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30 avril 2025
Développement
par Hamadoun Touré
L’AFRIQUE À L'ÉPREUVE DU CONFINEMENT
EXCLUSIF SENEPLUS - Nos gouvernants ont une charge supplémentaire face au confinement. Elles doivent opérer un savant dosage entre la répression tous azimuts et la pédagogie salvatrice
“Celui qui n’a pas de temps à perdre ne comprendra jamais rien à l’Afrique” Amadou Hampathé Ba
Le temps de la science n’est pas celui de la maladie. La pandémie du COVID-19 oblige la multiplication de mesures pour limiter sa propagation à défaut de la freiner.
En plus de ces mesures, dont celles prescrites par l’Organisation Mondiale de la Santé(OMS) nos Etats, incontestablement dépassés, ont imposé des directives coercitives. Leur mise en œuvre soulève des problèmes face à la réalité de notre histoire et de nos traditions.
Tardivement, en tout cas plus que ’autres, touchés par l’expansion du coronavirus, les Africains vont adapter leurs habitudes à l’obligation, devenue quasi-mondiale, du confinement qui est par essence contre nature. Même dans les sociétés individualistes dont la philosophie est chacun pour soi. Le confinement contrarie un droit naturel de l’être humain, celui d’aller et de venir, qui lui est propre comme le rire, principe cher à Rabelais.
En Afrique, en général, rester confiné chez soi est l’exception et en sortir la norme au contraire de la coutume de certains pays, en particulier occidentaux. Chez nous être cloîtré, en dehors de l’espace carcéral, s’apparente à une agression de la liberté individuelle. L’isolement est aussi assimilé à un mal être et à un refus de devenir un acteur social.
Dans notre culture, africaine, le voisinage est sacré. On lui doit la première démarche avant de prendre ses quartiers. Démarche traditionnelle mais combien symbolique qui instaure des liens, droits et devoirs réciproques.
Il est le premier lieu où commence la journée, le dernier où elle finit. Symbole de la vivacité des liens communautaires, du partage, de la convivialité. Et c’est avec le voisinage, que souvent se scelle le destin de quelque projet et se dénoue un arbitrage conflictuel. Donc aucun temps perdu car « celui qui n’a pas de temps à perdre, ne comprendra jamais rien à l’Afrique », comme l’a dit le vieil Hampathé.
Ainsi, en même temps que les mesures barrières imposées partout dans le monde, l’Afrique découvre un modèle de lutte contre la maladie en plus du couvre-feu : rester chez soi.
Un confinement vécu par la grande majorité de nos populations comme une anomalie tant il jure avec nos habitudes, valeurs sociales, culturelles, ressenti comme une agression administrative contre notre psychologie et nos traditions séculaires de rassemblement festif.
La rue, en plus d’être un lieu économique dynamique dans la quasi-totalité de nos pays où tant de familles se nourrissent au jour le jour, est, ne n’oublions pas, l’espace vital où se forge parfois le devenir de nos enfants. Ils y font souvent leurs premiers pas, les consolident progressivement, se forment à la vie adulte, et, polissons, reçoivent leurs premières corrections, premiers pas d’une initiation à la vie en société telle que transmise par nos ancêtres.
C’est aussi en dehors des maisons, concessions dirait-on par extension, espace clos des affaires intimes et des secrets de famille, et sous l’arbre à palabre que les adultes, sages par définition, délibèrent gravement, se chamaillent, concilient les oppositions, décident enfin et imposent les consensus opposables à tous.
Nous ne versons pas dans l’afrocentrisme en affirmant qu’en Afrique nous ne savons pas rester chez nous. Blaise Pascal l’avait dit avant : “ J’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre”.
Et nous proclamons solennellement ce dicton sénégalais « L’homme est le remède del’homme ».
Sacertodales dans un univers monacal où elles sont ascèce morale et nourritures spirituelles, les mesures de confinement ne peuvent que heurter certaines de nos traditions, comme ailleurs sans doute. Le confinement, chez nous, de personnes âgées, vénérées pour tout ce qu’elles représentent dans notre société est inimaginable. Cruelle interrogation : comment préserver leur vie en les confinant sachant que c’est aussi une façon de la leur ôter ?
En réalité, nous sommes face à un nouveau problème de société qui apparaît avec la tragédie de cette pandémie. L’Etat doit reconquérir le respect des citoyens. Les citoyens, à leur tour, doivent respecter l’autorité légitime qui, en la circonstance, impose des règles qui nous étaient étrangères.
Nous sommes confrontés comme jamais à un autre problème, celui de citoyenneté et d’acquisition des valeurs de base qu’elle suppose pour une vie harmonieuse en société: discipline et respect des normes en dehors de la peur du gendarme et/ou de la maladie. Les bons gestes s’acquièrent en amont des crises pour être efficaces dans leur application lors des situations d’exception.
Avons-nous intériorisé le respect des interdictions —de sortie— pour notre propre intérêt sans menace sur notre vie mais juste pour l’harmonie sociale ?
La réponse est d’abord dans notre comportement à l’égard du voisinage dans le quartier, face aux autres usagers dans la circulation routière, dans l’accès aux transports en commun, dans le respect de notre environnement quotidien.
La réponse est ensuite dans les actes de ceux qui désertent les lieux de confinement pour relever un piètre défi imaginaire ou juste pour épater un troupeau de crédules inconscients.
Nos gouvernants ont une charge supplémentaire face au confinement. Elles doivent opérer un savant dosage entre la répression tous azimuts et la pédagogie salvatrice.
Chance inouïe pour nos décideurs, ils ne vont pas naviguer en terrain inconnu car certains leaders, avant eux, ont opté pour le confinement alors que d’autres ont choisi des mesures différentes pour réduire les ravages de la pandémie.
Il ne s’agit donc pas d’imiter un modèle mais de s’en inspirer en fonction de notre terrain, c’est à dire de nos forces et de nos faiblesses. Nos moyens économiques et d’autres pesanteurs nous permettent-ils d’accompagner un confinement partiel, alterné ou total ?
Il est de la vocation et de la mission des dirigeants de trouver la réponse adaptée à la nature, au tempérament et aux attentes des populations. C’est à cette aune que se mesureront leur vision et leur leadership.
Hamadoun Touré est journaliste.
par Mamadou Lamine Diallo
L'AFRIQUE FERA FACE À L'EFFET PANGOLIN
L’Afrique plastique peut plier, elle ne rompt pas. Elle se doit d’engager courageusement dans la solidarité une révolution de type copernicienne.Faisons confiance à nous-mêmes d’abord
Il y a un débat intéressant sur les conséquences de la pandémie du covid 19 sur l’Afrique, lancé par des fonctionnaires, des intellectuels occidentaux et africains. Je m’en réjouis.En effet, si de manière théorique, la pandémie doit évoluer en Afrique comme en Italie ou à New York par exemple, on peut conclure facilement que, vu l’état du système de santé, ce sera la catastrophe. Ensuite, une révolte des populations s’en suivra qui pourra entraîner l’effondrement des Etats fragiles. Tel est le raisonnement des fonctionnaires du ministère des affaires étrangères de la France qui ont produit une note diplomatique largement diffusée dans les réseaux sociaux intitulée, l’effet Pangolin : la tempête qui vient en Afrique ?
Beaucoup de mes compatriotes ont manifesté leur indignation. Pour ma part, il n’ya rien de choquant, ils font leur travail, froidement comme le veut l’esprit scientifique. C’est bien normal. Ce scénario est possible. Que les français cherchent alors dans cette hypothèse quelles cartes à jouer pour garder leur influence, sowhat ? Rien de nouveau. Que des prédateurs disparaissent de la scène politique, tant mieux.
