique. C’est dans cette optique que s’inscrivent des projets et initiatives majeures comme la création du Parc de technologie numérique de Diamniadio. On peut aussi citer d’autres initiatives comme la création prochaine d’un Fonds de développement du numérique ou l’organisation du Forum de Diamniadio, occasion pour le chef de l’Etat de rencontrer et d’échanger avec l’ensemble des startups sur leurs préoccupations et leurs contraintes et de prendre des mesures phares portant l’octroi d’un financement d’un milliard de FCfa pour l’année 2018, montant qui sera porté à trois milliards à partir de cette année. En outre, il faut signaler le démarrage, au ministère en charge de l’Economie numérique, d’un processus d’identification et de labellisation de toutes les startups ainsi qu’une consultation de tous les acteurs pour l’adoption d’une loi sur les startups.
Quelles sont les principales contraintes qui pèsent sur le secteur numérique et qu'est-ce qui est prévu pour les lever ?
Au Sénégal, l’une des contraintes majeures qui pèsent sur le secteur du numérique est liée à la gouvernance institutionnelle et stratégique du secteur. Le Sénégal, à l'instar de nombreux autres pays, possède une pléthore d'institutions publiques couvrant divers aspects de l'économie numérique – chacune avec ses obligations et prérogatives spécifiques qui, parfois, se chevauchent – sans pour autant avoir établi un leadership clair en matière de pilotage stratégique. Face à cette complexité institutionnelle, le gouvernement du Sénégal a posé comme prérequis de la Stratégie Sn2025 la réforme du cadre juridique et institutionnel et a engagé une consultation des acteurs dont les résultats permettront de proposer un cadre potentiel de gouvernance institutionnel inspiré des modèles développés dans certains pays cités comme références dans le numérique. Le cadre proposé permettra d’assurer un alignement institutionnel des rôles et des responsabilités des divers organismes en rationalisant leurs liens hiérarchiques et en évitant les chevauchements de mandat et les ambiguïtés.
Sur quels leviers l'Etat doit-il agir pour faire du Sénégal une véritable « startup nation » ?
Pour faire du Sénégal une véritable « startup nation », l'Etat doit sensibiliser la population sur les enjeux liés aux nouvelles technologies et l’entrepreneuriat numérique. Il doit aussi renforcer la formation dans le secteur (codage, blockchain, robotique, intelligence artificielle, etc.) et favoriser l’émergence d’une classe d’entrepreneurs Tic. Il faut aussi renforcer les synergies du dispositif national d’incubation et le dispositif d’appui aux startups et les capacités techniques et managériales des entrepreneurs, dirigeants et salariés de startup à tous les stades de développement. Enfin, on doit combler le gap de financement des startups de la phase d’idée jusqu’au stade de développement. Il faut aussi stimuler l’écosystème de leur financement à travers le cofinancement et l’amplification des « deal flows » (flux d’affaires) et promouvoir la mise en place d’infrastructures de connectivité compétitives (qualité et coût) sur l’ensemble du territoire, promouvoir un cadre réglementaire et fiscal véritablement incitatif, et promouvoir des partenariats avec les bailleurs de fonds pour développer l’écosystème du numérique au Sénégal.
Le cabinet Performances Group avait évalué, dans une étude publiée en juillet dernier, à 100 milliards de FCFA les besoins de financement du secteur pour la période 2019-2023. Quelles sont les initiatives prises par l'Etat depuis lors pour mobiliser ce montant ?
L’étude en question a permis de déterminer le budget du Fonds, de proposer une stratégie de financement, d’identifier le modèle institutionnel et organisationnel optimal et d’élaborer la feuille de route pour le lancement du Fonds. Une évaluation des impacts attendus a également été menée, montrant que pour une enveloppe de 100 milliards de FCFA sur cinq ans (investissement et frais de fonctionnement), le Fonds permettrait d’attirer jusqu’à 47,5 milliards de FCFA du secteur privé dans l’écosystème du numérique ; de dégager 166 milliards de FCFA de chiffres d’affaires par les entreprises bénéficiaires des fonds ; de dégager 59 milliards de FCFA de valeur ajoutée dans l’économie nationale ; de créer 5.400 emplois sur l’ensemble du territoire et de générer 58,1 milliards de FCFA de recettes fiscales pour l’Etat. Ce Fonds sera entièrement financé sur fonds public.
C’EST LA GALERE DANS LES REGIONS
A Sédhiou, Kaolack, Kaffrine…, on est en pleine canicule au moment où les musulmans observent le jeûne. Les uns en souffrent et font recours à des astuces. Les autres, pour qui c’est une aubaine, en profitent.
