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3 mai 2025
Opinions
par Bosse Ndoye
LA POLITIQUE AU SÉNÉGAL, UNE MACHINE À DÉSESPÉRER LE PEUPLE
La gestion vertueuse et la rupture tant chantées ne sont que des slogans vides, de la vraie poudre aux yeux. Les hommes et les gouvernements changent, mais les méthodes et les mauvaises pratiques restent les mêmes
« Mais, feindre d’ignorer ce qu’on sait, de savoir tout ce qu’on ignore ; d’entendre ce qu’on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu’on entend ; surtout de pouvoir au-delà de ses forces ; avoir souvent pour grand secret de cacher qu’il n’y en a point ; (…) paraître profond, quand on n’est, comme on dit, que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage ; répandre des espions et pensionner des traîtres ; amollir des cachets ; intercepter des lettres ; et tâcher d’ennoblir la pauvreté des moyens par l’importance des objets : voilà toute la politique, ouje meurs ! » Beaumarchais[1]
Telle que pratiquée au Sénégal ces dernières années, la politique – tant dans sa forme que dans son contenu, sans oublier l’attitude de nombre de ses acteurs -, ressemble beaucoup à cette machine à désespérer les hommes dont a fait mention Albert Camus lorsqu’il décriait la politique contemporaine. Elle ne brille malheureusement souvent que par sa face nocturne : chantage, népotisme, maraboutage, détournements de deniers publics, attaques ad hominem, parjure, violence verbale et physique, transhumance… sont autant de vils moyens de prédilection dont se servent les nombreux adeptes de la politique politicienne qui prévaut dans le pays pour atteindre leurs fins et/ou gravir les échelons. L’activité politique a été vidée de sa substance, dévoyée de sa trajectoire et corrélativement de son objectif. Loin de sa noblesse originelle – qui veut qu’elle soit l’art de gérer la cité -, au pays de Kocc, elle fait plutôt penser à l’art de l’embrouiller, de la désespérer, de la leurrer, voire de la piller.
Après de longues années de traversée du désert sous le régime socialiste marqué entre autres par les effets pervers et néfastes des programmes d’ajustement structurel et de la dévaluation du franc CFA, le peuple sénégalais, qui avait une soif intense de changement, croyait enfin mettre la main sur son homme providentiel en la personne de Me Wade. Que nenni ! Sa présidence a été marquée par une vague de scandales dont voici quelques-uns : 12 milliards de FCFA pour le monument de la renaissance ; 28 millions de dollars en l’air pour réparer l’avion présidentiel ; 205 milliards dépensés pour l’OCI dont Karim Wade était le responsable de l’organisation; plus de 45 milliards de francs CFA avec le Fesman géré par Sindjily Wade, sans oublier les 90 millions dans l’affaire Segura et l’omniprésence et les pouvoirs sans limite d’un Karim Wade que son père voulait imposer nolens volens au peuple sénégalais. Ce serait tout de même ingrat de ne résumer la présidence de Me Wade qu’à une noria de scandales. Car on lui doit entre autres de belles réalisations sur le plan des infrastructures. Mais il a déçu bon nombre de Sénégalais tant étaient grands les espoirs placés en lui. Son successeur, le président Macky Sall, un véritable produit de son école, sans avoir les qualités de son maître peut être la parfaite illustration de l’adage : « À l’œuvre on connaît l’artisan.». Son régime, pour employer un langage mathématique, n’est que le prolongement par continuité vers le pire des maux de celui qui l’a précédé. Ce n’est lors pas étonnant que les scandales foisonnent. Des plus cocasses au plus ruineux pour les finances publiques en passant par les plus improbables et les plus audacieux. On croyait avoir atteint le summum de la gabegie, du ridicule, de l’incompétence et de la mal gouvernance avec les milliards engloutis dans la confection de cartes d’identité numériques truffées d’erreurs, ceux disparus comme par coup de baguette magique dans les affaires Bictogo, Prodac, Mamour Diallo, Pétro-Tim, Akilée ...; le summum de l’indifférence et de mépris avec les nombreux rapports de l’IGE rangés sans suite dans tiroirs du « partisanisme» parce que certains hommes du pouvoir y sont épinglés, mais c’est mal connaître l’audace, le je-m’en-foutisme et l’insensibilité dont font montre ceux qui nous dirigent envers le peuple. Ils persévèrent dans le tournage de la série d’horreur qui passe sur les écrans la République. Celle-ci est loin de livrer tous ses secrets. Le député trafiquant de faux-billets, le premier vice-président de l’Assemble nationale docteur ès insulte, le ministre de l’environnement braconnier ne sont que quelques épisodes de la nouvelle saison qui a de beaux jours devant elle.
La gestion vertueuse et la rupture tant chantées ne sont que des slogans vides, de la vraie poudre aux yeux. Les hommes et les gouvernements changent, mais les méthodes et les mauvaises pratiques restent les mêmes. Quelques-uns des citoyens qui osent les dénoncer sont arrêtés et emprisonnés sans ménagement. Dès lors la confiance du peuple envers ses dirigeants se réduit comme une peau de chagrin et les espoirs portés en eux s’éfaufilent comme un vieux tissu. Aussi nombre de nos concitoyens sont-ils si déçus de presque toute la classe politique qu’ils n’attendent plus grand-chose d’elle. Pour eux un politicien n’est rien d’autre qu’un sans-parole ; un sans-principe, un marchand d’illusions et un adepte de la palinodie, un égoïste, qui ne pense qu’à lui, qu’à sa famille et à ses partisans. L’image du politicien-baratineur est si ancrée dans les consciences que, dans la vie de tous les jours, quand quelqu’un est un beau et bon parleur, on lui dit souvent qu’il est politicien ou qu’il devrait faire de la politique. Comme s’il suffit juste d’être un bon rhéteur pour avoir les aptitudes nécessaires à la gestion des affaires aussi sérieuses que celles d’un pays. On oublie souvent que pour servir son peuple, la probité, le patriotisme, l’abnégation, le sens du sacrifice et le bon comportement valent mieux que les belles paroles. Même si une belle élocution est un plus pouvant toujours aider à mieux persévérer dans sa mission. L’image négative que beaucoup de Sénégalais se sont faite de la politique et des politiciens les pousse de plus en plus à déserter le champ politique pour n’y laisser que ceux qui y trouvent leur compte, ceux qui sont prêts à tout pour bénéficier de certains privilèges ou préserver ceux qu’ils ont déjà acquis. Car, il faut le reconnaître, au Sénégal la politique peut rapporter très gros, même si dans beaucoup de cas ce n’est pas d’une manière licite. Sans doute est-ce pour cette raison que certains qui ne savent plus où donner de la tête en font leur activité principale. Contrairement à ce qui se passe dans beaucoup d’autres pays où l’on est médecin et politicien, avocat et politicien, professeur d’université et politicien… chez nous il n’est pas rare, pour ne pas dire qu’il est très fréquent, de voir des gens qui se disent politiciens tout court. Profession d’autant plus difficile à définir que son contenu est flou et son périmètre n’est pas aisé à circonscrire. Même certains parmi les politiciens qui ont une profession bien connue trouvent parfois l’activité politique si rentable qu’ils en oublient d’exercer leur métier. Surtout quand ils sont du côté du pouvoir avec les nombreux avantages à leur disposition et certains passe-droits dont ils peuvent profiter de temps à autre.
Le désenchantement et la désertion du champ politique par les honnêtes citoyens qui ne veulent pas « se salir » les mains en les plongeant dans le cambouis peut être compréhensible même si ce n’est la meilleure des attitudes à adopter pour régler les problèmes auxquels fait face la population : manque d’eau et d’électricité, absence de matériels médicaux nécessaires dans de nombreux hôpitaux, justice à deux vitesses, enseignement en perpétuelle crise, cherté du coût de la vie... Cette situation a empiré en cette période de pandémie où le gouvernement a montré ses limites à travers sa gestion nébuleuse et frileuse de la crise. Si bien que de nombreux concitoyens ont davantage perdu confiance en lui au point de croire que la Covid-19 est un énième mensonge qu’il a échafaudé pour les rouler dans la farine. Par conséquent ils ne mesurent plus le danger mortel que constitue le virus et n’hésitent pas à l’affronter journellement à visage découvert.
