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17 mai 2024
LEOPOLD SENGHOR
par l'éditorialiste de seneplus, ousseynou beye
CE PANAFRICANISME-LÀ… NON, MERCI !
EXCLUSIF SENEPLUS - Nous ne devrons pas être des «tirailleurs de BBC», ce comparse de la dernière heure - Pour autant, devrons-nous être les complices de cette reconquête silencieuse et sournoise aux forts relents néo-colonialistes ?
Ousseynou Bèye de SenePlus |
Publication 18/06/2019
C’est avec beaucoup de perplexité (pour dire le moins) que nous avons pris connaissance de l’article que notre camarade, ami et frère Momar Samb, Secrétaire Général du parti de la Mouvance présidentielle, le RTAS, a publié ces derniers temps dans la presse, sous le titre : «Non, je refuse d’être un « tirailleur» de BBC !»
Sans le citer, Momar prend le parti de défendre M. Aliou Sall (et son clan) dans l’affaire qui défraie la chronique. Cela relève naturellement de son droit d’opinion et d’expression. Son argumentation repose pour l’essentiel sur le principe du «panafricanisme» puisque, note-t-il sur un ton indigné «… L’affaire est annoncée (par BBC) le vendredi et dès le lendemain la machine est mise en branle pour mobiliser les africains contre un autre africain, sans douter le moins du monde, sans mettre en branle notre réflexe panafricaniste. C’est tout de même curieux !... »
Tout d’abord, au plan factuel, il est sidérant de constater que Momar Samb ignore ou méconnait toutes les alertes, toutes les indignations, toutes les investigations, toutes les analyses qui se sont faites jour depuis…. sept longues années, maintenant, lorsque le journaliste Baba Aïdara a levé un coin du voile sur les nébuleux contrats, conventions et autres décrets signés ou pris dans des conditions tout à fait irrégulières.
Momar, penses-tu sincèrement que… c’est ce fameux «vendredi» que tout a commencé ? Les gens n’ont quand même pas attendu la vidéo de BBC pour «mobiliser des Africains contre d’autres Africains» ? Même s’il est vrai que les tenants du régime n’ont senti le sol se dérober sous leurs pieds quand ils ont jusque-là ignoré les «vociférations» d’une opposition «en mal d’audience».
La conférence de presse du président Wade, les remontrances de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, les alertes et autres prises de position des nombreux journalistes, syndicalistes et membres de la Société civile (Birahim Seck et compagnie), les interrogations, dénonciations et études d’Ousmane Sonko qui a consacré tout un livre à la question, les innombrables « QuesTekki » de Mamadou Lamine Diallo, les très nombreux exposés médiatisés et fort documentés du sulfureux et controversé lanceur d’alerte Clédor Sène, les persistants et pathétiques aveux-dénégations-autocritiques de l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, les révélations-confirmations du ministre Thierno Alassane Sall, malgré ses réticences et scrupules du début… Tout cela compte-t-il donc pour rien ? Nous ne pouvons manquer de mentionner ici le professeur Abdoulaye Elimane Kane qui, face à un journaliste de la Radio d’Etat, la RTS, ce dimanche 16 juin, faisant une fois de plus preuve d’une pertinence et d’une indépendance d’esprit remarquables. Honorant ainsi son statut d’intellectuel.
Momar, lui, fait fi de tout cela et ne voit que la vidéo de BBC d’où tout serait parti. Il est vrai que la plupart des intervenants, s’ils ne sont pas de la Société civile (ces «encagoulés»), sont membres de partis de l’opposition. Mais cela leur enlèverait-il leur qualité de citoyens sénégalais ayant voix au chapitre ? Ou alors auraient-ils perdu leur «africanité», chemin faisant, pour cause de lèse-Majesté ?
Au vu de toutes ces prises de position antérieures (rappelons le, durant toutes ces sept années de magistère du président Macky Sall), à quoi peut bien rimer cette tragique et pathétique mise en garde aux accents guerriers : « Africains, soyons prudents, vigilants et regardons, vérifions, enquêtons nous-mêmes ! » ?
Si nous comprenons bien cette façon de voir les choses de Momar (excuses moi de te le dire : tu nous avais habitués à mieux que cela !), les Africains en direction de qui les «panafricanistes» devraient marquer toute leur solidarité, ce sont : lui-même, nous-mêmes, vous le lecteur, le président Macky Sall, son frère Aliou… nous tous habitants de ce vieux continent, berceau de l’humanité, et peut-être de surcroît, nous à la peau noire… Voilà le rempart qui serait notre bouclier, nous mettant tous dans le même… panier !
Une telle conception serait pain béni pour un Omar El Béchir du Soudan, s’il s’avérait, comme tout semble l’indiquer, que ce tyran déchu par son peuple affamé, est aussi le plus grand détourneur de derniers publics et le plus corrompu du siècle.
Pour notre part, nous optons pour le panafricanisme de Nkrumah, pas pour celui de Senghor, chantre d’une « Négritude » hypocrite et ambiguë ; pour le panafricanisme de Cheikh Anta Diop, pas pour celui de Mobutu, théoricien de l’« Authenticité » ; pour le panafricanisme de Lumumba, Ben Bella, Cabral, Nasser, Nyéréré, Sankara, Mandela… pas pour celui de Tschombé, Idy Amin Dada, Bokassa, Moubarak, Omar El Béchir, Paul Biya, Sassou Nguesso …
Pour revenir plus précisément à notre sujet, nous nous contentons de poser ces questions toutes simples : y’a-t-il ou non scandale sur le pétrole présentement dans notre pays ? Tout au moins, y’a-t-il ou non des raisons de s’inquiéter à ce propos ? Ou tout simplement encore : y’a-t-il, oui ou non, de quoi se poser des questions ? Admettons que Momar nous ait indiqué la bonne voie : «Enquêtons par nous-mêmes !» Mais n’est-ce pas ce qu’ont bien fait les éminentes personnalités ci-dessus listées, et bien d’autres encore ?
Après tout cela, chacun peut se faire sa religion sur la question… ou continuer d’enquêter ! Mais pourquoi nous demander de manifester une solidarité «panafricaniste»… automatique ? Ce serait, hélas, pour notre part, au-dessus de notre force. Nous adorons le nationalisme de Mamadou Dia et abhorrons celui de Marine Le Pen.
C’est vrai que beaucoup de nos compatriotes ont fermé les yeux sur la précipitation dont a fait montre notre président de la République qui, dès le lendemain de sa première élection est allé solliciter des subsides à l’Elysée pour pouvoir «payer les salaires des fonctionnaires», n’oubliant pas du même mouvement, d’annuler les accords militaires qui aspiraient à nous rendre un peu de notre souveraineté. On aurait espéré la même promptitude s’agissant de l’accord signé entre l’ancien régime libéral et Pétro-Tim. Il est vrai aussi que bon nombre de nos concitoyens ferment les yeux sur le retour en force de Ecotrans et de Bolloré au port de Dakar, sur le renforcement de Senac et compagnie sur nos routes, autoroutes et stations d’essence, sur l’entrée en force de Auchan, U, Casino et Carrefour dans nos étals de la Médina, de la Gueule Tapée et de nos quartiers de la banlieue, si ce n’est sur l’ensemble du territoire national.
Mais comme tout cela est l’œuvre d’un Africain, alors tous les «panafricanistes» devraient tout simplement se mettre au garde-à-vous et chanter ses louanges. Circulez !... Rien à signaler. N’est-ce pas bizarre, cela, tout de même ?
Tu as raison, camarade, nous ne devrons pas être des «Tirailleurs de BBC», ce comparse de la dernière heure. Pour autant, devrons-nous être les complices de cette reconquête silencieuse et sournoise aux forts relents néo-colonialistes ? Nous faire les porte-voix d’un nationalisme de mauvais aloi ? Nous inviterais-tu, au nom d’un certain «panafricanisme», à fermer les yeux sur la confiscation de notre souveraineté nationale et sur le bradage des ressources naturelles de notre pays ?
Non, merci : en ce qui nous concerne, nous ne voulons pas de ce panafricanisme-là qui permet aux multinationales, quelles qu’elles soient, de faire main basse sur nos richesses nationales au profit d’un clan et aux au détriments du peuple.
Le 2 mai 1980, disparaissait, à l’âge de 70 ans, ce professeur de lettres, historien, philosophe et éditeur ayant joué un rôle de premier plan dans l’émancipation de l’Afrique et de ses diasporas à travers la revue et la maison d’édition qu’il a fondées
Le 2 mai 1980, disparaissait, à l’âge de 70 ans, Alioune Diop, professeur de lettres, historien, philosophe et éditeur ayant joué un rôle de premier plan dans l’émancipation de l’Afrique et de ses diasporas à travers la revue et la maison d’édition ‘’Présence Africaine’’ qu’il a fondées à Paris. A l’annonce de sa mort, le président sénégalais Léopold Sédar Senghor saluait en lui « l’un des premiers militants et une sorte de secrétaire permanent du Mouvement de la Négritude ».
Lors des obsèques d’Alioune Diop, le 9 mai 1980 à Saint-Louis, le ministre d’Etat en charge de la Culture, Assane Seck, déclare : « Fortement enraciné dans les traditions de notre peuple et armé de principes moraux étayés sur le culte de l’honneur, du respect de soi et des autres, tels qu’il les voyait pratiquer dans la cellule familiale, le jeune Alioune Diop a affronté le Paris de l’entre-deux-guerres, déjà plein d’équilibre ».
