SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
4 mai 2025
Opinions
par le chroniqueur de SenePlus, Hamadoun Touré
DÉBOULONNER LES STATUES MENTALES
EXCLUSIF SENEPLUS - En débusquant et en dénonçant les bourreaux, nous devons nous interroger sur nos propres responsabilités dans notre histoire. Qu’avons-nous fait pour subir ce qui nous a été infligé ?
Hamadoun Touré de SenePlus |
Publication 31/07/2020
« La guerre la plus difficile à gagner est celle que l’on mène contre soi-même » (Amadou Hampaté Bâ).
L’homme a des problèmes avec son histoire, celle qui est faite de turbulences et de sang, de bruit et de fureur. Le passé que nous devons lire, comprendre et interpréter pour le transcender mêle parfois, dans de douloureuses réminiscences, bourreaux et victimes.
Les blessures du passé restées ouvertes expliquent que l’émotion soit le sentiment qui domine lorsqu’on songe à ces moments de douleur. La traite négrière, l’esclavage, la colonisation et le nazisme font partie des plaies profondes de l’humanité.
L’Allemagne hitlérienne qui fut sa honte il y a 80 ans, a obligé l’Occident à liguer ses peuples pour faire triompher la civilisation sur la barbarie. Il a traqué sans répit les criminels jusque dans leur dernier repaire, les a jugés et condamnés. L’État d’Israël a poursuivi avec une opiniâtreté aussi tenace que redoutable les auteurs de la Shoa.
L’Afrique n’a pas vu ce même Occident mettre au ban de l’humanité ceux qui l’ont pillée, avilie et méprisée des siècles durant. Juste un petit frémissement après l’assassinat de George Floyd.
Le crime de Minneapolis, dans des conditions effroyables, a été le point de départ d’une indignation qui a culminé à un niveau rarement atteint dans des manifestations planétaires contre la barbarie.
Époques d’obscurantisme
Le monde entier, toutes races confondues, a dénoncé, dans un élan d’espérance, les époques d’obscurantisme. Après le temps de l’émotion, celui de l’interrogation, et surtout de l’inventaire. Inévitable, la question centrale est de savoir si le combat est livré contre le passé ou pour l’avenir ? Il est tentant de répondre que la lutte est menée pour les deux. Notre passé doit être une référence, un point de départ qui nous engage à commencer par le plus difficile, reconstruire et non le plus facile, détruire.
Significatif de l’après-George Floyd, le déboulonnement des stèles et de statues de ceux qui ont marqué au fer rouge l’histoire de l’homme noir, un vaste mouvement a pris partout le relais pour jeter à l’eau des œuvres honteuses, débaptiser des avenues et des places, comme si de tels actes, si fortement chargés de symboles, suffisaient à exorciser les démons d’une très longue résignation.
Ces objets inanimés que sont les statues, ont-elles
donc une âme, comme s’interrogeait le poète Lamartine ? Elles ont fait partie en tout cas du décor quotidien qui a nourri pendant des siècles le combat contre le racisme. De la même façon la participation des soldats africains aux guerres mondiales a servi de levain aux revendications et à l’obtention de nos indépendances.
Aristote (IVe siècle avant JC) écrivait dans la Politique «l’humanité est divisée en deux catégories : les maitres et les esclaves ». Énoncé comme une évidence, il n’y a rien de plus faux que ce mot du penseur grec dont l’apport a été, par ailleurs, remarquable, dans certains secteurs de la philosophie. Les bourreaux et les victimes ne peuvent pas avoir la même lecture de l’histoire, les héros des premiers ne peuvent pas être célébrés chez les seconds.
Sans guerre, sans traite négrière et sans colonisation encore moins esclavage, l’Europe et l’Afrique, deux continents voisins, tentent de mutualiser leurs efforts face aux crises qui secouent le monde, en ce moment la maladie à coronavirus. Les rapports humains ne sont donc pas condamnés à la barbarie. En ce 21è siècle, avec des relations normales entretenues, nous commerçons et coopérons dans des conditions d’intérêt mutuel.
Une évidence, sans doute teintée d’angélisme, est que nous aurions pu mêler nos traditions, nos civilisations, nos valeurs et notre sang même sans cette violence inouïe qui a conduit à la plus grande saignée qu’ait connue l’humanité dans la durée, par le nombre et les conséquences.
Devoir d’inventaire
Aussi, l’émotion qui étreint lorsqu’on évoque ce que notre histoire recèle de tragédie se justifie-t-elle avec la destruction de ce qui est visible : les symboles qui sont autant de couteaux remués dans les plaies. La profondeur de ces blessures justifie que l’on déboulonne des statues, débaptise des avenues, des villes et même des pays. Ils ne rappelaient que trop asservissement et destruction, profanation de nos panthéons où nos rois, nos chefs de guerre, nos cerveaux, bref nos héros, ont subi l’injure du dénigrement et du rejet aux orties de l’histoire.
Après l’émotion inévitable, humaine, s’impose le devoir d’inventaire. En débusquant et en dénonçant les bourreaux, nous devons nous interroger sur nos propres responsabilités dans notre histoire. Qu’avons-nous fait pour subir ce qui nous a été infligé ? Avons-nous participé, contribué ou facilité notre propre lynchage, la violation de nos droits, le bradage de nos semblables, notre rabaissement en tant que partie intégrante de l’humanité ? Pourquoi ce qui est arrivé est-il arrivé ? Qu’avons-nous fait pour le rendre possible ? Nos traditions politiques, sociales, économiques, et culturelles, étaient-elles perméables au point d’annihiler en nous toute capacité de défense et de résistance ? Qu’avons-nous fait pour rendre possible ce qui nous est arrivé ?
Avons-nous eu connaissance de l’existence d’autres esclavagistes qui n’ont pas érigé des statues visibles dans nos avenues et nos villes mais dont les pratiques ont laissé des stigmates indélébiles dans les cœurs meurtris ? Quel sort a-t-on réservé aux nombreuses demandes de réparation par le Nord de l’esclavage et de la colonisation subis par le Sud ?
Question terrible : l’Union Africaine (UA) a-t-elle enterré le combat initié dans ce secteur par son ancêtre, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) ? A-t-on sacrifié les revendications légitimes sur l’autel de la realpolitik ?
Autant de questions qui exigent des réponses de toutes les disciplines des sciences politiques et humaines, des acteurs politiques ainsi que le décodage de nos traditions orales pour permettre de décrypter notre passé, éclairer notre présent, choisir nos options pour maitriser notre avenir.
Œuvre suprême
En attendant, penchons-nous sur le passé sans affecter sa réalité, en n’oubliant pas que les méfaits d’hier dont nous sommes victimes demeurent une honte et une plaie sur le front de l’humanité qui ne s’y trompe pas dans le préambule de la charte constitutive de l’Organisation des Nations Unies pour la Science et la Culture (UNESCO) : « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ».
Gardons-nous donc de conduire à la potence les esclavagistes par procuration par le simple déboulonnage de leurs statues. Laissons-leur symboliquement la vie sauve à travers leurs descendants pour comprendre la justesse du combat que l’on menait contre les perversités du système qui les entretenait. Et leur prouver que la démocratie est égalité entre les hommes et les peuples. Même s’il est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres, comme le disait avec esprit Winston Churchill.
A l’inverse, les esclavagistes et autres racistes doivent trouver d’autres réponses à leurs ignobles forfaits, empêcher la répétition de leurs crimes, ériger le contraire des sociétés qu’ils prônaient, origine de leur fortune douteuse au fil des siècles. Enfin, en prêchant d’exemple face aux générations montantes, abstraction faite de leurs origines, en leur enseignant que la fraternité est meilleure que les préjugés hiérarchisant les races. Et mettre définitivement au bûcher le funeste Code noir de Colbert qui rejetait aussi les Juifs, tout comme les infâmes instructions de Jules Ferry sur ceux qui ont pour mission de civiliser les indigènes.
Il faut, ici et maintenant, déboulonner les images, les symboles, les pensées et les idées qui véhiculent tous les stéréotypes. C’est le préalable pour extirper de nos têtes les complexes autant chez les bourreaux que chez les victimes, nous libérant ainsi de nos vieux démons. L’objectif ultime est d’accomplir une œuvre de destruction des statues mentales pour préparer l’avenir sans oublier le passé. C’est l’épreuve suprême pour conjurer nos propres pulsions, car, comme l’a dit le sage Amadou Hampaté Bâ « la guerre la plus difficile est celle que l’on mène contre soi-même ».