D’abord, observons qu’il y a un autre scénario possible. La population africaine étantjeune, 75% ont moins de 35 ans, et des mesures de distanciation sociale, confinement partiel, couvre-feu et d’adoption des gestes barrières ayant été prises, il est possible que la pandémie soit freinée.
Si en outre, ce que je crois, nous adoptons le protocole du Professeur Moussa Seydi de l’hôpital de Fann de Dakar basé sur la quinineet la généralisation du port des masques, la pandémie pourra être contenue à un niveau bien inférieur au résultat obtenu par les fonctionnaires du Quai d’Orsay.
Cependant, ce coronavirus, dénommé SARS Cov2, comme pour dire que c’est le secondd’une longue série, en envoyant un séisme économique et sanitaire dans le monde des Etats, met en évidence les déséquilibres et les problèmes nés de la nouvelle séquence de la mondialisation ouverte avec la révolution du numérique. On le sent, le monde peut être différent quand on viendra à bout de la pandémie du covid 19. Les germes du nouveau monde sont déjà là et c’est à nous de les lire. Il faut tirer les leçons de la pandémie née du coronavirus. Je vous en propose neuf.
Leçon 1. J’ai soutenu deux thèses sur l’Afrique, elle est l’enjeu du monde en ce siècle et la question de savoir si les Africains sauveront-ils l’Afrique est une question posée et à résoudre.
Leçon 2. Il ne sert à rien de pleurnicher sur un complot des vaccins ou une France qui reste coloniale. Le monde a besoin des ressources de l’Afrique qui peut être, après la Chine, le prochain atelier du monde. Pour cela, ses élites doivent accepter et diffuser dans la culture, l’esprit scientifique et la recherche de l’efficacité. C’est ici tout le sens du gouvernement continental rejeté en 2005 en Lybie qui proposait des ministères africains pour la santé publique, la recherche scientifique et les négociations commerciales.
Leçon 3. Le coronavirus met de l’ordre dans la priorité des neuf besoins fondamentaux dont la satisfaction est l’objet de l’économieque je classe en trois groupes : l’alimentation, la santé, le logement, la sécurité individuelle et collective (groupe 1), la reproduction, l’éducation (groupe 2), le transport, l’habillement, le loisir (groupe 3). Force est de reconnaître que le coronavirus filtre les biens premiers définis par Rawls. On peut comme Moustapha Kassé convoquer si on veut les théoriciens de la croissance endogènepour indiquer la priorité qu’il faut accorder au capital humain, santé et éducation. Mais le coronavirus de manière pratique en confinant 3 à 5 milliards d’individus, y compris les Etats Unis et la Chine, les deux candidats au centre de l’économie monde, indique que pour la survie de l’espèce humaine, le groupe 1 est prioritaire.
Le président Macron de France en écho du virus dit bien que ce serait une folie de laisser les autres s’occuper de l’alimentation, de la santé et de la sécurité de la France. Alors il faut relativiser la thèse du Président Xi Jing Ping de Chine à l’effet de dire que l’Afrique est dans une phase préindustrielle d’accumulation du capital technique limité aux infrastructures.
Que ces orientations ainsi rappelées puissent servir les responsables de l’économie en cette période d’incertitude. En effet, le recentrage du groupe 3 vers le groupe 1 de la politique économique est devenu critique. Le coronavirus pousse à la transformation locale des ressources minérales basée sur le patriotisme économique.. Déjà des africains talentueux inventent des respirateurs, des gels hydro-alcooliques, des machines à laver pour soulager les femmes. Notre talent va donc bien au-delà du sport et de la musique.
Leçon 4 Des cinq types de capitaux, capital institutionnel, capital humain, capital naturel, capital technique, capital intellectuel, le covid19 établit aussi une hiérarchie. Les règles sociales et les institutions mises en place pour les respecter constituent le capital décisif, le capital institutionnel. L’accent mis sur l’accumulation de capital technique consomme plus de capital naturel qu’il n’est nécessaire et accroît les inégalités dans une économie capitaliste. La pandémie illustre bien qu’il faut un solide capital institutionnel pour traiter du capital humain, de la santé en particulier.
Leçon 5 Le capitalisme planifié de la Chine est en compétition avec le capitalisme libéral de l’Occident qui apris le dessus sur le capitalisme social démocrate encore présent en Europe de Nord. A l’évidence, la proposition de Fukayama ; démocratie plus économie de marché donne le développement et la paix ne fonctionne pas. Irak, Lybie, Syrie, Somalie, Sud Soudan ne connaissent ni la paix, ni le développement. La tragédie des migrants montre qu’on ne peut pas avoir une mobilité du capital, des biens et services et des idées à l’échelle du monde sans la mobilité du travail. Le capitalisme mondialisé bute sur ce que Samir Amin appelle « la loi de la valeur ».
Leçon 6 Les inégalités de patrimoine et de revenus à l’intérieur des Etats provoqués par la mondialisation et les politiques économiques du consensus de Washington ont entraîné une inégalité des travailleurs, entre les nomades mondialisés et les sédentaires selon la formule de Pierre Noël Giraud. Les privilégiés du système, en général les nomades, sont au « télé travail » et les autres au travail sur le terrain ou au chômage. Curieusement, ce sont les nomades au départ qui ont fait voyager le virus vers les sédentaires.
Leçon 7 Face au choc simultané sur l’offre et la demande mondiale qui s’est répercuté sur les secteurs pétrolier et financier, il est à craindre demain une destruction de capital technique pour laisser la place à la création selon le mécanisme décrit parSchumpeter rappelé par Dominique Strauss Kahn, à l’industrie du big data et la robotisation.
Leçon 8 Crise du savoir, le monde patauge devant le remède face à la maladie. Crise de l’avoir, il peine à mobiliser 30 milliards de dollars pour trouver un vaccin selon Jacques Attali. Crise du pouvoir, les Etats pris de panique, hésitent et tâtonnent tandis que les banques centrales font fonctionner la planche à billets pour plus de 10 000 milliards de dollars foulant au pied les règles sur le déficit budgétaire ou le ciblage de l’inflation sans empêcher ce qui se dessine, récession, hausse des prix et chômage.
Leçon 9. Demain la nécessité de partager le savoir, l’avoir et le pouvoir adossée à des valeurs ; de courage patriotique, connaissance et respect de la loi, sens de la responsabilité, respect de la femme et sens de la grandeur, s’impose pour un monde qui donne plus de valeur aux relations humaines. C’est ce que j’ai appelé déjà le responsabilisme. Nous ferons face à l’effet Pangolin. L’Afrique plastique peut plier, elle ne rompt pas. Elle se doit d’engager courageusement dans la solidarité une révolution de type copernicienne.Faisons confiance à nous-mêmes d’abord. Commençons par s’attaquer aux flux financiers illicites de 50 à 60 milliards de dollars qui quittent l’Afrique chaque année et mis en évidence par le groupe du Président Thabo Mbeki .Il suffit de 5% de la force de travail, acceptant l’esprit scientifique, la recherche de l’efficacité et le patriotisme économique pour transformer structurellement les économies africaines.
Mamadou Lamine Diallo est Député à l’Assemblée Nationale du Sénégal, Président de la Commission Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de
l’Habitat, des Infrastructures et des Transports.
"LE JOUR OÙ NOUS AVONS DÉFIÉ DE GAULLE"
Le 26 août 1958, le Général De Gaulle en visite au Sénégal fait un discours à la place Protêt (actuel Place de l'Indépendance). Des jeunes porteurs de pancartes lui réclament l'indépendance avec des slogans. Assane Masson Diop, était l'un d'eux
Le 26 août 1958, le Général De Gaulle en visite au Sénégal fait un discours à la place Protêt (actuel Place de l'Indépendance).
