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26 avril 2025
International
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LA MAJORITÉ PARLEMENTAIRE SUR LE GRILL
Des pratiques "dignes d'un surveillant de camp" plutôt que de la deuxième personnalité de l'État. Dans une conférence de presse au vitriol, Thierno Alassane Sall a détaillé les entorses au règlement ayant conduit l'opposition à boycotter la venue de Sonko
(SenePlus) - Ce mercredi 9 avril, l'opposition parlementaire a annoncé sa décision de boycotter la séance prévue initialement demain à l'Assemblée nationale. Lors d'une conférence de presse, le député Thierno Alassane Sall a exposé les raisons de cette décision inédite dans l'histoire parlementaire sénégalaise.
"Par respect pour nos électeurs et pour l'opinion nationale, nous avons décidé de cette séance d'information afin que nul n'ignore le sens et le bien-fondé de notre démarche", a déclaré le leader de la République des Valeurs, entouré de ses collègues députés de l'opposition.
Selon lui, deux raisons principales motivent ce boycott. La première concerne "des violations répétées et délibérées du règlement intérieur" par la majorité sous l'impulsion du président de l'Assemblée nationale, qui agirait "comme le président du groupe parlementaire Pastef". L'opposition dénonce notamment le non-respect de la loi sur la parité dans la composition du bureau de l'Assemblée nationale.
Le député accuse également le président de l'institution de refuser "quasi systématiquement" la parole aux députés d'opposition lorsqu'ils font appel au règlement intérieur. "Le président de l'Assemblée nationale manque de la plus élémentaire courtoisie et se prend pour un surveillant de camp plutôt que pour la deuxième personnalité de l'État", a-t-il affirmé.
La seconde raison du boycott concerne l'attitude du Premier ministre lors des séances de questions d'actualité. D'après Thierno Alassane Sall, ces séances, au lieu d'être "de grands moments d'échange d'idées", se transforment en "séances d'invectives, de jurons et de menaces" contre les députés d'opposition.
L'opposition dénonce par ailleurs un déséquilibre dans le temps de parole, avec 8 minutes accordées au Premier ministre contre seulement 4 minutes pour les députés, et la suppression du "deuxième tour" qui permettait traditionnellement aux parlementaires de répliquer. "Cela constitue non seulement un recul par rapport à la tradition de l'Assemblée nationale mais une atteinte délibérée à l'équilibre des pouvoirs", a souligné le député.
Thierno Alassane Sall a conclu en affirmant que les députés de l'opposition restent "absolument disponibles à poursuivre l'exercice" à condition que "le Premier ministre respecte les règles du jeu et prenne en considération l'ensemble des députés, y compris de son propre camp, en tant qu'élus représentants du peuple sénégalais".
Cette crise parlementaire intervient dans un climat de tensions politiques croissantes au Sénégal, alors que la majorité Pastef, dirigée par le Premier ministre Ousmane Sonko, fait face à une opposition qui, bien que minoritaire, entend faire entendre sa voix.
SONKO-OUATTARA, LE FACE-À-FACE DES VISIONS RIVALES
La visite d'Ousmane Sonko en Côte d'Ivoire s'inscrit dans une période délicate où les critiques envers l'ancien président Macky Sall, proche d'Alassane Ouattara, ont refroidi les relations entre les deux pays
Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, s’apprête à effectuer une visite officielle en Côte d’Ivoire, prévue dans la première quinzaine d’avril 2025. Ce déplacement, le troisième à l’étranger depuis sa nomination, mais le premier en territoire ivoirien, revêt un caractère éminemment politique. Il s’inscrit dans un contexte de recomposition des rapports de force en Afrique de l’Ouest, marqué par la montée en puissance de l’Alliance des États du Sahel (AES), les tensions persistantes entre la Côte d’Ivoire et ses voisins sahéliens, et la méfiance croissante d’Abidjan vis-à-vis des nouvelles orientations diplomatiques de Dakar.
Ousmane Sonko, qui n’a jusqu’à présent jamais voyagé en dehors du continent africain depuis sa prise de fonctions, semble vouloir poser les jalons d’une nouvelle ère diplomatique, tout en tentant de rééquilibrer une relation ivoiro-sénégalaise fragilisée par les bouleversements internes des deux pays et les dynamiques géopolitiques régionales.
Des relations à réparer
La visite du chef du gouvernement sénégalais survient dans un contexte marqué par des tensions larvées entre Dakar et Abidjan. L’arrivée au pouvoir du tandem Bassirou Diomaye Faye – Ousmane Sonko a bouleversé les équilibres diplomatiques hérités de l’ère Macky Sall. En effet, selon Afrique Intelligences, les attaques de la nouvelle administration à l'endroit de Macky Sall et de son entourage ont particulièrement irrité Abidjan. Depuis son départ de la présidence, le patron de l'Alliance pour la République (APR) est resté très proche d'Alassane Ouattara, avec qui il est en contact régulier. Il avait discrètement séjourné à Abidjan au mois d'août 2024 et a encore été reçu à déjeuner par Alassane Ouattara dans sa résidence de Mougins, dans le sud de la France, le 28 mars, cette année .
D’après des sources diplomatiques, la Côte d’Ivoire aurait peu goûté aux attaques répétées contre l’ancien président sénégalais et ses proches. À Abidjan, certains considèrent que Dakar cherche à solder des comptes internes sur la scène régionale, ce qui pourrait nuire à l’esprit de coopération. Une autre source de crispation tient à l’absence de soutien ivoirien à la candidature d’Amadou Hott à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD). Ouattara aurait préféré soutenir le Mauritanien Sidi Ould Tah, une décision interprétée à Dakar comme un signal politique, voire une manœuvre influencée par Macky Sall en coulisses, renseigne la même source.
