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30 avril 2025
Développement
par Massamba Ndiaye
MACKY SALL, UN HOMME DE PARADOXES !
Que vaut maintenant, votre envie soudaine de revoir les priorités après huit ans de gestion pour le moins chaotique ? Votre plaidoirie pour l'annulation de la dette publique africaine est un autre moyen pour couvrir votre gestion désastreuse du pays
Comment comprendre cet homme ? Avant sa victoire, entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2012, et juste après, le politicien Macky Sall a galvanisé presque tout un peuple et a réussi à susciter l’adhésion et l’enthousiasme de différentes composantes de la population en martelant partout que le progrès n’est pas seulement souhaitable, mais il est possible voire à portée de main pour les autorités, lui en l’occurrence, qui ont une haute idée de leur mission au service exclusif du peuple. Il nous enjoignait de croire que ce sursaut, c’est maintenant et que désormais la responsabilité et la redevabilité doivent être au cours de l’action de n’importe quel agent de l’Etat qui gère de manière directe ou indirecte les deniers publics.
Aujourd’hui, plus qu’hier, à vrai dire et en toute honnêteté, je suis troublé après la lecture du texte de Macky Sall et me demande vraiment quel homme nous avons porté à la tête du pays. Est-ce qu’il se prend vraiment au sérieux pour oser étaler une série de mesures pour aider le Sénégal en particulier et les autres pays africains à lutter efficacement contre le Coronavirus comme s’il ne savait pas que rien n’a été fait depuis qu’il est à la tête du pays pour doter nos structures sanitaires d’équipements médicaux de qualité et en nombre suffisant ?
N’avait- il pas promis à nos compatriotes en 2016, lors de son discours à la nation, la construction d’hôpitaux modernes à Touba, Kédougou, Kaffrine, Sedhiou ? Aujourd'hui, nous n'avons rien vu qui ressemble à ça ou qui s'en approche. Par contre, s'agissant de Touba, des suspicions de détournement de plusieurs milliards de francs CFA ont été relayées par certaines personnes et à ce jour aucune enquête du parquet ou l’ouverture d’une information judiciaire en vue de clarifier la situation. Une omerta totale. Qui cherche-t-on à protéger ? Et nos deniers publics, pour quelle raison doivent-ils se retrouver dans les poches de certaines autorités ?
Ces milliards, s'ils étaient utilisés de manière efficiente, pouvaient permettre d’accueillir à Touba même, en cette période de crise sanitaire grave, dans les conditions idoines en matière de prise en charge des malades du covid-19 et au-delà de toute la région dans les meilleures conditions. Que vaut, maintenant Macky Sall, votre envie soudaine de revoir les priorités après huit ans de gestion pour le moins chaotique du pays ? Nos compatriotes apprécieront votre sortie catastrophique, qui au demeurant, nous jette à la figue l’irresponsabilité dont vous faites preuve depuis le début de votre magistrature à la tête du pays. Depuis, tout ce temps, vous n’avez pas jugé nécessaire d’investir massivement dans les soins de santé publique. La pandémie du Coronavirus vous renvoie à vos obligations et à votre responsabilité. Vous faites pitié Macky Sall. Cette mise en scène ne vous honore pas. Tout au plus, elle dévoile de manière précise votre faillite personnelle parce que vous n’avez pas su mettre en avant la satisfaction des besoins primaires de nos compatriotes : un système de santé performant et accessible à l’ensemble du corps social sénégalais.
Maintenant que l’heure est grave, vu la progression rapide du Coronavirus au Sénégal et ailleurs en Afrique, vous prenez votre bâton de pèlerin pour indiquer à vos autres confrères les mesures et le chemin à prendre pour permettre à l’Afrique de sortir sa tête de l’eau afin de se prémunir du déluge. Les solutions que vous préconisez, ressemblent à bien des égards à des soins palliatifs en vue de contenir la vague et de minimiser les dégâts. Ces solutions n’existaient-elles pas avant ? Si, nos pays en particulier le Sénégal n’étaient pas touchés par cette pandémie du Coronavirus, vous ne sonnerez sûrement pas l’alerte qu’il faille s'occuper de manière résolue à la santé, à l’éducation, à la formation de nos jeunes, à l’emploi, à une politique d’industrialisation significative et performante, à l'agriculture et encore tellement que les chantiers de redressement voire de relance sont hélas nombreux sur le temps d’un mandat. Mais, Macky Sall, le Sénégal ne va pas s’arrêter après votre départ de manière inéluctable de la tête du pays, même s'il vous était permis mille et une autre vie à Doumbélane.
Aujourd’hui, vous vous étonnez Macky Sall que nous autres africains, avons du mal à nous approvisionner en kits de protection, en gel, en gants, en masques médicaux etc. et qu’est-ce que vous avez fait au juste depuis 2012 pour nous préparer à faire face aux dangers de ce virus dévastateur et à d’autres catastrophiques, qui nécessitent pour le moins, de protection à travers des structures hospitalières de qualité et un personnel médical performant et motivé. Mais, Macky Sall, le mal est déjà fait. Il ne fallait pas surtout pas attendre que cette catastrophe sanitaire de grande envergure se prépare à secouer le pays de toute part pour retrouver soudain l'ingéniosité des hommes d’Etat à tracer les lignes voire à mettre en exergue des politiques structures inclusives pour entamer le processus de transformation de toute la société sénégalaise. Malgré tous les appels de nos compatriotes de revoir l’ordre des priorités, votre gouvernement a maintenu le cap en s’activant davantage dans la réalisation de projets non structurants pour l’économie nationale.
Hélas Macky Sall, votre vision futuriste d’un Sénégal émergent qui s'arrête à Diamniadio montre les limites et les insuffisances de votre gestion du pouvoir. Aujourd’hui, les masques tombent et les chants laudateurs de vos thuriféraires zélés n’ont plus de saveur et ne portent plus loin. Cette crise sanitaire montre avec clairvoyance que le plan Sénégal Émergent que vous nous avez vendu n’était en fait que du pipeau, un mirage pour les esprits naïfs très vite obnubilés par le côté flamboyant de certaines infrastructures routières. Votre Sénégal Émergent se réduit principalement à l'autoroute Ila Touba, au centre international de Conférences Abdou Diouf, à l'Arène nationale, à Dakar Arena, au futur Stade Olympique dans un pays de trous à rats où tout est urgence même la satisfaction des besoins primaires de la majorité de la population voire les conditions ou les prouesses de survie de nos concitoyens qui sont visibles partout et à chaque coin de rue. Des milliards de francs CFA engloutis dans ces projets de prestige qui n’engendrent que des profits aux sociétés étrangères qui les exploitent et le plus souvent avec cupidité sur le dos de nos compatriotes, ou tout au plus, à la satisfaction voire à la gloire de Macky Sall, roi de la cour de Benno Bokk Yaakar.
Nous sommes à l’heure d’une course contre la montre. Nos dirigeants, vous en premier, par négligence, par irresponsabilité ou par une faiblesse coupable, n’ont jamais pris en compte l’ampleur de l’état de délabrement de nos structures sanitaires. Combien de fois, nos compatriotes les plus démunis se voient renvoyés de ces mouroirs faisant office de structures sanitaires publiques, faute de moyens ou de pénurie de matériels de première nécessité, vous étiez où Macky Sall en Patagonie ou dans les lambris dorées du palais comme ce fameux roi de cour qui se targue d’être un lion qui dort alors que son peuple souffre au plus profond de sa chair et a du mal à se soigner et à soigner ses membres les plus vulnérables.
Aujourd'hui, le réveil semble brutal pour Macky Sall, un lion qui dort et qui ne sait plus quoi faire que de discourir à longueur de journée ou de recevoir politiciens professionnels, activistes, marabouts, membres de la société civile, communicateurs traditionnels et autres troubadours. Les discours sont derrière nous. C’est le temps de l’action et uniquement de l’action. Pendant, huit longues années, nous autres sénégalais, avions écouté et bu à satiété vos promesses et au final, un pays qui n’a que quelques dizaines de lits de réanimation pour les cas les plus sévères du Coronavirus. De grâce Macky Sall, passez à autre chose. Ce n’est pas le temps de jouer au bon samaritain en vous faufilant dans les rangs pour vous arroger une place de leadership ( la trouvaille d’un autre et ancien adversaire politique de Macky Sall dans une autre tribune pour le magnifier : Macky Sall, le héraut de l’Afrique de Cissé Kane Ndao ) dans le concert des nations africaines au moment où d’autres présidents du continent à l’image de Paul Kagame du Rwanda tirent leurs pays vers le haut sans trompettes ni tambours. Ils n'ont que le travail et la volonté comme moyens d’action pour avancer. C’est peu, mais, c’est beaucoup pour les autorités qui veulent substantiellement transformer leur pays et offrir à ses habitants une vie décente.