« Aussi, quelque obstacle qu’il ait rencontré, quelque facilité qui l’ait tenté, quelque nostalgie du pays natal qui l’ait tourmenté, choisit-il avec lucidité, guidé par cette lumière intérieure dont sont pétries les grandes âmes, la porte étroite de l’effort soutenu, dans la grisaille des jours difficiles », ajoute le professeur Seck, qui a été plus tard – en 2010 – président du comité d’organisation du centenaire de la naissance d’Alioune Diop.
« Une vie entièrement consacrée aux autres »
L’historien et homme politique Cheikh Anta Diop, de son côté, dédie son livre Civilisation ou barbarie (Présence Africaine, 1981) à Alioune Diop, « en témoignage d’une amitié fraternelle plus forte que le temps » pour un homme qui est « mort sur le champ de la bataille culturelle africaine ».
« Alioune, tu savais ce que tu étais venu faire sur la terre : Une vie entièrement consacrée aux autres, rien pour soi, tout pour autrui, un cœur rempli de bonté et de générosité, une âme pétrie de noblesse, un esprit toujours serein, la simplicité personnifiée ! », écrit Cheikh Anta Diop qui s’interroge alors : « Le démiurge voulait-il nous proposer, en exemple, un idéal de perfection, en t’appelant à l’existence ? ».
« Hélas, il t’a ravi trop tôt à la communauté terrestre à laquelle tu savais, mieux que tout autre, transmettre ce message de vérité humaine qui jaillit du tréfonds de l’être. Mais il ne pourra jamais éteindre ton souvenir dans la mémoire des peuples africains, auxquels tu as consacré ta vie », se désole-t-il.
« Au vrai, résume Makhliy Gassama, ancien ministre de la Culture, Alioune Diop était un homme. Oui un homme dans le sens camusien et sartrien du terme. Il n’est pas facile d’être ‘’un homme de quelque part, un homme parmi les hommes’’, comme dit Sartre. Cette ambition implique l’engagement total dans la société, la lutte quotidienne contre les forces du mal, la quête obstinée d’un bien-être collectif, qui ne s’accomplit pas sans provoquer de redoutables et ignobles adversités ».
Avec « une pensée pieuse » pour Alioune Diop, Gassama souligne que celui-ci a vécu « pour l’Afrique, uniquement pour l’Afrique en s’oubliant ». « On peut dire qu’il est mort d’épuisement pour l’Afrique, à l’âge de 70 ans. »
Né le 10 janvier 1910 à Saint-Louis, Alioune Diop a effectué ses études secondaires au lycée Faidherbe (actuel lycée Cheikh Oumar Foutiyou Tall). Il fréquente ensuite les facultés d’Alger et de Paris, et y obtient une licence de lettres classiques ainsi qu’un diplôme d’études supérieures. Professeur de lycée, puis chargé de cours à l’Ecole coloniale, il est ensuite nommé chef du cabinet du gouverneur général de l’Afrique occidentale française (AOF).
« L’ambition d’un continent »
En 1947, Diop fonde, avec la collaboration de compagnons de lutte (Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, entre autres), la revue ’Présence Africaine’, une « extraordinaire tribune pour l’intelligentsia du continent africain et de la diaspora ; une tribune de haute qualité », selon Makhliy Gassama, président du comité scientifique du colloque qui a été consacré, en mai 2010 à Dakar, à l’œuvre d’Alioune Diop.
Dans son éditorial du premier numéro (novembre-décembre 1947), ‘’Niam n’goura ou les raisons d’être de Présence Africaine’’, Alioune Diop assigne ses objectifs à la revue. Il s’agit, selon lui, de « définir l’originalité africaine et de hâter son insertion dans le monde moderne ».
Alioune Diop réussit à y donner la parole aux colonisés, parce qu’il était « généreux, il était téméraire, rien pour lui, tout pour les autres : il portait en lui l’ambition d’un continent. C’est ainsi que son nom scintillera à jamais dans les pages de l’histoire de la décolonisation », avait indiqué M. Gassama, le 7 janvier 2010, lors de la conférence de presse de lancement des activités du centenaire de l’intellectuel africain, organisées par la Communauté africaine de culture (CAC).
En 1949, la Maison d’édition ’Présence Africaine’ ouvre ses portes. Romanciers, nouvellistes, conteurs, essayistes, poètes et penseurs du monde noir y trouvent un moyen de diffusion de leurs œuvres. Le premier ouvrage publié par les Editions Présence Africaine est La Philosophie Bantoue, du Révérend Père Placide Tempels, en 1949.
En 1954, ‘Présence Africaine’ édite Nations nègres et culture de Cheikh Anta Diop, ouvrage dans lequel l’historien sénégalais prend le contre-pied théorique de ce milieu solidement établi dans l’enceinte même de l’université française. Dans ce livre, l’auteur fait la démonstration que la civilisation de l’Egypte ancienne était négro-africaine. Le Martiniquais Aimé Césaire choisit, pour une deuxième édition de son Discours sur le colonialisme, en 1955, ‘Présence Africaine’.
Alioune Diop est, avec Léopold Sédar Senghor, Jacques Rabemananjara, Cheikh Anta Diop, Richard Wright, Jean Price-Mars, Frantz Fanon, l’un des instigateurs du premier Congrès des écrivains et artistes noirs, qui réunit, en septembre 1956 à la Sorbonne, les intellectuels noirs venus des Antilles françaises et britanniques, des Etats-Unis, des diverses régions d’Afrique (AOF et AEF, Afrique du Sud, Angola, Congo belge, Mozambique…) et de Cuba.
Dans son discours inaugural, Alioune Diop explique qu’il revient aux écrivains et aux artistes de « traduire pour le monde la vitalité morale et artistique de nos compatriotes, et en même temps de communiquer à ceux-ci le sens et la saveur des œuvres étrangères ou des événements mondiaux ».
Un « sage (…) d’une modernité qui bouleverse »
Ce premier congrès a donné naissance à « une arme culturelle redoutable contre le racisme ambiant, un outil qui a forgé des intelligences sur le continent : la Société Africaine de Culture (SAC) devenue la Communauté Africaine de Culture (CAC) », selon Makhily Gassama, qui précise que cette structure a à son actif le deuxième Congrès des écrivains et des artistes (1959 à Rome) et de nombreux autres congrès en Afrique comme le premier Congrès international des africanistes (1962 à Accra) ou le premier Congrès constitutif de l’Association des historiens africains (1972 à Dakar). S’y ajoutent le colloque sur le sous-développement (1959), le séminaire sur ‘’Civilisation noire et conscience historique’’ (1973 à Paris) ou le séminaire préparatoire au colloque ‘’Le journaliste africain comme Homme de culture’’ (1973), des tables-rondes et journées d’études.
Au premier Festival mondial des arts nègres de Dakar (avril 1966), Alioune Diop est parmi les maîtres d’œuvre. Il a la responsabilité du colloque portant sur le thème : ‘’Signification de l’art dans la vie du peuple et pour le peuple’’. Il préside l’association du festival. Il prolonge cette action jusqu’au Festival de Lagos (1977).
Aimé Césaire, lui, relève que la négritude de Diop était à l’opposé du racisme, soulignant que le directeur de ’Présence Africaine’ était « une des plus belles figures du monde noir ». « Son œuvre se confond tout entière avec son action, je devrais dire son apostolat. De l’apôtre, il avait la foi. Cette foi, bien entendu, c’était la foi en l’homme noir et en ce qu’on a appelé la négritude qui était à l’opposé du racisme et du fanatisme », poursuit-il.
Césaire ajoute que « Alioune Diop était un homme de dialogue, qui respectait toute civilisation ». « Il apparaîtra, j’en suis sûr, avec le recul du temps, comme un des guides spirituels de notre époque », souligne le poète martiniquais, tandis que l’écrivain béninois Olympe Bhêly-Quenum qualifie l’homme de « sage (…) d’une modernité qui bouleverse ».
« Nul de ceux qui l’ont connu et discuté avec lui ne saurait en douter », note Bhêly-Quenum, en rappelant cette phrase qu’Alioune Diop aimait répéter : « Chaque civilisation vivante assume sa propre histoire, exerce sa propre maturité, secrète sa propre modernité à partir de ses propres expériences, et de talents particuliers à son propre génie ».
Depuis la mort d’Alioune Diop, en 1980, sa veuve, Christiane Yandé Diop, a pris la relève au sein de la revue et de la Maison d’édition ’Présence Africaine’, poursuivant l’œuvre de celui qui, selon le mot du critique littéraire Mouhamadou Kane, a été « l’initiateur du prodigieux combat pour la culture africaine, le moteur de son épanouissement, le témoin passionné de l’émergence de l’Afrique culturelle ».
Plaque du centenaire d’Alioune Diop
Le 10 janvier 2010, une plaque commémorative du centenaire de la naissance du fondateur de ‘Présence Africaine’ avait été dévoilée à la maison familiale d’Alioune, rue Babacar Sèye à Saint-Louis. Il est inscrit sur la plaque découverte par le maire de Saint-Louis, Cheikh Bamba Dièye, et la veuve de l’homme de culture, Christiane Yandé Diop : « Ici a vécu Alioune Diop (1910-1980), Professeur de Lettres, Fondateur de Présence Africaine ».
La pose de la plaque du centenaire de la naissance d’Alioune Diop marquait le début d’une série d’activités prévues sur trois jours à Saint-Louis. La cérémonie s’était déroulée en présence de plusieurs personnalités, dont l’ancien ministre de la Culture, Makhily Gassama, André Guillabert, maire honoraire de Saint-Louis, Christian Valantin, ancien député socialiste, Kolot Diakhaté, président du comité saint-louisien du centenaire d’Alioune Diop, l’historien Djibril Tamsir Niane.