Le malaise AES-Abidjan en toile de fond
La réorientation diplomatique sénégalaise, marquée par un rapprochement affirmé avec les régimes militaires de l’AES (Burkina Faso, Mali, Niger), est un autre point de friction. Bien que Dakar maintienne officiellement une ligne de neutralité bienveillante, sa volonté de dialoguer avec les juntes et de relancer la coopération sécuritaire et commerciale avec l’AES inquiète Abidjan. En effet, la Côte d’Ivoire entretient des relations notoirement difficiles avec le Mali et le Burkina Faso.
Le souvenir de l’affaire des 49 soldats ivoiriens détenus à Bamako en 2022-2023 reste vivace. Ces militaires avaient été accusés de « tentative de déstabilisation » du gouvernement malien et condamnés à 20 ans de prison avant d’être graciés par le colonel Assimi Goïta. Cette crise, qui aura duré près de six mois, a laissé des traces profondes, d’autant qu’elle avait mobilisé plusieurs chefs d’État ouest-africains, sans pour autant apaiser les tensions entre Bamako et Abidjan.
Autre épicentre de crispation: la frontière ivoiro-burkinabè, aujourd’hui considérée comme l’une des plus inflammables de la sous-région. En l’espace de deux ans, plusieurs incidents ont renforcé la méfiance entre les deux capitales. Le dernier en date, en février 2025, concerne l’arrestation de trois agents ivoiriens des eaux et forêts par les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs civils burkinabè, sur un site d’orpaillage contesté à Kalamon. L’affaire a ravivé le spectre de l’incident de 2023, au cours duquel deux gendarmes ivoiriens avaient été détenus plusieurs mois à Ouagadougou.
Une visite stratégique à plusieurs niveaux
C’est dans ce contexte régional sous tension que s’inscrit la visite d’Ousmane Sonko. Pour les autorités sénégalaises, il s’agit à la fois de rassurer Abidjan sur les intentions réelles du Sénégal dans le Sahel, et de préserver les acquis historiques de la coopération ivoiro-sénégalaise. Sur les dossiers économiques, les deux pays entretiennent des relations denses, avec de nombreux échanges commerciaux, des investissements croisés et des communautés importantes de ressortissants installés de part et d’autre.
Mais cette visite sera aussi l’occasion pour Sonko d’envoyer un message politique clair : celui d’un Sénégal souverain dans ses choix diplomatiques, soucieux de son positionnement régional, mais décidé à sortir des tutelles implicites. Le Premier ministre, qui a fait de la refondation des relations internationales une priorité, souhaite replacer le Sénégal comme acteur pivot entre les blocs de l’Afrique de l’Ouest, à équidistance des alliances traditionnelles comme la CEDEAO et des forces émergentes comme l’AES.
Pour rappel, au lendemain de l'élection de Bassirou Diomaye Faye, le chef de l'État ivoirien avait été l'un des premiers présidents africains à s'entretenir avec lui par téléphone. Un échange qui avait été facilité par Macky Sall en personne. Dans la foulée, Bassirou Diomaye Faye avait effectué une visite officielle dans la capitale économique ivoirienne au mois de mai.
Franc CFA : une fracture monétaire entre prudence ivoirienne et rupture sénégalaise
Au-delà des sensibilités politiques et des repositionnements géostratégiques, la question monétaire cristallise l’une des plus profondes divergences entre Dakar et Abidjan. Depuis leur accession au pouvoir, le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko ont clairement affiché leur volonté de rompre avec le franc CFA, qu’ils considèrent comme un symbole persistant de domination postcoloniale et un frein à la souveraineté économique.
Le projet, encore à l’état d’intention, oscille entre deux options : rejoindre une monnaie unique régionale comme l’ECO, en gestation depuis plusieurs années, ou créer une monnaie nationale souveraine, arrimée à un panier de devises plus représentatif des échanges commerciaux réels du Sénégal. Lors de leur campagne électorale, les deux dirigeants ont répété que la souveraineté monétaire faisait partie intégrante de leur programme de rupture, au même titre que la réforme des institutions ou la refondation de la justice sociale.
Cette position tranche nettement avec la prudence – pour ne pas dire l’orthodoxie – adoptée depuis plusieurs années par la Côte d’Ivoire, pilier économique et politique de l’UEMOA. Le président Alassane Ouattara, fervent défenseur du franc CFA, n’a cessé de rappeler l’attachement de son pays à cette monnaie, qu’il considère comme un facteur de stabilité et de performance macroéconomique. Dans une déclaration restée célèbre, prononcée le 15 février 2019 à l’issue d’un entretien avec le président français à Paris, Ouattara – alors président en exercice de la Conférence des Chefs d’État de l’UEMOA – avait vertement tancé les détracteurs du franc CFA : « J’ai entendu beaucoup de déclarations sur le franc CFA (…) Je ne comprends pas ce faux débat (…) Le franc CFA est notre monnaie, c’est la monnaie de pays qui l’ont librement choisie (…) Cette monnaie est solide, elle est appréciée, elle est bien gérée (…) Les huit économies qui la composent sont parmi les meilleures en performance économique (…) Nous sommes très heureux d’avoir cette monnaie qui est stabilisante pour nos économies. »
Cette sortie, au ton ferme, illustre l’approche conservatrice d’Abidjan en matière de politique monétaire. Pour Ouattara et une partie des élites économiques ivoiriennes, le maintien dans la zone franc garantit un cadre macroéconomique stable, qui attire les investissements étrangers, limite l’inflation et facilite l’accès aux marchés financiers internationaux.
