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1 mai 2025
Economie
par Ada Pouye
LA RIPOSTE AU COVID-19 À L'ÉPREUVE DE LA SUPPRESSION DE LA PRIMATURE
EXCLUSIF SENEPLUS - S’appuyer sur le CNLS pour la distribution alimentaire et le transfert d’argent, nous aurait fait gagner du temps, des coûts et de l'efficacité dans la gestion des transmissions communautaires
Depuis l’abrogation du poste de Premier Ministre, le Sénégal s’est englué sur un terrain miné par les contradictions internes après s’être appuyé sur le PSE comme le pivot intangible du développement du Sénégal en occultant les contraintes de la géopolitique mondiale et surtout l’avènement du Covid-19 qui ont chamboulé les efforts pour l’union nationale et le dialogue politique. Comment la disparition du PM dans le schéma institutionnel a-t-il impacté la gouvernance de la riposte au Covid-19 au Sénégal ?
Le Sénégal entame la phase la plus critique de la riposte au Coronavirus avec le nombre actuel croissant de transmission communautaire. En effet, après les cas importés et les cas contacts, nous assistons à ce nouveau phénomène des cas relevant de la propagation communautaire. La gouvernance de la riposte face à la pandémie du Covid-19 ayant frappé le Sénégal depuis plus de deux mois connaît des fortunes diverses avec beaucoup d’incohérences et d’hésitations dans la prise de décision politique. Nous reviendrons la prochaine fois sur le diagnostic de la communication actuelle autour de la riposte et l’analyse de signes avec l’essoufflement et la lassitude des communautés par rapport aux messages des médias.
La pandémie du Covid-19 qui est une des pandémies les plus complexes que le monde a connu, revêt une importance particulière de par ses modes de transmission, sa vitesse de propagation, la discrimination de ses effets sur l’âge, entraînant une mortalité élevée. De cette complexité, il faut retenir la centralité de la gouvernance et de sa coordination pour une efficacité de la riposte. La gestion politique de la pandémie intervient dans un contexte marqué par la suppression du poste de Premier Ministre. La bonne gouvernance de la riposte dépend à la fois de la superstructure au niveau de l’appareil d’Etat et de la qualité des infrastructures biomédicales ainsi que des leçons apprises dans la gestion politique de la pandémie.
La superstructure de la riposte s’appuie sur des leviers complémentaires à savoir le Comité Stratégique, le comité technique pour la mobilisation et l’affectation des ressources, le Comité National de gestion des épidémies et le Centre d’opérations des urgences sanitaires sous la maitrise d’ouvrage du ministre de la Santé et de l’Action sociale. Nous sommes arrivés à une phase critique de la réponse, s’approchant presque de la barre des 2000 cas sans être alarmiste avec un faible taux de létalité. Nous constatons que l’absence de Premier ministre a plombé la riposte et permis une vampirisation de la réaction par le ministère de la Santé et de l’action sociale et de son cabinet, occultant la multi-sectorialisation. En son temps, l’ancrage politique de la structure de gouvernance de la pandémie du sida et de la lutte contre la malnutrition au niveau de la Primature a permis au Sénégal d’avoir une reconnaissance internationale dans cette double lutte. En effet, le Comité National de Lutte contre le Sida et la Cellule de lutte contre la Malnutrition étaient placés sous la tutelle de la Primature pour démontrer la volonté politique du gouvernement de mener ces combats et les maîtriser. La première génération de la Commission Nationale de lutte contre la Malnutrition après la dévaluation survenue en 1994 était logée à la présidence gérée par l’AGETIP comme un élément du Fonds d’investissement social avec une emphase sur la création de micro-entreprises de jeunes. En s’appuyant sur la nature de leur problématique, on aurait pu se dire que cela devrait relever du ministèrere de la Santé, mais en réalité seules les divisions sida et la Nutrition étaient associées dans la coordination.
Nous sommes même fondés à penser que nous assistons à un pilotage à vue de la riposte contre une pandémie avec plusieurs variables pouvant générer des risques politiques très élevés.
La riposte telle qu’elle a été abordée à travers la structure de gouvernance porte la marque de la verticalité autour du ministère de la Santé et de l’action. Les formats de communication institutionnelle autour du cabinet nous renseignent largement sur le parti pris d’une gouvernance à la fois politique et médicale au détriment des structures de coordination multi-sectorielles que nous connaissons dans la gestion des urgences sanitaires et humanitaires.
Le ministère de la Santé et de l’action perd pied et bande des muscles.
Le Covid-19 est sous la forme d’une géométrie à plusieurs variables dont la santé est juste une composante avec des incidences collatérales notamment sociales, économiques et politiques.
Vouloir réduire la riposte à une gouvernance médicale, c’est se tromper d’approche et exposer le Sénégal à une grave crise humanitaire dont les conséquences vont même ensevelir le PSE et exacerber l’ampleur de la demande sociale.
En effet, la nature de la pandémie exige une approche horizontale inclusive et multidisciplinaire. La structure de coordination de la pandémie doit être articulée au-delà du ministère de la Santé et de l’action sociale en l’absence du poste de Premier ministre, à l’instar des structures de coordination des urgences y compris sanitaires comme l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire en Guinée avec Dr Sakoba Keita, l’Agence nationale de lutte contre les urgences au Nigeria, et le Comité exécutif national de gestion des urgences au Kenya, piloté depuis la présidence du fait des enjeux politiques de la pandémie.
