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5 mai 2025
Opinions
Par Malang FADERA
LA CONFUSION EST FLAGRANTE AU SOMMET DE L’ETAT
Nos autorités donnent malheureusement la même signification à la charité, l’aide sociale, l’assistance sociale, l’équité sociale, la protection sociale, la politique sociale et l’action sociale.
Nos autorités donnent malheureusement la même signification à la charité, l’aide sociale, l’assistance sociale, l’équité sociale, la protection sociale, la politique sociale et l’action sociale. Même si certaines expressions sont strictement liées, chacune d’elle est appliquée dans un contexte précis avec une approche particulière.
En 2014, le gouvernement du Sénégal a initié le programme national de bourse de sécurité familial (PNBSF). Il se donne l’objectif d’octroyer à des ménages vulnérables des bourses de 25.000 FCFA par trimestre.
Dans votre exposé des motifs, vous avez mentionné au niveau du premier objectif spécifique la mise à la disposition de 250.000 familles vulnérables des bourses de sécurité familiale de 100.000 FCFA/an pour renforcer leurs moyens d’existence et capacités éducatives et productives. Au quatrième objectif spécifique vous parlez du déroulement des mécanismes de suivi pour accompagner les familles bénéficiaires de Bourses de sécurité familiale.
Le nombre de bénéficiaires est passé par la suite de 250.000 à 300.000 ménages. Ce qui veut dire qu’une enveloppe de 7,5 milliards FCFA est injectée chaque trimestre dans cette politique du tâtonnement. La meilleure des politiques sociales est celle qui projette vers une autonomisation. Il faut poser l’équation de la pérennisation du programme après ce régime. Si le successeur du Président Macky Sall ne croit pas à cette politique, que deviendraient les bénéficiaires ?
Or, si ces femmes étaient autonomes, au moins elles ne seront pas dans cette anxiété. Elles continueront tranquillement leurs activités économiques. Et vont même créer des emplois directs et indirects. Le ciblage communautaire qui devait se matérialiser par la mise en œuvre des comités de village ou de quartier pour établir des listes de ménages les plus pauvres n’a pas été fait. En lieu et place, nous avons assisté sur l’étendue du territoire à des regroupements de personnes appartenant au même parti politique pour dresser des listes soumises au comité communal de ciblage pour validation.
Le ciblage géographique et catégoriel aussi importants sont-ils scientifiquement non pas été utiles dans la mise en œuvre de ce programme dès lors que le ciblage communautaire a donné primauté au clientélisme politique. Je crie au scandale parce qu’il est inadmissible de débloquer une enveloppe de 7,5 milliards chaque trois mois dans l’assistanat au lieu d’établir un programme de politique sociale digne de ce nom. C’est de l’amateurisme inédit.
Consultez des experts si vous ne savez pas. Le pays regorge des compétences spécialisées dans ce domaine. Il faut faire une évaluation sans complaisance de l’impact du programme dans la vie des allocataires. Vous verrez qu’elles vivent toujours dans la précarité et dans la vulnérabilité. Le paradoxe dans votre démarche est que vous ne savez pas qu’on ne préserve pas la dignité d’une personne dans la perpétuelle assistance.
La meilleure solution était de diminuer le nombre de bénéficiaires et former chaque année des femmes et des jeunes en entreprenariat. Pour cette enveloppe de 7.5 milliards, 5000 jeunes ou femmes peuvent bénéficier des financements de 1.5 millions chaque trois mois. Donc dans l’année, ce programme peut financer 20.000 jeunes ou femmes à une somme supérieure à un million chacun. Alors, pour un mandat de 5 ans, 100.000 jeunes pourront devenir de grands entrepreneurs.
A partir de ce moment, le quatrième objectif spécifique cité plus haut serait vivement nécessaire. Je m’indigne encore quand je vois sur le net des images de femmes que vous exposez abusivement avec la représentation «d’avant et après bourse » pour essayer de montrer l’utilité du programme. Ces images ne sont même pas floutées. Et probablement, vous n’avez pas l’autorisation de les publier. Vous avez juste profité de leur situation misérable. Dans certains cas, vous mentionnez clairement le prénom, nom, âge et lieu d’habitation d’un bénéficiaire et mettre son témoignage.
Bref, toute sa filiation. Non, vous n’avez pas ce droit. La démarche scientifique exige le codage. C’est comme si les superviseurs n’ont jamais écrit de mémoires de fin d’études. On n’érige pas le dilettantisme en règle de gouvernance. À lire certains témoignages, on a l’impression qu’il n’y a pas de vie sans la bourse de sécurité familiale. Ce qui m’amène à poser la question si les superviseurs font usage à la transcription, à la tradition ou à l’invention ?
Malang FADERA
citoyen sénégalais, diplômé de l’Ecole Nationale des Travailleurs Sociaux Spécialisés
Par Aïssatou Sophie GALADIMA
HOMMAGE A MANSOUR KAMA
Tu t’en es allé, mon cher Tonton Mansour, comme je t’appelais affectueusement, plongeant dans un profond émoi ta famille, tes collègues et chefs d’entreprises autant que tes amis, nombreux, aussi bien dans le Gouvernement, la classe politique et la sociét
Tu t’en es allé, mon cher Tonton Mansour, comme je t’appelais affectueusement, plongeant dans un profond émoi ta famille, tes collègues et chefs d’entreprises autant que tes amis, nombreux, aussi bien dans le Gouvernement, la classe politique et la société civile qu'à l’international.
A tous et à toutes, Mansour, tu vas douloureusement nous manquer, tant étaient immenses et reconnues tes qualités humaines, professionnelles, religieuses et culturelles.
En effet, comment, à ton contact, ne pas apprécier hautement ta générosité de cœur, ton sens élevé de l’amitié, ton patriotisme, ton humilité, ta connaissance approfondie des réalités socioculturelles et économiques de notre pays, ta disponibilité et ton engagement sans faille à toujours être au service de ton peuple, notamment des plus démunis.
Autant de qualités qui avaient fait de toi un homme au commerce agréable, attachant jusqu’à l’admirable ! Cela ne nous étonne guère en tant que digne fils de la lignée maternelle ‘’YOCAM’’ de l'île aux coquillages, Fadiouth, à laquelle tu étais attachée dans toutes ses composantes et, en vrai, Guelewar, tu montrais partout ta fibre sérère.
En atteste amplement le concert d’hommages qui t'a été rendu depuis l’annonce de ton rappel à Dieu et auquel je voudrais, à mon tour, m’associer. A cet égard, me reviennent en mémoire tes faits et gestes tout comme quelques épisodes de ta vie qui ont marqué et renforcé, de leur empreinte indélébile, les liens de famille qui m’unissaient à toi. Toi qui n’avais cessé, en diverses occasions, de me prodiguer des conseils, de guider mes pas ; toi en qui je perds un oncle et un confident.
Pour preuve, tu fus le premier à qui je me suis ouverte pour m'engager politiquement auprès de mon frère et ami, le Président Macky SALL, alors Premier Ministre. Après m'avoir donné la bénédiction, tu as juste ajouté " Astou, devant toute situation, il faut toujours te rappeler d'où tu viens’’.
Tout apolitique que tu étais, tu fus mon soutien en tout point de vue. Mieux, durant les années de vaches maigres de l'Alliance Pour la République (APR), où nombreux étaient ceux qui n’osaient pas s'approcher du Président Macky SALL, tu as accepté que l'université républicaine de la COJER se tienne dans ton réceptif hôtelier, à Mbodiene, les 28, 29 et 30 septembre 2011.
Debout comme un "caïnaque" (berger en sérère) du haut de ta carrure imposante et d'une main de maître, tu as su gérer l'organisation avec discrétion devant une jeunesse engagée, effervescente et bouillonnante. Caïnaque, encore, tu l'as toujours été auprès de ta famille particulièrement auprès de tes très chères sœurs et cousines Assy, Aida, Hoyane, Clotilde, Khady, Amy ettoutes celles que je n'ai pu citer, surtout après le rappel à Dieu de tes frères Laïty et Pierre.
Repose en paix tonton Mansour ! Je ne me fais pas de doute que ce lourd héritage sera perpétué puisque tu nous avais préparés pour continuer tes belles et immenses œuvres en tant que fervent défenseur de la préférence nationale eu égard à ton patriotisme, ta foi et ton immense générosité.
Puisse Le Miséricordieux t'accueillir en Son Paradis ! Djokkodjal ! Djokkodjal Tokore Mansour, pour paraphraser Rémi Djegane DIOKH qui t’a dédié un de ses tubes. Ton maître, Bocar aurait dit ADIARAMA !
Aïssatou Sophie GALADIMA
Ministre des Mines et de la Géologie
par Nathalie Dia
HABILLONS NOS IDÉES DE VERT AFIN QUE DAKAR RESPIRE
Les questions économiques sont importantes pour le développement du pays autant que les questions d’environnement. Attribuer 10 ha de verdure à une ville-capitale qui suffoque sous le poids d’une anarchie organisée, semble, hélas, bien insuffisant
Le président de la République a, au cours d’un Conseil des ministres récent, pris la décision de rétrocéder, dans le cadre de l'initiative "Le Sénégal Vert", dix (10) hectares au projet de Parc forestier urbain de Dakar-Yoff. Cette initiative tombe à pic même si, au regard de son engagement pour l’environnement à l’échelle planétaire, le Sénégal persiste à rester mauvais élève.
La gestion des espaces verts urbains suggérée par les principes du développement durable, à savoir le principe de solidarité, le principe de précaution et le principe de participation, suppose non seulement un changement dans les pratiques, mais également une transformation du regard porté sur l’urbain.
Les questions économiques sont importantes pour le développement du pays. Mais les questions d’environnement le sont tout autant.
Dakar comme toutes les grandes capitales africaines, concentre de nombreux facteurs de dégradation de la qualité de l’air. La pollution particulaire y est trois voire cinq fois supérieures aux normes de l’Organisation Mondiale de la Santé qui l’a classé "deuxième ville la plus polluée au monde".