Quel que soit le degré de frustration et de déception, l’erreur pour le peuple serait de laisser le champ libre à ceux qui ont mis le pays dans une mauvaise passe et continuent de le trainer dans la boue depuis des années. Les grandes manifestations au Mali et le recul du gouvernement sur certains points importants qui s’en est suivi et les nombreuses protestations qui ont eu lieu dans plusieurs pays à travers le monde après la mort de George Floyd et le début de changement dans certaines attitudes et politiques qu’elles ont engendré ont encore prouvé que l’opinion publique, qu’un peuple peut faire changer les choses peu importe le régime sous lequel il se trouve. Mais encore faudrait-il qu’il en soit conscient.
Nous sommes en majeur partie des personnalités fausses. C'est bien pour cela que le masque s'est révélé une nécessité pour survivre, se préserver et préserver les autres habitants de cette planète
Bravo à tous ; bravo à chacun d'entre nous ; à chaque être humain incarné pour vivre ce temps du covid 19.
C’est officiel que nous sommes en majeur partie des personnalités fausses. Bah oui ! C'est bien pour cela que le masque s'est révélé une nécessité pour survivre, se préserver et préserver les autres habitants de cette planète.
Je ne sais pas pour vous, mais moi j’y vois une sorte de message divin.
Puisqu'il nous est impossible d’être vrai, puisqu'il nous est difficile d’être entier les uns avec les autres, alors les armées célestes se sont liguées pour nous foutre en pleine gueule un atomiseur à base de covid.
Pour nous rappeler qu’il est temps de se réveiller, pour nous rappeler qu’il est temps d’arrêter de faire semblant d’être qui on est pas et de revenir à l’essentiel de ce qui devrait constituer le sens de la vie.
Lequel d’entre nous ne porte pas de masque pour se faire une place en société ?
Lequel d’entre nous n’a jamais souri à une personne quand celle-ci elle est en face, puis proféré des jurons une fois le dos tourné ?
Lequel d’entre nous n’a jamais feint d’ignorer quelqu’un qu’il admire, ou peut- être qu’il envie secrètement plutôt que de lui dire en face tout le challenge qu’il nous a inspiré ?
Lequel d’entre nous n’a jamais accepté des conditions de travail totalement à chier, s’est plié en quatre et s’est rangé dans une petite boite juste parce que cela payait bien ?
Lequel d’entre nous ne s’est jamais retenu de faire ce dont il avait envie juste parce que les gens vont dire que … ou penser que …. ?
Lequel d’entre nous n’a jamais donné de la main droite sous couvert de bonne volonté tout en s’assurant bien que la main gauche en serait témoin ?
Et cela dans un total déni de ce qu'en son for intérieur on sait faux.
Parce que nous nous imaginons dans la tête des autres persuadés que plus les autres ont de raisons de nous envier, plus nous sommes importants dans le monde, nous nous vantons alors de toutes les choses extérieures sur lesquelles nous calquons notre identité sociale : diplôme, réalisation, projet, partenaire amoureux, possession matériel, état du compte banque, etc.
Cela est très bien ; mais qu'en est-il alors des valeurs de notre personnalité profonde ? Cela ne compterait- il que pour du beurre ? Bien évidemment, puisque ce n’est pas monnayable. Et puis de toute façon l'empathie, la gentillesse et la bienveillance gratuite envers autrui, c’est pour les faibles d’esprit.
C’est donc plus facile de faire semblant ou bien d’étouffer inconsciemment nos émotions positives envers les autres quand ces derniers ne représentent aucun intérêt pour soi; autrement, on serait tout bonnement ridicule.
Et bien cette réalité est là sous nos yeux.
Tu ne portes pas de masque ? Ceux qui sont plus puissants que toi, les autorités, ta famille parfois, te ferons torturer et humilier ; parce que tu leur balance des vérités qu’ils ne sont pas prêts à entendre.
Les gens ne te laisserons plus entrer chez eux parce que tu es trop pure d’être toi- même alors qu’eux se sentent en confort derrière leur masque d'hypocrisie. Ta lumière les éblouit au point de les effrayer.
Tes amis te jugeront parce que tu as fait le choix d’être toi et non ce qu’ils voudraient que tu leur montre.
Alors mettons nos masques pour perpétuer la fourberie ou enlevons- les pour illuminer le monde.
Libre à chacun de faire son choix.
Que ceux qui ont des oreilles entendent!
par Mor Fall
MACKY RESSORT LA CORDE ÉCULÉE DES DÉCLARATIONS DE PATRIMOINE
L’Ofnac n’a, jusqu’à ce jour, jamais inquiété personne. Combien de fois Nafy Ngom Keïta, n’avait-elle pas enjoint les ministres de faire leurs déclarations de patrimoine et menacé certains DG de ses foudres s’ils ne s’exécutaient pas ?
Macky relance la traque des biens déjà acquis. En Conseil des ministres hier, le président de la République a rappelé tous les membres du gouvernement à l’impératif de procéder, avant fin aout 2020, à leur déclaration de patrimoine auprès de l’Ofnac...
Le chef de l’État, en réunion du Conseil des ministres ce mercredi 15 juillet 2020, a, à l’entame de sa communication, rappelé à tous les membres du Gouvernement « l’impératif de procéder, avant fin août 2020, à leurs déclarations de patrimoine auprès de l’OFNAC ». « Le président de la République a rappelé à tous les membres du gouvernement l’impératif de procéder, avant fin aout 2020, à leur déclaration de patrimoine auprès de l’Ofnac », rapporte le Communiqué du conseil des ministres. Macky Sall a, par ailleurs, informé le Conseil avoir reçu, lors d’une cérémonie solennelle tenue le lundi 13 juillet 2020, les Rapports sur l’état de la Gouvernance et de la Reddition des Comptes, produits par l’Inspection générale d’État (IGE), sur la période 2016 à 2019. Il a, à cet effet, invité le Gouvernement à engager, en rapport avec l’Inspection générale d’État, le Bureau Organisation et Méthodes et le Contrôle Financier, les diligences appropriées en vue de finaliser une nouvelle doctrine de pilotage des administrations de mission, des administrations décentralisées et du secteur parapublic afin de relever définitivement l’efficience et la qualité du Service public.
Épée de Damoclès pour Macky ?
La création de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) a été saluée partout dans le monde. De 2012 à 2014, Macky citait toujours l’Ofnac dans ses discours comme un levier de bonne gouvernance. Partout où allait le président, il parlait d’investissements et de bonne gouvernance en prenant l’Ofnac comme une épée de Damoclès contre les éventuels fraudeurs des deniers publics. Hélas, l’Ofnac n’a, jusqu’à ce jour, jamais inquiété personne. Combien de fois d’ailleurs, Mme Nafy Ngom Keïta, l’ex-présidente de l’Ofnac, n’avait-elle pas enjoint les ministres de faire leurs déclarations de patrimoine et menacé certains DG de ses foudres s’ils ne s’exécutaient pas ? Mais au finish, rien du tout.
Les rapports de l’OFNAC sont remis régulièrement au président qui les met dans un tiroir. à son arrivée à la tête de l’Ofnac en 2015, la nouvelle présidente de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), Mme Seynabou Ndiaye Diakhaté, a, en vain, essayé de donner un vrai rôle de l’OFNAC. Hélas, les rapports qu’elle remet au Président sont marqués par leur profonde vacuité comme si la magistrate avait peur de déplaire à l’homme qui l’a nommée à son poste. De peur de subir le sort de sa prédécesseur, elle se contente donc de faire dans les généralités, notamment en « sensibilisant » tous azimuts sur la nécessité de bien gérer les deniers publics. Là où on lui demande de sanctionner les délinquants, voire les criminels, financiers en transmettant leurs dossiers à la Justice. Une Justice il est vrai, elle-même, terriblement clémente pour les militants du parti au pouvoir. On n’est pas sortis de l’auberge de la grande délinquance financière !
