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1 mai 2025
Economie
par l'éditorialiste de seneplus, Tidiane Sow
L'HYPOTHÉTIQUE ET LE CERTAIN
EXCLUSIF SENEPLUS - Il existe une spécificité africaine et notre réponse se doit d’être spécifique. Le rapport entre les difficultés économiques et le nombre de morts ne justifie plus que l’on continue à hiberner nos forces vives
“Il n’est jamais prudent de considérer l’avenir avec des yeux de crainte”, disait Herriman.
Face à la Covid 19, les gouvernants du monde entier ont été pris entre l’excès de prudence et l’excès d’audace. L’excès de prudence a consisté à confiner le peuple, à instaurer des couvres-feux forcés, gagnant incidemment une trève sociale alors que les mauvaises pratiques continuaient de prospérer. Ces stratégies ont surtout révélé les hésitations des décideurs et leur manque d’efficacité en période de crise. Les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la France et tous les Etats africains dont le Sénégal qui ont calqué leur stratégie sur celle de la France, sont à ranger dans cette catégorie.
L’excès d’audace a consisté à laisser faire et à se dire que le mal se contiendra de lui-même. Ce fût le cas de la Suède. Le curseur des stratégies a oscillé entre ces deux extrémités. Hong kong et la Corée du Sud ont opté avec succès pour des confinements sélectifs. Les stratégies ont donc été variées. Chacune ayant eu des fortunes diverses.
Nos décideurs ont eu l’air de prendre conseil de leur frayeur, en profonde dissonance avec la majorité du peuple. Ils les ont taxé d’ignorants, ne sachant pas eux-mêmes, ou en tout cas feignant d’ignorer (ce qui revient au même) ce que le peuple dans sa grande majorité vivait. Ils ne vivent pas ce que le peuple vit. Les gens du peuple veulent avant tout juste vivre avant de pouvoir tomber éventuellement malades et accidentellement d’en mourir. C’est ce langage simple, d’une logique maslowienne tenace qu’ils leur tiennent et qu’ eux, les décideurs, habitués à des actes d’autorité et d’arrogance ne comprennent pas. En lieu et place, ils leur tiennent le langage des autres ; Ne tomber pas malades, notre système sanitaire ne supportera pas le nombre des malades oubliant que le système sanitaire n’a jamais pu les supporter de toutes facons.
Pourquoi diantre notre soit disant stratégie est-elle calquée sur celle des autres ? N’ y- a t- il pas une disproportion entre la gravité certes réelle de la maladie et les mesures de restrictions plongeant nos économies informelles dans le chaos absolu ?
Autant au début on pouvait comprendre qu’il y eut une grosse crainte face à l’inconnu, et que le principe de précaution recommanda la plus grande prudence, autant après deux mois d’expérience de la maladie, nous aurions dû en tirer les conséquences factuelles et ériger notre propre voie de riposte.
La Covid tue mais bien moins que le paludisme, bien moins que les accidents de la route. La France sur laquelle nous nous mirons ne doit pas constituer notre référentiel. Elle a une cadence mortuaire hautement plus infernale que la nôtre. Elle a enregistré plus de 26 000 morts, alors que nous en comptions 17, soit plus de mille cinq fois moins. Certes le virus se répand rapidement et ne fait pas de distinction entre pays riches et pays pauvres, mais force est de reconnaitre que les morts sont plutôt ciblés. Plus de 92% des morts en France ont plus de 65 ans soit 9 morts sur 10. En France, la population est vieille : 20% de la population française a plus de 65 ans; Chez nous la population est jeune, les plus de 65ans ne représentent qu’un peu plus de 3%. Si on se restraint aux foyers pandémiques, ce nombre est encore plus faible. Nos 17 morts avaient un âge moyen de 65 ans. 1% de décès parmi les cas confirmés au Sénégal contre 14, 6% de décès en France. Tout cela nous renseigne qu’il existe une spécificité africaine et que notre réponse se doit d’être spécifique. Le rapport entre les difficultés économiques et le nombre de morts ne justifie plus que l’on continue à hiberner nos forces vives. Les gens ont besoin de leur liberté d’aller et venir pour commercer et vivre. La Côte d’Ivoire a bien compris cela et elle a réajusté sa situation en libérant du carcan de confinement les autres régions et en ne conservant les mesures strictes que dans la capitale économique, Abidjan.
Bien sûr les mesures barrières telles que la distanciation sociale, les masques et le lavage des mains doivent rester de rigueur.
Ceux dont on s’échine à copier la stratégie ont décidé de se déconfiner malgré un nombre de morts qui dépasse largement le nôtre. On me rétorquera qu’ ils sont dans la phase descendante de la maladie et que nous autres sommes encore en train de gravir la montagne Covid. Qu’importe ! En tout état de cause, nos réalités sont différentes. Bien que leur système de santé soit encore à l’agonie, ils ont compris que leur système économique ne pouvait plus supporter cet arrêt. L’équation : “vie humaine qui valait plus que l’argent” s’est rééquilibrée et semble même se retourner au profit de l’argent. La Chine s’est remise au travail, il faudra la marquer à la culotte et ne pas perdre du temps en chemin. Une autre guerre commence. Les discours ont changé de ton et d’inflexion ; on en appelle plus à la responsabilisation des populations. L’infantilisation qui prévalait naguère s’édulcore et s’estompe au fur et à mesure que l’on avance dans la pandémie. L’audace prend le pas sur la prudence. Il faudra faire confiance aux populations et les inciter à prendre leurs responsabilités.
Confinons nos ainés de plus de 65 ans et ceux porteurs de maladies à risques, qu’ils n’aillent surtout pas dans les mosquées et laissons les autres libres de sortir. Demandons-leur de respecter les mesures barrières, et laissons faire le virus... En l’absence de vaccin, il faut canaliser la propagation du virus vers ceux pour qui il représente le moins de risques, et procéder à plus de tests. Tester encore plus, toujours tester, tel devrait être le crédo. Il n’y a pas d’autres voies possibles si nous voulons sortir de sitôt des litanies journalières du ministère de la Santé nous annonçant les nombres d’infections et de décès.
Il ne faudrait pas que l’impéritie nous mène vers l’abîme. A force de vouloir nous éviter une mort hypothètique de la Covid-19, n’est-on pas en train de nous imposer une mort certaine de faim et de soif ?
Dr Tidiane Sow est coach en communication politique.
"Il faut que l'on sorte de la politique de la compassion et de la main tendue ", estime l'économiste Felwine Sarr à propos du continent d'après covid-19
"Notre rapport aux autres doit changer. Il faut que l'on sorte de la politique de la compassion et de la main tendue", estime l'économiste Felwine Sarr, à propos de l'Afrique post covid-19, au micro de RFI, vendredi dernier.
par Lamine Niang
LA PAUVRETÉ, CETTE ÉPIDÉMIE PIRE QUE LA COVID-19 !
La pandémie et ses terribles conséquences socioéconomiques ne dédouaneront pas le président Macky Sall et ses gouvernements successifs de leur responsabilité entière et totale sur l’étendue du désastre à venir
La Covid-19, cette pandémie qui hante nos sommeils et perturbe tristement nos vies depuis quelques mois aura le mérite de mettre en exergue le quotidien difficile des millions de Sénégalais résilients face à cette autre pandémie, plus sournoise et plus meurtrière qu'est la pauvreté chronique. Sa généralisation dans la population fait qu’elle passe de plus en plus inaperçue et fait dorénavant partie du décor hybride dans lequel l’insolente richesse côtoie l’indigence la plus troublante, dans un pays qui se veut émergent ! Celle-ci nous interroge tous autant que nous sommes car elle est bien réelle et refuse même d’abdiquer devant l’artifice de l’apparence que l’égo mal placé de la société veut toujours garder intact.
Paradoxe honteux
Les victimes de pauvreté auraient mieux supporté la douleur que ce fléau fait circuler dans l’esprit, le corps… et les paniers des vulnérables ménages si cette maladie était aussi juste que la maladie à coronavirus. Celle-ci ne fait pas de distinction de classe sociale, de genre ou de zone géographique. Elle est impitoyable et ne ménage personne. Et c’est ce qui la rend même insaisissable dans son cynisme meurtrier. Tout le contraire de cette pauvreté si répandue, laquelle, dans sa forme la plus bénigne, écrase ce qui reste de dignité aux plus solides de la population et, dans ses contours les plus hideux, emporte discrètement des vies humaines en grand nombre après les avoir éprouvées dans les méandres d’une santé précaire, faute de moyens.
Cela fait bien longtemps qu’on la côtoie sans nous en émouvoir réellement. Les sensibleries feintes dans les médias, le temps d’un mini reportage, ou bien les multiples commentaires laissés sur le fil des réseaux sociaux servent davantage à soulager temporairement nos consciences de notre coupable indifférence qu’à prendre le taureau de la misère sociale par les cornes. Elle est pourtant bien là, tout près. Dans le voisinage proche des grandes villes jusqu’aux interstices des cases en paille des villages les plus reculés de nos arides terroirs. Chacun cherche à sauver sa peau, individuellement, égoïstement et… malheureusement. Nous exécrons de toutes nos forces ce malheur tant qu’il nous est étranger. Ailleurs et chez les autres, notre brève compassion suffira.