Du côté sénégalais, à l’inverse, les critiques se fondent sur l’argument selon lequel le franc CFA, arrimé à l’euro, prive les économies ouest-africaines de leviers d’ajustement, empêche toute politique monétaire proactive et consacre une dépendance vis-à-vis des institutions françaises, notamment via la présence du Trésor public français dans le processus de garantie.
Cette divergence n’est pas nouvelle, mais elle prend désormais une dimension plus aigüe, car le Sénégal est gouverné par une équipe politique qui fait de la souveraineté monétaire un marqueur idéologique fort. La Côte d’Ivoire, en revanche, entend préserver un statu quo jugé favorable à sa croissance.
L'ombre de la rencontre Sonko-Thiam
Par ailleurs, un autre élément, plus discret mais politiquement significatif, pourrait expliquer la prudence d’Abidjan face à la nouvelle posture de Dakar. En octobre 2024, Ousmane Sonko avait reçu à huis clos Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), principal opposant au président Alassane Ouattara. Cette rencontre, qui n’a jamais été officiellement médiatisée, a néanmoins été perçue comme un geste d’ouverture à l’égard d’un acteur stratégique dans le paysage politique ivoirien, à quelques mois d’une présidentielle décisive.
Tidjane Thiam, ancien patron du Crédit Suisse et personnalité respectée dans les milieux financiers internationaux, est aujourd’hui le candidat naturel du PDCI pour la présidentielle d’octobre 2025.
Le lien entre Thiam et le Sénégal n’est pas que circonstanciel. Son père, Amadou Thiam, était un journaliste sénégalais de renom, né à Dakar en 1923, diplômé de l’Institut international de journalisme de Strasbourg, qui s’est installé en Côte d’Ivoire en 1947. Il bénéficiait de la nationalité française à l’époque coloniale, avant d’adopter la nationalité ivoirienne. Il est aussi le frère cadet de Habib Thiam, ancien Premier ministre du Sénégal sous les présidences de Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf. Ce pan d’histoire familiale renforce un ancrage affectif et symbolique fortentre Tidjane Thiam et le Sénégal, et pourrait expliquer en partie les affinités politiques actuelles.
Ce rapprochement, même s’il ne relève d’aucune alliance formelle, n’a pas manqué de faire sourciller le palais présidentiel ivoirien. Dans un contexte où chaque geste diplomatique est scruté, la rencontre Sonko–Thiam, combinée à la montée en puissance du discours souverainiste à Dakar, alimente une forme de méfiance croissante chez certains proches d’Alassane Ouattara, soucieux de préserver l’équilibre politique interne à l’approche d’échéances électorales déterminantes.
Pourtant sa candidature est menacée, elle est récemment contestée en justice. Une militante de son parti remet en cause sa légitimité. Mercredi 2 avril, des députés et militants du PDCI ont manifesté devant le palais de justice d’Abidjan. Ils dénoncent une manœuvre politique visant à l’empêcher de se présenter.
Depuis quelques semaines, un débat sur la nationalité de Tidjane Thiam agite la scène politique de la Côte d'Ivoire. En février, il avait annoncé renoncer à sa nationalité française, qui lui avait été accordée en 1987. Une mesure qui a pris effet par décret le 20 mars dernier. Mais, pour ses détracteurs, Tidjane Thiam a entre-temps perdu sa nationalité ivoirienne.
La diplomatie de proximité comme priorité
Il est également notable que Sonko, depuis son arrivée à la primature, n’a effectué aucune visite hors du continent africain. Ses priorités sont régionales. Après une première tournée discrète dans les capitales voisines, puis un passage à Addis-Abeba pour les réunions de l’Union africaine, c’est vers Abidjan qu’il dirige maintenant son attention. Une diplomatie de proximité assumée, cohérente avec la vision panafricaniste qu’il défend depuis des années.
Pour beaucoup d’observateurs, la rencontre prévue avec Alassane Ouattara sera donc lourde de symboles. Elle permettra de tester la capacité des deux hommes à dépasser les différends récents, à retrouver une base de confiance et à poser les bases d’un partenariat rénové.
Dans une Afrique de l’Ouest à la croisée des chemins, où les lignes diplomatiques se déplacent vite, cette visite pourrait être l’un des marqueurs les plus significatifs de la nouvelle ère sénégalaise. À condition que les non-dits soient mis sur la table, et que les susceptibilités politiques cèdent la place à une logique de coopération pragmatique.
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REBAPTISER POUR DÉCOLONISER
Entre "colonial, décolonial et incolonisé", Michel Ben Arrous décortique la stratégie du Sénégal qui redessine sa cartographie urbaine, révélant comment la toponymie devient un "instrument politique international" dans les relations avec l'ancien colon
(SenePlus) - Le Sénégal s'engage dans un processus de renomination de ses rues portant des noms français, rejoignant ainsi le Mali, le Niger et le Burkina Faso dans cette démarche de réappropriation mémorielle. À Dakar, le boulevard Général-de-Gaulle devient boulevard Mamadou-Dia, un changement hautement symbolique. Michel Ben Arrous, géographe et chercheur associé aux universités de Genève et de Saint-Louis du Sénégal, analyse ce phénomène et ses implications pour RFI.
"C'est un symbole et c'est une boucle qui se referme," explique Ben Arrous. Mamadou Dia, opposé au général de Gaulle lors du référendum de 1958, représentait la rupture avec la France tandis que Senghor soutenait la participation à la communauté française.
Ce changement s'inscrit dans une tendance régionale. "Au Niger, le nouveau régime a rebaptisé le boulevard Charles de Gaulle, boulevard Djibo Bakary," rappelle le chercheur. La place de la Francophonie à Niamey est devenue "place de l'AES" (Alliance des États du Sahel).