Vous le savez sans doute Macky Sall, la quasi-totalité du pays se débrouille au quotidien pour survivre dans la dignité et compte uniquement sur leurs capacités de résilience même dérisoires pour tenir le cap de la persévérance dans l’effort. Ces pères et mères, ces jeunes n’attendent rien de vous. Ils savent que tout compte fait, ils ne rentrent pas dans vos priorités. Pendant huit longues années de gestion sombre et nauséabonde de nos ressources et potentialités économiques, vous avez préféré servir d’abord et toujours les intérêts de vos maîtres français. Le peuple, qui vous a donné l’insigne honneur de présider à sa destinée, est méprisé et vous vous étonnez encore une fois de plus de la modeste contribution voire insignifiante du secteur privé national dans l’effort de guerre qui est demandé à l’ensemble du corps social sénégalais pour lutter efficacement contre le Coronavirus. Les marchés publics sont octroyés aux sociétés étrangères et très souvent dans des conditions nébuleuses et au détriment de la protection de l’intérêt général.
Il vous a fallu user d’une contrainte peu recommandable pour un homme vertueux, loyal voire d'une menace de sévir pour que certains de nos capitaines d’industrie sortent du bois et mettent à votre disposition des montants d’argent beaucoup plus importants. Et pourtant, vous n’avez rien fait pour accompagner le secteur privé national. Certains, par peur, ont cédé, osons lâcher le mot, de votre chantage, une autre forme de racket institutionnalisé dans nos Républiques bananières où le prince peut s’arroger tous les droits même les plus infâmes qui heurtent la morale. Mais, que penser, si cette autorité n’a pas de vertus voire si au contraire, elle préfère les piétiner à loisir que de les mettre en application ? C’est tout notre drame au Sénégal avec Macky Sall. J’ose à peine vous recommander la lecture de l’Apologie de Socrate. Il est un excellent moyen de s'entretenir avec soi-même dans un tête-à-tête lucide et responsable avec sa conscience….
Mais, ce n’est pas tout Macky Sall. Plus on analyse en profondeur et en toute objectivité votre texte, on se rend compte que vous vous accordez une certaine liberté et ce à dessein en vue de manipuler davantage l’opinion sénégalaise voire africaine pour espérer en récolter une adhésion. Une autre manipulation de trop encore Macky Sall. Les situations de crise sanitaire que traversent l'Europe et l'Amérique ne sont pas le résultat d'un manque d'hôpitaux de qualité ni d'un personnel médical pas assez performant, ils se sont vite trouvés débordés par l'arrivée massive de patients en un temps record. .Dans chaque service, en temps normal. Ils n'éprouvent jamais les mêmes difficultés que le Sénégal pour traiter les malades et quelles que soient les pathologies dont ils souffrent. Chez nous, Macky Sall, nos hôpitaux ont du mal à soulager voire traiter nos compatriotes qui souffrent d'insuffisance rénale, de diabète. De cancer et encore beaucoup de maladies plus bénignes. Il faut savoir raison garder Macky Sall. Les situations ne sont pas identiques. Et tant mieux pour nous puisque nous ne connaissons pas les longs cortèges de camions transportant des dépouilles. Il ne faut surfer sur cette vague pour amadouer nos compatriotes. Malgré leur immense moyens, ils subissent durement le choc parce qu’ils n’ont pas pu venir la menace pour prendre leurs dispositions ou à tout le moins qu'ils ont minimisé le danger réel du Coronavirus sur la santé de leurs concitoyens. Et depuis, les autorités ne dorment plus et sont aux avant-postes pour lutter contre la pandémie parce qu'elles sont persuadées, une fois que la pandémie sera derrière elles, de devoir rendre des comptes et de situer la responsabilité des uns et des autres sur les carences voire les limites de l'action des responsables gouvernementaux. Aujourd'hui, elles sont dans le champ de l'action, de l'effort et du soutien de tous les secteurs d'activités. Elles font face à leurs responsabilités même si certaines ont accusé un retard avant de prendre conscience de l'ampleur du désastre. Elles s’épargnent des discours puérils et sont dans le temps de l'action.
Contrairement à vous, même si les économies occidentales sont au centre des places, boursières, elles sont encore ancrées dans le réel avec des entreprises qui tournent et qui trouvent des débouchés et ce même si la concurrence et le libre-échange, des réalités et non des chimères compliquent la tâche pour certains Etats européens. Au demeurant, ils s'appuient sur leurs ressortissants et de leur expertise pour relever les défis de la mondialisation.
Par ailleurs Macky Sall, le nouvel ordre mondial dont vous souhaitez voir le jour après la pandémie et du rôle majeur du continent Africain au rendez-vous de l'Universel, je crains qu'il se fasse toujours derrière le dos de certains peuples africains et de leurs dirigeants qui ne veulent pas encore s'affranchir de la servitude qui empêche, en vérité l'Afrique d'avancer et de prendre son destin en main.
Que croyez-vous Macky Sall, après votre grille de lecture que la situation du Sénégal et de l'Afrique de manière générale va changer ? Non. Macky Sall ! Descendez sur terre et prenez vos responsabilités. Rien ne changera pour nous autres tant que vous nourrissez et entretenez cette relation de dirigeants soumis aux moindres desiderata aux autorités françaises. Pourquoi trainez-vous encore ce complexe d'infériorité que rien ne saurait justifier ?
Votre plaidoirie pour l'annulation de la dette publique africaine est un autre moyen pour couvrir votre gestion désastreuse du pays. Pourtant, lorsqu'il était question de rejoindre les bords de la Seine en compagnie de toute la République pour lever des fonds au club de Paris pour financer votre rêve du Sénégal Emergent, vous louez à l’époque la capacité du pays à jongler avec le plafond de la dette publique. Aujourd'hui que les caisses de l'État sont vides, vous suppliez nos partenaires au développement de nous tendre la perche et de vous sauver de la chute. Je suis contre une annulation pure et simple de la dette publique des pays africains. Certains de mes concitoyens s'en offusqueront et ne vont pas manquer de douter de mon patriotisme. C'est à la fois très simple voire affligeant de dilapider ou de détourner toute honte bue des milliers de milliards de francs CFA et profiter de la pandémie pour demander mieux quémander à nos partenaires au développement de passer l'éponge. Et après ce discours aux contours misérabilistes, il ne faut pas s'étonner Macky Sall que les autres puissent avoir un regard condescendant sur nous autres africains. On peut s'en indigner, mais vous et les hommes de votre acabit leur facilitent grandement la tâche.
Au-delà de ces protestations et autres indignations sélectives, il faut hélas revenir à la morale politique que nous avons le devoir de tirer de l'œuvre d'Albert Camus comme l’a rappelé votre porte-parole, l'ancien journaliste Abdou Latif Coulibaly dans sa contribution intitulée : “ L'inconscient néocolonial mais dont il se garde de tirer les enseignements et les conséquences pour ne pas vous frustrer Et pourtant, c’était net et précis ce qu’il suggérait. C'était lourd de sens et de portée “ Un point, c’est tout “, mais l’intellectuel a préféré suivre la vague des autres thuriféraires zélés pour ne pas perdre ses privilèges que de vous asséner ses “ vérités “ même tronquées.
Et c’est un autre malheur pour le Sénégal et sans doute le plus grand d’assister de manière frénétique au volte-face d’une partie de son élite, qui voit le danger arriver, mais qui refuse de dire au commandant de bord qu’il se dirige droit au mur avec des conséquences incalculables à force de manœuvres dangereuses et maladroites pour le navire.
par Abdourahmane Ba
MÉTHODE POUR UN TEST INTÉGRAL DE LA POPULATION
Personne ne peut prédire avec exactitude la prochaine étape. Plus on est préparé à faire face au plus difficile, mieux c'est pour notre survie
"Comment tester massivement la population de manière efficace et efficiente pour combattre le COVID-19 ?
Il faut s'y préparer maintenant, c'est plus qu'urgent !
Je ne le souhaite pas, mais si on était obligé de tester l'ensemble de la population pour aller vers un confinement effectif des malades du COVID-19 et laisser la population saine circuler, une méthode statistique appelée "Grappes" peut aider à le faire de la manière la plus efficiente et effective.
Peut-être qu'on n’aurait pas les moyens de tester dans les limites de temps raisonnable toute la population du Sénégal (16 millions). Alors, je proposerai l'approche suivante basée sur les méthodes statistiques de sondage systématique à plusieurs niveaux qui permettrait de réduire le temps ainsi que les tests à environs 3 millions de manière globale. Considérons une erreur de plus ou moins 500 milles tests. Ce qui ferait un total maximum pessimiste de 3,5 millions de tests dont on aura besoin au lieu de 16 millions de tests.
1. En priorité, il faut tester de manière exhaustive individuellement tout le corps médical dans tout le pays et le personnel paramédical du ministère de la Santé. Les positifs devront être immédiatement isolés et traités dans des endroits non loin des centres de traitement pour les remobiliser rapidement dès qu'ils seront guéris. Le corps médical mènera lui-même ses propres tests. Aucun autre corps ne devrait être mêlé à cela.
