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4 mai 2025
Opinions
par le chroniqueur de SenePlus, Hamadoun Touré
MIGRATION, L’ÉCHARDE
EXCLUSIF SENEPLUS - Perçus comme rebuts de la société, les migrants sont laissés au bord du chemin. Pourtant au fond, la condition des migrants doit empêcher de dormir tant elle rappelle qu’en nous, une part d’humanité est en déconstruction
Hamadoun Touré de SenePlus |
Publication 24/07/2020
« Je ne veux pas que ma maison soit murée de toutes parts… mais qu’y circule librement la brise que nous apportent les cultures de tous les pays ». Gandhi
Ils sont migrants apatrides, ou apatrides migrants. Qu’importe le statut de ces hommes et femmes jetés hors de leur propre histoire par les guerres, les persécutions, la famine, les tragédies qui défigurent l’humanité. On les voit, victimes des catastrophes naturelles ou cherchant simplement à survivre, chavirant sur les océans et les mers, agonisant en traversant les déserts. Leur désarroi est assurément une écharde sur la conscience humaine. Et Pourtant !
Ils ne savent où jeter l’ancre, ne voient pas le phare d’un havre de paix. Ils ploient sous le poids de l’hostilité, plus souvent du mépris, lorsqu’avec leurs maigres baluchons qu’agrippe une ribambelle d’enfants, ils réalisent leur condition de pestiférés, rejetés et étrangers qu’ils sont, face aux portes qui, à leur arrivée, se ferment.
Ils échouent devant les frontières mais aussi devant une haine identique sinon pire que celle qui les a poussés à chercher une terre d’accueil. Sans papiers, jugés sans âme, ces migrants sont considérés comme une nouvelle race d’envahisseurs venant prendre le travail des nationaux et ôter le pain de leur bouche. Une source de tous leurs maux. Ils sont décrits comme ennemis, terroristes, voleurs, violeurs, familles nombreuses, le résumé de toutes les tares du genre humain. Déracinés dans leur dénuement, les migrants n’ont pas de répit dans la solitude, le froid ou la chaleur. L’horizon où ne pointe nul espoir est sans fin pour eux.
Ils sont aussi les victimes de piètres politiciens, manipulateurs des angoisses, des frustrations, des peurs du vulgum pecus, ce petit peuple sans présent ni lendemain, proie facile.
Tantôt réservoirs de voix électorales, tantôt boucs émissaires pour expliquer les maux de la société, les migrants sont toujours alibis de démagogues sans foi ni principe qui instrumentalisent la différence entre êtres humains. Cette différence devient alors éloignement plutôt qu’attraction, opposition plutôt que complémentarité.
C’est ainsi que la diversité est présentée comme genre méprisable, elle aussi rejetée alors qu’elle n’est qu’enrichissement. Des politiciens en font un épouvantail pour rassembler des simples d’esprit devant, convenons-en, l’indifférence, la lâcheté ou le silence volubile de ceux qui baissent les yeux pour ne rien voir.
Une part d’humanité en déconstruction
Réceptacles des oubliés de la croissance, perçus comme rebuts de la société, les migrants sont laissés au bord du chemin. Pourtant au fond, dans le secret de la conscience humaine, la condition des migrants trouble et perturbe, doit empêcher de dormir tant elle rappelle qu’en nous, une part d’humanité est en déconstruction et pointe un échec de notre monde. Elle démontre qu’en nous triomphe la haine, ce que nous avons de pire, sur l’amour, ce que nous avons de meilleur.
Les migrants symbolisent les monstruosités que sont la pauvreté et la guerre. Des drames humains indicibles sont enfermés, au-delà de toute statistique, dans la profondeur des eaux glacées ou dans le silence sans fin des déserts sahariens, dans des camps de fortune où la précarité est le destin commun.
La couleur de peau, la région, la religion, l’ethnie, sont devenues des barrières infranchissables, semblables aux violentes folies qui ont embrasé les périodes funestes de notre histoire.
Les murs dressés contre les migrants édifient sur le déficit de leadership et révèle, a contrario, les dirigeants ayant la vision et le courage de l’avenir plus préoccupés à sécuriser l’avenir des générations montantes que de chercher à assouvir les fantasmes de leurs électeurs.
Pour l’homme ou la femme d’État, le nombre, même grand, ne commande pas toujours. Un dirigeant montre le mouvement en le précédant, ne sacrifie pas ses convictions sur l’autel des votes à gagner à tout prix. Cette attitude de meneur de peuple est du panache politique.
Les préjugés véhiculant des contre-vérités sur les migrants doivent être combattus. Il y a l’envers du décor bien loin des idées reçues. Sait-on assez que plus de 80% des migrants africains se déplacent à l’intérieur du continent plutôt qu’en Europe et contribuent pour près de 10% au Produit Intérieur Brut (PIB) mondial.
Apport économique et financier
L’apport économique et financier des migrants est masqué par les contraintes sécuritaires, économiques, sociales et climatiques qui obligent 272 millions d’âmes, environ 3,5% de la population mondiale, à chercher refuge ailleurs. A quoi s’ajoutent 80 millions de déplacés à l’intérieur de leur propre pays, selon les Nations Unies. Ce n’est donc pas hasard que les 2/3 des migrants viennent de l’Afrique de l’Ouest, foyer d’insécurité, de guerres fratricides, de tensions climatiques et où la mauvaise gouvernance semble être la feuille de route de certains décideurs. Cette région se vide ainsi de ses bras valides et de ses cerveaux. Autant de départs qui obèrent les programmes de développement.
Ceux qui font de l’opposition à la migration une mode politique ne savent rien de cette belle et généreuse philosophie de vie du Mahatma Gandhi, un des parangons de la migration : « Je ne veux pas que ma maison soit murée de toutes parts… mais qu’y circule librement la brise que nous apportent les cultures de tous les pays ».
Les experts des questions de migration partagent cette vision de « la grande âme » indienne et estiment que l’ouverture totale des frontières permettrait d’ajouter 78000 milliards de dollars au PIB mondial. Ils précisent que les migrants participent à l’augmentation de la croissance économique ainsi qu’à la productivité en même temps qu’ils contribuent au rajeunissement de la population active dans les pays d’accueil, en particulier en Europe.
La migration, aussi vieille que le monde, est une nécessité humaine naturelle et n’est ni exode ni invasion. Nul ne pourra l’arrêter. Elle a enrichi notre humanité, rapproché les humains, les religions, les idées, le savoir, en un mot, les civilisations.
En cette période où la mode anti-migrant est en vogue dans certains milieux occidentaux obnubilés par le court terme, il existe, heureusement, des résistances à cette facilité. Leur détermination lucide va prospérer, il faut l’espérer.
Le leadership et la vision de dirigeants éclairés ont permis d’accueillir des femmes et des hommes qui ont changé la face du monde dans leur domaine de prédilection. C’est Sigmund Freud pour la psychanalyse, Marie Curie (seule femme titulaire de deux Prix Nobel, en Physique et en Chimie) pour ses travaux sur les Radiations, le Polonium et le Radium avec son époux français Pierre, Albert Einstein pour la théorie de la Relativité, des sportifs célèbres qui enchantent nos stades, le violoncelliste du siècle dernier Mstsilav Rostropovitch et Bob Marley pour la musique, pour ne citer qu’une infime minorité. Et bien sûr Gandhi, que l’écrivain Radu Stonescu, natif de Transylvanie, a décrit comme « l’exilé volontaire ». Que serait devenu le Mahatma (la grande âme), ce monument de la pensée ainsi que de la vie politique de l’Inde et du monde, si l’Angleterre et l’Afrique du Sud ne lui avaient pas ouvert leurs portes ? De même, sans la migration, nous n’aurions pas eu le bonheur de voir Barak Hussein Obama devenir 44è président de la première puissance du monde. Ne désespérons pas de l’humanité.
