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4 mai 2025
Opinions
par Saphie Ly
LES OISEAUX SE CACHENT POUR MOURIR
Les derniers éditoriaux de Babacar Touré sont, dans notre Sénégal, notre monde, devenus troubles, un testament et un viatique pour celui qui voudra lire, pour chaque journaliste, pour chaque homme et femme de Sud
Merci. Babacar Touré nous a donné son plus beau chant. Maintenant nous le savons. Ce sont ses éditoriaux des dernières semaines.
Comme toujours, au bénéfice de tous. Il existe quelque part dans le monde, une légende qui raconte la beauté inégalée du chant d’un oiseau qui cherche dans la brousse l’épine la plus longue et la plus acérée permettant d’arracher la plus belle note. Lorsqu’il la trouvée, il entonne alors son dernier et plus beau chant, s’empale sur cette épine pour livrer son ultime et sublime hymne. Ultime acte de générosité et legs à ceux qui écoutent.
Babacar a défié les derniers instants de sa santé devenue fragile. Ses derniers éditoriaux sont, dans notre Sénégal, notre monde, devenus troubles, un testament et un viatique pour celui qui voudra lire, pour chaque journaliste, pour chaque homme et femme de Sud.
Babacar est parti un dimanche soir comme celui qui travaille les sept jours de la semaine et ne prend son repos que dans la dernière heure, lorsque les énergies vitales sont vaincues. Pas tranquille Babacar. Sud et l’esprit Sud sauront donner écho à ce que nous avons tous appris de toi. Nous partageons la tristesse et la fierté de ta famille. Notre terre perd un habitant. La postérité, le paradis gagnent un invité.
par Demba Ndiaye
ADIEU CAMARADE !
Le journalisme fut pour Babacar Touré, et nous par ricochet, plus une mission quasi impossible, un sacerdoce qui énervait bien de bien-pensants et autres « eau de pirogue » qui valsent au gré des vagues
Il y a d’abord l’Histoire avec un grand H. C’est celle d’une aventure. Sud. Les années 80 avec sa nouvelle guerre Nord-Sud. Se situer, se définir, prendre parti, assumer ses responsabilités. Alors, une bande de jeunes « fous » décida de s’assumer ; d’assumer les responsabilités de l’époque : recentrer les débats du continent dans le mouvement pendulaire d’une époque qui appelait à la résistance.
Sud sera une des armes de ce combat démocratique. Au réveil et aux luttes des forces démocratiques et patriotiques, Sud serait un porte-voix majeur. Il sera de tous les combats ; il rendra compte de toutes les plaintes et complaintes. Il s’incrustera dans les entrailles des détresses des petites gens ; il hantera le sommeil et la quiétude des gouvernants pour qu’ils entendent les supplices de celles et ceux qu’ils sont censés servir.
Bref, il sera le vigie et la sentinelle pour que les promesses soient tenues. L’Afrique et le Sénégal des années 90 étaient un brasier où se consumaient les espoirs d’un monde meilleur et de fortes aspirations démocratiques pour enterrer l’Afrique monolithique des coups d’Etat et de partis uniques. Il y a aussi les histoires de …Sud. C’est-à-dire les cadavres qu’il déterra, les débats qu’il imposa, les conflits qu’il assuma et géra. Des débats tenus et soutenus : la démocratie et les institutions par de grands intellectuels comme le Professeur Kader Boye ou Me Ousmane Sèye, des intellectuels comme Boris Diop, Souleymane Bachir Diagne, des sommités médicales, des leaders des syndicats autonomes en gestation ou en période d’affirmation. Ces multiples combats feront dire aux mauvaises langues et à ceux que Sud empêchait de dormir qu’il était « le premier parti d’opposition » du pays. Il assuma sa ligne éditoriale. Il amplifia le combat des forces démocratiques et pourchassa les fautes de gestion des gens du pouvoir.
Et Sud, ce bateau « ivre » de justice avait un timonier hors pair : BT. Parce que voyez-vous, personne ou si peu, ne l’appelait Babacar Touré dans la maison. Respect et familiarité. Parce que derrière sa « masse » imposante et qui en imposait, il y avait comme une âme de grand garçon jovial avec des éclats de rire apaisant. Il souriait ou éclatait de rire après vous avoir engueulé la minute d’avant. Il détestait le job mal fait, les sources imprécises ou les périphrases d’intello ou la langue de bois de juristes. (N’est-ce pas Latif ?) Mais il détestait par-dessus tout, les faux jetons et autres faux-culs, les m’as-tu vu. Les faux amis et faux compagnons de route. Parce que BT était entièrement et tragiquement entier.
Voilà pourquoi il traversa le dernier demi-siècle du XXe comme un ouragan rédempteur. Voilà pourquoi, le journalisme fut pour lui, et nous par ricochet, plus une mission quasi impossible, un sacerdoce qui énervait bien de bien-pensants et autres « eau de pirogue » qui valsent au gré des vagues. Parce que de là où tu es maintenant je sais que tu es en train de fulminer par tant de mots que tu qualifiais de maux dont nous étions souvent porteurs, diffuseurs, comme cette saloperie corona qui a emporté tant de gens de bien, je m’arrête là et te dis : A Diarama, Al Touré. Je t’appelais ainsi parce que tu ne m’appelais pas autrement que par « Al Demba ». Et je n’ai jamais compris pourquoi.
par Ibrahima Bakhoum
BABACAR, JE NE SAIS COMMENT PARLER DE TOI
Paix à l’âme de celui qui dès le début, crut et accompagna des jeunes journalistes, volontaires et désargentés. De Sud FM et de l’ISSIC puis, nous reparlerons plus tard. Comme tu sus allier vision, professionnalisme et rigueur, cher confrère !
L’élégance républicaine t’avait éloigné des pages de Sud. Parce que devenu régulateur des médias, tu avais choisi de ne jamais être juge et arbitre. Même si la publication phare du groupe ne t’avait jamais été étrangère, ni dans sa gestion, ni du fait de l’appui-conseil éditorial que tu apportais aux plus jeunes, tu avais pris le parti de ne jamais prendre parti pour la publication dont tu proposas le titre, un jour de 1985.
Le petit cercle d’amis et de confrères des quatrième, sixième et septième promotion du CESTI réunis dans ton salon à HAMO 1 avait tellement rêvé de panafricanisme et de libération et/liberté pour les peuples du Sud, que ta proposition de nom pour ce que nous allions créer, avait tout de suite obtenu l’adhésion des quatre autres.
Un jour, tu parlas de Sud comme d’une « galaxie éclatée » parce que ceux qui étaient là aux premières heures et ceux qui, plus tard rejoignirent les fondateurs avaient pour certains, suivi d’autres pistes et initiatives, sans jamais rompre les amarres avec la famille.
Sous ton influence, ton entregent, ton portefeuille relationnel qui débordait largement les frontières de notre pays, Sud avait réussi une initiative inédite. Tu t’es souvent plu à le dire dans des moments de plaisanterie : ce qui est devenu aujourd’hui le Groupe Multimédia Sud Communication était au départ un produit-passe temps pour de jeunes journalistes ayant chacun un port d’attache professionnel.