2. Tester sur un deuxième niveau de priorité individuellement toute l'armée, la police, la douane, les corps paramilitaires, l'administration territoriale, et le gouvernement central. Isoler les positifs dans les centres médicaux des camps militaires dans le pays. Ces centres devront être aménagés au plus vite. Le corps médical mobilisera des éléments déjà testés négatifs, les équiper de matériels de protection sûrs pour tester toutes ces catégories de population individuellement dans cette deuxième grappe de priorité.
3. Pour tester la population générale maintenant une fois que les deux premières étapes sont complétées, les éléments de l'armée et la police, ainsi que l'administration territoriale déjà testés négatifs seront mobilisés sur l'ensemble du territoire pour mener les tests et mettre en quarantaine là c'est nécessaire. Ils devront être assistés par un nombre limité du corps médical et paramédical déjà testés négatifs. Là, le test individuel ne sera pas préconisé. Il faut procéder par grappes. Les tests seront menés par concession, building, immeuble. Le confinement total devra être décrété dans cette étape. Au niveau de chaque concession, building, immeuble, le sang de tous les occupants devra être prélevé, mélangé et testé une seule fois. (Il paraît que l'Allemagne a déjà utilisé le modèle de tests par grappes, il faut voir leur expérience). Si c'est négatif, ils seront libres de circuler à la fin des tests dans leur ville, village, région. Si c'est positif, la concession, le building, l'immeuble devra être immédiatement mis en quarantaine et un ou deux militaires postés à la porte. L'hypothèse centrale de contrôle de disponibilité des militaires suffisants pour cela est que le nombre de cas n'est pas encore assez grand.
Dans ces cas de concession, building ou immeuble dont le test par grappe est positif, les personnes âgés ou ayant des antécédents de maladies compliquées comme le diabète, l'asthme et l'hypertension artérielle devront être immédiatement acheminées dans les centres de traitement où nécessairement des zones des testés positifs et des testés négatifs en attente de sortie devront être délimitées. Pour cette approche par grappes, il faudra impérativement donner la priorité aux villes et localités déjà touchées par le COVID-19 et progresser jusqu'à toucher l'ensemble du territoire. Les concessions, building et immeubles testés positifs et en quarantaine devront être re-testés par grappes tous les 15 jours jusqu'au déconfinement intégral.
Il faudrait une très bonne planification et une logistique sans erreurs pour préparer et mettre en œuvre ce plan. Les autorités devront déjà se préparer à ce plan et faire des manœuvres et essais à grande échelle. Il faut toujours se préparer au pire en face des pandémies. Personne ne peut prédire avec exactitude la prochaine étape. Plus on est préparé à faire face au plus difficile, mieux c'est pour notre survie.
Ainsi, toute la population testée négative pourra vaquer à ses préoccupations. Cela aiderait à relancer l'économie au plus vite tout en assurant une bonne maîtrise de la pandémie.
Il faudrait se préparer à ces options stratégiques dès maintenant sans se laisser surprendre par le COVID-19 qui a fini de surprendre même de grands pays développés.
Abdourahmane Ba est Ingénieur Statisticien
par Abdoul Mbaye
PENSER LA REPRISE DE LA CROISSANCE
Il ne peut être raisonnable d’envisager une croissance de l’économie qui serait ramenée de 7% (taux qui fut déjà contestable) à 3% - Le réalisme devrait plutôt conduire à retenir que l’économie sénégalaise entrera en récession en 2020
Ce serait faire preuve d’un optimisme excessif que de croire en une croissance de l’économie sénégalaise de 3% en 2020 comme récemment annoncée. Il convient plutôt de préparer la ntion à une récession économique (baisse du PIB significative) et au mieux à une croissance du PIB qui ne saurait être supérieure au croît démographique. Les Sénégalais doivent prendre conscience d’une augmentation inévitable de la pauvreté et être mis dans une attitude de mobilisation pour reconstruire une économie dont on constatera inévitablement qu’elle aura été très affectée par la crise du Covid-19.
Il faut à tout prix éviter les projections de croissance trop optimistes qui porteraient des lendemains de grosse déception. Partout dans le monde, les pays annoncent des récessions économiques de grande amplitude. Partout la demande et l’offre baissent tandis que le chômage bouscule des records.
Concernant le Sénégal, à défaut de disposer d’outils pointus permettant de déceler dès à présent les conséquences de la situation due au Covid-19 sur le taux de croissance en 2020, on peut au moins s’interroger sur les conséquences probables de faits évidents, déjà identifiables ou à venir.
Quel moteur de croissance en 2020 et 2021 ? On se souviendra que dans le cadre de l’Instrument de Coordination des Politiques Économiques (ICPE), le relatif essoufflement de l’État, jusque-là présenté comme l’acteur principal de la croissance sénégalaise par l’investissement public, imposait de passer le relais au secteur privé, nouvelle locomotive de la croissance sénégalaise à relever au taux de 7%. Il s’agit aujourd’hui de sauver du désastre ce secteur privé sur lequel reposaient les espoirs de croissance par des actions de l’État qui vont nécessaire amoindrir les capacités de ce dernier en matière d’investissement. La priorité consiste désormais pour l’État à apporter son soutien au maintien de l’outil de production - en évitant de trop nombreuses faillites - et à la sauvegarde de l’emploi.
La croissance économique du Sénégal sera donc nécessairement en berne du fait d’une part de l’incapacité du secteur privé national à tirer vers le haut l’investissement et la croissance, et d’autre part à l’affaiblissement plus que prévu de la capacité de l’État à investir.
En outre, le caractère mondial de la crise économique et son importance, également les réflexes déjà annoncés de remise en cause partielle des principes de délocalisation industrielle, conduisent tous les analystes à prévoir une baisse importante de l’investissement direct étranger (IDE).
Au-delà du cadre macroéconomique, l’analyse sectorielle des principaux piliers de l’économie sénégalaise impose aussi de se montrer pessimiste en matière de croissance pour l’année 2020 et même pour celle qui suivra.
L’agriculture sénégalaise a été négligée. Les fausses statistiques ont été préférées à une véritable stratégie de son développement. Au plan des statistiques, les performances annoncées, bien que non conformes à la réalité, sont celles qui ont construit une partie de la croissance de notre PIB. Il est impossible de poursuivre leur gonflement alors que les réalités - comme celle de la notoire insuffisance de graines d’arachide disponibles pour l’industrie d’huilerie - imposent désormais de la réserve à défaut d’un retour à la réalité. A titre d’exemple, il est devenu impossible de fixer la production d’arachide à plus de 1,4 millions de tonnes. Impossible aussi de maintenir ce niveau de production sans verser dans le ridicule.
L’agriculture sénégalaise sera tout au plus stagnante.
L’industrie d’extraction ne pourra compter sur une hausse des cours mondiaux à l’exception de l’or redevenue valeur refuge. Il faut d’ores et déjà tenir compte d’un décalage possible des prévisions d’investissement et de mise en exploitation dans le secteur pétrolier et gazier compte tenu des réajustements déjà annoncés par quelques majors.
L’industrie manufacturière subira les conséquences d’une contraction de la demande des ménages du fait de pans de l’économie en difficulté conduisant à des licenciements et à du chômage technique mais aussi d’une baisse très importante des transferts reçus de l’extérieur.
Toutes les activités liées au tourisme et au transport aérien, piliers de l’économie sénégalaise, vont s’effondrer. Le redressement du tourisme sera très lent en raison de la baisse des revenus dans les pays d’origine des touristes et de leur crainte de risque résiduel de contamination même après la fin des confinements à l’échelle mondiale.
Le secteur du commerce et des services sera très largement impacté par les réflexes de sédentarisation et de confinement, par l’État d’urgence et le couvre-feu.
Le secteur des télécommunications pourrait par contre mieux se tirer d’affaire, les communications se substituant aux contacts interdits ou refusés.
La baisse des transferts de la diaspora aura un impact considérable sur la demande des ménages. Elle pourrait atteindre entre 35 et 50%, ce qui représenterait près de 500 milliards fcfa. La baisse des revenus des expéditeurs qui sont les plus gros contributeurs - parce que résidant dans les pays les plus touchés par la crise du covid-19 (France, Espagne et Italie) - rend très pessimiste sur les montants qui seront perçus en 2020. Il faut rappeler que les transferts d’émigrés sénégalais représentent 10% du PIB du Sénégal, ce qui est considérable.
En raison de tous ces constats, il ne peut être raisonnable d’envisager une croissance de l’économie qui serait ramenée de 7% (taux qui fut déjà contestable) à 3%. Ce dernier taux fut d’ailleurs annoncé trop tôt, à un moment où les conséquences de la crise ne pouvaient encore être correctement évaluées, pour pouvoir être crédible.