En pleine tragédie de la COVID-19, la presse nous révèle qu’à Sédhiou, il y a moins de 10 médecins pour une population de plus d’un demi-million d’habitants, soit un ratio d’un médecin pour 50 000 personnes. Le brillant Pr Seydi, en tournée à Ziguinchor où se réveillent 662 170 âmes, pestait contre le service de réanimation qui ne serait «ni fonctionnel, ni construit selon les normes». Les résidents de Bopp Thior, un village oublié en périphérie de la ville de Saint-Louis, bravent quotidiennement la vie pour s’offrir le luxe de quelques litres d’eau potable. Les femmes y accouchent encore dans les pirogues faute d’infrastructures sanitaires.
Clan politico-affairiste
Pire que la pandémie actuelle, voilà ce qui tue depuis des lustres sous nos tropiques, moralement d’abord avant de vous achever…, et dans l’indifférence collective. Des dizaines, des centaines, des milliers… On ne le saura pas, obnubilés que nous sommes par le décompte hystérique des décès liés à la COVID-19 et alimenté par la psychose médiatique mondiale.
Pendant ce temps, le clan politico-affairiste au sommet de l’État déroule sans coup férir ce qu’il sait faire de mieux : comploter, détourner et thésauriser. Des milliards. Dans l’impunité totale. Des scandales financiers à répétition qui font les choux gras de la presse locale avant de nourrir les interminables assemblées des indignés virtuels. L’énergie, la pêche, l’agriculture, le foncier, les ressources pétrolières et gazières… Aucun domaine n’est épargné par la voracité et la boulimie de cette caste de sangsues. Ils se connaissent et se reconnaissent ! Les mêmes patronymes, les mêmes filiations corporatistes et les mêmes obédiences politico-syndicales. Ils se connaissent et se reconnaissent ! Ils traversent toutes les générations et sont mêlés à tous les coups bas financiers contre le peuple. Ils se reconnaissent !
Ce n’est pas parce qu’ils ignorent les affres de la pauvreté qu’ils se montrent indifférents au sort de leurs compatriotes, car la plupart sont issues de familles indigentes. Mais c’est le propre des arrivistes de toujours renier leur passé ; s’ils y font référence, c’est pour mieux titiller l’ethos dans le discours et appâter la candeur de l’interlocuteur. Les amarres sont ainsi rompues avec ce passé de miséreux. Entre copains opportunistes, sortis des griffes de la précarité sociale et ils se tiennent, se soutiennent et restent confinés dans leur bulle imaginaire de vils parvenus. Il leur manque le courage d’affronter la dure réalité.
Futur sombre
La crise économico-sanitaire du moment aura certainement le dos large. On lui imputera subtilement l’exacerbation des difficultés à venir. Celles-ci seront certes douloureuses et longues mais elles trouveront un terreau fertile, déjà défriché par un État prédateur et dirigé par un chef dont le cœur ne bat que pour les intérêts d’une minorité de privilégiés, pour les beaux yeux de la famille et…la pression libidinale de la belle-famille. La porte-parole du Programme alimentaire mondiale prévoit que «plus de 21 millions de personnes en Afrique de l’Ouest vont lutter pour se nourrir pendant la saison maigre, c’est-à-dire de juin à août qui sépare les deux récoltes.»
L’hivernage, les inondations, l’arrêt de l’activité économique mondiale, la menace d’une deuxième vague, les échanges commerciaux en berne… un cocktail de mauvaises nouvelles à venir qu’un État prévoyant et responsable aurait pu amortir avec la collaboration et la compréhension d’un peuple résilient. Mais la COVID-19 et ses terribles conséquences socioéconomiques ne dédouaneront pas le président Macky Sall et ses gouvernements successifs de leur responsabilité entière et totale sur l’étendue du désastre à venir.
Au lieu d’investir dans le service public et l’économie réelle, ils ont préféré enrichir une clique de mafiosos locaux et étrangers. Avec la complicité d’une justice aliénée et une administration affaiblie, ils ont choisi de fermer les yeux sur les détourneurs de fonds publics afin d’entretenir la rapacité d’une clientèle politique. La COVID-19 viendra révéler au grand jour et sans aucun doute l’ampleur d’un cuisant échec de gestion, que l’on tente de dissimuler, depuis plusieurs années, par la ruse de l’endettement et la manipulation des chiffres. Le peuple oublié boira certes le calice jusqu’à la lie, mais vous ne dormirez plus du sommeil inconscient des repus.
Lamine Niang est Secrétariat national à la communication Pastef
L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE POUR REBÂTIR LE SÉNÉGAL ET L’AFRIQUE POST-CORONAVIRUS
Il faudrait repenser la définition de la souveraineté ou réfléchir à une forme de gouvernance nouvelle de nos Etats africains parce que le numérique constitue le nouveau terrain de compétition mondiale
Avec plus de 3 milliards de personnes confinées dans le monde, la pandémie de coronavirus (covid-19) a paralysé un grand nombre de pays quel que soit leur continent. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : plus de 3,85 millions de cas infectés, 1,28 millions de patients guéris et plus de 270 000 morts du covid-19, selon les chiffres de l’organisation mondiale de la santé (OMS) à la date du 8 mai dernier. Cette épidémie n’a pas fait que des pertes en vies humaines. Elle a révélé des faces cachées du monde d’une part la faiblesse de la gouvernance internationale (sur le plan sanitaire en particulier), des systèmes de santé, le basculement des rapports de force vers la Chine et l’Asie en général, et d’autre part, la résistance du continent africain face au covid-19 et aux prédictions internationales catastrophiques. L’objectif de cet article est d’apporter une grille de lecture sur les rapports de force internationaux et le positionnement que doivent adopter des Etats africains pour rebondir de plus haut au lendemain de cette crise sanitaire en s’appropriant de l’intelligence économique et stratégique.
Le covid-19, une épidémie à dimension géopolitique internationale : une guerre des modèles ?
Au-delà des conséquences sanitaires considérables, on assiste à une recomposition géopolitique du monde, un basculement des rapports de forces et le déplacement du centre de gravité géostratégique vers l'Asie (Chine) mais également une nouvelle lecture sur l'Afrique qui a pu (pour le moment) limiter la crise du covid19. La mondialisation n’a jamais été aussi à genoux. Les échanges en biens matériels ont chuté considérablement de 32%, selon l’organisation mondiale du commerce (OMC). Beaucoup d’acteurs économiques se rendent compte de leur dépendance en matière d’approvisionnement vis-à-vis de la Chine en particulier et pensent à des pistes de relocalisation notamment en Europe. Les multinationales sont dans un nouveau dilemme à savoir l’analyse du coût de la relocalisation (salaires, investissements, réglementations fiscales) et l’avantage (conquête de nouveau marché, nouveau clients, etc.).
Cette situation donne raison à l’analyse du célère « triangle d’incompatibilité»[1] de Dani Rodrik, professeur à l’université d’Harvard et spécialiste d’économie politique internationale, selon laquelle « il est impossible d’allier démocratie, Etat-nation et hypermondialisation, car l’Etat-nation est incompatible avec l’hypermondialisation ». Cette épidémie a révélé les failles des Etats et leur modèle. Par exemple aux Etats-Unis, plus de 26 millions de personnes ont perdu leur travail. Dans les pays européens le modèle de sécurité sociale a sauvé l’emploi grâce à la mise en place de l’activité partielle, le télétravail notamment dans les pays nordiques (Danemark, Suède), en France et en Allemagne. En chine, le modèle communiste « crédit social » et l’usage du numérique l’ont permis de maitriser l’épidémie et de relancer l’activité économique du pays. Aujourd’hui, la Chine en profite pour vanter les mérites de son modèle social.
Cependant, on assiste à une vraie confrontation des modèles chinois et occidentaux, c’est-à-dire une forme de compétition cognitive dont la finalité est l’occupation du fauteuil de puissance hégémonique internationale. Cette situation conduit à une décomposition de l’ordre international. En effet, dans un entretien au journal Le Monde, Thomas Gomart, expert en géopolitique et directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI) affirme que « le covid-19 est la première crise d’un monde post américain ». Les Etats-Unis de Donald Trump accusent la Chine d’avoir dissimilé les informations sur le nombre réel de cas covid-19 et d’avoir influencé l’OMS sur le retard de l’alerte mondiale de l’épidémie et de son taux de contagiosité. Par conséquent le président Trump a décidé de suspendre la contribution américaine de 400 à 500 millions de dollars au budget annuel de l’OMS en raison de sa mauvaise gestion de l’épidémie du Covid-19. Cette situation met en difficulté l’OMS car c’est son plus gros contributeur, soit dix fois plus que la part de la Chine (40 millions dans le budget)[2]. De leur côté, les Etats européens semblent difficilement agir ensemble et s’accorder dans le soutien financier des pays européens très touchés par le covid-19 comme l’Italie, l’Espagne. C’est plutôt le chacun pour soi. Quant au continent africain, beaucoup de positions politiques et d’initiatives voient le jour notamment la demande d’annulation de la dette africaine et le remède appelé « Covid-Organics » contre le covid-19 proposé le Madagascar dont l’OMS n’approuve pas en disant « qu’il n'existe aucune preuve que ces substances peuvent prévenir ou guérir la maladie »[3].