Ces renominations constituent-elles une véritable décolonisation symbolique? "Oui, certains vont même jusqu'à parler de décolonisation symbolique," reconnaît Ben Arrous. "L'histoire des sociétés colonisées qui avait été occultée par cette toponymie coloniale... revient au-devant de la scène."
Paradoxalement, le principe même de nommer des rues est "une importation totalement coloniale" qui rompt avec les pratiques traditionnelles. "Ce qu'on peut décoloniser maintenant, c'est seulement ce qui était colonisé autrefois," souligne-t-il, rappelant que seul le plateau de Dakar (3% de l'agglomération) possédait véritablement des noms de rues à l'époque coloniale.
Lorsqu'il était maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko avait débaptisé cinq avenues aux noms français, déclarant qu'"en France, vous ne verrez jamais une rue Hitler." Pour Ben Arrous, cette comparaison révèle deux aspects: "Il utilise la toponymie comme un instrument politique international" et cette démarche s'inscrit dans une évolution administrative complexe.
Le projet actuel prévoit une commission nationale associant pouvoir central et collectivités locales. "Ces questions sont trop sensibles... pour être confiées soit simplement aux collectivités locales, soit simplement aux pouvoirs centraux," explique le chercheur.
Cette entreprise mémorielle se heurte parfois à des résistances, comme à Saint-Louis où la statue de Faidherbe demeure, mais révèle surtout la persistance d'une mémoire incolonisée: "Il y a le colonial, il y a le décolonial, mais il y a l'incolonisé aussi sur lequel on n'insiste pas toujours assez."
Par Baba DIENG
LE PARTI PASTEF, LE RASSEMBLEMENT NATIONAL ET LEURS JUGES
Pastef au pouvoir, comme dans l’opposition, ne cesse d’attaquer et d’affaiblir la Justice. Les roquets et leurs maîtres clament à tue-tête qu’elle est le talon d’Achille du «Projet»
La cheffe de file du Rassemblement national, Marine Le Pen, a été condamnée, ce 31 mars 2025, dans l’affaire des assistants parlementaires européens, à une peine de cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. En effet, on reproche à la grandissime favorite de la présidentielle de 2027 d’avoir organisé un système de détournement de fonds publics (le préjudice est évalué à 4, 1 millions d’euros par les juges) entre 2004 et 2016. Pendant douze ans, elle a fait supporter au Parlement européen, les salaires de ses propres collaborateurs. Avec cette condamnation, sa marche vers l’Elysée semble s’éterniser davantage. Somme toute, c’est l’avenir politique de cette théoricienne assumée du racisme, de la xénophobie, du grand remplacement… qui est en train d’être chamboulé.
Elle dénonce une «décision politique» prise par des «adversaires politiques», c’est-à-dire les juges et leurs alliés, pour l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle. Cette affaire, qui est juste un «désaccord administratif avec le Parlement européen», est instrumentalisée par des magistrats sans aucune légitimité populaire, qui «s’ingèrent dans le choix des Français». «Aucun juge, argue-t-elle, ne peut décider d’interférer dans une élection aussi importante que la Présidentielle.» Une vaste campagne de dénigrement de la Justice a été entreprise par ses collaborateurs, qui martèlent qu’elle a été broyée par un système judiciaire au service de l’élite corrompue et contre le Peuple pur. Le Rassemblement national s’indigne contre ce qu’il considère comme la «tyrannie des juges».
Avec les populistes, c’est toujours la même rhétorique victimaire devant une décision judiciaire qui leur est défavorable : ils ne sont jamais responsables des faits qui leur sont reprochés. Le sociologue allemand Max Weber écrit, dans Le savant et le politique (La Découverte, 2003), qu’un bon homme politique doit avoir le sens de la responsabilité. Les populistes n’ont pas cette qualité. C’est toujours une machination dirigée contre eux, fomentée par des institutions scélérates et surtout non élues. Celles-ci, illégitimes, dans l’imaginaire populiste, ne doivent nullement remettre en cause la volonté populaire. Il faut donc procéder à un travail de délégitimation des corps intermédiaires -la Société civile, les magistrats, les syndicats, les journalistes…- pour établir un contact direct entre le Peuple -entendu comme un bloc monolithique et épuré- et ses représentants.
Au Sénégal, l’hydre populiste n’a fait que torpiller la Justice des années durant. Pastef s’est principalement opposé par bravades envers les institutions judiciaires. Celles-ci étaient aux ordres et contre leur projet politique. Les magistrats, stipendiés, et dénués de tout sens du patriotisme, n’étaient là que pour faciliter les forfaitures de l’ancien satrape. L’actuel Premier ministre, qui s’opposait comme un hors-la-loi, a toujours refusé de se présenter dignement devant les magistrats pour être jugé comme tous les citoyens. Après avoir consommé une passade avec une jeune femme et diffamé un ministre de la République, il a refusé, sous prétexte que son sort était déjà scellé, de se livrer à la Justice. Ses procès qu’il a transformés en «mortal kombat» ont coûté la vie à plusieurs de nos concitoyens. L’antienne sacrificielle a tout de même assuré à sa chair à canon la certitude et l’honneur de mourir comme des martyrs. Pastef au pouvoir, comme dans l’opposition, ne cesse d’attaquer et d’affaiblir la Justice. Les roquets et leurs maîtres clament à tue-tête qu’elle est le talon d’Achille du «Projet», qu’elle freine les grandes ambitions de transformation systémique du pays en laissant les hétérodoxes vaquer librement à leurs occupations. Le Premier ministre, après avoir traité certains juges de «lâches» et de «corrompus», s’est ouvertement rebellé contre une décision de Justice concernant un de ses pourfendeurs, car, dit-il, la clémence du juge a été excessive. Le chef du gouvernement, comme tous les populistes, estime qu’il doit incarner l’institution judiciaire du fait de sa légitimité populaire. A cela s’ajoute le manichéisme entre les bons juges, ceux du «Projet», et les mauvais juges, qui sont les produits abjects du «système». Epurer la Justice de fond en comble est donc une nécessité pour respecter la vox populi -sacrement du populisme.