MACKY SALL EST TENU DE DÉPOSER UNE NOUVELLE DÉCLARATION DE PATRIMOINE
Chaque prestation de serment doit être accompagnée d’une déclaration de patrimoine, en bonne et due forme : 1 prestation de serment équivaut à 1 déclaration de patrimoine ; 2 prestations de serment = 2 déclarations de patrimoine. C’est clair, net et préci
Macky Sall est tenu de déposer une nouvelle déclaration de patrimoine : il n’y a aucun débat possible à ce niveau. En effet, l’article 37 de La Constitution sénégalaise est extrêmement clair et ne laisse place à aucune forme d’interprétation. « Le Président de la République nouvellement élu fait une déclaration écrite de patrimoine déposée au Conseil constitutionnel qui la rend publique ». En vérité, l’exigence constitutionnelle de la déclaration de patrimoine du chef de l’état est intimement liée au serment présidentiel qui précède l’installation du Président de la République, moment où il est investi des prérogatives liées à son statut.
Chaque prestation de serment doit être accompagnée d’une déclaration de patrimoine
La prestation de serment inaugure un nouveau mandat présidentiel. Macky Sall a prêté serment à 2 reprises, devant le Conseil Constitutionnel. La première prestation de serment a eu lieu le 02 avril 2012, La seconde prestation de serment s’est déroulée le 02 avril 2019. Chaque prestation de serment doit être accompagnée d’une déclaration de patrimoine, en bonne et due forme : 1 prestation de serment équivaut à 1 déclaration de patrimoine ; 2 prestations de serment = 2 déclarations de patrimoine. C’est clair, net et précis. Un laudateur du régime, ancien administrateur de la Fondation servir le Sénégal, s’est livré à un exercice périlleux en affirmant « Le Président n’a jamais quitté son bureau de la présidence de la république ». Un argument loufoque, digne d’un élève de primaire. Demandez-lui pourquoi Macky Sall a prêté serment une seconde fois et a été installé à nouveau, en tant que Président de la République par le Conseil Constitutionnel ?
La Constitution sénégalaise impose au président de déposer une déclaration de patrimoine en début de mandat, mais n’exige pas d’effectuer une déclaration en fin de mandat.
En France, les élus doivent faire, au cours de leur mandat, plusieurs déclarations : d’abord au moment de la prise de fonction ; puis en cours de mandat si une modification substantielle affecte leur patrimoine (héritage, mariage, divorce, etc…) ; et enfin, ils doivent déposer une déclaration de patrimoine de fin de mandat. Toutefois, la loi est extrêmement claire concernant la déclaration de fin de mandat : « Les élus dont le mandat s’achève doivent déposer une déclaration patrimoniale de fin de mandat deux mois plus tôt et un mois plus tard avant l’expiration de leur mandat », auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), conformément aux dispositions de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Il convient de préciser que la déclaration de patrimoine de fin de mandat doit intervenir au plus tard un mois avant l’expiration du mandat. Au Sénégal, l’article 37 de la Constitution impose au Président de déposer une déclaration de patrimoine en début de mandat, mais n’exige en aucun cas d’effectuer une déclaration de patrimoine en fin de mandat. L’article 37 de la charte suprême taillade en pièces, l’argument fallacieux de Mounirou Sy selon lequel Macky Sall doit faire sa déclaration de patrimoine en fin de mandat. Cette disposition n’est prévue par aucun texte (ni par la Constitution, ni par loi n°2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine).
A supposer d’ailleurs que Macky Sall doive faire sa nouvelle déclaration de patrimoine en fin de mandat (ce qui est totalement faux, car n’étant prévu par aucun texte), ladite déclaration devait obligatoirement être effectuée avant fin de son premier mandat et donc avant les élections présidentielles du 24 février 2019. Une déclaration de patrimoine de fin de mandat ne doit pas être effectuée, après que l’élu ait quitté la magistrature suprême mais bien avant (au cours du mandat).
Manifestement, le Constitutionnaliste Mounirou Sy a une mauvaise compréhension de la temporalité de la déclaration de patrimoine de fin de mandat. L’attestation sur l’honneur de l’actuel Président Français, M. Emmanuel MACRON, suite à sa déclaration de patrimoine (disponible sur le site légifrance) devrait lui rafraichir la mémoire et lui permettre de mieux comprendre le sens de la déclaration de patrimoine de fin de mandat. « Je soussigné : Emmanuel Macron, Certifie sur l’honneur l’exactitude des renseignements indiqués dans la présente déclaration et m’engage, en cas d’élection à déposer deux mois au plus tôt et un mois avant l’expiration de mon mandat de Président de la République ou, en cas de démission, dans un délai d’un mois après celle-ci, une déclaration de situation patrimoniale de fin de mandat, en application du neuvième alinéa du I de l’article 3 de la loi n°62-1292 du 06 novembre 1962 ».
Fait le 16 mars 2017 Emmanuel Macron
Les partisans du régime qui croyaient trouver la parade pour Macky Sall, en invoquant une déclaration de patrimoine en fin de mandat, ne font que l’enfoncer davantage. La déclaration de patrimoine de fin de mandat doit intervenir avant la fin du mandat, pas après (dans cette hypothèse, Macky Sall aurait dû déposer sa déclaration de patrimoine de fin de mandat, avant les élections de 2019). Quel que soit l’angle choisi par les soutiens du régime (déclaration de fin de mandat ou nouvelle déclaration de patrimoine), Macky Sall est pris au piège, et se trouve face à une équation insoluble. En conclusion, la Constitution sénégalaise (article 37) est très claire et impose au Président de déposer une déclaration de patrimoine en début de mandat. En conséquence, Macky Sall qui a entamé son second mandat et dernier mandat est tenu de déposer une nouvelle déclaration de patrimoine, dans les meilleurs délais. Tout le reste relève de la sorcellerie juridique et n’est que pure affabulation. La violation de l’article 37 de la Constitution n’a que trop duré.
Par Moussa KAMARA
SACERDOCE
Avec la vidéo- surveillance qui est de mise dans toutes les boutiques, les voleurs et rodeurs ne semblent plus être à la fête.
On n’en finit jamais de parler des dégâts causés par le Net. Comme tout le monde s’y met en ignorant pour la plupart les règles les plus absolues de prudence, les conséquences désastreuses et malheureuses s’accumulent forcément sur le bonnet.
Et pour cette fois-ci, les droits de l’hommistes s’en sont donnés à cœur joie dans leurs différentes sorties et saillies. Ces commerçants et gérants de boutiques qui ne pensent qu’à se faire de la pub servent aux internautes toutes leurs lubies. Cette précipitation à créer comme ils disent le buzz, va plus les perdre que les faire connaitre.
Avec la vidéo- surveillance qui est de mise dans toutes les boutiques, les voleurs et rodeurs ne semblent plus être à la fête. C’est bien beau d’accuser quelqu’un de vol encore qu’il faudrait étayer avec des preuves irréfutables. Je ne sais ce que cette pauvre dame a enduré entre les mains, les bras et autres de ces trois individus. Fût-elle une voleuse, rien ne les autorisait à la martyriser. Une personne qui ne jouit pas de toutes ses facultés mentales est facilement identifiable.
Et quand c’est une femme bien galbée, les coureurs et voyeurs ne manquent jamais d’en profiter pour assouvir leurs sinistres désirs. Il y a une justice immanente qui sévit pour tout le monde. Qui défend et venge des personnes que l’on prenait pour des moins que rien. On espère que ce tollé sur le Net dissuadera plus d’un à se faire justice. Certainement un vœu pieux avec ces lynchages trop habituels sous nos yeux de ces voleurs et délinquants pris par la horde.
Et dans cette foule figurent des personnes de tous les âges. Des vieux sadiques aux jeunes colériques qui ne pensent qu’à cogner et à faire mal. Maintenant, le Sénégalais tue facilement son semblable pour des raisons des plus fallacieuses. Certes, il y a toujours eu des marginaux qui tuaient ou amputaient de pauvres gens mais au rythme actuel où de pauvres diables perdent la vie pour des sous ou des femmes, il y a vraiment de quoi s’inquiéter !