« Garage Nioro », à la sortie septentrionale de la ville de Kaolack, les rabatteurs rivalisent d’ardeur pour canaliser le flot de voyageurs. On est en pleine canicule. Tout incident prend une ampleur insoupçonnée. «Je suis dans cette gare routière depuis plus de 40 ans, mais je n’ai jamais vécu un mois de ramadan avec une telle canicule», renseigne le vieux Abdoulaye Wade, un des responsables de la gare routière.
La chaleur est accablante à Kaolack. Il y a des pointes de chaleur les mois de mars et de mai avec respectivement 46,5 et 45,5 degrés. Ainsi, chacun y va de son astuce pour ne pas en pâtir. Pour les plus jeunes, c’est la ruée vers la plage de Koundam sur les rives du Saloum. Avec des tentes rudimentaires, ils viennent s’y réfugier entre deux baignades dans le bras de mer. Les plus âgés s’y prennent avec philosophie. «Le jeûne est un des piliers de l’islam, nous devons y souscrire sans rouspéter», soutient Ibrahima Samb, un commerçant. La canicule fait l’affaire des vendeurs de glace.
En effet, tout un commerce saisonnier s’organise autour de ce produit indispensable en période de ramadan dans la commune de Kaolack et son hinterland. Postés aux endroits stratégiques des gares routières, ces vendeurs augmentent leurs marges de manière substantielle avec la montée des températures. «Ceux qui nous fournissent la glace augmentent sensiblement le prix du sachet qui passe de 100 à 200 FCFA voire 250 FCFA. Nous sommes obligés de les céder entre 250 et 300 FCFA. C’est la loi du marché», assure Fatou Ndao. Ces vendeurs prient pour que le temps continue de jouer le jeu.
EPILOGUE D’UNE MACHINATION POLITIQUE ?
Selon nos sources, le Président Macky Sall, juste avant de s’envoler pour Paris, a pris fait et cause pour le ministre Abdoulaye Daouda Diallo. Il a tout simplement sabré Lat Diop.
Barka Isma BA (Vox Populi) |
Publication 16/05/2019
Dans notre édition du 25 avril dernier, nous écrivions que Lat Diop, un des responsables «apéristes» les plus en vue dans le département de Guédiawaye, devait surveiller ses arrières, après que le nouveau ministre des Finances et du Budget, a, le 23 avril dernier, envoyé une lettre aux institutions bancaires de la place avec comme objet : «Situation des comptes bancaires ouverts par le DCFE (ndlr : Directeur de la Coopération et des Financements extérieurs) dans vos livres».
Le ministre leur demandait en même temps de lui «préciser les soldes de chaque compte bancaire, à la date de réception de la présente lettre». Mais également de suspendre «tous les mouvements relatifs à ces comptes, jusqu’à la confirmation ou la désignation des nouveaux signataires habilités par (ses) soins». Et l’on se posait les questions de savoir : A quoi doit s’attendre le responsable de l’APR à Guédiawaye .
Sera-t-il victime d’une machination politique à cause de sa liberté de ton ou non ? Selon nos sources, le Président Macky Sall, juste avant de s’envoler pour Paris, a pris fait et cause pour le ministre Abdoulaye Daouda Diallo. Il a tout simplement sabré Lat Diop et en lieu et place de la Direction de la Coopération et des Financements extérieurs, il a créé une nouvelle structure : la Direction de l’ordonnancement des dépenses publiques placée sous la tutelle du ministre des Finances et du Budget. Lat Diop paye-t-il ainsi son opposition à Aliou Sall, frère du président de la République, avec qui il n’est pas en odeur de sainteté ?
Est-il victime d’un délit d’ambition (sa candidature à la mairie de Guédiawaye est de plus en plus agitée) ? Tout porterait à le croire. Le silence bavard de Lat Diop En effet, au vu du travail qu’il a abattu lors de la dernière campagne électorale pour la Présidentielle, dans le département de Guédiawaye, mais également dans d’autres localités, comme la ville sainte de Touba, où il a même tenu un meeting, beaucoup d’observateurs de la scène politique s’attendaient même à le voir figurer dans l’attelage gouvernement ou à défaut être considérablement renforcé dans ses attributions. Joint par téléphone, l’ancien leader du défunt Front pour l’émergence et la prospérité (FEP) n’a pas souhaité s’exprimer sur la question. Un silence très bavard pour qui connaît l’homme, réputé n’avoir pas sa langue dans sa poche. Pour rappel, les partisans de Lat Diop ont récemment fait une sortie musclée pour dénoncer une «machination» qui, selon eux, ne visait qu’à affaiblir leur leader, car ce dernier «est devenu incontournable dans le département de Guédiawaye».