Les nuages de poussière, les déchets industriels, la déforestation, l’urbanisation, la vétusté d’une partie du parc automobile, l’intense circulation automobile, la pollution industrielle exposent quotidiennement les dakarois à une multitude de pathologies pulmonaires et cardiovasculaires. Il faut agir vite et bien !
Cependant, attribuer 10 ha de verdure à une ville-capitale qui suffoque sous le poids néfaste d’une anarchie organisée, me semble, hélas, bien insuffisant.
A titre de comparaison, si nous portons « un regard vert » sur Auckland, en Nouvelle-Zélande, par exemple, le ratio espace vert par habitant est de 357 m2 de verdure. Un autre exemple : Prague est la 6e ville la plus verte du monde avec 220 m2 d’espaces verts par habitant.
Avec un parc de 10 ha, chaque dakarois ne disposerait que de 0,027 m2, sur la base d’une population de 3. 835. 019 habitants en 2020. Ce ratio ne serait plus que de 0,020 m2 en 2030, si la surface des espaces verts n’est pas augmentée à cette date. Très peu avantageux, à mon humble avis, quand on sait à quel point disposer d’un environnement de qualité est devenu une exigence sociale des populations urbaines. Chaque citoyen devrait pouvoir jouir du confort, de l’esthétique et du bien-être que procure l’aménagement d’espaces verts urbains et chaque ville devrait disposer d’îlots de verdure, source de bien-être et de plaisir pour tous.
Mais qu’à cela ne tienne, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras !
Reste alors à définir quel type de parc est désiré, sous quelle forme, autant pour les pratiques de tous les jours que pour l'ambiance ressentie. Aujourd’hui, parce que l’écologie est notre affaire à tous et que nos attentes, sur ce futur parc vert, s’il voit le jour, sont fortes, je me permets, en ma qualité de citoyenne respectueuse de l’Environnement et adepte de la nature, d’apporter ma petite contribution à la construction de l’édifice.
La conception urbaine et paysagère de ce parc qui, nous l’espérons, devrait être un trait d’union entre la ville et la nature, devra à la fois être pédagogique et écologique pour le visiteur.
Cette prise en compte implique d’abord de donner un poids très important aux diagnostics géographiques, paysagers et écologiques.
Il est alors crucial que l’intégration de ce parc dans la ville se fasse en collaboration étroite avec des urbanistes et architectes de la nature, paysagistes, militants écologistes et écologues.
Le but étant de créer un équilibre entre la préservation des ressources, la protection de la biodiversité et les bonnes pratiques en matière de respect de l’environnement.
De plus, cette synergie entre les gestionnaires des espaces verts aidera à utiliser le moins possible de produits phytosanitaires et donc d’éviter la pollution des nappes phréatiques, tout en régulant la consommation en eau, et ce en choisissant des plantes locales mieux adaptées à notre climat et à notre sol.
A la composition de cet écosystème adapté pourraient s’ajouter des voies vertes et des pistes cyclables pour des balades à vélo ou des randonnées pédestres, une ou plusieurs mises en scènes aquatiques agrémentés de pergola, des espaces aménagés pour les pique-niques en famille, des parcs récréatifs pour les enfants...
La propreté et l’esthétique sont également des conditions considérées comme essentielles pour la pérennité de ce poumon vert urbain.
Au regard du chaos environnemental dans lequel nous sommes si durablement installés, la création d’un parc vert au cœur de la cité dakaroise, requiert l'expertise de planificateurs pour penser et créer une scène de jardin pittoresque et un coin magnifique de détente. Car les dakarois veulent se mettre au vert et au frais et Dakar mérite enfin de respirer !
Par Ababacar Gaye FALL
CONSACRER BAYA NDAR EN LIEU DE LA PLACE FAIDHERBE ...
Cette contribution se veut un plaidoyer pour que l’ile de Ndar soit une ville musée préservée et reconstruite pour lui redonner son lustre d’antan et la sauvegarder du péril d’une possible disparition du fait de l’élargissement continu de la brèche
Voilà que dans la foulée des vagues d’indignations nées de l’assassinat de Georges Floyd à Minneapolis, la clameur publique se projette sur la vieille ville de Ndar et particulièrement sur la figure de Faidherbe dont la statue orne la mythique place de “Baya” de Saint-Louis, lieu de rassemblement et de promenade des Ndar Ndar, cette merveilleuse terre d’ouverture née de la rencontre entre le fleuve Sénégal et l’océan Atlantique.
Déboulonner la statue de Faidherbe que l’ardeur corrosive du temps a fini par terrasser sans bruit, ou conserver en un lieu dédié cet ornement devenu peu singulier voire banalisé, est-ce là le vrai enjeu pour la résurrection nécessaire de Ndar, ce “hyper lieu” de l’hospitalité, du métissage, du brassage ethnique, culturel, religieux, social et de l’acceptation de la différence?
Cette contribution se veut un plaidoyer pour que l’ile de Ndar soit une ville musée préservée et reconstruite pour lui redonner son lustre d’antan et la sauvegarder du péril d’une possible disparition du fait de l’élargissement continu de la brèche . Elle ambitionne aussi d’inviter le conseil municipal de la ville à consacrer formellement Baya Ndar, le carrefour qui relie les quartiers du Nord et du Sud et ainsi tourner la page de la Place Faidherbe en réhabilitant le vocable par lequel les Ndar- Ndar appellent cette place si symbolique.
DU GOUVERNEUR FAIDHERBE ET DE SA STATUE : UN DEBAT DEJA BIEN DOCUMENTE
Au regard des enjeux que représente l’Afrique dans le jeu mondial, il ne manque pas des batailles plus urgentes que le parachèvement de la décolonisation de l’Afrique dans l’intérêt des communautés et peuples africains. La statue de Faidherbe à Saint –Louis ne me semble pas revêtir la place et l’importance que les activistes lui accordent subitement dans l’imaginaire des Sénégalais et en premier lieu des habitants de Saint louis. Ce monument de Faidherbe subit au quotidien, tel un supplice divin, le verdict des intempéries, celles maussades des pluies acides de nos contrées sahéliennes qui, avec la critique rongeuse du temps, l’ont dénudée, lui laissant par oxydation du bronze ou cuivre, une triste couleur vert – de - gris, expression naturelle d’une saleté crasseuse.
Dans le référentiel traditionnel de salubrité des habitants de la vieille ville : « sa tilimayou vert- de- gris, ngâ saff statue Faidherbe » («Tu es aussi sale que la teinte, vert- de- gris de la statue de Faidherbe ») n’est- elle pas une forme satyrique de mépris d’une figure que les populations de Ndar n’ont réellement jamais admirée?
Et la question légitime du citoyen Momar Guèye, depuis toujours résolument engagé dans la défense du patrimoine de sa cité, trouve toute sa pertinence: « Pourquoi donc subitement s’acharner contre une statue, objet inerte en bronze et en marbre que les Saint - Louisiens n’ont jamais vénéré, jamais honoré, jamais glorifié, jamais fêté?» Fadel Dia, un fin connaisseur de Ndar et de ses spécificités, rapporte dans son article bien documenté : « Adieu Saint –Louis, bonjour Ndar ».
L’anecdote relative à la cérémonie de jumelage Lille - de Saint Louis du Sénégal où Pierre Maurois, Maire socialiste de la ville, s’est offusqué du discours officiel de valorisation de Faidherbe le lillois par son collègue, le premier magistrat de la ville de Saint-Louis de l’époque.
Assurément la ville de Saint-Louis , écartelée entre son identité africaine et son passé colonial, n’échappe pas au redoutable dilemme de type Samba Diallo : «Il n’y a pas une tête lucide entre deux termes d’un même choix, il y a une nature étrange en détresse de n’être pas deux.» . Toujours, à la faveur des efforts de documentation du débat sur le personnage de Faidherbe, un précieux article de recherche en histoire publié en 1974 et intitulé : « Aux origines de l’Africanisme : Le rôle de l’œuvre ethno-historique de Faidherbe dans la conquête Française du Sénégal », a été fort heureusement exhumé. Pr Bathily a clarifié certains aspects du débat sur le rôle et la place de Faidherbe dans l’édification du « sanglant monument de l’ère tutélaire», dans une optique de démystification du personnage, selon sa propre expression. Il n’en reconnaissait pas moins la remarquable contribution de Faidherbe et de son régime à la connaissance du Sénégal ancien.
Dans un plus récent article de presse, le Pr Kalidou Diallo du département d’histoire de l’ UCAD est revenu, dans le même sens et avec force détails sur les cruautés du Général Faidherbe, il met en valeur quelques aspects consolidant et élargissant des recherches en sciences sociales relatives à la colonisation, confirmant ainsi le rôle de veille stratégique de « l’Ecole de Dakar » et dont la consultation des travaux de recherche universitaire doit être un préalable à tout débat sur une question de notre histoire nationale. - Nous retiendrons par ailleurs trois grandes stratégies de Faidherbe, qui ont fortement structuré sa mise en œuvre de la politique coloniale. D’abord, la création en 1856 de l’Ecole des otages qui a fourni les premiers auxiliaires africains destinés à renforcer l’appareil administratif de la colonie.
Ensuite la création en 1857 du corps des spahis qui a servi de force militaire pour les conquêtes coloniales. Enfin la création en 1857 d’un tribunal musulman reconnu par l’État colonial comme un élément central de l’appareil judiciaire colonial. La création de ce tribunal est le résultat de près d’un quart de siècle de pressions politiques exercées par la population musulmane de Saint-Louis pour que soit reconnue la charia comme moyen de régler les litiges civils entre musulmans.