Le continent africain surprend le monde occidental et leurs prédictions pessimistes face au covid-19
Les opinions pessimistes des scientifiques, de certains politiques occidentaux et les experts de l’OMS tant redoutées, ne se sont pas produites en Afrique. En effet, selon le rapport du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC) datant du 8 mai le continent africain n’a enregistré que 54027 cas de contaminations (soit 1,4 % du total mondial) et 1 788 morts (0,7 % du total mondial de décès du covid-19) tandis que des pays développés ayant les meilleurs systèmes de santé enregistrent plus de 25 000 à 30 000 morts du covid-19. L’Afrique reste le continent le moins touché en nombre de morts et de cas de Covid-19. Selon l’économiste sénégalais Felmine Sarr, professeur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis : « les représentations négatives sur l’Afrique sont si ancrées qu’on ne prend même plus la peine de regarder la réalité. Et quand la réalité présente va à l’encontre des représentations, on les déplace alors dans le temps futur. Même si le continent s’en sort plutôt bien, il faut donc prédire une catastrophe. Tout, sauf admettre que l’Afrique s’en sort face au Covid-19 ».
Les Etats africains ont pu anticiper l’arrivée de cette épidémie en prenant des mesures comme la limitation des déplacements, le couvre-feu, l’état d’urgence, les tests de dépistages. C’est le cas du Sénégal (14 décès du covid-19), de la Mauritanie (un décès du covid-19). D’autres pays comme l’Ile Maurice, Djibouti et le Ghana ont enregistré d’importants résultats en matière de dépistage conduisant à une bonne maitrise du covid-19 pour le moment. Les initiatives africaines en matière de lutte contre le covid-19 se multiplient. Un groupe d’experts scientifiques réuni au bureau de prospective économique du Sénégal travaillent d’arrache-pied à la construction d’un « indice de sévérité du Covid-19 » au niveau mondial afin de proposer des mesures de résilience au gouvernement du Sénégal. Ce bureau pourrait être converti en structure pluridisciplinaire ayant des missions de prospective pour anticiper tout événement à venir. Le Madagascar montre un exemple, en produisant un médicament de lutte contre le covid-19, « Covid-Organics » fait à partir de l’artémisia et des masques mis à disposition pour les gouvernements africains qui le souhaitent. Une autre startup sud-africaine, appelée Cape Bio a conçu un qCPR, un test de dépistage novateur permettant d’obtenir des résultats en 65 minutes[4]. A la date du 4 mai l’Afrique du Sud avait réalisé 200.000 tests. Aujourd’hui, ces initiatives montrent l’importance de l’innovation et la nécessité de coopérer. C’est un enjeu majeur que les Etats africains doivent intégrer dans l’équation à résoudre pour accélérer leur croissance, booster la création d’emploi et développer d’importants mécanismes de financement souverains.
En revanche, l’absence de priorités stratégiques met en lumière les failles accumulées par les gouvernements africains successifs au pouvoir depuis plusieurs décennies. Il faudrait donc que les puissances régionales africaines développent des mécanismes de solidarité continentale, à travers l’Union Africaine (UA), la Banque Africaine de Développement (BAD) et la création de fonds stratégique alimenté par les Etats africains pour financer la recherche médicale, l’utilisation des technologies, la construction d’hôpitaux, de centres de réanimation, des laboratoires épidémiologiques, des centres de dépistage et des hubs technologiques dédiés à aider au progrès de la recherche médicale. Il s'agit également d'assurer un partage du savoir-faire et de l’expérience liés à la gestion des pandémies. Des groupes de travail permettraient de pallier ce point. Le Sénégal, le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Congo RDC, le Ghana, le Nigéria, le Rwanda et d’autres pays africains peuvent former une solide coopération dans ce sens.
Les pays africains doivent apprendre des erreurs de l’Union Européenne en particulier l’absence de solidarité sanitaire. Il y va de la souveraineté en matière de santé pour l’Union Africaine. Cette crise sanitaire livre un enseignement important : en période de guerre, il ne faut pas compter sur l’aide étrangère car chacun cherche à sauver sa peau. En d’autres termes, aucun Etat n’est à l’abri et donc il ne faut rien attendre de personne. C’est pourquoi beaucoup d’intellectuels africains comme Kaku Nubukpo, macroéconomiste togolais et d’autres économistes et professeurs d’universitaires sénégalais, Ndongo Samba Sylla, Chérif Salif Sy et Felmine Sarr, invitent les décideurs africains à s’organiser, d’arrêter de tendre la main et prendre leur destin en main. D’où l’intérêt et l’urgence pour les Etats africains d’agir stratégiquement.
Le covid-19 révèle les prémices d’un passage de la mondialisation matérielle vers le monde numérique : une opportunité pour le Sénégal et l’Afrique ?
La crise du covid-19 montre une chose essentielle : nous sommes au crépuscule de la mondialisation et du modèle néolibéral qui s’est traduit par une chute vertigineuse des échanges mondiaux de biens matériels. C'est peut-être le début de la déglobalisation et du virage au numérique. Les nouvelles technologiques abolissent les frontières physiques. Partout dans le monde en particulier en Afrique, on communique, travaille à distance via des outils collaboratifs. Par exemple, le gouvernement sénégalais tient désormais ses conseils des ministres et réunions via des outils collaboratifs ! Cette situation met en lumière un élément fondamental : les prémices d’un basculement du monde physique vers un monde numérique que les Etats ne maitrisent pas encore. Par conséquent, leur souveraineté est remise en question car ils subissent le numérique. Il faut sortir de la courbe d’aveuglement, et penser autrement parce qu’il n’y a pas de gratuité dans l’usage des outils technologiques étrangers « gratuits ».
Autrement dit, leur (Etats) souveraineté numérique est quasiment inexistante puisqu’ils ne contrôlent ni la captation des données, ni leur lieu de stockage, ni leur potentielle exploitation et encore moins les outils numériques utilisés. Dès lors deux questions deviennent stratégiquement capitales : devrions nous partager notre souveraineté numérique en acceptant les ressources numériques étrangères ? Ou devrions nous plutôt bâtir un numérique souverain, c’est-à-dire utiliser dans les activités stratégiques des outils technologiques conçus par des africains sur le sol africain ? Ce qui sous-entend la nécessité d’une part de financer des investissements dans les technologies d’avenir (intelligence artificielle, les plateformes collaboratives, infrastructures de stockage des données en Afrique). Il faudrait repenser la définition de la souveraineté ou réfléchir à une forme de gouvernance nouvelle de nos Etats africains parce que le numérique constitue le nouveau terrain de compétition mondiale et des affrontements exacerbés (cyberattaques, espionnages, manipulation d’informations, etc.).
Comment penser la souveraineté économique sénégalaise au lendemain du covid-19 ?
Concrètement, le gouvernement sénégalais devrait parallèlement, à la lutte quotidienne contre le covid-19, construire un radar stratégique dont le rôle principal est de détecter les pépites technologiques sénégalaises issues de l’innovation et de la créativité des jeunes sénégalais. Ensuite de les protéger financièrement pour les propulser et éviter toute prédation étrangère. D’abord par définition, il faut comprendre par « stratégique », tout ce qui garantit l’autonomie, la sécurité économique et la souveraineté d’un Etat ou d’une entreprise. C’est la raison pour laquelle on doit prioritairement définir des critères d’intérêt stratégique comme par exemple la notion d’approvisionnement, d’avance technologique, de sécurité des données, de santé, systèmes d’information, etc., qu’on peut faire évoluer en fonction des mutations technologiques et géopolitiques mondiales internationales. En en intelligence économique il faut éviter de penser en secteur stratégique mais plutôt en entreprise stratégique pour deux raisons principales : premièrement raisonner en secteur stratégique est une erreur. Car n'importe quel secteur pris dans son ensemble peut être considéré comme stratégique. Deuxièmement, une activité donnée peut gagner ou perdre son caractère sensible ou stratégique en fonction de l’humeur de l’environnement mondial. Par exemple, la crise du Covid-19 a montré la dimension stratégique des entreprises qui fabriquent des gels hydro-alcooliques, des masques, des testeurs ou encore des applications de géolocalisation des patients.
Par ailleurs, il ne faut pas se limiter à la sécurité économique, la protection juridique est fondamentale pour les pépites technologiques qui naissent à Dakar et partout au Sénégal et la création de fond souverain stratégique national pour contrer les rachats étrangers en ce sens que le droit est l’une des armes de guerre économique la plus dangereuse. Certains acteurs économiques notamment les multinationales profitent des situations de crise pour tenter de mener des opérations stratégiques car ils ont les capacités financières. Par conséquent, il faudrait élaborer des lois qui protègent les activités jugées d’importances vitales (énergie, eau, stockage des données de santé, etc.), et les technologies en phase embryonnaire. Cela pourrait passer concrètement par l’introduction de décrets ou d’articles dans la constitution sénégalaise pour des raisons de sécurité nationale. Pour le faire, il faut que les décideurs politiques et les acteurs économiques du privé s’associent et s’approprient de l’intelligence économique (l’intelligence économique est un état d’esprit permanant, une pratique offensive et défensive de l’information. Son objet est de relier entre eux plusieurs domaines pour servir à des objectifs tactiques et stratégiques de l’acteur économique). Autrement dit, c’est l’art de détecter les menaces et les opportunités en coordonnant la collecte, le traitement, l’analyse et la diffusion de l’information stratégique aux décideurs économiques. Donc, il faudrait sensibiliser les acteurs politiques sur l’intérêt d’utiliser l’intelligence économique et travailler à la mise en place d’une politique publique d’intelligence économique pilotée par une structure rattachée directement à la présidence de la République du Sénégal.