Les dangers de la méthode populiste (le populisme est plus une méthode qu’une idéologie) rappellent à ceux qui ont une certaine idée de la République, la nécessité de protéger les institutions républicaines. Dans ce pays, même l’institution militaire, qui a toujours bénéficié de la sollicitude de nos hommes politiques, n’a pas été épargnée par les ravages de Pastef. Mais l’histoire est facétieuse : les tenants du pouvoir, et toujours opposants, à l’occasion de la célébration grandiose de la fête de l’indépendance, ont célébré cette armée dont le Pmos a récemment accusé un Général de fomenter un coup de force…
par Mia Amor Mottley
LE CRI D'ALARME DE LA BARBADE
Nous devons renforcer nos liens commerciaux avec l’Afrique, l’Amérique latine et centrale, et renouveler nos partenariats historiques avec l’Europe, le Royaume-Uni et le Canada. Nous ne pouvons plus dépendre d’un ou deux marchés
Dans un discours empreint d'urgence, Mia Amor Mottley, Première ministre de la Barbade et présidente de la CARICOM, alerte les nations caribéennes sur une convergence de crises sans précédent. Changement climatique, inflation galopante, tensions géopolitiques et désormais guerre commerciale : la leader barbadienne dresse un tableau inquiétant des défis imminents qui menacent des économies insulaires historiquement dépendantes des importations et vulnérables aux chocs extérieurs.
"Bonjour à toutes et à tous,
Je m’adresse aujourd’hui à tous nos frères et sœurs caribéens, non pas en tant que Première ministre de la Barbade, mais en tant que présidente de la Communauté caribéenne.
Notre monde est en crise. Je ne vais pas l’édulcorer. Nous vivons l’une des périodes les plus difficiles que notre région ait connues depuis que la majorité de nos membres ont accédé à l’indépendance. En vérité, c’est la période la plus critique que le monde ait traversée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a 80 ans.
Notre planète fait face à une catastrophe climatique qui s’aggrave chaque année. Nous subissons une crise du coût de la vie qui nous accable depuis la désorganisation des chaînes d’approvisionnement, déclenchée par la pandémie de Covid-19.
La désinformation, la manipulation et les fausses informations sont omniprésentes. La crise de santé mentale provoque un profond sentiment de désespoir chez beaucoup de nos jeunes. Et malheureusement, la criminalité et la peur augmentent. Des guerres ont lieu en Terre Sainte, en Europe, en Afrique. Les pays se méfient les uns des autres. Les voisins se méfient de leurs voisins. L’ordre international est en grand danger d’effondrement. Et désormais, nous sommes au bord d’une guerre commerciale mondiale.
Nos économies caribéennes dépendent largement des importations. Il suffit d’aller au supermarché, au centre commercial, dans une quincaillerie ou un magasin d’électronique, pour constater que la majorité des produits que nous utilisons ne sont pas fabriqués dans notre région. Beaucoup sont directement importés des États-Unis ou y transitent avant d’arriver chez nous. C’est l’héritage de notre dépendance coloniale.
Avec mes collègues chefs d’État et de gouvernement, nous travaillons à sortir de cette dépendance. Nous avons déjà enregistré certains succès, notamment dans l’agriculture, mais le chemin reste long. Et alors que nous avançons, nous devons comprendre que les annonces récentes, faites ces derniers jours, auront un impact direct sur notre région et nos peuples.
Nous œuvrons, et continuerons d’œuvrer, pour devenir plus autosuffisants. Mais je veux que chaque homme et chaque femme de la Caraïbe m’entende. Cette guerre commerciale, et la possibilité d’une taxe de 1 à 1,5 million de dollars américains sur tous les navires fabriqués en Chine entrant dans les ports américains, entraînera une hausse des prix pour nous tous : au coin de la rue, au supermarché, dans les magasins d’électronique, au restaurant, chez les concessionnaires automobiles, et au-delà.
Beaucoup de Caribéens pensent que ces problèmes sont lointains. On entend souvent : « Je suis juste un agriculteur », « Je suis juste un enseignant », ou « Je suis juste un mécanicien ». On se dit : « J’habite à Saint Lucy à la Barbade », ou « à Portmore en Jamaïque », « à Kingstown à Saint-Vincent », « à Arima à Trinité », « à Basseterre à Saint-Kitts-et-Nevis », ou encore « à San Ignacio au Belize ».
Et pourtant, la réalité, mes amis, c’est que si vous achetez de la nourriture, des appareils électroniques, ou des vêtements, cela vous concerne. Cela nous concerne tous.
Nos économies ne sont pas très grandes. Elles sont donc — et ont toujours été — à la merci des prix mondiaux. Si l’Europe, la Chine, les États-Unis, le Canada et le Mexique imposent des droits de douane les uns aux autres, cela perturbera les chaînes d’approvisionnement et augmentera les coûts de production de tout ce que nous consommons : la nourriture, les vêtements, le téléphone dans votre poche, la voiture que vous conduisez, les pièces pour nos infrastructures essentielles. Cela signifie des prix plus élevés pour nous tous, peu importe les efforts de nos gouvernements.