Cinq ans plus tard, le président de la République, qui n’avait pas daigné faire une nouvelle déclaration de patrimoine après victoire en février 2019 — il est vrai que la première avait choqué lorsqu’il avait déclaré un patrimoine de huit milliards pour quelques années de présence à des stations étatiques seulement —, le Président, donc, décide relancer la déclaration de patrimoine. Pour quelle raison ? Est-ce pour mettre la pression sur ses collaborateurs qui oseraient lui tourner le dos après son prochain remaniement ? Ou carrément du foutage de gueule à l’endroit des Sénégalais qui ne croient de toutes façons plus aux proclamations vertueuses de l’homme qui prétendait instaurer une République sobre et vertueuse et qui, à l’arrivée, a favorisé l’enrichissement glouton et vorace de tous les coquins qui l’entourent…
Par Alioune Badara BEYE
LE SOUTIEN DES ECRIVAINS DU SENEGAL
Sur les épaules de l’Afrique pèse une dette lourde. La clameur qui s’est élevée depuis quelques années pour son annulation, s’est amplifiée ces derniers mois, se muant en un refrain lancinant, relayée largement dans les 5 continents.
Sur les épaules de l’Afrique pèse une dette lourde. La clameur qui s’est élevée depuis quelques années pour son annulation, s’est amplifiée ces derniers mois, se muant en un refrain lancinant, relayée largement dans les 5 continents.
Le président Macky Sall par sa vision et son leadership, en est le porte-étendard. C'est ainsi qu'il a convié ses homologues et les grands décideurs à procéder à l'annulation pure et simple de cette lourde dette qui pèse sur les pays africains et les empêche d'atteindre les sphères de l'émergence.
La question n’est pas nouvelle, mais le contexte la rend pressante. à une économie faible pour l’Afrique vient s'ajouter à l'improviste, les aléas de la COVID-19, cette pandémie qui sème la terreur et le désarroi dans tous les pays du monde. Elle n’épargne ni les grandes puissances, ni les pays qui aspirent à l'émergence.
Catastrophe tombée du ciel, le coronavirus, du fait de son ampleur, sa virulence, sa fulgurance, aura des conséquences énormes, insoupçonnables et désastreuses, de l’avis des spécialistes. Ses effets seront économiques, sociaux, culturels, sociologiques et psychologiques. Cette pandémie est en train de causer de graves traumatismes individuels et collectifs, une désorganisation des économies à tous les niveaux et une désorientation généralisée, qui appelleront des remises en cause obligatoire des engagements et des espérances des États africains.
Comme disait l'autre, le malheur d'un Peuple commençant toujours par le silence de ses écrivains, l'Association des écrivains du Sénégal a tenu à apporter son soutien patriotique et panafricain au Président Macky Sall dans sa pertinente initiative, apte à réaliser le sursaut salvateur des pays africains.
La situation actuelle appelle une solidarité mondiale, car comme l’écrivait notre confrère Cheikh Hamidou Kane dans L’Aventure ambiguë : « chaque heure qui passe apporte un supplément d’ignition au creuset où fusionne le monde. Nous n’avons pas eu le même passé (…), mais nous aurons le même avenir, rigoureusement. L’ère des destinées singulièrement est révolue ».
Pour les raisons que voilà, les écrivains de notre pays, réunis dans l’Association des Écrivains sénégalais (AES) souscrivent très favorablement à l’excellente initiative et à l’appel du Chef de l’État, le Président Macky Sall, soutenus en cela par l’Union africaine, Son Éminence le Pape François et par beaucoup d’autorités mondiales et institutions internationales.
.Par leurs ressources naturelles et humaines, les pays africains ont soutenu depuis des siècles la plupart des pays devenus grandes puissances et détenteurs de l'économie mondiale. C'est la raison pour laquelle, il est juste et raisonnable de procéder à l'annulation de la dette publique des pays d’Afrique et de libérer les capacités budgétaires des États du continent. Cette mesure salutaire apportera assurément, une bonne bouffée d’oxygène qui, sans nullement affecter la dignité de ce grand continent, lui permettra de respirer à pleins poumons et de s’engager sur les chemins nouveaux, dans un esprit de solidarité planétaire.
Par Joseph Etienne NDIONE
AUX POLICIERS, GENDARMES ET DOUANIERS (SUITE ET FIN)
Ne devrait-on pas obliger les forces de l’ordre, une fois équipées, à filmer, à l’aide de bodycams dites caméras mobiles, appelées caméras portatives ou caméras-piétons, leurs descentes sur le terrain durant les perquisitions
Ne devrait-on pas, puisque nous sommes à l’ère de l’électronique avec l’adoption récemment du projet de loi portant port du bracelet électronique et le placement sous surveillance électronique, faire comme dans bien des états (qu’on ne me dise surtout pas que c’est prématuré et que c’est du mimétisme ou encore, que nous n’en avons pas les moyens, ce serait trop cher) en dotant les forces de l’ordre de caméras ? Ne devrait-on pas obliger les forces de l’ordre, une fois équipées, à filmer, à l’aide de bodycams dites caméras mobiles, appelées caméras portatives ou caméras-piétons, leurs descentes sur le terrain durant les perquisitions. De même lors des arrestations, interpellations et opérations de maintien de l’ordre ? Je pense que, oui ! Ce qui, de mon point de vue, éviterait les «thiow» ou polémiques, les accusations, à tort ou à raison, qui peuvent naître à l’occasion de ces missions régaliennes comme ce fut le cas de l’affaire Batiplus. Car, une opération qu’on prévoyait simple ou de routine peut se révéler compliquée, peut dégénérer ou même se terminer de manière dramatique.
Du côté des forces de l’ordre, on accuse souvent les populations de coups et blessures, rébellions, outrages etc. Et du côté des citoyens, les forces de l’ordre sont souvent accusées de violations des heures légales, de violences verbales (insultes) et physiques (de brimades, d’actes de torture et de barbarie), d’extorsion de fonds etc. Sur la pertinence du port de caméras mobiles, je donnerai un cas survenu récemment. En effet dans cette affaire, c’est sûr que le port de caméras par les policiers en civil et/ou par les gendarmes aurait permis (hormis le cas des 5 personnes arrêtées) de connaître ce qui s’est réellement passé, le 30 juin dernier à Ouest Foire dans «le bordel de Daba Ndiaye», entre les membres des forces de l’ordre comme rapporté dans certains journaux et repris par plusieurs sites internet. Opération qui aurait viré à une bagarre entre les éléments du commissariat central de Dakar en civil et les gendarmes de la brigade de la Foire.
Avec l’usage de caméras, existeront des images sécurisées stockées dans un serveur hors la portée du policier, gendarme ou du douanier sur le terrain (qui ne pourra techniquement ni modifier ni supprimer les images prises). En cas de différend élevé par les forces de l’ordre et/ou les populations, les images faciliteraient ainsi l’établissement de la preuve. D’ailleurs, un protocole très élaboré en guise de transparence devant être suivi autant par le policier, le gendarme ou par le douanier (caméraman de circonstance) que par ceux chargés de la conservation et de l’archivage des éléments. Les caméras-piétons ou caméras portatives en France, appelées bodycams aux Etats-unis ou «troisième œil’, pourraient ainsi participer à apaiser les relations parfois heurtées entre les forces de l’ordre et la population. Portées, elles seraient assez dissuasives pour des policiers, gendarmes et douaniers tentés d’exercer des violences, de commettre des exactions et tout acte en marge de la loi au sens large du terme, sans jamais les rendre vulnérables dans l’accomplissement de leur mission auprès de la population. Bien au contraire, les caméras pourraient grandement contribuer à protéger les forces de l’ordre individuellement et surtout, à préserver la réputation des prestigieux corps que sont la police, la douane et la gendarmerie. Il y aura bien entendu des détails techniques à régler à savoir l’enregistrement des opérations. La caméra devra-t-elle tourner ou filmer en continue dès que l’agent est sur le terrain ? De mon point de vue, l’enregistrement ne sera pas permanent. Cependant, le moment de l’activation de la caméra, sera déterminant. Certes, le moment ou l’instant (de l’activation) sera laissé à l’appréciation de l’agent mais bien encadré de sorte qu’il n’y ait pas intention délibérée et manifeste de cacher des séquences critiques, troubles de l’intervention. L’agent devant le faire lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées.
S’abstenir ou tarder à activer sa caméra, pour ne pas voir des moments compromettants des opérations être capturés ou filmés, serait, en cas de grabuge, constitutif de faute sauf bien entendu à prouver une défaillance technique. Le tout encadré par les règles sur la protection des données personnelles à observer rigoureusement et à faire respecter, en tant que de besoin, par l’organe de contrôle, la Commission de Protection des Données Personnelles du Sénégal (CDP). Le but n’étant pas, selon Christian Tidjani, membre de la société et du collectif «l’Assemblée des blessés» friand de punchlines, «de filmer une violence policière mais de stopper une violence».