De ton poste à ENDA, tu coordonnais déjà le contenu du premier numéro de Sud Magazine consacré à l’éminent Professeur Cheikh Anta Diop. Le projet panafricaniste prenait déjà forme. La plateforme démocratique n’a plus jamais quitté l’espace public dont tu devins une figure, des plus illustres, des plus emblématiques. La signature Babacar Touré emballait tout ce que le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest d’alors avaient comme intellectuels et personnalités politiques de premier plan.
Ainsi, Sud Magazine d’abord Sud Hebdo ensuite et le quotidien que ce lecteur a entre les mains aujourd’hui, réussirent sous ta présidence, à donner un autre nouveau visage à la presse papier. Les titres qui suivirent par suite complétèrent la bien nommée « bande des 4 », en l’occurrence Walfadjri, le Cafard Libéré et le Témoin. Les hommes et femmes des médias, les universitaires d’ici et d’ailleurs, venaient de découvrir un maître, un militant du journalisme.
La profession s’en trouvait rapidement rendue plus attractive, et des jeunes sortis des Ecoles ou se faisant encadrer sur le tas et le tard pour certains, ne rêvaient que de cette profession où la liberté d’expression côtoyait et se renforçait du devoir assumé de responsabilité. Plusieurs années venaient alors de s’écouler depuis le matin où, dans le froid glacial des mois de décembre à Dakar, je cherchai à te calmer parce que tu venais de te demander pourquoi il y avait un nombre si réduit de membres de l’équipe pour venir assurer la manutention de la publication dans les locaux de l’ADP.
La messagerie qui distribuait tout ce qui était publications de qualité au Sénégal, faisait l’essentiel de son chiffre d’affaires avec les journaux français et la presse africaine de Paris. Nous faisions progressivement de petits pas dans le monde des grands de la Presse. Pour te calmer je t’ai sorti quelques mots dont je n’avais moi-même pas mesuré la portée prémonitoire. « Arrivera un jour, te dis-je, où dans ce pays, personne ne pourra parler de journalisme sans y associer ton nom ». On était en 1986. Et depuis, je ne sais combien de fois je t’ai rappelé cette prédiction, question de te dire que j’avais vu juste, très largement au-delà de ce que je croyais voir venir. Ta réponse me revint très souvent : « je ne travaille pas pour la gloriole » Toi aussi n’avais pas vu venir, car te voilà largement auréolé de gloire. Après le professionnel, nous nous économisons relativement à ce qui fait que j’ai souvent parlé de toi comme d’une sécurité sociale ambulante.
Ta main n’a jamais quitté ta poche. Des milliers de familles dans ce pays et ailleurs peuvent en témoigner. La semaine dernière encore je te le disais après un appel de ton collaborateur Ousmane Ndiaye, qui ne se signalait jamais sans la bonne nouvelle : « le grand m’a demandé de t’envoyer … » Le lendemain du dernier message pécuniaire de ce même Ousmane, tu m’annonçais être sur le chemin de chez ton médecin.
Ton dernier voyage chez le toubib. Adieu Mbaye. Mes condoléances à la famille, à Ndèye Fatou ta fille qui dut si souvent nous attendre sommeillant seule à la devanture de son école maternelle, le temps des samedis après 13 h, que vienne le chercher le papa occupé à cogiter sur le menu d’une revue à la prochaine parution improbable, parce qu’il fallait aux fondateurs se cotiser pour aller au tirage. Paul Nejem de l’imprimerie Saint Paul que tu te plaisais à appeler Petit Paul avait été un complice des premières heures. Et Sud Magazine pouvait espérer paraître.
Paix à l’âme de celui qui dès le début, crut et accompagna des jeunes journalistes, volontaires et désargentés. De Sud FM et de l’ISSIC puis, nous reparlerons plus tard. Comme tu sus allier vision, professionnalisme et rigueur, cher confrère !
par Fary Ndao
AFRIQUE, LE TEMPS DE L’INDIVIDU
EXCLUSIF SENEPLUS - C’est bien l’exigence par chacun du respect de sa propre dignité et du fruit de son travail qui nous permettra d’atteindre collectivement des objectifs nationaux qui surpassent nos particularités
En lisant récemment la thèse de doctorat d’une brillante chercheure en sciences sociales ayant travaillé sur la production de l’action publique dans le monde rural sénégalais, plus précisément au Saloum, j’ai été interpellé par la présence, à l’échelle de petits villages et de petites organisations, des mêmes logiques claniques que nous dénonçons souvent au plus haut niveau en Afrique. Ma réflexion était alors la suivante : pourquoi les groupes et collectifs où nous sommes socialisés et dans lesquels nous nous reconnaissons finissent-ils par reproduire les mêmes schémas de privatisation et de prévarication du bien commun quel que soit par ailleurs leur type (famille, ethnie, localité, confrėrie) ? Cet article tente de répondre à cette question.
Par-delà la politique
Il y a deux ans, j’avais publié un article sur le rôle néfaste de l’hyperprésidentialisme au Sénégal et en Afrique. J’y exprimais la conviction suivante : la concentration d’autant de pouvoirs (de nomination, de sanction, d’influence sur la justice, etc.) entre les mains d’un seul individu, quelles que puissent être ses capacités ou qualités, produisait une cascade de conséquences institutionnelles négatives (non indépendance de la justice, défaut de représentativité démocratique) et conduisait structurellement à la formation et la protection d’une caste d’intouchables, d’une nomenklatura constituée de politiques, de religieux et d’hommes d’affaires peu vertueux.
Cet article qui traitait du mal originel de la politique sénégalaise/africaine avait occulté le rôle de la société et de ses unités de base (la famille, le clan, la confrérie) dans la production de la situation peu reluisante dans laquelle se trouvent nos pays. Précision : il y a indéniablement eu des progrès économiques en Afrique lors des dernières décennies mais d’un point de vue du progrès social, de la transformation sociétale, nous ne sommes pas encore à la hauteur de nos potentialités, formule empruntée au Professeur Felwine Sarr. Nous avons même sans doute régressé sur certains points comme l’ouverture au monde, la place des femmes dans la société, etc.
Si nous, africains, ne sommes pas encore devenus ce que nous sommes censés être, c’est sans doute parce que la société est bâtie autour de groupes qui sont des unités de base qui ne répondent pas de manière efficace aux exigences de transparence, d’égalité, de redevabilité des élus, de liberté d’expression, qui doivent être observées, à notre époque, au sein d’une république et d’une démocratie. Autrement dit, l’accent mis, dans le processus de socialisation, sur la famille, le clan, l’ethnie ou la confrérie, nous confine au sein de ces entités. Nous restons en effet prisonniers de nos cercles qui pensent pour nous, deviennent notre horizon indépassable et créent en nous un très fort sentiment de redevabilité et d’appartenance. C’est ce sentiment de redevabilité et d’appartenance de l’individu envers le groupe qui, à mon avis, fait que le villageois du Saloum porté à la tête d’une organisation en fait d’abord profiter sa famille biologique puis les autres membres de son village au détriment des autres villages qui sont pourtant membres de l’organisation supposée être démocratique et égalitaire. C’est ce même sentiment qui fait que le président de la République, quel que soit son nom ou son parti, couvre les siens d’une protection permanente et de privilèges indus, souvent au mépris des règles élémentaires de séparation des pouvoirs, des principes de bonne gouvernance et d’élégance républicaine.