Les avocats des prévenus, dans l'affaire dite de la dame de Sacré-Cœur, sont-ils atteints du syndrome de Peter Pan, en voulant ériger une bulle qui mettrait leurs clients hors du champ du vrai débat ?
Les avocats des prévenus, dans l'affaire dite de la dame de Sacré-Cœur, sont-ils atteints du syndrome de Peter Pan, en voulant ériger une bulle qui mettrait leurs clients hors du champ du vrai débat ? Sachant que leurs clients sont dans un sacré pétrin qui les amènera à passer plus que la Tabaski en prison, ils n'ont rien trouvé de mieux que de s'en prendre au directeur d’Amnesty International/Sénégal, Seydi Gassama.
Son ‘’crime’’ : avoir diffusé sur les réseaux sociaux la vidéo montrant les sévices infligés à la dame accusée de vol. Kekh kekh..., rigolons-en ! Que la famille de la dame, affligée par ces images, eût préféré leur non-divulgation et ne jamais les voir sur la toile, on aurait pu comprendre sa volonté de se prévaloir du droit à l'image. Mais que les avocats des suspects de faits délictuels s'en prennent au défenseur des Droits de l'homme qu'est Gassama, on en boyaute ! Nul ne plaidant par procuration, donc ne pouvant parler au nom de la dame victime, c'est pour le compte de leurs clients prévenus dans l'affaire qu'ils reprochent à Gassama d'avoir mis sur la place publique les images incriminées.
La question est de savoir dans quelle mesure une personne peut-elle se prévaloir d'un droit à l'image pour empêcher ou dénoncer la diffusion de scènes filmées ou photographiées et dans lesquelles elle est impliquée ? En le faisant, que cherche-t-elle vraiment : à défendre son honorabilité (ou ce qu'il en reste) ou empêcher la production de preuves des crimes ou délits qu'elle aurait commis ? Il est évident que sans la diffusion sur les réseaux sociaux, comme évoqué dans ces pages, la semaine dernière, l'affaire de la dame de Sacré-Cœur n'aurait pas eu la même ampleur.
SE PREVALOIR DE... - ... Récemment, sur le web, a été racontée l'histoire d'un jeune homosexuel banni et en errance sur une plage de Dakar. Les premières nuits où il a été chassé de son domicile familial, il explique avoir vécu une agression et, pire, avoir été violé par... trois gaillards. Qui en parle ? Personne ! Qui est-ce qui en était informé ? Personne ! Sauf, seuls les protagonistes, dont la victime, auteur du récit. Ce viol aurait-il été filmé par un témoin et lâché sur les réseaux sociaux, la chronique en eût été défrayée pour le moins ? Pas de témoins, pas de preuves, les criminels courent toujours librement.
Revenons-en aux faits de Sacré-Cœur. Il sera intéressant de savoir comment les juges vont trancher cette affaire, une fois qu'elle se retrouvera au tribunal. En attendant, rappelons que la protection du droit à l'image, qui est considéré comme un droit fondamental, admet quelques limites. "Sont considérées notamment comme licites et exemptes d'autorisation, les images diffusées qui répondent au besoin de l'information du public (fait d'actualité, phénomène de société, fait divers tragique, catastrophe nationale ou internationale", à condition que les images diffusées aient un rapport avec l'information véhiculée (Source agoravox.fr).
Les faits diffusés par le représentant d'Amnesty International sortent-ils de cette jurisprudence ? Non, manifestement ! Il y a lieu de relever, d'une part, que cette vidéo filmée par des témoins des atrocités circulait largement sous cape sur les réseaux sociaux, avant même que Gassama ne portât le débat sur la place publique. D'autre part, il existe plusieurs versions diffusées dont certaines qui floutent, fort heureusement, le corps et le visage de la dame. Laquelle est attribuable à Gassama ? En tout état de cause, le partage de la vidéo, quelle qu'en soit la motivation, aurait dû être précédé par le floutage de la dame. Sa personne en serait mieux respectée.
In fine, en diffusant de telles images sur les réseaux sociaux, Seydi Gassama enfonce certes ses auteurs, mais, et c'est sans doute cela son objectif principal, il contribue à décourager la répétition de tels faits attentatoires à la dignité humaine en général et féminine en particulier. Rappelons-le aux auteurs des faits incriminés, si besoin en est : nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude !
TOUT A COUP, BT : Certains lecteurs ont fait à Pépessou l'ultime flatterie de penser que derrière ce pseudo se cachait la plume de Babacar Touré. Que non ! Bab's l'Eléphant... ou BT pour les "gars de Sud", avait une stature imposante et une plume savante et bien trempée qui ne font pas partie des prétentions de Pépessou. Dans la presse sénégalaise, son parcours en avait fait un pachyderme qui s'est affaissé, tout à coup, ex abrupto, un certain dimanche, alors que personne ne s'y attendait.
Sa vie de journaliste aura été, en grande partie, celle d'un grand combattant pour le développement de la presse, la sauvegarde de sa liberté et des valeurs démocratiques au Sénégal. Parmi les moments les plus épiques de l'existence du groupe Sud Communication qu'il laisse derrière lui, il y a eu la forte opposition à Me Wade et son régime dont il fut pourtant un des proches à une certaine époque. Mécontent de la liberté de ton de certaines des ouailles de Sud, Babacar Touré fut alors combattu, jusqu'à l'esseulement, par le pouvoir de Wade qui voulait à tout prix la perte de son groupe de presse.
Comment évoquer l'essor des médias privés au Sénégal sans parler de son challenge fou avec sa bande de copains, au milieu des années 80, de lancer un hebdomadaire, ‘’Sud Hebdo’’, qui deviendra plus tard parmi les journaux de référence et donnera naissance à un groupe de presse parmi les plus influents du pays ? Ou encore Sud FM, qui devint, en 1992, la première radio privée sénégalaise. Il y eut aussi, LCA - La Chaîne Africaine, disparue depuis - première expérience de télé privée du Sénégal à vocation panafricaine, obligée de se baser à Paris d'abord et en Gambie ensuite, faute d'autorisation d'émettre depuis Dakar.
Journaliste devenu homme d'affaires, il était un influent conseiller de plusieurs chefs d'Etat de la sous-région, mais avait l'humilité et la discrétion pour étendard au point de refuser médailles et hommages. De BT, on aurait pu dire, il fit comme il put. Il fit courageusement et généreusement, pourra-t-on retenir. Avec Sidy Lamine Niasse, disparu il y a plus d'un an, il fait partie des figures marquantes de l'essor de la presse privée au Sénégal.
Qu'il repose en paix auprès des élus de Dieu !
par Fatoumata Sissi Ngom
LE RÊVE LUCIDE DE ROKHAYA
EXCLUSIF SENEPLUS - L’homme a pris le dessus dès le début. S’en sont suivies injustices et dominations millénaires au détriment de la femme. Mais comme au cours du cycle de la vie, les sociétés sont en train de tendre vers un équilibre naturel
Dans ce texte initiatique et fort, Fatoumata Sissi Ngom déplie les dimensions originelles de l’homme et de la femme et mêle Science, biologie cellulaire et philosophie pour expliquer les inégalités hommes-femmes et analyser la fin prochaine, naturelle et programmée de la masculinité nocive.
Rokhaya se lamente beaucoup sur le sort de la femme dans la société africaine. Elle veut comprendre l’origine des règles de la vie du monde et des injustices envers les femmes. Rokhaya a un don extraordinaire. Celui d’entrer dans des sortes de limbes, espace magique et indéterminé, et d’y construire ses propres rêves. On appelle cela les rêves lucides. Elle s’allongea sur son lit, appliqua la méthode dont elle seule a le secret et plongea dans un doux sommeil. Aujourd’hui, elle a décidé de converser en rêve avec un très grand biologiste, le Docteur Shettles, qui avait fait, il y a très longtemps, une formidable découverte.
– Dr Shettles, dit-elle, je voudrais comprendre le début de la vie et examiner l’origine des inégalités entre l’homme et de la femme. Qu’avez-vous à m’apprendre ?
– Et si on faisait un jeu ? lui répondit-il. Je vous donne quelques petits indices, et vous réfléchissez après.
Il continua.