Les atouts pour bâtir sur le modèle des bonnes pratiques dans la gouvernance de la riposte au Covid-19
Au plan de la définition des politiques, l’amnésie est le sentiment le mieux partagé au Sénégal. Le CNLS dispose d’un potentiel énorme au niveau du plaidoyer, de la mobilisation sociale de l’engagement communautaire et de la prise en charge clinique et même ambulatoire. Rien ne s’opposait à ce qu’on bâtisse à partir du modèle du CNLS une matrice inclusive, participative avec la société civile et les communautés, qui prend suffisamment en compte la dimension du genre. Le CNLS qui dispose d’une plateforme communautaire et d’un maillage avec les religieux, les leaders communautaires, les femmes et les personnes vivant avec le VIH, est complètement ignoré par les structures de gouvernance de la riposte au Covid-19. En s’appuyant sur le dispositif du CNLS ou de la Cellule de lutte contre la malnutrition pour la distribution alimentaire et le transfert d’argent, il en découlait un gain en termes de temps, de coût et d’efficacité pour gérer les transmissions communautaires. Le modèle de gouvernance de la pandémie porte les marques d’une capture de la riposte par le ministère et son cabinet. Il ne sert à rien de réinventer la roue en s’appuyant sur une approche verticale avec le ministère de la Santé comme maitre d’œuvre de la riposte, comme le dit si bien le ministre. Il ne faut pas confondre l’algèbre et les mathématiques. La pandémie du Covid-19 est multidimensionnelle : c’est une équation à plusieurs inconnues qui mérite qu’on aille chercher au fonds de nous-mêmes le génie culturel et cultuel sénégalais et déconstruire le modèle technicisé, voire technocratique que nous tirons de l’occident dans la gouvernance de la riposte. La meilleure riposte face à une pandémie aussi complexe que le Covid-19 doit s’appuyer sur une bonne analyse du contexte socio-culturel, politique, social et économique et s’engager dans une singularité subjective, socle de la transformation positive autour des communautés qui ont toujours montré la voie de la résilience non cosmétique. Les sciences humaines doivent nous aider à décrypter ce qui se joue autour de la pandémie en vue de trouver des solutions appropriées pour les communautés.
Nous avons assisté le 11 Mai 2020 à un point de presse bien singulier tant sur la forme que sur le ton des messages conflictogènes donnant un sentiment de non-maitrise des nerfs du ministère de la Santé et de l’action sociale. Il semble démontrer qu’il perd pied devant l’impératif du changement de cap et le débordement sur sa droite par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique en termes de positionnement envers les collectivités locales et les confréries religieuses. Les coups de boutoir du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, du ministère de l’intérieur, du ministère du Développement communautaire de l’équité sociale et territoriale, du ministère de l’Economie et des finances, le ministère des Affaires étrangères et des sénégalais de l’extérieur, montrent encore une fois avec acuité les problèmes de coordination gouvernementale au niveau de la riposte.
Assiste-t-on à une guerre au sommet avec comme facteur d’exacerbation des contradictions sur les perspectives politiques post Covid-19 ? Le post covid-19 va-t-il être suivi par le réchauffement du climat social ? Les enjeux financiers des 1 000 milliards de francs vont pousser inéluctablement les groupes sociaux, politiques et religieux à chercher les moyens de prendre leur part du butin de guerre. Le chef de l’Etat devrait siffler la fin de la recréation et revenir sur les fondements de la République avec un retour en perspective du poste de Premier ministre pour faciliter la coordination de l’action gouvernementale autour de la riposte, et tracer les lignes directrices d’une deuxième phase de la montée en puissance de la riposte et du post Covid-19. Une chose est sûre : après l’expérience difficile du Covid-19, le Sénégal ne pourra plus être géré comme avant sans mettre en place une politique hardie de rupture de la géopolitique africaine et mondiale, de pleine souveraineté dans la prise de décision des politiques publiques, sanitaires, alimentaires et monétaires africaines, du renforcement du secteur privé et de la protection sociale. Plus qu’un handicap ou un désastre, le post covid-19 s’avère une opportunité pour aller au-delà du Programme Sénégal Émergent avec l’épanouissement des femmes et de la jeunesse comme point d’ancrage de toutes les politiques. Devrions-nous recourir au keynésianisme pour lancer de décisifs travaux à haute intensité opérationnelle de main d’œuvre et aborder la relance économique dans la sérénité républicaine ? Légitime et indispensable question à se poser !
DES ACTEURS ECONOMIQUES ET DES UNIVERSITAIRES SE PRONONCENT
L’arrêté préfectoral fixant à Dakar des jours alternés d’ouverture des lieux de commerce, est loin d’être partagée par les principaux acteurs du secteur.
En pleine ralentissement de l’économie pour cause de crise sanitaire sans précédent, le président de la République, qui centralise actuellement tous les pouvoirs sous le couvert d’une loi d’habilitation, continue d’ordonner des mesures dont la plupart sont contestées par l’opinion publique. La dernière en date, à savoir l’arrêté préfectoral fixant à Dakar des jours alternés d’ouverture des lieux de commerce, est loin d’être partagée par les principaux acteurs du secteur.
Du marché Dior des Parcelles assainies en passant par celui de Sandaga au centre-ville jusqu’à la populeuse commune de Keur Massar, dans la lointaine banlieue, les commerçants manifestent leur désaccord face à la fermeture dite « alternative » des lieux de commerce. À Keur Massar, d’ailleurs, des marchands ont pris d’assaut la mairie pour réclamer des autorités l’annulation de l’arrêté portant réorganisation des jours d’ouverture des marchés. Il a fallu une intervention des forces de l’ordre pour disperser ces manifestants venus en masse exprimer leur désapprobation. visant une limitation des rassemblements publics dans les marchés, cet arrêté impose dispose que les commerces de produits alimentaires ouvrent les lundis, mercredis et vendredis. Pour les autres commerces et activités non alimentaires, les jours d’ouverture sont les mardis et les jeudis. Le samedi et le dimanche, tous les marchés devaient être fermés à des fins de nettoyage et de désinfection. (Ndlr, le président de la république a rapporté hier ces mesures prises par les préfets de Dakar, Pikine et Guédiawaye notamment). Prise dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus, ces mesures sont considérées par les commerçants comme un coup fatal infligé à l’économie informelle déjà dans le gouffre depuis l’apparition de la pandémie en cours.
ALLA DIENG, DIRECTEUR EXÉCUTIF UNACOIS YÉSSAL : «Nous avons été mis devant le fait accompli»
Très préoccupé par le mécontentement de ses camarades, Alla Dieng, le secrétaire exécutif de l’union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois) Yéssal, revient sur la discorde autour de l’application de cet arrêté préfectoral.