Au nom de la famille, Alioune Sy, avait dit que la pose d’une plaque commémorative et la célébration du centenaire de la naissance d’Alioune Diop constituent « un grand honneur pour la famille », soulignant que l’intellectuel sénégalais a, « dans toutes ses actions, honoré l’Afrique dans son ensemble ».
« Veiller à ce que cette étincelle ne ternisse jamais »
Le président du comité saint-louisien d’organisation du centenaire, Kolot Diakhaté, avait, de son côté, salué la mémoire du fondateur de Présence Africaine, estimant qu’Alioune Diop est « immortel par son œuvre, ses qualités d’homme, son humilité ». Il avait rappelé le rôle que Diop a joué dans l’organisation du premier Festival mondial des Arts nègres, en avril 1966 à Dakar. « Il était dans la conception de l’événement avant de s’effacer lui-même pour ne pas récolter les lauriers », avait-il dit.
S’adressant à Christiane Yandé Diop, la veuve d’Alioune Diop, Kolot Diakhaté a dit : « Vous n’êtes pas seule et vous ne le serez pas, parce qu’Alioune a été un Noir brillant qui a inspiré le rêve d’autres Noirs du monde. Nous sommes là pour veiller à ce que cette étincelle ne ternisse jamais ».
Pour sa part, le maire de Saint-Louis, Cheikh Bamba Dièye, avait salué l’initiative de la Communauté africaine de culture (CAC), organisatrice du centenaire de la naissance d’Alioune Diop, pour avoir ainsi « honoré la mémoire d’un très grand Saint-Louisien, et réconcilié la ville de Saint-Louis avec son passé ».
« Alioune Diop a marqué son époque par une œuvre au service des peuples noirs. Ni l’âge ni le temps ne sauront l’effacer de notre mémoire », avait ajouté M. Dièye, tandis que Christiane Yandé Diop, émue aux larmes, s’est dit « très heureuse » de revenir à la maison familiale d’Alioune Diop. Paraphrasant l’écrivain Birago Diop, elle avait dit : « Les morts ne sont pas morts, ils sont là ».
Le 11 janvier 2010, entre 9h 30 et 12 heures, il avait été organisé, au Quai des Arts, un hommage solennel de la ville de Saint-Louis, la remise de prix aux lauréats du Concours littéraire. A partir de 12h 30, le public avait suivi la projection du film documentaire Alioune Diop, tel qu’ils l’ont connu. Une table ronde sur la vie et l’œuvre d’Alioune Diop avait eu lieu, le lendemain, de 10 heures à 13 heures à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Cette manifestation avait été présidée par l’historien guinéen Djibril Tamsir Niane.
Propos choisis d’un intellectuel engagé
Le fondateur de Présence Africaine, Alioune Diop (1910-1980) n’avait écrit ni un roman ni un essai philosophique ni un traité doctrinaire, comme le soulignait le philosophe Babacar Sine, mais il avait publié des éditoriaux et prononcé des discours, dont chacun était une occasion d’affirmer avec force son engagement pour l’émergence des peuples noirs.
— EXTRAIT DE L’EDITORIAL DE ’PRESENCE AFRICAINE’, N° 105-106, 1978 : « Le peuple noir est de tous les peuples du Tiers-Monde celui qui a été le plus dépouillé de liberté et de dignité, le plus atteint de ces carences et infirmités spécifiques provoquées par l’action coloniale, le racisme, l’esclavage, et accentuées par la fragilité d’une civilisation orale. Il est illusoire de vouloir guérir ce peuple noir des effets de l’aliénation culturelle et du sous-développement, du moins, pas tant que ce peuple n’ait d’abord repris la vitalité globale et organique de toutes ses facultés. Pas sans qu’il ait au préalable pris conscience et de son existence et récupéré tout le dynamisme de sa créativité et toute sa capacité et toute sa capacité de répondre directement (dans toute la mesure de ses moyens et dans le style de sa personnalité) aux défis du monde moderne (…) L’avenir peut réserver un destin grandiose et exaltant à l’élite qui prendra en main la direction et la gestion de notre civilisation. L’Afrique doit avoir une élite qui joue un rôle privilégié dans le déroulement de l’histoire des civilisations ».
— EXTRAIT DU DISCOURS INAUGURAL AU PREMIER CONGRES DES ECRIVAINS ET ARTISTES NOIRS, PARIS, septembre 1956 : « Ce jour sera marqué d’une pierre blanche. Si depuis la fin de la guerre la rencontre de Bandoeng constitue pour les consciences non européennes l’événement le plus important, je crois pouvoir affirmer que ce premier congrès mondial des hommes de culture noirs représentera pour nos peuples le second événement de cette décade. D’autres congrès avaient eu lieu, au lendemain de l’entre-deux guerre, ils n’avaient l’originalité ni d’être essentiellement culturels, ni de bénéficier du concours remarquable d’un si grand nombre de talents parvenus à maturité, non seulement aux Etats-Unis, aux Antilles et dans la grande et fière République d’Haïti, mais encore dans les pays d’Afrique noire. Les dix dernières années de l’histoire ont été marquées par des changements décisifs pour le destin des peuples non européens, et notamment de ces peuples noirs que l’Histoire semble avoir voulu traiter de façon cavalière, je dirais même résolument disqualifier, si cette histoire, avec un grand H, n’était pas l’interprétation unilatérale de la vie du monde par l‘Occident seul. Il demeure cependant que nos souffrances n’ont rien d’imaginaire. Pendant des siècles, l’événement dominant de notre histoire a été la terrible traite des esclaves. C’est le premier lien entre nous, congressistes qui justifie notre réunion ici. Noirs des Etats-Unis, des Antilles et du continent africain, quelle que soit la distance qui sépare parfois nos univers spirituels nous avons ceci d’incontestablement commun que nous descendons des mêmes ancêtres. La couleur de peau n’est qu’un accident : cette couleur n’en est pas moins responsable d’événements et d’œuvres, d’institutions, de lois éthiques qui ont marqué de façon indélébile nos rapports avec l’homme blanc (…) ».
PAR ABDOULAYE WADE
MBAYE DIACK, UN EXEMPLE POUR LA JEUNESSE
Je l’ai rencontré pour la première fois lors d’une conférence de la LD/MPT - Je fus particulièrement impressionné par son intervention logique et pertinente - Un exemple de probité, de courage frisant la témérité a disparu
C’est un jour de l’époque de Senghor que je l’ai rencontré pour la première fois lors d’une conférence de la LD/MPT, un soir à Soumbédioune.
Je fus particulièrement impressionné par son intervention logique et pertinente. On sentait l’impact sur lui de la rigueur marxiste. Je regrettai déjà qu’il ne fût pas avec moi. Je l’aurais formé avec les autres jeunes et nul doute, pour moi, qu’il aurait été parmi mes plus proches compagnons. J’appris par la suite qu’il enseignait les mathématiques, ce qui me confortait dans mon impression de jeune homme logique et rigoureux.
Je pris contact avec lui mais ne réussis pas, malgré nos longues conversations, à le départir de la gangue marxiste dont on ne pouvait jamais se débarrasser une fois qu’on était pris dans la glu.
Nous conservâmes d’excellentes relations, lui me considérant comme son grand frère et moi, comme mon petit frère. Il fut pour beaucoup dans le rapprochement PDS/LD, Abdoulaye Bathily/Abdoulaye Wade.
En dépit de nos appartenances idéologiques opposées, nous devînmes des amis. A telle enseigne qu’on se demandait pourquoi on était dans deux partis différents. Le mimétisme de transmission automatique des idéologies occidentales lorsque nous revenions d’Europe avait fait beaucoup de mal en nous divisant profondément, en nous haïssant même, bourgeoisie contre capitalisme, alors qu’en réalité nous n’étions ni l’un ni l’autre. Nous étions tout simplement aliénés.
Nous nous retrouvâmes cependant compagnons de lutte pendant des années et partageâmes souvent les geôles du pouvoir. Tout ceci nous rapprochait et nous fit comprendre qu’au fond nous avions les mêmes adversaires.
Lorsque je fus absent du Sénégal pour assez longtemps, Abdoulaye Bathily était le seul à s’opposer à toute prise de décision importante ‘’tant que Wade n’est pas là’’ disait-il. A mon retour je fus reçu par une foule de plus de 2 millions de personnes de l’aéroport à la Permanence du PDS. J’aurais pu prendre le pouvoir si j’étais tant soit peu putschiste. Mais mes convictions libérales m’éloignaient de tout pouvoir qui ne sortît des urnes. Par la suite, nous nous retrouvâmes dans un même gouvernement Diouf grâce aux assurances que je ne cessais de donner à ce dernier que les marxistes sont, il est vrai, durs et rigoureux mais ce sont de vrais patriotes dont ont pouvait craindre des manifestations mais pas des coups d’Etat. Et puis, personne ne pouvait troubler la situation par des manifestations si le PDS n’était pas dans le coup. Comme avait dit un jour Senghor à ses pairs qui, à Niamey, à l’occasion d’un sommet, s’étonnaient qu’il pût s’éloigner aussi longtemps à une époque où, dès qu’un chef d’Etat tournait le dos, les militaires prenaient le pouvoir : ‘’Chez moi, leur a dit Senghor, lorsque je m’absente, c’est Wade qui gère le mécontentement’’.
Aboulaye Bathily, Mbaye Diack et Amath Dansoko se sont retrouvés dans mon gouvernement et nous avons travaillé, du mieux que nous pûmes, pour notre pays, sans surtout chercher à nous enrichir.