– Avant le début de la vie, les spermatozoïdes mâles, qui font un voyage fantastique vers l’ovule pour former un bébé garçon, sont ultra rapides. Cependant, ils sont fragiles et leur durée de vie se mesure en heures. Les spermatozoïdes femelles, eux, qui font le même merveilleux voyage vers l’ovule pour former un bébé fille, sont plus lents, mais beaucoup plus résistants et résilients. Elles peuvent vivre jusqu’à trois jours ou même plus parfois.
Soudain, dans son propre rêve, Rokhaya eut une illumination. L’origine du monde se dessina devant elle. N’y a-t-il pas là un puissant message caché ? La Nature est extraordinaire.
Elle se mit à méditer pour élaborer une théorie.
– Ah ! Voilà donc pourquoi il y a plus d’hommes que de femmes qui naissent dans ce monde, pensa-t-elle. Ils arrivent à l’ovule plus rapidement. J’avais un jour posé la question à un professeur de géographie, mais il avait uniquement convoqué Dieu dans ses explications. Voilà pourquoi aussi, naturellement, les femmes vivent plus longtemps que les hommes : la Nature reprend ses prédispositions. Mais alors, que s’est-il passé dans le monde ? Se demanda-t-elle.
La réponse lui vint. C’est l’homme qui a décidé des premières règles et défini les premiers ordres du monde. C’est un homme qui a décidé que la femme lui était inférieure. C’est un homme qui a décidé que la femme doit lui être soumise. C’est un homme qui a décidé de quelle façon une femme doit s’habiller. L’homme a pris le dessus dès le début du monde. S’en sont suivies injustices et dominations millénaires au détriment de la femme. Mais comme au cours du cycle de la vie, les sociétés sont en train de tendre vers un équilibre naturel qui redonnera sa place à la femme. Cette marche est lente et se déroule dans le temps du monde. La femme marche avec force et tranquillité vers son temps. Elle prouve qu’elle peut faire les mêmes choses que l’homme. Il en existe des guerrières, des héroïnes, des inventrices, des créatrices. En Afrique, comme dans tous les autres continents du monde, justice est en train d’être faite pour la femme. Mais le temps semble plus long en Afrique.
Alors elle décida, dans son rêve, d’écrire une lettre aux enfants d’Afrique.
À la petite fille qui me lit, sache que tu n’es ni inférieure, ni moins forte que les petits garçons. Ton cerveau est capable des mêmes choses que celui d’un garçon. Tu as le droit d’étudier, de travailler et de participer plus tard au développement de ton pays. Toi aussi tu peux changer le monde pour le meilleur. Tu es libre. Mais en grandissant, sache que l’homme n’est pas ton ennemi: il peut être ton partenaire. Si vous coopérez, il peut te compléter.
Au petit garçon qui me lit, ouvre les yeux autour de toi et observe les injustices envers les filles. Si tu vois qu’on frappe une fille, proteste. Si tu vois qu’on te sert une plus grande quantité de nourriture que ta sœur, ta cousine, ou ton amie, uniquement parce que tu es un jeune homme et que tu dois être plus fort, proteste. Si tu vois qu’une petite fille passe beaucoup de temps en cuisine au lieu de faire ses devoirs comme toi, proteste. En grandissant, sache que la soumission et la faiblesse sont des anomalies: la femme est ton partenaire. Si vous coopérez, elle peut te compléter.
Rokhaya remercia le Dr Shettles et décida d’ouvrir les yeux. Elle jeta un regard circulaire dans sa chambre et remarqua une feuille de papier pliée en deux sur son bureau. Alors elle la déplia et découvrit la lettre qu’elle avait écrite dans son rêve.
Ce texte a été écrit dans le cadre d’un futur projet éducatif et artistique au Sénégal, Gno Yam (Nous sommes égaux).
Fatoumata Sissi Ngom est analyste de politiques, écrivaine (Le silence du totem, 2018), (La tragédie des horizons, Revue Apulée, 2020), ingénieur en informatique et en mathématiques financières et diplômée de Sciences Po Paris.
par Karim Wade
MES VOEUX POUR LA TABASKI
Cette année plus que les autres, nous prierons Allah (SWT) d’accepter notre sacrifice ainsi que nos invocations pour plus de santé, de sérénité, de sécurité et de stabilité au Sénégal et dans notre sous-région
Chers compatriotes, nous célébrons cette année la fête de l’Aid El Kébir dans un contexte très particulier, marqué par la lourde présence de la pandémie du Coronavirus dans notre pays et partout à travers le monde.
En cette occasion, je voudrais d’abord rendre grâce à Dieu, Le Tout Puissant, qui par sa majestueuse volonté nous a permis de sacrifier encore à sa recommandation, perpétuée depuis l’époque du prophète Ibrahim. Que la Paix d’Allah soit sur Lui.
Je voudrais ensuite formuler, des vœux chaleureux de prompt rétablissement à l’endroit des malades et des prières ardentes pour le repos de l’âme de celles et ceux qui ont été arrachés à notre affection au cours de l’année.
La situation sanitaire inédite en cours nous appelle tous, quelle que soit notre appartenance politique, ethnique ou religieuse à travailler de concert, pour endiguer la pandémie du coronavirus, en respectant les mesures barrières recommandées par les autorités de la santé.
Cette année plus que les autres, nous prierons Allah (SWT) d’accepter notre sacrifice ainsi que nos invocations pour plus de santé, de sérénité, de sécurité et de stabilité au Sénégal et dans notre sous-région.
J’implore enfin, en ce jour sacré, célébré par les musulmans du monde entier, le pardon de chacune et de chacun d’entre vous tout en vous adressant mes chaleureux vœux de bonheur et de réussite.
Baal leen ma akh, baal naa leen !
Que Dieu veille sur le Sénégal et l’Afrique !
Déwenati !
Par Dame BABOU
SI LA DIGNITE DEVAIT PORTER LE NOM D’UNE PERSONNE, ELLE S’APPELLERAIT BABACAR TOURE
J’ai eu l’énorme privilège de pratiquer Babacar Touré que ses proches appelaient Mbaye et les plus proches encore, Baye Mbaye, aussi bien dans sa vie publique professionnelle que dans celle personnelle et privée.
J’ai eu l’énorme privilège de pratiquer Babacar Touré que ses proches appelaient Mbaye et les plus proches encore, Baye Mbaye, aussi bien dans sa vie publique professionnelle que dans celle personnelle et privée.
Son immense talent et son professionnalisme sont contenus dans ce qu’il considérait comme son enfant : le journal Sud. Si ce n’était que ça ! Son indéniable contribution dans les luttes démocratiques, ne s’est pas limitée aux frontières du Sénégal.
Comme une mise en garde, sous sa signature, son dernier article sur la violence, a fait le tour de la question de la « Ceinture de Feu » autour du Sénégal. Combien de foyers, en Afrique de l’Ouest, au bord de l’embrasement, Babacar Touré a magistralement aidé à éteindre sans chercher à en tirer une quelconque gloriole?
Posez la question au Président Ibrahim Boubacar Keita, dit IBK, s’il n’aurait pas tout donné, pour avoir aujourd’hui Babacar, son compagnon de lutte depuis 40 ans, comme facilitateur grâce à ses talents de diplomate et son relationnel, apaiser la vive tension qui règne dans son pays. Quant à la classe politique de la Mauritanie, toutes obédiences confondues, combien de fois Babacar Touré a contribué à éviter l’éclatement de ce pays frère, où il a fourbi ses armes pendant ses années clandestines. .
Si la pudeur ne l’interdisait pas, des centaines d’individus au statut social modeste, auraient dit en public que s’ils vivent encore dans la dignité avec leurs familles, la main discrète Babacar y est pour grand-chose.
Demandez aux dizaines, voire les centaines de pères de famille qui doivent à Babacar la présence de leurs enfants dans les écoles et universités les plus prestigieuses au monde Mais toutes ces facettes de la vie du fondateur du Groupe Sud Communication sont soit déjà connus du grand public ou ont fait l’objet de témoignages depuis la disparition de celui qui est mon-plus-que-frère. Je veux évoquer ici, le rapport œcuménique que Baye Mbaye entretenait avec la Dignité. Il aimait nous rappeler que si on vous dit que quelqu’un a vendu sa dignité, la réponse doit être immédiatement : « Ce n’est pas vrai. S’il en avait il ne la vendrait pas » (Bunu la nee diw jaay na ngoram, nee leen booba da koo amul woon).