Aux pourfendeurs de leur mentor, ils avaient même lancé : «Si leur volonté demeure de nous combattre, qu’ils sachent que nous sommes prêts à faire front pour sauvegarder notre dignité et notre honneur. Nous les avertissons qu'ils nous trouveront sur leur chemin et nous leur livrerons une guerre sans merci. Ainsi, nous leur demandons de faire tomber les masques et de venir simplement et publiquement militer à Guédiawaye, et de défendre leurs acolytes, au lieu de faire un usage abusif et outrancier de leur position dans l'Etat, parce que pour nous, à défaut d’être promu, Lat Diop ne mérite pas une tentative d’affaiblissement».
Par Khadiyatoulah FALL et Mouhamed Abdallah Ly
DES FRICTIONS IDENTITAIRES À DÉPASSER
Même si nous vantons notre espace religieux de tolérance envié ailleurs, ainsi que la vigilance de nos forces de renseignement et de sécurité dans la prévention contre les dérives islamistes, il faut se rendre à l’évidence que des inquiétudes existent
Khadiyatoulah FALL et Mouhamed Abdallah Ly |
Publication 16/05/2019
L’affaire du voile islamique dans des écoles catholiques
L’on ne peut que se féliciter de cette démarche visant à apaiser le trop-plein d’émotion et de passion auquel cette polémique a donné lieu depuis le 1er mai, suite à l’annonce d’une interdiction du port du voile islamique à l’Institution scolaire Sainte Jeanne-d ’Arc. C’est le lieu de se réjouir de la position d’ouverture de tous les acteurs mais aussi de féliciter l’Etat sénégalais qui a su non seulement rappeler l’ordre constitutionnel en rapport avec «notre laïcité» et son actualisation dans le milieu scolaire privé tout en œuvrant à trouver des plages d’interactions « souterraines » et sereines et aboutir ainsi à des compromis acceptables pour et par tous. L’attente sociale est forte de voir nos gouvernants d’aujourd’hui ne pas faire moins bien que leurs devanciers qui ont fait du Sénégal, jusqu’ici, une société de pluralisme qui se démarque par son identité d’accommodement des valeurs religieuses différentes.
Les tensions comme lieux de passage du vivre ensemble
L’étalon de mesure de la bonne santé d’une société n’est pas toujours l’absence de conflit. Les conflits peuvent contribuer à l’enrichissement dans une société qui bâtit son vivre ensemble à travers une culture politique et sociale du dialogue. Le vivre ensemble harmonieux se construit en effet dans la coopération sociale pour ensemble dépasser les conflits à travers le dialogue. La sérénité, l’écoute des différents points de vue et le respect des uns et des autres doivent guider les interactions sociales. La société au péril des angoisses Ensuite, la sortie de crise qui se profile ne doit pas faire oublier les angoisses des uns et des autres, perceptibles à toute oreille attentive, dans le sous texte qui a travaillé toute cette polémique qui a duré deux semaines. Ce sous texte fait ressortir la confrontation de deux groupes religieux habités sous des formes différentes par une angoisse identitaire. « Angoisse », disons nous bien. Il ne nous semble pas exagéré en effet de lire dans la réaction des acteurs du débat l’expression d’« angoisses » liées au contexte international de peur suscité par le radicalisme islamique, d’abord.
Notre islam, africain, ne s’est-il pas trouvé bousculé dernièrement par des radicalisations ? Des cas de prétendants djihadistes n’ont-ils pas été annoncés au Sénégal ? Un procès fortement médiatisé de supposés terroristes ne s’est-il pas tenu récemment ? Ces faits n’ont-ils pas suscité des inquiétudes chez les Sénégalais de toutes les obédiences religieuses ? Même si nous vantons notre espace religieux de tolérance envié ailleurs, ainsi que la vigilance de nos forces de renseignement et de sécurité dans la prévention contre les dérives islamistes, il faut se rendre à l’évidence que des inquiétudes — réelles ou imaginaires— existent de toute part. Ce que semblent nous dire certains de nos concitoyens, c’est en fin de compte : l’islam sénégalais continuera-t-il à être un islam d’ouverture et de tolérance ou risque-t-il soudainement d’être saisi par des convulsions qui ont fini par rendre d’autres pays africains instables ? « Angoisse », ensuite, chez de nombreux musulmans qui ont cru percevoir, avec les mesures d’interdiction du voile dans des établissements catholiques, que le cliché d’un islam conquérant, intolérant, relayé quotidiennement par les discours médiatiques et politiques internationaux, trouvait un écho au Sénégal. Ces discours sur l’islam qui stigmatisent les musulmans en Occident produisent-ils également un impact dans la perception de l’islam chez les minorités religieuses qui vivent dans les pays majoritairement islamiques ?