Nos sociologues et autres gens doctes s’épanchent sur ces questions mais apparemment, rien n’arrête nos assassins en puissance. Une histoire récente, cocasse pour certains, salace pour d’autres mais un cas d’école tenace pour tous, est celle de cette enseignante qui a jeté le fruit de ses escapades adultérines dans une fosse. Ce n’est point l’histoire d’une gamine qui a quitté l’école très tôt ou qui n’y a jamais été mais d’une dame avec des connaissances solides.
L’islam qu’elle enseigne et la femme pieuse qu’elle serait auraient dû être ses remparts dans cette vie. Il lui a manqué le sacerdoce qui guide les bonnes gens. Ce sacerdoce qui semble manquer à tous ces gens qui font leurs ablutions dans la rue, causant des flaques d’eau et des mini mares sur le passage des piétons obligés de marcher sur la chaussée en feintant pour éviter les véhicules.
Voilà des musulmans pratiquants se considérant pieux et propres après avoir pollué la rue publique. Rien que de faux dévots !
Par Mamadou Oumar NDIAYE
LE RACISME SUBTIL DE L’UNION EUROPÉENNE
Avec 6 morts, un de plus que le Rwanda, le Lesotho aussi est banni de même que la Namibie. Pendant que des pays arabes ayant 40 fois plus de morts que la Namibie et 280 fois de plus que le Botswana voient leurs ressortissants autorisés d’accès à l'Europe
Décidément, nous ne comprendrons jamais rien aux subtilités de la pensée des Blancs ! Nègres, nous sommes émotifs comme le disait avec justesse le président Léopold Sédar Senghor. Eux, ils sont cartésiens et la raison leur appartient. Lorsqu’ils prennent des décisions, surtout ceux d’entre eux qui nous ont colonisés, il y a peu de chances que nous y comprenions grand-chose. De fait, il y a fort à parier que nous fassions une lecture au premier degré de leurs décisions alors que, encore une fois, il faut être cérébral pour en saisir toute la complexité, la sophistication. Ce que nous ne sommes évidemment pas. Tenez, cette décision de l’Union Européenne de fermer ses frontières aux voyageurs en provenance de tous les pays africains à l’exception de l’Algérie, du Maroc, de la Tunisie et du… Rwanda. Officiellement parce que la situation sanitaire de ces pays relativement au coronavirus est maîtrisée et qu’ils ne représentent donc aucune menace pour la vieille Europe. Les esprits simples que nous sommes peuvent évidemment être tentés de voir à travers cette mesure de sanctuarisation de l’espace Schengen un manifestation d’un racisme anti-Nègres primaire quand on sait que trois de ces quatre pays africains dont les citoyens sont bienvenus en Europe sont arabes. C’est là que la subtilité des Blancs s’exprime dans ce qu’elle a de plus cynique, de plus retors aussi : Pour prévenir toute accusation de racisme, ils ont eu le génie d’inclure dans leur liste un pays d’Afrique noire à savoir le Rwanda.
« Nous racistes, voyons, et le Rwanda alors ? » De quoi clouer le bec à ces grands dadais de Nègres. De fait, le Rwanda présente une excellente situation épidémiologique, en effet : cinq morts seulement et 1699 contaminés à la date du mercredi 22 juillet dernier, c’est-à-dire il y a 48 heures !
Le problème, c’est que nos si intelligents "toubabs" auront du mal à expliquer pourquoi, à l’aune de ces critères scientifiques, ils ont écarté de leur liste… noire (n’y voyez aucun malice !) le Maroc, l’Algérie et la Tunisie qui ont enregistré respectivement 280 morts (17742 contaminés), 1100 morts (24248 cas) et 50 morts (1389). Ils vont nous dire sans doute que les statistiques des Nègres ne sont pas fiables et que les chiffres déclarés par nos pays de ce côté-ci du Sahara sont à prendre avec des pincettes s’ils ne sont pas carrément farfelus.
Sans doute. Sauf que, au Sénégal et un peu partout en Afrique de l’Ouest, les tests sur lesquels se basent les autorités pour élaborer des statistiques sont élaborés par un laboratoire français, l’Institut Pasteur. Et que, donc, si manipulation statistique il y a, la France serait grandement complice ! Or, l’Institut Pasteur faisant foi, la situation épidémiologique est largement meilleure au Sénégal, par exemple, que dans les trois pays du Maghreb central. Sans compter que, s’il y a des pays qui sont fondés à fermer leurs frontières aux ressortissants d’autres parties du monde pour ne pas être contaminés, ce sont bien les nôtres qui sont loin des pics atteints en Grande-Bretagne, en Espagne, en Italie et en France !
D’ailleurs, les premiers cas enregistrés au Sénégal ne nous venaient-ils pas de Marianne ? On nous rétorquera certes que même les Etats-Unis sont frappés de bannissement par l’Union Européenne et que, donc, on ne saurait la taxer de mépris envers l’Afrique, singulièrement sa frange noire. Sauf que la situation pandémique est à ce point catastrophique aux USA que permettre effectivement aux vols en provenance de ce pays-continent de se poser dans les aéroports européens serait une manière de déclencher une deuxième, voire une troisième vague de contaminations. Et puis, le président Donald Trump n’avait-il pas été le premier à fermer son pays aux vols en provenance d’Europe ?
Pour en revenir à l’Afrique, on nous dit que l’exception rwandaise se justifie scientifiquement par les excellents résultats du pays des Mille collines dans la lutte contre la pandémie du coronavirus. Sans doute. Sauf que, là aussi, il existe des pays africains qui ont fait de meilleurs résultats que le Rwanda et qui sont bannis de l’espace Schengen ! Le Botswana, par exemple, qui est un modèle en matière de bonne gouvernance et aussi une démocratie — contrairement à Kigali et comme le Sénégal — a eu un seul mort depuis le début de la pandémie pour 522 cas seulement. Malgré cela, il ne figure pas sur la liste de l’Union européenne !
Avec six morts, un de plus que le Rwanda, le Lesotho aussi est banni de même que la Namibie (sept morts). Pendant ce temps, des pays arabes ayant 40 fois plus de morts (Maroc) que la Namibie et 280 fois plus que le Botswana voient leurs ressortissants interdits d’accès sur le territoire européen. Certes, les Blancs ont une pensée hypersophistiquée et la subtilité de leur pensée, on l’a dit, sera toujours insaisissable pour nos cerveaux engourdis de Nègres mais enfin, on aimerait bien qu’ils nous expliquent, eux les cartésiens, et pourvu que les idiots que nous sommes puissent évidemment suivre les méandres de leur pensée, qu’est-ce qui explique cette différence de traitement réservée à ces pays du continent.
En dehors du racisme anti-Nègres bien sûr. Car, en pleine affaire Georges Floyd et aussi un peu Adama Traoré en France, la vieille Europe blanche ne pouvait bien sûr pas nous dire crûment : « Nègres africains, restez chez vous avec vos sales maladies » ! Elle l’a fait de manière subtile et sur la base de pseudo-arguments scientifiques qui lui sont tombés sur la gueule comme un boomerang.
Pour cause, elle s’est retrouvée piégée dans ses propres arguments « scientifiques » : le Zambèze ne sera certes jamais la Corrèze mais le Botswana, le Lesotho, l’Ouganda (zéro mort du coronavirus, on allait l’oublier !), la Namibie répondront incontestablement toujours plus aux critères fixés par l’UE pour l’accès à son territoire en ces temps de pandémie que l’Algérie, le Maroc, la Tunisie voire le Rwanda. Et puis, on doute fort qu’avec la chape de plomb qui les recouvre et aussi leur faible pouvoir d’achat, malgré la grosse propagande de leur régime, les Rwandais soient de gros voyageurs vers le continent européen. Vous voyez donc bien qu’en jetant son dévolu sur ce pays, Bruxelles ne prend aucun risque de voir l’Europe envahie par des hordes de Nègres ! Pour dire que sa décision d’accorder une exception à Kigali ne mange pas de pain… Et que les mesures de rétorsion prises par les présidents sénégalais et gabonais sont parfaitement justifiées !
par Khadim Ndiaye
RÉPONSE AU FAIDHERBIEN AUTOPROCLAMÉ OUSSEYNOU NAR GUEYE
EXCLUSIF SENEPLUS - Dire que ceux qui dénoncent la statue de Faidherbe doivent trouver un "alphabet dépouillé d'origine allogène et d'effluves coloniales", c’est croire encore au mythe nazi d’une langue pure
Ousseynou Nar Gueye que je lis souvent m’avait personnellement habitué à de meilleurs textes. Celui qu’il consacre à ceux qu’il appelle « défaidherbeurs » ("Mon Adresse aux défaidherbeurs") semble être rédigé à la hâte pour répondre à d’autres auteurs sans s'entourer des gardes-fous et précautions intellectuelles nécessaires. Il tombe dans un total confusionnisme, voire un amalgamisme volontaire trahissant une incompréhension des termes du débat sur la statue de Faidherbe.