Au cours de ces périodes où Babacar et toute son équipe de Sud ont souvent fait l’objet de pressions et voir de chantages durant le magistère de présidents du Sénégal, Babacar n’a jamais fléchi. Le courage de mon frère ne se limitait pas à sa vie intellectuelle et morale. Son courage physique n’avait d’égale qu’à ses origines de descendant de Burba Jolof.
Entre autres situations périlleuses, je me souviens du jour ou Sud FM était fermée par le gouvernement Wade. Des policiers envoyés par le ministre Ousmane Nom sont venus occuper nos bureaux. L’un de ces policiers qui s’était adossé au cadre d’un tableau de grande valeur s’est fait remonter les bretelles par le cousin de Babacar, Dane Sall. Quand ce policier a voulu s’attaquer à Dane, j’ai dû physiquement m’interposer pour empêcher Babacar de lui faire passer un mauvais quart d’heure. On pourrait me rétorquer qu’être physiquement courageux ne sort pas nécessairement de l’ordinaire.
Par contre, être courageux en privé, face aux « puissants » de ce monde, ne saurait relever que de l’attitude d’un homme qui ne joue pas avec sa dignité. J’ai eu l’incroyable privilège (que je ne m’explique toujours pas) de voir Babacar, et à plusieurs occasions, interagir en privé avec des Chefs d’Etat, des princes de Royaumes et d’Emirats, des dirigeants d’institutions financières internationales (Babacar fut un membre éminent du groupe des Conseillers africains de la Banque mondiale), avec le Secrétaire d’Etat américain, des milliardaires en devises ou en CFA, des ministres ou des diplomates, des autorités du système des Nations-Unies, je peux témoigner que Babacar Touré n’a jamais eu, devant ces « puissants », un seul acte ou le plus petit comportement qui trahisse son sens de la dignité.
Quand d’aucuns pollueraient les nouveaux médias de ces « rencontres avec » ou que d’autres se verraient accusés de tel ou tel délit, le nom de Babacar Touré n’a jamais été cité dans une quelconque manœuvre qui aurait entachée sa dignité. Je dois dire qu’il m’a pris beaucoup d’efforts émotionnels pour écrire ce témoignage. Car je ne suis pas sûr que Baye Mbaye aurait aimé qu’on dévoile les aspects-là de sa vie, lui qui a tout fait pour que tout soit de toute discrétion. Mais je considère qu’étant parmi les personnes qui peuvent se glorifier d’être un ami, un frère et un proche de ce géant qui vient de nous quitter, je dois à la postérité lui dire qu’elle doit trouver en Babacar Touré le modèle qu’elle n’a pas à aller chercher ailleurs.
Par Dame BABOU
Par Eugénie R. AW
LA MAISON DE LA PRESSE A LA MESURE DE TON NOM, BABACAR TOURE
A la hauteur de toi, pionnier d’une presse africaine libre, indépendante, plurielle, porteuse d’actualité et de réflexion critique, elle offrira pensée, recherche, formation d’avenir, inspirée par tes écrits
Ton nom sera donc au fronton de la Maison de la Presse. Ainsi en ont décidé les autorités sénégalaises. Comment l’en rendre digne ? La tâche nous revient à nous, les journalistes pour que cette Maison soit digne de toi. Parce qu’elle doit incarner ton Souffle. Etre : A la hauteur de toi, pionnier d’une presse africaine libre, indépendante, plurielle, porteuse d’actualité et de réflexion critique, elle offrira pensée, recherche, formation d’avenir, inspirée par tes écrits.
A la dimension de toi, homme de l’Afrique, homme de l’international, elle s’obligera à être ouverte au continent et au monde. A la mesure de Toi, être de générosité et de solidarité, elle sera attentive, veilleuse au service des demandes, des besoins d’une presse en développement. Cette Maison de la Presse, pour te rendre honneur, sera la maison des journalistes, la maison de la profession, notre refuge, celle qui portera éthique et déontologie ; ouverte à tous les confrères, à toutes les consœurs d’où qu’ils viennent, lorsqu’eux et elles défendant l’honneur de notre métier, sont mis en danger. Cette Maison nous offrira, connaissance et assistance. Elle sera productrice de pensée, de projets.
Elle représentera, Babacar, ta vie toujours continuée, toujours renouvelée. Les défis que tu poses passé/présent, cette Maison de la Presse, devenue notre Maison commune, les fera connaître dans les écoles de formation, à la jeune génération, mais aussi au-delà de nos frontières. Le chantier est un immense défi, il demande que la Maison de la Presse se renouvelle, se questionne, que les institutions qui la gèrent soit ouvertes à ton image, qu’elles n’aient pas peur d’une politique profondément citoyenne et professionnelle. Nous croyons que la puissance de Ton nom, nous inspirera, y compris nous de la presse.
Ainsi la Maison de la Presse sera digne de ton histoire et de ton Nom, toi Babacar, devenu par ta plume, maître de la parole.
Par Ibrahima BAKHOUM
BABACAR SOUS TERRE, LA PRESSE PERD SON EMBLEME
Maison de la Presse Babacar Touré. Cette fois Mbaye, tu ne pourras ni décliner ni même faire attendre. C’est comme si le président Macky Sall prenait une petite revanche
Maison de la Presse Babacar Touré. Cette fois Mbaye, tu ne pourras ni décliner ni même faire attendre. C’est comme si le président Macky Sall prenait une petite revanche.
En 2012, le Chef de l’Etat avait dû s’y prendre par deux fois avant de te convaincre d’accepter la Présidence du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel. On est en septembre. Ceux qui suivaient le dossier savent que, même la composition du Collège du CNRA avait pris un temps plus long que d’ordinaire. Tu avais demandé et obtenu que les futurs Conseillers fussent politiquement peu ou pas du tout marqués. Surtout pas du tout partisans. Logique, Macky te laissa le choix de la désignation des membres de ton équipe. Et tu t’abstins de copinage. Certains de tes futurs collaborateurs ne t’avaient jamais rencontré et il y en avait dont tu ne découvris le visage que le jour où, dans une prise de parole publique au King Fahd Palace, le Chef de l’Etat t’a lancé un « oui, Monsieur le Président, j’ai validé votre liste ». Voilà pour la petite histoire. Ceux qui un moment, ruèrent dans les brancards de la dénonciation avaient tout faux, estimant que le Président de la République venait de donner « à un concurrent », des droits de vie et de mort sur les autres éditeurs. On pouvait les comprendre. Le Groupe Sud dont tu étais jusqu’alors le PDG, avait déjà sa radio. Une première comme investissement privé dans la chaine de valeur de la Communication audiovisuelle au Sénégal. Là encore, tu t’illustras en pionnier.
Acteur des médias, tu avais tout ton mandat durant à la tête du CNRA, mis l’accent sur la pédagogie et le contact direct avec les éditeurs, même et surtout ceux qui à travers des programmes, se rendaient coupables de sorties de pistes éthique et déontologique. Pour une stricte observance de la loi, tu n’avais non plus jamais voulu te laisser prendre en défaut. Ton successeur a trouvé la tradition dans la maison ; il est resté dans la continuité. Vous avez en commun d’être des journalistes.
REUSSIR LA TRANSITION
Arrivé au terme de ta mission en 2018, tu t’es abstenu de retourner immédiatement à tes fonctions éditoriales. L’élégance républicaine t’avait éloigné des pages de Sud. Parce que devenu régulateur, tu avais choisi de ne jamais être juge et partie. Même si concernant la publication phare du groupe tu ne t’étais pas laissé aller à l’indifférence, tu avais fait le pari de ne jamais te laisser surprendre à prendre parti pour le quotidien dont tu proposas le titre de l’ancêtre, Sud magazine. C’était un jour de 1985. Le petit cercle de cinq confrères des quatrième, sixième et septième promotions du CESTI réunis chez toi à HAMO 1 avait tellement rêvé de panafricanisme et de libération et/ou liberté pour les peuples du Sud, que ta proposition de nom pour ce que nous allions créer, avait tout de suite obtenu l’adhésion des quatre autres. Une dizaine d’années plus tard, tu parlas de Sud comme d’une « galaxie éclatée », parce que quelques uns de ceux qui avaient été là aux premières heures ou venus plus tard, s’étaient ouvert d’autres pistes entreprenariales, sans jamais rompre avec la famille. Fairplay et grand Seigneur comme on ne peut plus, tu avais accompagné financièrement l’initiative du premier des quatre, parti faire cavalier seul. Pendant ce temps, sous ton influence, ton entregent, ton portefeuille relationnel qui débordait largement les frontières de notre pays, SUD renforçait sa place dans la construction d’une opinion publique de plus en plus regardante sur la gouvernance publique. C’était le projet.