Quand suite à des divergences dans la gestion du pouvoir, la LD/MPT a quitté mon gouvernement, Mbaye Diack est resté et a travaillé jusqu’au bout avec moi au Secrétariat Général de la Présidence. Il avait même créé un parti (UFPE), très proche du PDS, membre de la CAP21 et tenu à garder son idéologie.
Losque j’ai perdu le pouvoir, son parti a adhéré au FPDR, front dont je fus le président. Même malade, Mbaye Diack faisait tout pour participer aux réunions du front. Il était particulièrement visible dans la bataille pour la libération de Karim Wade et avait, avec mon épouse, des relations cordiales tissées au cours les batailles d’avant 2000.
Durant tout ce temps Abdoulaye Bathily, Mbaye Diack et moi, avons conservé nos relations d’amitié et de fraternité et j’ai toujours rêvé qu’un jour, un après-Macky nous fasse nous retrouver…
Mbaye Diack est parti. Un grand patriote a disparu en laissant une petite famille. Que celle-ci comprenne qu’elle est maintenant ma famille et que je suis prêt à partager ses soucis. Mbaye Diack, un exemple de probité, de courage frisant la témérité a disparu. Que Dieu l’accueille en son paradis.
Qu’il serve d’exemple et de repère à notre jeunesse
RETOUR SUR LA MORT D'OMAR BLONDIN DIOP
Intellectuel brillant sorti de Normale sup’, Omar Blondin Diop fut une figure emblématique du mouvement contestataire post-soixante-huitard qui défia le président Léopold Sédar Senghor
Intellectuel brillant sorti de Normale sup’, le Sénégalais Omar Blondin Diop fut une figure emblématique du mouvement contestataire post-soixante-huitard qui défia le président Léopold Sédar Senghor. Quarante ans après sa disparition controversée dans une prison sénégalaise, sa famille vient de lui rendre hommage à Dakar et entend faire rouvrir l'enquête sur les circonstances de son décès.
Quatre décennies après sa mort tragique dans des circonstances jamais élucidées, sa photo trône aujourd’hui dans la salle du musée historique de l’île de Gorée, qui fut à l’époque, lorsque le Fort d’Estrées servait de prison civile pour les détenus récalcitrants, sa cellule mortuaire. Omar Blondin Diop avait 26 ans lorsque l’administration pénitentiaire sénégalaise annonça son suicide par pendaison dans la nuit du 10 au 11 mai 1973.
Le parcours de ce jeune Normalien subversif promis à un brillant avenir éclaire un pan méconnu de l’histoire sénégalaise post-indépendance. Au lendemain de l’ébullition soixante-huitarde, qui lui avait fait côtoyer Daniel Cohn-Bendit à Nanterre, Omar Blondin Diop joua une part active dans les années de braise qui allaient voir de jeunes intellectuels sénégalais idéalistes, pétris d’influences panafricanistes et maoïstes, affronter – en recourant parfois à l’action violente – le régime francophile du président-poète Léopold Sédar Senghor.
Porte-parole de la famille, le Dr Dialo Diop, médecin biologiste aujourd’hui âgé de 62 ans, a partagé la cause de son frère aîné, subissant comme lui l’incarcération et la torture. Il revient sur le parcours tumultueux de cet « esprit libre » dont la mort prématurée entraînera la libération de tous les prisonniers politiques alors détenus au Sénégal.
Pourquoi avoir attendu le quarantième anniversaire de la mort de votre frère aîné pour lui rendre cet hommage ?
Dr Dialo Diop : La Charte du Mandé, qui date du XIIIe siècle, affirme que « les mensonges qui ont vécu 40 ans doivent être considérés comme des vérités ». Le mensonge d’État portant sur la mort tragique de notre frère Omar ne pouvait devenir une vérité définitive, d’où ce devoir de soulever la question avant l’échéance fatidique. Cela s’est fait dans le cadre d’un forum de témoignages qui s’est tenu sur le campus de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad), à Dakar, à la veille de la date anniversaire de sa mort. Le lendemain, une plaque commémorative a été inaugurée dans son ancienne cellule, sur l’île de Gorée.
De quel mensonge parlez-vous ?
Celui qui a consisté à faire passer les violences physique qu’il a subies pour un suicide. C’est cela que nous qualifions de mensonge d’État. Placé au quartier disciplinaire, Omar avait droit à une promenade quotidienne de quinze minutes. Ce jour-là, le gardien lui a demandé de rentrer avant la fin de ce quart d’heure, ce qu’il a refusé. Trois « matons » lui sont tombés dessus et un coup de matraque l’a touché à la région bulbaire. La main courante rédigée ce jour-là par l’infirmier, chef de poste de l’île de Gorée, préconisait l’évacuation immédiate d’Omar vers le pavillon spécial de l’hôpital Le Dantec. Mais les personnels pénitentiaires ont paniqué et organisé la mise en scène de sa pendaison avec un drap. La version officielle prétend qu’il était drogué et que son sevrage forcé l’a amené à mettre fin à ses jours dans sa cellule.
Qu’est-ce qui lui était reproché ?
La condamnation d’Omar est liée à la mienne. Le 15 janvier 1971, avec plusieurs camarades, nous avions incendié le Centre culturel français de Dakar et le ministère des Travaux publics. Nous protestions contre les travaux d’aménagement de la capitale en prévision de ce que nous appelions « la tournée du suzerain Pompidou auprès de ses vassaux africains ». Le 3 février, jour de l’arrivée du président français, nous avons par ailleurs tenté de lancer des cocktails Molotov sur le cortège officiel. Nous appartenions à un groupe anti-hiérarchique et antiautoritaire qui se réclamait à la fois des Black Panthers et des Tupamaros uruguayens. Nous étions complètement immatures politiquement : j’avais 19 ans et le plus âgé du groupe en avait 25. Nous en avons payé le prix. J’ai été condamné aux travaux forcés à perpétuité. En prison, j’ai été torturé à l’électricité sur les instructions d’un assistant technique français de la police, ancien d’Algérie.
En quoi cette condamnation fut-elle à l’origine de celle d’Omar ?
Scandalisés par la disproportion du verdict, lui et ses camarades ont tenté d’organiser notre évasion. Depuis le Mali, ils ont pris contact avec moi, mais je les en ai dissuadés. C’était un risque inutile, la prison étant une passoire. Je leur ai donc suggéré de m’envoyer de l’argent pour l’opération et de nous attendre en Guinée. Mais à la veille d’une visite officielle de Léopold Sédar Senghor, le régime malien a procédé à l’arrestation de tous les réfugiés politiques sénégalais en exil à Bamako. Dans la poche d’Omar, ils ont trouvé ma lettre, ce qui lui a été fatal. Lui et ses camarades ont été extradés vers le Sénégal. Condamné à 3 ans de prison en mars 1972, Omar a pris ma place à Gorée ; quant à moi, j’ai été déporté à Kedougou, où étaient déjà détenus l’ancien premier ministre Mamadou Dia et son ministre Valdiodio Ndiaye.
Quels fondements idéologiques vous ont fait opter pour l’action violente face au président Senghor ?
Ceux du panafricanisme. Nous étions au début des années 1970 et une bonne partie du continent était toujours sous la botte du colonialisme direct ou de régimes fantoches liés à l’ancienne métropole. Or, de la Guinée Bissau à l’Angola en passant par le Mozambique, le gouvernement sénégalais soutenait la tutelle coloniale au détriment des mouvements de libération. Avec d’autres régimes du pré-carré français, le Sénégal a soutenu le renversement de Modibo Keïta au Mali, l’isolement de Sekou Touré en Guinée, l’assassinat d’Olympio au Togo, la guerre contre l’UPC au Cameroun, tout en prônant le dialogue avec le régime sud-africain ou en s’opposant aux sanctions contre la Rhodésie.
Les circonstances de sa mort ont-elles fait l’objet d’une plainte à l’époque ?
Mon père a porté plainte pour homicide auprès du doyen des juges d’instruction. Le magistrat a pu consulter la main courante faisant état de la demande d’évacuation d’Omar et il a inculpé trois policiers. Dans la semaine qui a suivi, il a été relevé de ses fonctions et son remplaçant s’est empressé de rendre un non-lieu général. Finalement, c’est notre père qui sera la seule personne condamnée dans cette affaire, pour propagation de fausses nouvelles.
Nous venons de saisir la justice sénégalaise d’une demande de réouverture du dossier pour faits nouveaux. Le combat que nous menons est un combat de principe contre l’impunité, qui est une incitation à la récidive. Il est de notre devoir de faire la lumière sur ce drame. Nous le devons à nos parents aujourd’hui disparus et à la mémoire de notre frère.
Article datant de mai 2013
par Aboubacar Demba Cissokho
QUAND OMAR BLONDIN DIOP MOURAIT EN DÉTENTION
Au vu de son engagement et de ses prises de position, il était devenu le symbole d’une génération de refus d’une politique néocoloniale, un acteur majeur de l’agitation politique et syndicale alors en cours depuis 1968
Le 11 mai 1973, survenait, à Gorée, la mort en détention d’Omar Blondin Diop, jeune opposant à la politique ‘’pro-occidentale’’ et ‘’antipopulaire’’ du pouvoir de Léopold Sédar Senghor, et porteur d’un idéal révolutionnaire, d’idées d’égalité entre tous. Il avait 26 ans.
Le 14 mai 1973, le quotidien gouvernemental Le Soleil, reprenant le communiqué de l’administration pénitentiaire, écrit : « La commission de surveillance des prisons (…) a constaté que le détenu Oumar Blondin Diop s’était donné la mort par pendaison dans sa chambre, aux environs de deux heures du matin ».