M. Gueye peut tout à fait se déclarer « Faidherbien » comme il le fait dans son texte - c’est son droit -, mais il serait bien, dans l’intérêt des lecteurs, que les participants à ce débat, en comprennent tous les tenants avant de se lancer dans de longues diatribes sans réelle valeur heuristique.
Aucun Sénégalais connaissant un tant soit peu l’histoire de son pays ne conteste que Faidherbe et les gouverneurs coloniaux en fassent partie. C’est d’ailleurs ce que beaucoup de débatteurs ont fait savoir dans leurs écrits. En ce qui me concerne, j’écrivais ceci : « Demander le retrait de la statue de Faidherbe, ce n’est ni réclamer la suppression de ce personnage des manuels d’histoire ni exiger qu’il ne soit plus enseigné. Ce qui est dénoncé, c’est sa présence et sa mise en avant dans l’espace public. Ceux qui s’arc-boutent sur l’argument de « l’effacement de l’histoire » confondent enseignement de l’histoire et éléments du patrimoine auxquels on accorde de l’importance et que l’on choisit de conserver dans l’espace public. L’histoire du fait colonial avec ses différents personnages et péripéties est bien enseignée, mais la question du legs à promouvoir interpelle, elle, la notion de patrimoine. On peut bien enseigner une histoire douloureuse sans statufier des bourreaux et sans les inclure dans les héritages à valoriser publiquement et à transmettre à la postérité. »
Ceux qui s’érigent contre la statue de Faidherbe ne sont pas contre la France en tant que peuple et civilisation. Ce combat, il faut le rappeler, est mené en toute intelligence avec des Français, vivant en France, opposés aux statues d’oppresseurs coloniaux. Il est également important de préciser que des Français résidant au Sénégal, ont rencontré il y a quelques jours à Dakar des opposants sénégalais à la statue de Faidherbe pour apporter leur pierre à la lutte. Eux ont bien compris, comme le disait le regretté Sankara, que ceux qui exploitent l’Afrique sont les mêmes qui exploitent l’Europe. C’est donc un débat qui va au-delà de tout racialisme étriqué.
A-t-on une bonne prise en se plaçant sur le terrain de la langue ? Demander à ceux que M. Gueye appelle les « défaidherbeurs » d’utiliser une autre langue que le français s'ils sont cohérents est-il pertinent ? Ce n’est pas parce des personnes utilisent une langue donnée qu’elles ne doivent pas dénoncer un oppresseur parlant cette langue. Si l’on suit ce type de raisonnement jusqu’au bout, alors on dira qu’un Amilcar Cabral devait se départir de la langue portugaise avant de dénoncer les colonialistes portugais ; qu’un Cheikh Anta Diop devait cesser d’écrire en français et répudier sa femme française avant de dénoncer le colonialisme français ; qu’un germanophile français célèbre, le père Chaillet, ne devait plus étudier l’allemand en devenant un célèbre résistant à l’occupation allemande. Si ce raisonnement prévaut, alors il faut dire également aux penseurs latino-américains Enrique Dussel et le regretté Aníbal Quijano, qu’ils ont commis une grosse erreur en émettant en espagnol, langue européenne, une critique des savoirs eurocentriques et coloniaux hégémoniques.
Qui se pose la question de savoir si les Algériens de l’après-indépendance devaient se départir de la langue française avant de remplacer la statue du tortionnaire colonialiste Bugeaud – maître à penser de Faidherbe - par celle de l’émir Abdel Kader ? Le fait de parler la langue d’un oppresseur ne délégitime pas la lutte menée contre lui. Au contraire, il la nourrit et la renforce souvent. Nelson Mandela nous dit qu’en prison, la première chose qu’il a comprise c’est la nécessité d’apprendre l’afrikaan, langue des Afrikaners, pour mieux sympathiser avec les gardes, gagner leur confiance, lire les journaux dans cette langue afin de mieux orienter son combat.
Il faut donc être clair : parler la langue d’un tortionnaire ne rend pas invalide le combat mené contre sa statue.
Pour aller plus loin, même ceux qui militent pour les langues nationales ne disent pas de bouter dehors les langues étrangères européennes. Un Cheikh Anta Diop réfutait même l’exclusivisme qui tendait à éliminer les mots d’origine occidentale qui ont acquis droit de cité dans les langues africaines. C’est parce que Diop savait bien que les langues se forment et évoluent par la création de néologismes mais surtout par emprunt à d’autres langues. Dire que ceux qui dénoncent la statue de Faidherbe doivent trouver un « alphabet dépouillé d'origine allogène et d'effluves coloniales », c’est croire encore au mythe nazi d’une langue pure.
Des auteurs africains écrivant dans des langues africaines continuent d’écrire en français ou en anglais. C’est le cas de Boubacar Boris Diop et de Ngugi wa Thiong'o. Boris Diop nous dit bien d’ailleurs qu’il n’a rien contre quelque langue que ce soit, qu’il écrit plutôt « pour l‘humanité entière, consciemment ou inconsciemment ». Mais écrire pour l’humanité entière ne veut pas dire ignorer son audience première. Boris Diop et Ngugi wa Thiong'o ont l’intention de dire aussi au monde qu’ils ont une langue première : « Notre audience, reprend Boris Diop, c’est le monde entier. Mais pour moi, le concept fondamental, c’est celui de l’audience première. Autrement dit : pour qui écrit-on en premier lieu ? À partir de quel lieu va-t-on atteindre le reste du monde ? »
Utiliser par moment le français ou l’anglais ne délégitime pas chez ces auteurs le combat contre la décolonisation des esprits qu’ils appellent de leurs vœux.
Faidherbe, à l’instar de beaucoup de gouverneurs français, parlait très souvent le wolof à ses interlocuteurs sénégalais. Cela ne l’a pas empêché pourtant de massacrer des populations qui parlaient cette langue. André Demaison, dans la biographie qu’il a consacrée à Faidherbe en 1932, nous rappelle que ce gouverneur avait bien compris « l’autorité, la touche directe que l’on acquiert sur les âmes et sur les cœurs des indigènes quand on parle leur langue avec dignité. C’est un élément essentiel d’administration que nos fonctionnaires modernes dédaignent généralement, pour le plus grand dommage de leur esprit et de leur commandement. » Parler la langue de l’indigène, c’était avoir une emprise sur lui. Faut-il alors parler wolof comme Faidherbe pour avoir le droit de décrier sa statue ?
Ce débat sur les statues coloniales et, partant sur le patrimoine, est d’une haute importance. Il ne faudrait pas que certains en fassent une arène de simples gesticulations et l’abordent en dilettante. Il est bien vrai que sa nouveauté fait peur. La gestation d'un monde nouveau est toujours douloureuse. Le crépuscule des idoles laisse un goût amer. Ceux qui appréhendent mal le changement sont ceux-là qui sont incapables de voir la promesse qui s'annonce. Ramener la conversation à une question d’usurpation linguistique doit être perçu comme un signe des derniers spasmes d'un monde en voie de disparition, celui où l’on statufie et glorifie des racistes et autres tortionnaires de la colonisation.