Ne plus faire du groupe une centralité
Au regard de cette hypothèse et des constats précédents de privatisation et de patrimonialisation des communs à toutes les échelles sociales, je suis désormais convaincu que l’unité de base de la société sénégalaise/africaine ne doit plus être le groupe. En effet, à travers sa mainmise sur l’individu - mainmise qui s’appuie sur les relations, solidarités et prises en charge morale et matérielle qu’il procure - le groupe finit par s’opposer à l’épanouissement individuel et collectif.
Concernant l’épanouissement individuel, le groupe, avec ses injonctions de la pensée, ses menaces d’exclusion et sa capacité de culpabilisation nous empêche de construire une conscience citoyenne individuelle forte, étouffe les avis divergents qui pourraient faire progresser la société, nous fait nier les souffrances psychologiques ou violences vécues par ses membres, comme lorsqu’une victime de viol doit se taire pour préserver l’honneur du groupe, lorsque le violeur est l’un des membres de ce groupe. Combien de prédateurs sexuels ont été couverts par la nécessité de préserver l’image du groupe et ont ainsi continué à écumer leurs propres familles et détruit la vie de nièces, de cousines, etc. ?
Concernant l’épanouissement collectif national, nos groupes, en imprimant une identité très forte en nous, finissent par nous empêcher de nous référer à un ordre imaginaire qui leur est supérieur, qui les transcende. La République, par exemple, est de plus en plus contestée par de jeunes sénégalais/africains, alors qu’elle n’est rien d’autre que le groupe qui nous rassemble tous, nous considère tous égaux en dignité et en droits malgré nos différences de croyance, de sexe, d’origine ethnique, etc. De plus, le groupe produit et promeut des chefs capables de perpétuer sa survie en l’état, c’est à dire des chefs qui vont toujours réaffirmer l’identité du groupe, sa sacralité, sa primauté sur les autres, certains allant même jusqu’à considérer les autres groupes comme dégénérés ou moins nobles (castes, compétition ethnique ou religieuse) comparés au leur. Tout cela nous empêche de bâtir une conscience collective qui est au-dessus de nos micro-identités de groupe.
Ce poids symbolique du groupe qui écrase les individus fait du Sénégal et de la plupart des pays africains une juxtaposition de différents collectifs sociaux mus par la maximisation de leurs intérêts et l’affirmation, parfois jusqu’à satiété, de leur identité.
L’individu, unité de base de la société africaine transformée.
Afin de sortir de cette emprise néfaste du groupe sur les destins individuels et sur les grands desseins collectifs, j’affirme que l’individu doit devenir la nouvelle unité de base de la société africaine en quête de transformation, pour ne pas dire de progrès. Cette entreprise de déconstruction de nos structures sociales va à l’encontre du discours en vogue sur le « retour à nos traditions » et constitue, il faut se l’avouer, une violence contre nous-mêmes, contre une partie de ce que nous sommes. Ce discours « hérétique » n’est pas plaisant à entendre, et il n’aura sans doute pas beaucoup d’écho auprès d’une jeunesse révolutionnaire ou orientalisée/arabisée qui se définit prioritairement de par son opposition à un Occident qui a longtemps oppressé l’Afrique. Les gardiens et gardiennes de la tradition en Afrique, ne trouveront pas non plus d’attrait à ce discours sur l’individu comme pilier de la société. Pire, ils s’y opposeront.
Malgré ces obstacles évidents et inévitables, et qu’il faudra donc affronter, il est nécessaire de faire de l’individu une centralité de nos sociétés pour deux raisons. Il s’agit tout d’abord de libérer le talent qui sommeille dans les millions d’âmes d’africains frustrés par les prescriptions sociétales, les normes ancestrales, etc. Cette démarche permettrait également de protéger le bien commun qui vacille aujourd’hui sous les coups de boutoir de la nomenklatura et qui est privatisé au nom des logiques claniques que nous enseignent nos groupes.
Si au sein des familles mais aussi dans l’éducation nationale et la production médiatique culturelle, notamment celle audiovisuelle, nous faisons de l’individu - de ses droits, de sa liberté de conscience, de sa dignité, de son honneur et de l’égalité de tous - un sanctuaire inattaquable, situé au dessus de toute logique de groupe, alors je suis convaincu que nous arriverons à produire plus d’artistes, d’écrivain(e)s, d’ingénieur(e)s, de politiciens vertueux, de paysans attachés à leur terre, de femmes rejetant les violences sous toutes leurs formes, de jeunes qui s’affirment, créent et s’engagent pour la cité. Nous produirons aussi des individus qui garderont leurs croyances, qui pratiqueront leur culte mais qui le feront davantage pour eux-mêmes plutôt que pour être bien vus par le groupe. Par ailleurs, tout porte à croire que ces individus pratiquant leur croyance pour eux-mêmes et qui seront un peu plus distants des logiques d’injonction du groupe, seront plus tolérants et ne « tomberont pas dans le vide du sectarisme », tel que le préconisait le sage soufi, Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Makhtoum.
Favoriser la montée de l’individu dans la société africaine peut également être la solution pour asseoir durablement la protection du bien commun au sein de nos pays. En effet, tant que le groupe permet à ses membres de profiter de la privatisation du bien commun via diverses stratégies d’accès aux ressources, aucune conscience républicaine et collective forte n’émergera. C’est bien l’individu, fier et digne, qui considère sa conscience comme le seul juge et ses impôts comme son effort personnel de participation au fonctionnement de la collectivité et à l’épanouissement d’autres individus qui lui sont égaux en dignité et en droits, qui exigera une redevabilité des élus et les gestionnaires du bien commun quels que soient leur nom de famille, leur ethnie, leur confrérie, leur origine géographique, etc. C’est bien l’exigence par chacun du respect de sa propre dignité et du fruit de son travail qui nous permettra d’atteindre collectivement des objectifs nationaux qui surpassent nos particularités. C’est cela qui permettra d’instaurer un véritable contrôle citoyen, à condition que les réformes institutionnelles évoquées plus-haut soient réalisées.
Telle est désormais ma conviction : sans tout rejeter de la chaleur du groupe et des logiques de solidarité qui ont cours en Afrique, nous devons désormais entrer dans le temps de l’individu, c’est à dire affirmer l’individu comme la nouvelle centralité des sociétés africaines. Il s’agit là d’un appel à une vraie révolution. Oserons-nous la faire advenir ? Oui, si chacun d’entre nous se remet en question car les groupes, eux, ne le feront jamais.
LA CHRONIQUE HEBDO DE PAAP SEEN
LE CHAPITRE FÉMININ
EXCLUSIF SENEPLUS - Le statut social des femmes, ainsi que les représentations féodales qu’elles subissent justifient, en grande partie, notre retard économique et politique. C’est une masculinité nocive - NOTES DE TERRAIN
La grosse vague arrivera forcément. Si c’était un jeu, on aurait pu, dès maintenant, parier. Dans 5 ans ? Dans moins de 10 ans ? Un peu plus tard peut-être ? Rien, pour le moment, ne donne de vraies indications. L’avenir est encore indéchiffrable. Mais, il y a une lame de fond, qui fait son travail, sur internet et qui ne tardera pas atteindre toute la société. Elle préfigure des bouleversements silencieux, qui vont irrémédiablement agir sur le corps social. Il était temps. La vie des femmes au Sénégal, et en Afrique, doit changer. C’est une question politique majeure. Qui n’est pas encore soulevée de manière franche et très audible. Pour l’instant, c’est dans des espaces très réduits, que les femmes confessent leur ras-le-bol. Sur Twitter, on ne peut pas passer à côté des désirs de libération. Depuis quelques temps, des jeunes femmes y engagent des discours musclés contre le patriarcat. C’est aussi sur les réseaux sociaux que le collectif « Doyna ! », contre les violences faites aux femmes, se fait le plus entendre. L’engagement de ces femmes n’est pas encore « musculaire », dans le sens d’un militantisme social et politique. Toutefois, le discours d’émancipation, qu’elles portent, est nécessaire. Il permet de conflictualiser les rapports de genre. De les rendre visibles et politiques.