Diop est mort dans sa cellule, à la prison centrale de Gorée où il avait été interné, depuis sa condamnation, le 23 mars 1972, à trois ans de réclusion, pour « atteinte à la sûreté de l’Etat »,par un Tribunal spécial. Le journal Le Soleil relayait la version officielle du suicide, alors qu’une partie de l’opinion nationale et internationale penchait plutôt pour la thèse de l’assassinat d’un jeune homme engagé dans le combat pour la libération de l’Afrique.
« Omar Blondin Diop a été assassiné »
Au cours d’un forum de témoignages sur ‘’Omar Blondin Diop : 40 ans après’’, organisé le 10 mai 2013 à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), le Dr Dialo Diop, homme politique et frère cadet du défunt, avait soutenu que la version officielle servie par les autorités gouvernementales sénégalaises ne correspondait pas à la vérité.
« Ce n’est pas exactement la vérité. Blondin Diop ne s’est jamais suicidé. Nous croyons fortement à la thèse de l’assassinat. Toute mort en détention doit être considérée comme un crime jusqu’à la preuve du contraire », avait-il dit au cours de cette rencontre organisée à la veille de la commémoration des quarante ans de la disparition de Blondin Diop, et qui avait réuni plusieurs intellectuels, des députés et des membres du gouvernement.
« Il y avait un rapport d’autopsie qui a cautionné la thèse du suicide, mais il y avait surtout un contre-rapport d’autopsie fait par le père de Blondin Diop qui était médecin pour démonter le certificat (de genre) de mort par suicide. Le moment est venu pour dire la vérité aux Sénégalais », a insisté Dialo Diop.
Le ministre d’Etat Amath Dansokho était allé plus loin. « C’est tellement clair comme de l’eau de roche dans ma tête : Omar Blondin Diop a été assassiné. Il a été tué parce que les autorités de l’époque étaient convaincues que par son intelligence il pouvait faire partir le système », avait-il déclaré.M. Dansokho, un leader historique de la gauche sénégalaise, avait plaidé pour la réhabilitation du défunt intellectuel. « Un devoir de mémoire s’impose. Il faut une initiative allant dans le sens d’une reconnaissance nationale. Des établissements, des rues et pourquoi pas des universités, doivent porter le nom d’Omar Blondin Diop », avait-il estimé.
Omar Blondin Diop, au vu de son engagement et de ses prises de position politiques, était devenu le symbole d’une génération de refus d’une politique néocoloniale, un acteur majeur de l’agitation politique et syndicale alors en cours depuis 1968. La thèse officielle selon laquelle le jeune gauchiste s’est donné la mort « par pendaison », est contestée par le père de la victime, le médecin Ibrahima Blondin Diop, qui avait porté plainte à l’époque pour « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort et pour non-assistance à personne en danger ».
« Il faut que la vérité se rétablisse au nom de la lutte contre l’impunité. Blondin Diop a été victime de l’opacité d’un système. C’est une figure intellectuelle et politique qui mérite d’être réhabilitée », avait pour sa part dit l’historien Babacar Diop dit Buuba Diop, enseignant à l’UCAD, au cours du forum de témoignages sur ‘’Omar Blondin Diop : 40 ans après’’.
Exclu de l’Ecole normale supérieure pour « activités subversives »
Dans son essai intitulé Sénégal notre pirogue (Présence Africaine, 2007), Roland Colin, directeur de cabinet du président du Conseil Mamadou Dia (1957-62), raconte qu’Omar Blondin Diop avait reçu, en détention, la visite de Jean Collin, ministre de l’Intérieur, avec lequel il eut une altercation. « Le ministre de l’Intérieur, a-t-on su en fin de compte, aurait donné l’ordre au gardien de le châtier. Le lendemain, il fut retrouvé pendu dans sa cellule », écrit Roland Colin.
Le juge d’instruction Moustapha Touré, qui avait inculpé les trois gardes de la prison de Gorée pour meurtre, fut relevé de ses fonctions et dessaisi du dossier. « Mohamed (un autre des frères Blondin Diop) a été le premier à dire qu’il n’y avait pas de suicide et que son frère avait été battu à mort. Oumar Blondin gémissait, soupirait, d’après les déclarations de son frère », soutient Moustapha Touré. Alors que des voix soutenaient qu’Omar Blondin Diop a été inhumé en catimini au cimetière des Abattoirs sur la Corniche-Ouest, le ministre de l’Information Daouda Sow signalait, lors d’une conférence de presse, que le défunt a été « enterré samedi (12 mai) en présence de son père et de ses parents proches ». En éludant toute polémique sur le lieu de la sépulture, resté incertain sans doute pour empêcher toute vénération de l’icône disparue.
Issu de la moyenne classe sénégalaise d’après indépendance, Omar Blondin Diop est né le 18 septembre 1946 à Niamey, au Niger. Admis à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, il était une figure en vue de la contestation étudiante de mai 1968 à Paris, en tant qu’adjoint de Daniel Cohn-Bendit, animateur du ‘’Mouvement du 22 mars’’, une organisation étudiante antiautoritaire et d’inspiration libertaire, fondée dans la nuit du vendredi 22 mars 1968 à la faculté de Nanterre.
Ce mouvement regroupait des anarchistes, des situationnistes, des trotskistes, entre autres. Daniel Cohn-Bendit en était la personnalité la plus médiatisée. Ses membres considéraient que ce ne sont pas les organisations qui doivent diriger les luttes, mais la lutte qui doit se doter de sa propre organisation autonome par rapport aux partis et aux syndicats. Omar Blondin Diop prend une part active à la campagne électorale du trotskiste Alain Krivine, responsable de la Ligue communiste, et participe aussi aux événements de Mai-68 en France. Pour « activités subversives », il est exclu de l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud et expulsé de France, en 1969.
« Travailler à promouvoir le processus révolutionnaire »
À Paris, le jeune activiste politique avait rencontré Jean-Luc Godard pour qui il joue son propre rôle dans La Chinoise, en 1967. Dans ce film, cinq jeunes gens passent leurs vacances d’été dans un appartement qu’on leur a prêté : Véronique, étudiante en philosophie, Guillaume, acteur, Kirilov, peintre venu de l’ex-Union soviétique, Yvonne, paysanne, Henri, scientifique proche du Parti communiste français.
Ensemble, ils essaient de vivre en appliquant les principes de Mao Zedong. Leurs journées dans cette retraite sont une succession de cours et de débats sur le marxisme-léninisme et la Révolution culturelle. Véronique projette alors d’assassiner un dignitaire soviétique de passage à Paris. Pendant l’hivernage 1969, Landing Savané et Omar Blondin Diop rentrent à Dakar pour « travailler à promouvoir le processus révolutionnaire », rappelle une note publiée en septembre 2011 sur le site Internet de And Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (AJ/PADS). Le premier a terminé ses études et travaille à la Direction de la statistique comme chef de division, le second a décidé de suspendre les siennes. Avec leurs amis, ils avaient créé le Mouvement des jeunesses marxistes léninistes (MJML), en 1970.
Le ministre de l’Information, Daouda Sow, signalait, lors d’une conférence de presse, le 15 mai 1973, que le président Senghor était intervenu « personnellement » et « avec insistance auprès du président de la République française (Georges Pompidou) », pour faire lever la mesure d’exclusion et d’expulsion qui frappait Omar Blondin Diop.
« Malgré la réticence des autorités françaises, le chef de l’Etat devait avoir satisfaction », expliquait M. Sow, précisant qu’Omar Blondin Diop avait pu retourner en septembre 1971 en France, « comme boursier du Sénégal », et réintégrer l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud. Dans ses activités, le MJML, son mouvement, essayait de s’implanter en milieu paysan dans les régions périphériques et dans le bassin arachidier ainsi que dans certaines grandes zones ouvrières (Thiès, Taïba, Richard-Toll, notamment). C’est ainsi qu’il réussit à faire échouer la campagne d’explication de la politique de jeunesse de l’Union progressiste sénégalaise (UPS).
‘’Les suicidésdu président Senghor’’
Plusieurs ruptures interviennent au sein du mouvement maoïste, en 1972. Il y a notamment celle entre le groupe animé par Omar Blondin Diop, tenant des orientations qualifiées de « gauchistes », et celui de Landing Savané, partisan d’une « ligne de masse maoïste authentique basée sur une action politique, moins spectaculaire mais plus féconde, de liaison avec les masses ouvrières et paysannes », relève le site Internet d’AJ/PADS (septembre 2011). Landing Savané forme le groupe Reenu-Rew. Les frères Blondin Diop, eux, quittent le MJML pour créer le Comité d’initiative pour une action révolutionnaire permanente (CIARP).
Dans un article critique titré ‘’Les suicidésdu président Senghor’’, l’hebdomadaire socialiste L’Unité, (n°65, 18-24 mai 1973), note que le Sénégal est « un grand pays qui garde depuis 10 ans en prison Mamadou Dia », ancien président du Conseil (1957-62). Le journal ajoute : « Léopold Sédar Senghor est un ancien élève de l’Ecole normale supérieure, un poète de la négritude, un ami personnel de Georges Pompidou et un chaud partisan de la coopération avec la France. Mais on meurt dans ses prisons, comme en Espagne. Et ceci nous importe plus que cela ».
En 1971, plusieurs militants et sympathisants maoïstes avaient été arrêtés à l’occasion des grèves scolaires et universitaires. Des étudiants furent exclus de l’Université de Dakar pour faits de grève et résistance violente aux autorités. Le pouvoir exclut aussi de jeunes militants de gauche comme Marie Angélique Sagna, Amadou Top, Abdoulaye Bathily, Mamadou Diop ‘’Decroix’’. Il décide de l’intégration forcée dans l’armée des garçons exclus.