Le débat a montré que la frustration de certains musulmans sénégalais est de subir de l’islamophobie à l’interne, dans notre pays. Ils ont pu être offusqués dans cette affaire car ils ont sans doute pensé qu’il y avait un fossé entre ce que certains politiciens islamophobes de l’Occident tentent de faire croire et ce que dit la réalité du terrain du Sénégal où musulmans et chrétiens partagent depuis toujours le ngalax de Pâques, des mariages et des communions, la tabaski et Noël, des ethnonymes et des patronymes et même des cimetières.
Dans tous les cas, il est important d’atténuer les angoisses des uns et des autres en faisant de « notre laïcité à la sénégalaise » un bouclier. Notre laïcité qui ne manque pas de détracteurs, il est vrai. Mais c’est en nous tenant main dans la main, nous les catholiques et les musulmans — qui en sommes les adhérents — que nous continuerons à faire d’elle un principe au service du vivre ensemble et de la liberté de croyance.
Interdire les interdictions ?
A présent que les contradictions semblent avoir trouvé une issue heureuse, nous ne reprendrons pas les remarques pour ou contre l’interdiction du voile déjà avancées dans d’autres réactions sur cette polémique. Nous voudrions simplement affirmer que l’interdiction du voile islamique doit toujours être un dernier recours et donc n’être mobilisée, à l’avenir, que si toute voie d’accommodement s‘est avérée infructueuse. L’interdiction ne peut être recevable que lorsqu’elle se base sur des motifs sérieux, établis, documentés, objectifs qui prouvent qu’il y a bien entrave au bon fonctionnement de l’institution, entrave dans la réalisation de la mission d’enseignement de l’institution, entrave au vivre ensemble harmonieux, entrave aux droits fondamentaux des individus. L’interdiction ne peut aussi se concevoir sans tenir compte des droits acquis des individus, ce qu’ailleurs on appelle « la clause grand père ». On ne revient pas sur l’exercice d’un droit acquis sans disposer de raisons valables. Enfin, de si lourdes décisions ne devraient pas être annoncées sans une négociation préalable avec les parents d’élèves et le ministère de l’Education.
L’éducation, sanctuaire contre l’intolérance
Le plus grand danger aurait été d’écouter les acteurs du débat qui, se référant à l’héritage culturel et religieux dans lequel puise l’Institution Sainte Jeanne d’Arc, ont prôné le retrait des enfants musulmans de cette école. Nos écoles, toutes nos écoles, qu’elles soient publiques, privées, catholiques, arabo-islamiques, devraient être des sanctuaires du vivre ensemble multiconfessionnel et des espaces d’apprentissage de la reconnaissance et de l’accommodement des différences. Le mot accommodement a ici son importance car aucun modèle de la laïcité ne devrait prétendre à imposer partout la primauté de l’identité religieuse d’une majorité. Nous ne saurions conclure sans condamner les discours qui attisent la haine, entendus de part et d’autre, et qui sont à déplorer. Le Sénégal ne peut se permettre un antagonisme interconfessionnel, même mineur. Nous trahirions notre passé, eu égard à nos solides traditions de discernement et de bon sens. Nous ne rendrions pas crédit à l’héritage multiconfessionnel, historique, politique, culturel et intellectuel que musulmans et catholiques sénégalais ont en partage.
Khadiyatoulah FALL, professeur titulaire, Université du Québec, Chicoutimi
Alors qu'il est le géant économique du continent, le Nigeria se refuse encore à la Zone de libre échange économique - Tout, pourtant, devrait le conduire à y adhérer, ne serait-ce que pour garder son rang
21 mars 2018. Lors d'un sommet extraordinaire organisé à Kigali, au Rwanda, 44 pays du continent apposent leur signature à l'accord de la zone de libre-échange continentale (ZLEC). Une belle avancée pour le projet panafricain, lancé en 2012. Un peu plus d'un an plus tard, les ratifications de la Sierra Leone et de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) lancent, pour de bon, le compte à rebours : la ZLEC entrera officiellement en vigueur le 30 mai 2019… sans le Nigeria. Avec le Bénin et l'Érythrée, le pays fait partie des trois pays non signataires de l'accord.