Même si nous supprimions tous les droits de douane à l’intérieur de la CARICOM, cela ne changerait rien. Parce que nos économies sont petites et vulnérables. Cette crise ne se limitera pas aux biens. Elle pourrait aussi avoir des conséquences importantes sur le tourisme. Nous devons donc prendre des mesures pour préserver ce secteur, car la détérioration des conditions économiques dans les pays émetteurs risque de freiner les voyages. Nous appelons le secteur privé régional et les acteurs du tourisme à collaborer avec les gouvernements pour élaborer une stratégie immédiate et coordonnée visant à maintenir notre part de marché touristique.
Je prie pour avoir tort. Je prie pour que la sagesse l’emporte dans le monde, que les dirigeants se rassemblent avec un nouvel esprit de coopération, pour protéger les pauvres et les plus vulnérables, et permettre à la classe moyenne de tracer son chemin de vie, pour que les entreprises puissent fonctionner et commercer.
Mais franchement, je n’ai pas confiance que cela se produise.
Alors, que devons-nous faire ?
Nous devons renouer d’urgence, directement et au plus haut niveau, avec nos amis des États-Unis. Il existe une vérité évidente que les deux parties doivent affronter : les micro-États des Caraïbes n’ont en aucun cas un avantage commercial sur les États-Unis, dans aucun secteur. Historiquement, c’est précisément notre petite taille et notre vulnérabilité qui ont motivé les États-Unis, y compris sous Ronald Reagan, à soutenir notre développement via l’Initiative des Caraïbes (CBI – Caribbean Basin Initiative). Nous verrons comment les nouvelles taxes affecteront cette initiative.
Nous ne devons pas nous diviser pour des raisons politiques. Comme le dit l’adage : Unis, nous résistons. Divisés, nous tombons.
Nous devons redoubler d’efforts pour investir dans l’agriculture et la production locale. L’objectif du projet « 25 by 2025 » mené par le président Ali semble désormais insuffisant face à la gravité de la situation. Nous devons cultiver et produire autant que possible. Chacun de nous peut faire le choix d’acheter des produits sains, locaux, au marché plutôt que des produits transformés au supermarché.
Nous devons renforcer nos liens commerciaux avec l’Afrique, l’Amérique latine et centrale, et renouveler nos partenariats historiques avec l’Europe, le Royaume-Uni et le Canada. Nous ne pouvons plus dépendre d’un ou deux marchés. Nous devons vendre nos produits à un monde plus diversifié et plus stable.
Mes frères et sœurs, chaque crise mondiale est aussi une opportunité. Si nous mettons nos divisions de côté, si nous soutenons nos petites entreprises et nos producteurs, nous sortirons plus forts de cette épreuve.
À nos hôteliers, à nos commerçants, à notre population : le message est le même. Achetez local. Achetez régional. Les produits sont souvent meilleurs, plus frais, plus compétitifs. Si nous travaillons ensemble, si nous valorisons nos ressources locales, nous pourrons surmonter cette crise. Il y aura des défis logistiques, mais nous y parviendrons.
Que Dieu bénisse notre civilisation caribéenne.
Merci."
LE SÉNÉGAL FACE AU VERROUILLAGE DES MARCHÉS
La guerre commerciale déclenchée par Donald Trump menace d'exclure le pays et d'autres nations africaines des marchés obligataires mondiaux, alors même que ces économies traversent une période critique
(SenePlus) - Les turbulences tarifaires provoquées par l'administration Trump menacent d'exclure plusieurs pays africains, dont le Sénégal, des marchés obligataires mondiaux, selon Bloomberg. Cette situation pousse les investisseurs à délaisser les actifs jugés risqués, au moment même où ces économies font face à de sérieux défis financiers.
"Si les bouleversements causés par la guerre commerciale du président américain Donald Trump persistent, entraînant des écarts de rendement continuellement plus élevés, il sera difficile pour les nations d'Afrique subsaharienne d'émettre de nouvelles euro-obligations", a déclaré lundi Aurelie Martin, économiste et analyste d'investissement chez Ninety One à Londres.
"Les turbulences pourraient inciter les gouvernements aux finances tendues à négocier de nouveaux programmes de financement avec le Fonds monétaire international, notamment le Kenya, le Sénégal et l'Angola", rapporte Bloomberg.
Cette situation survient alors que le pays, comme d'autres de la région, avait commencé à retrouver un accès aux marchés après le gel de 2022, lorsque la hausse rapide des taux d'intérêt avait fermé l'accès aux financements internationaux.
La situation est particulièrement inquiétante pour les économies dépendantes des matières premières. "Si la chute des prix du pétrole et d'autres matières premières affectait simultanément leurs recettes fiscales", les conséquences seraient graves, souligne Martin.
Pour le Sénégal, qui développe actuellement ses ressources pétrolières et gazières, cette pression arrive à un moment critique de son développement économique.
Si le Kenya et la Côte d'Ivoire ont déjà émis de nouvelles obligations cette année pour refinancer des dettes existantes, la situation pourrait inciter le Sénégal et d'autres nations à envisager "une nouvelle vague de demandes de programmes du FMI", selon Martin.
Kevin Daly, gestionnaire de portefeuille chez Abrdn Investments Ltd., observe que "la dernière fois que nous avons vu des mouvements de cette ampleur, c'était pendant la pandémie", mais aujourd'hui, "nous ne savons tout simplement pas dans quelle mesure ou d'où viendra la stabilité."
Les obligations du Kenya et de la Zambie ont déjà "chuté à des niveaux historiquement bas", selon Bloomberg, illustrant les risques auxquels le Sénégal pourrait également faire face dans ce contexte de turbulences internationales.
Les discussions entre les pays africains touchés et les institutions financières internationales se poursuivront lors des réunions de printemps organisées par le FMI et la Banque mondiale plus tard ce mois-ci, où le Sénégal pourrait chercher à sécuriser de nouvelles sources de financement.