LA VIE QUOTIDIENNE DES DOMOU NDAR, UN PATRIMOINE IMMATERIEL
Les faits et évènements historiques qui ont engendré à Saint Louis un melting- pot n’en resteront pas moins sacrés jusque dans leur cruauté. En effet, Saint Louis, par sa position stratégique dans le cadre d’une vaste économie mondiale marquée par le commerce triangulaire, comptabilise une première strate d’un lourd passé de traite négrière comme souligné par Jean Pierre Dozon dans son magnifique ouvrage intitulé : « Saint – Louis du Sénégal : Palimpseste d’une ville». Cette première strate temporelle de 1659 à la Révolution française, est celle du passé esclavagiste de Saint – Louis, insuffisamment assumé. En effet, selon J P Dozon, « Par un procédé d’auto-fiction rare, Saint Louis refoule les représentations de son passé esclavagiste, sa première marque identitaire. » Cet héritage ou patrimoine immatériel a été soigneusement documenté et courtoisement restitué à la mémoire de la ville, comme personne d’autre ne pouvait le faire que Abdoul Hadir Aïdara, ancien Directeur du Centre de Recherches et de Documentation du Sénégal ( CRDS). Ses fortes impressions sont minutieusement consignées, fort heureusement, sous une belle plume dans un livre intitulé : «Saint-Louis du Sénégal d’hier à aujourd’hui».
Le domou Ndar aujourd’hui interpellé c’est bien celui unique que nul mieux que Jean Pierre Dozon, cet autre Saint Louisien d’adoption, définit de manière géniale en ces termes : « cet entre-monde devenu un entre soi suffisamment consistant pour revendiquer son propre style de vie .» C’est pour la préservation de cet extraordinaire patrimoine aujourd’hui menacé que depuis 2000, l’île de Ndar est classée patrimoine mondial par l’UNESCO. Qu’implique dès lors, le devoir de préservation d’un patrimoine mondial ? La responsabilité de préservation et de gestion d’un tel héritage historique incombe à nous tous. Toutefois plusieurs défis urgents sont à relever.
REDONNER A SAINT LOUIS MENACE, LES MOYENS DE SON SITE POUR UN NOUVEL AVENIR
Il s’agit de tourner la page de Saint-Louis façonnée pour les besoins de l’expansion de la France en Afrique de l’Ouest et de nous ceindre les reins pour reconstruire ce bijou de la nature à l’image d’une belle cité toujours tournée vers l’ouverture et l’accueil de l’autre. Quelques pistes sont esquissées pour être approfondies et concrétisées par les filles et fils du Sénégal et en particulier par les Ndar Ndar:
- Une urgence signalée clignotant au rouge : Refermer la brèche: Afin de rétablir l’équilibre d’un milieu naturel agressé et fragilisé ;
- Redonner vigueur et robustesse aux infrastructures qui portent la ville notamment les ponts et travaux d’hydraulique et d’assainissement; - Lever les fonds nécessaires à la rénovation de la ville et à la restauration du patrimoine ;
- Mettre en place un large répertoire des ressources humaines ,y compris de la diaspora sénégalaise, des compétences, scientifiques et techniques, engagées pour la reconstruction, la rénovation de Ndar ; - Inventorier et restaurer le patrimoine architectural encore debout ;
- Mettre en place un dispositif de gouvernance et de gestion concertée du patrimoine sous la coordination des Ministères , institutions et instances de délibération concernées ;
- Mettre en place en accord avec l’UNESCO, un comité scientifique international pour la préservation et la fructification du patrimoine historique ; Après avoir renoué avec le génie et la tradition de bâtisseur des fondateurs de la ville qui ont vaincu plusieurs contraintes et obstacles, nous pourrons alors sans aucune pression, baptiser et poursuivre avec responsabilité et sérénité, le travail de débaptisation des anciennes rues et édifices que les différents conseils municipaux qui ont eu le privilège d’administrer la cité, ont commencé depuis longtemps.
Les ponts Servatius et de la Geôle, ne sont – ils pas respectivement devenus : Moustapha Malick Gaye et Dr. Masseck Ndiaye ? Les populations autochtones de la vieille cité ont quant à elles depuis toujours consacré les appellations respectives de « Pomu Get Ndar » et « Pomu Loodo ». Il en va de même de « Pomu Teenjigeen » en lieu et place de Pont Faidherbe, nom imposé par décision administrative de l’autorité coloniale. Ceux qui ont moins de vingt ans savent –ils que l’avenue Seydi Ababacar Sy s’appelait : André Lebon ? Il est incontestable que, la statue de Faidherbe à « Baya », avec la mention : « Au gouverneur Faidherbe, le Sénégal reconnaissant », est devenue insolite depuis, au moins le 04 Avril 1960. Cette œuvre d’art coloniale oubliée à Saint Louis par la France, fera peut-être un jour objet de demande de restitution.
En tout cas , face à l’inertie des générations, le verdict implacable du temps qui l’a mise à terre, semble avoir devancé le mouvement actuel des activistes . En réalité, le nom générique et populaire : « BAYA » désignant cette place , témoin des évènements les plus marquants de l’histoire de la ville , a été usurpé. Cette place mythique reste encore objet de convoitises multiples , au point qu’on est tenté de nous poser la question : « kou gnouye kheuthiôle Baya ? » (Qui ose disputer aux citoyens de la ville , la paternité de la place et du patronyme : BAYA ? )
La persistance du terme populaire de Bayaal ou Baya dans la mémoire collective, selon la position insulaire ou continentale, est l’expression d’une longue résilience des populations de Saint Louis à la décision de l’autorité coloniale de baptiser cette place centrale du nom de Faidherbe.
Arrivé à Saint- Louis, ville amphibie et lumineuse, que je découvris au début des années soixante dix, j’avais retenu de mon professeur d’espagnol, le talentueux Doudou Diène, cette belle phrase de grand débutant : « Los pescadores de San - Louis vivén en el barrio de Guet Ndar » (« Guet Ndar est le quartier des pêcheurs de Saint -Louis » ). Aujourd’hui que des familles entières de pêcheurs sont déplacées vers Ngallele, pour échapper à la furie de plus en plus dévastatrice et meurtrière des vagues, la belle phrase du Professeur Diène, au-delà de sa beauté sémantique, perd toute sa consistance.
A l’image du musée de la Plantation de Whitney en Louisiane qui a décidé d’immortaliser la barbarie pour mieux pardonner et avancer dans la longue route de l’HISTOIRE; faisons de l’île de Ndar, un laboratoire et un musée d’histoire coloniale du Sénégal. Musée global dont la gestion scientifique devrait revenir légitimement au Centre de Recherche et de Documentation du Sénégal (CRDS) de l’Université Gaston Berger de Saint- Louis (UGB), institution prestigieuse, et appropriée pour à héberger dans son riche musée.
par Amadou Tidiane Wone
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EXCLUSIF SENEPLUS - Des pistes de recherche auraient pu servir à préparer l’après Covid et à anticiper une éventuelle résurgence de la maladie. Au lieu de s’égarer dans des sujets bateau tels que la dette, Macky aurait fait œuvre utile pour le Sénégal
Gouverner ou régner ? Sous nos tropiques, la question ne se pose même pas ! Nos « chefs » d’Etats, même élus pour un mandat limité dans le temps, accèdent au pouvoir pour le garder. Par des tours de passe-passe de moins en moins inspirés, ils tordent le cou à la Constitution, modifient le code électoral, embastillent les opposants les plus en vue et mettent en route le rouleau compresseur de la corruption pour aplanir toutes les aspérités sur leur chemin peu glorieux. Cela tient, mais en partie seulement, d’un héritage culturel de notre passé ante-colonial. Mais il s’y ajoute que, la plupart des dirigeants africains depuis les indépendances ont une fâcheuse tendance à la jouissance du pouvoir plutôt qu’à servir les populations. Ils confondent allègrement le bien commun à leur patrimoine personnel. Ils estiment ne pas devoir rendre des comptes et vivent comme si tout leur était dû. Et c’est, essentiellement pour se garantir une impunité et protéger leurs arrières qu’ils s’accrochent désespérément au pouvoir pour ne pas finir pendus. Cette anomalie…qui se normalise ( !) est l’un des disfonctionnement majeur de nos institutions héritées de la colonisation. Théoriquement « Républiques » et « démocratiques » la plupart des États africains sont des monstres institutionnels, défigurés au gré des caprices des gouvernants du moment. Avec pour seule préoccupation la conservation à tout prix du pouvoir envers et contre tous. Cela explique que la plupart des gouvernants ne nourrissent pas de rêves grandioses pour leurs peuples. Ils se contentent, tout au plus, d’administrer la misère et de surveiller les bons points des agences de notation internationales qui les manipulent au gré des intérêts géopolitiques et économiques de leurs tuteurs occidentaux. Conséquence, même lorsque l’Afrique a des raisons de relever la tête, la paresse intellectuelle des dirigeants ne lui trouve pas les stimuli pour un nouveau départ, les leviers pour un nouvel essor. A cet égard, un seul exemple : la pandémie du Covid-19, contre toute attente, semble donner à l’Afrique, jusqu’ici, le beau rôle : alors même que des superpuissances et des grandes puissances sont à genoux, leurs systèmes de santé chahuté, leurs populations stressées, leurs économies exsangues, les pays africains semblent contenir l’expansion de la maladie. Miracle ? Forces surnaturelles ou prédispositions physiques ? Ou, tout simplement retard au démarrage ! Les dirigeants africains ne se posent pas les bonnes questions et, hélas, développent même une forme d’insouciance qui ne les met pas à l’abri d’un retour de bâton sévère.
Le sujet ici est le suivant : quelle initiative rationnelle et scientifique a été prise pour chercher à comprendre les causes réelles qui pourraient expliquer que l’Afrique ne soit pas devenu un cimetière à ciel ouvert, en dépit du dénuement voire de l’inexistence de son système de santé ? Malgré les conditions de vie désastreuses de ses populations et la porosité de ses frontières ouvertes à tous les vents ?