Des jeunes porteurs de pancartes lui réclament l'indépendance avec des slogans.
Assane Masson Diop, président de l'Association des "Porteurs de Pancartes", était l'un d'eux.
Il raconte ce moment historique à Rose-Marie Bouboutou, Maxime Domegni et Alassane Dia.
texte collectif
LE MORATOIRE SUR LA DETTE N'EST PAS ASSEZ AMBITIEUX
Ngozi Okonjo-Iweala, Tidjane Thiam, Donald Kaberuka, Vera Songwe et plusieurs autres grands noms africains de la politique et de l’économie reviennent sur la décision du G20 d’une suspension partielle du service de la dette de 77 États à bas revenus
Jeune Afrique |
Texte Collectif |
Publication 20/04/2020
Les pays africains, comme beaucoup d’autres sur la planète, sont aujourd’hui confrontés à un choc sans précédent qui nécessite une aide financière substantielle et sans conditions, dans l’esprit du fameux « quoi qu’il en coûte » de l’ancien patron de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. Cette crise est inédite et frappe toutes les régions en même temps. Les institutions sont submergées car l’urgence se manifeste à tous les niveaux : sanitaire, économique et social.
Le continent n’est pas encore frappé de plein fouet par la pandémie, pourtant son économie est déjà à l’arrêt. Elle enregistrera cette année son plus mauvais taux de croissance depuis trente ans et, déjà, la crise sanitaire fait naître des crises économiques, financières et alimentaires. Les conséquences de cette catastrophe peuvent être contenues, mais uniquement si nous intervenons immédiatement, collectivement, et si nous mobilisons toutes les ressources disponibles.
mie de Covid-19. Parmi les principales recommandations résumées dans son communiqué, il faut citer :
– une constitution rapide du fonds de réponse d’urgence de 200 milliards de dollars créé à l’initiative des différentes banques multilatérales de développement
– l’appel à relever le niveau de contribution des États au Fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes (ARC) et au Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FFRPC)
– une suspension temporaire du paiement du service de la dette par les pays les plus pauvres, ce dernier point étant particulièrement important.
Ce plan d’action répond en partie aux demandes formulées dans notre précédent appel, mais il ne va pas assez loin.
L’augmentation des contributions aux banques de développement et au FMI apportera une aide bienvenue, mais la part qui ira à l’Afrique ne suffira pas à couvrir les 200 milliards de dollars dont l’Union africaine (UA) a estimé que le continent avait besoin pour se défendre contre la pandémie.
Quant à la suspension du paiement de la dette, elle n’est pas assez ambitieuse. Pour permettre à l’Afrique de combattre vraiment la maladie et ses conséquences économiques, nous préconisons donc les mesures suivantes :
1 – Élargir le nombre de pays bénéficiant d’un moratoire sur la dette
Au stade où nous en sommes, tous les pays dont la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (IBRD) considère qu’ils peuvent se financer sur les marchés sont exclus du moratoire. Sur le continent, cela concerne l’Algérie, l’Angola, l’Égypte, la Libye, le Maroc, l’Afrique du Sud et la Tunisie. Mais face à une crise comme celle du Covid-19, le critère retenu pour suspendre le remboursement de la dette devrait être la nécessité de combattre le virus et ses conséquences sur l’économie.
Or quatre des cinq pays africains les plus touchés par le coronavirus – l’Algérie, l’Égypte, le Maroc et l’Afrique du Sud – font précisément partie de ceux que le moratoire exclut. Le fait que la Libye soit déchirée par une guerre civile et durement affectée par la chute du cours du pétrole, ou que la Tunisie ait été l’épicentre du Printemps arabe, avec les risques potentiels que cela implique, devrait être pris en considération. Si la pandémie n’est pas vaincue dans ces pays, leurs voisins en subiront les conséquences, même si ces derniers parviennent à l’enrayer sur leur propre territoire.
De même, les difficultés économiques et financières de ces pays auront un impact significatif sur l’ensemble du continent. Les sept pays exclus du bénéfice du moratoire par les règles de l’IBRD représentent à eux seuls 50 % du PIB de l’Afrique, 46 % de ses exportations et 55 % des exportations au sein du continent. Ils pèsent aussi très lourd dans les relations économiques avec le reste du monde – pour ne donner qu’un exemple, ils représentent 72 % des importations depuis l’Union européenne – et dans les flux migratoires. Et le nombre de candidats au départ ne fera que croître si l’économie de ces pays s’effondre en privant leur jeunesse de toute perspective.
2 – Accroître la participation des créanciers privés
Le G20 FMCBG a appelé le secteur privé à se joindre à l’effort collectif d’allègement de la dette. C’est un bon début, mais il faut aller plus loin en chargeant le FMI de développer, avec l’UA et l’Institut de la finance internationale (IIF), un mécanisme qui garantira à la fois la soutenabilité de la dette et le futur accès des États aux marchés financiers.
Aujourd’hui, le secteur privé représente une part importante de la dette africaine, et surtout une part disproportionnée du paiement du service de celle-ci. Pour beaucoup de pays du continent, même relativement peu endettés, le remboursement des intérêts peut représenter plus de 20 % de leurs revenus.
C’est pourquoi l’objectif du moratoire ne pourra être tenu que si les créanciers privés participent à l’effort. Bien sûr, les pays demandant une suspension des remboursements devront le faire de leur plein gré, mais nous estimons que les pays identifiés par l’IBRD y ont tout intérêt, et tout doit être mis en œuvre pour les encourager à recourir à de tels mécanismes.
3 – Renforcer les droits de tirage spéciaux
Les droits de tirage spéciaux (DTS) sont un outil financier qui a fait ses preuves lorsqu’il s’agit de renforcer les ressources disponibles. En décidant d’attribuer aux pays qui en ont besoin une part des DTS existants non utilisés, ou bien en en créant de nouveaux – dont le montant total pourrait atteindre 500 milliards de dollars –, on fournirait le niveau de liquidités nécessaire aux banques centrales et aux entreprises privées.
Actuellement, le flux des devises à destination du continent s’est tari du fait de la fuite des capitaux, de la chute des cours des matières premières et de la forte réduction des échanges commerciaux et des entrées de touristes. Si bien que beaucoup de pays n’ont que deux semaines de réserves et que les devises africaines se sont dépréciées de 20 à 30 %.
Plusieurs banques centrales ont un besoin urgent d’être renflouées, tandis que les entreprises privées ne trouvent plus de sources de financement, ou seulement à des taux très désavantageux. Certaines de ces sociétés – dans l’aérien, l’hôtellerie ou le tourisme, notamment – doivent en outre rendre des comptes à des compagnies étrangères. Le secteur aérien africain, par exemple, a besoin de 1 milliard de dollars uniquement pour payer la location de ses appareils. Si nous voulons que ces entreprises évitent la faillite, il faut un apport de capital.
Cette crise de financement nous oblige à nous montrer innovants. Un véhicule financier ad hoc pourrait être créé afin de recueillir les fonds nécessaires, sur la base du volontariat. Il permettrait, s’il est bien conçu, d’alléger le poids de la dette tout en garantissant aux pays qui l’utiliseraient l’accès aux marchés internationaux. Quant aux prêteurs, ils bénéficieraient de créances à la fois plus liquides et plus solides. Nous pensons donc que le FMI, l’IIF et l’UA devraient être chargés d’explorer cette voie.