À l’en croire, il y a des incompréhensions quant à l’application de la mesure. « Il se trouve qu’au Sénégal, dans les marchés, les vendeurs d’excroissances sont mêlés aux vendeurs de produits de première nécessité comme le riz, la viande, le poisson et les légumes. Or, la journée du lundi est consacrée à ces derniers. C’est pourquoi quand les forces de l’ordre ont voulu arrêter toutes les activités commerciales ce jour, les commerçants ont refusé de fermer boutique » confie le patron de cette organisation professionnelle. Alla Dieng dénonce un manque de concertation avant la prise d’une telle décision qui, selon lui, va impacter négativement l’économie informelle. «Parce que les commerçants ont été pris au dépourvu. Nous avons été convoqués par le préfet de Dakar pour échanger sur la question relative à la fermeture alternative des lieux de commerce. Nous lui avons fait part de nos craintes face à la situation qui est déjà alarmante pour les commerçants. Mais au fond, cette décision était prise en amont étant donné que, par la loi d’habilitation, l’exécutif a libre cours de prendre des décisions sans consultation. Donc, nous avons été mis devant le fait accompli. » déplore le directeur exécutif de l’Unacois Yéssal.
Sur le plan d’appui aux entreprises impactées par les effets de la crise sanitaire, m. Dieng fustige également le caractère contraignant de certains critères de sélection. selon lui, l’économie informelle n’est pas prise en compte dans la ligne de crédit de 200 milliards de francs attribuée par les autorités, en collaboration avec les établissements financiers et banquiers de la place. « J’ai vite attiré l’attention du ministre là-dessus. Car, dans le document qui nous a été remis, il est mentionné des entreprises qui ont un chiffre d’affaires compris entre 100 et moins 100 millions jusqu’à 1 milliards de F CFA. Ce qui va constituer un large bassin mais malheureusement, il y a d’autres critères qui vont écarter beaucoup d’entreprises dans la mesure où on impose la création d’au moins 5 emplois, et des états financiers des trois dernières années. Ce qui risque d’éliminer beaucoup d’entreprises déjà au bord de la faillite » estime Alla Dieng. Le patron de l’Unacois « Yeesal » salue tout de même les efforts consentis par le chef de l’état dans la mise en place du Plan de résilience économique et sociale (Pres).
MOR TALLA KANE (DIRECTEUR EXÉCUTIF DE LA CNES) «La dette intérieure n’a toujours pas été payée»
D’après Mor Talla Kane, directeur exécutif de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), le pays fait face à une crise exceptionnelle qui demande une lecture plus large de la situation. « Dans le passé, nous avons eu des crises qui n’avaient qu’une dimension économique mais avec cette pandémie de la covid19, le secteur sanitaire est touché au cœur et même le secteur social n’a pas été épargné. Donc actuellement, c’est une question de vie ou de mort et les intérêts partisans ne doivent pas prévaloir sur la santé publique même s’il est aussi normal de prêter attention aux populations qui peinent à joindre les deux bouts à cause du ralentissement économique » a t- il fait remarquer d’emblée avant de se pencher sur la question des entreprises nationales. Passant en revue certaines mesures prise par l’etat pour accompagner les employeurs, m. Kane salue l’enveloppe de 200 milliards promise aux entreprises et qui fait l’objet de discussions actuellement, les baisses et exonérations fiscales au profit des entreprises.
Toutefois, le directeur exécutif de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal regrette les lenteurs notées dans le paiement de la dette que l’etat doit aux entreprises du privé. « La dette intérieure n’a pas encore été payée. Or, ce paiement aurait soulagé beaucoup d’entreprises du privé dont la plupart est actuellement à genoux à cause de l’impact de la pandémie sur l’économie du pays. L’autre souci des entreprises est le mécanisme de financement qui vient d’être mis en place avec les 200 milliards. Nous avons des soucis par rapport à la mise en œuvre de ses dispositions parce que l’ordonnance du chef de l’Etat a consisté à obliger les entreprises à payer dans le cadre des chômages techniques 70 % des salaires. Or, pour pouvoir appliquer une telle mesure, il faut impérativement réaliser un chiffre d’affaires. Tandis que ces entreprises peinent même à faire du bénéfice » s’est plaint Mor Talla Kane.
L’ECONOMIE INFORMELLE, UN CAS CLINIQUE
Economistes chevronnés, les professeurs Ahmadou Aly Mbaye et Cheikh Ahmed Bamba Diagne, directeur scientifique du laboratoire de recherche économique et monétaire se sont penchés en duo sur l’économie informelle touchée de plein fouet par la crise sanitaire. Pour ces deux experts, « étant donné la difficulté d’interdire les activités informelles sur l’étendue du territoire national, du fait de leur caractère tentaculaire, il semble plus judicieux d’encourager une reprise progressive de certaines de ses activités. Des campagnes bien ciblées pour une stricte observation des gestes barrières devraient accompagner cette mesure. » se fondant sur le fait que dans les pays pauvres comme le nôtre, la majorité vit au jour le jour, ces économistes estiment que le maitre-mot devrait être l’efficacité de l’encadrement gouvernemental, qui se ferait en usant de la carotte et du bâton. « Par exemple, les dispositions prises concernant le transport intra-urbain au Sénégal consistant à autoriser certains transports publics à opérer en respectant certains gestes barrières, comme le port des masques et la limitation du nombre de passagers autorisés sont pertinents et pourraient être renforcés et répliqués dans d’autres secteurs.
Le seul bémol est que l’appui de l’Etat devrait être ressenti par les acteurs qui respectent les règles pour combler ne serait-ce que partiellement le manque à gagner qu’ils ont subi » peut-on lire dans une étude que Aly Mbaye et Cheikh Bamba Diagne ont consacrée à la situation de l’économie informelle en Afrique de l’ouest. Les deux universitaires jugent en effet que la réouverture des activités économiques est d’autant plus souhaitable que les fonds de solidarité mis en place par les états pour soutenir les ménages pauvres sont insuffisants. « Ces fonds ne suffiront pas pour couvrir tous les ménages pauvres de nos pays, surtout si la pandémie devait encore durer.