Voilà bien un momentum qu’aurait pu saisir le président du Sénégal, par exemple, pour réunir à Dakar une centaine de chercheurs et de spécialistes réputés à travers le monde, pour analyser, confronter les expériences, et élaborer une stratégie d’identification et de valorisation des avantages comparatifs qui nous auront protégés de la pandémie. Devons-nous cette résilience à notre environnement, à notre ADN, à nos aliments ? Des pistes passionnantes de recherche auraient pu servir à préparer l’après Covid et à anticiper sur une éventuelle résurgence de la maladie. Au lieu de s’égarer dans des sujets bateau tels que la dette africaine, le président Macky Sall aurait fait œuvre utile pour le Sénégal, l’Afrique et le monde. Il aurait permis à la science d’avancer d’un cran. Gouverner ne se réduit pas à distribuer des sacs de riz ! L’esprit et les intelligences ont aussi besoin de nourriture. En l’occurrence, l’occasion est belle et à saisir pour remotiver nos chercheurs et nos praticiens et redonner la parole à une Afrique du Savoir et de la Science.
Au demeurant, des équipes pluridisciplinaires de psychologues, d’anthropologues, de sociologues et de psychiatres devraient commencer à s’interroger sur les conséquences que ne manqueront pas d’avoir, sur notre manière de vivre ensemble, toutes les « mesures barrières » qui remettent en cause la vie à l’africaine ! Nos nombreuses cérémonies familiales et la promiscuité qui semblait en être le levain. Le Covid aura remis en question tout cela. En plus du port obligatoire du masque qui ajoute à la distanciation, il y a la peur panique de la maladie entretenue par l’OMS et les médias mainstream. Nos populations développent, de plus en plus, une forme de méfiance entre voisins qui mine profondément les fondements séculaires de nos nations. Ces mutations, qui touchent en profondeur nos manières d’être et de vivre ensemble, auront des conséquences sur notre tissu social. Il faut les anticiper, les analyser et se donner les moyens de canaliser les énergies négatives qui pourraient en découler. Gouverner, c’est prévoir...
Malheureusement, et faute de leadership inspiré, nos pays se contentent de subir les événements. Aucune stratégie communautaire de prise en charge de ces problématiques ne semble à l’ordre du jour. Par ailleurs, le « fighting spirit » indispensable pour l’identification et l’atteinte d’objectifs supérieurs n’est pas insufflé dans notre système éducatif. Le sauve qui peut est la règle. A tout prix. Changer de vie, changer sa vie et celle de ses semblables doivent devenir les moteurs de la jeunesse, les baromètres de l’excellence. Valoriser le volontariat et les travaux d’utilité publique doit donner un sens au don de soi et à l’engagement communautaire.
Aux aînés de se demander si, sur ces chantiers, les devoirs ont été rendus. Il n’est jamais trop tard pour bien faire !
Par Moubarack LO et Amaye SY
L’EMERGENCE DU SENEGAL A L’EPREUVE DE LA COVID-19, QUELS SCENARII POUR 2023 ?
La pandémie Covid-19 provoque tout à la fois un choc sanitaire terrible et une crise économique mondiale.
La pandémie Covid-19 provoque tout à la fois un choc sanitaire terrible et une crise économique mondiale. Selon le FMI, l'économie mondiale connaîtrait, en 2020, «sa pire récession depuis la Grande Dépression », dépassant celle de la crise financière mondiale de 2008-2009. Pour sa part, l’Afrique subsaharienne a enregistré au cours des 3 mois se terminant en mai 2020, un niveau de contraction de l’activité économique jamais connu.
Dans l’UEMOA, selon les estimations, la croissance économique de l’Union devrait chuter de près de la moitié pour l’année 2020. Le Sénégal subit lourdement les conséquences économiques et sanitaires de la pandémie Covid-19. Avec 10.715 cas confirmés enregistrés au 6 août 2020, les infections continuent d’augmenter jour après jour, à un rythme qui ne faiblit pas (triplement en deux mois), de même que le taux de décès qui a quasiment doublé entre le 1er juin et le 6 août 2020, passant de 1,1% à 2,08%. Et, aujourd’hui, l’incertitude est le mot qui convient le mieux pour décrire l’évolution future de la Covid-19 dans le monde en général, et au Sénégal en particulier.
Sur le plan économique, les premiers indicateurs disponibles pointent vers un fort ralentissement de l’économie sénégalaise. Pour l’année 2020, le taux de croissance du PIB projeté par le Gouvernement est fortement revu à la baisse (à 1,1%, contre 6,8% précédemment), tout en le maintenant positif, grâce aux effets attendus du Plan de résilience économique et sociale (PRES) et du Plan de relance économique qui doit être publié dans les prochains jours. Il n’empêche qu’à moyen terme, de grosses inquiétudes pèsent sur la mise en œuvre réussie de la seconde phase du PSE (2019- 2023). A cet effet, le Bureau de Prospective Economique (BPE) a effectué un travail exploratoire permettant de dessiner des scenarii d’évolutions possibles de la trajectoire d’émergence du Sénégal à horizon 2023, en identifiant les facteurs de succès associés à la dynamique la plus favorable.
De fait, cette trajectoire est tout aussi incertaine que l’est l’évolution de la situation sanitaire. Au demeurant, le diagnostic du Sénégal sur la base de la théorie et des indices d’émergence établis par Moubarack LO (Harmattan 2017) révèle qu’en 2018, le pays réalise une performance relativement satisfaisante dans l’indice synthétique d’émergence économique (ISEME) et se hisse pour la première fois dans la catégorie des pays dits « pré émergeants ».
Toutefois, la dynamique future sera tributaire du scénario sanitaire et des choix de comportement des acteurs nationaux : Etat, Secteur privé et ménages. L’analyse des comportements possibles de ces trois acteurs selon le scénario sanitaire a permis de définir des hypothèses économiques prospectives desquelles découlent trois scénarii d’émergence.
Dans Scénario 1 (« Le PSE est remis sur les rails »), le contexte sanitaire est celui du scénario vert de fin rapide de la Covid-19 au Sénégal. Il y est anticipé une croissance moyenne de 6% par an entre 2019 et 2023 (soit un taux moyen d’environ 8% entre 2021 et 2023, sachant l’acquis de 2019 et 2020) et le taux de pauvreté passerait de 37,8% en 2018 à 31,88% en 2023. Le contexte international et africain est favorable à la fois sur les plans sanitaire, économique, politique et sécuritaire. Les capacités de mobilisation des ressources et de dépenses de l’Etat sont conformes aux prévisions du PSE 2. L’investissement du secteur privé, soutenu par la mise en œuvre des réformes par l’Etat, le maintien de la motivation et de la productivité des travailleurs, renforce la dynamique enclenchée durant la phase 1 du PSE. Le score ISEME du Sénégal enregistre un bon de 6 points par rapport au celui de 2018, pour atteindre 0,57 sur un total possible de 1, permettant au Sénégal d’envisager de devenir un pays émergeant dès 2025, profitant du démarrage de l’exploitation du pétrole et du gaz. Toutes les dimensions de l’ISEME réalisent de fortes avancées.
Dans le Scénario 2 (« Le PSE est partiellement mis en œuvre »), le contexte sanitaire est celui du scénario jaune de poursuite modérée des infections et des décès liés à la Covid-19. La croissance économique moyenne ressort à 4% par an entre 2019 et 2023 et le taux de pauvreté passe de 37,8% en 2018 à 35,6% en 2023. Les capacités de mobilisation des ressources et de dépenses de l’Etat sont moyennement conformes aux prévisions du PSE 2. L’investissement du secteur privé ralentit par rapport à sa dynamique d’avant crise. Les réformes de l’Etat sont partiellement mises en œuvre et le contexte sanitaire affecte la motivation et la productivité des travailleurs. Le score ISEME du Sénégal affiche un léger progrès en 2023 (0,53 contre 0,51 en 2018) à la faveur de la hausse de performances dans les dimensions « richesse inclusive » et « transformation structurelle ».
Dans Scénario 3 (« Le PSE est déréglé »), le contexte sanitaire est celui du scénario rouge d’aggravation de la Covid-19. La croissance économique moyenne se situe à 1% par an entre 2019 et 2023 et le taux de pauvreté augmente, passant de 37,8% en 2018 à 39,2% en 2023. Les capacités de mobilisation des ressources et de dépenses de l’Etat sont faibles relativement aux prévisions du PSE 2. L’investissement du secteur privé interrompt brutalement sa dynamique d’avant crise. Les réformes de l’Etat sont faiblement mises en œuvre et le contexte sanitaire affecte fortement la motivation et la productivité des travailleurs. Le score ISEME du Sénégal affiche un recul en 2023 (0,44 contre 0,51 en 2018). Pour garantir le succès du scénario favorable (PSE remis sur les rails), les actions suivantes sont attendues :
•L’Etat devra mener un important effort d’investissement et de réformes pour permettre la matérialisation de ce scénario ;
•Dans le domaine des infrastructures, les investissements de la phase 1 du PSE devront être poursuivis pour soutenir activement et efficacement le secteur productif ;
•Dans le domaine de l’agriculture, les efforts devront être renforcés pour augmenter la productivité. Les investissements dans le domaine de l’agriculture pourraient concerner entre autres la mise en œuvre des agropoles, le renforcement des actions de modernisation du matériel agricole et des semences dans le programme agricole, la promotion de nouveaux entrepreneurs jeunes avec l’appui d’instruments de financement comme la DER ;
•Dans le secteur de l’industrie, l’Etat devra accélérer la mise en œuvre des plateformes industrielles, des agropoles et des paris industriels prévus dans la phase 2 du PSE. L’Etat pourrait envisager d’aligner les exigences d’exportations assignées aux entreprises dans les différentes Zones Economiques Spéciales et promouvoir l’import-substitution dans ces zones ;
•Dans les secteurs sociaux, l’Etat devra accentuer ses actions pour garantir une croissance économique inclusive et soutenable, en veillant à relever fortement les indicateurs dans le secteur de l’éducation et de la santé, y compris au niveau désagrégé par zone géographique et selon le genre ;
•Dans le numérique, l’Etat devra soutenir l'élargissement de l'accès et de l'utilisation des services numériques, en particulier de l'Internet haut débit, pour promouvoir l'esprit d'entreprise, l'inclusion financière et le développement d'une économie numérique inclusive ;
•En matière de réformes, le scénario favorable anticipe la mise en œuvre des réformes ambitieuses prévues dans la seconde phase du PSE. Elles porteront principalement sur l’environnement des affaires, la fiscalité, l’énergie, l’Administration publique, le système éducatif et l’économie numérique ;
•Du côté du secteur privé, l’investissement privé devra se poursuivre et renforcer sa dynamique haussière, appuyé par les reformes et les investissements de l’Etat, la croissance du financement bancaire, le dynamisme des marchés intérieurs et extérieurs, la santé et la productivité préservées des travailleurs. Cette expansion de l’investissement devra aller de pair avec une préservation de l’emploi voire sa hausse.