4 – Améliorer la gouvernance et la transparence quant à l’utilisation de ces ressources
Grâce à un allègement substantiel de leur dette, les gouvernements africains pourront se concentrer sur la protection des populations les plus fragiles, soutenir leur secteur privé – en particulier les PME – en lui assurant un accès au crédit, et limiter l’impact économique et bancaire de la crise actuelle. Mais en retour, ils devront rendre des comptes, faire preuve de plus de transparence, publier des prévisions fiables…
Certaines organisations font déjà beaucoup pour la transparence sur le continent, mais ce sont les pays eux-mêmes qui doivent user de leurs moyens technologiques pour tracer et analyser les fonds qui leur seront alloués. Quitte à demander l’aide des ONG et des sociétés spécialisées dans ce type de procédures.
L’heure n’est pas à l’hésitation mais aux réponses politiques fortes. C’est en prenant maintenant des mesures décisives que nous éviterons de futurs défauts de paiement qui provoqueraient le chaos sur le marché des dettes souveraines. C’est aussi ce qui nous permettra de sauver des millions d’emplois sur le continent, d’éviter une déstabilisation politique et sociale et d’empêcher une flambée de l’insécurité et des migrations.
Ngozi Okonjo-Iweala, membre de l’Africa Growth Initiative (Brookings Institution), ancienne ministre des Finances du Nigeria et directrice générale de la Banque mondiale Brahima Sangafowa Coulibaly, directeur de l’Africa Growth Initiative (Brookings Institution), ancien chief economist de la Réserve fédérale américaine Tidjane Thiam, membre du Council on Foreign Relations (Etats-Unis), ancien directeur général de Crédit Suisse Donald Kaberuka, membre du comité de direction du Fonds mondial, ancien président de la Banque africaine de développement Vera Songwe, membre de l’Africa Growth Initiative (Brookings Institution), secrétaire exécutive de la Commission Économique pour l’Afrique (CEA) des Nations-Unies Strive Masiyiwa, fondateur et directeur exécutif d’Econet Global, philanthrope Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), ancienne ministre des Affaires étrangères de Rwanda Cristina Duarte, ancienne ministre des Finances du Cap-Vert
par Molase
HOMMAGE AUX BADIENOU GOKH
Ces instants de crises révèlent l'importance de vos actions. Vous vous exposez sans contrepartie au danger. Votre implication dans la gestion de la pandémie, sur toute l’étendue du territoire, est à saluer
Les connaissez-vous, ces dames ? L'armée courageuse ou le bataillon des cœurs rythmés. Les infatigables démineuses des explosifs destructifs des masses, sous nos tropiques. Vaillantes volontaires de l’équité sociale. Recevez les honneurs !
Hommage au président Abdoulaye Wade, le fondateur du concept. A travers une vision éclairée et une approche sociale profonde, ingénieuse, une astucieuse idée est née dans notre pays.
L'initiative Badienou Gox vit le jour en 2010, ces milliers de marraines sont localisées dans chaque quartier, des 565 communes du Sénégal. Elles constituent une garantie sociale. Certes, sur le long terme. Mais à coup sûr les évolutions sont palpables et efficaces. Elles sont engagées dans la santé de la reproduction, dans l'alimentation des bébés, la déclaration des naissances, la vaccination et elles sont décisives dans la protection de l'enfance.
Ce dispositif important, au service du social, sème les graines du futur. Son champ d'intervention est un maillon important du tissu social, pour une victoire dans le futur. Elles contribuent normativement à la recherche de l’équité sociale par le moyen de l’égalité des chances. La santé et l'action sociale se joignent au quotidien. Elles sillonnent les maisons sous la chaleur pour le recensement et le suivi des grossesses. Elles s'activent pour le respect des dates de vaccination et s'arrogent le contrôle de l'alimentation des nourrissons.
Une jeunesse bien portante est un espoir pour toutes les nations et à fortiori nos États avec des taux élevés de populations juvéniles. Elles se situent à la première rampe de la construction du futur.
Le constat de l'importance des Badienou Gokh nécessite un certain nombre de dispositions. Permettez-moi de faire quelques propositions, pour que notre pays puisse voir très vite les retombés de leurs engagements :
1- Une régularisation de leurs statuts, elles ne peuvent pas être à la hauteur des missions tant qu'elles resteront bénévoles. Elles méritent une intégration dans la fonction publique avec des revenus ;
2- Une étude sérieuse sur l'impact de l'initiative, après une dizaine d'années d'existence. Cette dernière pourrait conduire à la création d'un nouveau métier et d'une nouvelle formation appelées Badienou Gox.
Ces instants de crises révèlent l'importance de vos actions. Vous vous exposez sans contrepartie au danger. Votre implication dans la gestion de la pandémie, sur toute l’étendue du territoire, est à saluer. Vos qualités transversales basées sur la connaissance du terrain, sont utiles à tous les niveaux de la chaine de lutte. Respect à vous !
AUDIO
LES SOIGNANTS FACE AU REGARD DES AUTRES
Comment gèrent-ils leur retour à la maison, après des journées à rallonge, dans un contexte risqué ? Quel est le regard des proches, des voisins, mais aussi des personnes qu’ils assistent ?
Au Sénégal comme ailleurs, c’est un engagement professionnel et personnel pour les médecins, infirmiers, mais aussi laborantins, personnel de ménage, ou encore bénévoles dans les centres d’analyses, de traitement, de confinement.
Comment gèrent-ils leur retour à la maison, après des journées à rallonge, dans un contexte risqué ? Quel est le regard des proches, des voisins, mais aussi des personnes qu’ils assistent ?
PAR Gilles Olakounlé Yabi
"L'EFFET PANGOLIN", LA FRANCE ET NOUS
Il serait dommage de donner raison à ceux qui font le pronostic d’une hécatombe en Afrique parce qu’on aura passé plus de temps à proclamer que nous n’allons pas mourir qu’à éliminer toute possibilité que nous ne mourrions
Jeune Afrique |
Gilles Olakounlé Yabi |
Publication 20/04/2020
Il faut dire qu’elle n’y vas pas par quatre chemins. Extraits : « L’onde de choc à venir du Covid-19 en Afrique pourrait être le coup de trop porté aux appareils d’État. Le taux de médicalisation est quasi-nul et les systèmes de santé nationaux peuvent être considérés comme saturés d’office. L’État va faire massivement la preuve de son incapacité à protéger ses populations. Cette crise pourrait être le dernier étage du procès populaire contre l’État, qui n’avait déjà pas su répondre aux crises économiques, politiques et sécuritaires. »
Plus néfaste que l’effet pangolin
L’analyse est-elle juste ? Est-elle pondérée ? Tient-elle compte de manière fine des variations entre les situations politiques, économiques et sociales des pays africains d’un bout à l’autre de l’Afrique subsaharienne ? Certainement pas. Mais il ne s’agit ni d’un rapport, ni d’une étude, ni même d’un article de recherche académique. Il ne s’agit que d’une note interne de six pages, comme les différentes composantes de la machine administrative et politique française en produisent toutes les semaines.
S’étonne-t-on vraiment qu’un pays comme la France, qui essaie de rester dans le cercle des puissances du monde en conservant des capacités militaires et diplomatiques significatives, produise des analyses régulières sur la partie du monde où elle exerce sa plus grande influence géopolitique et économique ? À quoi cela lui servirait de rémunérer des fonctionnaires, des chercheurs, des consultants spécialisés sur des questions internationales et des zones géographiques diverses si ce n’est pour pouvoir bénéficier d’un faisceau large d’analyses prospectives ?