Les réseaux sociaux sont aussi des espaces de liberté et d’émancipation. Ils peuvent aussi être une caisse de résonance de la société. De ses valeurs et de ses tourments. Je suis tombé sur deux posts, dernièrement, sur Twitter. De deux femmes. L’une dénonçant le harcèlement permanent dont elle est victime. L’autre relatant les abus sexuels subis durant sa petite enfance. À vrai dire, je connais des vraies histoires de viols. Je sais aussi que la chosification de la femme, dans notre pays, est une réalité. Objets de désir, objets sexuels, ou simples objets de procréation. Le regard de l’homme sénégalais, sur la femme, est presque toujours celui d’un prédateur ou d'un oppresseur. Il faut écouter les propos moralisateurs sur les devoirs de la femme, à l’égard de sa famille, de son mari, de sa progéniture. Elles sont tout le temps infantilisées. Il y a toute une sémantique aliénatrice. La femme doit accepter, subir. Baisser le regard et la garde. Elle est en permanence rabaissée. Les rapports sociaux, entre hommes et femmes, sont de fait biaisés.
L’infériorisation de la femme est fortement ancrée dans notre système de valeurs. La production sociale veut que la femme reste l’obligée de l’homme. Chacun peut le vérifier à la lumière de son expérience personnelle. Les garçons et les filles n’ont pas les mêmes armes, au départ, pour réussir dans la vie. Les filles ont plus d’obligations et de tâches, à effectuer. Il y a une plus grande exigence, les concernant. Elles doivent se préparer à un univers social impitoyable, à leur égard. Les garçons ont toujours plus de liberté. Un meilleur accès à l’épanouissement personnel, de moindres devoirs contractuels à l’endroit de la morale sociale. La société sénégalaise prépare les garçons à être conquérants et dominateurs, contre les femmes. Concernant ces dernières, leur utilité sociale répond à deux injonctions : assouvir les désirs des hommes et leur donner une progéniture. Les femmes sénégalaises subissent un manque de considération effroyable. Elles sont précarisées, harcelées sexuellement et psychologiquement, violentées. Et tout cela est structurel.
Un regard lucide s’apercevra de l’occurrence entre la misère endémique, dans les sociétés africaines post-coloniales, et la place attribuée à la femme. Le statut social des femmes, ainsi que les représentations féodales qu’elles subissent justifient, en grande partie, notre retard économique et politique. Une communauté qui empêche la mobilité sociale et l’épanouissement de tous ses membres est vouée à l’échec. L'implication et le respect de l’intégrité des femmes sera le pas décisif vers le salut, pour tous les citoyens africains. C’est la seule manière de prendre en compte l’intérêt général. Et de sortir de notre marasme civilisationnel. Thomas Sankara, dans son discours d’orientation politique, en octobre 1983 le soulignait : « Le poids des traditions séculaires de notre société voue la femme au rang de bête de somme. Tous les fléaux de la société coloniale, la femme les subit doublement : premièrement, elle connaît les mêmes souffrances que l’homme ; deuxièmement, elle subit de la part de l’homme d’autres souffrances. »
Dans notre pays, l’Etat pousse à la participation politique des femmes, et essaie de leur attribuer une place dans le système éducatif et académique. Ainsi, en 2015, au Sénégal, le taux brut de scolarisation des filles était de 63,3 %, contre 56,6 % pour celui des garçons. Sur le plan institutionnel, la loi sur la parité a permis aux femmes d'occuper 70 places à l’Assemblée nationale, soit un taux de représentation de 42 %. Mais leur inclusion dans le système social est entravée. En 2014, l’indice d’inégalité de genre, qui calcule la différence entre sexe dans un pays, place le Sénégal à la 125ème place sur 162 pays. En même temps, l’indice de développement humain qui mesure le développement humain d’un pays à partir du produit intérieur brut, de l’espérance de vie et du niveau d'éducation des habitants d’un pays, fixe le Sénégal à la 166ème place sur 189 pays. Il s'agit bien de cela : nous sommes pauvres parce que nous ne respectons pas les femmes.
Pour un bond en avant. Une civilisation est en expansion lorsqu’elle est intransigeante sur l’égalité et le respect de l’intégrité humaine. Il faut être stupide ou avoir un penchant pervers et sadique pour ne pas voir que, sur ce plan, nous sommes très en retard. Au Sénégal, le système social et moral est encore dominé par les hommes. Conservateurs, faussement puritains et insensibles aux droits des femmes. C’est une masculinité nocive. Ainsi, c’est tout le processus de transformation économique, politique et sociale, qui n’avance pas. À cause de l’archaïsme du système, imposé et perpétué par l’élément masculin. Il revient aux femmes d’organiser leur révolution contre les mentalités féodales. Elles doivent refuser l’assignation à la servitude. Dans les familles, dans les foyers, dans l’espace public et social. Le mépris de la femme sénégalaise ne peut plus perdurer. Disons les choses clairement : la phallocratie doit être ouvertement remise en cause. Car c’est une aberration. Une des nombreuses formes de la décadence culturelle.
L’avant-garde qui compose, le mouvement féministe naissant, est encore bourgeoise. C’est normal. Car la majorité des femmes de la banlieue, des quartiers populaires, du monde rural doit ferrailler avec l’existence, déjà difficile. Mais, pour que le féminisme gagne largement du terrain, et s’affirme au Sénégal, de manière durable, la jonction doit être faite entre toutes les femmes. De toutes les couches sociales. Ce combat-là est celui des femmes. Mais, pas seulement. Elles doivent compter sur des alliés masculins. Il s’agit bien, pour les hommes, de défendre les droits de leurs mères, de leurs sœurs et de leurs épouses. De renoncer à certains de leurs privilèges à l’échelle individuelle. Et mieux, il en va de notre souveraineté, à tous, à l’échelle des communautés nationales. On ne peut pas atteindre, en Afrique, l’autosuffisance politique et spirituelle si les femmes ne sont pas émancipées. Ou leur pleine participation à l’œuvre communautaire soumise au veto masculin. Ou encore leur droit à la plénitude nié. Il ne faut pas se faire d’illusions. Les hommes respireront avec les femmes ou ils resteront étouffés dans leurs postures sexistes et débiles. L’émancipation des femmes sera la condition de la Renaissance africaine !
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
Monsieur le président, vous vous devez de cultiver l’espérance en proposant une sortie de crise qui puisse mobiliser la population et offrir une vision qui transcende les appétits politiques et matériels des uns et des autres
Je vous présente mes respects et espère que vous vous portez bien. Comme tous mes compatriotes africains, je suis avec angoisse les développements politiques et sécuritaires chez nos frères maliens. Bien que n’ayant pas une maitrise totale d’une dynamique assurément complexe, j’aimerais vous soumettre quelques suggestions qui pourraient alimenter votre réflexion et votre gestion de la crise que traverse le Mali a l’instar de beaucoup de nos pays.