Boubacar Diallo, spécialiste en Intelligence Economique
Six ans après avoir lancé le Programme national d'Autosuffisance en Riz (Pnar), Sud Quotidien interpelle des spécialistes et acteurs du milieu agricole, dans un contexte de Covid-19 où la résilience alimentaire se pose avec plus d’acuité encore
Lancé en 2014 par le président de la République Macky Sall dans un contexte international inhabituel où les plus grands exportateurs de riz, comme l’Inde, étaient devenus progressivement des importateurs, le programme autosuffisance en riz au Sénégal en 2017 reste encore une équation difficile à résoudre. Malgré des centaines de milliards injectés dans des programmes comme le Programme national d'Autosuffisance en Riz (Pnar), l’impact réel en termes de production n’est toujours pas au rendez-vous. Six ans après, Sud Quotidien interpelle des spécialistes et acteurs du milieu agricole, dans un contexte de Covid-19 où la résilience alimentaire se pose avec plus d’acuité encore.
OMAR NDAO FAYE, CHERCHEUR A L’ISRA : «Il est temps de revoir objectivement et scientifiquement les problèmes»
Omar Ndao Faye, chercheur à l’Institut Sénégalais de recherches agricoles (Isra), spécialiste en sélections variétés riz, est d’avis que «la dernière version (2014) du Programme national d’autosuffisance en riz (Pnar) n’est pas reluisante». Au départ, explique-til, «l’objectif était de 60 000 ha en une saison et annuellement 120 000 ha ». C’est pourquoi, fait-il observer : «Si en 2020 l’on parle de 50 000 ha comme record, je pense très sincèrement qu’il y a urgence de s’asseoir pour revoir ensemble les problèmes». Pour ce spécialiste en sélections variétales en riz, à l’Isra de Saint Louis, «l’urgence s’impose de voir objectivement et scientifiquement les problèmes en termes de développement et moyens financiers injectés pour atteindre un objectif jusqu’ici chimérique». Et d’ajouter: «J’avoue que le gouvernement a mis beaucoup d’argent dans le Pnar, mais jusqu’à présent, les résultats ne sont pas au rendez-vous». Il en appelle donc à «une évaluation ». Et d’asséner une conviction «Tant qu’un diagnostic profond et transparent n’est pas fait, l’autosuffisance en riz au Sénégal ne sera qu’un vœu pieux».
DE GRANDS PAS DANS LA SELECTION ET LA PRODUCTIVITE DES SEMENCES
Sur la question semencière, Omar Ndao Faye, spécialiste en sélection riz, convoque ses propos de 2016. Il affirmait alors que « La recherche est fin prête pour accompagner l’autosuffisance en riz». Suite aux travaux effectués, il constatait : «Nous avons des variétés qui sont en train d’être diffusées et qui, au niveau rendement, montrent qu’on a des potentialités beaucoup plus fortes aussi bien au niveau de la vallée qu’à l’échelle nationale». Mieux, fait il remarquer, «pour la saison pluviale, nous sommes en train de tenter des variétés pluviales de plateau, de 70 jours». Il précise que la même chose «est en train d’être fait au niveau des bas-fonds avec des variétés hybrides qui donnent de bons rendements». Relevant que de « grands pas » ont été faits, Omar Ndao Faye affirmera que des recherches sont en train d’être menées pour «les variétés adaptées à la sécheresse et à la salinité».
BABA DIALLO, PRODUCTEUR DE RIZ DANS LA VALLEE : «Il faut auditer le Pracas et le Pnar»
Baba Diallo, producteur de riz dans la vallée, conseille pour sa part le président de la République, Macky Sall, d’auditer d’abord les deux programmes que sont le Programme d'accélération de la cadence de l'agriculture sénégalaise (Pracas) et le Programme national d’autosuffisance en riz (Pnar) qui ont englouti des centaines de milliards sans de réels impacts. Il n’en revient pas encore de la situation qui s’offre à ses yeux. Aussi s’est-il exclamé : «Je suis estomaqué de voir autant d’argent injecté dans le Programme d’autosuffisance en riz depuis lors sans de réels résultats ». A cause de tout cela, il «demande au chef de l’Etat de garder d’abord ces 20 milliards annoncés pour «assurer» l’autosuffisance alimentaire au Sénégal post Covid-19 et de faire auditer le Pracas et le Pnar, deux programmes qui ont englouti des centaines de milliards depuis des années sans résultats escomptés». Pour lui: «un pays qui aspire à l’émergence, au développement doit nécessairement bâtir ses politiques publiques sur la gestion axé sur les résultats (Gar)». D’où l’importance de se donner «la peine de faire l’évaluation des actions réalisées». Le constat est amer puisque, fera-t-il remarquer, «dans ce pays, c’est l’inverse qui marche». Et sous ce rapport, dirat-il: «J’estime que c’est inacceptable de dérouler un programme sans rendre compte et au même moment continuer à gérer les deniers publics de manière opaque».
LA VOLONTE POLITIQUE N’EST PAS SINCERE
Au regard de ce qu’il constate sur le terrain, Baba Diallo déplore «un manque réel de volonté politique à faire un bond en avant ». Ce qui lui faire dire que : « Tant que les rôles seront intervertis, difficile sera le chemin vers l’autosuffisance en riz». En clair: «Que les politiques fassent la politique, les producteurs produisent, les chercheurs se consacrent à la recherche, le gouvernement joue son rôle d’organisation, de contrôle et surtout de respect des règles édictées pour parvenir à un objectif clairement affiché». A défaut, souligne Baba Diallo, c’est courir le risque de voir «des politiques bien rangés du côté du pouvoir s’introduire dans le secteur agricole uniquement pour capter les ressources allouées à la subvention des intrants, à l’accompagnement des producteurs au vu et su des autorités étatiques».
ABOUBACRY SOW, DG DE LA SAED «1.015.000 tonnes de paddy produits»
Interpellé sur le fait que l’objectif de l’autosuffisance en riz en 2017 n’est toujours pas atteint, le Dg de la Société d’aménagement et d’exploitation des terres du Delta et de la Vallée du fleuve Sénégal (Saed), Aboubacry Sow, rétorque que «l’Etat, à lui seul, ne peut tout supporter». Selon le Dg: «En 2014, on ne produisait pas plus de 300.000 tonnes de riz de paddy au Sénégal. La vallée à elle seule, donnait quelque 250 000 tonnes et le reste était produit dans le Sud du pays (Anambé et autres rizières)». Ainsi, il fait remarquer qu’«en 2017, nous avons atteint 1.015.000 tonnes de paddy produits». Se félicitant de ce résultat «remarquable», il poursuit: «Tout ceci a été rendu possible grâce au Pracas, avec l’avènement des cultures pluviales. Et l’apport des cultures pluviales était de 53% contre 47% pour les cultures irriguées. Tout le contraire dans le programme initial qui prévoyait 57% pour les cultures irriguées contre 43% pour les cultures pluviales».
URGENCE D’ATTEINDRE LA SOUVERAINETE ALIMENTAIRE
En visite sur des périmètres emblavés dans la vallée du fleuve Sénégal le week-end dernier, Aboubacry Sow, Dg de la Saed indiquait que «la pandémie du Covid-19 qui a fini de gagner tous les pays du monde, avec une quasi paralysie de l’économie mondiale, montre à suffisance qu’il faudrait que nos pays soient autonomes du point de vue de leur alimentation».
Le Dg de la Saed de rappeler que «depuis 2012, le Sénégal s’est engagé dans cette perspective par la mise en place du programme d’autosuffisance alimentaire en riz dans la vallée, ainsi que le Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (Pracas)». M. Sow a ainsi relevé que «le chef de l’Etat, en Conseil des ministres, avait donné des instructions pour aller vers cette souveraineté alimentaire, pour toutes productions alimentaires, notamment les produits céréalières et horticoles (en 2014)». Pour lui, «Cette souveraineté alimentaire » est «la seule voie de salut pour notre pays pour faire face à ces événements qui peuvent arriver et qui sont imprévisibles».