Le réalisme devrait plutôt conduire à retenir que l’économie sénégalaise entrera en récession en 2020. A défaut de le croire, il serait au moins raisonnable de l’envisager et de préparer sa remise en route et sa reconstruction au moins dans le court terme. Il vaut mieux retenir cette éventualité, et demain se réjouir de pronostics trop pessimistes plutôt que d’annoncer une croissance de 3% qui jamais ne viendra.
Dès à présent, la remise en activité de notre économie doit être préparée. Elle doit être centrée autour des secteurs dont nous avons la plus grande maîtrise, et en particulier l’agriculture et le tourisme intérieur.
Des comités techniques pluridisciplinaires doivent être mis en place dans cet objectif. Pour ce qui concerne l’agriculture, l’urgence est immédiate en prévision de la prochaine saison des pluies.
Le projet de relance agricole doit être articulé autour du marché intérieur, principalement par l’augmentation des rendements et de la production des céréales et des légumes. Aussi le renforcement de l’embouche pour obtenir la croissance des différents cheptels. Les bras libérés par la crise économique doivent être encouragés à redevenir disponibles pour l’exploitation agricole au sens large.
La campagne agricole 2020 doit être méticuleusement préparée. Les considérations politiciennes qui gênent la distribution optimale des engrais et des semences de qualité doivent être totalement exclues. Face à l’incertitude spécifique à toute saison des pluies, un suivi particulier doit concerner l’utilisation de tout périmètre irrigué recensé sur le territoire national à des fins de production.
Le projet de relance du tourisme doit concerner avant tout le tourisme intérieur. Celui de l’accueil des étrangers pourraient être très lent à reprendre car le Covid-19 laissera des budgets à reconstituer et des peurs de voyage à l’étranger à lever. Les professionnels devront concevoir un plan de promotion de leur activité par des tarifs particulièrement attrayants. Les résidents constituant la clientèle locale, au sortir du confinement relatif et de l’état d’urgence, auront besoin de « dépaysement ». L’offre touristique se souciera toutefois de rassurer en garantissant une sécurité « sanitaire » par le maintien des attitudes de protection au sein des réceptifs. L’État prendra soin d’expliquer aux citoyens l’importance de leur contribution à la relance du secteur par leurs dépenses de vacances locales.
Outre ces deux « projets de relance sectorielle », l’État devra se montrer attentif à toutes suggestions de reprise et de relance d’activité venant des secteurs et des acteurs. Il devra aider à la conception de plans sous-sectoriels de reprise d’activité. La logique dominante consistera à rechercher de manière systématique le maximum de plus-value locale comme condition d’apport de l’aide de l’État. Ce ne sera pas une démarche consistant à se recroqueviller sur soi-même. Ce sera le respect d’une nouvelle logique globale qui portera la reprise des économies nationales à travers le monde au lendemain de la crise du Covid-19.
Le cas particulier de notre future industrie pétrolière et gazière doit faire l’objet de toutes les attentions. Les perturbations sur le marché des hydrocarbures vont engendrer des attitudes de réserve et de recul de la part des compagnies concernées par l’exploitation des permis pétroliers et gaziers. Leur désengagement - espérons temporaire - a d’ailleurs commencé à avoir lieu. L’État du Sénégal doit préparer les réponses juridiques à mettre en œuvre dès que la fin des confinements devra conduire au maintien du respect des engagements qui les lient.
Enfin, durant cette période et sans aucun doute bien au-delà, il faudra mettre en place au bénéfice des populations vulnérables, une juste réponse à l’augmentation de la pauvreté, mais également apporter la riposte adéquate à l’extension des zones d’insécurité alimentaire.
Notre cher Sénégal est entré en guerre. Pensons déjà à sa reconstruction.
Dans l’espoir que ces quelques propositions vous seront d’utilité, je vous prie d’agréer, monsieur le président, l’expression de notre considération citoyenne.
Que Dieu (swt) sauve le Sénégal et l’humanité.
par Alioune Blondin Diop
JEAN-PAUL MIRA, TU AS PERDU UNE OCCASION DE TE TAIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - J’ai toujours pensé que notre profession était à l’abri de la dérive qui menace une partie du peuple français depuis la présidence Sarkozy : celle de banaliser le racisme à l’égard des autres peuple
C’est au titre d’ancien praticien des hôpitaux de la Pitié-Salpêtrière service de médecine interne Herson et du Kremlin-Bicêtre service de médecine interne du Professeur Delfraissy Jean-François que je me permets de répondre à ce que je qualifierais de plaisanterie de très mauvais goût (délicat euphémisme).
Alors que nous traversons l’une des épidémies les plus catastrophiques depuis plus d’un siècle, tandis qu’on promet au continent Africain une véritable hécatombe humaine, tu es intervenu sur une chaîne de télévision, que je me garderai de nommer, en tenant les propos suivants :
«Au risque d’être provocateur, on pourrait réaliser cet essai thérapeutique ou ces vaccinations sur le continent africain, qui n’a ni masque, ni prévention, ni médicaments, ni dépistage». Tu poursuis en disant : «un peu à l’image de ce qu’on avait réalisé comme essai thérapeutique sur les prostituées africaines lors de la pandémie du sida.»
Cher Jean-Paul,
Tes propos sont insultants à plus d’un titre :
Le premier, c’est considérer que tu peux décider depuis ta salle de réanimation, ou de son service d’anesthésie de l’hôpital de Cochin de Paris, du type de prévention et du type d’essai thérapeutique que tout un continent doit mener en fonction de ta réflexion et de ton analyse d’hospitalo-universitaire français.
Le deuxième, c’est considérer que l’Afrique est un conglomérat de peuplades dotées des mêmes caractéristiques génétiques, du même morphotype, de la même histoire thérapeutique, des mêmes spécificités épidémiologiques et environnementales permettant de réaliser un essai thérapeutique, mettant toute sa population dans le même sac.
Ton imagination ne te permettait pas de pousser ton analyse au point de penser qu’il existe entre le Caire et l’Afrique du Sud (le Cap) autant de différences qu'entre le Danemark et Naples.
Par tes propos, tu as révolté tout une population africaine qui, je te rappelle, n’a plus ni le complexe ni la déférence que nos grands-parents nourrissaient à l’égard de la mère-colonie. Il s’agit d’une population jeune, affranchie et tout à fait disposée à en découdre avec tout nouveau système qui tenterait de les avilir ou de les humilier.
Le message subliminal perçu par les Africains est que nous sommes au mieux approximativement des humains, au pire des animaux supérieurs. On peut donc tranquillement réaliser des essais sur une espèce se rapprochant de l’humain mais qui, sur le plan économique, culturel et social, présente les mêmes traits de désorganisation du système de santé (absence de masque, de traitement, de prévention et de dépistage) en conformité avec celui que l’on peut retrouver chez des sous-humains.
Enfin, la comparaison avec une étude menée sur les prostituées africaines dénote inconsciemment de la comparaison que tu fais entre notre continent, ses habitants et ce plus vieux métier de la planète ; cela aussi a été perçu comme une insulte majeure.
Mon cher Jean-Paul,
En tenant ces propos avais-tu conscience que tu t’adressais à un continent marqué par 350 ans de traite négrière et 150 ans de colonisation ?
Te serait-il venu à l’esprit de plaisanter avec la Shoah ou le traumatisme du peuple juif à une heure de grande écoute sur une chaîne de télévision aussi prisée que LCI ?
Étais-tu conscient que l’un des présidents de la France avait récemment, de la façon la plus violente possible, présenté le continent africain comme un continent qui avait raté la marche de l'histoire et n'était pas suffisamment entré dans cette dernière ?
As-tu pensé que, par ta maladresse, plus aucun Africain, du Caire au Cap et de Dakar à Djibouti, n’envisage d’accepter un vaccin qui viendra de l’occident ? Ce que je déplore, puisque la piste en elle-même, sur le plan scientifique, revêt incontestablement un intérêt que tu as gâché et dont tu nous priveras à jamais…
Mon cher Jean-Paul,
En prêtant serment nous avons tous pris comme engagement de soigner l’humain, sans distinction de race, de religion, de convictions politiques. Je t’accorde évidemment d’être conforme à tes engagements lorsque tu as acquis le titre de docteur en Médecine puis de Spécialiste d’anesthésie-réanimation.
J’ai toujours pensé que notre profession aurait été à l’abri de la dérive qui menace une partie du peuple français depuis le passage du président Sarkozy à la magistrature suprême : celle d’être décomplexée au point de banaliser le racisme, la xénophobie et la condescendance à l’égard des autres peuples.
Je dois avouer que par tes propos, tu déshonores totalement notre profession et ce noble engagement qui nous vaut respect et considération dans le monde et sur la planète, particulièrement à un moment où nous sommes au premier plan de ceux qui participent au sauvetage de l’humanité.