L’emblème aux « 3 lettres d’or » avait réussi une initiative inédite. Tu t’es souvent plu à le dire dans des moments de plaisanterie : ce qui est devenu aujourd’hui le Groupe Multimédia Sud Communication était au départ, un produit-passe temps pour de jeunes journalistes ayant chacun un port d’attache professionnel avec salaire relativement correct. Abdoulaye Ndiaga Sylla, Sidy Gaye et Ibrahima Fall étaient encore au quotidien gouvernemental Le Soleil, où tu fis stage es qualités étudiant au CESTI. La fréquentation Ecole-milieu du travail avait pu vous faire tisser des rapports de confiance mutuelle en la valeur professionnelle de chacun. Plus tard, vous rattrapa le besoin incompressible d’expression plurielle et de libération éditoriale. Il vous fallut pouvoir pratiquer le journalisme tel que vous l’aviez appris, ce que ne pouvaient pas toujours permettre les médias dits d’Etat. Parmi ces derniers l’Agence de Presse Sénégalaise. Là aussi tu as été stagiaire.
ET LE SOLEIL PERDIT DE BRILLANTES PLUMES
Le besoin d’indépendance comme en rêve tout jeune journaliste avait été si souvent manifeste dans les attitudes de tes confrères et futurs co-fondateurs de Sud, que nul ne fut surpris par la démission de Sylla, Fall et Gaye. Le Soleil venait de perdre de bons analystes et versa à l’entreprise de Presse en gestation, de redoutables polémistes. Aussi, beaucoup y compris dans le milieu professionnel, ne donnèrent-ils pas cher d’un compagnonnage durable entre fortes têtes. Tu savais tout cela. Il y avait respect des différences et tu es parvenu, en bon meneur d’hommes, à créer un esprit d’entreprise en capitalisant sur les contradictions, les atouts et le tempérament de chacun.
De ton poste à ENDA, où ton assistante Mame Fatou Fall s’occupait de dactylographier tes premiers textes destinés à ce qui va devenir SUD Magazine, tu coordonnais déjà le contenu du premier numéro de la publication, à l’origine trimestrielle. La Une fut consacrée, en février 1986, à l’éminent Pr Cheikh Anta Diop. Le projet panafricaniste prenait déjà forme. La plateforme démocratique n’a plus jamais quitté l’espace public dont tu devins une figure, des plus illustres, des plus emblématiques.
Un éditorial signé Babacar Touré emballait tout ce que le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest d’alors avaient comme intellectuels et personnalités politiques de premier plan. Ainsi Sud Magazine d’abord, Sud Hebdo ensuite, le quotidien et la radio FM successivement, ont réussi à donner un autre nouveau visage à la presse papier et à la radio, dans un pays pas vierge d’initiatives privées, mais pour des expériences qui, dans le secteur, ont fait long feu.
Les titres qui suivirent la naissance de Sud hebdo complétèrent le tableau de la bien nommée « bande des quatre », ou encore les « 4 Mousquetaires ». Walfadjri, le Cafard Libéré et le Témoin arrivaient sur le marché.
En toi Babacar, les hommes et femmes des médias, les universitaires d’ici et d’ailleurs venaient de découvrir un maître, un militant du journalisme. La profession s’en trouvait rapidement rendue plus attractive, et des jeunes sortis d’Ecoles ou se faisant encadrer sur le tas et le tard pour certains, ne rêvaient que de cette profession où la liberté d’expression côtoyait et se renforçait du devoir assumé de responsabilité. Sud passé quotidien en 1993, la radio Sud FM ouverte l’année suivante, en 1994, tu eus l’idée de donner de la chance à ceux dont le concours très sélectif du Cesti pouvait briser le rêve de devenir Journaliste ou Communicant.
ASSURER LA FORMATION POUR PRESERVER LA RELEVE
L’explosion médiatique que tu voyais venir appelait davantage de personnels bien préparés aux fonctions sociales d’information par voie de Presse. Et naquit en 1996, l’Institut Supérieur des Sciences de l’Information et de la Communication (ISSIC), dont la seule évocation renvoyait à Abdou Latif Coulibaly devenu plus tard, figure emblématique du journalisme d’investigation. « L’Ecole de Latif » s’était fait un nom, une enseigne dans l’Enseignement Supérieur. Une décennie venait alors de s’écouler depuis le matin où, fouettés par le vent frisquet des mois de décembre, nous faisions le pied de gru devant le hangar, à cette heure encore fermé, de l’ADP. Je cherchai les mots pour te distraire autrement, vu ton humeur du moment. Tu venais de te demander pourquoi il y avait si peu d’engagés (nous n’étions que deux en vérité), pour assurer la manutention de la publication, au Km 2,5 Boulevard du Centenaire. Sud Magazine avait ses locaux à la rue de Bayeux en centre-ville. Une petite pièce au fond d’une cour, après que nous avions un temps durant, quasi squaté le salon de Mme Touré, chez toi en proche banlieue de Dakar. Tu avais aussi relevé à cet instant, que nous avions été les principaux rédacteurs des articles de l’édition dont nous étions invités à aller enlever le tirage. La Messagerie qui distribuait tout ce qui était publications de qualité au Sénégal, faisait l’essentiel de son chiffre d’affaires avec les journaux français et la presse africaine de Paris. Le Titre Sud faisait encore ses petits pas dans le monde des médias qui comptent. Pour te calmer ce matin donc, je t’ai sorti quelques mots dont je n’avais moi-même, pas mesuré la portée prémonitoire.
LE SUCCES AU-DELA DES ESPERANCES
« Arrivera un jour, te dis-je, où dans ce pays, personne ne pourra parler de Journalisme sans y associer ton nom ». On était en 1986. Et depuis, je ne sais combien de fois je t’ai rappelé cette prédiction, question de te dire que j’avais vu juste. Ce qui est arrivé est très largement au-delà de ce que je croyais voir venir. La réponse que tu me servis sur le moment est encore fraiche dans ma mémoire. « Tu penses que je travaille pour la gloriole » ?, me lanças-tu, histoire de me signifier que ton rêve n’était pas de célébrité ni de vedettariat. Tu n’avais pas vu venir, car te voilà largement auréolé de gloire. La preuve irréfutable en est administrée par le torrent d’éloges qui coulent dans tous les médias du pays et hors du Sénégal, depuis l’annonce de ton retrait définitif de la scène, dimanche 25 juillet 2020.
Après le professionnel, nous nous économisons relativement à ce qui fait que j’ai souvent parlé de toi comme d’une sécurité sociale ambulante. Ta main n’a jamais quitté ta poche. Des milliers de familles dans ce pays et ailleurs peuvent en témoigner. Il y a quelque trois semaines encore, je te le répétait après un appel de ton collaborateur et homme de confiance Ousmane NDIAYE, qui ne se signalait jamais sans la bonne nouvelle : « le grand m’a demandé de t’envoyer … » Le lendemain du dernier message de ce même Ousmane, tu m’annonçais être sur le chemin de chez ton médecin. Optimiste comme j’eus souvent raison de l’être, j’attendais le jour que j’espérais évident et proche, où tu me dirais comme de précédentes fois, « Ok B... tout va bien je suis à Ngaparou ». Je te voyais te sortir de la maladie. Erreur ; on t’a sorti de chez le toubib. L’imposant gabarit avait refroidi. Adieu Mbaye. Mes condoléances à ta famille, à Ndèye Fatou ta fille qui dut si souvent, les samedis après 13 h, sommeiller seule à la devanture de son Ecole maternelle. Là, attendait la gamine, que vienne la chercher le papa occupé à cogiter sur le menu d’une revue à la prochaine parution improbable, parce qu’il fallait aux fondateurs se cotiser pour aller à l’imprimerie. Ces condoléances vont à tous les tiens, aux frères et sœurs, à la maman de Ndèye Fatou qui eut un moment à imaginer un « club des épouses dont les maris rentrent tard ». C’était au début de Sud quotidien avec des bouclages tirant en longueur, tous les soirs. Illustration d’un paradoxe car certains jours, il s’y passait une ambiance exactement comme on ne pouvait imaginer se comporter, ces « mécontents » et/ou « rebelles », présumés hostiles à l’ordre établi. Se représentait-on ces journalistes comme une faune d’individus incapables de plaisanteries, de moments d’évasion joyeuse même sur le lieu de travail ?