En définitive, le succès du PSE 2 suppose de réussir trois étapes.
La première étape consiste à sauver le tissu économique de la faillite, en lui accordant un appui rapide ciblé. Ce fut l’objet du PRES dont l’exécution a démarré en avril 2020 et qui a permis de mobiliser d’importantes ressources au niveau international ainsi qu’un moratoire pour le remboursement de la dette publique. Ces ressources ont été affectées à la santé, aux ménages et aux secteurs économiques les plus durement touchés par la pandémie.
La deuxième étape, et le deuxième temps de la stratégie économique d’adaptation à la Covid-19, va être enclenchée avec la mise en œuvre imminente du Plan de Relance qui a pour objectif de favoriser, entre 2020 et 2021, le redémarrage de l’activité économique ralentie par le choc Covid-19, en convainquant le secteur bancaire local à jouer sa part dans le financement des investissements et du fonds de roulement du secteur privé. Elle se manifestera par un taux de croissance légèrement positif en 2020 (au moins 1,1%) et au moins égal à 5% en 2021.
La troisième étape, celle du grand rebond, aura pour ambition de remettre pleinement sur pied le Sénégal sur la trajectoire de l’émergence, en portant, dès 2022, les taux de croissance économiques à des niveaux supérieurs à 8% par an sur la durée. Elle exigera de repenser le plan d’actions du PSE et de définir un « nouveau modèle de développement national » qui consolide les grands choix stratégiques à long terme du PSE, tout en identifiant de nouveaux moteurs de croissance et de nouveaux débouchés, au niveau intérieur et africain, pour les produits locaux. Ce faisant, le Sénégal aura réussi à transformer la crise Covid-19 en opportunité pour se réinventer.
Par Moubarack LO
Directeur général du Bureau de Prospective Economique (BPE)
et
Amaye SY, expert sénior au BPE
Par Moussa KAMARA
INDEPENDANCE
Tout ce que nous avons créé avec la bénédiction de l’ancien colon n’a pas été bon. Aucun de nos quatre présidents n’a jamais tenté de briser ce lien ancien avec l’ex-métropole.
De 1960 à nos jours, nous avons donc vécu indépendants ! Cette indépendance est plus pernicieuse que délicieuse. Elle nous a permis de battre monnaie, d’avoir notre étendard avec des couleurs vives, de lever des armées dignes de nos rangs et de dresser des plans économiques.
Tout ce que nous avons créé avec la bénédiction de l’ancien colon n’a pas été bon. Aucun de nos quatre présidents n’a jamais tenté de briser ce lien ancien avec l’ex-métropole. Voilà pourquoi nous avons toujours eu des camarillas au pouvoir qui n’ont fait que s’en mettre plein les poches. Voir des fonctionnaires milliardaires est plus qu’ordinaire sous nos cieux.
Toutes ces années durant, rares sont les corps à se tenir en dehors des grèves. des enseignants aux soignants, des éboueurs et balayeurs, tous réclament de meilleures conditions de vie. Tous les présidents ont choisi des ministres dociles et serviles. Avec des phrases-bateau à la bouche comme son excellence le président de la République nous a instruits de… Qu’ont fait tous ces bataillons de ministres pendant ces années d’indépendance ?
De Senghor jusqu’à Macky sall, très peu de ministres ont laissé des souvenirs indélébiles d’excellente gestion de leur département. Le sommet a été atteint sous Wade avec des ministres sans véritable envergure. Normal puisque, à l’époque, le tripatouillage des curriculum vitae frisait la démesure. Tous nos présidents nous donnent l’impression de n’être là que pour la galerie.
A part quelques réalisations aux coûts surévalués, ils puisent dans les caisses pour s’enrichir et servir les amis et proches. Et rarement sous nos cieux, ils se suffisent de deux mandats. Même grabataires ils tordent la Constitution pour demeurer éternels locataires du Palais de la République. Quand l’enseignement est au rabais et les plateaux sanitaires défaillants, tous ceux qui ont les moyens se tournent vers l’étranger. Le reste, la majorité de la population, râle et grogne. Qu’est ce qui a changé depuis soixante ans ? Le bâtiment et les véhicules à coup sûr ont transformé la capitale.
L’astuce de nos gouvernants est de laisser les gens râler de toute leur soul. Tant qu’ils ne se limiteront qu’à râler, les activistes y compris, dans le Net et la presse, rien de méchant ne leur arrivera à nos guides. Quand la presse alerte, ils démentent ou font le dos rond jusqu’à ce que la rumeur s’estompe. A ignorer toutes les menaces qui guettent leur régime, ils couvent les dangers de leur destruction. Nous avons tous vu de véritables milices opérer sans être inquiétées le moins du monde.
Certes, tout n’est pas foncièrement négatif dans ce pays où beaucoup de personnes s’en sortent bien sans l’aide de l’Etat. Pour savourer notre indépendance, il nous faut apprendre à vivre sans rien attendre de l’Etat. En n’oubliant pas de payer nos impôts et taxes qui font de nous des citoyens modèles.
par Mohamed Mbougar Sarr
PAR-DELÀ FAIDHERBE
EXCLUSIF SENEPLUS - Non seulement nous méconnaissons notre histoire, mais on ne se soucie pas vraiment de la connaître - Cette statue pose les mêmes questions que poserait, à sa place, une représentation de Lat-Dior, ou de Ndaté Yalla
Pour intéressante et nécessaire qu’elle soit, l’actuelle critique de la présence des symboles coloniaux dans notre espace public me semble elle-même, et dès maintenant, devoir être mise en crise.
Je souligne ce « dès maintenant ». C’est que je sais d’emblée que certains estiment ou estimeront que l’heure n’est pas encore à la critique interne d’un processus qui n’est pas encore achevé, et qui même, en un sens, commence à peine. Ne faudrait-il pas, comme on dit, faire chaque chose en son temps ? Hiérarchiser les actions, prioriser les gestes ? Déboulonner toutes les statues problématiques d’abord, débaptiser certains espaces dans un premier temps et, ensuite seulement, une fois retrouvé le sentiment (ou son illusion) d’une liberté souveraine de se nommer hors toute humiliation, penser à d’éventuels écueils nouveaux ?
Cet argument s’entend. Mais je lui oppose celui-ci : le problème des symboles coloniaux dans l’espace public n’est que la partie émergée d’une crise plus profonde et plus vaste : la crise du rapport qu’un peuple - le peuple sénégalais en l’occurrence - entretient avec ses symboles prétendus. Plus essentiellement, cette crise est celle de la connaissance véritable que ce peuple a des symboles qu’on lui propose. Il n’est pas dit que remplacer les symboles coloniaux actuels par des figures jugées plus authentiques signifie que la majorité de la population locale s’intéressera davantage, s’identifiera mieux, s’attachera plus à ces dernières.
Le moment que nous traversons actuellement ne me paraît donc pas être un simple préalable à un temps qui serait moins problématique quant à notre rapport aux figures historiques. Tragiquement, ce moment interroge déjà (ou encore) notre connaissance réelle de notre histoire. Et le constat est accablant : non seulement la méconnaît-on, mais encore est-il permis de penser qu’on ne soucie pas vraiment de la connaître.
Mais d’une perspective épistémique, c’est-à-dire sur le seul plan de la connaissance qu’une époque produit ou possède sur un fait, un événement ou une personne, cette statue pose les mêmes questions que poserait, à sa place, une représentation de Lat-Dior, ou de Ndaté Yalla, ou de la sœur de celle-ci, Ndjëmbëtt Mbodj, ou d’Aline Sitoé Diatta, ou de Koli Tenguela.
Est-ce que je connais vraiment cette personne qui est sur le piédestal ou qui donne son nom à cette rue ? M’a-t-on réellement appris son histoire ? Pourquoi est-elle là ? Quelles valeurs et vertus avait-elle, dont on voudrait que je m’inspire pour ma vie ?
Il y a une question que je pense ne pas être le seul à me poser depuis que les débats sur la statue de Faidherbe font rage : comment, toutes ces décennies, cette statue a-t-elle tenu sans qu’on ne soit jamais vraiment intéressé à son sens ? Est-ce parce que la priorité des luttes était ailleurs ? Parce qu’on ne jugeait pas ce symbole aussi important que ça ? Parce que les urgences du quotidien empêchaient les populations de trouver le temps de se demander à quel titre ce monument se dressait là ? Parce qu’on ne peut pas s’engager de front, avec la même intensité, pour toutes les causes de son temps ? Chacune de ces hypothèses porte sa vérité. Mais il y en a une, je crois, qu’il faudrait considérer plus que les autres, dans la mesure où elle les subsume sous son implacable évidence : si on ne se préoccupait pas tant de la statue de Faidherbe, c’est parce qu’on ne connaissait pas vraiment Faidherbe. Ou plutôt : c’est parce que ce qu’on savait de lui, ce qui nous était appris de lui, ne recoupait-il que très partiellement sa geste sinistre et sa vie.