Tout d’abord, je me réjouis que les Maliens aient pu exprimer librement et pacifiquement leurs points de vue. Dans beaucoup de pays africains, y compris le mien de telles manifestations auraient été interdites ou réprimées violemment par les forces de l’ordre. Je vous exhorte donc à demander aux services de sécurité de continuer à faire preuve de retenue républicaine et de respecter le droit d’expression des manifestants. Même si les manifestants refusent pour l’instant vos ouvertures, le dialogue a lieu en public et par presse interposée.
M. le président,
Une crise profonde et multidimensionnelle comme celle que traverse le Mali (et beaucoup de pays dits « francophones » d’Afrique) offre aussi une opportunité unique d’enclencher un processus de ré-enchantement des imaginaires à travers une démarche audacieuse visant à refonder le Mali :
1. Tout d’abord, je ne pense pas que devriez démissionner. Vous avez été élu démocratiquement au suffrage universel et votre légitimité est inattaquable.
Démissionner ne ferait qu’ajouter un chaos institutionnel et ouvrir la voie a toutes les incertitudes et aventures. Il faut s’attaquer aux causes profondes de la crise plutôt qu’à ses symptômes récurrents.
2. Ainsi, vous pourriez envisager la mise sur pied d’une Assemblée constituante vraiment représentative de toutes les composantes du pays chargée de rédiger
une nouvelle constitution afin de refonder la nation et les institutions : aller vers un régime parlementaire et s’éloigner de la présidence impériale héritée des Français, une justice intègre et sincèrement indépendante, une décentralisation de développement qui rapproche les populations de la prise des décisions et une réduction générale du train de vie de l’Etat.
3. Je vous félicite pour votre décision d’ouvrir un dialogue avec les groupes armés et vous encourage dans cette voie difficile mais inévitable. Les armées étrangères n’ont jamais gagné une guerre contre le « terrorisme ». Il suffit de voir l’Afghanistan ou l’Irak. Mieux, tous ces conflits se terminent autour d’une table de négociations mais en attendant, ce sont les populations de nos pays qui se trouvent entre deux feux opposant des Maliens a d’autres Maliens. Ne nous laissons pas enfermer dans cette rhétorique de « guerre mondiale contre le terrorisme » qui n’est que le bras arme du néolibéralisme utilisant la « stratégie du choc » si bien analysée par Naomi Klein dans son livre du même nom. Bien entendu, le dialogue n’exclut pas le travail de modernisation de l’armée en coopération avec tous les partenaires de bonne volonté dans l’attente de la création d’une armée fédérale ouest africaine ;
4. Il me parait tout aussi indispensable de revoir en profondeur le plan de développement économique et social du Mali et de le soumettre à la critique des populations pour qu’elles y adhèrent. La réduction de la pauvrete, la réforme du système d’éducation et de santé, les infrastructures privilégiant les plus démunis devraient se traduire par des stratégies mobilisant toutes les populations et donc coproduites avec elles et non pas seulement avec les ex-puissances coloniales et les institutions internationales qu’elles contrôlent.
M. le président ;
Ramener la paix, renforcer la démocratie, mettre le Mali sur le chemin du développement et de la justice dans un contexte de contraintes fiscales,
sont évidemment des objectifs extraordinairement difficiles à atteindre mais vous vous devez de cultiver l’espérance en proposant une sortie de crise qui puisse mobiliser la population et offrir une vision qui transcende les appétits politiques et matériels des uns et des autres.
Nelson Mandela en son temps y était parvenu.
En toute solidarité et me tenant a votre disposition pour contribuer à la réussite de votre mandat.
Pierre Sané est président d’Imagine Africa Institute
Dakar
par mohamed Mbougar Sarr
INDÉPENDANCES AFRICAINES, À QUAND L'ÂGE D'OR ?
Il y a dans le livre L'âge d'or n'est pas pour demain d'Ayi Kwei Armah, une densité philosophique et une lucidité uniques. Le refermant, je songe à la situation de tant de pays africains et me dis : "L'âge d'or n'est toujours pas pour demain"
Cette année, dix-sept pays africains fêtent le soixantième anniversaire de leur indépendance, dont quatorze anciennes colonies françaises. Nous avons choisi de donner la parole à de jeunes auteurs de la diaspora et du continent, afin qu’ils nous en parlent soit à travers leur expérience, soit à partir d’œuvres africaines qui les ont marqués. Né au Sénégal, en 1990, Mohamed Mbougar Sarr, lauréat de nombreux prix littéraires dont le prix Ahmadou Kourouma 2015, ou encore le prix littérature monde 2018 du festival Etonnants Voyageurs de Saint-Malo, nous parle du désenchantement postcolonial. Son dernier roman, De purs hommes, est paru aux éditions Philippe Rey. Une série proposée par Christian Eboulé.
La force de L'âge d'or n'est pas pour demain du ghanéen Ayi Kwei Armah repose sur le dilemme qui tourmente son protagoniste (simplement nommé "l'homme") : comment, dans un pays récemment indépendant mais moralement failli, garder son intégrité malgré la pauvreté à laquelle elle condamne ?
Modeste cheminot, "l'homme" contemple, en refusant d'y participer, la corruption généralisée du Ghana, que les indépendants (et Nkrumah [Nkwame Nkrumah, premier président du Ghana indépendant, NDLR]) ont précipitée. Devant l'attitude de son mari, Oyo, qui rêve de sortir de la misère, le qualifie de "chichido", oiseau "qui déteste les excréments mais mange les asticots qui s'y complaisent".
C'est donc sur une double scène (conjugale et collective) que le drame de l'homme, être seul mais lucide, se joue. Un putsch éclate (occasion d'un inoubliable passage où Koomson, ministre corrompu et camarade d'enfance de "l'homme", échappe aux militaires en passant par des latrines débordant de merde). Mais le nouveau pouvoir fera-t-il mieux ? L'âge d'or n'est pas pour demain, lit "l'homme" à l'arrière d'un car. Prédiction pessimiste ou foi en un avenir radieux, lointain mais possible ?
Traduit en français en 1976, ce roman a d'abord paru en anglais en 1968, presque au même moment que d'autres grands livres (Les Soleils des indépendances [de l'Ivoirien Ahmadou Kourouma], La Plaie [du Sénégalais Malick Fall]) avec lesquels il partage le même désenchantement postcolonial. Mais il y a dans ce livre une densité philosophique et une lucidité que je trouve uniques.
Armah, hélas moins connu qu'Achebe, Soyinka ou Ngugi dans l'espace africain anglophone, me semble pourtant être de leur trempe. On gagnerait à relire ce classique magistral et implacable, qui n'a pas pris une ride.
Le refermant, je songe à la situation de tant de pays du continent et me dis: "L'âge d'or n'est toujours pas pour demain".