Certaines réactions africaines outrées illustrent un effet sans doute plus néfaste que celui du pangolin, accusé d’être à l’origine de la pandémie. Un effet qui nuit gravement à notre capacité à penser le monde avec lucidité et à sortir du tête-à-tête entre l’Afrique et la France ou l’Europe. Qui met en lumière la charge de l’histoire coloniale, du racisme qui lui est consubstantiel et de la condescendance postcoloniale. N’est-ce-pas précisément en nous intéressant d’abord à nos pays, à nos sociétés, et en étant pleinement conscients que le monde non africain ne se résume ni à l’Europe ni à l’Occident que nous pouvons affirmer notre véritable indépendance d’esprit ?
Il serait irresponsable d’écarter le scénario catastrophe
Quelle sera l’ampleur de la crise sanitaire du Covid-19 en Afrique et quels en seront les effets sur les économies africaines et les conditions de vie des populations ? La réponse la plus honnête à ce stade est que nul ne le sait.
Le scénario du pire, celui de l’hécatombe, « des millions de morts », n’est pas en train de se concrétiser au moment où ces lignes sont écrites. La progression de la pandémie en Afrique est régulière mais pas explosive, dans la limite des données officielles disponibles. Le scénario catastrophe reste cependant un scénario parmi d’autres et il serait irresponsable de l’écarter totalement à ce stade.
La diversité des pays en termes de sens des responsabilités des gouvernants, d’expérience de gestion des épidémies et de capacité des administrations publiques et des systèmes de santé fait que l’on ne saurait formuler des prévisions sur la base de quelques pays qui ont jusque-là été rassurants – voire exemplaires – dans leur prise en charge de la situation. Pendant combien de temps les dispositifs de réponse ad hoc mis en place en Afrique pourront-ils fonctionner avec l’efficacité requise sans mettre en péril les autres services de santé essentiels privés de ressources et d’attention ?
Sur le plan économique, le coup d’arrêt à la dynamique positive dans beaucoup de pays est déjà certain. Les premières estimations des pertes résultant de la pandémie et des mesures exceptionnelles mises en œuvre pour la contenir sont inquiétantes. La récession, c’est-à-dire une croissance économique négative à l’échelle du continent, paraît certaine même dans le scénario optimiste d’une sortie rapide de la crise sanitaire.
État d’exception et États fragiles
L’incertitude majeure réside dans la durée de l’état d’exception qui sera nécessaire pour contrôler la propagation du virus. Plus il sera long, plus terrible sera l’impact, car derrière les agrégats économiques qui se détériorent, ce sont des millions de familles qui risquent de perdre leurs emplois, formels ou informels, et donc leurs sources de revenus.
Dans certains pays, comme chez les grands exportateurs de pétrole brutalement privés de ressources pour financer les services publics et les filets sociaux, on pourrait bien basculer dans le scénario d’un effondrement économique, d’une crise sociale et d’une crise politique. Un scénario parmi d’autres, mais un scénario crédible en particulier pour ceux qui étaient déjà fragilisés par des tensions politiques et des crises sécuritaires graves.
Le Cameroun de Paul Biya, pays stratégique faisant jonction entre le centre et l’ouest du continent, un des plus touchés par le Covid-19 en Afrique subsaharienne, est-il à l’abri d’une crise politique grave ? Il n’a pas attendu l’arrivée du nouveau coronavirus pour donner des signes de fragilité, entre incertitudes de fin de règne, rébellions dans les régions anglophones et violences terroristes dans le Nord. Quid du Tchad, du Gabon ou de la RDC ? En Afrique de l’Ouest, notamment dans les pays sahéliens déjà en très grande difficulté, le risque d’un délitement encore plus profond post-Covid-19 est-il à écarter ?
Obsession occidentale
« L’effet Pangolin » décrit dans la note française n’est donc pas que l’hypothèse farfelue d’une ancienne puissance colonisatrice angoissée par sa perte d’influence en Afrique. La séquence actuelle souligne en revanche une autre obsession, très occidentale celle-là : celle de la montée en puissance de la Chine en Afrique qui serait renforcée par l’épisode du Covid-19. Sauf que Pékin n’a pas attendu le virus pour se projeter méthodiquement en Afrique et partout dans le monde.
La fascination africaine pour le partenaire chinois, ses offres généreuses d’infrastructures et sa diplomatie respectueuse, certes mise à l’épreuve par les récents actes humiliants visant les Africains à Canton, est aussi une menace au réalisme lucide qui devrait guider les stratégies de nos pays.
Pensons-nous vraiment que les analystes et les diplomates de la puissante et très organisée machine étatique chinoise ne produisent pas eux aussi des notes régulières sur les évolutions politiques possibles dans les pays africains ? Tout comme les fonctionnaires et chercheurs mandatés pour suivre les affaires africaines aux États-Unis, en Russie, en Inde ou en Turquie ?
Nous pouvons et nous devons faire exactement la même chose, à l’échelle des États africains et encore davantage au niveau des communautés économiques régionales : organiser, maintenir, financer et valoriser les dispositifs d’analyse des dynamiques de nos propres sociétés et de celles des autres régions du monde. Nous devons au moins lire ce qui s’y produit, écouter ce qui s’y discute et essayer de savoir ce qu’il s’y prépare.
Renforcer nos lieux de production de savoirs
Il est temps que nous acceptions le fait que nous ne pouvons empêcher personne de penser, de réfléchir sur le présent et l’avenir de notre continent. Que nous le voulions ou non, les grandes, les moyennes et les petites puissances continuerons à formuler des hypothèses qui serviront à l’élaboration de leurs stratégies. Et nous ne pouvons pas non plus empêcher le président français Emmanuel Macron, élu par ses seuls concitoyens, de s’exprimer souvent, trop souvent, en porte-parole de l’Afrique.
Le meilleur usage de notre temps serait de structurer et de renforcer, nous aussi, tous nos lieux et institutions de production de savoirs, d’idées, d’analyses, et de les mettre au service de la défense de l’intérêt des populations africaines d’aujourd’hui et de demain.
Plus que jamais, nous devons adresser nos exigences de changement à nos gouvernants et non aux présidents français ou chinois, qui ne sont point comptables devant nous. Il serait dommage de donner raison à ceux qui font le pronostic d’une hécatombe en Afrique parce qu’on aura passé plus de temps à proclamer que nous n’allons pas mourir qu’à éliminer toute possibilité que nous ne mourrions.
Économiste et analyste politique, Gilles Olakounlé Yabi est le fondateur de WATHI, think tank citoyen de l’Afrique de l’Ouest (www.wathi.org).
par Jean Pierre Corréa
UN GÉNÉRAL POUR DISSIPER LE « RIZ-LE-BOL » DES SÉNÉGALAIS
Au-delà de cette nomination d’un Général à la tête de ce comité de suivi du Covid-19, c’est une image d’une Armée réconciliée avec sa nation et à son service qu’il faudra donner
Les gouttes de sueurs qui ont giclé, puis ruisselé sur le visage du ministre Mansour Faye lors d’une Conférence de presse pour le moins mal préparée, et qui du point de vue du langage corporel, en ont fait un coupable malgré lui, se sont transformées en un fleuve gluant pour, arrivées au Palais, y transformer le parquet en dangereux facteur de glissades incontrôlées.
Au-delà de la panique qui polluait ses réponses et en assombrissait les contours, et au vu de la manière d’agiter son mouchoir blanc trempé, comme une reddition, il était urgent d’abord de le thermoflasher, pour savoir si d’aventure il ne couvait pas un Covid-19, pour le coup sarcastique. Mais je digresse… Les choses sont plus sérieuses, et il convient de maîtriser son fou-rire, parce que l’heure est à la gravité.