En autorisant le développement de certaines activités informelles, l’Etat permettrait en même temps aux acteurs concernés de pouvoir subvenir au moins partiellement à leurs besoins et de réduire leur dépendance envers l’assistance publique », soutiennent avec beaucoup de pertinence ces deux brillants économistes.
«C’EST UNE BONNE DECISION POUR EVITER L’HECATOMBE»
La sortie du prési la République Macky Sall annonçant les mesures d’assouplissement dans le cadre de la lutte contre la maladie covid-19 a trouvé écho favorable auprès de l’économiste Meïssa Babou.dent de
La sortie du prési la République Macky Sall annonçant les mesures d’assouplissement dans le cadre de la lutte contre la maladie covid-19 a trouvé écho favorable auprès de l’économiste Meïssa Babou.dent de
«Je crois que la décision du président de la République consistant à desserrer l’étau est très courageuse autour des grandes surfaces de distribution, des marchés, des marchés hebdomadaires communément appelés ‘’loumas’’ et du couvre-feu pour permettre aux travailleurs à continuer de travailler», a-t-il déclaré.
Selon l’économiste et enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar «certes, à coup sûr nous allons perdre quelques points de croissance, mais ceci nous évitera de tomber dans une récession économique. Parce que le confinement est dramatique socialement, économiquement et même financièrement pour l’Etat s’il continue dans le cadre de l’aide aux concitoyens. Donc, c’est une bonne décision pour éviter l’hécatombe».
Toutefois, l’économiste n’a pas manqué de souligner quelques points lui paraissant assez importants relatifs au comité de veille économique sur d’éventuels problèmes de maintien ou de renforcement des actions déjà prises, de l’évaluation des actions sociales et/ou par rapport à certaines entreprises en termes d’évolution des impacts.
par Ibrahima Cheikh Diong
SI J’ÉTAIS MILLIARDAIRE...
J’aurais soutenu les jeunes entrepreneurs africains en leur fournissant des capitaux d’amorçage et des services de renforcement des capacités afin qu’ils continuent à penser globalement mais à agir localement
La pandémie du Covid 19 a certainement prouvé que nous sommes tous égaux face à cet horrible virus et que le monde ne sera plus jamais le même !
Je ne doute pas que les grands groupes de consultants proposeront toutes sortes de recommandations sur la façon dont les pays pourraient se reconstruire après Covid 19. Laissons cela à ces brillants consultants en stratégie comme ils ont déjà commencé!
En lisant ce matin la récente liste Forbes de milliardaires dont le premier est à nouveau Jeff Bezos, je ne pouvais pas m’empêcher de noter qu’en dépit de tous ces milliards, le monde ne pouvait pas surmonter cet “ami” invisible, destructeur et opportuniste : le virus COVID 19.
Je ne porterais certainement aucun jugement sur ces milliardaires car je suis sûr qu’ils ont travaillé dur pour bâtir leur fortune et défendent probablement de nombreuses grandes causes à travers leurs fondations et d’autres plateformes.
Cependant, ce qui précède m’a fait penser, à la lumière du monde en évolution dans lequel nous vivons maintenant, ce que j’aurais fait, d’original pour l’Afrique, si j’étais milliardaire.
Que diriez-vous de ces 10 actions / engagements concrets ?
1. J’aurais réorienté mon objectif de vie vers une mission humanitaire plutôt que d’acquérir plus d’actifs qui ne feraient probablement pas grande différence pour l’Afrique. Pensez-y, de combien de milliards une personne a-t-elle besoin pour être satisfaite ou heureuse ?
2. J’aurais partagé une partie de ma fortune avec mes collaborateurs en leur donnant des parts dans l’entreprise car, après tout, ce sont eux qui m’ont permis, en partie, d’être milliardaire. De cette façon, ils seront davantage motivés et sécurisés à vie.
3. J’aurais promu le concept d’«indice de bonheur» à travers l’Afrique comme à Buthan, au lieu de poursuivre ces chiffres de PIB non inclus qui ne font aucune différence dans la vie de nombreux pauvres Africains. Il est grand temps que nous mettions le capital humain, par opposition à la création de richesses, au cœur du développement de l’Afrique.
4. J’aurais défendu des thèmes comme «les soins de santé pour tous» et «l’éducation pour tous» en Afrique comme mes deux principales missions de vie, parce que comme Covid 19 nous l’a enseigné, sans la santé et l’éducation, rien n’est durable. J’investirais massivement avec les gouvernements africains pour rendre les soins de santé et l’éducation accessibles à tous sur le continent noir.
5. J’aurais consacré beaucoup de ressources financières et de temps pour soutenir la recherche et le développement dans les universités africaines afin que nos scientifiques africains puissent mettre en pratique leurs idées créatives tout en aidant à résoudre les problèmes de l’Afrique. Des solutions africaines aux problèmes africains!
6. J’aurais soutenu les jeunes entrepreneurs africains en leur fournissant des capitaux d’amorçage et des services de renforcement des capacités afin qu’ils continuent à penser globalement mais à agir localement. De cette façon, ils s’aventureront davantage dans la fabrication, les technologies et l’agro-industrie localement développées afin qu’en tant qu’Africains, nous consommions ce que nous produisons. Covid-19 nous a offert un aperçu du danger de tout pays de s’approvisionner à l’étranger.
7. J’aurais consacré du temps et de l’énergie et convaincu d’autres personnes de se joindre à moi pour développer un solide programme de mentorat à travers l’Afrique. De cette façon, chaque jeune africain aurait accès à des mentors et à une bonne orientation de la vie, en particulier ceux qui n’avaient pas un bon départ dans la vie. Notre dividende démographique est notre plus grand atout.
8. J’aurais soutenu tous les Africains de la diaspora, quelle que soit leur appartenance politique, qui souhaitent rentrer chez eux et faire partie des solutions car l’Afrique a besoin de tous ses fils et filles. Nous avons des Africains talentueux à travers le monde occidental qui sont prêts à rentrer chez eux si les conditions sont réunies.