Le philosophe et spécialiste des langues africaines Khadim Ndiaye est basé à Montréal au Canada
Continuera-t-on à laisser mourir sans assistance ceux qui nous ont fait rêver et espérer des lendemains meilleurs, ceux qui sont les vrais ambassadeurs du Sénégal pensant et créatif ? Nous ne réclamons pas de privilèges. Seulement de la reconnaissance
Mardi 21 juillet 2020. Voilà qu’on m’annonce la disparition d’un concitoyen exemplaire dans ce qu’il faisait pour servir son pays, le Sénégal, le faire découvrir et le faire rayonner. Non, il n’était pas un politique au sens où l’on entend ce mot, sous nos cieux. Non, il n’était pas non plus un de ces bonshommes pleins aux as que les griots chantent et qui tapissent de billets de banque les scènes de spectacles devant lesquelles les femmes vont pervertir leur âme et la jeunesse désœuvrée dilapider son énergie. Était-il d’ailleurs connu et véritablement reconnu dans ce pays où un éminent professeur d’histoire affirmait, en substance, que c’était un crime d’être compétent et probe ?
Jean-Pierre LEURS vient de tirer sa révérence. Beaucoup de personnes m’écrivent pour dire que c’est avec surprise qu’ils apprennent tardivement la triste nouvelle. Une façon de dire que les grands hommes, chez nous, vivent sans tambour ni trompette et meurent sans bruit, alors que d’autres qui n’ont pas servi mais se sont amplement servis au détriment des populations et du pays ont tous les honneurs de leur vivant et bénéficient d’hommages posthumes de la part des hautes autorités de l’État.
Pour ceux qui l’ignorent Jean Pierre LEURS- Thiampou, pour les familiers- était un homme de théâtre, illustre pensionnaire du Théâtre National Daniel Sorano, dont la prestigieuse troupe d’art dramatique et les émoustillants corps de ballets ont sillonné le monde pour porter au rendez-vous du donner et du recevoir le message de paix et de solidarité d’un peuple précurseur de la promotion de la diversité culturelle et linguistique, un peuple qui vit le dialogue des cultures et celui des religions. Il était précisément un metteur en scène hors pair.
C’est lui qui a porté au petit écran la pièce d’Alioune Badara BEYE : Le sacre du Ceddo. C’est lui qui a signé la mise en scène de la pièce en langue wolof de Cheik Aliou NDAO : Guy Njulli, ainsi que l’adaptation théâtrale du célèbre roman d’Aminata Sow FALL : La grève des battus, qui a remporté, en 1984, trois Prix simultanés, à l’occasion des Journées théâtrales de Carthage, en Tunisie. Il a réalisé le poème dramatique de LS SENGHOR : Chaka, confiant le rôle du chef zoulou à l’incomparable Omar SECK. Il était aussi féru de spectacles sons et lumières, de fresques grandioses comme celle organisée à l’occasion de la célébration du 90 ème anniversaire de la naissance du Poète-président, celle organisée à Thiès lors de la fête lors du 44 ème anniversaire de l’indépendance du Sénégal.
Allons-nous enterrer Thiampou comme on enterre n’importe qui, comme quelqu’un qui n’a rien donné à ses semblables, à son pays ? J’interpelle tous les créateurs, artistes de toutes catégories et écrivains, et d’abord le Ministre de la Culture et de la Communication. Continuera-t-on à laisser mourir sans assistance ceux qui nous ont fait rêver et espérer des lendemains meilleurs, ceux qui sont les vrais ambassadeurs du Sénégal pensant et créatif ? Nous ne réclamons pas d’argent, pas de privilèges. Seulement de la reconnaissance.
À quoi servent les média nationaux s’ils n’offrent pas au peuple et à la jeunesse des modèles exemplaires, des femmes et des hommes au parcours rectiligne et édifiant, authentiques porteurs des valeurs cardinales de notre peuple ?
Cessons de snober nos compatriotes méritants qui vivent parmi nous, se sacrifient à la tâche sans crier sur les toits ni bomber la poitrine. Ne les laissons pas mourir dans l’anonymat pour les décorer à titre posthume et pleurnicher sur leurs tombes.
Jean-Pierre LEURS mériterait bien qu’un théâtre, dans une des régions où il a démontré son génie créateur, porte son nom. Pourquoi pas l’École Nationale des Arts de Dakar où professe son cadet Mamadou Seyba Traoré et où, moi-même, j’enseigne l’écriture dramatique. ?
par Louise Ouimet
LA DÉMOCRATIE S'EST AVÉRÉE ÊTRE UN GOUFFRE POUR LE MALI
A l’indépendance, les Maliens ont calqué les institutions françaises au lieu de prendre le temps de développer des mécanismes de gouvernance et des institutions qui leur soient propres
Après avoir travaillé au Mali sur 8 ans, durant la période 1989-1993 et 2001-2005 et continué à suivre l’évolution du pays, je ne peux que constater aujourd’hui à quel point la démocratie, qui était pourtant porteuse d’espoir lors des premières élections pluralistes en 1992, s’est avérée être un gouffre pour ce pays.
A l’indépendance, les Maliens et Maliennes ont calqué les institutions françaises au lieu de prendre le temps de développer des mécanismes de gouvernance et des institutions qui leur soient propres. Au début de la soi-disant démocratisation, encore une fois on copie l’Occident et on ouvre les vannes au multipartisme. Il arrive quoi ? Plus de 200 partis politiques sont créés – en fait des agglomérations de personnes autour de personnalités appréciées, avec lesquelles on a des liens familiaux, amicaux, ou autres. Fort heureusement, il n’y a pas de partis ethniques au Mali.
Et il arrive quoi ? L’exercice du pouvoir politique étant essentiellement un exercice d’enrichissement personnel pour sa famille et pour son clan, sachant que sa durée est d’un maximum de deux mandats de 5 ans et qu’il faut financer les campagnes électorales, la corruption n’a cessé de croître depuis l’arrivée du multipartisme. Ce multipartisme basé sur les relations a un autre effet pervers : l’absence de renouvellement à la tête des partis. Plusieurs se sont scindés, mais aucun n’a remis en cause son chef parce qu’il n’avait pas gagné l’élection. Alors on retrouve aujourd’hui en grande partie les mêmes joueurs politiques qu’il y a près de 30 ans. Il faut dire qu’ils étaient jeunes à l’époque, voués à un bel avenir. Lorsqu’il y a des partis politiques bien structurés, ils s’empressent de virer leur chef après un échec électoral. Pas au Mali, le parti est le chef.
Les élections se sont succédées entre 1992 et 2020 avec un taux de participation des électeurs famélique. On a souvent attribué ce manque de démocratie au manque d’éducation. Il faut regarder de plus près. C’est à Bamako, où la proportion d’alphabétisés est la plus importante qu’on vote le moins.
Le président Keita (IBK) a bien été élu en 2013, suscitant beaucoup d’espoir auprès de la population aux prises avec la montée du terrorisme. Dès 2014, on me disait qu’il était mal entouré, s’appuyant trop sur sa famille. En 2017, on me disait que le pays était gouverné par une mafia et que le seul espoir était qu’IBK ne se représente pas en 2018. La liste de ce qu’on lui reprochait était longue, se résumant à ne pas se soucier du Mali, mais uniquement de ses voyages à l’étranger, à ne pas renforcer l’armée dont on avait pourtant grand besoin et qui avait été dépouillée par ses prédécesseurs, et surtout à dilapider les fonds dont le Mali avait tant besoin pour fournir un minimum de services aux citoyens et citoyennes. Il se représente et gagne les élections en 2018, élections à nouveau décriées comme étant frauduleuses. L’opposition proteste, puis tout rentre dans l’ordre. Rien ne change. Toujours pas de paix en vue, au contraire, un conflit qui s’est étendu au centre du pays, ne s’essoufle pas.