Ayi Kwei Armah, L’âge d’or n’est pas pour demain, Présence africaine, 1976, Traduit de l’anglais par Josette et Robert Mane
par Pepessou
AMBIVALENTS COMME DES MÉDIAS SOCIAUX
Si la diffusion d’images sur les réseaux sociaux en a rajouté au niveau de la gravité des faits de Sacré-Cœur, il faut reconnaître au moins à ces médias une qualité dans cette histoire : leur capacité inégalée à sortir de l’ombre des actes aussi graves
Quel lien y a-t-il entre George Floyd, violenté, humilié et tué par un policier blanc, et la dame violentée, humiliée et filmée à Sacré-Cœur par de stupides tortionnaires de quartier ? L'implication des réseaux sociaux, pardi ! Grâce auxquels bien des causes acquièrent une célébrité difficilement envisageable, s'ils n'avaient pas existé. "Balance ton porc" ou "Black Lives Matter", entre autres nombreux exemples, en sont les témoins. Mais certains imprudents ou esprits naïfs également se méprennent sur leur utilité. L'histoire malheureuse de ce qu'il est convenu d'appeler la "femme de Sacré-Cœur" témoigne de la grande ignorance de certaines personnes qui ne perçoivent pas à quel point les réseaux sociaux peuvent entraîner leur propre perte, une fois qu'ils s'en servent pour médiatiser des faits peu recommandables.
Le ‘’blow’’, pratique exhibitionniste de fils à papa, y est une réalité. Leur dada : exhiber de l'argent à flots et user du sexe et de l'alcool, et parfois de la drogue, sous le regard permanent des réseaux sociaux. Chez eux, il faut avoir, faire et montrer que l'on a de l'argent - bien ou mal acquis - et qu'on en a fait quelque chose qui ressemble souvent à des bêtises. En juin dernier, le FBI a arrêté, à Dubaï Hushpuppi, un instagrammeur nigérian réputé, présumé grand escroc du Net - un brouteur comme on dit ! - et qui ne se gênait pas d'étaler son train de vie princier sur les réseaux sociaux. Le préjudice causé à des entreprises et particuliers à travers le monde est estimé à des centaines de milliards de F CFA. Dans l'appartement où dormait le jet-setteur escroc, pas moins de... 30 millions de livres sterling (plus de 21 milliards de F CFA) y ont été saisis en cash. ‘’Blow’’... quand tu nous tiens !
Le meilleur et le pire - Il y a eu, avant les jeunes de Sacré-Cœur, Penda Bâ ou encore Ami Collé Dieng et leurs énormités sur les réseaux sociaux. Plus loin de chez nous, çà et là dans le monde, des délinquants sont arrêtés pour avoir un peu trop adoré se faire voir sur le Net. Telle cette histoire racontée par le site de France Info.
En décembre 2019, des jeunes ont filmé et diffusé, sur Instagram, le viol d'une mineure. Un autre jeune féru du Net, du nom de Kobz, s'est chargé de traquer leur identité digitale et a ainsi pu dévoiler leurs noms et adresses sur Twitter. Il ne restait plus à la police française que d'arrêter les jeunes criminels.
Plus insolite cette fois, c'est au Canada que l'histoire se passe, il y a une dizaine de jours. Une jeune dame artiste, Safia Nolin, dénonce des avances sexuelles et propos racistes dont elle aurait été victime de la part d'une autre artiste, Maripier Morin. Les faits racontés par le quotidien "Le Soleil" du Québec et qui dataient de plus d'un an, n'ont pas été niés par l'accusée qui, lynchée sur les réseaux sociaux, a tout bonnement avoué être assommée par ces révélations. Elle a déclaré, sans doute détruite par cette dénonciation digitale, se "retirer de la vie publique pour chercher à comprendre et surtout trouver l'aide... et entamer une thérapie".
Mais la justice du Net est plutôt à considérer avec des pincettes. Ses abus peuvent mener très loin, parfois.
Si la diffusion d’images sur les réseaux sociaux en a rajouté au niveau de la gravité des faits de Sacré-Cœur, il faut reconnaître au moins à ces médias une qualité dans cette histoire : leur capacité inégalée à sortir de l’ombre des actes aussi graves et répréhensibles. Combien de femmes se font violenter et même parfois violer dans le secret des quartiers ? Sans suite aucune, le plus souvent ! En cela, les réseaux sociaux sont ce qu'il y a de mieux et de pire en matière d'évolution des mœurs. Et ce n'est pas pour rien aussi que la guerre informationnelle ou propagande se fait via leur canal désormais, tant leur puissant impact sur l'opinion publique est difficilement parable.
Kouthia de retour... de l'Au-delà - Samba Sine, le plus célèbre des imitateurs sénégalais, est de retour à l'antenne de la TFM. C'est un exemple de plus qu'il y a bien une vie après le coronavirus. Après deux mois de off, revoilà Abou Bilal, pardon Abou Mouhamad. L'inénarrable comédien s'est mis en scène jeudi dernier, dans sa propre émission, dans le rôle de l'interviewé questionné par son complice Thiamass. Il y raconte sa mésaventure avec le coronavirus qu’il a chopé. "C'est une épreuve décidée par Dieu. Pour moi, ce n'est pas deux mois, mais comme deux années durant lesquelles les Sénégalais m'ont terriblement manqué... Toutes les couches sociales m'ont témoigné leur solidarité. Dieu lui-même m'a dit qu'il allait me montrer à quel point les Sénégalais m'adorent". Et Kouthia, le très modeste, de citer quelques figures religieuses de premier plan qui n'ont pas hésité à l'appeler directement au téléphone.
S'agit-il de conjurer le petit démon Corona ? Désormais, ne dites plus Kouthia comme avant ou encore Abou Bilal mais... Abou Mouhamad. Visiblement amaigri, le comédien n'est plus le personnage rondouillard qui apparaît dans son jingle. Mais sa verve et son imagination quelquefois cynique sont intactes. Ses personnages chouchous, Madické Niang, Cissé Lô, entre autres, en ont fait les frais lors de ce numéro de la ‘’Résurrection’’. Sur cette mutation patronymique issue d'une révélation, Abou Mouhamad explique qu'il a désormais deux objectifs : chasser le stress de la vie des Sénégalais et, plus mystiquement, rendre grâce à son Créateur. "Dieu, n'est-ce pas toi qui m'as fait voyager dans l'Au-delà. Quand j'ai voulu y entrer et jeter un coup d'œil, tu m'as dit non ! Retourne d'où tu viens et continue à régaler les Sénégalais".
La cause est donc entendue : Abou Mouhamad, le revenant, a une mission messianique. Longue vie à notre nouveau prophète du petit écran !
Ndingler : Paix des braves ? - "Mieux vaut partager un pain avec affection qu'un poulet avec affliction." Ce proverbe espagnol pourra inspirer les acteurs de la bataille médiatico-juridique opposant le patron historique de Sedima et les populations de Ndingler. Nul doute que Babacar Ngom, d'ordinaire si effacé, si l'on en juge par sa présence jusque-là discrète dans les médias, en avait assez d'être la tête de gondole des journaux dans la rubrique "Querelles de la campagne". Le gouvernement sénégalais aussi a compris que cette polémique n'était pas sans risques politiques et sociaux pour lui. Si certains se sont offusqués que ce soit un investisseur national qui soit mis à l'index là où, avant lui, bien des étrangers ont acquis des milliers d'hectares sans bruit, force est de penser que, désormais, il y aura un avant et un après Ndingler.