9. J’aurais consacré au moins 10 milliards de dollars US à un “Fonds africain de relance et de croissance Covid-19”, et j’aurais convaincu d’autres milliardaires et institutions de financement africaines comme la BAD de contribuer à ce projet pour en faire une plateforme de 100 milliards de dollars US. Le fonds fournirait les prêts concessionnels, les subventions, les investissements et d’autres instruments financiers adéquats aux pays africains pour les aider à démarrer et à faire croître leurs économies dévastées par Covid-19.
10. Enfin, j’aurais créé un Fonds africain d’investissement social entièrement dédié au soutien de toute initiative visant à développer des médicaments génériques et des vaccins abordables fabriqués en Afrique afin que nous puissions cesser de dépendre des médicaments importés. J’ai été surpris de découvrir que la plupart de nos médicaments génériques proviennent d’Inde. Il est temps de responsabiliser notre industrie pharmaceutique!
Pour rappel, je ne suis pas milliardaire et je n’ai aucun intérêt à l’être, mais Dieu merci, il n’est pas nécessaire d’être milliardaire pour faire et / ou contribuer à tout ou partie de ce qui précède. Après tout, nous avons tous des milliards d’idées brillantes, ce qui fait de nous tous des «milliardaires».
Espérons que les milliardaires africains apprendront de cette saga Covid-19 et montreront la voie en réorientant leurs missions et leurs ressources vers une plus grande différence en Afrique au lieu de célébrer des slogans vides comme «l’homme ou la femme le plus riche d’Afrique» ou d’accumuler des actifs dont ils ne jouissent guère.
N’oubliez pas que même sans être milliardaire, vous pouvez contribuer à votre manière à faire de l’Afrique un endroit formidable. Ensemble, riches ou pauvres, construisons l’Afrique que nous voulons et méritons.
Profitez de la nourriture de l’esprit et restez en sécurité !
Ibrahima Cheikh Diong est Fondateur et Président de ACT Afrique Group, ancien expert de la SFI, de la Banque mondiale et de BNP Paribas
AUDIO
SALY DEVENUE FANTOMATIQUE
Prisées par les touristes européens, en grande majorité français, la plupart des activités dans la ville sont à l’arrêt. Reportage sur place
Après le déconfinement dans les pays européens, quand reviendront les touristes au Sénégal ? Le secteur touristique est durement frappé par la crise sanitaire liée au Covid-19. Très important pour l’économie du pays, il représente 10% du Produit intérieur brut.
La station balnéaire de Saly, à une centaine de kilomètres de Dakar, la capitale, est devenue dès les premiers jours de l’épidémie une ville fantôme. Prisées par les touristes européens, en grande majorité français, la plupart des activités dans la ville sont à l’arrêt.
Reportage sur place.
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MACKY DESSERRE L’ÉTAU
Le chef de l'Etat a annoncé dans un discours à la nation, l'assouplissement de l’état d’urgence comprenant entre autres, la réduction de la durée du couvre-feu, la réouverture des lieux de culte et un réaménagement des horaires de bureau
Macky Sall a annoncé un ‘’assouplissement’’ de l’état d’urgence comprenant la réduction de la durée du couvre-feu, la réouverture des lieux de culte, la reprise des cours dans les classes d’examen, le 2 juin, et un réaménagement des horaires de bureau, fixés de 9 heures à 16 heures.
Ces mesures entreront en vigueur mardi 12 mai, selon le président de la République, qui s’est adressé à la nation, lundi soir, via la RTS. ‘’J’ai décidé de l’assouplissement des conditions de l’état d’urgence’’, a-t-il dit, ajoutant qu’‘’à compter du mardi 12 mai 2020, les horaires du couvre-feu seront de 21 heures à 5 heures, au lieu de 20 heures à 6 heures’’.
‘’Les horaires de bureau sont réaménagés de 9 heures à 16 heures’’, a-t-il ajouté. Dans le cadre de l’‘’assouplissement’’ de l’état d’urgence en vigueur depuis le 24 mars, ‘’les marchés et autres commerces, qui étaient astreints à des jours particuliers d’ouverture, seront ouverts six jours et resteront fermés un jour dédié au nettoiement’’, a annoncé M. Sall.
‘’Ce jour [de fermeture] sera déterminé par l’autorité compétente (préfets et sous-préfets) en fonction des contingences locales’’, a-t-il précisé, faisant allusion aux autorités administratives. Les marchés hebdomadaires appelés ‘’louma’’ seront rouverts, ‘’mais dans les limites de chaque département’’, selon le président de la République.
‘’Il sera également procédé à la réouverture des lieux de culte. Le ministre de l’Intérieur, en rapport avec le ministre de la Santé et de l’Action sociale, engagera les consultations nécessaires à cet effet avec les guides spirituels et les associations religieuses, pour convenir des conditions et modalités’’, a déclaré Macky Sall.
‘’S’agissant de l’école, les cours reprendront le 2 juin pour les classes d’examen, c’est-à-dire les classes de CM2, de troisième et de terminale’’, a-t-il annoncé. Ainsi, 551.000 élèves (sur 3.500.000 élèves, au total) – du public et du privé - sont concernés par la rentrée des classes au début du mois prochain, selon le chef de l’Etat. Par conséquent, l’année scolaire et le calendrier des examens seront réaménagés, a-t-il dit.
Les élèves des autres classes continueront de suivre les cours à domicile, à l’aide du ‘’dispositif ‘Apprendre à la maison’, décliné dans ses plateformes télévisuelle, radiophonique et numérique’’, a précisé Macky Sall.
Concernant les universités, le ministre de l’Enseignement supérieur va se concerter avec les académies pour ‘’aménager les enseignements à distance’’.
Selon le chef de l’Etat, le gouvernement va veiller à ce que ‘’la fréquentation des lieux de culte, des établissements scolaires et des autres espaces publics (marchés, commerces et restaurants) obéisse strictement aux mesures de distanciation sociale et aux gestes barrière, notamment le port obligatoire du masque et le lavage des mains’’.