Une situation délicate pour l'Union africaine, qui, sans Abuja, se prive de la première économie d'Afrique. Du coup, c'est par voie de presse que son commissaire au Commerce et à l'Industrie tente aujourd'hui de convaincre. « Nous encourageons le Nigeria à figurer parmi les membres fondateurs de la ZLEC en ratifiant l'accord avant le 30 mai », a déclaré Albert Muchanga dans un entretien publié par le quotidien britannique The Financial Times. « La part de l'Afrique dans le commerce mondial augmente grâce à la croissance du marché intérieur. C'est dans leur intérêt de ratifier », a-t-il ajouté.
Des retombées positives
Avec son intégration à la zone de libre-échange, le Nigeria accéderait en effet à un marché unique de près de 1,2 milliard de consommateurs. « Un marché énorme » et « très avantageux pour les entrepreneurs nigérians », affirme Muda Yusuf, directeur de la chambre de commerce et d'industrie de Lagos (LCCI), dans une étude au profit de l'office nigérian des négociations commerciales. Réalisé par un consortium d'universitaires et d'instituts de recherche, le rapport liste les nombreux bénéfices que le pays pourrait tirer. Et assure que les objectifs économiques du Nigeria sont les mêmes que ceux établis par la ZLEC : « focalisation sur l'industrialisation, orientation export et amélioration de la compétitivité économique ».
Autre avantage souligné dans l'étude : « l'occasion pour le Nigeria de poursuivre et d'atteindre ses objectifs de croissance relatifs à l'exportation » tels que définis dans l'Economic Recovery and Growth Plan (ERGP) 2017-2021, le plan de développement du gouvernement. Si la diversification économique est une des finalités de l'ERGP, les opportunités offertes par la ZLEC – accès facilités à des marchés plus vastes et à d'autres frontières grâce à la suppression des droits de douane – pourraient permettre au Nigeria d'accélérer la donne en exportant davantage ses services et produits manufacturés. D'après un sondage réalisé par les chercheurs, 78 % des entrepreneurs nigérians estiment d'ailleurs que la ZLEC aurait un impact positif sur les entreprises locales.
« Défendre ses industries »
Alors, pourquoi le Nigeria refuse-t-il encore de signer l'accord ? « L'agenda actuel du Nigeria n'est pas continental, mais d'abord national, avance Pierre Jacquemot, président du Gret, une ONG de développement, et chercheur à l'Iris. L'intégration économique est d'abord celle d'un État de 185 millions d'habitants et d'un million de kilomètres carrés, avec une forte fragmentation nord-sud, avant d'être celle de l'Afrique. D'où le souci de défendre ses industries par une politique d'import-substitution plutôt que de jouer avec un libre-échange qui pourrait menacer son économie par des importations massives via des pays de transit voisins. »
Pour justifier sa position, le Nigeria donne en effet souvent l'exemple du libre-échange prôné par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui a dévasté son industrie textile. Craignant un éventuel « dumping », pratique commerciale qui consiste à vendre une marchandise sur un marché étranger à un prix inférieur à celui pratiqué sur le marché intérieur, le gouvernement reste frileux. Et « trouve son compte dans la communauté régionale existante, la Cedeao, qui compte 15 pays et où son PIB représente la moitié », affirme Pierre Jacquemot.
La porte reste entr'ouverte
Pour l'instant réfractaire à la ZLEC, Abuja montre tout de même des signes d'ouverture avec la mise en place d'une commission chargée d'étudier les effets de la zone de libre-échange. Décidée par le président Muhammadu Buhari, elle a été mise en place pour permettre aux autorités d'y étudier point par point l'accord panafricain et d'en déterminer les conséquences pour le commerce nigérian. Cité dans l'étude, Mansur Ahmed, président de l'Association des manufactures du Nigeria et réputé hostile au projet, confirme : « Nous devons comprendre les coûts et les avantages afin de pouvoir prendre toutes les mesures nécessaires pour en atténuer les conséquences négatives. »
Au-delà des répercussions économiques qu'il pourrait subir, le Nigeria pense aussi politique. Muhammadu Buhari, réélu récemment, aurait tort de ne pas suivre les aspirations des hommes d'affaires de son pays, en majorité acquis au projet de la zone de libre-échange. « Tôt ou tard […], le Nigeria rejoindra les autres membres, pense le chercheur à l'Iris. Surtout si son agenda politique évolue et s'oriente vers une géopolitique continentale, avec l'ambition de représenter l'Afrique comme membre permanent au Conseil de sécurité. »