UN TON PAS AU GOÛT DES AMIS
Vu de l’extérieur et victime d’un imaginaire qui accompagna ses fondateurs mais surtout alimenté par le physique de celui qui passait devant, Sud était une affaire de gens austères, voire prétentieux… opposés au Pouvoir. Le président Abdou Diouf et son Premier ministre Habib Thiam étaient pourtant tous deux du cercle de ceux dont on pouvait dire que Babacar avait l’écoute. De ces deux plus hautes personnalités de la République, on peut imaginer que tu connaissais l’office, la table le jardin et peut-être un bout d’arrière-cour. Ce qui n’avait aucune incidence sur la politique éditoriale de Sud. Tu avais tenu à garder tes amis à distance pendant que les journalistes s’occupaient à « informer juste et vrai ». La maison n’était pas à un paradoxe près. Au lendemain de ton départ pour le voyage sans retour, Mamadou Amat parlait encore de ton sens de l’humour. Lui Yamatélé imbattable sur ce registre, sait de quoi il parle.
Outre vos relations personnelles, il anima pour Sud hebdo, une célèbre chronique au titre de critique télé. Un redoutable observateur qui troublait le sommeil des agents d’antenne et présentateurs du JT de l’alors unique chaine au Sénégal. Cela lui valut ce pseudonyme de Yamatélé, que lui attribuèrent les cibles de ces mises au point. C’était en référence au petit bonhomme du dessin animé qui portait toujours son poste partout, sur l’épaule. Tu n’eus pas tort de lui ouvrir les pages de la publication, creuset de diversités d’opinions et de talents, le tout au service d’un journalisme loin des règlements de compte personnels et de la propagande ; que celle-ci soit assumée ou déguisée. Amat qui était à l’APS savait qu’il arrivait à la rédaction de s’animer d’anecdotes et de blagues entre reporters qui se vouaient un égal et mutuel respect. Et chacun parmi les déjà anciens de la Rédaction qui se rajeunissait, avait une étiquette. Celle-ci renvoyait à son style ou à des expressions qui se retrouvaient souvent dans ses textes.
Sidy Gaye le chroniqueur économique était sur des « Boulevards », quand Ibrahima Fall, « petit chef » chroniqueur politique et militant de gauche, décortiquait ses « Vulgates » devant un Abdoulaye Ndiaga Sylla incarnant la sagesse et la combativité syndicale. Il avait été secrétaire général du Synpics, et à ce titre négociateur à tes côtés, de la Convention Collective de 1991.
Loin du syndicat et exclusivement pour Sud, et plus d’une fois, il t’est arrivé d’être mis en minorité dans une mesure à prendre. Pour ne pas lâcher prise, tu faisais remettre la discussion à plus tard, le temps d’aligner Sylla, sur ton point de vue.
A la reprise, on disait rarement non à Ndiaga. Et tu gagnais. Je t’ai souvent rappelé ces épisodes du parcours de Sud. Dans la bonne humeur. Certains autres jours, tout prenait des allures de grand place joyeuse, A tel point qu’on pouvait craindre pour l’heure du bouclage. Mais les femmes et hommes préposés au traitement des menus avaient la main. Une fois les informations recoupées, vérifiées et consolidées, sortir du texte entrait dans l’ordinaire d’un journal normal. C’était aussi Sud.
ILS ETAIENT LA AUSSI
Babacar, je sais qu’il y a de ces personnes qui nous quittés et dont tu ne supporterais que leur nom et apport ne soient pas rappelés quand on parle des débuts de Sud. Comme des humains, nous avions déjà en projet de revisiter tout cela au 35 ème anniversaire, en 2021. Parmi eux, Mansour Niang Niamagne qui conçut et accompagna la charte graphique du magazine depuis Hamo1. Paul Nejem de l’imprimerie Saint Paul que tu te plaisais à appeler Petit Paul. Il avait été un complice des premières heures. Et Sud Magazine pouvait espérer paraître, même si l’enveloppe commençait à révéler une solvabilité peu évidente de celui qui signait les bons de commande, toi Babacar, en l’occurrence. Mais Paul et toi saviez manoeuver dans une mutuelle confiance. Il t’a devancé auprès du Créateur SWT depuis des années. Paix à son âme, lui qui dès le début, crut en des jeunes certes volontaires et engagés mais si peu prêts financièrement. Tu étais crédible, cela suffisait au fournisseur. Tu ne t’en étais pas arrêté à trouver les moyens de faire imprimer Sud Magazine. Tu eus l’idée de faire sponsoriser le projet jeune, par l’ancien Président du Sénégal. Léopold Sédar Senghor n’était plus aux affaires mais tu obtins un rendez-vous aux Dents de la Mer, sa résidence privée. Il te proposa de lui présenter un projet de Lettre qu’il signa après t’avoir assuré que Sud Magazine était agréable à lire. « Le ton est bon », voilà ses mots. ?
Babacar Touré, la Presse sénégalaise et celle ouest africaine francophone notamment, te doivent d’avoir connu un essor qui n’est, depuis lors, plus jamais remis en question. Partout naissent des Titres privés avec plus ou moins de chance de longévité. La démocratie s’en est trouvée à l’ordre du jour dans tous les pays de la sous région, même si les multiples soubresauts peuvent laisser une impression d’impréparation, telle que voulue et cultivée par des Pouvoirs politiques multi décennaux. Ce qu’il serait extrêmement dangereux de défendre, c’est l’idée que rien ne peut se faire contre les projets dictatoriaux. La Presse pourra assumer et poursuivre ses fonctions de vigie de la démocratie, si chacun de tes héritiers professionnels s’emploie à préserver et vivifier le legs.
ILS ONT SAUVE LA DEMOCRATIE
Tu as déjà reçu en son temps, des confidences sur comment la presse privée, Sud notamment, avait gêné et fait renoncer à un projet de liquidation de l’opposition sénégalaise. On sortait d’élections troubles en 1988. Et dans les cercles huppés de l’establishment on n’en revenait pas. La question était pour les décideurs, de savoir d’où sortaient donc ces journalistes inconnus aux tableaux des fils de, neveux de, frère de... C’est vrai qu’un coup d’œil sur les pièces d’état civil pouvait intriguer un peu plus. Entre 145 à 150 km voire davantage au sud ou à l’ouest de la capitale comme lieu de naissance, pour des perturbateurs de l’ordre établi par la puissance étatique, cela s’expliquait difficilement. Tout politiquement engagé que tu fusses, on ne pouvait te classer au niveau social de cet autre révolutionnaire, fils de Dakar né à Niamey et tué à la prison de Gorée en 1973. Comme Oumar Blondin Diop, tu fis tes humanités à l’école de la gauche radicale. Ce que tu en as gardé a fait de toi l’homme d’une immense générosité dont le talent professionnel et le combat démocratique sont salués partout. Politiquement cultivé, journalistiquement aguerri, l’histoire bientôt tri décennal de Sud a révélé en toi un grand homme intègre, digne et bon. Ton nom se prononce encore avoir bonheur et fierté dans les couloirs du CNRA dont tu as proposé au chef de l’Etat de nommer à la présidence, un autre Babacar, alors que tu terminais ton mandat. Et conseiller de l’ombre tu le restas pour aider à aplanir les rapports entre le Régulateur de l’Audiovisuel et des éditeurs qui s’essayaient à la sortie de route.
PRENDS TA MAISON ET REPOSE EN PAIX
On n’aura jamais tout dit te concernant, post mortem. Et comme tu sus allier vision, professionnalisme, rigueur et sociabilité, nous allons faire comme tu aimais recommander. Faire ou dire chaque chose en son temps, mais le faire ou le dire quand on aura fini de s’assurer que nul ne s’engagera sur une piste aventureuse du fait des seuls écrits d’un journaliste. A chaque étape son sujet. De quelques étapes de la marche des Sud-produits et de ta gouvernance de la Régulation de l’Audiovisuel, nous parlerons une prochaine fois avec le soutien d’autres acteurs au sein du Groupe et de l’institution. Repose en Paix Mbaye. Mais ton nom figurera sur tous les communiqués, cartons d’invitation ou supports publicitaires portant sur toutes activités et manifestions à tenir dans ou pas loin du majestueux immeuble qui trône sur la rue 5 angle Corniche, à Dakar. Une consécration décidée par le président Macky Sall et mérité incontestablement par l’incontournable Babacar Touré, lorsqu’il s’agit d’honorer la presse. Nous savons ce que nous avons perdu. L’ancien enseignant au Cesti, formateur de la plupart d’entre notre génération, ancien fonctionnaire de l’Unesco à Paris et Dakar a eu le mot juste.