Il dit avoir décidé d’assouplir l’état d’urgence pour ‘’adapter notre stratégie’’ de lutte contre le Covid-19 à la poursuite de ‘’nos activités essentielles’’, pour ‘’faire vivre notre économie’’.
Du 2 mars à maintenant, le Sénégal compte 1.886 cas positifs de Covid-19, dont 715 guéris et 19 décédés, selon le chef de l’Etat. Il ajoute que 1.151 malades sont sous traitement, et 7.182 contacts sont suivis par les services de santé.
CONTRAT SENELEC-AKILEE : LES DETAILS DE L’ACCORD
Dénoncé depuis longtemps, surtout par les employés de la Senelec, le contrat liant la société d’électricité avec Akilee n’était, à ce jour, pas encore disponible. Le Quotidien a pu tomber sur un exemplaire qu’il a pris le temps de parcourir.
Dénoncé depuis longtemps, surtout par les employés de la Senelec, le contrat liant la société d’électricité avec Akilee n’était, à ce jour, pas encore disponible. Le Quotidien a pu tomber sur un exemplaire qu’il a pris le temps de parcourir. Le contenu permet de comprendre que les négociateurs de la société d’électricité ont assimilé à leur manière les contes de chez nous, et mis en œuvre le partage de «bouki», au profit de la plus petite entité.
Un partenariat établi pour 10 ans et qui vise à installer, pour cette période, environ 1 million 400 mille compteurs dits intelligents pour le compte de la Senelec. Pourquoi dès lors imposer, dès signature du contrat, à l’un des partenaires d’acquérir environ 2 millions 700 mille compteurs, sous prétexte que l’évolution du marché prévoirait ce développement à l’avenir ?
Le contrat liant la Senelec et Akilee, son partenaire/filiale, dévoile bien de situations incongrues qui laissent à tout le moins perplexe. On se demande, à la lecture, si les parties qui négociaient pour la société nationale d’électricité avaient vraiment mis en avant les intérêts de l’entreprise.
De manière générale, le contrat semble plus déséquilibré en faveur de la start-up Akilee. Au point que les négociateurs avaient même revu l’éventualité d’une sortie du franc Cfa du système monétaire le liant à l’euro. Ainsi, l’art. 10 du fameux contrat indique : «En cas de changement de parité entre le franc Cfa et l’euro, ayant pour effet une augmentation de la contre-valeur en francs Cfa des engagements financiers libellés en euro d’Akilee envers ses partenaires techniques et commerciaux, ou envers les parties financières, que lesdits engagements portent sur des dettes exigibles ou des dettes non échues, Senelec s’oblige à ajuster les montants des parts fixes et variables (…) de sorte à compenser intégralement le coût financier induit par le changement de parité.»
S’agissant de la résiliation du contrat, chose qui semble être à l’ordre du jour ces derniers temps, le contrat permettra à Akilee de ne pas y laisser sa chemise, tout au contraire. Quel que soit le cas de figure envisagé, «Résiliation sans faute, résiliation pour faute d’Akilee, résiliation pour faute de Senelec, cas de force majeure prolongé», la Senelec devra verser à Akilee les montants des factures émises et non payées, les encours après livraison, des indemnités majorées, ainsi qu’un montant correspondant au manque à gagner sur la durée restant du contrat.
Ce contrat comporte 8 annexes qui couvrent un large éventail de sujets, allant de la quantité des compteurs à livrer et de leur plan de livraison et de déploiement, au modèle de lettre de garantie à fournir par Senelec au profit d’Akilee, mais nulle part on ne spécifie les compétences techniques dont Akilee va faire bénéficier la Senelec, alors même qu’elle est présentée comme «une société hautement qualifiée dans le domaine des technologies, notamment celui de l’exploitation et de l’appropriation des systèmes de comptage intelligent».
Et même si cela n’était qu’une omission, si l’on se rappelle que le patron d’Akilee a été pendant un moment salarié de Senelec, sous les ordres du Dg Makhtar Cissé, avant d’aller fonder sa boîte dans laquelle il a vendu 34% des actions à Senelec, on se demande où et à quel moment il a développé l’expertise qu’il a proposée à son ancien employeur. On comprend alors les récriminations des cadres et des syndicalistes de la Senelec qui parlaient, en leur temps, de «délit d’initié».
Sans oublier le fait, que l’on avait déjà épinglé, qu’Akilee avait été présentée en un moment comme étant une filiale à 100% de Senelec. Et qui se révèle comme un partenaire financier froid et sans état d’âme. Comme un compteur d’électricité.
par l'éditorialiste de seneplus, Tidiane Sow
L'HYPOTHÉTIQUE ET LE CERTAIN
EXCLUSIF SENEPLUS - Il existe une spécificité africaine et notre réponse se doit d’être spécifique. Le rapport entre les difficultés économiques et le nombre de morts ne justifie plus que l’on continue à hiberner nos forces vives
“Il n’est jamais prudent de considérer l’avenir avec des yeux de crainte”, disait Herriman.
Face à la Covid 19, les gouvernants du monde entier ont été pris entre l’excès de prudence et l’excès d’audace. L’excès de prudence a consisté à confiner le peuple, à instaurer des couvres-feux forcés, gagnant incidemment une trève sociale alors que les mauvaises pratiques continuaient de prospérer. Ces stratégies ont surtout révélé les hésitations des décideurs et leur manque d’efficacité en période de crise. Les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la France et tous les Etats africains dont le Sénégal qui ont calqué leur stratégie sur celle de la France, sont à ranger dans cette catégorie.
L’excès d’audace a consisté à laisser faire et à se dire que le mal se contiendra de lui-même. Ce fût le cas de la Suède. Le curseur des stratégies a oscillé entre ces deux extrémités. Hong kong et la Corée du Sud ont opté avec succès pour des confinements sélectifs. Les stratégies ont donc été variées. Chacune ayant eu des fortunes diverses.