Mon cher Jean-Paul,
L’estime que j’ai pour notre profession m’a naïvement convaincu que nous étions au-dessus des relents de néo-colonialisme qui transparaissent souvent dans les relations diplomatiques internationales, dans l’économie, dans la culture, relents fortement teintés d’un sentiment de supériorité et de condescendance. Ce type de travers, pour moi, était réservé aux autres secteurs mais surtout pas au secteur de la science et encore moins à celui de la médecine.
S’il te reste un minimum de respect pour le continent africain, je te demande démissionner de ta fonction de Chef de Service Réanimation ; bien entendu, après l’épidémie de coronavirus contre laquelle ton savoir reste un précieux rempart.
Docteur Alioune Blondin Diop est ancien praticien des Hôpitaux de Paris, spécialiste de médecine interne.
Donald Trump a menacé de couper les vivres à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’accusant d’être « biaisée » en faveur de Pékin. Une vraie question, mais est-ce vraiment le moment de la poser, en pleine pandémie ?
Franceinter |
Pierre Haski |
Publication 09/04/2020
Faut-il fermer l’Organisation mondiale de la Santé ? La question peut sembler saugrenue alors que le monde est confronté à une pandémie sans précédent depuis un siècle, en plein dans le domaine de compétence de l’OMS.
Mardi pourtant, Donald Trump a d’abord annoncé qu’il allait supprimer les financements américains de l’OMS, avant de se rétracter, et de transformer cette décision en simple menace. La raison ? Le président américain accuse l’organisation d’être trop liée à la Chine, et d’avoir participé aux efforts de Pékin pour minimiser l’ampleur de l’épidémie au début de l’année, et donc retardé la prise de conscience sur sa gravité.
Le problème avec Trump, c’est que dès qu’il touche un sujet, il le rend suspect. Il soulève néanmoins une vraie question, déjà posée par de nombreux experts très critiques du rôle de l’OMS dans cette crise.
Mais est-ce bien le moment ?
La réaction immédiate, aux États-Unis, a été de reprocher au président de chercher à détourner l’attention de ses propres défaillances, en désignant un nouveau bouc émissaire. Il avait commencé avec la Chine directement, avant de se calmer. C’est le tour de l’OMS : son Directeur Général, l’éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus lui a répondu vertement : "ne politisez pas le virus, le pire est à venir si nous ne sommes pas unis".
Ce n’est en effet pas le moment car, de même que dans la plupart des pays, la crise a suscité un semblant d’union nationale et reporté les critiques au lendemain de la crise, il n’est pas très responsable pour un chef d’État de régler ses comptes en plein cœur de l’action.
Ce n’est pas parce que Donald Trump s’en empare que c’est nécessairement faux. La question de l’attitude de l’OMS et de ses principaux dirigeants, pose en effet question depuis le début de cette crise.
L’OMS a relayé sans sourciller la version chinoise lorsque la vérité était étouffée à Wuhan. Le 14 janvier, l’organisation affirmait encore qu’il n’y avait pas de signe de transmission d’humain à humain, alors que les médecins sur place savaient que c’était faux. Le 28 janvier, son Directeur Général vantait la transparence chinoise, alors que les lanceurs d’alerte de Wuhan avaient été arrêtés. Par la suite, l’OMS a été critiquée pour avoir tardé à décréter l’état de pandémie. Ajoutons-y le boycott de Taiwan, revendiqué par Pékin, et qui avait alerté l’OMS de la gravité de l’épidémie sans jamais recevoir de réponse…
Donald Trump a accusé l’OMS d’avoir été "biaisée en faveur de la Chine", et a dit qu’une enquête serait menée. Cela pourrait conduire à l’arrêt du financement des États-Unis, de loin le premier contributeur avec 400 millions de dollars cette année. S’il mettait sa menace à exécution, il affaiblirait fatalement l’organisation.
Alors oui, Trump politise le problème alors qu’il est en difficultés. Mais la question du fonctionnement de l’OMS devra être posée dans l’avenir : l’observatoire mondial des maladies ne devrait-il pas être indépendant des influences des États ?
Une chose est certaine, il y aura bien un sérieux examen critique des erreurs qui ont conduit à cette tragédie - lorsqu’elle sera terminée. L’OMS n’y coupera pas, Donald Trump non plus.
PROFILS DES BÉNÉFICIAIRES DE L’AIDE DESTINÉE AUX ÉMIGRÉS
Selon le ministre des Affaires étrangères, le gouvernement va procéder à une ‘’cartographie’’ des ayants droit et définir les ‘’critères d’attribution’’ des dons tirés du plan destiné aux expatriés
Le gouvernement a identifié les ayants droit du ‘’plan sectoriel de contingence’’ mis en place pour venir en aide aux Sénégalais vivant à l’étranger et affectés par la pandémie de coronavirus, a déclaré jeudi le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Amadou Bâ.
Les expatriés vivant dans la ‘’précarité’’ ou en situation de ‘’vulnérabilité’’ à cause de la crise sanitaire engendrée par le nouveau coronavirus (Covid-19) et ceux dont le séjour est en cours de ‘’régularisation’’ dans leur pays d’accueil vont bénéficier de cette aide, a-t-il précisé lors d’un point de presse donné conjointement avec son collègue chargé de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr.
Les émigrés sénégalais travaillant dans le secteur informel et les retraités vivant dans des foyers ‘’très exposés’’ par la pandémie de coronavirus font également partie des ayants droit, selon M. Bâ. Le ‘’plan sectoriel de contingence’’ va également venir en aide aux Sénégalais poursuivant des études à l’étranger et n’étant pas boursiers, de même que les compatriotes ‘’bloqués’’ en dehors de leur pays de résidence ou dans les zones de transit, a-t-il ajouté.
Les Sénégalais ne bénéficiant pas de l’aide ou de l’assistance sociale de leur pays d’accueil, les familles des émigrés ‘’malades ou des victimes du Covid-19’’ seront assistés par le ‘’plan sectoriel de contingence’’, selon le ministre des Affaires étrangères.
Les familles des émigrés sont des ‘’victimes collatérales’’ de la pandémie de coronavirus, dont elles subissent des ‘’répercussions’’ de la crise sanitaire, a dit Amadou Bâ, assurant qu’elles feront partie des ayants droit. Ces familles souffrent du ralentissement ou de l’arrêt des activités économiques exercées par leurs parents expatriés, et les transferts d’argent qu’elles reçoivent sont en baisse, a souligné M. Bâ.
La semaine dernière, le président de la République, Macky Sall, a promis de mettre en place un fonds d’aide de 12,5 milliards de francs CFA destiné aux Sénégalais vivant à l’étranger. Ce fonds va servir à ‘’assister, soutenir et protéger les Sénégalais de l’extérieur, qui se sont établis dans des pays touchés par la pandémie de coronavirus’’, a précisé Amadou Bâ.
‘’Le plan sectoriel de contingence (…) a été pensé et élaboré en faveur de nos compatriotes vivant à l’étranger’’, a rappelé M. Bâ, soulignant que ‘’cette cible est diverse et se présente sous plusieurs catégories’’.
Selon le ministre des Affaires étrangères, le gouvernement va procéder à une ‘’cartographie’’ des ayants droit et définir les ‘’critères d’attribution’’ des dons tirés du plan destiné aux expatriés. Une cellule de crise mise en place au sein de son ministère assure la coordination du ‘’plan sectoriel de contingence’’, a-t-il dit, promettant une ‘’gestion efficace, efficiente et transparente des ressources’’ octroyées aux émigrés.
‘’Les principes directeurs qui fondent la distribution des fonds sont la cohérence, la transparence, l’équité et la célérité’’, a assuré Amadou Bâ. Les fonds seront remis aux bénéficiaires par des comités dirigés par les ambassadeurs du Sénégal dans les pays d’accueil des émigrés sénégalais, selon M. Bâ.
Les consuls et les responsables des affaires consulaires ou sociales seront membres de ces comités, qui seront dotés d’un agent comptable, d’un député de la diaspora et de toute autre personne ressource dont ‘’la présence est utile’’, a-t-il indiqué.
Un formulaire sera rempli par les personnes susceptibles d’être des ayants droit du ‘’plan sectoriel de contingence’’, en vue de leur ‘’identification’’ et de leur ‘’recensement’’.
Le ministre des Affaires étrangères appelle au respect scrupuleux des mesures sanitaires prises par l’Organisation mondiale de la santé et les pays d’accueil des Sénégalais. ‘’L’ordre a été donné à toutes nos missions diplomatiques et consulaires de se rapprocher sans délai des autorités administratives et municipales des villes de résidence [des émigrés sénégalais] pour disposer (…) d’une sépulture dans les cimetières musulmans ou catholiques, pour les défunts’’, a ajouté Amadou Bâ.