A propos des conséquences politiques de la mort d’Omar Blondin Diop, le linguiste et intellectuel de gauche Pathé Diagne soutient qu’elles seront « très importantes, mais fort peu connues », soulignant l’émoi que l’événement tragique « jeta sur l’opinion internationale fortement remuée par ses amis de l’extérieur ».
Dans son essai intitulé Léopold S. Senghor ou la négritude servante. De la francophonie au Festival panafricain d’Alger. Trente ans après (L’Harmattan, 2006), Diagne relève que « cette mort amena à mobiliser Cheikh Anta Diop et Abdoulaye Ly, par le biais de Amath Bâ, ancien président de la FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France), pour voir, avec les partisans de Mamadou Dia, comment obliger Senghor à démocratiser le régime ». « C’est là l’origine du Rassemblement national démocratique », le dernier parti politique fondé en 1976 par le savant sénégalais Cheikh Anta Diop, qui était un ami intime d’Ibrahima Blondin Diop, père d’Omar Blondin.
« La lutte continue »
43 ans après la mort d’Omar Blondin Diop, sa famille n’entend pas renoncer à l’établissement de la vérité sur les circonstances exactes de sa disparition. « La lutte continue, parce que, c’est le plus élémentaire des devoirs que nous avons vis-à-vis de notre frère et de notre famille dans son ensemble. Pour nos parents, cette mort brutale et imprévue en prison a eu des conséquences dévastatrices sur eux », a indiqué Dialo Diop, précisant que trois ans après la commémoration du quarantième anniversaire, « d’un point de vue judiciaire, la procédure en est au même point ».
Selon Dialo Diop, « malgré plusieurs échanges de correspondances avec le garde des Sceaux de l’époque, Mme Aminata Touré, et puis son successeur, Me Sidiki Kaba – qui, tous deux, ont répondu aussi bien à mon courrier personnel qu’aux correspondances par ministère d’avocat – la décision n’est toujours pas prise d’ordonner au procureur de la République de rouvrir ce dossier ». « Or, plus le temps passe, plus non seulement les acteurs directs, mais aussi les témoins de ce drame disparaissent les uns après les autres », ajoute-t-il, relevant qu’au moment de la commémoration des 40 ans, l’un des assassins présumés d’Omar, le garde pénitentiaire Néré Faye, aujourd’hui décédé, avait accordé une interview au journal dakarois Le Quotidien, le jour même de l’apposition de la plaque commémorative à l’ancienne prison de Gorée devenue musée historique.
La peur des senghoristes
Dans cet entretien, rappelle Dialo Diop, « il (Néré Faye) persistait, signait, récidivait dans la propagation des mensonges d’Etat sur cette affaire. Il en rajoutait même. C’est d’ailleurs suite à cette interview que nous avons décidé d’engager une procédure – non pas en révision, puisqu’il n’y a même pas eu de procès – mais de réouverture du dossier ».
A propos des réticences des pouvoirs publics à répondre positivement à la demande de la famille de rouvrir le dossier sur la mort d’Omar Blondin Diop, il a dit qu’on ne peut émettre que des hypothèses. « Mais on est obligés de constater qu’il a fallu quarante ans et deux présidents ayant succédé à Senghor avant que le troisième nous accorde l’apposition de cette plaque mémorielle (à Gorée) », a-t-il indiqué. « Même si le président Macky Sall, par l’intermédiaire de son ministre de l’Enseignement supérieur, nous a accordé cette autorisation, c’est après moult tergiversations, et en particulier quand ils ont été rassurés sur le contenu de l’inscription qui allait figurer sur la plaque », a poursuivi Dialo Diop, pour qui, « les senghoristes veillent avec vigilance et fermeté à ce que l’image de leur mentor, Léopold Sédar Senghor, ne soit pas écornée ».
« Ils veillent à ce que d’éventuelles révélations sur l’assassinat d’Omar ne viennent finir de salir la soi-disant belle mémoire de Senghor dans ce pays. Croyez-moi, elle est loin d’être aussi immaculée qu’on veut nous le faire croire », a conclu Dialo Diop, par ailleurs secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), dernier parti politique fondé par l’historien et homme politique sénégalais Cheikh Anta Diop (1923-1986).
Héritage en plusieurs lieux
Le sociologue Alioune ‘’Paloma’’ Sall, évoquant les souvenirs de son compagnonnage avec Omar Blondin Diop, les a analysés sous l’angle de l’échec de l’extrême gauche à transformer la société. « L’extrême gauche a été victime de l’air du temps, des changements qui affectent la scène politique mondiale, etc. Mais elle a été aussi victime, je dirai, de l’idéalisme et de la sincérité de ses animateurs », dont Omar Blondin Diop, a souligné Sall, qui a passé les 400 derniers jours de liberté avec lui. « Nous n’avions absolument pas une volonté de pouvoir. Et on s’est interdit de nous poser la question de savoir comment nous allions nous structurer et exister comme force politique », nous a-t-il déclaré lors d’un entretien exclusif le 6 mai dernier à Dakar.
Interpellé sur l’héritage d’Omar Blondin Diop, il poursuit : « Si on devait trouver aujourd’hui des héritiers à Omar Blondin Diop – je pense qu’il serait effaré qu’on puisse penser en ces termes-là, parce que ce n’était pas du tout un homme de pouvoir – on ne les trouverait pas dans un seul lieu, puisque Omar était un être multidimensionnel : il pouvait passer beaucoup de temps à discuter de musique et de l’économie politique du bruit ou d’autre chose. Et la minute d’après, se mettre à disserter sur Hegel dans le texte, parce qu’il lisait l’allemand, etc. Et, la minute suivante, se comporter comme un vrai comédien, faire rire des enfants ».
« Ce n’était pas du tout un personnage figé, résume Alioune »Paloma » Sall, fondateur à Johannesburg de l’Institut des futurs africains et spécialiste de la prospective à l’échelle du continent. Je le vois mal figé quelque part. Je ne sais pas ce qu’il serait devenu, mais je pense que les multiples facettes de sa personnalité auraient pu en faire un être à l’aise dans plusieurs milieux. Contestataire, sans doute. Et je pense qu’il le serait resté, parce qu’il aimait ça. »
UN DOCUMENT INÉDIT DE SENGHOR
Le poète raconte dans un rapport son internement au sein des camps de troupes coloniales de 1940 à 1942
Le Monde Afrique |
Benoît Hopquin |
Publication 10/05/2019
Un jour de l'été 2010, aux Archives nationales, Raffael Scheck tombe sur ce qu'il ne sait pas encore être une pépite, de celles qu'espèrent un jour dénicher les historiens qui remuent, creusent et tamisent les montagnes de documents. Le chercheur, citoyen allemand à l'humeur vagabonde, ayant vécu en Israël et en Suisse avant de poser son sac aux Etats-Unis, à l'Université Colby (Maine), travaille alors sur les camps de prisonniers coloniaux entre 1940 et 1945. Il prolonge ainsi ses recherches sur le sort des tirailleurs sénégalais pendant la campagne de France, en mai-juin 1940, et leur massacre par l'armée allemande, largement oblitéré dans l'histoire de la période et sujet de son livre Une saison noire (Taillandier, 2007).
Impeccable francophone, Raffael Scheck est en train de passer au crible les fonds de la mission Scapini, un service diplomatique qui inspectait les stalags. Il y découvre le rapport dactylographié de sept pages émanant d'un anonyme qui vient de sortir d'un internement dans les camps de troupes coloniales de Poitiers et de Saint-Médard-en-Jalles (Gironde).
L'homme parle à la première personne. Il est instruit, ce qui est d'autant plus précieux, pour les autorités de l'époque, que les tirailleurs sont souvent illettrés. Le responsable qui recueille le témoignage signale que le témoin est "professeur agrégé dans un lycée de Paris". Un agrégé d'origine sénégalaise ? Il n'y en a guère à l'époque. A vrai dire, il n'y en a même qu'un : Léopold Sédar Senghor (1906-2001). Après presque un an de vérifications, Raffael Scheck est aujourd'hui persuadé d'avoir déniché un texte inédit du poète, académicien et futur président du Sénégal.
L'enfant de Joal est alors installé en France métropolitaine. Il a déjà lancé et enterré, avec le Martiniquais Aimé Césaire (1913-2008), le Guyanais Léon-Gontran Damas (1912-1978) et quelques autres, l'éphémère revue L'Etudiant noir, où éclôt le concept de "négritude", c'est-à-dire l'idée d'un destin commun, de valeurs culturelles partagées liées au fait d'être noir.
Cette idée prend toute sa valeur quand la guerre est déclarée : bien que naturalisé français, Senghor se trouve enrôlé comme simple fantassin dans un régiment d'infanterie coloniale. Il est fait prisonnier par les Allemands le 20 juin 1940 à La Charité-sur-Loire. Plus tard, il racontera comment il faillit être exécuté en raison de sa couleur de peau, avec des tirailleurs, ne devant sa survie qu'à l'intervention d'un officier français qui en avait appelé à l'honneur militaire de son homologue allemand. Senghor est ensuite envoyé dans plusieurs camps temporaires avant d'être interné à Poitiers, où démarre le récit.