La video de l’affaire « Nietty-Mbar »…
Et dans l’affaire dite de Nietty Mbar, la vidéo ou le film a été, le seul moyen, le seul argument, mais ô combien efficace, des frères «GNINGUE» qui avaient été arrêtés et poursuivis. Un douanier, un policier ou un gendarme, ne doit pas craindre l’enregistrement d’images et de sons, s’il accomplit son travail dans les règles de l’art ou est irréprochable. L’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime n’absolvent pas tous les actes des membres des forces de l’ordre. Et cela, ils ne doivent jamais l’oublier. Ils bénéficient certes d’une protection dans l’accomplissement de leur mission mais toujours, dans le respect des principes de proportionnalité et de nécessité. En effet, protection (et Dieu sait qu’ils sont bien protégés), n’est point synonyme d’impunité. Nul n’est au-dessus de la loi. Ainsi, Ils peuvent pénalement être poursuivis, sanctionnés pour des faits rattachés à leur fonction et l’État désigné civilement responsable.
Dans tous les cas, les membres des forces de l’ordre devront ou sont inéluctablement appelés à s’adapter. Car, s’ils sont réfractaires aux changements, quelqu’un sur les lieux de la scène, bien en embuscade avec son smartphone ou même un inconnu qui tomberait sur les faits avec un appareil sophistiqué (qui “zoome” bien), pourrait immortaliser tout ce qui se passe. Je crois qu’il est de l’intérêt des forces de l’ordre, afin qu’elles ne soient pas prises de court relativement à la preuve et aux éléments audiovisuels diffusés sur les réseaux sociaux, de filmer certaines opérations comme les arrestations et perquisitions. Sinon des vidéos prises à leur insu, qui deviennent virales ou tournent en boucle, sont ou seront balancées sur le net comme dans l’affaire des frères GNINGUE précitée qui a alimenté l’actualité judiciaire.
Dans cette affaire, les policiers en civil ignoraient que des images de leur intervention étaient captées par une «caméra cachée», en réalité un portable. Images qui battaient en brèche la thèse par les policiers servie justifiant en grande partie le renvoi des fins de la poursuite sans peine ni dépens de Omar Gningue et la relaxe pure et simple de son frère Abdou Khadre Gningue pour les délits de violence sur agents des forces de l’ordre et rébellion. Je dis qu’il faut vraiment être d’une naïveté désarçonnant pour penser que l’on peut maintenant agir impunément dans la rue et même dans un lieu privé sans être «vu». Je veux dire, sans que les agissements de la personne ne soient discrètement saisis ou filmés avec une caméra cachée ou avec des appareils hyper sophistiqués situés à plusieurs mètres de distance. Ces images pas toujours captées par des reporters-photographes professionnels mais parfois et même de plus en plus par des amateurs, ont, dans bien des cas, aidé à la manifestation de la vérité. Aujourd’hui, en plus des caméras de surveillance installées un peu partout dans le cadre du projet «Safe City» (Ville sûre), quadrillant nos quartiers épiant nos moindres faits et gestes (ce qui est à saluer face aux menaces terroristes, à la montée de l’insécurité notamment avec la recrudescence des vols avec violences ou agressions), des objets les plus anodins (porte vêtements, cadre photo, lunettes, prise ou adaptateur USB, ampoule, torche, stylo, des clés etc.) aux choses les plus invraisemblables (miroir, ventilateur, horloge murale, agenda, montre, bague etc.) peuvent servir ou être utilisés comme caméras.
Mieux, tout, grâce aux smartphones, est su et vu en temps réel ou en léger différé au Sénégal et dans le monde entier via Facebook, Youtube, Dailymotion, Instragram, Whatsapp etc. Il faut être donc d’une autre planète, du Paléolithique ou de l’âge de la pierre taillée, être complètement «a-net”, “a-ntic « ou être carrément débranché, déconnecté pour ne pas en tenir compte ou refuser de l’intégrer. L’usage des bodycams pourrait permettre d’éviter des bavures dites policières. Tout le monde sait que les bavures ne sont point l’apanage des policiers. Elles sont certes plus fréquentes chez eux (ils sont ceux qui sont les plus en contact avec les populations) mais peuvent être (les bavures), douanières et gendarmesques.
Plaider pour le retour du matricule, la présentation de la carte professionnelle et l’usage de la caméra mobile, je veux être clair, n’est pas synonyme de de bataille et de front ouvert contre les forces de l’ordre et encore moins, action menée pour une fragilisation de nos forces de l’ordre. Du tout ! Les événements qui ont eu lieu un peu partout dans le pays avec des sénégalais qui snobent l’autorité et défient ouvertement les forces de l’ordre, pour disaient-ils contester l’état d’urgence ou empêcher l’inhumation d’un sénégalais décédé des suites du coronavirus et autres raisons fondées ou non avancées, inquiètent sérieusement et à plus d’un titre. Manifestations spontanées et non pacifiques accompagnées de violences inouïes et d’attaques ciblées contre les forces de l’ordre et de destructions sauvages de biens de l’Etat et de paisibles citoyens.
Renforçons et respectons nos forces de sécurité !
Que cela confirme l’indiscipline caractérisée et grandissante de beaucoup d’entre mes compatriotes qui se moquent éperdument des lois qui gouvernent ce pays. C’est inacceptable ! Il y a eu des signes avant-coureurs et si nous n’y prenons garde, et sans jouer les Cassandres, nous irons droit vers l’insécurité et l’anarchie. Force doit, quoi qu’il advienne, rester à la loi. Ne jouons donc pas, avec le feu. Renforçons et respectons nos forces de sécurité. Nous sommes réputés et bombons fièrement le torse pour notre légendaire « teranga » sénégalaise. C’est certes bon mais, œuvrons à peaufiner cette image et à nous faire distinguer, en plus d’être accueillants, par notre sens élevé de l’intérêt général et du bien commun, du respect de l’environnement et notamment la propreté du cadre commun de vie, du goût du travail et du travail bien fait, surtout de la discipline en tout lieu et en tout temps (sur Facebook il a même été créé un compte, « luttons contre l’indiscipline au Sénégal ») et que sais-je encore !
Le discours de sagesse du Général de police Abdoulaye Diop
Pour conclure, je dirai : soit les forces de l’ordre changent soit, par la force des choses, les choses changent les forces de l’ordre. Certes, sont bien visibles les efforts de modernisation, depuis quelques années de la police (division spéciale de la cybercriminalité, police scientifique), de la gendarmerie (acquisition de drones hélicoptères et avions) et de la douane (dématérialisation des procédures de dédouanement) mais, il reste beaucoup à faire. L’accru des moyens matériels et techniques doit être couplé d’un investissement sans compter sur l’homme. C’est la meilleure garantie, non seulement de la réussite de la mission mais aussi et in fine, de la réalisation de l’objectif de sécurisation du peuple pour lequel et au nom duquel, elles (les forces de l’ordre) agissent. C’est le prix à payer ! Sur l’humain, je n’irai pas loin et prie respectueusement policiers mais aussi douaniers et gendarmes de faire de leur credo, les mots empreints de sagesse du Contrôleur Général de la Police Abdoulaye DIOP (lien:https://m.lessentiel.sn/Video-La-lecon-d-ethique-du-Directeurde-la-Suret... ers_a5675.html), à l’occasion de la cérémonie marquant la passation de service en janvier 2018 à Thiès entre les commissaires Djibril Camara et Mamadou Tendeng.
Dans son discours ou plutôt dans son “Khoutba”, en wolof et en français, Imam, pardon, le Contrôleur Général Diop appelait ses hommes à observer en tout lieu et en tout temps la droiture et à entretenir avec les citoyens, des relations basées sur le respect et la confiance. Bref, un vrai sermon sur l’éthique. La protection du citoyen, la préservation de la paix sociale et l’image à sauvegarder de ces prestigieuses institutions, n’en valent-elles pas la chandelle ? Loin de moi l’intention, et ce serait d’ailleurs prétentieux de ma part, de m’ériger en donneur de leçons. Aussi, tout ce qui précède est uniquement une réflexion que je souhaitais partager. Sans plus !