Je ne dis pas que nul ne connaissait les horreurs commises par Faidherbe, non plus que je n’accuse les historiens d’avoir failli à documenter la part la plus funeste de son œuvre. Je veux dire que ceux qui connaissaient cette histoire représentaient une infime minorité (ils le demeurent, globalement). Je veux dire que les travaux d’un Pr Iba Der Thiam ou d’un Pr Abdoulaye Bathily, pour ne parler que des plus connus, n’ont hélas pas pris. Il n’est rien de leur faute exclusive. Est engagée, en la matière, la responsabilité d’un tout qui n’a pas permis que ces travaux infusent, pénètrent le tissu social jusque dans ses profondeurs, et l’imprègnent durablement. Ce processus, pour de multiples raisons, a raté. Le savoir qu’il convoyait, hors des cercles initiés, n’a pas réussi à se transmettre, de relais en relais, jusqu’au stade où l’on sème les premiers germes – cruciaux - de la connaissance : l’enfance.
Les souvenirs que j’ai de Faidherbe à l’école primaire - et Dieu sait que j’ai eu d’excellents enseignants, d’une culture et d’une pédagogie admirables - parlent vaguement d’un homme qui aurait « pacifié » telle partie du territoire et « repoussé les attaques » de je ne sais quels conquérants qui projetaient de soumettre ou démembrer le pays. Il l’a peut-être bel et bien fait ; mais il a aussi fait autre chose. Cette autre chose, cette terrible autre chose, il m’a fallu des années avant de la découvrir. Entre les deux, alors que j’ai passé plusieurs années à Saint-Louis, je suis passé des centaines de fois devant la statue de Faidherbe sans vraiment lui accorder d’importance.
Voici où je veux en venir : pour ce qui est des symboles - mais cela pourrait valoir pour toute chose - c’est la connaissance la plus précise possible qui fonde la réflexion et le sentiment les plus justes, lesquels définissent ensuite à leur tour le rapport qu’on a, individuellement et collectivement, avec la figure en question. Et tant que cette connaissance continuera, comme c’est l’habitude, d’être amputée, embellie, dénaturée, mal transmise (je dis : intransmise), apocryphe voire légendaire, on pourra placer sur un piédestal n’importe quelle figure qu’on voudra : elle suscitera toujours plus ou moins d’indifférence chez une grande partie de la population. Ce qui se passe en ce moment est une occasion bienvenue d’ouvrir un débat de fond sur :
1) le savoir qu’on possède sur les figures fortes de notre histoire (Faidherbe en est)
2) la manière dont ce savoir, adapté, vulgarisé, digéré, reformulé, se transmet jusqu’à la base.
3) la relation que les masses (j’utilise ce terme sans mépris), celles qui n’ont pas toujours la chance d’aller à l’école, celles qui, géographiquement et mentalement, vivent loin des espaces où se tiennent en français les grands débats intellectuels sur la mémoire, ont avec l’idée même de symboles représentés dans l’espace public.
Qu’on ne se méprenne pas : je ne place pas sur le même plan Faidherbe et, mettons, Aline Sitoé Diatta. Je voudrais éviter à la seconde, si jamais elle se retrouvait un jour sur un piédestal, d’être réduite qu’à quelques vagues repères, et de se voir peu à peu condamnée à une indifférence dont la sortira, de loin en loin, quelque lumière nouvelle jetée sur son action, quelque querelle de spécialistes sur tel épisode de sa biographie, quelque hommage appuyé.
Je voudrais ensuite éviter que dans le débat actuel, les problèmes ne soient posés que par rapport à la colonisation - avec les charges polémique, émotionnelle, idéologique qu’elle charrie souvent. Il serait contradictoire de prétendre, d’une part, reprendre la main sur toutel’histoire de notre pays, et de l’autre, d’arrimer systématiquement tous les débats qui concernent cette histoire au vaisseau colonial, comme si elle n’existait pas hors d’elle.
Je voudrais, enfin, éviter que les élans de déboulonnage actuels n’aient pour horizon qu’une symbolisation aussi bruyante que creuse. Surcharger les symboles d’idéologie ou d’affects sans se préoccuper de leur impact sur la réalité collective n’aurait pas de sens. L’orgueil idéologique de renommer une université d’après le nom d’un éminent savant « de chez nous » demeure vain ou superficiel si, au sein de cette université, on s’y préoccupe de tout sauf du goût du savoir et de la recherche de la vérité. Donner à une rue le nom d’une femme valeureuse de notre histoire est un acte vide si, dans cette même rue et dans bien d’autres, la dignité des femmes peut être bafouée par des hommes à tout moment et de toutes les manières, y compris les plus viles.
Je terminerai par une réflexion générale et ouverte sur les grandes figures, qu’elles soient coloniales ou bien nationales. Peut-être qu’au fond, c’est l’acte même de statufier un être humain qui pose aujourd’hui un problème. Un certain nombre de grands hommes de notre histoire, on le sait, furent aussi des conquérants impitoyables ayant massacré d’autres peuples, des esclavagistes notoires, ou des tacticiens qui trahirent certaines alliances avec les « leurs », n’hésitant pas à s’allier avec les colons pour des raisons stratégiques. Si l’on part du principe que la plupart des grandes figures n’étaient pas absolument exemplaires ou pures, si on admet que certaines parmi elles, qu’on tient pour des héros ici, ont été des bourreaux ou des « traîtres » ailleurs, non loin, comment justifierait-on d’ériger des bustes à leur gloire ou de donner leur nom à des lieux ? Quel serait le critère pour élire certaines figures historiques bien sénégalaises au rang de symboles nationaux quand on sait le prix de leur grandeur ?
Je n’ai pas la réponse ; et peut-être d’ailleurs mes questionnements n’ont-ils aucune pertinence. Je reste cependant convaincu que la séquence qui s’est ouverte ces dernières semaines sortira bientôt du faisceau colonial, dont la lumière éclaire le débat autant qu’il le simplifie parfois dans une binarité agaçante. Il ne s’agira alors plus seulement d’être pour ou contre la présence de la statue de Faidherbe dans la rue - cette opposition est trop courte et improductive - ; il s’agira de chercher, par-delà Faidherbe, le sens et la connaissance de tout symbole dans notre espace public et dans notre histoire.
Par Denis NDOUR
LA NOTION DU TEMPS, UN GOULOT D’ETRANGLEMENT DE L’ADMINISTRATION SENEGALAISE
Quelle que soit la pertinence du leader qui va diriger le Sénégal demain, si la rigueur et la discipline relatives à la gestion du temps ne sont pas appliquées à tous les niveaux de l’Administration, cela nous prendra des décennies pour nous développer.
Le 12 avril 2016, le président de la République avait lancé au niveau du centre Cicad de Diamniadio, les réformes pour la modernisation de l’Administration sénégalaise et disait, je le cite : «L’Administration doit s’adapter aux exigences des citoyens et être au service des usagers par sa proximité, sa simplicité, sa disponibilité, sa célérité, sa lisibilité et l’efficacité de son action.» Une bonne initiative mais malheureusement elle n’a pas du tout impacté le service de qualité dont le citoyen a droit.
A qui imputer la responsabilité quand le citoyen lambda est frustré parce qu’il a perdu 840 jours pour juste obtenir un papier administratif ? Au président de la République pour son manque de leadership ? Au directeur de service pour son ignorance sur le fonctionnement du travail confié aux subalternes ? Au commissaire ou au commandant pour leur absence de contrôle au niveau de leur base ? Comme une tradition, nous entendons souvent des citoyens se plaindre de lenteur administrative à tous les niveaux (police, gendarmerie, mairie, impôts et domaines, préfecture, sous-préfecture, caisse de sécurité sociale, inspection du travail, service des mines, tribunal, ministères, Ipres, hôpitaux, Senelec, Sen’Eau, banques…).
Pourquoi le citoyen devrait forcément perdre des heures voire des jours de travail pour courir après un papier administratif ou un service public quelconque ? Même le président de la République parle «de fast track», pour vous dire combien le problème de la lenteur administrative se fait sentir jusqu’au sommet de l’Etat. Pourtant le régime actuel se vante d’une administration moderne et efficace avec son Pama (Programme d’appui à la modernisation de l’Administration).
Mais comment parler d’administration moderne ?
Quand un citoyen quitte Dakar, son lieu de résidence, pour aller à Ziguinchor chercher un extrait de naissance mais est obligé de rentrer bredouille car l’officier d’Etat civil qui doit signer n’est pas présent. Pourtant, une centralisation numérique des données pouvait permettre au citoyen d’obtenir son extrait de naissance quel que soit son domicile ou sa résidence.
Quand l’émigré qui a juste 4 semaines de vacances doit retourner dans son pays de travail bredouille parce que l’agent administratif ou l’autorité qui s’occupe de son dossier n’est jamais présent ou joue à cachecache pour attendre d’être soudoyé afin d’accélérer la cadence de la procédure. Pourtant, sans même payer un billet d’avion, les démarches devraient pouvoir se faire en ligne et le document authentifié électroniquement puis envoyé via email ou par mail.
Quand le policier qui vous prend votre permis de conduire puis vous demande d’aller payer votre contravention et une fois arrivé au commissariat personne ne peut retrouver votre permis. Quand, lors d’un accident, pour faire un constat, il faut attendre plus de quatre heures de temps (agent non disponible, ou encore pas de carburant).
Quand un même terrain est vendu à plusieurs personnes et tous ayant un papier administratif justifiant la même propriété, signé par le même service. Quand certaines institutions de l’Etat n’ont même pas de téléphone fixe, encore moins d’email. (Impossible de se renseigner sans se déplacer physiquement).
Quand des sites web officiels du gouvernement ne sont jamais à jour et en particulier le portail du Journal officiel (une entrave au droit à l’information), on ne peut parler d’administration moderne. En réalité la plupart des agents qui délivrent les papiers administratifs ou qui exécutent certaines tâches demandées par la hiérarchie, n’ont aucune notion de la gestion du temps. Il arrive même qu’ils vous fassent attendre dans un service puis vous oublient «they just don’t care». Non seulement ils vous font perdre votre précieux temps donc de l’argent mais aussi en font perdre à l’Etat en termes de rendement quand il s’agit de payer une redevance.