WALY DIOUF, COORDONNATEUR DU PNAR «Le Sénégal est en bonne voie pour l’autosuffisance en riz»
L e coordonnateur du Programme national d’autosuffisance en riz (Pnar), Waly Diouf, est plus que jamais convaincu que l’autosuffisance en riz est juste une question de temps. Ainsi, dira-t-il: «Le Sénégal est en bonne voie pour l’autosuffisance en riz. Il est plus que nécessaire de ne jamais dormir sur ses lauriers, mais au contraire, rester toujours engagé pour poursuivre la construction de la chaine de valeur riz national car, il y va de notre souveraineté». Pour se convaincre de la bonne voie, il soutient : «Je peux citer, sans être exhaustif, le fait que le Sénégal qui importait de la semence est devenu autosuffisant et même prêt à exporter ; le niveau de mécanisation et particulièrement la motorisation des activités de production est inédite ». Et de poursuivre : «les difficultés liées à l’écoulement des eaux en riziculture irriguée sont grandement améliorées ; les aménagements ont fortement augmenté en riziculture irriguée et pluviale ; le niveau de production de riz paddy et de riz blanc a très fortement augmenté ; la qualité du riz sénégalais n’a plus rien à envier à n’importe quel riz à travers le monde». Pour Waly Diouf, « le riz sénégalais d’excellente qualité est désormais commercialisé partout sur le territoire national et toute l’année etc…»
EN SIX ANS, LE PNAR A REÇU DE L’ETAT PLUS DE 75 MILLIARDS
A en suivre Waly Diouf, tout ceci a été rendu possible grâce à l’appui financier conséquent de l’Etat: «Entre 2014 et 2019, l’Etat du Sénégal a investi, sur ressources propres, plus de 75 milliards dans la riziculture pour améliorer le niveau d’accès des producteurs aux intrants de qualité, renforcer et moderniser les équipements de production, de récolte et de transformation, améliorer la maitrise de l’eau agricole ainsi que les services de conseil, sans compter l’apport des Partenaires Techniques et Financiers». Le coordonnateur du Pnar n’a pas manqué de relever le diagnostic qui a été fait en 2014 sur toute la chaine de valeur riz et qui ressortait beaucoup de contraintes de divers ordres. Parmi elles :«le déficit d’accès à des semences de qualité, le manque d’équipement, l’insuffisance des aménagements et le manque d’entretien des périmètres aménagés, le manque d’infrastructures de stockage, le déficit du conseil, etc.» Après avoir noté que «chaque action posée depuis lors est destinée à résoudre une ou plusieurs de ces difficultés»,
PROBLEMES D’ORDRE ENVIRONNEMENTAL ET INSTITUTIONNEL
Pour mieux appréhender la situation, M. Diouf indique qu’«on peut comprendre que la proximité de l’Océan Atlantique provoque la salinisation des terres, ce qui rend compliqué la pratique de la riziculture». Il y a, «aussi l’insuffisance de la pluviométrie dans la majorité des régions qui limite les performances que le Sénégal pouvait avoir dans la production de riz, car, le riz n’est pas une plante aquatique, mais aime beaucoup l’eau». Il relève ainsi que «les contraintes d’ordre institutionnel sont plus relatives à l’insuffisance de ressources humaines, matérielles et financières». Auparavant, il renseigne qu’«en 2014, l’image de la riziculture sénégalaise était peu reluisante». A l’en croire, «dans la riziculture irriguée, en plus de la faiblesse des aménagements, s’ajoutaient des problèmes liés à l’écoulement des eaux d’irrigation et de drainage, au manque de tracteurs, de moissonneuses-batteuses, de rizeries aux normes, etc.». Il constate que «la riziculture pluviale était abandonnée à ellemême, produisant peu avec un rendement très faible et un sous équipement honteux». Et d’ajouter: «aujourd’hui, grâce aux ressources massivement investies, beaucoup d’acquis ont été enregistrés dans la riziculture, même si l’objectif quantitatif d’arriver à 1,6 million de tonnes n’a pas été atteint». Ce qui explique selon Waly Diouf, que «le Président Macky Sall, soucieux d’anticiper sur les conséquences du Covid-19, a réitéré, à maintes reprises ces derniers temps, sa volonté déjà fortement affirmée, de voir le Sénégal autosuffisant en riz»
par Siré Sy
MACKY ÉCOUTE
Depuis mars 2020, avec le Covid-19, le président semble se rebiffer des griffes de ses partisans et militants, pour sortir de cet isolement dans lequel ces cercles l’ont confiné
La gestion du Covid-19 a montré une toute nouvelle posture du président de la République en termes de management de la Très Haute Performance, dans son versant Communication. Le président est en mode Écoute. De 2012 à 2019, le président Macky Sall était sûr, très sûr même de sa science (le PSE) au point que le président n’était poreux à aucun souffle contraire dans le sens du vent de son PSE. Le président n'aurait-il pas été un tout petit peu abusé par ses militants et partisans qui avaient fini de mettre dans son esprit, que tous ceux qui émettent un avis contraire dans le sens des aiguilles de la montre PSE, étaient des opposants encagoulés, sinon des aigris voire même des populistes en mal de visibilité ?
Résultat des courses, de 2012 à 2019, le président a gouverné seul. Il a pris seul les décisions, et s’est retrouvé seul dans certaines tempêtes. Le président en serait tellement divertit par ses cercles au point qu’il aurait oublié que le partisan (qui a acheté la carte du parti) est dans la propagande, le militant (la mouvance présidentielle) est dans l’information alors que les sympathisants sont dans le libre-propos et dans l'analyse dynamique. Les sympathisants, ce sont toutes ces sénégalaises et sénégalais qui ne sont pas partisans d’aucun parti politique ni militant d’aucune coalition politique, mais qui restent profondément préoccupés par le progrès du Sénégal. A chaque fois que ces sympathisants-là, ont eu à lever la voix, les partisans et les militants leur rétorquent de venir acheter la carte du parti et de rejoindre les rangs pour avoir une certaine légitimité pour prendre la parole. Sinon, de se taire parce qu'il ou qu’elle serait alors un opposant déguisé ou encagoulé.
Sept ans après et à l’épreuve du terrain, le président Macky Sall, a enfin réalisé que ses propres militants et partisans, lui ont mis à dos, des sénégalaises et des sénégalais, qui ne sont pas certes partisans de l’APR ni d’aucun parti politique d’ailleurs encore moins militant d’une coalition politique, mais qui étaient disposé.e.s à nourrir sa perspective, le PSE, en explicitant dans la pédagogie et dans le langage qui sied, des heureuses initiatives prises et des belles actions menées.
Depuis mars 2020, avec le Covid-19, le président semble se rebiffer des griffes de ses partisans et militants, pour sortir de cet isolement dans lequel ces cercles l’ont confiné. A la différence de Zarathoustra, le président n'impose plus sa volonté de puissance, mail il propose comme il était de coutume dans le royaume de Saraba où chacun ‘’zon politikon’’ avait son rôle a joué. Le président prend le temps de l'écoute attentive et participative, à l’écoute de soi pour mieux comprendre les autres. L’écoute, comme le gouvernement de Soi et des Autres.
Depuis quelque temps, le président Macky Sall, a pris de la hauteur et a pris de l'élévation pour se mettre au-dessus de la mêlée. En recevant et en écoutant la classe politique, la société civile et toutes les forces vives de la Nation, et en étant dans le management agile, dans la gouvernance concertée et en mode écoute, le président a pu mesurer de lui-même, tout le gain d’avoir une oreille attentive, une oreille en mode écoute, à tous les sons de cloches. Même ceux qui font désordre. Au plus fort des plaines du Ndoumbélane, là où il ne passe aucun bruit, là où le plus grand événement, est l’envol d’un coq de bruyère, le président écoute et est à l’écoute. Pour parler comme le philosophe danois Søren Kierkegaard.
"ENTRE RESPONSABLES, LE LINGE SALE AVEC LA SENELEC DEVRAIT SE LAVER EN FAMILLE !"
Amadou Ly, DG Akilee parle du conflit entre sa société et l’électricien national qui en est actionnaire, des activités de sa société qui font l’objet de beaucoup de fantasmes (pour ne pas dire d’un procès en sorcellerie !) ces temps-ci
Inconnue du grand public jusqu’à une période récente, l’entreprise Akilee, spécialisée dans le développement de solutions logicielles destinées à superviser les systèmes électriques et à maîtriser les dépenses énergétiques, est, bien malgré elle, au-devant de la scène médiatique à cause du contrat qui la lie avec son client principal et actionnaire, la Senelec. Son Directeur général, le sémillant Amadou Ly, a accepté de briser le silence. L’interview qui suit, réalisée par un journaliste indépendant, était destinée à l’origine à un groupe de presse qui n’en a pas voulu finalement… pour ne pas compromettre ses relations publicitaires avec la Senelec. Naturellement, lorsque le jeune confrère nous l’a proposée, nous avons sauté dessus ! Amadou Ly évoque donc l’actualité de ces derniers jours marquée par le conflit entre sa société et l’électricien national qui en est actionnaire, et lève surtout un coin du voile sur les véritables activités de sa société qui font l’objet de beaucoup de fantasmes — pour ne pas dire d’un procès en sorcellerie ! — ces temps-ci. Entretien.
Monsieur Ly, le contrat qui lie votre entreprise, Akilee, à la Senelec, a occupé l’espace médiatique ces derniers jours. Déjà, pouvons-nous savoir où en sont les discussions avec la direction générale de la Senelec, après deux rencontres autour de la volonté de cette dernière de revoir les termes de l’accord vous liant ?