EN ATTENDANT, SOYONS DONC PRUDENTS, RESTONS VIGILANTS CAR, LA COVID19 RODE TOUJOURS. S’IL VOUS PLAÎT, RESPECTONS LES MESURES BARRIERES
Me Joseph Etienne NDIONE
avocat à la Cour
Par Babacar TOURE
LA VIOLENCE ET SES RAMIFICATIONS
Les auteurs d’attaques contre des personnes et leurs biens sont rarement poursuivis et leurs commanditaires plastronnent à l’occasion, aux côtés des autorités politiques et étatiques - L'INTÉGRALE
«Les grands esprits discutent des idées, les esprits moyens discutent des évènements, les petits esprits discutent des gens » (apocryphe)
LE SÉNÉGAL ENTRE DÉFI ET DÉNI
Le Sénégal n’a jamais autant mérité son surnom de Ndoumbélane, ce royaume magique sorti de l’imaginaire de deux monstres sacrés de notre littérature, Léopold Sédar Senghor et Abdoulaye Sadji. C’était au temps où les animaux parlaient. Leuk-le-lièvre, rusé, espiègle et gouailleur, représente le Sénégalais de notre époque. Il tient de Kakatar le caméléon, toujours aux aguets, doté d’yeux à mobilité indépendante, d’une capacité à changer de couleur à des fins de communication (séduction) et de camouflage. La nature a également pourvu ce reptile d’une langue protractile à même d’attraper sa proie, comme le font certains compatriotes passés maîtres dans l’art de médire, d’affabuler et de jeter en pâture d’honnêtes citoyens, parfois par méchanceté envieuse, souvent par mesquinerie gratuite.
A cet égard, Ndoumbélane peut se targuer d’une solide tradition remontant aux temps immémoriaux. Quand on prête attention à la geste de certains de nos héros, figures traditionnelles et même religieuses, les victimes expiatoires et les critiques de leurs hauts faits d’armes ou miracles, souvent des rivaux ou des sceptiques, sont affublés de tous les noms d’oiseaux, symboles de leur infamie supposée ou réelle. Cela est tout aussi vrai dans le registre de la satire sociale où la critique de la société, par les moqueries, la caricature, voire la stigmatisation sont monnaie courante. Coépouses, belles-familles, prétendants éconduits et époux suspectés d’avarice sont la cible des quolibets « agrémentant » les joutes verbales des troubadours, des « takhouranekatt », « khakharkates », accompagnateurs et autres préposés à l’art divinatoire et oratoire.
Les guerres de rapine et la chasse aux esclaves ont forgé une mémoire faite d’exactions et d’outrances verbales, de servitude et de bannissements que l’on cherche aujourd’hui encore à enfouir dans d’inénarrables secrets de familles.
La chronique de certaines rivalités politiques ne fait pas exception du point de vue de l’exercice de la violence, y compris par l’Etat. La violence est consubstantielle à notre histoire politique et sociale. Elle a parfois débouché sur la mort d’hommes dont les plus marquantes sont celles de Demba Diop, Omar Blondin Diop sous Senghor, Me Babacar Sèye à la suite d’une compétition Abdou Diouf / Abdoulaye Wade.
Les querelles syndicales ont également transformé des bourses du travail en scènes de batailles meurtrières, les manifestations d’étudiants désarmés en ont envoyé certains ad patres, sous les balles de policiers ou de gendarmes. Ces mêmes policiers ont subi la furie meurtrière de manifestants politico-religieux ayant provoqué la mort, en février 1994, de six d’entre eux, piégés dans leur véhicule en stationnement lors d’un meeting de l’opposition. C’est une des raisons majeures des difficultés rencontrées par ceux qui veulent réduire l’Histoire du Sénégal à des histoires de familles, de grandes familles «ceddo », «religieuses » ou politiques.
Des secrets d’alcôve ou de polichinelle jalonnent notre histoire qui n’échappe pas à la nature des hommes et des femmes qui la font. Une histoire sublimée par de hautes œuvres d’hommes et de femmes exceptionnels et exemplaires qui font la fierté et la bonne réputation de notre pays, mais aussi d’adeptes de violence physique et verbale pouvant aller jusqu’à provoquer la mort par assassinat ou suicide. Le Sénégal actuel est aussi le résultat - mais pas uniquement - de guerres d’occupation et d’annexion menées par des familles régnantes entre elles , des envahisseurs, du Nord comme du Sud du Sahara, des caravaniers et des propagateurs de la foi, chrétiens et musulmans et de rugueux bâtisseurs de royaumes ou d’empires, sabre au clair. A ce propos, on feint d’ignorer que les djihâds sont des entreprises de soumission par la violence qui réservaient hier comme aujourd’hui, aux mécréants et à ceux qui voulaient préserver leur religion, leur culture et leur mode de vie traditionnels, un sort peu enviable (amputation, castration, décapitation, etc.)
Point de d’orgue de la destruction de nations non encore constituées, encore moins cristallisées, la conquête coloniale et le dépeçage du continent par les puissances européennes à la Conférence de Berlin (novembre 1884- février 1885), ont achevé de déstructurer nos sociétés et les entités qui la composaient. L’Histoire, c’est à dire l’expérience d’- hommes et de femmes en mouvement, dans une séquence spatio-temporelle longue, permet aux spécialistes d’explorer de manière compréhensive et d’exposer, à grands traits, les facteurs et les acteurs de l’évolution des sociétés antiques et modernes - ou en déficit de modernité transformationnelle assumée. Les anachronismes non adressés, la déculturation imposée par le fait colonial et religieux sont symptomatiques de pathologies anciennes dont le traitement curatif ne peut plus être différé. Sous peine de la plus affligeante des sanctions, la relégation dans les coursives de l’histoire !
A côté de la Téranga sénégalaise tant vantée, se distille une culture de violence atavique, qui ne cherche que la moindre occasion pour s’exprimer, y compris de la plus hideuse et la plus cruelle des manières. On est loin des pogroms et des massacres de masse, cependant la violence domestique prend des proportions qui ne cessent d’inquiéter. Chaque jour qui passe apporte son lot de crimes crapuleux ou passionnels, de violence sur ascendants ou descendants, au sein de la famille, dans le quartier ou le village.
VIOLENCE ATAVIQUE
Les passes d’armes non conventionnelles, de discrédit massif entre sociétaires d’un même parti, -au pouvoir - et entre opposants et gouvernants, procède, en réalité d’une culture de violence inhérente à notre société dont les formes varient selon les époques et les protagonistes. Présente tout au long de notre histoire et dans nos histoires, cette culture de la violence semble être aujourd’hui érigée en culte du fait de l’appauvrissement du débat , de la lutte des places et des querelles de personnes autour du chef, qui s’est substituée à la lutte des classes, poreuse aux débats d’idées, d’orientation, de programmes. L’effondrement du système d’enseignement, d’acquisition de connaissances et d’apprentissage, l’analphabétisme et le néo-analphabétisme éducatif et politique ont pavé la voie à un ersatz idéologique des plus débilitants. La formation politique dispensée naguère dans des « écoles du parti », dans les séminaires, les conseils nationaux, les congrès à thèmes, les universités d’été, ont disparu dans la pratique et dans la mémoire des militants et des citoyens, livrés à eux-mêmes et tenaillés par la nécessité. Le seul choix qui s’offre à eux, reste celui de se nourrir à travers des ambitions matérielles et non de s’encombrer l’esprit avec des projets de société ou de promouvoir un vivre-ensemble soucieux de progrès et d’harmonie.