Diomansi Bombote assimile ta disparition à une « amputation ». Elle est incurable parce que le membre séparé du corps n’est jamais remplaçable à l’identique de l’originel. Tu me confiais, pas plus tard que l’année dernière, que tu étais « un être des eaux ». Te voici désormais majestueusement face à la mer, avec vue imprenable sur l’Océan Atlantique. Cette fois, Mbaye je te le redis, impossible d’opposer au Conseil des ministres ta célèbre adresse à Diouf. A Macky et pour cette distinction, tu ne pourras pas dire « Non Monsieur le Président ! ».
par Makhtar Diouf
AVEC BABACAR (MBAYE) TOURÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - Lors de notre dernière rencontre, il me propose devant sa fille, de coécrire avec moi un livre. Je lui donne mon accord et lui demande, comme l’idée vient de lui, de choisir le thème. Un projet qui ne verra pas le jour
Lorsque j’apprends la nouvelle ce lundi à 6h 30 sur sa radio Sud Fm, ma première pensée va vers sa fille étudiante en compagnie de qui il est venu me rendre visite à la maison, il y a quelques mois. Comme il le faisait chaque année. C’est la dernière fois qu’on s’est vu, mais nous sommes restés en correspondance.
Ma première rencontre rapprochée avec lui a lieu au milieu des années 1980 dans un avion qui nous amène à Cotonou pour une conférence. C’est en plein vol qu’il vient vers moi pour se présenter et me dire qu’il a été mon étudiant au département de Sciences économiques de l’Ucad et qu’il est maintenant dans le journalisme. Il est en compagnie de mon ami Mbaye Sidy Mbaye.
Lorsqu’il lance le journal Sud-Hebdo dans cette masure qui leur sert de local au centre - ville à la rue Raffenel (actuelle rue Joseph Gomis), avec son escouade de talentueux et téméraires jeunes intellectuels-journalistes comme Abdoulaye Ndiaga Sylla, Alain Agboton, Ibrahima Fall, Vieux Savané, Abdou Latif Coulibaly, Sidy Gaye … je fais partie des premiers à les accompagner, à les encourager. Je les ai suivis dans leur audacieuse aventure jusqu’à la création de la radio Sud-Fm et du quotidien Sud où j’envoie pour publication tous mes articles d’intervention sur l’actualité.
Depuis lors, une solide amitié entre nous. Il me rend visite au moins une fois chaque année. Lorsque je lui dis que je ne sors pas beaucoup, il me rétorque que lui non plus ne sort pas beaucoup, ayant jeté ses bases à Ngaparou, et d’ajouter : « Sortir d’ailleurs pour aller où ? ».
Il m’appelait toujours ‘’Grand’’ au téléphone, et ‘’Grand frère’’ au courrier. Dans le dernier email que je lui envoie le 21 mai 2020, je le taquine en ces termes : ‘’Babacar le confiné’’. Il me fait cette réponse : Salam, grand frère. Le covid m’a empêché d’effectuer mon Ziar du Ramadan. Il veut me dire qu’il respecte la recommandation ‘’Restez chez vous’’ pour éviter la diffusion du virus.
C’est lors de notre dernière rencontre qu’il me propose devant sa fille, de coécrire avec moi un livre. Je lui donne mon accord et lui demande, comme l’idée vient de lui, de choisir le thème. Un projet qui ne verra pas le jour.
Je n’ai pas pu aller à la levée de corps, ayant reçu la visite de cet indésirable que certains appellent ‘’migraine’’. Je suis resté à la maison avec un exemplaire du Coran pour lui faire tout ce que recommande l’Islam à l’intention des chers disparus. Je me joins naturellement à tous les hommages mérités et sincères qui lui ont été rendus.
Au décès de sa compatriote, la grande romancière George Sand en 1876, Victor Hugo a ses mots : Je pleure une morte. Je salue une immortelle. Nombreux sont ceux qui, sans l’exprimer, ont murmuré des propos semblables dans leurs cœurs à l’endroit de Babacar Mbaye Touré. Mais lui qui n’avait rien d’un rabat-joie, plutôt farceur, avec son goût pour la plaisanterie, il aurait sûrement souhaité que personne ne soit triste à l’occasion de son rappel à Dieu.
Dans mon ordinateur figurent deux adresses email qui ne seront plus mis à contribution, mais qui ne seront pas effacés : babacarsud@yahoo.fr et mbayeture@gmail.com.
par Jean-Christophe Senghor
GLOIRE À DANIEL SORANO, FILS DU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - Ce n’est pas un « insignifiant hasard biographique » qui rattache Sorano au Sénégal mais bien son sang tout entier. Il ne fait décidément pas bon de porter un nom à consonance européenne au Sénégal si l’on en croit Boubacar Boris Diop
On peut être tout à la fois un grand romancier et un brillant intellectuel et méconnaître un pan de l’histoire de son pays. Boubacar Boris Diop en fait la magnifique démonstration dans son article paru sur SenePlus où il raye d’un trait de plume définitif la « sénégalité » de Daniel Sorano !
Il faut relire l’acte d’accusation : « Nous sommes des milliers à passer chaque jour, que Dieu fait, devant le Théâtre National Daniel Sorano. Que savons-nous de son parrain qui fut, semble-t-il, un grand acteur français ? La réponse à cette question est aussi simple que troublante : nous ne savons rien de ce monsieur Sorano. A part un insignifiant hasard biographique – son père a été greffier à Dakar au début du siècle dernier – rien ne le rattache à notre pays. De son riche répertoire, pas une pièce ne concerne, même de loin, l’Afrique ou encore moins le Sénégal où il n’a du reste jamais mis les pieds. »
Sur sa lancée, le procureur Diop passe également par pertes et profits les origines sénégalaises de Gaston Berger – en lui concédant tout de même une grand-mère née Fatou Diagne – et finit par avouer son agacement devant le métissage culturel « irritant » (sic) prôné par Senghor.
« On ne peut sommer un peuple de cultiver le souvenir de personnalités auxquelles rien ne le relie », continue le procureur ajoutant que le président Senghor « aurait pu tout aussi bien appeler ce théâtre « Alexandre Pouchkine » ou « Alexandre Dumas ».
Les suggestions de Diop sont intéressantes car la généalogie de Pouchkine révèle qu’il avait un arrière-grand-père originaire du Cameroun, vendu comme esclave par le sultan Abd El Khader en 1703, et celle de Dumas père nous apprend que sa grand-mère paternelle était d’origine guinéenne ce qui aurait pu, pour l’un et pour l’autre, retenir un instant l’attention du président-poète, amoureux de ce métissage qui irrite tant !
Mais le président a choisi un sénégalais, n’en déplaise à M. Diop ! La généalogie de ce pauvre « monsieur Sorano », révèle en effet que ce dernier est le pur produit du métissage sénégalais. Voyez un peu : ses deux parents et ses quatre grands-parents sont nés au Sénégal et portent les noms de Sorano, Le Gros, Michas et Pécarrère, toutes étant issues de familles métisses de Gorée et de Saint-Louis. Ce n’est donc pas un « insignifiant hasard biographique » qui rattache Sorano au Sénégal mais bien son sang tout entier qui parle pour lui !
Il ne fait pas bon, décidément, de porter un nom à consonance européenne au Sénégal si l’on en croit M. Diop lui qui affirme que « débarrasser nos artères des noms de Jules Ferry, Pompidou, Charles de Gaulle et autre Béranger Féraud est une œuvre de salubrité publique ». « L’accusateur public » du prochain « comité de salubrité publique » est tout trouvé ! Fouqier-Tinville, Saint-Just et Robespierre ont fait des émules dans notre pays !
Jules Ferry et Bérenger Féraud ? Je suis le premier à applaudir ! Mais, enfin, que viennent faire dans cette galère Pompidou et Charles de Gaulle ? Des sinistres esclavagistes ? Dans cette folie, on a oublié Roosevelt qui n’a aucun sang sénégalais – du moins a priori - et ce pauvre Peytavin, premier ministre des Finances à l’indépendance qui – pour mémoire – a pourtant abandonné la nationalité française !