‘’Cette période de guerre contre un ennemi invisible, nuisible et insaisissable (le Covid-19) impose une union sacrée autour du chef de l’Etat, une mobilisation de toutes les énergies, une vigilance accrue et un respect strict des mesures édictées par les autorités sanitaires pour vaincre cette maladie’’, a-t-il dit.
Georges Dougueli
L'UNION SACRÉE AUTOUR DU CORONAVIRUS, UNE FAUSSE BONNE IDÉE ?
L’union sacrée ne doit pas être une camisole de force destinée à entraver les contre-pouvoirs dans des pays où la corruption est endémique. Même en situation de crise, le jeu démocratique doit continuer
Jeune Afrique |
Georges Dougueli |
Publication 09/04/2020
Alors que la pandémie s’étend, nombre de dirigeants prônent l’union sacrée. Les opposants sont priés de faire preuve de responsabilité. Mais tous les pays ne peuvent pas se permettre cette parenthèse dans leur vie politique.
Les traditions africaines sacralisent l’unité communautaire lorsqu’un danger imminent menace la survie du groupe. Un lion mangeur d’hommes rôde non loin du village, un nuage de criquets destructeurs ravive le spectre de la famine, une pluie diluvienne fait courir le risque d’une inondation…
Quelle que soit sa forme, le péril à conjurer sonne la trêve. Le règlement des conflits opposant les membres d’une même communauté est suspendu. Loin d’être une exclusivité africaine, ce réflexe de bon sens est tout simplement humain, relevant de l’instinct de survie.
Ainsi est née en France l’idée d’union sacrée. Si elle fait aujourd’hui partie du langage courant, l’expression est apparue pour la première fois le 4 août 1914, soit le lendemain du jour où l’Allemagne a déclaré la guerre à la France. Ce fut l’un des mots clés du discours du président Raymond Poincaré lu par le président du Conseil, René Viviani. Il y était alors question de faire corps en tant que nation face à l’ennemi mortel que fut l’Allemagne lors de la première guerre mondiale qui s’est ensuivie.
Injonction à l’opposition
Reprenant le concept de son illustre devancier, le président français Emmanuel Macron, qui a érigé la lutte contre la pandémie du coronavirus en « guerre », a appelé à l’union sacrée. L’Ivoirien Alassane Ouattara a fait de même, bientôt suivi par d’autres chefs d’État du continent.
Certes, le Covid-19 a engendré une crise sanitaire terrifiante. Ce virus représente une menace véritable, il tue hommes et femmes sans distinction de classe, engendre du chômage et dévaste les économies. Y faire face est un immense défi – mais n’est en aucun cas une guerre qui justifierait le recours à l’union sacrée.
Cela dit, la France peut se permettre cette parenthèse dans sa vie politique. Pays de libertés, à la culture démocratique éprouvée, aux institutions solides, elle retrouvera sa vitalité démocratique sitôt la crise endiguée. Le pouvoir rendra des comptes aux citoyens. La justice établira les responsabilités politiques, civiles et délictuelles des éventuelles défaillances constatées. Les électeurs sanctionneront les élus lors des prochains scrutins.
Peut-on se permettre la même parenthèse dans les pays en voie de démocratisation sur le continent ? La plupart des oppositions et des sociétés civiles ont dit oui. Certains, à l’instar du Sénégalais Ousmane Sonko, estimant que la période appelait « chacun de nous au sens de la responsabilité et surtout au dépassement de ses convictions ».
En revanche, la question ne se pose pas dans certains pays d’Afrique centrale, incapables de passer, du jour au lendemain, d’un régime centralisé et « verticaliste », où le président décide de tout, à une démocratie, où la décision consensuelle est prise après concertation.
Au Cameroun, Paul Biya n’a consulté personne, mais a fait lire ses « Hautes Instructions » par son Premier ministre, Joseph Dion Ngute. Dans cette partie du continent, l’union sacrée est une injonction intimant à l’opposition d’arrêter de s’opposer sans pour autant lui donner voix au chapitre.
Pour les forces alternatives, la marge de manœuvre se réduit à savoir s’il faut se ranger derrière le pouvoir ou « se mettre » carrément avec le pouvoir ! Dans les deux cas, les oppositions encourent le risque politique d’être tenues pour comptables de l’échec des mesures de prévention et de lutte contre la pandémie.
Fausse bonne idée
L’union sacrée est donc, à mon sens, une fausse bonne idée. Pour bénéficier des avantages inestimables dont nous gratifie la démocratie, nous devons accepter d’en subir les inconvénients – et accepter de se soumettre à la critique. La survie des peuples est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux seules mains d’un pouvoir, aussi clairvoyant soit-il.
Ousmane Sonko fait œuvre utile en appelant à la vigilance citoyenne. « En aucun cas il ne faudrait qu’un seul franc destiné à ce combat se retrouve ailleurs. » Promoteur du club de réflexion « Pour le Gabon », l’opposant Charles M’Ba a raison de réclamer plus de « transparence », notamment dans la gestion du matériel médical offert par le milliardaire chinois Jack Ma. « Quelle contrepartie ? » interroge-t-il le gouvernement.
Et Maurice Kamto est parfaitement légitime lorsqu’il demande à un Paul Biya silencieux et calfeutré depuis le début de mars en son village de Mvomeka’a d’assumer pleinement ses fonctions. L’union sacrée ne doit pas être une camisole de force destinée à entraver les contre-pouvoirs dans des pays où la corruption est endémique. Même en situation de crise, le jeu démocratique doit continuer.
LITS DE RÉANIMATION ET RESPIRATEURS, OÙ EN EST L'AFRIQUE ?
Nécessaires pour traiter les patients les plus sévèrement atteints par le Covid-19, les lits de réanimation et les respirateurs manquent en Afrique. Le point sur le matériel disponible et sur la réalité des besoins
Les lits de réanimation, explique le Dr Moumouni Kinda, directeur des opérations de l’organisation non gouvernementale ALIMA, qui est notamment intervenue pour soigner des malades atteints de la fièvre Ebola, sont des unités « de soins spécialisés qui ont pour but de suppléer à une défaillance vitale d’un ou de plusieurs organes de l’organisme ».
Quant aux respirateurs, ils sont utilisés lorsque la défaillance évoquée est d’ordre respiratoire, « ce qui est en général le cas avec le Covid-19 », poursuit le médecin.
En théorie, il devrait être facile de savoir combien de ces matériels sont opérationnels pays par pays. En réalité – et la directrice régionale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Afrique, Matshidiso Moeti, l’a déploré publiquement la semaine dernière – , il est très difficile d’obtenir ces informations, même pour les grandes agences internationales.
Jeune Afrique a toutefois pu recueillir des données pour certains pays. Des informations qui sont cependant parfois parcellaires, et pas toujours confirmées officiellement.
Combien de lits de réanimation ?
Si l’on s’en tient aux nombre de lits de réanimation, voici les chiffres disponibles par pays :
– 15 au Burkina Faso (dont 8 pour le seul CHU de Tengandogo).
– 15 en Somalie.
– 20 en République du Congo.
– 22 au Gabon.
– 25 au Malawi.
– 40 au Mali.
– 50 en RDC.
– 55 en Ouganda.
– 130 au Kenya.
– 80 au Sénégal.
– 450 à 500 en Tunisie.
– 1 000 en Afrique du Sud (dont une bonne partie au sein des établissements du groupe privé Netcare).
– 2 500 en Algérie (mais beaucoup jugent ce chiffre très optimiste et parlent de quelques centaines).
– 3 000 au Maroc.
Des chiffres pas toujours confirmées par les autorités ou, à l’inverse, annoncés officiellement mais probablement surévalués et ne prenant pas en compte le fait que certains de ces équipements, s’ils existent, ne sont pas forcément en état de fonctionner.
Combien de respirateurs ?
Pour ce qui est des respirateurs, un récent article paru dans le Financial Times assurait qu’il n’y en avait qu’un pour toute la Sierra Leone. Pour les autres pays, les chiffres sont les suivants :
– 3 en République centrafricaine.
– 4 au Togo (où 250 appareils sont en commande).
– 5 au Niger.
– 10 en République du Congo.
– 11 au Burkina Faso.
– 15 à 20 au Cameroun.
– 20 en Côte d’Ivoire (où 18 ont été commandés début avril).
– 56 au Mali, selon le ministère de la Santé (15 dans le privé, 41 dans les hôpitaux publics, et 60 autres en commande auprès du fournisseur chinois Mindray).
– 60 en Tanzanie.
– 80 au Sénégal.
– 400 à 500 appareils au Nigeria (mais les plus pessimistes en évoquent seulement 169).
– 2 500 en Algérie, selon les autorités, qui tentent actuellement de mettre sur pieds une filière de fabrication locale.
– 3 000 au Maroc, où les autorités sont engagées dans la même démarche et annoncent 500 nouvelles unités produites dès la semaine prochaine.