DEFICIT DE LEADERSHIP
De la chance, plutôt qu’une licence (d’enseignement) ou le hasard plutôt que l’effort, l’argent de la débrouille plutôt que gagné honnêtement, à la sueur de son front ou avec la « force de ses bras », résume cette mentalité de plus en plus partagée dans notre société, notamment dans sa frange jeune. A sa décharge, les exemples et les pratiques qui structurent cette vision de la vie, s’illustrent dans le système du modèle en cours chez les puissants et les nantis au pouvoir et dans la société. Dans ces conditions, l’argument de la force verbale ou physique, s’impose - tout aussi forcément- à la force de l’argument. Le déficit dans le leadership constaté à l’occasion de certaines querelles alimentées par des rivalités autour de la proximité du chef, de la famille et des cooptés du moment, se traduit souvent par une incapacité de trancher ou même d’arbitrer. Le “ laisser faire », « laisser dire” alors de mise, contribue à asseoir une véritable culture de l’impunité. Ce phénomène de groupes dédiés à des travaux de masse, de protection de sécurisation de leurs mentors, de riposte et de représailles de ceux qui ont l’outrecuidance d’émettre la moindre réserve ou critique à leur endroit. Les politiques, les chefs religieux, les entrepreneurs de la foi, de même que des populations abandonnées par la sécurité publique se sont arrogé des prérogatives désertées par l’État. Des dahiras n’hésitent pas à camper devant les tribunaux et les prisons pour libérer certains des leurs en délicatesse avec la justice. Les auteurs d’attaques contre des personnes et leurs biens sont rarement poursuivis et leurs commanditaires plastronnent à l’occasion, aux côtés des autorités politiques et étatiques.
Des intouchables utilisent une jeunesse désorientée et abusée comme masse de manœuvre et monnaie d’échange. Leur pendant, dans la sphère politique, s’apparente aux comités d’action (des Socialistes), aux Calots bleus, (de Abdoulaye Wade) et aux Marrons du feu (de Macky Sall), séides et bras armés des différents régimes. L’énoncé et la profération de cette violence outrancière et outrageante sont pour autant forgés dans la sève matricielle de nos langues et de nos expressions langagières, avec à la base, des motivations tactiques ou situationnelles, voire émotionnelles. La rubrique des faits divers des quotidiens, radios, télévisions et sites d’informations est abondamment alimentée par des histoires de personnes ébouillantées, éborgnées défigurées, amputées. Même les morts ne sont pas épargnés, dont les sépultures profanées, les linceuls et les organes prélevés font l’objet de trafic à but lucratif et mystique. Que dire des sacrifices rituels en vue d’obtenir faveurs, fortunes et pouvoir ?
MISERE SOCIALE ET MORALE
Qui, enfant, n’a pas « aiguisé » ses apprentissages de lecture en essayant de décrypter certaines incroyables inscriptions et images dessinées au charbon dont les insanités tapissent toujours les murs, à côté des « défense d’uriner ». La violence de la rue, celle faite aux femmes, aux groupes vulnérables et défavorisés, interpelle nos consciences détournées même si on a plutôt tendance à les occulter par le déni ou à se défausser par ponce pilatisme. Fugueurs ou en rupture de cocon familial, à qui on a volé enfance et rêves, sans domicile et livrés aux intempéries et à toutes sortes d’agressions, les enfants de la rue –plutôt dans la rue-, sont l’expression de cette violence banalisée de notre société. Quand ils ne sont pas déscolarisés et rendus à l’analphabétisme de la plupart de leurs congénères qui n’ont pu fréquenter l’école française, l’enseignement coranique, dans une large mesure, leur inculque les préceptes de la religion et du Livre saint. Des pratiques et des méthodes dont la barbarie le dispute à l’indigence, rythment leur quotidien de parias promis à la délinquance précoce. Jetés à la rue, à la recherche de pitance et de pécule pour les maîtres oisifs, abrités sous le parapluie d’un obscurantisme à la fois inhibiteur et réducteur.
Viols, agressions, violence économique, misère sociale et morale, décrochage scolaire, chômage, déclassement, déchéance ! La violence peut être sourde, douce, vicieuse, pernicieuse, dissimulée, active, au grand jour, consciente, revendiquée ou non, inspirée ou déléguée, brutale ou atténuée. Toujours motivée, rarement gratuite, elle interroge et est sujette à interprétation forcément. Elle est souvent une réponse à d’autres types de violence institutionnelle, sociale, endogène et/ou exercée de l’extérieur. Les causes de la violence s’expliquent toujours. Avec l’avènement d’Internet, la concurrence entre anciens et nouveaux, certains animateurs et usagers des médias, se nourrit de surenchères, de fake news, d’infox, d’injures et de propos infamants, de la part de ceux qui ont délibérément tourné le dos aux formidables opportunités du Web. Les médias de la surenchère entretiennent un climat malsain, anxiogène et conflictogène, titillant les bas instincts et préparant les esprits –consciemment ou non-à des situations extrêmement compliquées. Les médias et les nouveaux outils de communication sont des moyens extraordinaires d’interaction, d’accès et de partage de connaissances, un raccourci efficace pour entrer de plain-pied dans la société globale. Détournée de cette fonction émancipatrice, la révolution numérique peut déboucher sur un message tragique. Les pires ennemis de la liberté, les criminels de tous les ordres, ont fini d’établir que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Des brigades du Net préposées à une cyberguerre peu glorieuse et dégradante, à la solde de politiciens, d’hommes d’affaires de lobbies, etc., envahissent l’espace viral pour distiller leur venin. La violence est en nous, à fleur de peau ou enfouie, elle nous accompagne partout, prompte à surgir sous l’effet de la colère, de la contrariété, de la défiance et de nos pulsions refoulées. La détention et le port d’armes blanches sont à usages multiples, allant des applications de protection, fonctionnelles, domestiques, professionnelles, des sacrifices et de l’abattage d’animaux, etc. Elles sont tellement incrustées dans nos mœurs, qu’on en mesure même plus les dégâts. Les armes blanches sont au Sénégalais ce que le revolver était au cow-boy du Far West américain, où la seule vérité est celle de celui qui dégaine le premier.
L’ARC DE FEU SOUS-RÉGIONAL
« Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine, la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l'enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre, ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci, pourront ne pas être inutiles. » Victor Hugo. Les Misérables
Notre pays, si on n’y prend garde, pourrait subir les effets telluriques de ce déferlement de violence contagieuse qui se propage dans l’arc de feu ravageur de notre voisinage immédiat. En effet, la guerre de libération de la Guinée-Bissau, les conflits armés du Libéria, de la Côte d’Ivoire, du Nord Mali et quarante ans de guérilla en Casamance sur le flanc sud de notre pays, ont favorisé un important trafic et une circulation massive d’armes de guerre dans la sous-région. Aux soldats perdus de ces guerres de pauvres qui se sont dispersés dans notre espace soudano-sahélien, se sont ajoutés des rescapés de l’internationale terroriste, chassés d’Algérie et de Libye, repliés dans notre aire géopolitique avec armes et idéologie, pratiquant assassinats, vols, agressions, enlèvements contre rançons et protection, détruisant au nom de Dieu, adeptes de la contrebande, du trafic de drogue d’organes et d’êtres humains. Cependant, la violence de masse la plus horrible qu’il nous a été donné de vivre en ce vingtième siècle finissant fut la véritable boucherie subie par des Sénégalais et des Mauritaniens en avril 1989.
Tout est parti d’un conflit classique ayant abouti à mort d’homme, côté sénégalais entre éleveurs et agriculteurs à Doundé Khoré, dans le Diawara, zone frontalière entre les deux pays. La rumeur dévastatrice, s’est rapidement propagée, d’une attaque armée de gardes Arabo Berbères mauritaniens contre des paysans négro-africains sénégalais. La maladresse (?) du ministre mauritanien de l’Intérieur, Gabriel Cimper (qui se rebaptisera Djibril Ould ABDALLAH), dépêché à Dakar pour apaiser la tension a mis de l’huile sur le feu attisé par les extrémistes des deux pays, les suprématistes baathistes (du parti « Baath « et leurs compères nasséristes, prônant l’arabisation hégémonique de la Mauritanie. Ils avaient cependant leurs répondants chez les activistes et hommes politiques négro-africains, à cheval sur les deux rives du fleuve Sénégal, qui au nom de la conservation ou de la sauvegarde des terres ancestrales, voulaient contenir les Maures à une centaine de kilomètres au-delà du fleuve. Ils contestaient ainsi les limites frontalières imposées par l’arbitraire colonial.
Certains médias mauritaniens, sénégalais, et internationaux dont Radio France internationale (RFI) apportèrent au conflit une amplification dramatique, contribuant à surchauffer les esprits et à titiller les bas instincts de groupes manipulés. Le chauvinisme des uns, le nationalisme étroit des autres, exacerbés par l’opportunisme politique et le populisme de certains ténors ayant cru leur moment venu de prendre le pouvoir, provoquèrent une situation d’une violence inouïe. Dans les deux pays, de paisibles citoyens furent, égorgés, éventrés, démembrés ou émasculés par des hordes en furie vengeresse, assoiffées de sang. Des deux côtés, aucune force de l’ordre, ne s’est manifestée, ni n’a reçu l’ordre d’empêcher les tueries et de protéger les personnes en danger et leurs biens pillés ou confisqués.