Quelle notion avons-nous du temps en Afrique et au Sénégal en particulier ?
Les Américains disent «time is money, le temps c’est de l’argent», ou encore les écritures saintes nous disent «il y a un temps pour tout…». On décrit souvent l’Africain comme peu soucieux du temps ou vivant hors du temps, c’est pourquoi les anthropologues et les ethnologues ont des approches différentes sur le rapport temps et culture. Nous entendons souvent lors des rencontres de toutes sortes, parler de «l’heure sénégalaise» pour justifier le retard d’une autorité lors d’une cérémonie officielle ou le retard de démarrage d’une réunion.
Pour inviter l’Administration et les citoyens à une meilleure prise de conscience de l’importance de la gestion du temps, faisons d’abord un état des lieux sur les horaires du travail. L’un des objectifs de l’instauration de la journée continue était de faire gagner du temps et de l’argent à l’Etat et au travailleur, avec le problème de transport, du climat avec la chaleur, etc.
Ainsi, légalement le travail devait débuter à 7h00 et finir à 16h00 avec une heure de pause. Avec le Covid-19, le 25 mars 2020 le Président avait changé les horaires, donc de 9h00 à 15h00 ensuite lors de son message du 29 juin 2020, il a décidé que cela soit de 8h00 à 17h00 avec une heure de pause à 13h30.
Faites le tour des services de l’Administration sénégalaise, il n’y aura pas plus de 40% des employés qui respectent scrupuleusement ces horaires. Dans la pratique le constat est là :
-Non seulement l’agent arrive en retard mais doit aussi prendre 30 mn à 40 mn tranquillement pour son petit déjeuner avant de s’occuper des citoyens qui l’attendent.
-L’heure de pause pour certains peut durer jusqu’à deux heures de temps sans justification. -Sans oublier certaines pratiques de tricherie quand l’agent se présente, dépose ses affaires puis au bout de deux heures disparaît pour revenir à l’heure de la descente ou même ne revient pas du tout.
- En fin de semaine, quand vous faites le tour dans beaucoup de services, vous allez constater que certains employés anticipent le week-end et rentrent à la maison juste après la prière du vendredi vers 14h00.
Quand les employés du secteur privé se plaignent de l’abus de leurs employeurs sur les heures exagérées de travail, les agents de l’Administration eux se réjouissent de travailler pour peu de temps tout en gagnant beaucoup d’argent. C’est à la fois du laxisme et du vol, quand le contribuable sénégalais doit payer la totalité du salaire des agents de l’Etat qui travaillent la moitié des heures qui leur ont été assignées.
Une administration moderne doit se mesurer non seulement par la qualité du service rendu mais aussi par un recrutement d’agents compétents, qui accomplissent un travail avec courtoisie, imbus de professionnalisme et d’efficacité et qui sont efficients dans la diligence des dossiers qu’ils gèrent.
Aujourd’hui, la vitesse du numérique nous fait gagner énormément de temps, nous sommes dans l’ère de l’agenda électronique, de la planification électronique. Autrement dit, autant la gestion du temps a de l’importance dans une entreprise autant elle devrait compter dans une administration qui se veut moderne.
Quelle que soit la pertinence du leader qui va diriger le Sénégal demain, si la rigueur et la discipline relatives à la gestion du temps ne sont pas appliquées à tous les niveaux de l’Administration, cela nous prendra des décennies pour nous développer.
EXCLUSIF SENEPLUS - La propagation du virus ne se fait pas de la même manière selon l’espace géographique. Diamnadio aurait pu s’inspirer de l’architecture d’une ville africaine au lieu de reproduire un champ de béton armé
«La structure spatio-sociale et architecturale de la ville peut, de plus, être appréhendée comme un « actant » qui, au regard de cette « structure sociale objectivée », agit comme un acteur au sein de la configuration sociale». (Linde, 1972 ; Frey, 2009).
«Changer la ville, changer la vie» : tel était le slogan de Roland Castro, promoteur d’une urbanisation humanisée et éco-environnementale dans les années présidentielles Mitterrand. Aujourd’hui, la question qui se pose dans toutes les villes africaines, c’est comment agir sur la métamorphose urbaine pour mieux asseoir une culture de la prévention des épidémies en s’appuyant sur l’architecture africaine et la dynamique sociale des villes. L’architecture de la ville de Conakry (Guinée), héritée de la colonisation avec un système d’assainissement vétuste, fait de cette capitale une zone endémique de choléra. Il en est de même pour la plupart des villes africaines. Il nous faut changer de narration et éviter de reproduire le même modèle d’urbanisation avec des tours et des villes en béton, et une vision marchande sans souci de la dimension sociale de l’urbanisation basée sur les valeurs africaines. Nous sommes à présent dans des villes avec des facteurs de propagation de virus multiformes, parce que ouvertes au monde.
L’Afrique est-elle en train de confirmer que la ville reste un facteur par essence de propagation de la Covid-19 ? La forte prévalence hospitalière du coronavirus dans les capitales africaines est un indicateur révélateur de cette assertion (Juillet 2020, Yaoundé 8438 cas, Abidjan 13526 cas, Accra 15706 cas, Kinshasa 7321 cas, Nairobi 7744 cas, Conakry 5501 cas, et Dakar 7713 cas).
J’avais fait un article dans SenePlus en Mars 2020 dont le titre assez évocateur «Dakar : un volcan actif». La ville est le lieu de convergence de toutes les transactions humaines, sociales, politiques, économiques, et le lieu de prédilection de la promiscuité, des tensions et des violences multiformes. La violence urbaine prend des formes de toiles sur un espace de vie pour la ré-appropriation, et de contrôle des transactions humaines pour l’accès aux ressources. La ville du fait de son attraction et de sa laideur sémiologique perd pied avec une pression démographique portée par l’exode rural massif post-ajustement structurel et post-dévaluation du franc CFA. Lesquartierset les secteurs urbains sont qualifiés de « scènes intrinsèques » au cœur desquelles s’ébauchent le processus de transformation sociale et les modifications des styles de vie et des milieux (Dangschat, 1996).La pauvreté s’affiche dans l’indifférence totale, peuplée de mendiants, d’enfants dans la rue et de la rue, de mères vulnérables, d’handicapés, de marchands ambulants, survivant sur des chaussées encombrées par des chaussures, des mangues selon les saisons, des gargotes et des cafés Touba itinérants. Tout se bouscule sous les ponts devenus de sauvages ou anarchiques marchés où tout se vend et s’achète sans aucune considération des gestes barrières. Les rues se transforment en espace marchand au détriment de l’espace résidentiel, la circulation routière fait éclore le marchand ambulant, le pauvre en milieu urbain avec des stratégies de connivence avec les embouteillages et les feux rouges. Les quartiers résidentiels se transforment en espace commercial avec des calèches remplies de poissons, des tailleurs, des cordonniers, des vendeurs de tissus, tous ambulants ainsi aussi que des vendeurs de jouets, étant tous possiblement vecteurs de propagation du virus ambiant. L’hivernage aide sa diffusion avec les inondations et les canaux à ciel ouvert pour déverser les eaux usées vers la mer. Partout en Afrique, c’est le même scénario avec le chaos de la démographie galopante, l’absence de plan d’aménagement du territoire et de plan d’urbanisation inclusif avec les acteurs urbains et la désertion des villages par tous les jeunes en quête de bien être et des atours de la ville. La colonisation avait structuré les villes avec les vecteurs de sa pérennisation Pouvoir, Religion, Marchés et Hôpital (Medina et Plateau). De Dakar à Conakry en passant par Abidjan, Brazzaville, Nairobi, Abuja, Kampala, Johannesburg etc., toutes les capitales bouillonnent aujourd’hui de vitalité, de jeunesse, de résilience où l’économie de la survie l’emporte sur l’économie de la vie. Au nom de la lutte contre la Covid-19, le semblant de limitation de la mobilité urbaine pour ne pas dire la mascarade du confinement religieux, économique, social et politique a provoqué des stratégies de résistances multiformes et dimensionnelles pour la survie que le couvre feu n’a pas pu contenir sauf dans des pays comme le Rwanda et l’Ethiopie.
L’avènement du coronavirus est un révélateur de la vulnérabilité et de la fragilité des villes avec le concert de l’immobilisme imposé en milieu urbain avec des mégalopoles vidées. Partout à Paris, Bruxelles, New York, Berlin, Johannesburg, Nairobi Kigali, toutes les villes se sont confinées pour limiter la vitesse de propagation du virus, toutes les machines économiques de la mondialisation ont été mises à l’arrêt avec de nouvelles formes de solidarité virtuelle. Un phénomène qui a renseigné sur les limites du modèle de la mondialisation où la croissance économique est le seul baromètre du développement. Et automatiquement les prévisions se sont enchainées pour prédire la récession économique, l’hécatombe en Afrique et les stratégies de résilience et de relance. La croissance urbaine est observable en Afrique à hauteur de 95 %, ce qui fait de la ville un champ de propagation par excellence de la Covid-19. On parlait de résilience et de relèvement dans les situations qui précédaient les crises humanitaires en ciblant les capacités des populations à survivre aux chocs physiques, économiques et psychologiques. Durant tous ces mois, les mosquées, les églises et les marchés comme espace de convivialité ont été aphones, combinées avec le couvre-feu. Les militaires et les policiers se sont emparés des rues et des quartiers déserts parce que confinés. Tout se jouait à l’intérieur des maisons ou abris ou des toiles de vie…Là se sont tissés, sous formes de violence basées sur le genre, les rixes familiaux, les silences et les évitements dans la promiscuité, les traumatismes multiformes et la privation de la mobilité. Beaucoup de personnes surtout certains jeunes sans emplois habitués de Grand-Place s’enfermaient dans les maisons en passant des nuits blanches sous la contraintes du double flux. D’autres jeunes se délectaient en course poursuite avec les forces de l’ordre comme un jeu avec le pouvoir et une forme de résistance pernicieuse. Les plus nantis pouvaient se permettre de faire des jeux en famille, de faire des commandes de repas avec livraison à domicile, de regarder des films sur Netflix ou de participer à des soirées en direct et les poster sur Instagram. Jamais les prêcheurs en chômage involontaire n’avaient autant utilisé des médias sociaux pour toucher leur auditoire virtuel avec les messes du carême chrétien ou les prédicateurs musulmans par de grandes conférences religieuses durant le ramadan.