– 6 000 en Afrique du Sud, dont 4000 dans les établissements privés.
Comment évaluer les besoins ?
Ces valeurs, toutefois, n’ont de sens que si on les compare à la taille de la population de chaque pays. Et bien entendu, ces matériels ne sont nécessaires que pour une faible proportion des malades atteints du coronavirus.
Traditionnellement, les médecins calculent que le nombre de lits de réanimations disponibles doit être égal à 19 % du total des personnes malades au plus fort de la pandémie. Ce qui correspond à la proportion moyenne de cas « sévères » pouvant nécessiter le placement en réanimation et/ou sous assistance respiratoire.
On en déduit la notion de « seuil critique », c’est-à-dire le nombre total de patients infectés au-delà duquel le système de santé sera submergé.
En se basant sur les nombres de lits annoncés ici, le seuil critique est de 79 au Burkina Faso, mais de 15 789 au Maroc.
Le Dr Kinda valide ce calcul, mais tient à le nuancer : « Nous ne savons pas vraiment quels vont être les chiffres en Afrique. S’il y a des hypothèses tablant sur moins de cas sévères du fait de la jeunesse de la population, il est tout aussi légitime de penser qu’il pourrait y avoir plus de cas que dans les pays développés du fait d’une vulnérabilité plus grande de la population dans les pays pauvres. »
De plus, le matériel n’est pas seul en cause, rappelle le médecin. Le problème tient aussi au personnel disponible et formé : « Il ne faut pas se baser uniquement sur le nombre de lits de réanimation. Le nombre de personnes qualifiées pour assurer de bons soins de réanimation compte tout autant, et en général il s’agit d’équipes pluridisciplinaires. Dans beaucoup de pays, les mêmes équipes sont parfois utilisées dans plusieurs structures de soins, ce qui est un facteur limitant si on augmente le nombre de lits sans renforcer les ressources humaines. »
Ces chiffres sont-ils inquiétants ?
L’Afrique est, globalement, sous-équipée, et effectivement il y a de quoi s’en inquiéter. Surtout dans un contexte où d’autres grands pays, États-Unis en tête, vont se lancer dans la surenchère pour obtenir le plus grand nombre de respirateurs possible sur les marchés internationaux.
L’avantage du continent réside dans le fait que la pandémie de coronavirus n’y flambe pas encore et que comme le répètent les spécialistes, notamment ceux de l’OMS et des Nations unies, il est encore temps de prendre des mesures de prévention qui éviteront, demain, une explosion du nombre de malades et des mesures de restriction très dures.
« Il est vraiment utile pour les pays avec des ressources limitées de prendre de l’avance et d’éviter justement qu’il n’y ait énormément de cas qui aient besoin de soins lourds de réanimation, martèle donc le Dr Kinda. Le débat sur le nombre de lits de réanimation se justifie en raison du contexte de panique générale, mais plus largement, c’est de l’adéquation des ressources mobilisées pour chaque pays que nous devons parler. Très clairement nous avons vu l’ensemble du système de soins des pays développés être dépassés par cette pandémie. Donc je peux confirmer que la situation dans les pays africains est inquiétante car les ressources en générale sont insuffisantes, celles en réanimation en particulier. Cette crise est une occasion pour l’ensemble des pays de reconsidérer, certainement à la hausse, les ressources allouées à la santé. »
Plus que jamais, l’heure est donc aux tests, aux mesures barrière, au respect des distances, au port du masque et, surtout, à la prise en charge précoce de tous les cas identifiés. Leur nombre encore relativement réduit le permet encore, mais cela risque de ne pas durer.
par l'éditorialiste de seneplus, Tidiane Sow
FAIRE LES CHOSES AUTREMENT ET DIFFÉREMMENT : STRATÉGIE VS PLANIFICATION
EXCLUSIF SENEPLUS - Au-delà du plan de résilience concocté par l’exécutif qui répond à une urgence et dont la partie la plus facile ne sera pas son exécution, il nous faudra définir une stratégie (et non un plan) de mutation de notre société
Avec le covid-19, un nouvel ordre mondial est en train de naitre. Il ne faut pas rater ce moment de l’histoire. Il y aura bien un avant et un après – coronavirus. La pandémie a révélé nos erreurs dans nos choix. Il est acquis qu’il nous faudra faire les choses autrement et différemment. Il n‘y a pas d’autres options possibles.
Au 16è siècle, en Amérique Centrale, quelques poignées d’espagnols emmenées par Pizzaro, simple soldat, illettré et brutal, ont eu bien raison de deux des plus puissants empires du Pérou. Leur supériorité technologique fut importante certes dans leur victoire. Ils possédaient le fer, le cheval, la poudre à canon alors inconnus des peuples précolombiens. Pourtant l’arme la plus meurtrière et la plus dramatiquement efficace a été celle qu’ils ne maitrisaient pas : les virus et les bactéries qu’ils apportaient. Les épidémies se sont abattues sur les indiens comme la punition envoyée par leurs Dieux pour châtier des crimes qu’ils ne se savaient même pas avoir commis. Les vaincus avaient été incapables de réagir à des évènements qui n’entraient pas dans leurs catégories mentales.
Ne pas savoir se défendre avait changé l’ordre mondial : les routes de l’Atlantique s’ouvrirent et rendirent caduques celles de la Méditerranée et de l’Asie. Ce fut un nouveau monde et les vaincus restèrent à sa lisière.
Si nous n’y prenons garde, cette histoire se répétera et nous resterons encore une fois à la lisière d’un nouveau monde qui se concocte sous nos yeux. Les notes de prospective française et européenne, pour déplaisantes qu’elles soient à nos yeux ne proposent qu’une redéfinition de leur futur nouveau monde.
Au-delà du plan de résilience concocté par l’exécutif qui répond à une urgence et dont la partie la plus facile ne sera pas son exécution, il nous faudra définir une stratégie (et non un plan) de mutation de notre société, c’est à dire, contrairement aux Incas, se préparer à se défendre. C’est en ces temps de pax romana et de confinement qu’il faudrait en profiter pour mettre en place des tasks forces multidisciplinaires chargées d’élaborer cette stratégie.
Pour cela, il nous faudra répondre aux questions suivantes :
1) Quel avenir voulons-nous pour le Sénégal ? (Education, Santé, Agriculture, Infrastructures…)
2) Quelle société nouvelle voulons-nous instaurer ?
3) Quels comportements devons-nous modifier ou adopter pour arriver à ces résultats ?
4) De quel type de leadership (comportements spécifiques de nos leaders) avons-nous besoin pour implémenter ces nouveaux comportements et réaliser cet avenir ?
Cette séquence, et dans cet ordre, liera le Sénégal de demain que nous voulons avec le comportement des sénégalais et les changements de comportements de nos leaders.
A travers ce lien, nous mettrons en exergue là où il faudra porter l’attention et là où il y aura des manquements.
Nous devrions aussi méditer les propos de G.B Shaw, à savoir que “le progrès est impossible sans changements et que ceux qui ne peuvent pas changer leur esprit ne peuvent rien changer”.
Il faudra que nous osions et pour cela le préalable serait de penser que c’est possible. Tout se joue dans les têtes. A nous de changer nos mentalités. C’est un long processus. Il faudra le commencer maintenant sans tarder si nous voulons être présents au rendez-vous avec le nouveau monde.
A PRESENT L’AVENIR, QU’AVONS-NOUS APPRIS DU PASSÉ ?
N’est-il pas temps de réduire notre dépendance à l’aide internationale avec les conditionnalités qui s’y rattachent et nous attachent aux bailleurs de fonds ? Notre attentisme est une aubaine extraordinaire pour les autres
Ce contexte de Covid-19 constitue une belle opportunité de se redéfinir, individuellement et collectivement. Pour nous, Africains du Sénégal et d’ailleurs, c'est vraiment le moment de se redéfinir et se déterminer. 60 ans de souveraineté internationale ne riment toujours pas avec autant d’années d’indépendance. N’est-il pas temps de réduire notre dépendance à l’aide internationale avec les conditionnalités qui s’y rattachent et nous attachent aux bailleurs de fonds ? N’est-il pas temps de réapprendre à penser et agir par soi-même, en comptant d’abord sur nos ressources propres, aussi limitées soient-elles ? Cela peut prendre du temps mais tant que nous n'aurons pas commencé à ramer, c'est le supposé partenaire qui nous mènera en bateau. Quitte à continuer à offrir à certains d'entre nous des os à ronger, comme lorsque nos ancêtres vendaient d'autres Africains pour des gadgets, pensant s'en sortir mieux, eux-mêmes.