Le document inédit raconte le quotidien du prisonnier, le vécu des soldats noirs enfermés. Dénuées de qualité littéraire, ces lignes arides, parfois télégraphiques, n'en sont pas moins précieuses pour appréhender l'oeuvre de Senghor. Jusqu'à la guerre, le Sénégalais est en effet un poète qui se cherche. Il tâtonne dans l'obscurité, tourne en rond, déprime tandis que son ami Aimé Césaire a déjà écrit son Cahier d'un retour au pays natal (1938), et Léon-Gontran Damas, Pigments (1937). Pour lui, la lumière viendra de l'expérience des camps. L'intellectuel y côtoie et défend contre l'arbitraire ses voisins muets, infériorisés. Il tire de leur sacrifice un magnifique recueil, Hosties noires, écrit pendant la guerre. "Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main/ chaude sous la glace et la mort/ Qui pourra vous chanter si ce n'est votre frère d'armes, votre frère de sang ?" Il rêve : "Notre noblesse nouvelle est non de dominer notre peuple, mais d'être son rythme et son coeur/ Non de paître les terres, mais comme le grain de millet de pourrir dans la terre/ Non d'être la tête du peuple, mais bien sa bouche et sa trompette." Il sera finalement les deux, la tête, comme chef d'Etat, et sa bouche, comme poète.
Dans les camps, Senghor s'est enfin trouvé. Or, "il y a des liens étroits entre ce rapport de captivité et quelques poèmes de Senghor dans Hosties noires", estime Raffael Scheck. Au-delà de son intérêt historique, ce témoignage d'une oeuvre en gestation fait la valeur du document.
Article publié le 16 juin 2011
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L'ENGAGEMENT POLITIQUE SOUS SENGHOR
Eugénie Aw revient sur son parcours de militante maoïste, son immersion dans le monde ouvrier et le travail d'alphabétisation politique qu'elle menait auprès des masses au début des années 1970 au Sénégal
Eugénie Aw revient sur son parcours de militante maoïste, son immersion dans le monde ouvrier et le travail d'alphabétisation politique qu'elle menait auprès des masses au début des années 1970 au Sénégal. Son histoire familiale n'est pas pour rien dans cet engagement.
Elle décrit ce qu'est la clandestinité à l'époque, ce qu'elle implique pour les militants comme sacrifices, les risques encourus.
La vague d'arrestation de 1975 à la suite de la saisie du journal XAREBI (La lutte), les interrogatoires des prisonniers, le procès qui suit et ce qu'il dévoile, permettent de mettre au jour une réalité peu connue de la vie politique sénégalaise des années 1970.
par l'éditorialiste de seneplus, alymana bathily
DU BON USAGE DU PREMIER MINISTRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Macky est un solitaire qui ne doit se sentir à l’aise avec aucun Premier ministre, pas même avec un homme aussi effacé que Dionne - Ce n’est certainement pas un bon augure pour ce quinquennat
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 29/04/2019
Comment comprendre la suppression du poste de Premier ministre annoncée par le président de la République après sa réélection avec 58% des suffrages alors qu’il n’en avait soufflé mot de toute la campagne électorale ?
En fait depuis l’indépendance, tous les présidents de la République, à l’exception notable du président Abdoulaye Wade, ont tour à tout supprimé et recréé ce poste. Pour différentes motivations et avec des objectifs politiques propres à chacun d’entre eux.
Remontons à la source, à la fondation même du poste tel que nous le connaissons aujourd’hui.
La Constitution adoptée à l’indépendance du Sénégal en 1960, établissait le partage du pouvoir exécutif entre un président de la République « gardien de la Constitution. (qui) assure la continuité de la République et le fonctionnement régulier de ses institutions... garant de l’indépendance nationale, (qui) préside le Conseil des Ministre » et un Premier ministre qui « détermine et conduit la politique de la Nation ; il dirige l’action du gouvernement. Il est responsable de la défense nationale. Il dispose de l’Administration et de la force armée … »
C’est cette dyarchie de l’Exécutif précisément qui est la source de ce qu’on a souvent présenté sous le terme de « conflit Dia/Senghor » pour en escamoter le véritable sens.
Il s’agit en réalité, on le sait maintenant, de témoins de première main[1], d’un coup d’état, perpétré le 12 Décembre 1962, non pas par M. Mamadou Dia, comme on a voulu nous le faire croire d’emblée, mais bien par le président de la République d’alors, M. Léopold Sédar Senghor contre le Premier ministre (ou plutôt le président du Conseil, selon l’appellation de l’époque).
Il faut s’arrêter sur cet événement. Non seulement parce qu’il est fondateur du régime qui est celui dont le président Macky Sall a hérité, mais aussi parce qu’il annonce l’instrumentalisation que les présidents de la République successifs feront de l’institution du Premier ministre.
Il est d’ailleurs révélateur que sous Senghor, on forgera le terme « Primature » qui n’existait ni en France ni ailleurs dans la monde. (inventé par le grammairien-poète-président lui même ?), comme pour désigner les mots ayant un sens, autre chose que l’institution du Premier ministre telle qu’on la connait partout dans le monde.
Toujours est-il qu’après avoir fait condamner le président du Conseil, Mamadou Dia à la prison à vie (et ses coaccusés à 20 ans d’emprisonnement), le président Senghor fera adopter une nouvelle Constitution par référendum le 3 mars 1963 par… 99.5% des voix.
Le Premier ministre ne figure plus au nombre des institutions de la République.
Le président de la République exerce seul le pouvoir exécutif.
L’hyper présidentialisme est dès lors installé.
Le président « Buur ak Bummi », comme disent les wolofs.
De fait, le président Senghor régnera seul, jusqu’en 1970.
Il faudra le soulèvement et les grèves des élèves, étudiants et travailleurs en 1968, faisant suite à la « crise de l’économie arachidière », à la « récession industrielle consécutive à la balkanisation de l’AOF » et aux revendications pour « la sénégalisation des entreprises et de la main d’œuvre [2]» pour que le président Senghor réinstaure le Premier ministre et y nomme Abdou Diouf.
Et quand il démissionne en 1980, c’est à son Premier ministre, M. Abdou Diouf qu’il laisse sa place, en vertu d’un article 35 introduit à cette fin dans la Constitution. Celui-ci conserve d’abord le poste en nommant son ami d’enfance, M. Habib Thiam. Après un règne de deux ans, s’étant légitimé en quelque sorte par le suffrage universel, en se faisant élire en 1983 avec 80% des suffrages, il nomme M. Moustapha Niasse au poste le 1er janvier 1983 avec pour unique mission de le supprimer. Une réforme constitutionnelle est adoptée à cet effet par l’Assemblée Nationale dès le 29 avril 1983. Le poste de Premier ministre est effectivement supprimé.
Il ne sera introduit qu’en 1991, sous la pression du FMI, de la Banque Mondiale et de la France dans un contexte de crise économique et sociale aggravée par les tensions politiques créées par les élections présidentielles et législatives de février 1988, puis par le conflit avec la Mauritanie de 1989 à 1991.
M. Habib Thiam sera nommé au poste une deuxième fois avant d’être remplacé par M. Mamadou Lamine Loum en 1998. Le président Abdoulaye Wade lui maintiendra le poste de Premier ministre pendant les douze années de sa présidence. Il en fera même un usage immodéré. Il en usera six : de Moustapha Niasse à Souleymane Ndéné Ndiaye. Sans laisser beaucoup de marge de manœuvre à quiconque d’entre eux. Le Premier Ministre ne devant être, selon l’expression de M. Idrissa Seck, que le « jardinier des rêves » du président.
Le président Macky Sall dans ce domaine comme dans d’autres se coulera d’abord dans les habits de son prédécesseur. Il se séparera rapidement de deux Premiers ministres, Abdoul Mbaye et Aminata Touré. Il semblera par contre avoir trouvé son homme lige en Boun Abdallah Dionne, personnage lisse et obséquieux, à la manière dont Abdou Diouf l’était avec le président Senghor. Qui s’est en outre investi plus que tout autre dans la campagne pour la réélection du président. Si bien que la question demeure : pourquoi donc le président Macky Sall supprime-t-il le poste de Premier ministre maintenant qu’il s’est fait élire pour son deuxième (et dernier ?) mandat ?
C’est que le régime fondé par Léopold Sédar Senghor relève du césarisme, c'est-à-dire d’une forme de monarchisme qui donne au président de la République un pouvoir absolu. Plus que dans le présidentialisme du type de la Vème République française que le constitutionaliste sénégalais a recopié en partie seulement. Ce régime-ci entretient à dessein la confusion des pouvoirs au profit du président, précisément pour assurer sa toute puissance.
Au Sénégal, depuis Senghor, le Premier ministre n’est qu’un accessoire institutionnel que le président de la République utilise à sa guise. Ou s’en passe. Selon le caractère et la psychologie du président.
Le président Senghor était véritablement hanté par le spectre de Mamadou Dia. Si bien qu’il ne voulait surtout pas d’un Premier ministre. Ce n’est que contraint et forcé (notamment par les Français) qu’il a dû en nommer un en la personne d’Abdou Diouf. Ce dernier l’a tellement rassuré par son effacement et son apparente docilité qu’il l’a maintenu au poste pendant sept ans avant d’en faire son successeur.
Quant au président Abdou Diouf, accédant au pouvoir, par un « coup d’état légal » en fait, il s’est senti longtemps vulnérable et comme illégitime. C’est pourquoi, il avait besoin au début d’un « alter ego » qui pourrait aussi éventuellement servir de fusible. Qui mieux que son meilleur ami comme Premier ministre pour cela ? Mais ayant perdu tout complexe après son élection au suffrage universel, s’étant constitué une garde rapprochée avec Jean Collin, il supprimera le poste. Il ne le rétablira lui aussi, comme nous l’avons vu, que sur la très forte pression des « institutions financières internationales » et de la France.