L’école est aux abonnés disparus comme cela a souvent été le cas depuis 1992. L’Accord de paix d’Alger de 2015 n’est ni appliqué, ni amélioré. Et la corruption continue joyeusement. Arrive le Dialogue National Inclusif fin 2019 qui donne une certaine légitimité au pouvoir en place, sans offrir de nouvelles pistes de sortie de crise. Arrive les élections législatives en mars et avril 2020. Reportées plusieurs fois en raison de l’insécurité et la nécessité de modifier le code électoral et de tenir compte d’un nouveau découpage électoral en respect de l’Accord d’Alger. Alors qu’aucune de ces conditions n’est réunie et que la COVID-19 pointe son nez, branle-bas de combat, les élections législatives sont programmées. Nous connaissons tous ce qui est arrivé à la fin du deuxième tour, alors que la Cour constitutionnelle a invalidé et d’office changé les résultats pour faire élire 31 députés qui étaient recalés selon les urnes. L’un d’eux devient même président de l’Assemblée nationale.
En fait IBK s’est servi des mêmes tactiques qui avaient prévalues contre lui au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2002. Bon prince, il avait calmé ses troupes et accepté qu’un bon nombre de ses votes soient annulés par la Cour Constitutionnelle. En 2020, c’est la revanche.
Où en sommes-nous en juillet 2020 ? Il arrive un moment où trop c’est trop, comme on dit. L’invalidation des plusieurs résultats électoraux par la Cour Constitutionnelle a fait déborder le vase et le mouvement M5-RFP avec l’appui moral de l’iman Mahmoud Dicko est né pour demander au président IBK de démissionner, d’abroger l’Assemblée nationale et la Cour Constitutionnelle et de repartir sur de nouvelles bases en mettant en place une transition. Ce mouvement avait donné la possibilité au président IBK de rester en place, tout en déléguant son pouvoir à un Premier ministre choisi par l’ensemble des acteurs politiques. Le refus d’IBK à se soustraire du pouvoir et la mobilisation de la force anti-terroriste FORCAT qui a tiré à balles réelles sur des manifestants non armés, en tuant plusieurs, a conduit au durcissement des positions du M5-RFP. Il est aussi inexcusable que le mouvement de désobéissance civile se fasse dans la violence. Un changement s’impose et pacifiquement. Souhaitons que les multiples médiations finissent par fonctionner.
Que peut ou doit faire la communauté internationale ? Il ne sert à rien de se cacher derrière une Constitution qui a été bafouée tellement de fois. D’abord admettre que nous nous sommes enrichis sur le dos du Mali, du moins le Canada avec l’exploitation aurifère et certainement la France, malgré le lourd tribut payé par ce pays avec la force Barkhane. Deuxièmement, dialoguer avec tous les acteurs politiques et les encourager à trouver une solution paisible. Mon pays, le Canada semble absent des discussions à Bamako, du moins les médias ne le rapportent pas, alors que le Mali est un pays important de coopération internationale depuis plus de 40 ans. Troisièmement, suspendre l’aide budgétaire à un régime aussi corrompu et revoir les mécanismes d’appui lorsqu’un gouvernement de transition sérieux sera mis en place.
Louise Ouimet est ancienne ambassadeure du Canada au Mali (2001-05) et au Burkina Faso (1995-97)
par Gilles Olakounlé Yabi et Mirjam Tjassing
CRISE AU MALI, RÉSISTER À LA TENTATION DES RECETTES POLITIQUES USÉES
Sans une prise en compte explicite des aspirations des populations de ce vaste pays à un changement visible des pratiques politiques, aucun gouvernement d’union nationale ne saurait faire office de solution
Gilles Olakounlé Yabi et Mirjam Tjassing |
Publication 23/07/2020
Alors que cinq chefs d’État foulent le sol malien pour renforcer la médiation entreprise par la Cedeao, il n’est pas inutile de rappeler que les compromis politiques hâtifs ont nourri depuis de nombreuses années l’aggravation du fossé entre les citoyens d’une part, les gouvernants et les élus de l’autre. Sans une prise en compte explicite des aspirations des populations de ce vaste pays à un changement visible des pratiques politiques et de la gestion des affaires publiques, aucun gouvernement d’union nationale assorti de quelques correctifs institutionnels circonstanciels ne saurait faire office de solution.
Nous avons collaboré il y a quelques mois à l’organisation d’une série d’ateliers de réflexion sur l’économie politique au Burkina Faso, au Niger et au Mali. Nous avons écouté dans chacun de ces trois pays du Sahel des représentants de partis, d’organisations de la société civile, de mouvements citoyens et d’analystes décrire les pratiques politiques réelles, indissociables des pratiques économiques, sociales et culturelles. Nous avons essayé de dégager de ces échanges une compréhension plus fine des véritables sources du pouvoir politique, des mécanismes d’émergence des leaders, des rapports entre les élus et leurs bases électorales et des implications des pratiques politiques réelles dans le fonctionnement et la gouvernance démocratiques.
Crise de confiance
Le constat des acteurs était unanime au moins sur un point : la crise de confiance entre les populations et ceux qui sont censés les représenter et défendre leurs intérêts est profonde, et dangereuse, dans les trois pays. Avec, certes, des variations dans les manifestations de cette crise d’un pays à l’autre. Au Mali, sur un terreau d’insécurité, avec des violences qui se sont aggravées depuis huit ans, la stabilité politique est aujourd’hui menacée malgré la multiplication des initiatives internationales.
Ces dernières semaines, le pays a failli basculer dans une insurrection populaire aux conséquences incertaines. Les manifestations massives contre le régime du président Ibrahim Boubacar Keïta ont dégénéré en destruction de bâtiments publics et en répression violente par des forces de l’ordre, et même par celles a priori destinées à la lutte contre le terrorisme. Bilan : au moins onze morts et une centaine de blessés.
La trêve décidée par le Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), la coalition d’opposition, en raison de l’approche de la grande fête musulmane de la Tabaski ne mettra pas fin à la crise actuelle. D’ailleurs, la contestation des résultats des élections législatives, proclamés par une Cour constitutionnelle soupçonnée d’être aux ordres de l’exécutif, n’en a été que le détonateur.
Tirer les leçons du passé
Nous avons tous les deux suivi les soubresauts de l’histoire politique malienne de ces dix dernières années. Il peut être utile d’en tirer des leçons pour ne pas continuer à reproduire les mêmes erreurs. La principale leçon est que la focalisation exclusive sur l’apaisement a mené chaque fois à des compromis politiques qui ne prennent pas ou que très partiellement en compte les souhaits de changement et de refondation exprimés par les populations.
Ce fut le cas après le coup d’État militaire de 2012, qui avait suscité un espoir populaire de changement de la gouvernance, malgré les signaux inquiétants donnés par les figures de ce putsch. L’accord-cadre négocié par la Cedeao, alors pilotée par le président burkinabè Blaise Compaoré – à l’époque déjà contesté dans son propre pays – a mis sous le boisseau les demandes de concertation nationale et privilégié les arrangements de court terme visant une normalisation institutionnelle de façade.
Au lendemain de l’organisation rapide de l’élection présidentielle de juillet 2013, les « pourparlers inclusifs » qui devaient avoir lieu ont largement cédé la place à un processus dominé par le gouvernement et les chefs des groupes armés, toujours très influents dans le nord du pays. Les tentatives, notamment par l’Union européenne, d’élargir l’interprétation du mot « inclusif » pour prendre en compte l’ensemble des voix indépendantes de la société civile se sont en fait traduites par une invitation à chacune des parties de désigner sa propre société civile…
UNE PISTE JURIDIQUE POUR REGLER LA QUESTION DU FONCIER ?
Aujourd’hui l’espace public de notre pays « bruit » de questions foncières. Ce débat, à mon avis, dépasse les simples attributions de surfaces de terres
Aujourd’hui l’espace public de notre pays « bruit » de questions foncières. Ce débat, à mon avis, dépasse les simples attributions de surfaces de terres. Il s’agit, à vrai dire, d’une question fondamentale pour notre futur immédiat mais aussi pour les générations à venir. Aussi, toute réflexion se doit d’intégrer les voies et moyens de valorisation du monde rural, une des composantes de notre société qui tire le moins de profits des stratégies de développement économique malgré les discours officiels depuis notre indépendance. Je pense qu’il y a des pistes juridiques pour régler, au moins pour un temps, cette question du foncier qui a explosé hors de son traditionnel champ de prédilection, les zones urbaines et le littoral, pour embrasser le rural.