UNE COALITION SÉNÉGALAISE APPELLE À LA SOLIDARITÉ EN FAVEUR DU PEUPLE PALESTINIEN
Elle exhorte l’État du Sénégal à rompre ses liens diplomatiques avec Tel-Aviv et à expulser l’ambassadeur israélien en poste à Dakar.
La Coalition sénégalaise pour la cause palestinienne a appelé mardi à une “mobilisation générale” en soutien à la lutte du peuple palestinien, confronté à “un piétinement sans limite” de la part de l’Etat d’Israël.
”Se taire ou croiser les bras devant (ces massacres), c’est consciemment ou non, se rendre complice [des] ignominies” commises contre le peuple palestinien, ont soutenu les membres de ladite coalition dans une déclaration produite en quatre langues, rendue publique lors d’un point de presse, à Dakar, le même jour.
Ils estiment que ”l’occupation coloniale, l’Apartheid, l’épuration ethnique et religieuse, les expulsions forcées et l’entreprise de génocide perpétré par Israël contre les palestiniens avec l’appui des Etats-Unis, constituent un piétinement sans limite des droits et libertés de tout un peuple, en même temps qu’une injure envers l’humanité entière”.
Sur cette base, les membres de la Coalition sénégalaise pour la cause palestinienne appellent l’Etat du Sénégal à rompre ses relations diplomatiques avec Israël et ont demandé l’expulsion sans délai de son ambassadeur accrédité à Dakar.
Les membres de cette coalition dénoncent, par la même occasion, les distributions de moutons organisées par l’ambassade d’Israël au Sénégal et dont bénéficient des sénégalais à l’occasion de l’Aid-el-Kébir, la grande fête musulmane.
Ils ont préconisé l’application de la Charte africaine des droits de l’homme, l’ouverture d’enquêtes exhaustives et des sanctions contre d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité à l’encontre du peuple palestinien.
Ils militent par ailleurs pour “un embargo total, militaire et sécuritaire” contre l’Etat hébreux.
Les membres de la Coalition sénégalaise pour la cause palestinienne ont en outre appelé les citoyens, les responsables publics mais aussi les partis politiques et syndicats à se joindre à la grande marche de solidarité avec le peuple palestinien, prévue le dimanche 13 avril.
Selon l’itinéraire arrêté par les organisateurs, les marcheurs vont partir de l’Ecole normale supérieure (actuelle FASTEF), sur l’avenue Bourguiba, pour déboucher sur le rond-point Liberté 5, à Dakar.
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LA LEÇON DE DIPLOMATIE DE WADE À SONKO
"Quand on a le destin d'un pays pauvre entre ses mains, on ne doit pas dire que son pays est pauvre." Cette confiance de l'ancien président interroge la stratégie du gouvernement actuel qui a choisi de dévoiler l'état préoccupant des finances nationales
Dans son nouveau livre "Wade, mille et une vies", Madiambal Diagne révèle une position surprenante d'Abdoulaye Wade sur la communication gouvernementale concernant l'état économique du pays.
S'adressant à Mamadou Massali, jeune militant du PDS, Wade aurait déclaré : « Quand on est à la tête d'un pays, on doit se montrer conciliant, surtout si c'est un pays pauvre. Si je disais la situation véritable dans laquelle j'ai trouvé le pays, personne ne financerait le Sénégal. Abdou Diouf et les socialistes, en 40 ans, n'avaient rien foutu et avaient fait n'importe quoi, mais je ne peux pas le dire. Je présente les choses de la manière la plus belle."
L'ancien président justifiait cette approche par une logique pragmatique : "Si je me mettais à dire que la situation est mauvaise, peu reluisante, qui mettrait son argent dans ce pays ? Or, j'ai besoin d'argent pour lancer mes projets. Quand on a le destin d'un pays pauvre entre ses mains, on ne doit pas dire que son pays est pauvre, sans ressources, etc."
Cette position tranche radicalement avec celle adoptée par l'actuel Premier ministre Ousmane Sonko, qui a fait de la dénonciation de l'état des finances publiques héritées du régime de Macky Sall un élément central de sa communication. Madiambal Diagne indique avoir souri en entendant les déclarations de Sonko, allant jusqu'à appeler Massali pour lui dire que "notre livre aurait dû sortir avant ses propos".
Dans l'ouvrage, l'auteur souligne qu'Abdoulaye Wade "a su avoir de l'élévation, de la hauteur pour pouvoir mettre en avant les intérêts du Sénégal plutôt que de régler des personnels", ce qui lui aurait permis "d'impulser des politiques soutenues par la communauté internationale".
À l'inverse, Diagne estime que la réaction actuelle de la communauté internationale face aux révélations du gouvernement Sonko-Diomaye est "sans équivoque", suggérant que cette stratégie de communication serait préjudiciable aux intérêts du Sénégal.
AU NIGER, LE FRANÇAIS DÉCLASSÉ AU PROFIT DU HAOUSSA
La charte de la refondation signée le 26 mars dernier par le président Abdourahamane Tiani relègue le français au rang de simple "langue de travail" tandis que le haoussa devient langue nationale principale
Le paysage linguistique du Niger connaît un bouleversement majeur. Le français a perdu son statut de langue officielle au profit du haoussa, qui devient désormais langue nationale du pays.
D'après RFI, "le décret de promulgation de la charte de la refondation a été publié, la semaine dernière, au Journal officiel." Ce document, qui remplace désormais la Constitution suspendue après le coup d'État du 26 juillet 2023, redéfinit entièrement le statut des langues dans le pays.
L'article 12 de cette nouvelle charte établit une distinction entre les onze langues parlées au Niger, accordant une place prépondérante au haoussa. Cette langue, majoritaire sur le territoire national, est désormais élevée au rang de "langue nationale", comme l'indique RFI.