Le discours du président fait de clairvoyance notamment lors de son entretien télévisé sur RFI et France24, était télescopé par cette douloureuse séquence qui brouillait nettement ses vœux de prise au sérieux de la méthode sénégalaise dans l’affrontement de cette crise sanitaire dont personne ne peut présager de l’issue pour la santé de nos populations. Le chef de l’Etat joue gros dans cette gestion. Et l’image désastreuse qu’il a donnée en allant seul comme un héros antique, recueillir les tonnes de riz au Port, défilant martial devant un mur de vivres, pour aller au final « remettre symboliquement les clés du camion » à son frère et son beau-frère, plutôt qu’à un CEMGA auquel il tendrait le drapeau de la révolte contre le Covid 19, devait être corrigée, à tout le moins enfouie sous une décision rassurante pour une population qui commence à être plus qu’agacée par les turpitudes, doux euphémismes, de certains responsables politiques, provoquant chez elle un sacré « riz le bol ». Le truc est vieux comme le monde politique : Quand surgit un problème, créer une commission est l’urgence. Là c’est un comité, que nous n’oserons pas pour l’instant baptiser « Théodule » qui est mis en orbite, avec à sa tête un Général de 40 ans, pour atténuer les polémiques et soustraire Mansour Faye des tranchées de cette guerre qu’il n’est pas en mesure de conduire, puisque devenu inaudible.
Et ça tombe plutôt bien… Le Général de division François Ndiaye occupait jusqu’à cette date, les fonctions d’Inspecteur Général des Forces Armées (IGFA). Au cours de sa carrière, il a assuré notamment les fonctions de chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT). Un fantassin pour remettre un peu d’ordre dans cette obscène pagaille créée par des affamés autour d’un bol de riz. Pour nettoyer un escalier, commencer par le haut est nécessaire. Pour que les Sénégalais accrochent au discours de discipline qu’on attend d’eux et qui devrait s’accentuer si l’on en croit le président, il faudrait montrer un peu de rigueur là-haut, pour que ça puisse suivre, exemplarité oblige. Mais la raison commande aussi de penser que la présomption de neutralité et d’efficacité qui entoure les officiers et les Généraux n’est pas toujours avérée. Armée loyaliste, c’est son honneur, ses chefs ont toujours obéi à l’autorité politique, qui les a par ailleurs « bien traités », au nom de la loyauté républicaine. Sous les uniformes vivent et se comportent tout de même des « sénégalais comme les autres », et ce n’est pas le manque de réponses il y a quelques années de cela, aux questionnements du Colonel Ndao sur les agissements douteux de certains de ses pairs, qui nous rassurera totalement. Jusqu’au jour d’aujourd’hui il ne nous a pas encore été démontré que ces questionnements étaient saugrenus. On a fait sonner la charge du brouhaha et on est passé à autre chose.
Il faut à présent casser tous paradigmes fallacieux qui nous maintiennent dans un conservatisme qui ne peut parfois être de mise. Les humbles magistrats d’hier ont été remplacés par de plus ostentatoires juges et procureurs, c’est ainsi que notre monde va, se « bling-blinguant » un peu plus davantage chaque jour. Au-delà de cette nomination d’un Général à la tête de ce comité de suivi du Covid-19, c’est une image d’une Armée réconciliée avec sa Nation et à son service qu’il faudra donner, comme un défilé du 4 Avril géant et en live sur tout le territoire qu’il faudra exécuter avec responsabilité, pour que le Sénégal sorte vainqueur de cette crise sanitaire qui nous menace tous tant que nous sommes et qui met en péril le futur de nos enfants pour des générations. Ce général est face à l’Histoire de son pays… Comme le président qui lui met le pied à l’étrier de cette glorieuse mission, lequel doit aussi savoir que pour qu’il emprunte cette porte de l’Histoire qui s’ouvre devant lui, il doit pouvoir avancer avec dignité, courage, grandeur et élégance. Cette démarche ne peut être que claudicante si il trimballe des cailloux dans ses mocassins. Il lui faut s’arrêter, les prendre en mains, les secouer et les remettre une fois balancés, pour avancer serein vers le destin que son peuple alors l’aura aidé à dessiner. La prestance et l’élégance de son allure dépendront des quelques cailloux qu’il aura su éjecter de ses babouches. Sinon nous continuerons à regarder notre film préféré sur l’écran noir de nos nuits blanches et qui a pour titre : « Ndoumbelane ».
par Amadou Tidiane Wone
LA CHUTE DES IDOLES
Pensons que la terre aux habitants si turbulents, si bavards et vaniteux, est la plus petite planète du système solaire. Devenons plus humble. Ressemblons à ce que nous sommes : des gouttelettes de vie répandues sur terre pour la féconder
Qui l’eût cru ? L’humanité entière mise au pas par une créature invisible à l’œil nu ! Il est vrai que le virus qui hante nos sommeils, bouleverse toutes nos habitudes et transformera en profondeur nos manières de vivre ensemble, s’est présenté sous la forme d'une tête couronnée... Rien d’étonnant à ce qu'il mette à genoux tous les pouvoirs politiques, économiques et sociaux de la planète, surpris pour ne pas dire déroutés par sa virulence. Le Coronavirus, installé dans l’histoire contemporaine sous le titre (royal ?) de Covid 19 a ouvert une brèche dans le déroulé qui paraissait implacable, de la domination d'un modèle économique et politique, culturel et militaire, triomphant depuis la fin de la guerre froide. Suite à l’irruption du Covid 19 sur la scène internationale en effet, les superpuissances doutent, les puissances s’affolent, les dirigeants des pays qualifiés de « pauvres » écarquillent les yeux face à la déconfiture de leurs mentors et modèles. C’est que les faiblesses des « puissants », masquées aux regards en temps de…paix, éclatent au grand jour devant le péril inattendu. Les temps actuels dévoilent la fragile vanité de ceux qui se prétendaient les maîtres du monde. Eh bien ! Le maître des mondes vient de siffler la fin de la récréation ! Tous confinés, tous empêtrés dans les mensonges successifs qui ont fini de les démythifier au regard de l'opinion publique mondiale. Ni les jactances en quête de tempo gaullien, ni les bravades de moins en moins drôles dans la twittosphère, ne sauront freiner la chute inéluctable des idoles. A plus ou moins long terme…
Dans la foultitude des informations contradictoires, et bien des fois manipulatrices qui essaiment sur les médias mainstream et leurs nouveaux concurrents, les réseaux sociaux, il est difficile voire impossible de distinguer le vrai du faux. Des multiples théories du complot aux prêches apocalyptiques, il y a de quoi faire le marché de spéculations interminables. Et pourtant c'est dans ce fouillis que se trouvent, dans le désordre, les pièces du puzzle qui dévoilera la réalité de la scène. En attendant, arrêtons-nous un instant sur une affirmation du Professeur Montagnier (Prix Nobel de Médecine 2008) qui avait découvert le virus du sida. Il a déclaré en effet que : «…Le Covid-19 serait un virus manipulé, sorti accidentellement d'un laboratoire chinois à la recherche d'un vaccin contre le sida... » Cette voix, pour le moins autorisée, pose les termes de l’équation de la tragédie actuelle en distinguant la responsabilité humaine (manipulation) d'une responsabilité… autre (accidentelle)… Nous y reviendrons car, les tentatives de le tourner en bourrique vont jaillir de partout tant son hypothèse réduit à néant les récits fantastiques qui occupent le devant de la scène depuis. Les tentatives de détourner notre attention de Wuhan et de son laboratoire P4 fruit d’une coopération franco-chinoise seront vaines. Les faits sont têtus !