Abdoulaye Wade lui, n’avait aucun complexe de ce genre en arrivant au pouvoir. Animé au contraire d’une foi de prophète, avec un égo démesuré, il était persuadé qu’il allait tout seul régler les problèmes du Sénégal et de toute l’Afrique. Avec tout juste des commissionnaires et fondés de pouvoir. C’est pourquoi il ne fera pas de fixation particulière sur le poste de Premier ministre, sauf que celui-ci n’était jamais que délégué à son service politique particulier.
Quid de Macky Sall ?
Psychologiquement le quatrième président de la République du Sénégal arrive au pouvoir dans les mêmes dispositions qu’Abdou Diouf à ses débuts. Il a donc aussi besoin de Premiers Ministres au cours de son premier mandat. Mais une fois réélu, légitimé à ses propres yeux, il se révèle tel qu’en lui-même. Il éprouve le besoin de se libérer, de s’assumer tout seul.
L’homme est un grand timide, un solitaire qui ne doit se sentir à l’aise avec aucun Premier ministre, pas même certainement avec un homme aussi effacé que Boun Abdallah Dionne. D’où sa décision de supprimer le poste de Premier Ministre. A quelles fins ?
Croit-il vraiment pouvoir réaliser ainsi les grandes réformes indispensables à son PSE, en mode « fast track », selon son nouveau slogan ?
Veut-il seulement réaliser quelques initiatives phares et à « haute valeur politique ajoutée » comme le « désencombrement de Dakar », la mendicité des enfants ? Histoire de solder son contentieux avec le peuple sénégalais et éviter que son successeur ne lui réserve le sort qu’il a lui fait à Karim Wade et à Khalifa Sall ? A moins qu’il ne pense ainsi se faire une seconde virginité politique qui crédibilisera une pétition pour un troisième mandat !
Ou s’agit il seulement de « l’égo trip » d’un homme complexé, malgré sa carrière politique fulgurante, qui a longtemps avalé des couleuvres et qui maintenant qu’il a tout gagné et n’a plus rien à perdre, veut se la jouer en homme fort ?
Le président Macky Sall aggrave ainsi en tous cas l’hyper présidentialisme qui caractérise le système politique sénégalais et qui constitue l’une des raisons des graves difficultés de développement auxquelles le Sénégal est encore confronté.
Ce n’est certainement pas un bon augure pour ce quinquennat !
[1] [1]Ousmane Camara, Mémoires d'un juge africain. Itinéraire d'un homme libre, Paris, Karthala, 2010, 312 p. (ISBN9782811103897), p. 122r
Il y’a aussi le témoignage du Général Jean Alfred Diallo ; « Mamadou Dia n’a jamais fait un coup d’état contre Senghor … l’histoire du coup d’état, c’est de la pure fabulation ».Ref : Wikipedia.
[2] Abdoulaye Bathily : Mai 68 à Dakar, éditions Chaka, Paris, 1992
PAR MOHAMED DIA
MAMADOU DIA, L’HOMME AU GRAND CŒUR
Si Sankara et Lumumba parmi tant d’autres panafricanistes ont été assassinés avec l’aide des colonisateurs, le président Dia lui a été liquidé par ses propres frères et sœurs
Anti-impérialiste, le président Dia était contre l’ordre qui était établi par d’autres dans le but de nous dominer. Sénateur puis Député avant de devenir président du Conseil de 1957 à 1962. Il sera emprisonné de 1962 à 1974 pour tentative de coup d’Etat que le Général Alfred Diallo niera trois décennies plus tard. Si Sankara et Lumumba parmi tant d’autres panafricanistes ont été assassinés avec l’aide de leurs pays colonisateurs, le président Dia lui a été liquidé par ses propres frères et sœurs sénégalais.
Président Dia
Durant ses premiers pas en tant que fonctionnaire, le président Dia fut sanctionné pour ne pas se conformer à l’habillement à l’Européenne qui leur était imposé. Il jeta le casque colonial dont le port était obligatoire pour tout fonctionnaire, au large du fleuve Sénégal. Dauphin du président Senghor, le président Dia disait qu’il se considérait comme baye fall du président Senghor prêt à tout pour lui. En voulant développer le Sénégal, il était conscient qu’il fallait des transformations structurelles et le président Dia était prêt pour les mettre en œuvre pour le décollage de l’économie sénégalaise. Il avait un plan, un modèle économique, qui n’arrangeait pas les Français pour leurs intérêts ni les politiciens qui ne remboursaient pas leurs dettes ni les marabouts qui ne voulaient pas être de simples citoyens. Le plan n’arrangeait que le Sénégal. L’égoïsme et les intérêts personnels primeront et le Sénégal perdra un de ses plus illustres fils. Ils ont sacrifié le président Dia. Le président Senghor fut convaincu par les malfrats que le président Dia, son ami de longue date préparait un coup d’état. Le président Dia sera illégalement destitué avant d’être condamné à perpétuité avec d’autres ministres. La prison de Kédougou sera leur nouvelle résidence pendant douze années. Les conditions de détention feront perdre au président Dia la vue, n’étant pas autorisé à se soigner.
Président Senghor
Le président Senghor arrangeait la France, car étant très francophone et soumis à la France et il l’a fait savoir durant son fameux discours de 1957 quand il disait que « quand les enfants ont grandi, du moins en Afrique noire, ils quittent la case des parents et construisent à côté une case, leur case, mais dans le même carré. Le carré France, croyez-nous, nous ne voulons pas le quitter. Nous y avons grandi et il y fait bon vivre. Nous voulons simplement, Monsieur le Ministre, mes chers collègues, y bâtir nos propres cases, qui élargiront et fortifieront en même temps le carré familial, ou plutôt l’hexagone France ». Le président Senghor était peu sûr de soi et cela s’est fait sentir avant l’arrestation du président Dia. Le PAI de Majemout Diop disparaitra en 1960, car il était accusé d’être à l’origine des troubles lors des élections municipales de la même année. Le parti de Cheikh Anta Diop est aussi interdit de toute activité en 1962. La même année, le président Dia est arrêté. Ne faisant plus confiance à son entourage, le président Senghor fait voter une nouvelle constitution le 3 mars 1963 qui fait de lui chef de l’Etat et du gouvernement. Il va plus loin et fait voter une autre loi constitutionnelle le 20 juin 1967 lui donnant le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale quand il veut. De quoi le président Senghor avait peur ? Son conseiller Michel Aurillac, l’un des plus grands défenseurs des intérêts français, a joué un grand rôle dans la destitution du président Dia. Il fera savoir au président Senghor que l’armée française viendra à sa rescousse si jamais l’armée sénégalaise s’inclinait du côté du président Dia.
La consolidation de l’indépendance
Une fois l’indépendance acquise, le président Dia savait qu’il fallait devenir une nation souveraine. C’est ainsi qu’il entamera les négociations pour une monnaie régionale. Il savait qu’il était impossible de développer le Sénégal avec le FCFA. D’ailleurs, c’est l’une des principales raisons de notre pauvreté malgré les milliards de notre budget, de l’aide publique au développement et des milliards du FMI et de la Banque mondiale. La monnaie est signe de souveraineté nationale selon le président Dia et elle permet d’avoir une autonomie économique totale. Pour être une nation indépendante, il faut être en mesure d’assurer son auto-suffisance alimentaire et sa sécurité nationale. C’est ainsi que le président Dia commence à négocier avec la France pour une décolonisation achevée, concernant entre autres à une indépendance économique, politique et militaire.
Quel pays indépendant ne choisit pas ses partenaires économiques ? Le Sénégal n’était pas libre de choisir ses partenaires économiques, la France était tout le temps impliquée dans notre politique économique. Le président Dia a voulu opter pour une liberté totale. Étant séduit par la politique de non-alignement, le président Dia nouera des partenariats avec les pays de l’Est et les pays arabes. La France fera tout son possible pour que le partenariat avec les pays arabes ne se développe pas en détournant les étudiants sénégalais dans d’autres pays autres que les pays arabes. Le président Dia avait en tête de son programme de développement le privé national. Sans un privé national en bonne santé, il est impossible de créer une croissance inclusive. C’est ainsi qu’il présentera un projet de loi à l’Assemblée nationale pour la création de chambres de commerce pour les différents secteurs de notre économie nationale. Il favorisera nos artisans pour les équipements des bureaux du gouvernement…
Le pouvoir de pardonner
Le président Dia, en tant que fervent musulman avait compris le verset descendu à cause d’Abu Bakr : Surate 24 Verset 22 : (..) Qu’ils pardonnent et absolvent. N’aimez-vous pas qu’Allah vous pardonne ? Le président Senghor se sentait un peu coupable de l’incarcération du président Dia. On dit souvent que la prise de conscience est le premier pas de la sagesse. Certes, Senghor demanda à plusieurs reprises au président Dia de renoncer à la politique contre sa libération, mais ce dernier lui fit savoir que la politique était un devoir et que nul ne pouvait renoncer à son devoir. Quand le président Senghor apprit que le président Dia était quasiment aveugle, sa libération devint imminente. Après douze ans de détentions dans de conditions très difficiles et la perte de sa vue, le président Dia a su pardonner au président Senghor et demanda même une audience pour le rencontrer. Senghor restait figer devant le président Dia et ce dernier lui demanda : « Tu ne m’embrasses plus Senghor » ?
Et si c'était vous, seriez-vous capable de pardonner ?
VIDEO
LA NÉGRITUDE SELON SENGHOR
L’ancien président de la République évoque à travers une interview au journaliste français Jean Antoine, sa vision de la Négritude, après 16 ans d’errance en France
Dans cette vidéo, l’ancien président de la République du Sénégal, Léopold Sedar Senghor, accorde une interview au journaliste français Jean Antoine pour évoquer sa vision de la Négritude, après 16 ans d’errance en France. Extraits.