Une de ces pistes est, pour moi, une utilisation un peu plus féconde du concept de « fonds agro sylvo pastoral » dans notre droit positif1.
Oui, il n’est pas du tout hérétique de se pencher à nouveau sur le concept de fonds agro sylvo pastoral pour deux objectifs au moins : la valorisation du capital mort dans le monde rural (bétail inexploité servant juste comme instrument de mesure de la richesse personnelle, terres inaliénables et de contemplation comme dit Mamadou Oumar Ndiaye dans le brillant éditorial du 17/20 juillet 2020 du journal Le Témoin : « Il faut laisser exploiter ces immenses étendues de terres qui dorment » …) ; l’insertion réelle des activités rurales dans l’économie structurée (accès plus facile des activités rurales au financement et instauration de l’équivalent de la « propriété commerciale » dans les zones non urbaines).
Ce concept peut être rendu opérationnel dans un espace géographique donné (village, terroir, lieudit, regroupement intelligent de villages voisins…) si, bien sûr, on arrive à fédérer les activités économiques de ladite zone sous la coupe d’un organe de gouvernance et de gestion légitime aux yeux des populations de l’espace considéré. C’est vrai que des siècles durant la terre, objet de conquêtes et de convoitises guerrières, fut le siège et le symbole, par excellence, de la puissance et de la richesse économiques des hommes.
L’histoire du droit des biens, de la période romaine au Code civil français de 1804, appelé aussi Code napoléonien, le démontre à merveille. La valeur de cette chose que le droit des biens dénomme immeuble, par opposition au meuble, a toujours été sans commune mesure avec tous les autres biens susceptibles d’appropriation.
Oui, le droit de l’immeuble était une des bases essentielles du droit du patrimoine ! C’est ce qui explique en grande partie le fait qu’en France, la maitrise du foncier sur lequel s’exerce l’activité économique n’implique pas, a priori, sa propriété. Peut-être est-ce aussi l’explication à la loi sénégalaise sur le domaine national qui pose le postulat que la terre appartient à la Nation, c’est-à-dire nous tous.
Sauf qu’au Sénégal, comme dans la plupart des anciennes colonies, le choc des civilisations, le choc des cultures a engendré une situation qui a rendu très complexe notre relation avec notre environnement foncier et forestier. Les normes juridiques qui régissent ces questions ne sont pas univoques. Elles sont la résultante d’une cristallisation : celle de la tentative d’osmose, à un moment donné de notre histoire, du droit du colonisateur et du droit local dédaigneusement baptisé droit « indigène » ou « autochtone ».
La mayonnaise n’a pas pris : soit la norme d’origine coloniale s’est imposée faisant disparaitre le droit local ou bien le tolérant tout simplement. (On professe alors de manière docte, en toute ignorance ou innocence, dans nos facultés de droit africaines les notions de coutumes ou d’usages « contra legem » ou « praeter legem ») ; soit une norme de synthèse est consacrée mais qui sera rejetée de tous car ne satisfaisant personne. J’avoue que, malgré les indépendances politiques, nous n’avons pas, comme beaucoup de pays souverains, travaillé sur nos propres concepts. Nous avons au contraire reproduit, de manière certes brillante mais si stérile, ce droit venu d’ailleurs et qui ne semble pas très adapté au contexte de nos économies. par comparaison, lorsque la France a eu besoin de développer son commerce et de protéger ses commerçants, elle créa de toutes pièces un concept juridique central pour son économie : le « fonds de commerce ».
Ce concept, devenu central pour le développement des pme françaises, est une véritable fiction juridique de composition hétéroclite (marchandises, clientèle, enseigne ou nom commercial …) mais est regardé par le droit comme une universalité de fait. C’est ce bien, que nous, juristes, qualifions de meuble incorporel qui a, malgré tout, permis aux commerçants et petits entrepreneurs français d’accéder au crédit par le biais de ce que, encore nous juristes, appelons « nantissement » et de bénéficier d’une sorte de droit de propriété sur leur lieu d’exercice grâce à ce que, enfin, nous juristes, appelons, improprement d’ailleurs, « propriété commerciale » incarnée dans le droit au renouvellement du bail appartenant à tout professionnel locataire. Cela peut être envisagé pour notre foncier rural et la démarche ne sera pas du tout hérétique car elle est de plus en plus dans les préoccupations de nos partenaires au développement : la Banque mondiale invite régulièrement les intellectuels africains à produire des idées pour booster la croissance sur le continent ; de même, le rapport du Bureau indépendant d’évaluation du fmI, publié en mai 2011, une semaine après l’éclatement de l’affaire DSK, montre que nous devons développer une recherche propre.
J’invite donc, encore une fois, à sortir de notre traditionnelle zone de confort en tant que juristes ! Il est vrai qu’il y aura toujours des esprits plus enclins à consolider les notions anciennes qu’à construire des édifices nouveaux. Mais cette proposition d’une approche renouvelée du concept de fonds agro sylvo pastoral pourrait, à mon avis, contribuer à une amélioration considérable de la situation des acteurs du monde rural. Elle pourrait élever celui-ci au rang de composante majeure du commerce mondial par la qualité de la production rurale. Certains des problèmes récurrents que vivait ce monde pourraient à terme être éradiqués ou amoindris.
La modernisation de la production et de la distribution des produits agricoles pourrait être effective. au plan interne, dans notre pays, cela pourrait permettre d’installer de manière durable un pouvoir économique conséquent dans le monde rural, pouvoir économique en mesure de tenir la réplique au pouvoir politique généralement installé (suite aux politiques de décentralisation) sans aucune ressource financière conséquente sinon des subventions qui proviennent du budget central (budget de l’Etat) qu’on a beaucoup du mal à mobiliser…
1 La loi sénégalaise d’orientation agro sylvo pastorale (Losap : 2004) prétend mettre l’accent sur la nécessité de rendre attractifs le monde rural et les exploitations familiales qui doivent être modernisés, intensifiés dans un système durable qui respecte l’environnement. malgré cette proclamation, on n’y est toujours pas… le monde rural n’arrive pas à trouver la structure juridique idoine qui va le conduire aux formes d’exploitation économique qu’exige le monde contemporain.
2 En étant le socle du statut de l’entreprise en milieu rural ; en permettant un regroupement judicieux et intelligent des principales activités économiques d’un terroir ; en soumettant ce regroupement à la gestion d’une structure de gestion « ad hoc » ou calquée sur les maisons familiales Rurales qui ont malheureusement disparues ou sur un modèle à créer ; en permettant une forme d’appropriation du sol (le foncier) grâce à son introduction et sa comptabilisation comme élément essentiel du fonds de la même manière que la marque et la clientèle sont essentiels au fonds de commerce ; en permettant des opérations de cession et de garantie (nantissement) sur le fonds ; en permettant des opérations de coopération entre fonds agro sylvo pastoral de terroirs différents en ouvrant les voies du financement bancaire aux opérateurs économiques du monde rural ; en permettant d’envisager l’exercice de droits de successions sur le fonds agro sylvo pastoral car l’histoire démontre que si la perspective de transmettre un bien à ses héritiers n’est pas fermée, il y a des chances que l’exploitant travaille bien jusqu’à la veille de son départ, or le caractère inaliénable de certains biens notamment de la terre rend vaine toute forme d’exploitation économique durable …
3 Il s’agit d’abord des litiges entre agriculteurs et éleveurs sur l’occupation et le droit d’usage du sol ; il s’agit ensuite de l’exode des jeunes ruraux vers les villes du fait du manque d’activités lucratives en campagne ; il s’agit aussi de la possibilité pour les terroirs de produire de la valeur et des richesses en tant que structure décentralisées et de ne plus dépendre du budget de l’Etat ; il s’agit enfin du manque criard d’industries de transformation implantées dans le terroir lui-même.
Prof. Abdoulaye SAKHO,
Directeur Institut EDGE.