Aucune interpellation, aucune arrestation, aucune poursuite judiciaire à ce jour. Au-delà des morts atrocement et sommairement exécutés et enregistrés dans leur communauté, les Mauritaniens Noirs expulsés de leurs maisons et de leurs lieux de travail, victimes de bannissement, de destruction et de confiscation de leurs biens ont été refoulés vers le Sénégal. Les autorités mauritaniennes de l’époque considéraient que tout Noir était Sénégalais, en particulier Wolof et /ou Halpulaaren.
Au Sénégal, les Maures qui tenaient le secteur de la petite distribution de proximité dans les quartiers et dans les villages ont subi la loi du talion avec autant de barbarie que nos compatriotes de l’autre rive. Ce fut le triomphe de la raison du plus fou qui est toujours la pire. C’est le lieu et l’occasion d’évoquer la remarquable solidarité, l’empathie et la générosité de cœur et d’esprit de citoyens Sénégalais et Mauritaniens, voisins, simples connaissances ou témoins, qui n’ont ménagé ni leur énergie, ni leur temps, pour arracher à la mort des victimes de ces véritables pogromes. On distinguera parmi les sauveteurs, l’ancien Recteur de l’Université de Dakar, le regretté professeur Souleymane Niang rencontré à plusieurs reprises au consulat de Mauritanie à Colobane, convoyant lui-même, au volant de son véhicule des étudiants arrachés aux griffes d’escadrons de la mort sortis de partout et de nulle part.
Ou encore les actions salvatrices des camarades de la Gauche sénégalaise: Landing Savané, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily. Et mauritanienne : Ba Boubakar Moussa, Mohamed Ould Maouloud, Lo Gourmo Abdoul, Traoré Ladji, Daffa Bakary, Isselmou Ould Abdel Kader, Sy Hasmiou, Sy Mamoudou Longo et bien d’autres qu’il me serait fastidieux de citer.
LA THESE DU BOUCLIER TAMPON
Les navettes de rapatriement par air et par le fleuve, des rescapés de cette éruption de folie meurtrière ont débarqué des personnes semblables à des zombies, des familles disloquées. Elles apparurent polytraumatisées dans leur esprit et dans leur chair, sans repères, ayant pour la plupart lâché prise sous le choc de cette barbarie qui s’est soudainement abattue sur elles. Désignés pudiquement « réfugiés mauritaniens » au Sénégal, ces victimes de la déportation, sont à distinguer des Sénégalais dépouillés et expulsés vers leur «pays d’origine».
A en croire certains historiens spécialistes de l’aire civilisationnelle soudano- sahélienne, ceux-ci comptaient d’ailleurs dans leurs rangs nombre de Mauritaniens de souche établis dans la Vallée et dans certaines parties du Sud-Est du pays, avant l’arrivée des Almoravides et des Berbères, dont certaines tribus se sont mélangées avec des autochtones pour diverses raisons et par divers moyens. Aujourd’hui encore, le travail de deuil, les réparations et même l‘’exigence morale d’une quête mémorielle sont déniés à ces déracinés et à leur descendance persécutée, devenus apatrides dispersés aux quatre coins du monde où on a bien voulu les accueillir.
Plus tard, des officiers Négro-africains seront arrêtés et exécutés dans la garnison-prison de Jreida, près de Nouakchott. D’autres membres de cette communauté, cadres et intellectuels pour la plupart, révoltés par le racialisme des tenants du pouvoir arabe aux allures de nettoyage ethnique ciblant en particulier leur groupe, des Halpularen, dénoncent cet état de fait. La publication d’un «manifeste du Négro-africain opprimé » vaudra à l’immense écrivain Téné Youssouf Guèye, au journaliste Sarr Ibrahima, à Djigo Tafsirou, au Capitaine Boye Alassane Harouna et à leurs compagnons d’infortune, les rigueurs d’une condamnation aux travaux forcés et la déportation au fort pénitentiaire de Oualata, d’où certains ne sortiront pas vivants. Déjà en 1966, un premier manifeste dit des « 19 » avait attiré l’attention de l’opinion nationale et internationale sur le sort inique infligé à la composante Négro-africaine de Mauritanie.
En réponse, leurs auteurs furent traqués et sauvagement réprimés. Les différents régimes qui se sont succédés au Sénégal ont pris le parti de tourner la tête et de se détourner face à cette question qui nous concerne, nous interpelle intimement et qui ne manquera pas de nous rattraper encore. Comme en 1989.
Dans le même registre, on pourrait évoquer l’annonce de la création d’un éphémère et intrigant «Front de Libération du Waalo, du Fouta et du Guidimakha », espace habité respectivement par des Wolofs, des Halpulaaren et des Soninké, à cheval sur les deux rives du fleuve Sénégal. L’analyste et journaliste sénégalais Babacar Justin Ndiaye attribue la création de ce mouvement improbable à une volonté de l’ancien président de la République du Sénégal Léopold Sédar Senghor, de tenir à distance et en respect l’Algérie progressiste de Ouari Boumediene. Elle était devenue la Mecque des révolutionnaires de tous bords et n’a ménagé ni ses ressources, ni ses relations, dans sa volonté de faire triompher l’indépendance de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) et de son fer de lance le Front Populaire de Libération de la Saguiet El Amra et du Rio de Oro (Front Polisario). Une décolonisation tronquée selon Alger et ses alliés puisque la puissance colonisatrice, a cédé aux prétentions marocaines et mauritaniennes sur les parties Nord et Sud du territoire convoité, au lieu d’en transmettre la souveraineté aux indépendantistes sahraouis.
Ce front du Walfougui, dont le chef présumé Alioune Diaw avait servi dans la gendarmerie mauritanienne avec des états de service peu valorisants et à l’équilibre suspecté, devait tomber rapidement en désuétude. La Mauritanie s’était entretemps retirée de la partie annexée du Sahara récupérée par le Polisario. Si la thèse du bouclier tampon prêtée à Senghor devait être retenue, cette fonction serait dès lors remplie par la RASD et La Mauritanie, suite au renversement d’alliance ayant abouti à la partition du Sahara occidental.
DEVOIR D’INVENTAIRE
Passer par pertes et profits, une séquence aussi dramatique et traumatisante pour les peuples sénégalais et mauritaniens, tout en réclamant reconnaissance et réparation pour des crimes et exactions commis par l’administration coloniale, voilà le paradoxe monumental de certains politiques, y compris des gouvernants.
Et pourtant, le feu couve sous la cendre La sous-région ne peut se soustraire au devoir d’inventaire des relations intercommunautaires des populations qui y vivent au sein d’entités « nationales» et territoriales aux équilibres fragiles. La question nationale éludée par la problématique coloniale et la doctrine du gel des frontières «héritées» de la colonisation imposée en 1963 par l’Organisation de l’union africaine, (OUA), ancêtre de l’Union africaine (UA), est bousculée par le besoin d’accès à des ressources découvertes dans des espaces transfrontaliers disputés. Le terrorisme des pseudos djihadistes ainsi que les rebellions séparatistes Touaregs, ces mystérieux « hommes bleus » fantasmés dans la littérature d’une certaine anthropologie romanesque, présente bien des aspects particularistes et identitaires.
Les Peulhs d’Amadou Kouffa Diallo, chef de la Katiba Macina, alliée d’ AnsarDine puis au Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans et les Dozos, chasseurs Dogons sédentarisés, s’affrontent mortellement, faisant des centaines de morts parmi les populations civiles. Certes, les conflits autour de la maîtrise de l’eau et des terres, entre agriculteurs et éleveurs sont monnaie courante, ici comme ailleurs. Ces contradictions sont cependant accentuées parla pratique d’une agriculture extensive, le défrichement et l’exploitation de nouvelles terres arrachées à la forêt et au parcours de transhumance des nomades et de leurs troupeaux.