Quatre à cinq mois après, la folie humaine est en phase d’emballement en milieu urbain avec des populations en extase après la sortie du confinement pour ne pas dire celle de prison.
La problématique de la mauvaise urbanisation des villes africaines.
La problématique des villes africaines et leur structuration en termes d’espace dynamique de vie, de socialisation, d’économie urbaine et de culture de survie par opposition au village revêtent une importance particulière dans un contexte de gonflement démographique. Le marché, la mobilité urbaine, les espaces de cultes, l’éducation, le logement, le travail, la santé, lien social à travers les Dahiras, les groupes de prière, les grains à Bamako et l’hyper connectivité sociale et marchande sont des vecteurs puissants de la propagation du Coronavirus. La ville africaine a perdu son âme avec une concentration des infrastructures de mobilité et des interactions plus intenses et plus rapprochées qu’ailleurs en milieu rural. La promiscuité sociale, la cohabitation des comportements urbains et ruraux, la «villagisation» des villes, les problèmes environnementaux (pollution, inondations, salification des eaux du fleuve, érosion côtière) et sociaux (accès à l’eau, électricité, emplois, 60% de la population urbaine d’Afrique vit dans des bidonvilles). Le mode d’habitation ou les lotissements post-colonisation avec les SICAP, HLM, Medina, bidonvilles et les lotissements du domaine national avec les quartiers lebous sans plan d’aménagement du territoire fait de Dakar un cocktail détonnant de la propagation de la pandémie. Dakar comptabilise a elle seule 7713 sur 10391 cas positifs ce qui représente 74,26%. La carte sanitaire de Dakar face à la pandémie nous renseigne que Dakar compte 10 districts sanitaires, 13 établissements publics de santé, 22 centres de santé, 152 postes de santé, 37 cases de santé, 27 cliniques, 692 cabinets médicaux et 172 médecins selon les rapports du ministère de la Santé et de l’action sociale. Ces données rapportées à la population totale de Dakar (3 429 371 h) posent problème quant à notre capacité de prise en charge et de prévention de la pandémie du Covid-19.
Les capitales africaines ont reproduit le même schéma spatial binaire entre la ville et les banlieues-dortoirs avec une ségrégation dans l’accès aux services sociaux de base. La propagation du virus ne se fait pas de la même manière selon l’espace géographique et les facteurs d’exposition aux risques (inondations, difficultés d’accès à l’eau, à l’hygiène, cadre de vie, plateau techniques limités au niveau des services de santé). La distribution spatiale fait l’objet de discrimination en fonction de ces accès et accentue la dichotomie coloniale entre le plateau et la Médina notamment entre le centre et la périphérie, le centre-ville et la banlieue. La ville africaine est conçue comme une ville marchande et grouillante où le mode de vie rural et urbain est transfiguré et redéfini sans âme. Elle reproduit la banlieue qui est composée aussi d’un centre-ville commerçant qui se confond avec la périphérie dortoir. La ville se transforme à notre insu en ville-souk, avec les cantines autour des mosquées, des églises, sur les boulevards, les trottoirs, les carrefours, autour des écoles (une grande marque de la place a construit son magazin dans l’espace d’une école), où même l’auto-pont se couvre d’étals de chaussures et un mini marché. La ville nous parle et nous sur-expose à la pandémie de la Covid-19. L’acte 3 de la décentralisation a ouvert des vannes pour la collecte effrénée des taxes municipales et la transformation des communes en marché permanent, qui pour le commerce, qui pour les spéculations foncières.
Répartition de la population dans une ville/mouvements de populations et transformation des quartiers.
Au Sénégal près de 74 % de la population urbaine se retrouve dans les villes de Saint-Louis, Thiès, Ziguinchor et de Dakar, selon le rapport de l’enquête sur la situation économique et sociale de l’ANSD 2016.
La région de Dakar qui représente la plus faible superficie du Sénégal (547 km², soit 0,3%), concentre à elle seule le quart de la population du Sénégal (3 330 694, soit 23%) avec une densité de 6089 h au km², et plus d’un Sénégalais sur cinq résidait à Dakar en 2015. Ainsi ‘le Sénégal enregistre un taux d’urbanisation supérieur à la moyenne observée en Afrique subsaharienne (40 %), relève la Banque mondiale dans un de ses rapports. La proportion de citadins a quasiment doublé ces dernières décennies - de 23 % dans les années 1960, elle est passée à 43 % en 2013 - et devrait s’établir à 60 % à l’horizon 2030. Plus de neuf Sénégalais sur dix résident en milieu urbain dans la région de Dakar (taux d’urbanisation de 96%). Ce taux est aussi non négligeable dans les régions de Thiès (50%), Ziguinchor (47%) et Saint-Louis (47%). Les villes sont à la fois des villes de brassage, de maturation de la résilience et de transit pour beaucoup de jeunes qui peuplent les quartiers par défaut d’emplois et de compétences de vie. Ainsi Dakar, Pikine, Guediawaye, Keur Massar, Mbao et Rufisque comptent 6828 cas positifs, ce qui représente 69,63% des cas enregistrés au Sénégal.
Cohabitation entre différentes populations /Phénomènes de ségrégation.
Depuis la sécheresse de 1968 à 1973, souvent appelée «grande sécheresse» qui avait concerné 16 pays du Sahel et avait provoqué une vague excessive d’exode rural et des inégalités sociales et géographiques. La redistribution spatiale s’est opérée avec une forte pression démographique sur les villes plus particulièrement en la région de Dakar. Les ethnies les plus représentées sont les lébous considérées comme les premières populations autochtones de la presqu’île du Cap Vert, il s’ensuit les wolofs, les mandingues, les diola, les sérères, les halpulars. Avec les crises multiformes dans la sous-région, Dakar est devenu un hub pour plusieurs populations de la CEDEAO. Ce brassage fait de Dakar une ville métisse en termes de culture et de cohabitation entre les terroirs.
La ségrégation se trouve ainsi au niveau des types d’habitat et l’accès aux services urbains (eau, assainissement, électricité, éclairage public, commodités urbaines, transport, etc. ) Les quartiers résidentiels, les quartiers spontanés, les quartiers traditionnels et les banlieues proches et lointaines constituent l’espace urbain avec une modularité des transports urbains vecteur de circulation des virus.
Transports et mobilité
La pandémie du coronavirus a révélé la fragilité de la mobilité urbaine et du mode de transport comme vecteur de transmission du virus. La vétusté du mode de transport public est une donnée fondamentale dans les villes africaines où de vieux véhicules polluant, des cars rapides et des clandos arpentent les rues de Dakar, tout comme des pousse-pousse, des boda boda et des matatus à Nairobi, des zemidian au Bénin, des kekenapep à Maiduguri, des Rakchas à Abeché. Toute chose étant égale par ailleurs, le temps de l’Afrique est devenu le temps du «développement inégal et combiné», le temps du mimétisme urbain sans disposer des moyens appropriés pour prévenir et préparer des pandémies qui seront très courantes dans le monde entier avec la destruction des écosystèmes. Le parc automobile se concentre essentiellement à Dakar avec 73,6% des véhicules du parc automobile national, viennent ensuite successivement, les régions de Thiès (7,8%), de Diourbel (4,5%), de Louga (2,9%) et de Kaolack (2,8%) selon le rapport sur la réforme des transports urbains à Dakar : bilan et perspectives, après quinze ans d’activités – Alioune Thiam, Directeur général, CETUD. Les voitures âgées de 16 ans et plus comptent pour 56,5% du parc automobile. La mobilité urbaine et les dynamiques de populations dans les villes constituent une menace pour la prévention de la propagation de la pandémie de la Covid-19. Le secteur du transport emploie plus de 200 000 personnes sans compter toute la dynamique des transactions autour du secteur du transport. Les gares routières comme Petersen reçoivent en moyenne plus de 60 000 personnes par jour sans aucun dispositif de gestes barrières, ni même dans les cars rapides / Ndiaga Ndiaye ni dans les taxis clandos. Il en est de même pour les gares routières du camp Lat Dior, Colobane, Guediawaye, Pikine, Rufisque, Keur Massar et les garages clandos, bien des espaces publics favorisant la propagation de la covid-19 dans la région de Dakar.
Au vue de l’évolution de la pandémie de la covid-19 dans les centres urbains notamment Dakar, Touba et Thiès, n’est-il pas temps de rompre avec le pilotage à vue de la gestion des épidémies en mettant en place des centres de dépistage volontaire et gratuit dans les villes les plus touchées à l’instar de ce qui s’est fait dans le cadre de la lutte contre le sida ?
La surpopulation des capitales africaines, la promiscuité dans l’habitat, les mouvements intenses des populations, la floraison de marchés y compris des marchés ruraux avec les loumas et les marchés du vendredi, l’encombrement des quartiers et des rues, le pauvre assainissement font obligation de respecter la distanciation sociale et physique par les gestes barrières. La vague de déplacement des populations de l’épicentre de la Covid-19 du fait de la Tabaski va élargir la base de propagation de la pandémie dans les centres urbains et dans les villages et affaiblir d’avantage la prévention et la prise en charge des cas positifs. Aujourd’hui la ville africaine doit être repensée à partir d’un mode d’habitat structuré autour de l’imaginaire social et les acquis du patrimoine architectural et non pas poursuivre le rêve de notre défunt président Senghor qui voulait que Dakar soit comme Paris à l’an 2000. Diamnadio aurait pu s’inspirer de l’architecture d’une ville africaine au lieu de reproduire un champ de béton armé.