L'on peut espérer que les politiques auront au moins la prudence du serpent avant de toucher au foncier. Les généreuses cessions de terres seront de moins en moins acceptées avec résignation par les populations dépossédées. On verra, dans quelques semaines, si la décision de l'État sénégalais de laisser les paysans retrouver et cultiver leurs terres est un exercice de procrastination ou de hache de guerre définitivement enterrée.
par l'éditorialiste de seneplus, Tidiane Sow
IL FAUT SAUVER LE MALI
EXCLUSIF SENEPLUS - Le problème du pays dépasse la personne d’IBK. Le M5 représente-t-il réellement la majorité des Maliens ? Que propose ce mouvement “mealting pot” au-delà du “ôtes-toi que je m’y mette” ?
Les propositions faites par la mission de la CDEAO menée par Jonathan Goodluck n’ont pas réussi à fédérer les forces politiques maliennes. La majorité présidentielle semble satisfaite de ces conclusions alors que les forces d’opposition regroupées dans le M5-RFP (Rassemblement des Forces Patriotiques) les rejettent. Le point d’achoppement étant : faut-il conserver IBK comme président ou non et si oui à quel rôle doit-on l’astreindre ?
C’est dans ce contexte que cinq chefs d’ Etat de la Cedeao se sont rendus au chevet du Mali ce 23 Juillet pour trouver une issue à cette crise politique dont n’avait surement pas besoin le Mali.
Devant ce dilemne, garder ou pas IBK, deux interrogations sautent aux yeux :
- LE M5-RFP a t –il d’autres choix que celui d’accepter les propositions de résolution faites par la mission Goodluck de la Cedeao ?
- Les cinq présidents de la Cedeao peuvent-ils faire d’autres propositions que celles déja émises et qui ont rencontré une fin de non-recevoir du M5-RFP ?
A la vérité, on a envie de répondre par la négative aux deux questions précédentes. Dès lors, on comprend que les lignes n’aient pas bougé à l’issue de cette journée de rencontre.
Si on se cantonne au fait que la crise malienne est une crise liée aux dernières législatives, les mesures édictées par la Cedeao pourraient suffire.
Si par contre, on considère que la crise électorale est juste un élément supplémentaire qui vient s’ajouter aux nombreuses crises que traversait déjà le pays : crise sécuritaire ; crises sociales, crises alimentaire et éducative, ces mesures sont à l’ évidence insuffisantes.
Clarifier le contexte, définir le cadre de la négociation entre les parties est donc essentiel. Autrement, tout compromis, s’il est atteint, reposera sur un malentendu qui le fragilisera à terme. Il s’agit de trouver des solutions pérennes à une situation qui n’est pas conjecturelle – crise électorale - mais bien structurelle - crises sécuritaire et politique.
Il faut que les parties arrêtent de se regarder en chiens de faïence et sortent de cette attitude de “tout ou rien” qui ne présage rien de bon et qui surtout ne règle rien. Tout le monde se cristallise autour de la ligne rouge matérialisée par le départ ou non d’IBK. Les politiques devraient pour une fois favoriser l’agenda de l’intérêt commun du Mali plutôt que de privilégier leurs propres intérêts.
Le M5 RFP qui continue d’exiger le départ d’IBK au nom des malheurs qu’il a causés, notamment la répression sanglante des manifestations du 10 juillet dernier avec sa cohorte de morts ;
Les cinq de la Cedeao qui persistent à dire que la loi fondamentale se doit d’être respectée et que donc IBK ne saurait être démis comme un vulgaire quidam ; n’arriveront pas à une solution qui sortira le Mali de l’impasse dans laquelle il se trouve.
C’est vrai que la République du Mali est laïque et qu’il est curieux de voir un aéropage de religieux sulfureux et de partis d’opposition républicains s’allier au sein du M5 RFP pour réclamer le départ d’un président élu et réélu démocratiqument. Tout comme il n’en demeure pas moins vrai qu’on ne saurait laisser le Mali sombrer par la faute d’un président, coupable de tous les maux, à sa tête pour la seule et unique raison du respect de la constitution.
Au fond, respectent-ils tant que ça la constitution ? N’invoquent-ils pas son respect seulement quand cela les arrange ? Ne la changent-ils pas ou ne lui donnent-ils pas une interprétation partisane dans le seul but de favoriser leurs funestes desseins souvent à l’opposé des intérêts de leur people ?
Pourquoi IBK n’organiserait-il pas un référendum pour ou contre son maintien et faire en sorte que le peuple de Mali y participle ? Pourquoi cette obsession de pouvoir comme un père de famille inquiet quand on a échoué à ce point à résoudre les problèmes de son peuple ?
Acueilli en sauveur en 2013, espoir de tout un peuple, il n’a depuis lors cessé de décevoir. Sous ses magistères, le Mali a régressé sur tous les plans et continue encore de plonger dans le néant.
Devrait-on assister, impuissants à une mise en bière du Mali au seul motif que la Constitution autoriserait encore IBK à rester au pouvoir pour les quatre prochaines années ?
Le problème du Mali est ailleurs. Il dépasse largement la personne d’IBK. Il ne s’agit point de l’éjecter ou de le maintenir au pouvoir. Il s’agit de définir un programme de sortie de crise, un programme qui adresse tous les maux constatés depuis 1991. Il faudra ramener l’Etat dans le nord et le Centre qui ne sont plus gouvernés depuis longtemps. Il faudra renégocier les accords d’Alger qui font la part belle aux touareg. Il est urgent de désarmer les milices du centre et désamorcer ainsi la guerre entre dogons et peuls. Il faudra rompre la spirale négative qu’empruntent les régions aurifère de Kayes et nourricière de Sikasso. Il faudra éradiquer la corruption présente partout particulièrement dans les institutions d’Etat et qui mine le développement. Il importera enfin, de rétablir les institutions de la République aujourd’hui fantomatiques ou brinquebalantes ; cour constitutionnelle, cour suprême, Haut conseil, assemblée nationale etc.
Force est de constater qu’IBK a perdu la main depuis longtemps et le maintenir au pouvoir ne servirait en aucune manière les desseins des maliens.
A coté de cela, la question qui se pose est de savoir si le M5-RFA représente réellement la majorité de Maliens ? Que propose ce mouvement “mealting pot” au-delà du “ôtes toi que je m’y mette”?
Aider le Mali consisterait à l’aider à édifier un programme robuste qui résolve à minima les maux dont je viens de parler. Il conviendra ensuite, dans une grande concertation nationale, de proposer ce programme aux Maliens pour qu’ils se prononcent sur les propositions qui y seront faites. A la suite de cela seulement, tentera t-on de mettre en place une équipe compétente capable d’exécuter ce programme au profit des maliens. Qu’ importe le format de cette équipe ; gouvernement d’union nationale, équipe gouvernementale transitoire, pourvu qu’elle soit née d’un consensus national et qu’elle dispose des compétences reconnues par tous pour agir.
C’est à ce rôle que devait s’atteler la mission de la CDEAO plutôt que de tenter de sauver le soldat IBK !