Permettez-moi tout d’abord, en ce mois béni du Ramadan, de demander pardon à vos lecteurs et à l’ensemble des sénégalais d’ici et d’ailleurs. Je dois dire que depuis le début de ce qu’il est convenu maintenant d’appeler l’affaire Senelec-Akilee, j’ai choisi de ne pas m’exprimer publiquement sur ces sujets et de réserver mes opinions et arguments à la direction générale de Senelec. Il me semble qu’en ce moment il y a pour notre pays des priorités autrement plus importantes dans les contextes de crise sanitaire actuelle et économique potentielle que nous connaissons. De mon point de vue, le linge sale, si tant est qu’il y en ait, se lave en famille ; en effet, Senelec est propriétaire d’Akilee à hauteur de 34 %, et il n’y a rien d’extraordinaire à ce qu’il puisse il y avoir des arrangements à opérer en famille, c’est même courant. Mais à partir du moment où des sources localisées par vos confrères chez Senelec ont décidé de se répandre dans la presse sans jamais faire tomber le masque, et en instruisant un procès uniquement à charge contre Akilee, il était important que je puisse, en mon nom propre, ramener un peu de sérénité dans le débat public. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté votre sollicitation. En revanche, je ne me livrerai pas aux pratiques que je dénonce par ailleurs. Ce préalable étant posé, je réponds directement à votre question : le dialogue entre nous se poursuit normalement, à plusieurs niveaux, nous nous sommes rencontrés vendredi dernier, et nous nous retrouvons en début de semaine prochaine. Je me réjouis de la dynamique de ce dialogue familial.
La direction générale de la Senelec a dû, tout de même, brandir d’autres arguments, non ? On a vu, notamment, une partie des syndicats de la boite dénoncer des clauses léonines…
La direction générale de Senelec a fait part d’observations auxquelles nous avons répondu exhaustivement. il lui appartient d’examiner ces réponses et de nous revenir s’il y a lieu. Quant aux syndicats, ils sont dans leurs droits de s’interroger même si nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec eux, au mois de mai 2019, aux côtés de la direction générale de Senelec dans le cadre d’un atelier de 4 jours avec l’ensemble des partenaires sociaux. Mais comme pour toute société commerciale, c’est le management qui prend les engagements, en gérant son dialogue interne comme il le souhaite. A mon niveau, j’observe que le conseil d’administration de Senelec, société anonyme je le rappelle, dans sa séance du 27 décembre 2018, avait unanimement autorisé le directeur général d’alors à signer le contrat dont il est question aujourd’hui. Et précision qui a son importance : l’actuel directeur général était administrateur, et présent ce jour-là. Pas d’unanimité possible donc sans son vote favorable. J’ajoute qu’après sa nomination, l’actuel DG a posé des actes d’exécution du contrat (participation à des réunions, signature d’ordre de mission pour des équipes de senelec dans le cadre de la mission). Je note également qu’interrogé par l’un de vos éminents confrères dans l’émission Jury du Dimanche le 1er décembre dernier, il a indiqué explicitement qu’il n’y avait pas de violation quelconque du droit applicable pour la passation de ce contrat.
Et si jamais la direction générale de Senelec persiste dans la voie engagée, on ira vers où ?
Je n’imagine pas une seconde que nous ne trouvions pas un accord pour revenir à l’essentiel. Je ne peux pas imaginer que la direction générale de Senelec, dont le rôle est de défendre les intérêts de cette société commerciale, propriétaire à 34% d’Akilee, souhaite fragiliser cette dernière. Cela irait à l’encontre de l’intérêt social qu’elle poursuit. Je ne peux pas imaginer que Senelec s’engage dans un arbitrage international à Abidjan, avec une société dont elle est propriétaire, prenant ainsi le risque de ternir l’image que son Excellence le Président Macky Sall souhaite montrer aux sénégalais de la Diaspora pour les encourager à rentrer et à entreprendre dans le pays comme je l’ai fait. Mais en ce qui me concerne, j’irai vers la volonté de Dieu. Inéluctablement. C’est fondamental de retenir cela. Tout ce que je fais repose sur le religieux et sur le divin. Quand on vient de nulle part comme moi et qu’on s’est fait tout seul, par la grâce de Dieu, il n’y a absolument rien de matériel ou de temporel qui peut nous perturber. Je suis passé par des étapes beaucoup plus difficiles que celle-là, ce n’est donc pas maintenant que je vais me départir du seul et unique compagnon que j’ai. Les actes que je poserai seront ceux que Dieu m’inspirera. Je sais donc que nous ferons ce qu’il y a de mieux pour nous. Attendons donc la suite.
Dites-nous, concrètement, c’est quoi Akilee ?
Akilee, c’est une société commerciale de services énergétiques s’appuyant sur la technologie pour apporter des solutions aux opérateurs électriciens et à leurs consommateurs. Nous sommes pionniers dans notre domaine en Afrique, avec un modèle innovant, sûrement une des raisons pour lesquelles nous devons user de pédagogie pour convaincre les décideurs de la pertinence de notre modèle. Notre ambition est de devenir le partenaire clef des opérateurs électriciens de la Cédéao, à l’horizon 2022 – 2023, pour les accompagner à devenir plus performants, à mieux connaitre et servir leurs clients dans une dynamique de digitalisation de leurs processus. Les mots clés sont donc : mieux connaitre et mieux servir les clients, devenir plus performant et digitalisation des processus.
Quels services proposez-vous pour que la Senelec et ses clients y trouvent leur compte ?
Nous proposons à Senelec des services innovants permettant d’avoir une meilleure visibilité sur son réseau, de mieux gérer ses actifs, de faciliter l’exploitation de son réseau, d’optimiser les charges d’exploitation, de mieux connaître et réduire les pertes… Quant aux clients, ils ne sont intéressés que par une chose : réduire leurs factures d’électricité. Electricité qu’ils veulent avoir en quantité et en qualité. Pour ce faire, nous avons développé plusieurs solutions. A titre d’exemple on peut citer : SmartsEN, qui est notre plateforme de supervision en temps réel du réseau de distribution qui a permis de faire faire près d’un milliard FCFA d’économies à Dakar en 2019 et de superviser de manière inédite les grands événements tels que le Magal de Touba, le Gamou, le Pèlerinage de Popenguine ; Akeema, qui est notre plateforme destinée aux clients de Senelec pour la gestion de leurs consommations en temps réel ; Woyofal+, qui est notre application pour l’interaction et la gestion des compteurs intelligents à prépaiement ; SenAMi, qui est le système qui permet de gérer les compteurs intelligents ; et, AkileePay qui est notre solution de paiement électronique. D’autres grands projets innovants sont en cours de développement.
Doit-on comprendre que la Senelec vend l’électricité à perte ?
Lorsque vous lisez les rapports d’activités, communications publiques et présentations de Senelec, il ressort qu’une de leur plus grande problématique est celle de la maîtrise des pertes. Ces informations sont répétées depuis plusieurs années par Senelec. Il faut donc comprendre que la maîtrise des pertes constitue un enjeu majeur pour Senelec. En effet, malgré les nombreux efforts fournis, ces pertes restent élevées et se chiffrent en plusieurs dizaines de milliards par an. Au cours des dernières années, Senelec a perdu 800 milliards de fcfA. D’ici à 2028, ces pertes pourraient atteindre 1273 milliards FCFA. En valeur relative c’est 17 % en moyenne sur les 15 dernières années, même à 15 % en moyenne par an avec un chiffre d’affaires qui est actuellement de près de 500 milliards cela fait 75 à 85 milliards dans l’année. Puisque la clientèle augmente chaque année (7 % par an en moyenne), le chiffre d’affaires aussi, les pertes inévitablement. C’est dans ce contexte que Senelec a souhaité bénéficier du savoir-faire d’Akilee.
Est-ce que ces compteurs sont des produits de Akilee ?
Akilee n’est pas un fabricant de compteurs, elle s’approvisionne sur le marché chez des acteurs de référence qui ont fait leurs preuves. Ce qui a poussé Senelec à développer ses liens capitalistiques et contractuels avec Akilee, ce n’est certainement pas le souhait de s’approvisionner en compteurs, fussent-ils intelligents. L’essentiel est dans la data qui est le pétrole du XXIème siècle. L’enjeu pour Senelec était donc de s’assurer qu’elle aurait la maîtrise de la donnée. Lequel d’entre nous paye pour utiliser Google, Facebook, WhatsApp…, aucun. la raison en est simple c’est qu’on ne paie pas en cash, mais en données à partir desquelles ces géants développent des services à haute valeur ajoutée. le système SenAMi que nous avons conçu permet de s’assurer de la souveraineté sur le système et sur les données, au service de tous.
Cela veut-il dire qu’à terme ce ne sont plus seulement les entreprises qui seront ciblées ?
« Tout le monde devrait avoir ces compteurs. Pas seulement les gros clients, mais le grand public également. Ils permettront de faciliter la vie aux consommateurs qui vont pouvoir suivre leurs consommations de partout dans le monde, de charger leurs compteurs Woyofal à distance, de gérer plusieurs compteurs en même temps depuis le même téléphone. Cela marchera avec ou sans smartphone ; le #2010# est un code ussD réservé par Akilee pour ces services. Si tout le monde n’a pas ces compteurs, il sera impossible de localiser avec précision les pertes et donc de lutter efficacement contre elles. On doit en mettre à tous les nœuds du système électrique. En cette période de covid-19, où les déplacements sont limités, le déploiement d’un tel système aurait simplifié la vie à tout le monde, agents de Senelec comme clients ; quasiment plus aucun déplacement n’est nécessaire, sauf pour la maintenance qui reste singulière.
Parmi les arguments utilisés par les syndicats opposés à ce contrat, il y a le fait qu’ils estiment que le contrat qui lie Akilee et SENELEC sur dix ans repose sur une expertise que les cadres de la SENELEC ont déjà. Êtes-vous donc grassement payés à faire un travail que la boite peut faire faire à ses employés ?