Un linguiste consulté par le média français confirme que "le haoussa est la langue la plus parlée sur l'ensemble du territoire" et qu'elle "est comprise par une grande majorité de la population". Le zarma-songhaï arrive en deuxième position, étant parlé par "à peu près, un quart des Nigériens", toujours selon ce spécialiste cité par RFI.
Cette nouvelle classification marque une rupture avec le système précédent. En effet, dans la Constitution antérieure, les langues de toutes les communautés nigériennes bénéficiaient, "en toute égalité", du statut de langues nationales, tandis que le français, bien que parlé par seulement "13% de la population", occupait la position de langue officielle.
Cette décision s'inscrit dans un climat de tensions diplomatiques avec la France. Les nouvelles autorités, en froid avec Paris, ont quitté l'Organisation internationale de la Francophonie le mois dernier. Les autorités nigériennes ont "rebaptisé récemment plusieurs rues de Niamey qui portaient des noms de Français".
La charte de la refondation, qui déclasse le français au rang de simple "langue de travail", a été entérinée par le président Abdourahamane Tiani lors d'une cérémonie à Niamey le 26 mars dernier.
Cette réorganisation linguistique ne fait pas l'unanimité dans le pays. RFI rapporte que "sur les réseaux sociaux, certains internautes nigériens s'inquiètent d'une hiérarchisation des langues du pays et d'un risque de communautarisme".
Le texte, qui se fonde sur "les recommandations des assises nationales de février" d'après RFI, laisse ainsi planer des questions sur les conséquences concrètes qu'aura cette refonte linguistique sur le fonctionnement des institutions et sur la cohésion nationale du Niger.
DAKAR ENTRE MODERNITÉ ET CHAOS
La presqu'île dakaroise, devenue mégapole par l'histoire coloniale, voit ses artères s'obstruer davantage chaque jour. Malgré les tentatives de trois présidents successifs, la capitale reste prisonnière de sa géographie et d'une planification défaillante
(SenePlus) - Étouffée dans son étroit losange atlantique, Dakar concentre le quart des Sénégalais sur 0,28% du territoire national. Entre modernisation et chaos persistant, la capitale cherche désespérément son second souffle.
Selon une analyse de Mehdi Ba pour Jeune Afrique, Dakar incarne le paradoxe d'une métropole africaine en mutation : "Les transports sont à l'agglomération ce que les artères sont au cœur et au corps humain: des connexions vitales qui permettent de maintenir en vie le reste du pays."
Cette métaphore organique illustre l'importance cruciale d'un système circulatoire efficace dans une région hypertrophiée qui abrite "près du quart des quelque 18 millions de Sénégalais" sur une superficie représentant à peine "0,28% du territoire". Résultat: une densité de population atteignant "7.277 habitants au km²", bien supérieure à celle de l'Île-de-France (1.025 hab/km²).
Plusieurs tentatives de décentralisation ont échoué. Jeune Afrique rappelle qu'"Abdoulaye Wade avait un temps prétendu faire de Lompoul la nouvelle capitale administrative du pays, et de Thiès, sa 'capitale industrielle'". Dans la même logique, "Macky Sall entendait hisser la ville nouvelle de Diamniadio au rang d'annexe de cette capitale asphyxiée par la conjonction de l'exode rural et d'un taux de natalité galopant."
Mais ces ambitions se sont heurtées à la réalité: "Dakar a tenu bon."
Si "la modernité, en particulier en matière de transports urbains, y a supplanté peu à peu l'héritage désuet d'une Afrique de carte postale", les contrastes demeurent saisissants. D'un côté, "depuis 2016, une autoroute spacieuse (mais à péage) permet de rallier l'Aéroport international Blaise-Diagne", de l'autre, on y croise toujours "les fantômes du Sénégal des profondeurs: camions préhistoriques ou taxis 7 places antédiluviens [...] sans oublier les minibus surchargés, qui penchent dangereusement d'un côté et sont autant de bombes routières à retardement..."
Même la régulation du trafic illustre ce dualisme : dans cette "capitale sénégalaise où les feux tricolores font office de vestiges ornementaux", "des policiers restent chargés de cette tâche, à l'ancienne, sifflet à la bouche."
Deux innovations majeures tentent d'apporter "un nouveau souffle à des transports urbains qui n'ont jamais été en mesure de suivre la cadence de l'explosion démographique". D'abord, la ligne de Bus Rapid Transit (BRT), "en service depuis mai 2024" entre "Guédiawaye, ville-champignon de la banlieue, et Petersen, dans le centre-ville historique".
Ensuite, le Train express régional (TER), qualifié de "frère de lait du BRT", qui constitue "une avancée notable vers un réseau de transports urbains digne du pays". Encore limité à Diamniadio, son extension vers l'aéroport est "annoncée pour le second semestre de 2025".
Malgré ces progrès, JA souligne que le TER, "aussi rutilant soit-il, peine à masquer l'absence d'un réseau ferroviaire digne de ce nom". Face à ce constat, le président Bassirou Diomaye Faye a "demandé à son Premier ministre, Ousmane Sonko, de 'présider un comité stratégique du ferroviaire'" en juillet 2024.
Un mois plus tard, "les ministres sénégalais et marocain concernés signaient deux conventions censées sceller leur 'volonté commune de renforcer les liens de coopération bilatérale' en la matière".
La conclusion de Mehdi Ba résume parfaitement l'enjeu générationnel de ce défi : "Si Abdoulaye Wade a lancé la construction de l'AIBD, que Macky Sall a inauguré après lui tout en donnant naissance au TER et au BRT, faut-il espérer que, sous le règne de Bassirou Diomaye Faye, le Sénégal accouchera d'un TGV?"