Chercheur au Consortium pour la Recherche Economique et Sociale (CRES)
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
MACKY NOYÉ DANS DES PROBLÈMES
Le Sénégal traverse une crise multifactorielle qui laisse croire qu’il n’y a pas un chef à la tête de l’Etat. C’est comme si la crise sanitaire liée au coronavirus avait ouvert la boite de Pandore
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 23/07/2020
Le Sénégal traverse une crise multifactorielle qui laisse croire qu’il n’y a pas un chef à la tête de l’Etat. C’est comme si la crise sanitaire liée au coronavirus avait ouvert la boite de Pandore. Tellement, en un laps de temps, les problèmes se sont accumulés au point de laisser croire qu’il n’y a pas de remèdes possibles pour les résoudre. A l’instar d’un bateau dont la coque serait trouée en divers endroits, le navire Sénégal prend eau de toutes parts et, si l’on n’y prend pas garde, il risque de subir le même sort que le gigantesque Titanic dont les passagers étaient conscients de leur mort imminente.
D’abord, le taux de positivité lié à la pandémie à coronavirus explose au moment où le laxisme de l’Etat, l’indifférence et le déni permanent des populations font croire que le covid-19 est un souvenir lointain. Aujourd’hui, on assiste à un relâchement inquiétant des sénégalais relativement au respect des gestes barrières. Une attitude d’autant plus irresponsable que les taux de contamination et de mortalité prennent l’ascenseur. on assiste à une forme de démission de nos autorités sanitaires.
C’est d’ailleurs fort de ce constat que le sage de Tivaouane, le khalife général des tidianes, serigne Babacar Sy, a déclaré devant le ministre de la santé avant de le répéter devant le président Macky sall que l’Etat a démissionné dans la lutte contre la pandémie. Les indicateurs communautaires montrent toute la gravité de la pandémie dans notre pays. A la date du 20 juin, le Sénégal était le 8e pays du continent africain le plus affecté par le covid-19, le 3e au niveau de la Cedeao et le 2e dans l’Uemoa. Le taux de létalité présente une situation quasi-analogue.
9e au plan continental, le Sénégal occupe la 2e place dans l’espace Cedeao et trône à la première au sein de l’Uemoa. C’est donc dire que la situation épidémiologique est catastrophique dans notre pays même si nos autorités sanitaires laissent croire que tout va bien dans le meilleur des mondes possibles. Et aujourd’hui, si l’espace Schengen a fermé ses portes au Sénégal, c’est dû en grande partie à notre tableau épidémiologique pas du tout reluisant. Certes notre pays ne présente pas un tableau plus catastrophique que le Maroc et l’Algérie mais il faut savoir que d’évidents critères économiques ont pesé lourd dans le choix des pays admis dans l’espace Schengen. Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie sont des expansions de l’Union européenne dans le cadre communautaire de l’Union pour la méditerranée dont font partie ces pays sus-évoqués. Il appert que l’Union européenne est le premier marché émetteur de ces pays du Maghreb en matière de tourisme. Rien que ces pays font annuellement presque 7000 milliards en termes de recettes là où le Sénégal peine à glaner 500 milliards. Le choix du Rwanda est rationnel vu d’abord sa situation sanitaire.
Au 20 juillet, le Rwanda a enregistré 1582 cas de contamination, 834 guérisons et 5 décès. Ensuite indépendamment de ses performances en matière de sécurité, en Afrique, le pays des mille collines est la 3e destination touristique en matière de tourisme d’affaires. Toutes choses qui font donc que notre diplomatie et nos autorités sanitaires doivent trouver une stratégie qui puisse permettre au Sénégal de reprendre ses vols en direction de Schengen au lieu d’engager, au nom d’un nationalisme bravache, un faux combat de réciprocité dont l’unique perdant est le Sénégal. Pour en revenir à la crise multifactorielle de notre pays, à la pandémie sont venus s’ajouter des problèmes politiques liés à l’indiscipline de certains responsables de l’APR. Il y a deux semaines, les sénégalais ont été choqués et estomaqués par les insultes de Moustapha Cissé Lo diffusées sur la toile. Et comme seule réponse, le président de l’APR a fait exclure des rangs l’APR l’insulteur public. Et black-out sur les révélations faites par l’insulteur concernant des scandales financiers sur la réhabilitation du building administratif, sur les semences destinées aux paysans, le ter.
Et comme si cela ne suffisait pas, les sénégalais ont dû avaler les scandales sur fond de détournements révélés par les derniers rapports de l’IGE. Des sénégalais qui, à force d’assister à des scandales, ont perdu leur capacité d’indignation au point d’être mithridatisés. Les scandales impunis, vu leur multiplicité, ne scandalisent plus, n’indignent plus, n’émeuvent plus. Dans le même sillage, ils ont été étonnés d’entendre le président sommer ses ministres de faire leur déclaration de patrimoine alors qu’ils devaient se soumettre à cet exercice au plus tard trois mois après leur nomination. D’ailleurs, les ministres constituent la portion congrue des personnes qui gèrent un budget de plus d’un milliard et qui refusent de faire état de leur patrimoine. Mais sur ce plan là, le chef de l’Etat n’est pas pédagogue parce que lui-même ne s’est pas sacrifié à cet exercice après sa réélection alors que la loi constitutionnelle l’y oblige. En vérité, le président, ses ministres et ses administrateurs de crédits n’ont cure de la loi.
Front social réchauffé
Par ailleurs, le front social se réchauffe avec les grèves répétitives du Sytjust dont le ministre de tutelle, Malick Sall, a préféré durcir le ton, engager une épreuve de force avec le secrétaire général Boun Aya Malick Diop au lieu d’assouplir sa position. A cela s’ajoute la levée de boucliers des agents de la santé. Et aucune initiative n’a encore émané du chef de l’Etat pour trouver solution aux revendications légitimes des travailleurs. Heureusement que la présidente du haut Conseil du dialogue social, Innocence Ntab Ndiaye, a entamé une médiation entre les deux parties en conflit. Last but not least, les scandales fonciers constituent le point d’orgue des problèmes qui assaillent notre pays. Partout les populations se révoltent pour avoir été expropriées de leurs terres. Le plus patent est celui de Ndengler où les autorités font du ponce-pilatisme dans le traitement de cette affaire. Si aujourd’hui le problème s’est exacerbé au point de mettre face-à-face Babacar Ngom et les habitants de Ndingler, c’est parce que Oumar Guèye, ministre des Collectivités territoriales, du développement et de l’aménagement des territoires s’est complètement débiné pour laisser la patate chaude à ses collègues Abdou Karim Fofana et Aly Ngouille Ndiaye. Le nœud du problème de Ndengler est lié à la délimitation du périmètre communal de Sindia dont l’alors président du conseil rural avait attribué 75 ha de terre qui n’appartiennent à sa zone. La loi ne permet pas à un maire ou ancien président de communauté rurale de délibérer sur des terres qui n’appartiennent pas à son périmètre communal ou rural. même si aujourd’hui le patron de la Sédima dispose légalement d’un titre foncier, il est possible que l’Etat qui a titrisé les 300 ha de Djilakh et de Ndengler désaffecte ces 75 ha objets du litige et les restitue aux exploitants de Ndengler. Mais on assiste à une fuite de responsabilité des autorités étatiques mais aussi à une épreuve de force de la part de Babacar Ngom qui met son titre foncier en bandoulière pour coloniser les terres de Ndengler.
Finalement, l’Etat a tranché le nœud gordien en sommant Babacar Ngom d’arrêter tous travaux sur la partie litigieuse et d’autoriser les paysans de Ndengler à aller y cultiver cette année puisque l’hivernage s’est déjà installé. Mais l’Etat risque juste d’ajourner le problème foncier de Ndingler si cette période hivernale n’est pas mise à profit pour réconcilier les deux parties antagoniques en tenant compte de la légalité de l’opérateur économique Babacar Ngom mais surtout de la légitimité coutumière de la communauté de Ndengler. Devant l’absence de toute perspective de solutions à ces multiples problèmes qui nous assaillent, tout porte à croire que le capitaine du bateau s’est noyé dans l’océan des problèmes qui submerge notre pays.