La troisième guerre mondiale ? Ce qui est constant et qu’il va falloir désormais prendre en compte de manière conséquente, c'est que la troisième guerre mondiale est en cours ! Elle a, en fait, commencé depuis la fin de la guerre froide par la déliquescence du bloc communiste qui se posait en alternative au modèle capitaliste et néolibéral. Depuis, le monologue (trop ?) sûr de lui du bloc occidental conduit les destinées du monde, au gré de ses intérêts stratégiques, notamment pétroliers et miniers. Autoproclamé, « monde libre » la vieille Europe et ses excroissances, pavées de sang indien en Amérique du Nord et du Sud, en Australie avec des aborigènes apeurés et confinés dans leur propre pays, la vieille Europe et ses banderilles profondément fichées dans la terre et la chair africaines commence à dérailler sérieusement. Car, aujourd’hui cette vieille Europe et ses excroissances (à quel prix d’ailleurs ?) cherchent à contrôler la démographie mondiale, et notamment africaine, quitte à inoculer des substances étranges à sa jeunesse. En fait, l’occident se retrouve désemparé face à une perte de contrôle inattendue des rênes de l’histoire par le vieillissement inexorable de ses populations. Et certains milieux financiers et idéologiques occidentaux ne cachent plus leur peur panique de la disparition progressive de la race blanche ! Les théories nazies les plus sordides refont surface. Des moyens colossaux sont mis à la disposition de cerveaux maléfiques qui pensent que certains ont droit de vie et de mort sur d'autres. Que des vivants ont le droit de fermer la porte de la vie à de nouvelles générations appelées à les remplacer ainsi qu’il en a toujours été. Personne n'est éternel. La ronde des générations est consubstantielle du cycle de la vie. Il est triste de voir des hommes et des femmes ayant dépassé la soixantaine se préoccuper de limiter les naissances au lieu de se préparer à mourir pour céder la place aux futurs héritiers de la terre… Il est tout autant absurde de voir les moyens colossaux que Bill et Melinda Gates, par exemple, déploient pour freiner la démographie africaine. Dès lors, ce débat macabre qui nous est imposé devient incontournable. Il va falloir que les intellectuels africains l’affrontent de face et taillent en pièces les théories de ces illuminés fantasques. L'Afrique n’est pas surpeuplée. Elle dispose de bras et de terres arables pour se nourrir et pourvoir aux besoins de plusieurs pays à travers le monde. Elle dispose de ressources naturelles à suffisance. Il ne manque à l'Afrique que des leaders éclairés, rigoureux, honnêtes et travailleurs ayant de l’empathie pour leurs peuples. Voilà les termes de l’équation à résoudre !
Si les deux guerres mondiales précédentes (14-18 et 39-45) étaient militaires, physiques, stratégiques et techniques, de plus en plus les conflits ont évolué vers une sophistication des moyens technologiques. Du renseignement à l'observation à distance, en passant par les kilotonnes de bombes déversées sur des civils innocents, la guerre est devenue, de plus en plus, un enjeu de recherche scientifique et d'application des résultats de la recherche sur des terrains d’opération, au mépris du caractère sacré de la vie humaine. De plus en plus les « grandes puissances » veulent faire la guerre sans mettre en péril la vie de leurs propres soldats. De plus en plus la guerre est unilatérale car opposant des belligérants aux forces inégales, sans que la « communauté internationale » ne daigne rappeler à l'ordre celui qui impose sa loi par la force, même si le droit lui donne tort. Drôle d’époque où les crimes d’Etat restent toujours impunis ! Pour tout dire, c'est bien dans le cadre de recherches d'armes bactériologiques qu’un virus malicieux s'est échappé pour mettre à nu les stratégies maléfiques que déroulent quelques humanoïdes pour contrôler l’humanité et son avenir. Combien de laboratoires du genre de celui de Wuhan existent à travers le monde avec des projets de recherches au service d’une guerre bactériologique? Combien d’intelligences dévoyées dans le meurtre et le sang au lieu de se mettre au service de la vie et du bonheur de l'humain ?
Rien ne sera plus comme avant ! Après le passage de la pandémie, un nouveau monde devra jaillir des cendres du désordre mondial actuel qui a poussé tous les pays à se replier sur des égoïsmes nationaux et les humains à cultiver un égocentrisme qui laissera des traces sur notre manière de vivre ensemble. Les relations internationales devront subir une mutation profonde dans le sens de plus de justice et d’équité. Le continent africain, malmené depuis des siècles, ploie encore sous le joug de « puissances » qui pillent nos ressources et veulent définir un nouvel ordre mondial à leurs conditions. C'est le moment de dire non ! On sait désormais qu'elles ne sont ni omniscientes ni omnipotentes… Un virus si petit au point d'en être invisible vient d'ouvrir un trou béant dans leurs fanfaronnades. D'autres surprises sont à attendre…
Si l'Asie est parvenue, au sortir de la seconde guerre mondiale, à se reconstruire le moral et à bâtir des économies fortes et conquérantes, le continent africain reste ce no man's land constitué de micro-états dessinés par les puissances coloniales. Il est temps pour la jeunesse africaine de donner de la voix et de se donner comme horizon la construction d'une Afrique unie, libre et industrieuse. Les dirigeants africains contemporains sont généralement décevants : paresse intellectuelle, tendance à la jouissance plutôt qu’à l'exercice du pouvoir, gestion familiale, clanique ou partisane des intérêts nationaux. Corrompus et corrupteurs, pour la plupart, les dirigeants africains sont oublieux du sort de leurs prédécesseurs tous rangés aux oubliettes. Combien de « guides éclairés, Maréchal à vie, Empereur » dégagent une odeur pestilentielle dans les poubelles de l'Histoire ? Est-il admissible que le Continent noir en soit encore à solliciter obséquieusement un siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies ? L’Union africaine devrait organiser un boycott total des travaux de l'ONU jusqu’à ce que cette injustice soit corrigée. L'Union africaine (UA) devrait prendre en charge la mobilisation optimale des ressources humaines et économiques de la diaspora, sixième région du continent. Au lieu de s’épuiser dans l’arbitrage de conflits interminables souvent suscités par les « amis de l'Afrique », et leurs mercenaires… Pour tout dire, l’UA devrait investir le champ de l’avenir et celui de la reconstruction du moral des jeunesses africaines en facilitant la circulation des personnes et des biens, en faisant la promotion des joint ventures intra africaines. L’UA doit retrouver le sens de sa mission : nous rassembler sur ce qui nous unit et gommer progressivement toutes les différences/divergences et causes de conflits pour parvenir à l’union continentale rêvée par tous les panafricains.
Covid 19 au Sénégal. Jusqu'au moment où j’écris ces lignes, la pandémie n'a pas encore atteint le seuil de l’irréparable. Les malades guéris sont plus nombreux que les cas de décès. Mais les signaux d'alarmes commencent à pointer la nécessité de faire preuve d'une vigilance accrue tout autant que d'une mobilisation sociale sans précédent. L’accroissement et la multiplication territoriale des cas communautaires sont des alertes sérieuses qui doivent retenir toute notre attention. En vérité, nous devons absolument gagner la bataille de la prévention parce que nous n'avons pas les moyens de la prise en charge correcte de milliers de malades en même temps. Au vu de la débâcle constatée dans des pays aux systèmes hospitaliers mieux lotis, ne nous voilons pas la face : limiter la propagation du virus est notre seul option. Cependant, la sensibilisation ne doit pas être le prétexte à une banalisation de la tragédie : les multiples artistes qui se produisent pour faire danser sous le prétexte de mobilisation sociale se trompent de vecteur. C'est le temps de toucher les cœurs et de faire percevoir le péril dans toute sa virulence. Tout peut basculer en un jour et les morts se compter par milliers. A Dieu ne plaise ! Les messages doivent être clairs et sans équivoque : la mort rôde !