Monsieur Diop aurait pu se réjouir que le Sénégal ait donné un de ses fils au monde du cinéma et du théâtre. Ayant joué dans 44 pièces de théâtre, 26 films et téléfilms, salué notamment pour son rôle de Cyrano de Bergerac, Daniel Sorano mourut à 41 ans en 1962, alors qu’il venait de signer pour jouer dans le film Le Guépard de Luchino Visconti. Il méritait certes mieux que ces propos méprisants qui en disent long sur le terrorisme intellectuel d’aujourd’hui !
par Mamadou Amat
MON HOMMAGE À KADER ET À BABACAR
EXCLUSIF SENEPLUS - Grands professionnels aimés et respectés, reposez en paix. Vous pouvez, car je peux vous certifier que pour vous au moins, les hommages qui vous ont été rendus sont vraiment sincères. Ce n’est pas forcément le cas pour tout le monde...
Voilà que Babacar Touré tire sa révérence alors que je n’ai même pas fini de pleurer mon aîné et ami Kader Diop, ce très grand agencier comme moi [attention, le « comme moi » ici s’applique juste à « agencier » et pas forcément au reste], qui vient de partir sur la pointe des pieds rejoindre sa douce et inséparable moitié. Les témoignages ont été nombreux et unanimes sur les qualités tant humaines, morales que professionnelles de cet ancien ténor de Radio-Sénégal de la grande époque ainsi que de la respectable Agence France presse (AFP), dont il a dirigé le bureau dakarois de nombreuses années avant de prendre sa retraite. Une retraite très active puisqu’il l’a mise à profit pour donner des cours de journalisme dans certains instituts de la place. Mais surtout une retraite d’où la tiré Alpha Abdallah Sall [autre illustre disparu], alors à la tête du syndicat dont il cherchait à compléter la superstructure par la mise en place d’un Conseil pour le respect de l’éthique et de la déontologie dans les médias (Cred), qui a aujourd’hui muté [tel un virus] en l’actuel Cored. Avec Kader, qui en était le président, et Mbaye Sidy Mbaye, le porte-parole, j’étais un des membres sur qui ces deux esclavagistes comptaient le plus souvent pour la rédaction des communiqués que la structure publiait périodiquement. Restant effacé aux yeux de l’extérieur, mais très efficace pour nous de l’intérieur, Kader, fidèle à son tempérament de bosseur de l’ombre, donnait la fausse impression d’avoir abdiqué au profit du porte-parole qui, par ses nombreuses sorties dans les médias, ne faisait qu’accomplir, et bien assurer et assumer, sa fonction de porte-voix, de vitrine. Deux très grands professionnels qui, pour avoir bossé ensemble à Radio-Sénégal, s’entendaient comme larrons en foire. Je vois d’ici Mbaye Sidy me menacer du doigt pour l’avoir traité de larron. LOL, ou plutôt MDR pour ceux dont l’anglais est bancal. Avec « Grand Kédeur », comme je l’appelais avec un accent anglais pas du tout bancal, l’on comprend aisément l’expression « forcer le respect ». Qui que vous soyez, quels que soient vos rang et fonctions, Kader ne se gênait jamais de vous livrer le fond de sa pensée, même s’il savait que vous ne seriez pas content. La franchise et la vérité, voilà les deux éléments de son credo. Mais bon, tout ce qui devait être su de Kader a été dit et écrit, de fort belle manière, par ceux et celles qui lui ont rendu, avant moi, ces hommages bien mérités auxquels il a eu droit dans les médias. Et dans les cœurs.
A présent, passons à Babacar Touré, dont je fus l’un des compagnons de route au tout début de la belle et extraordinaire aventure du groupe Sud. Je me souviens de ce soir de l’an de grâce 1985 où, en compagnie d’Abdoulaye Ndiaga Sylla, il est passé à la maison pour s’accorder avec moi sur le rôle qui devait être le mien dans l’animation de Sud-Magazine, le mensuel des débuts qui allait donner naissance à tout ce qui est là aujourd’hui. Travaillant déjà à temps plein pour l’APS comme chef du service des reportages, j’optai pour les pages détente, jouant les verbicrucistes par la création de grilles de mon cru et imaginant des jeux de culture générale en questions/réponses… Mais j’ai fait la connaissance de B.T. bien plus tôt que ça. Et, histoire de rigoler un peu, je l'appelais « mon apprenti ». En effet, c'est moi qui fus le premier à encadrer l’étudiant de première année du Cesti lors du stage qu'il vint effectuer, durant les vacances 1978, au bureau régional de l'APS à Thiès. Absolument ! Bien qu'il fût mon aînée de quelques années, Babacar est entré au Cesti au moment où j'en sortais. Frais émoulu de l'école des Canadiens et des Français, j'assurais l'intérim du chef du bureau de Thiès avec, derrière la tête, l'idée de contribuer à valoriser l'information régionale, alors parent pauvre de l'actualité nationale. Admis en stage d’été à l'agence nationale, Babacar demanda à effectuer celui-ci à mes côtés, qui plus est dans la ville de notre enfance... Ce furent des moments mémorables pour lui comme pour moi. Et nous nous plaisions, par la suite, à ressasser les très bons moments passés ensemble, mais surtout les nombreux reportages que nous réalisâmes alors sur la pêche à Kayar, Potou, Fass-Boye ou le tourisme sur la petite Côte, notamment au Club Aldiana et à Saly Portudal, encore en grande partie en chantier et dans une zone en plein boom touristique.
Sous des dehors apparemment farouches, Babacar dissimulait un énorme sens de l'humour, ce qui faisait de nos rencontres à tous les deux ou de nos entretiens téléphoniques des moments d'inextinguibles fous rires et de grand bonheur. Avec son sens de la répartie et son esprit d’à-propos, Babacar n’était jamais pris au dépourvu. Au lancement de Sud-Hebdo, qui paraissait alors deux fois par mois avant de devenir vraiment hebdomadaire, c’est lui qui me suggéra l’idée d’animer une rubrique sur la télévision, un défi pas très évident au départ, mais que je me fis fort de relever en livrant une lecture très personnelle de la façon dont certaines émissions de la télé nationale étaient conduites. Quatre années durant, entre 1987 et 1991, Yamatélé [le sobriquet qui me désignait du fait que je gobais quasiment tout ce qui passait sur la lucarne imagique] publiait chaque jeudi une chronique très suivie par le public et par les agents de l’ORTS. A ce propos, Babacar m’a un jour servi une réponse qui nous a encore fait rire à gorge déployée tous les deux, il y a quelque temps, quand je lui ai rappelé le sondage qu’il avait commandé et qui faisait de la chronique de Yamatélé et des éditos de Babacar Touré les deux lectures préférées du public. Du tac au tac, il me fit la réponse suivante : « Toi tu écris chaque semaine et moi, seulement quand l’actualité le commande. Tu me fais de la concurrence déloyale ! »
Tenez, voici une anecdote où s’illustrent en même temps Kader et Babacar. Le premier nommé venait de se voir attribuer le Prix Pierre Mille du meilleur reportage, décerné par le Syndicat de la presse française d'Outre-mer et destiné à récompenser un journaliste de la presse écrite ou audiovisuelle francophone. Très fier de Kader et inspiré par cette récompense, je décidai de créer le Prix Yamatélé Pile pour distinguer le premier présentateur du journal télévisé de l’ORTS qui réussirait à tenir pile-poil dans le créneau 20h30-21h00. Quand Ibrahima Souleymane Ndiaye réussit la prouesse, Babacar Touré s’amusa beaucoup de mon idée et ordonna au comptable de me remettre la somme nécessaire à l’achat et à la gravure d’un trophée en forme de coupe du monde ! Comme je n’avais pas trop froid aux yeux à l’époque, je suis allé personnellement à la rédaction du journal télévisé remettre le trophée à Ibrahima S. Ndiaye, ce dans une atmosphère sympathique, bon enfant et hilarante. A noter, pour finir, que je ne me souviens pas avoir une seule fois entendu Babacar Touré m’appeler autrement que par le sobriquet « Amo », déclinant ainsi la première des trois premières personnes du verbe aimer conjugué en latin : Amo, Amas, Amat…
Kader Diop et Babacar Touré, grands professionnels aimés et respectés, reposez en paix. Vous pouvez, car je peux vous certifier que pour vous au moins, les hommages qui vous ont été rendus sont vraiment sincères. Ce qui n’est pas forcément le cas pour tout le monde...