Nos décideurs ont eu l’air de prendre conseil de leur frayeur, en profonde dissonance avec la majorité du peuple. Ils les ont taxé d’ignorants, ne sachant pas eux-mêmes, ou en tout cas feignant d’ignorer (ce qui revient au même) ce que le peuple dans sa grande majorité vivait. Ils ne vivent pas ce que le peuple vit. Les gens du peuple veulent avant tout juste vivre avant de pouvoir tomber éventuellement malades et accidentellement d’en mourir. C’est ce langage simple, d’une logique maslowienne tenace qu’ils leur tiennent et qu’ eux, les décideurs, habitués à des actes d’autorité et d’arrogance ne comprennent pas. En lieu et place, ils leur tiennent le langage des autres ; Ne tomber pas malades, notre système sanitaire ne supportera pas le nombre des malades oubliant que le système sanitaire n’a jamais pu les supporter de toutes facons.
Pourquoi diantre notre soit disant stratégie est-elle calquée sur celle des autres ? N’ y- a t- il pas une disproportion entre la gravité certes réelle de la maladie et les mesures de restrictions plongeant nos économies informelles dans le chaos absolu ?
Autant au début on pouvait comprendre qu’il y eut une grosse crainte face à l’inconnu, et que le principe de précaution recommanda la plus grande prudence, autant après deux mois d’expérience de la maladie, nous aurions dû en tirer les conséquences factuelles et ériger notre propre voie de riposte.
La Covid tue mais bien moins que le paludisme, bien moins que les accidents de la route. La France sur laquelle nous nous mirons ne doit pas constituer notre référentiel. Elle a une cadence mortuaire hautement plus infernale que la nôtre. Elle a enregistré plus de 26 000 morts, alors que nous en comptions 17, soit plus de mille cinq fois moins. Certes le virus se répand rapidement et ne fait pas de distinction entre pays riches et pays pauvres, mais force est de reconnaitre que les morts sont plutôt ciblés. Plus de 92% des morts en France ont plus de 65 ans soit 9 morts sur 10. En France, la population est vieille : 20% de la population française a plus de 65 ans; Chez nous la population est jeune, les plus de 65ans ne représentent qu’un peu plus de 3%. Si on se restraint aux foyers pandémiques, ce nombre est encore plus faible. Nos 17 morts avaient un âge moyen de 65 ans. 1% de décès parmi les cas confirmés au Sénégal contre 14, 6% de décès en France. Tout cela nous renseigne qu’il existe une spécificité africaine et que notre réponse se doit d’être spécifique. Le rapport entre les difficultés économiques et le nombre de morts ne justifie plus que l’on continue à hiberner nos forces vives. Les gens ont besoin de leur liberté d’aller et venir pour commercer et vivre. La Côte d’Ivoire a bien compris cela et elle a réajusté sa situation en libérant du carcan de confinement les autres régions et en ne conservant les mesures strictes que dans la capitale économique, Abidjan.
Bien sûr les mesures barrières telles que la distanciation sociale, les masques et le lavage des mains doivent rester de rigueur.
Ceux dont on s’échine à copier la stratégie ont décidé de se déconfiner malgré un nombre de morts qui dépasse largement le nôtre. On me rétorquera qu’ ils sont dans la phase descendante de la maladie et que nous autres sommes encore en train de gravir la montagne Covid. Qu’importe ! En tout état de cause, nos réalités sont différentes. Bien que leur système de santé soit encore à l’agonie, ils ont compris que leur système économique ne pouvait plus supporter cet arrêt. L’équation : “vie humaine qui valait plus que l’argent” s’est rééquilibrée et semble même se retourner au profit de l’argent. La Chine s’est remise au travail, il faudra la marquer à la culotte et ne pas perdre du temps en chemin. Une autre guerre commence. Les discours ont changé de ton et d’inflexion ; on en appelle plus à la responsabilisation des populations. L’infantilisation qui prévalait naguère s’édulcore et s’estompe au fur et à mesure que l’on avance dans la pandémie. L’audace prend le pas sur la prudence. Il faudra faire confiance aux populations et les inciter à prendre leurs responsabilités.
Confinons nos ainés de plus de 65 ans et ceux porteurs de maladies à risques, qu’ils n’aillent surtout pas dans les mosquées et laissons les autres libres de sortir. Demandons-leur de respecter les mesures barrières, et laissons faire le virus... En l’absence de vaccin, il faut canaliser la propagation du virus vers ceux pour qui il représente le moins de risques, et procéder à plus de tests. Tester encore plus, toujours tester, tel devrait être le crédo. Il n’y a pas d’autres voies possibles si nous voulons sortir de sitôt des litanies journalières du ministère de la Santé nous annonçant les nombres d’infections et de décès.
Il ne faudrait pas que l’impéritie nous mène vers l’abîme. A force de vouloir nous éviter une mort hypothètique de la Covid-19, n’est-on pas en train de nous imposer une mort certaine de faim et de soif ?
Dr Tidiane Sow est coach en communication politique.
"Il faut que l'on sorte de la politique de la compassion et de la main tendue ", estime l'économiste Felwine Sarr à propos du continent d'après covid-19
"Notre rapport aux autres doit changer. Il faut que l'on sorte de la politique de la compassion et de la main tendue", estime l'économiste Felwine Sarr, à propos de l'Afrique post covid-19, au micro de RFI, vendredi dernier.
par Lamine Niang
LA PAUVRETÉ, CETTE ÉPIDÉMIE PIRE QUE LA COVID-19 !
La pandémie et ses terribles conséquences socioéconomiques ne dédouaneront pas le président Macky Sall et ses gouvernements successifs de leur responsabilité entière et totale sur l’étendue du désastre à venir
La Covid-19, cette pandémie qui hante nos sommeils et perturbe tristement nos vies depuis quelques mois aura le mérite de mettre en exergue le quotidien difficile des millions de Sénégalais résilients face à cette autre pandémie, plus sournoise et plus meurtrière qu'est la pauvreté chronique. Sa généralisation dans la population fait qu’elle passe de plus en plus inaperçue et fait dorénavant partie du décor hybride dans lequel l’insolente richesse côtoie l’indigence la plus troublante, dans un pays qui se veut émergent ! Celle-ci nous interroge tous autant que nous sommes car elle est bien réelle et refuse même d’abdiquer devant l’artifice de l’apparence que l’égo mal placé de la société veut toujours garder intact.