C'est le lieu de rendre un vibrant hommage aux médecins et personnels de santé du Sénégal. Civils et militaires. Les conditions de travail surréalistes dans lesquels ils opèrent des miracles nous obligent, au sortir de cette épreuve, d'exiger un relèvement significatif du plateau technique de nos structures sanitaires. Le secteur de la santé et de l’éducation viennent de faire la preuve, encore une fois, de leur caractère supra prioritaire. Il va falloir passer des discours aux actes et surtout dépolitiser les enjeux stratégiques nationaux.
Au demeurant, les rumeurs fondées ou non sur la gestion des fonds et moyens destinés à la sécurisation de nos populations doivent être, au plus vite, contenues par une politique de transparence au dessus de tout soupçon. Nul n'a le droit de jouer avec nos vies et l'avenir de nos enfants. Nous ne sommes pas, ici, dans le cadre de la politique politicienne. Nous sommes collectivement en danger de mort. Aussi simple que cela.
Pour ne pas conclure. Le fait que le Covid 19 ait commencé par sévir dans les puissances économiques et militaires de l'heure, et parfois en ciblant des personnalités à priori hors de portée, est le signe que de nouveaux paramètres incontrôlables par l'esprit humain peuvent surgir à tout moment.
A ceux qui doutent encore de l'existence d'un être Supérieur qui, au fond, est au contrôle de l'univers : pensons que la terre aux habitants si turbulents, si bavards et vaniteux, est la plus petite planète du système solaire. Devenons plus humble. Ressemblons à ce que nous sommes : des gouttelettes de vie répandues sur terre pour la féconder le temps d'une saison. Retrouvons le sens et la force de la prière qui nous relie à la source suprême de toute vie humaine, minérale ou végétale… Retrouvons le sens et le goût du repentir. Alors le Créateur du Covid 19, que certains dont le Professeur Montagnier appellent « accident » le rappellera à l'ordre. Et le véritable Nouvel Ordre Mondial deviendra possible…
Comprenne qui pourra.
INTERROGATIONS AU TCHAD APRÈS LA MORT DE 44 DJIHADISTES DANS LEUR PRISON
Suicide collectif, mauvais traitements ou assassinats ? La mort mystérieuse de 44 membres de Boko Haram dans leur cellule à N'Djamena provoque l'effroi au Tchad, où ce drame aux circonstances floues soulève bien des questions
Quarante-quatre membres de Boko Haram ont été retrouvés morts dans leur cellule à N'Djamena, provoquant effroi et interrogations au Tchad.
Suicide collectif, mauvais traitements ou assassinats ? La mort mystérieuse de 44 membres de Boko Haram dans leur cellule à N'Djamena provoque l'effroi au Tchad, où ce drame aux circonstances floues soulève bien des questions.
Il est 19h30 samedi lorsque le Procureur de la République Youssouf Tom annonce à la télévision qu'une quarantaine de combattants de Boko Haram, faits prisonniers pendant l'opération lancée début avril par le Tchad contre le groupe jihadiste, ont été retrouvés morts jeudi matin par leurs geôliers à N'Djamena.
Sur les 44 dépouilles, quatre seulement ont été autopsiées, précise-t-il. Le rapport révèle alors la présence d'une substance toxique dans leur organisme, ayant entrainé "une crise cardiaque pour les uns" et "une asphyxie sévère pour les autres". Il ajoute que les 4O autres corps ont déjà été enterrés.
Mercredi soir, le ministre de la Justice du Tchad, Djimet Arabi avait annoncé à l'AFP que les 58 éléments de Boko Haram faits prisonniers lors de l'opération venaient d'être transférés à N'Djamena, pour être auditionnés, puis jugés par une cour criminelle.
"Que s'est-il passé entretemps? Nous sommes encore sous le coup de la stupéfaction", déclarait samedi le ministre à l'AFP après l'annonce du procureur, précisant que l'enquête se poursuivait.
Samedi, avant l'annonce du procureur, une source sécuritaire, parlant sous le couvert de l'anonymat, avait affirmé à l'AFP que 44 prisonniers avaient été retrouvés morts dans une cellule, où ils avaient été enfermés sans eau, ni nourriture.
Mais, assure le ministre de la Justice, "il n'y a eu aucun mauvais traitement, et la veille les prisonniers allaient encore très bien".
Et dimanche matin, les réactions de la société civile et de l'opposition ont afflué. "C'est une violation grave du droit humanitaire international", s'exclame Jean Bosco Manga, fondateur du Mouvement citoyen pour la préservation des libertés (MCPL). "Lorsque l'ennemi est sous votre contrôle, désarmé, il doit bénéficier de toutes les protections humanitaires", ajoute-t-il.
"Le gouvernement tchadien est responsable de ce qui leur est arrivé en prison, il faut que les causes soient réellement déterminées, qu'une enquête indépendante soit ouverte", déclare Mahamat Alabo, l'une des principale figures de l'opposition au Tchad.
Des dizaines de prisonniers retrouvés empoisonnés "à ce que je sache, ce n'était jamais arrivé", explique à l'AFP Ahmad Yacoub Dabio, président du Centre d'étude pour la prévention de l’extrémisme au Tchad. "Nous devons attendre les résultats pour y voir plus clair", tempère le chercheur, qui demande que "toutes les dispositions soient prises pour sécuriser les prisonniers encore en vie".
Car sur les 58 prisonniers, quatorze sont encore en vie, sans que l'on sache s'ils ont été en contact avec la substance toxique. "Ils vont très bien", assure le gouvernement, qui précise que leur audition permettra d'en savoir plus sur les circonstances du drame.
Les prisonniers décédés auraient-ils ingurgité du poison pour échapper à l'humiliation d'un procès et ne pas livrer d'informations stratégiques pendant leurs interrogatoires et auditions ? "C'est un des scenarii plausibles", affirme à l'AFP Bulama Bukarti, spécialiste de Boko Haram à l'Université de Londres.
"De mémoire, il n'existe pas de cas antérieur d'éléments de Boko Haram qui se seraient suicidés en prison", ajoute le chercheur, "mais il est possible qu'ils aient pris exemple sur Abou Bakr al-Baghdadi". Le chef du groupe jihadiste Etat islamique (EI) est mort en octobre dernier, acculé dans un tunnel syrien par des commandos américains, en actionnant sa ceinture explosive.
Autre scénario avancé par le chercheur, que "les prisonniers aient été empoisonnés par des forces de sécurité". Des exactions pour venger leurs frères d'armes tués par le groupe jihadiste ? Les combattants avaient été faits prisonniers lors de l'opération "Colère de Bohoma", lancée après la mort de 98 soldats tchadiens tués dans une attaque de Boko Haram, la pire défaite jamais enregistrée en 24 heures par l'armée tchadienne, pourtant réputée la plus efficace dans la région.
"Les armées de la région ont exécuté sans aucune forme de procès des milliers de personnes suspectées d'être membre de Boko Haram, selon les rapports d'ONG internationales", fait remarquer M. Bukarti.
Autre hypothèse, que ces prisonniers "n'aient en fait jamais été capturés", avance le chercheur.
Il est possible "que le Tchad ait exagéré le nombre de prisonniers faits", de la même façon que "de nombreux observateurs" pensent que "les autorités tchadiennes ont gonflé le chiffre avancé de 1000 jihadistes tués au cours de leur opération militaire", suggère-t-il.
"La seule façon de ne pas perdre la face, au moment de les présenter à la justice pourrait être de concocter une histoire pareille".