C’est la question la plus élémentaire qu’il faut se poser : Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait jusqu’à présent ? Pourquoi, c’est nous qui avons proposé de généraliser le comptage intelligent alors même que la stratégie initiale de Senelec était de limiter les compteurs intelligents aux quelque 10000 clients grands comptes et d’équiper tout le reste (99,5 %) de compteurs à prépaiement. compteurs qui, en vérité, exposent encore plus Senelec à la fraude, parce qu’à l’heure actuelle un client Woyofal n’a aucun autre contact énergétique avec Senelec, si ce n’est la livraison de l’énergie, et cela pose problème. Pourquoi n’a-t-on pas développé ces logiciels en interne ? Pourquoi à ce jour les quelques compteurs intelligents déployés sont venus avec un système entièrement fourni et géré par des chinois ? Bien sûr, le système est utilisé par des agents de Senelec mais il n’est pas développé par quelque agent que ce soit. Il est toujours facile de dire « je sais le faire » quand on a déjà vu faire. construire des logiciels ce n’est pas qu’une histoire de savoir aligner des lignes de code ; ce qui est à la portée de beaucoup de sénégalais très brillants. C’est bien plus que cela. Et développer une entreprise qui exploite commercialement et stratégiquement tous ces outils, c’est encore une autre affaire. A notre connaissance, il n’y a que des entreprises étrangères qui se sont manifestées auprès de Senelec sur ce dossier. La dernière en date est la société israélienne Powercom introduite par Papa Mademba BiTEYE. Pourquoi tout ce beau monde ne dit pas à Powercom « laissez-nous faire, nous savons développer les logiciels que vous nous proposer » ? C’est une question de souveraineté et de sécurité nationales pour un secteur aussi stratégique que de s’assurer que ce système de comptage intelligent est contrôlé de bout en bout, de son déploiement à son exploitation, par une société sénégalaise. AKilEE est cette société puisqu’elle a déjà développé son système et qu’il est opérant actuellement avec plusieurs milliers de compteurs déployés au niveau des postes de Senelec.
Il y a également la crainte de la perte d’emplois. Y a-t-il un risque que la dématérialisation en emporte certains ?
« Effectivement, certains ont prétendu qu’il y aurait un impact sur l’emploi. Mais si impact il y a c’est dans le bon sens. les éléments sont là, facilement vérifiables. Ils disent qu’il y a des activités commerciales qui nous ont été transférées. De manière factuelle, démarche scientifique et rigoureuse à l’appui, nous avons démontré que cela était faux. En comparant les situations avant et après la mise en œuvre du projet, on voit qu’il n’y a quasiment aucune activité sur laquelle nous allons nous substituer à Senelec ; à une activité près : l’installation. Sur l’installation, en vérité, les agents de Senelec s’occupent aujourd’hui uniquement d’une certaine catégorie de clients, qu’on appelle les clients grands comptes, qui représentent une dizaine de milliers tout au plus, sur plus de 1 500 000 clients. Pour tout le reste des clients, appelés clients généraux, Senelec a déjà externalisé l’activité d’installations auprès de prestataires. Le fait de le confier à Akilee ne change donc absolument rien ; c’est toujours un prestataire. la différence, c’est qu’Akilee va assumer seule la responsabilité de l’installation devant Senelec avec des engagements de performance contre pénalités en cas de défaillance. Cela dans le sens de simplifier la vie mais également d’améliorer la performance et la qualité de service. En réalité, nous comptons nous appuyer sur les mêmes prestataires, après les avoir qualifiés. ce qu’Akilee apportera, et qui n’a jamais existé depuis que Senelec est Senelec, c’est qu’on va complètement digitaliser tout le process de gestion et de suivi de l’installation avec nos propres solutions que nous avons déjà développées (AMi-OPs est un de nous outils pour cela). le suivi des opérations se fera en temps réel, la performance et la qualité également contrôlées en temps réel. On a intégré des dispositions qui visent à garantir la sécurité des hommes et des installations. ceci est inédit, et comme je le disais une fois qu’on le conceptualise et qu’on commence à le faire, nombreux sont ceux qui se lèvent pour dire « c’est simple, nous aussi on sait le faire »… la nature humaine est ainsi faite, la nôtre en particulier.
Sur la base du contrat qui vous lie à Senelec, quand est-ce que Akilee devait commencer à mettre les compteurs et le dispositif en place ?
Depuis que les compteurs ont été livrés, c’est à dire au moins depuis décembre dernier. cela fait maintenant cinq (5) mois de retard. Deux mille (2 000) compteurs ont été effectivement livrés, et cinquante-sept mille cinq cents (57 500) autres sont en cours de livraison à partir de ce mois de mai.
Il y avait déjà un processus pour remplacer les compteurs par des compteurs Woyofal. Ce processus n’est pas arrivé à terme qu’un autre vient se substituer encore… Cela ne crée pas encore une ligne à l’incompréhension ?
C’est la continuité. Au contraire, ce processus se poursuit mais en mieux. Avec le compteur Woyofal, le client ne peut pas recharger son crédit, ni consulter sa consommation encore moins être alerté d’un crédit insuffisant sans être à côté du compteur, tout au moins chez lui. Tout cela se fait manuellement. Avec le système que nous proposons, que nous avons baptisé, avec Senelec, Woyofal+, la vie du client va changer radicalement, en mieux. Dorénavant, il pourra faire toutes les opérations sur son compteur à distance, et ce même s’il est à l’étranger. Un sénégalais de la Diaspora par exemple peut décider de contrôler de son pays d’accueil tous les compteurs dont il a la charge financière au Sénégal. Et tout ceci avec son téléphone. Idem pour nos compatriotes vivant dans le pays. Qu’on soit soutien de familles ou qu’on gère un parc immobilier, on pourra tout contrôler depuis son téléphone. Peu de gens savent ce qu’est le kWh, l’unité utilisée dans les compteurs actuels pour communiquer le solde de crédit disponible. Nous le traduirons maintenant en argent ou en jours d’autonomie qui sont des notions que les gens comprennent le mieux.
Il se dit que vous allez quand même empocher 187 milliards F CFA à la fin de l’exécution de ce contrat, au bout de 10 ans. D’où viennent ces 187 milliards F CFA et qu’est-ce qui justifie ce montant astronomique dans le contrat ? Concrètement, comment Akilee va-t-il tirer ses bénéfices pour qu’on ne pense pas que l’entreprise s’enrichit sur le dos de la Senelec ?
Permettez-moi de dire qu’il n’est pas exact de dire que nous allons empocher 187 milliards, c’est une façon de parler qui est tendancieuse. ce montant représente le budget global du projet pour l’investissement et les coûts d’exploitation. C’est important de noter ce dernier point sur les coûts d’exploitation. cet argent ne va donc pas dans les comptes d’Akilee, il va en partie chez les fournisseurs de compteurs, en partie chez les fournisseurs des équipements accessoires pour la pose du compteur, en partie chez les installateurs sénégalais que nous ferons travailler, en partie chez les autres prestataires divers que nous mobilisons, en partie chez les opérateurs de téléphonie avec qui nous avons signé des contrats et, in fine, en partie chez Akilee pour toutes les ressources internes que nous mobilisons pour le projet. Notre marge est plus attendue de la partie variable qui vise à nous pousser à traquer toutes les pertes de manière à maximiser le gain de Senelec.
On vous entend souvent brandir l’argument nationaliste, mais concrètement, à qui appartient Akilee ?
Akilee est made in Sénégal, propriété de sénégalais, au service des sénégalais. Nous sommes 4 actionnaires : Senelec (34 %), Samba Laobé Ndiaye, Victor Ndiaye et moi-même qui nous partageons les autres 66 %
Akilee dépend de quoi d’autre ? Est-ce qu’il y a d’autres activités solides sur lesquelles vous pouvez vous appuyer ?
Bien sûr ! Nous avons d’autres services que nous offrons aux clients de Senelec. il est vrai que pour des raisons stratégiques nous avions concentré le développement de nos activités autour de Senelec afin de pouvoir attaquer rapidement la sous-région. Mais nous discutons actuellement avec trois opérateurs électriciens dans trois pays de la Cédéao.
Un dernier mot ?
Le Sénégal est dans une dynamique d’émergence. Et chacun sait qu’une énergie disponible et à un coût accessible est déterminante de cette dynamique. Je suis à cet égard admiratif du bilan de notre président de la République. à la modeste échelle qui est la mienne, j’essaie d’agréger quelques talents sénégalais d’ici et d’ailleurs pour apporter notre propre contribution à cette dynamique d’émergence. De ce point de vue, c’est pour moi une immense fierté d’avoir su gagner la confiance de Senelec. Mais je ne la considère pas comme acquise : nous travaillons chaque jour pour prouver à nos actionnaires comme aux clients de Senelec que nous sommes dignes de cette confiance. Et comptez sur nous pour que cela se poursuive et s’accélère !
LE TRIBUNAL ARBITRAL DÉBOUTE LIBERTY POWER
Liberty n’obtiendra pas ses 156 milliards de francs Cfa. Le tribunal arbitral, qui a rendu son verdict ce jeudi, l’a purement et simplement débouté dans une affaire qui l’oppose à la Senelec.