Ces nombreuses conférences, négociations internationales (changement climatique, etc.) et autres "Sommet" Tel-Pays/Afrique, ne constituent que jobardise chez nos gouvernants empressés de prendre l’air et d’offrir des frais de mission à des courtisans et militants, au frais de la princesse. Les résolutions finales sont toujours formulées avant le démarrage. Les marges de modifications ou d’amendements sont fonction des éventuelles « pressions » que des parties intéressées distillent par des canaux communicationnels bien choisis. Le reste, c'est du faire-valoir. Mais nous sommes ravis de recevoir des perdiem et d’échanger des cartes de visite, en attendant la prochaine occasion d’entendre l’hypocrite refrain : « Nice to meet you »!
Qu'il continue d'en être ainsi, si nous adorons jouer au plus malin entre nous plutôt que d'oser nous affranchir de nos courtes vues. L’une de nos principales difficultés, c'est la prise d'initiative (et l'on s'étonne des taux de chômage qui galopent sans éperon). Notre attentisme est une aubaine extraordinaire pour les autres. A l’université, l’étudiant(e) considère qu’il/elle n’a que les études comme part de contrat. Dès l’instant qu’il y est, il ne faut plus rien attendre de lui. Le job-étudiant que son compatriote expatrié entreprend pour vivre, c’est trop peu pour lui. Pendant les grandes vacances, il est carrément en congés. Rares sont celles et ceux qui, en dehors des corvées familiales, décident de s’activer en cherchant un emploi rémunéré, ne serait-ce que pour pouvoir soulager leurs parents et, en termes de développement personnel, découvrir d’autres réalités et développer leurs expériences. Leurs alter-ego dans les pays occidentaux profitent justement de ces moments pour entreprendre, expérimenter, voyager, découvrir et, ce faisant, obtenir les premières lignes de leurs CV. Par-delà les mêmes qualifications, leurs CV restent plus étoffés parce qu’ayant davantage diversifié les expériences. Ils apprennent déjà à décider et s’orienter quand nous en sommes encore à nous poser des questions et à attendre que quelqu’un veuille bien (nous) répondre.
Le salarié attend une promotion. Il est peu proactif, craignant d’être mal vu par ses collègues. Même lorsqu’il a en tête une idée de projet qui pourrait rapporter gros à son entreprise, il rasera les murs pour ne pas paraître trop ambitieux. Le fonctionnaire, quant à lui, veillera à garder sa place, en attendant qu’on veuille bien lui confier des dossiers. Ses « chances » de promotion, il les place entre son guide religieux et un engagement politique de plus en plus perçu comme obligatoire.
Toutefois, malgré cet appel, des bombes sociales vont naitre dans les économies développées avec des effets plus désintégrateurs que ce que nos économies et sociétés en développement vivent déjà. De manière imagée, le modèle économique est le suivant : dans les économies faibles, le trou pourrait s’élargir mais il ne sera pas plus profond que la situation actuelle. Et, effet d’aubaine, en s’élargissant, il offrira plutôt de l’espace, des bouffées d’air, des possibilités de se mouvoir pour remonter par le truchement de la courte échelle, dans une logique systémique. Nos économies ne pourraient être ensevelies que par l’absence d’initiatives coordonnées et visant à nous faire remonter, à l’image de l’âne qui se secoue après chaque jetée de sable au moment où l’on pensait l’enterrer. Nos économies ont tout à tirer de cette instabilité généralisée.
Considérant les risques sociaux dans leurs contextes, les gouvernants occidentaux vont fortement encourager les jeunes, les femmes et les adeptes de la reconversion professionnelle à créer des Entreprises sociales et des ONG. Ces structures recevront des subventions pour - ô âmes charitables - aller aider les Africains à traverser ces moments troubles. Un nouveau diplômé viendra "rayonner" en Afrique comme expert, et nous serons contents de l'accueillir, parce qu'il vient avec un supposé financement, alors que ce sont des ressources de survie chez lui !
Et si, pour une fois, nous prenions les devants pour nos jeunes, nos femmes et nos jeunes retraités (retraités récents) qui ont encore des compétences à valoriser, ne serait-ce que comme formateurs, encadreurs, coaches, que sais-je ?
Même notre secteur (maladroitement qualifié) informel offre de belles opportunités de relance et d'orientations de politiques économiques fondées sur une logique de filière et de création de valeur ajoutée. Ce jeune Lambda qui arpente les rues des villes termine sa journée avec, parfois, moins de 1000FCFA en poche, après n’avoir vendu que très peu d’articles « chinois », si jamais. Il sait déjà vendre et il en a la volonté et l’endurance. Il sait travailler en réseau et avec des fournisseurs, dans une logique de marges bénéficiaires par article vendu. Concrètement, à défaut d’une scolarité effective ou poussée, il a déjà appris un métier dans une première partie de sa vie. Il sait déjà faire quelque chose et ne craint pas d’en embrasser une autre. En dehors du diplôme ou de la qualification, quel autre avantage le jeune instruit a-t-il sur lui ? Un certain pragmatisme comprendrait que le marché de l’emploi arrive à intégrer un demandeur d’emploi déjà prêt et qui ne nécessite pas grand investissement pour sa mise à niveau ou un mentorat autre que la tâche habituelle du chef d’équipe.
Non pas que la qualification ne soie pertinente et nécessaire, mais l’enjeu double de l’intégration des acteurs de l’informel à l’emploi et l’insertion professionnelle des instruits dont les diplômes sont souvent en déphasage d’avec les profils d’emploi, exige un jeu d’équilibre que les acteurs du marché du travail doivent mener avec habileté pour, d’un côté, réduire progressivement la part de l’occupation informelle, et de l’autre, absorber les diplômés demandeurs d’emploi. La question est maintenant de savoir vers quelles activités pourraient s’orienter les uns et les autres ? Et, savoir être (identités ; propriétés intrinsèques) pour savoir-faire (apprentissage ; valorisation) : le secteur primaire embrasse le secteur secondaire pour engendrer le tertiaire. C’est une question de vision et de cohérence !
De manière plus engagée, une politique structurante consisterait à déjà appliquer la loi sur l’obligation scolaire jusqu’à l’âge de 16 ans minimum, instruction arabe y compris. Ce qui, à terme, favoriserait l’éradication des disparités entre instruits et non instruits, chacun pouvant progressivement aspirer à des trajectoires d’emploi selon un environnement social et économique dans lequel les instruits et les qualifiés seraient plus nombreux que la masse actuelle qui résulte de la non scolarisation ou de la déperdition scolaire, y compris chez les filles et les femmes. Mais une telle politique procède principalement d’une vision qui peine à émerger. Jusqu’ici, nos gouvernants sont encore à se concentrer sur le court terme, dans un éternel recommencement qui coûte et coûtera davantage. Chaque jour, c’est le même commerce chez l’acteur informel. Chaque année, c’est le même tourbillon chez les chômeurs ; les mêmes turbulences dans le monde de l’éducation et de la formation. Personne ne sait quel est le projet ! Personne ne sait quel Sénégalais ou quelle Sénégalaise notre nation veut voir à l’œuvre à l’horizon X ! Qui peut objectivement justifier la pertinence d’un ministère de la jeunesse autrement que par la gratification de militants et la mise à disposition de ressources publiques pour des dividendes politiciens ? S’il s’agit de formation, de culture ou d’emploi, d’autres départements pourraient très bien intégrer cette frange de la population, de sorte à les orienter vers des buts constructifs et non des moyens distrayants.
Pour revenir sur la cohérence entre obligation de scolarisation (entrée) et pertinence des qualifications (sortie), il y a également lieu de réadapter les curricula, au niveau primaire, secondaire et au supérieur. Étudier l’histoire des pays occidentaux ou asiatiques participe d’une culture générale intéressante, certes. Cependant, à l’échelle de l’instruction, cela ne coïncide à aucun projet pertinent. Dans ces pays qui nous prennent quantités de crédits horaires, l’Afrique est le cadet de leurs projets pédagogiques. Les Africains passent à la télévision et les sportifs africains animent leurs stades. Pour le reste, ils se concentrent sur le devenir de leurs citoyens et les apports potentiels de ces derniers à l’économie. Pendant ce temps, dans nos pays africains, l’université reste un refuge vers lequel on s’engouffre sans projet, sauf pour les enfants des nantis. Non seulement l’individu fonce tête baissée mais même l’État absorbe bouche béante, sans prêter attention à la quantité et à la qualité de ceux qui arrivent, et sans interrogation critique quant à ses moyens pour digérer tout cela. Bien profilés ou mal profilés, voilà d’autres diplômés qui vont bientôt inonder le marché du travail, à leur tour.
Peu importe la configuration qui caractérisera l’année 2020, le Covid-19 pourrait être un excellent déclic pour redresser la barque et l’orienter vers un cap collectivement choisi et intelligemment abordé. Le contexte s’y prête. Peu ou prou, les individus sont relativement conscients et demandeurs de cette réorientation. Mais nos gouvernants ont-ils la vision et le courage pour lancer la dynamique, en mobilisant les institutions publiques et les intelligences dont nous disposons clairement à l’intérieur du pays, du continent et à travers la diaspora internationale ?