Paradoxe honteux
Les victimes de pauvreté auraient mieux supporté la douleur que ce fléau fait circuler dans l’esprit, le corps… et les paniers des vulnérables ménages si cette maladie était aussi juste que la maladie à coronavirus. Celle-ci ne fait pas de distinction de classe sociale, de genre ou de zone géographique. Elle est impitoyable et ne ménage personne. Et c’est ce qui la rend même insaisissable dans son cynisme meurtrier. Tout le contraire de cette pauvreté si répandue, laquelle, dans sa forme la plus bénigne, écrase ce qui reste de dignité aux plus solides de la population et, dans ses contours les plus hideux, emporte discrètement des vies humaines en grand nombre après les avoir éprouvées dans les méandres d’une santé précaire, faute de moyens.
Cela fait bien longtemps qu’on la côtoie sans nous en émouvoir réellement. Les sensibleries feintes dans les médias, le temps d’un mini reportage, ou bien les multiples commentaires laissés sur le fil des réseaux sociaux servent davantage à soulager temporairement nos consciences de notre coupable indifférence qu’à prendre le taureau de la misère sociale par les cornes. Elle est pourtant bien là, tout près. Dans le voisinage proche des grandes villes jusqu’aux interstices des cases en paille des villages les plus reculés de nos arides terroirs. Chacun cherche à sauver sa peau, individuellement, égoïstement et… malheureusement. Nous exécrons de toutes nos forces ce malheur tant qu’il nous est étranger. Ailleurs et chez les autres, notre brève compassion suffira.
En pleine tragédie de la COVID-19, la presse nous révèle qu’à Sédhiou, il y a moins de 10 médecins pour une population de plus d’un demi-million d’habitants, soit un ratio d’un médecin pour 50 000 personnes. Le brillant Pr Seydi, en tournée à Ziguinchor où se réveillent 662 170 âmes, pestait contre le service de réanimation qui ne serait «ni fonctionnel, ni construit selon les normes». Les résidents de Bopp Thior, un village oublié en périphérie de la ville de Saint-Louis, bravent quotidiennement la vie pour s’offrir le luxe de quelques litres d’eau potable. Les femmes y accouchent encore dans les pirogues faute d’infrastructures sanitaires.
Clan politico-affairiste
Pire que la pandémie actuelle, voilà ce qui tue depuis des lustres sous nos tropiques, moralement d’abord avant de vous achever…, et dans l’indifférence collective. Des dizaines, des centaines, des milliers… On ne le saura pas, obnubilés que nous sommes par le décompte hystérique des décès liés à la COVID-19 et alimenté par la psychose médiatique mondiale.
Pendant ce temps, le clan politico-affairiste au sommet de l’État déroule sans coup férir ce qu’il sait faire de mieux : comploter, détourner et thésauriser. Des milliards. Dans l’impunité totale. Des scandales financiers à répétition qui font les choux gras de la presse locale avant de nourrir les interminables assemblées des indignés virtuels. L’énergie, la pêche, l’agriculture, le foncier, les ressources pétrolières et gazières… Aucun domaine n’est épargné par la voracité et la boulimie de cette caste de sangsues. Ils se connaissent et se reconnaissent ! Les mêmes patronymes, les mêmes filiations corporatistes et les mêmes obédiences politico-syndicales. Ils se connaissent et se reconnaissent ! Ils traversent toutes les générations et sont mêlés à tous les coups bas financiers contre le peuple. Ils se reconnaissent !
Ce n’est pas parce qu’ils ignorent les affres de la pauvreté qu’ils se montrent indifférents au sort de leurs compatriotes, car la plupart sont issues de familles indigentes. Mais c’est le propre des arrivistes de toujours renier leur passé ; s’ils y font référence, c’est pour mieux titiller l’ethos dans le discours et appâter la candeur de l’interlocuteur. Les amarres sont ainsi rompues avec ce passé de miséreux. Entre copains opportunistes, sortis des griffes de la précarité sociale et ils se tiennent, se soutiennent et restent confinés dans leur bulle imaginaire de vils parvenus. Il leur manque le courage d’affronter la dure réalité.
Futur sombre
La crise économico-sanitaire du moment aura certainement le dos large. On lui imputera subtilement l’exacerbation des difficultés à venir. Celles-ci seront certes douloureuses et longues mais elles trouveront un terreau fertile, déjà défriché par un État prédateur et dirigé par un chef dont le cœur ne bat que pour les intérêts d’une minorité de privilégiés, pour les beaux yeux de la famille et…la pression libidinale de la belle-famille. La porte-parole du Programme alimentaire mondiale prévoit que «plus de 21 millions de personnes en Afrique de l’Ouest vont lutter pour se nourrir pendant la saison maigre, c’est-à-dire de juin à août qui sépare les deux récoltes.»
L’hivernage, les inondations, l’arrêt de l’activité économique mondiale, la menace d’une deuxième vague, les échanges commerciaux en berne… un cocktail de mauvaises nouvelles à venir qu’un État prévoyant et responsable aurait pu amortir avec la collaboration et la compréhension d’un peuple résilient. Mais la COVID-19 et ses terribles conséquences socioéconomiques ne dédouaneront pas le président Macky Sall et ses gouvernements successifs de leur responsabilité entière et totale sur l’étendue du désastre à venir.
Au lieu d’investir dans le service public et l’économie réelle, ils ont préféré enrichir une clique de mafiosos locaux et étrangers. Avec la complicité d’une justice aliénée et une administration affaiblie, ils ont choisi de fermer les yeux sur les détourneurs de fonds publics afin d’entretenir la rapacité d’une clientèle politique. La COVID-19 viendra révéler au grand jour et sans aucun doute l’ampleur d’un cuisant échec de gestion, que l’on tente de dissimuler, depuis plusieurs années, par la ruse de l’endettement et la manipulation des chiffres. Le peuple oublié boira certes le calice jusqu’à la lie, mais vous ne dormirez plus du sommeil inconscient des repus.
Lamine Niang est Secrétariat national à la communication Pastef