EXCLUSIF SENEPLUS - Perçus comme rebuts de la société, les migrants sont laissés au bord du chemin. Pourtant au fond, la condition des migrants doit empêcher de dormir tant elle rappelle qu’en nous, une part d’humanité est en déconstruction
Hamadoun Touré de SenePlus |
Publication 24/07/2020
« Je ne veux pas que ma maison soit murée de toutes parts… mais qu’y circule librement la brise que nous apportent les cultures de tous les pays ». Gandhi
Ils sont migrants apatrides, ou apatrides migrants. Qu’importe le statut de ces hommes et femmes jetés hors de leur propre histoire par les guerres, les persécutions, la famine, les tragédies qui défigurent l’humanité. On les voit, victimes des catastrophes naturelles ou cherchant simplement à survivre, chavirant sur les océans et les mers, agonisant en traversant les déserts. Leur désarroi est assurément une écharde sur la conscience humaine. Et Pourtant !
Ils ne savent où jeter l’ancre, ne voient pas le phare d’un havre de paix. Ils ploient sous le poids de l’hostilité, plus souvent du mépris, lorsqu’avec leurs maigres baluchons qu’agrippe une ribambelle d’enfants, ils réalisent leur condition de pestiférés, rejetés et étrangers qu’ils sont, face aux portes qui, à leur arrivée, se ferment.
Ils échouent devant les frontières mais aussi devant une haine identique sinon pire que celle qui les a poussés à chercher une terre d’accueil. Sans papiers, jugés sans âme, ces migrants sont considérés comme une nouvelle race d’envahisseurs venant prendre le travail des nationaux et ôter le pain de leur bouche. Une source de tous leurs maux. Ils sont décrits comme ennemis, terroristes, voleurs, violeurs, familles nombreuses, le résumé de toutes les tares du genre humain. Déracinés dans leur dénuement, les migrants n’ont pas de répit dans la solitude, le froid ou la chaleur. L’horizon où ne pointe nul espoir est sans fin pour eux.
Ils sont aussi les victimes de piètres politiciens, manipulateurs des angoisses, des frustrations, des peurs du vulgum pecus, ce petit peuple sans présent ni lendemain, proie facile.
Tantôt réservoirs de voix électorales, tantôt boucs émissaires pour expliquer les maux de la société, les migrants sont toujours alibis de démagogues sans foi ni principe qui instrumentalisent la différence entre êtres humains. Cette différence devient alors éloignement plutôt qu’attraction, opposition plutôt que complémentarité.
C’est ainsi que la diversité est présentée comme genre méprisable, elle aussi rejetée alors qu’elle n’est qu’enrichissement. Des politiciens en font un épouvantail pour rassembler des simples d’esprit devant, convenons-en, l’indifférence, la lâcheté ou le silence volubile de ceux qui baissent les yeux pour ne rien voir.
Une part d’humanité en déconstruction
Réceptacles des oubliés de la croissance, perçus comme rebuts de la société, les migrants sont laissés au bord du chemin. Pourtant au fond, dans le secret de la conscience humaine, la condition des migrants trouble et perturbe, doit empêcher de dormir tant elle rappelle qu’en nous, une part d’humanité est en déconstruction et pointe un échec de notre monde. Elle démontre qu’en nous triomphe la haine, ce que nous avons de pire, sur l’amour, ce que nous avons de meilleur.
Les migrants symbolisent les monstruosités que sont la pauvreté et la guerre. Des drames humains indicibles sont enfermés, au-delà de toute statistique, dans la profondeur des eaux glacées ou dans le silence sans fin des déserts sahariens, dans des camps de fortune où la précarité est le destin commun.
La couleur de peau, la région, la religion, l’ethnie, sont devenues des barrières infranchissables, semblables aux violentes folies qui ont embrasé les périodes funestes de notre histoire.
Les murs dressés contre les migrants édifient sur le déficit de leadership et révèle, a contrario, les dirigeants ayant la vision et le courage de l’avenir plus préoccupés à sécuriser l’avenir des générations montantes que de chercher à assouvir les fantasmes de leurs électeurs.
Pour l’homme ou la femme d’État, le nombre, même grand, ne commande pas toujours. Un dirigeant montre le mouvement en le précédant, ne sacrifie pas ses convictions sur l’autel des votes à gagner à tout prix. Cette attitude de meneur de peuple est du panache politique.
Les préjugés véhiculant des contre-vérités sur les migrants doivent être combattus. Il y a l’envers du décor bien loin des idées reçues. Sait-on assez que plus de 80% des migrants africains se déplacent à l’intérieur du continent plutôt qu’en Europe et contribuent pour près de 10% au Produit Intérieur Brut (PIB) mondial.
Apport économique et financier
L’apport économique et financier des migrants est masqué par les contraintes sécuritaires, économiques, sociales et climatiques qui obligent 272 millions d’âmes, environ 3,5% de la population mondiale, à chercher refuge ailleurs. A quoi s’ajoutent 80 millions de déplacés à l’intérieur de leur propre pays, selon les Nations Unies. Ce n’est donc pas hasard que les 2/3 des migrants viennent de l’Afrique de l’Ouest, foyer d’insécurité, de guerres fratricides, de tensions climatiques et où la mauvaise gouvernance semble être la feuille de route de certains décideurs. Cette région se vide ainsi de ses bras valides et de ses cerveaux. Autant de départs qui obèrent les programmes de développement.
Ceux qui font de l’opposition à la migration une mode politique ne savent rien de cette belle et généreuse philosophie de vie du Mahatma Gandhi, un des parangons de la migration : « Je ne veux pas que ma maison soit murée de toutes parts… mais qu’y circule librement la brise que nous apportent les cultures de tous les pays ».
Les experts des questions de migration partagent cette vision de « la grande âme » indienne et estiment que l’ouverture totale des frontières permettrait d’ajouter 78000 milliards de dollars au PIB mondial. Ils précisent que les migrants participent à l’augmentation de la croissance économique ainsi qu’à la productivité en même temps qu’ils contribuent au rajeunissement de la population active dans les pays d’accueil, en particulier en Europe.
La migration, aussi vieille que le monde, est une nécessité humaine naturelle et n’est ni exode ni invasion. Nul ne pourra l’arrêter. Elle a enrichi notre humanité, rapproché les humains, les religions, les idées, le savoir, en un mot, les civilisations.
En cette période où la mode anti-migrant est en vogue dans certains milieux occidentaux obnubilés par le court terme, il existe, heureusement, des résistances à cette facilité. Leur détermination lucide va prospérer, il faut l’espérer.
Le leadership et la vision de dirigeants éclairés ont permis d’accueillir des femmes et des hommes qui ont changé la face du monde dans leur domaine de prédilection. C’est Sigmund Freud pour la psychanalyse, Marie Curie (seule femme titulaire de deux Prix Nobel, en Physique et en Chimie) pour ses travaux sur les Radiations, le Polonium et le Radium avec son époux français Pierre, Albert Einstein pour la théorie de la Relativité, des sportifs célèbres qui enchantent nos stades, le violoncelliste du siècle dernier Mstsilav Rostropovitch et Bob Marley pour la musique, pour ne citer qu’une infime minorité. Et bien sûr Gandhi, que l’écrivain Radu Stonescu, natif de Transylvanie, a décrit comme « l’exilé volontaire ». Que serait devenu le Mahatma (la grande âme), ce monument de la pensée ainsi que de la vie politique de l’Inde et du monde, si l’Angleterre et l’Afrique du Sud ne lui avaient pas ouvert leurs portes ? De même, sans la migration, nous n’aurions pas eu le bonheur de voir Barak Hussein Obama devenir 44è président de la première puissance du monde. Ne désespérons pas de l’humanité.