Liberty n’obtiendra pas ses 156 milliards de francs Cfa. Le tribunal arbitral, qui a rendu son verdict ce jeudi, l’a purement et simplement débouté dans une affaire qui l’oppose à la Senelec. C’est ce qu’a appris iGfm.
En effet, ladite société, immatriculée aux îles Caïmans, avait poursuivi la Senelec pour inexécution de son obligation de délivrance d’une garantie d’État et pour non-exécution des obligations convenues au Contrat.
TRACT ET PLUS, UNE ÉMISSION D'OUSSEYNOU NAR GUEYE
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MACKY ET LA GOUVERNANCE DU COVID-19
EXCLUSIF SENEPLUS - Une histoire de famille ? Mansour Faye et Aliou Sall aux premières loges - Les enjeux de transparence des marchés publics - Avec les éditorialistes de SenePlus, René Lake et Paap Seen
Aide alimentaire Covid-19 de l'État du Sénégal : point d'étape. Le gouvernement sénégalais a décidé, pour soutenir les foyers, en particulier ceux nécessiteux ou qui vivent de revenus liés à un emploi informel, de leur fournir des vivres alimentaires en cette période de restriction de mobilité et d'activité professionnelle réduite. Après un léger retard, la distribution des vivres a commencé par Yène et Guinaw Rails. Il s'agit de 100 kg de riz, 10 litres d'huile, 10 kg de sucre et du savon.
La distribution est gérée par Mansour Faye, ministre en charge du Développement communautaire et non moins beau-frère du président Macky Sall. Le comité de suivi de la Force Covid-19 a aussi été mis en place avec le Général Francois Ndiaye à sa tête.
Aliou Sall, maire de Guediawaye et aussi frère du président, est membre de cette Force Covid-19, qui a récolté des milliards d'aide de personnes physiques et entreprises du secteur privé. Quelques polémiques ont entouré les marchés de gré à gré liés à l'aide alimentaire Covid-19.
Deux éditorialistes de SenePlus autour du présentateur Ousseynou Nar Gueye de Tract.sn : à Washington, René Lake et à Dakar, Paap Seen.
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LE TERRIBLE DILEMME DES FEMMES AFRICAINES
Face au Covid-19 et au confinement, parfois très dur, décidé par nombre de gouvernements, les femmes sont les premières touchées. La ministre conseillère chargée du Genre Euphrasie Kouassi Yao vante l’ingéniosité des Ivoiriennes
Sputnik France |
Christine H. Gueye |
Publication 07/05/2020
Face au Covid-19 et au confinement, parfois très dur, décidé par nombre de gouvernements africains, les femmes sont les premières touchées. Au micro de Sputnik France, la ministre conseillère chargée du Genre Euphrasie Kouassi Yao vante l’ingéniosité des Ivoiriennes et leur solidarité pour se protéger tout en continuant à gagner leur subsistance.
«C’est vrai qu’il faut manger, mais pour le faire, il faut d’abord être en vie. C’est pour cela que nous appliquons strictement les mesures barrières avec une relative facilité pour la distanciation car elle coûte zéro franc. Cet élément nous a permis de convaincre plus facilement les femmes dans la mesure où elles savent qu’elles n’ont rien à dépenser pour préserver leur vie et se battre pour l’entretenir. Et les résultats sont là, tangibles!», a expliqué fin avril l’invitée Afrique de Sputnik France, la ministre ivoirienne conseillère du Genre Euphrasie Kouassi Yao, confinée dans sa résidence de Cocody Riviera à Abidjan depuis le 17 mars.
Partout dans les grandes villes africaines, le même dilemme se pose. Faut-il laisser les habitants mourir de faim ou de maladie? Car enfermer les gens dans les bidonvilles sans eau, sans électricité et, bien souvent, sans recours médical ne peut être que la dernière option. Au Kenya ou en Afrique du Sud, qui reste le pays le plus touché par la pandémie à ce jour sur le continent avec 7.220 cas confirmés, des émeutes de la faim ont déjà eu lieu. Elles ont dû être réprimées sous les coups de bâton et à grand renfort de gaz lacrymogènes.
Pour les femmes africaines, ce dilemme est encore plus grave puisque le confinement est bien souvent synonyme de violences conjugales accrues. Alors que faire? Comment les mobiliser et les aider à lutter contre cette catastrophe sanitaire? Tout en évitant qu’elle ne se transforme en une catastrophe économique, puisqu’il leur est interdit de se déplacer, de commercer ou de vaquer à des activités génératrices de revenus pour nourrir leurs enfants.
Pour Euphrasie Kouassi Yao, la réponse est claire. Il ne s’agit pas de se lamenter mais de réagir en unissant ses forces. Le 24 avril dernier, cette militante de longue date pour l’autonomisation des femmes a lancé le projet BASE, dont l’acronyme signifie «Banque d’amour et de solidarité efficace». Une initiative qu’elle pilote avec la chaire Unesco «Eau, femmes et pouvoir de décisions» –dont elle est la titulaire– et l’Organisation de femmes du compendium des compétences féminines de Côte d’Ivoire (Cocofci) –qu’elle coordonne depuis neuf ans.
Une contribution de 1.000 francs CFA (1,50 euro) est demandée à chaque adhérent de BASE qui a obtenu le soutien des hommes pour la fabrication industrielle de masques. Une fois fabriqués, ceux-ci seront distribués gratuitement aux personnes les plus vulnérables, notamment aux diabétiques avec de l’insuline. Cette distribution s’accompagnera de transferts monétaires pour les plus nécessiteux grâce à des cartes prépayées éditées par les opérateurs téléphoniques.
«Face au Covid-19, il faut faire preuve de solidarité. Pas d’entraide sociale mais bien de solidarité, car c’est ce qui va nous apporter des solutions à long terme en Afrique. Ici, en Côte d’Ivoire, nous avons du coton, du fil et du caoutchouc à profusion. Qu’est-ce qui nous empêche de les transformer en masques au lieu d’en importer? En combinant nos ressources, sur le plan humain, et grâce aux contributions de nos membres et de ceux qui nous soutiennent, nous allons commencer en créant une usine pour fabriquer des masques», a déclaré Euphrasie Kouassi Yao au micro de Sputnik France.
Selon le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l’Union africaine, la Côte d'Ivoire avait enregistré, au 5 mai, un décès supplémentaire et 32 nouveaux cas de maladie à coronavirus, portant à 1.464 le nombre de cas confirmés et à 18 celui de décès.
Ce qui la met très loin, pour l’instant, derrière l’Égypte, deuxième pays le plus touché avec 6.813 cas recensés, suivie par le Maroc, l’Algérie, le Nigeria et le Ghana.
Grâce à quelques «mesures ingénieuses» –comme coudre ses propres masques ou faire soi-même son gel ou son savon pour se laver les mains–, la ministre conseillère du Genre se dit convaincue qu’il n’y a aucun obstacle que les quelque 15.000 femmes cadres, productrices et agricultrices, membres du Cocofci, ne puissent surmonter. Et ce, malgré le confinement et la recrudescence des violences conjugales et domestiques qu’il peut engendrer.
«Cette maladie est venue nous rappeler que l’être humain est au centre de toutes choses. On peut avoir des ressources financières ou être un homme politique bien placé et mourir du Covid-19. Amour, solidarité et audace, jamais les valeurs qui fondent notre action au compendium n’ont été aussi utiles. Les mesures ingénieuses pour les femmes ivoiriennes, c’est de faire au mieux avec ce que nous avons», a-t-elle ajouté.
Reste les violences domestiques qui défraient régulièrement la chronique en ces temps de confinement. Certes, la Côte d’Ivoire n’est pas le seul pays en Afrique à être confronté à ce phénomène, mais il semble s’aggraver.
Juguler les violences domestiques
Selon les associations de défense des droits des femmes présentes dans la capitale ivoirienne, –coupée du reste du pays depuis le début du confinement–, le contexte actuel, notamment les mesures édictées dans le cadre de la riposte sanitaire, contribuerait à amplifier les violences conjugales.
«Avec le ralentissement économique et le couvre-feu [de 21 heures à 5 heures du matin], Abidjan est chaque soir le théâtre de drames qui se déroulent à huis clos», selon Irad Gbazalé, la présidente de l’ONG Femmes en action.
Le manque de structures d’accueil pour ces femmes n’aide pas, même s’il existe déjà à Abidjan un Centre de prévention et d'assistance aux victimes des violences sexuelles (Pavios) qui recueille des femmes victimes de violences domestiques. Que pourraient faire les autorités ivoiriennes pour y remédier ?
«Ce genre de centre doit être mieux équipé et réorganisé, comme en France, pour répondre aux besoins. Même s’il n’y a que 10% des femmes qui sont violentées en Côte d’Ivoire, il faut que l’on s’organise pour les accueillir au cas où ce phénomène s’amplifierait. Nous travaillons également à un numéro vert qu’elles pourront appeler en toute confiance», répond Euphrasie Kouassi Yao.
Elle insiste, toutefois, sur le fait que le ministère ivoirien de la Femme préfère quant à lui travailler de façon globale dans le cadre d’un programme de lutte contre les violences faites au genre. «Un peu comme la Côte d’Ivoire l’avait fait pour la santé de la reproduction», rappelle-t-elle.