Sur ce terreau fertile, les Djihadistes recrutent, arment et entretiennent des phalanges pseudo-islamistes. Ils ont en face d’eux des milices d’autodéfense encouragées par Bamako pour pallier les carences et l’impréparation des Forces Armées Maliennes (FAMA), tout aussi incapables de défendre le territoire et les populations que la lourde et paralysée Mission des Nations-Unies au Mali (Munisma). Depuis 2013, l’Etat malien a perdu le Nord, puis le Centre du pays, au profit de groupes armés qui tiennent Bamako en joue, dans leur ligne de mire.
La Mauritanie voisine, est apparemment en intelligence avec les différents mouvements djihadistes et servirait de base arrière à certains d’entre eux dont AnsarDine, qui, jusqu’à une période encore récente, avait pignon sur rue à Nouakchott. En état de cause, ce pays charnière entre le Maghreb et le Sahel est curieusement épargné au moment où le Niger, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Tchad, le Nigeria et le Cameroun sont perpétuellement frappés par des colonnes de terroristes, enlevant, dépouillant et massacrant des populations sans défense et des soldats peu motivés et pauvrement armés et entraînés. Il est vrai que les Touaregs se rebellent aussi au nom d’une arabité bridée, raillée, comme étant les seuls membres de la «nation arabe» dominés et gouvernés par des Noirs, dans un rapport inversé de la dialectique du maître et de l’esclave.
On comprend dès lors, le refus systématique opposé à la participation du Sénégal au cadre du G5 Sahel, alors que notre pays est parmi les plus importants contributeurs en hommes et en logistique des forces de la Minusma présentes au Mali. Le rôle ambigu de la France, dont les opérations Serval, Barkhane et l’intervention militaire avalisée par une Union Européenne trainant des pieds, n’a pas empêché l’occupation des deux tiers du Mali. La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), brillera pour son inefficacité opérationnelle sur le terrain miné par des querelles de leadership et de captures du butin de l’aide internationale. L’inextricable accord de paix d’Alger souscrit et parrainé par des parties peu soucieuses de son applicabilité.
Dans ce contexte de repli et de fractures identitaires, le Sénégal est suspecté par certains de ses voisins de travailler à l’avènement d’une hégémonie peuhle dans l’espace sénégambien. C’est le sens prêté au soutien manifeste et revendiqué de son Président aux chefs d’Etat de Gambie et de Guinée Bissau, voisins remuants, qu’il vaut mieux pour notre pays, avoir avec soi. Le Sénégal est suspecté par certains de ses voisins de vouloir ressusciter la Sénégambie originelle, englobant le Gaabu et travaillant ainsi à l’avènement d’une hégémonie peulhe dans l’espace sénégambien ainsi reconfiguré.
L’histoire récente a démontré les risques majeurs encourus par le Sénégal, avec les interférences des voisins mauritaniens et guinéens qui n’ont pas manqué de déclencher le courroux de Dakar et failli faire capoter un régime ami à Banjul. Sans oublier que pendant la crise sénégalo-mauritanienne, le consulat de Mauritanie a servi de transit logistique d’armes et de munitions mais aussi d’argent, avec la bénédiction agissante des autorités de Banjul. Celles-ci, hantées par l’expédition anti putschiste et de «maintien d’ordre» de l’armée sénégalaise parachutée dans leur pays à la faveur des opérations Fodé Kaba I et II en 1981et 1982, vivaient très mal l’attitude paternaliste du voisin sénégalais. Les autorités comme les populations gambiennes ne tarderont pas à rejeter toute forme de tutelle.
100 MILLIARDS DANS LA NATURE EN MOINS D’UN AN
Afin de se dégager de l’étau sénégalais, la Gambie signera d’ailleurs un accord de défense avec le Nigéria et entretiendra des relations particulièrement surveillées par Dakar avec la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo, la Libye de Kadhafi, le Burkina Faso de Compaoré et ...l’Iran des Mollah, suspecté de fournir des armes au Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC). Le soutien de l’homme fort de Banjul aux rebelles du MFDC, l’imprévisible Yaya Jammeh, tenait autant de considérations géopolitiques qu’ethniques. Au total, tous les ingrédients d’un cocktail explosif sont en train de mijoter autour de nous, par conséquent chez nous, dont personne ne sortira indemne. La question sécuritaire se pose à la fois en termes de géopolitique sous régionale et régionale. Elle n’en revêt pas moins le caractère d’un impératif de politique intérieure.
La formulation d’une politique extérieure proactive et pragmatique, servie par une diplomatie pour sa mise en œuvre par des professionnels qualifiés, compétents chevronnés, et loyaux (à l’Etat), non choisis parmi la clientèle politique locale ou de la diaspora, nouvelle coqueluche des gouvernants, relève d’une impérieuse nécessité.
La sécurité, c’est d’abord les voisins Aucune action, amicale ou hostile, ne peut être entreprise sans que leurs auteurs ne puissent bénéficier de corridors dans les espaces aériens, terrestres ou maritimes des pays voisins. On ne voit pas comment ni dans quelle mesure le Sénégal pourrait contenir l’onde de choc de la faille malienne, d’une déflagration en Guinée ou encore d’une résurgence irrédentiste en Mauritanie. L’afflux massif de réfugiés perturberait gravement l’écosystème économique, l’habitat social et environnemental, exacerberait les sentiments et reflexes particularistes voire xénophobes. Les systèmes de solidarité et de régulation sociale sont désormais mis à rude épreuve par la raréfaction des ressources, les conflits de nécessité et la compétition sauvage pour le pouvoir et l’avoir.
Des signalements inquiétants alertent sur des flux de transferts massifs d’argent hors des circuits financiers officiels. Rien que la période allant de juillet 2019 à ce jour, une centaine de milliards de francs Cfa et en devises étrangères ont été échangés entre le Sénégal, la Mauritanie, le Mali et la Gambie. Cette masse monétaire invisible inquiète jusque dans les milieux européens et au sein des institutions financières internationales. Si on considère les données non disponibles sur les deux Guinée (Bissau et Conakry), l’ampleur des dangers encourus par la sous-région fait frémir. D’où provient cet argent, à qui profite-t-il, pour quels usages, qui protège les passeurs et les destinataires?
La déperdition administrative qui n’a pas épargné les services de renseignements n’est pas sans conséquence sur l’absence d’informations sur des circuits pourtant repérables, en dépit d’une certaine omerta de rigueur dans certaines sphères officielles. L’Afrique peut et doit se sortir de la domination étrangère et du jeu des puissances tutélaires au profit d’un destin maîtrisé et au service de ses hommes et femmes valeureux, déterminés et endurants- résilients comme le veut la mode aujourd’hui A condition de résoudre l’équation de l’extraversion du leadership des gouvernants et des élites
par Aminata Mbengue Ndiaye
OUSMANE TANOR DIENG, UN HOMME, UN PARTI
Sous sa conduite, le PS a résisté, tenu tête et a survécu aux bourrasques du pouvoir. Il a résolument inscrit l’action du parti dans le cadre d’une opposition républicaine responsable
« Le président Abdou Diouf m’a fait entrer en politique, pieds et poings liés », confiait-il au magazine Jeune Afrique No 1775 du 12 janvier 1995.
Voilà comment il est venu au Parti socialiste, à la faveur de sa proximité avec le président Abdou Diouf, dont il était l’un des plus proches collaborateurs. C’est ainsi que pour matérialiser cet engagement militant, il décida de s’investir à la base, dans la section de Nguéniène, au sein de la coordination départementale de Mbour. Il se vit aussi confier le poste de Secrétaire aux relations internationales du Bureau politique, de 1988 à 1996.
C’est à l’occasion des renouvellements de 1996, consacrant le découpage des coordinations, consécutif à la 2ème phase de la réforme des collectivités territoriales, qu’il fut élu secrétaire général de la coordination départementale, puis à la tête de l’union régionale de Thiès.
C’est à la faveur du 13ème congrès ordinaire de 1996 qu’il fut proposé, par le président Abdou Diouf, pour occuper le poste de 1er Secrétaire chargé, entre autres, d’assurer la gestion quotidienne du Parti, permettant ainsi, au président Diouf, de mieux s’occuper des affaires de l’Etat.
Après l’alternance, il initia l’élargissement des bases de la démocratie interne, en créant les conditions d’une ouverture plus grande aux forces émergentes, en vue d’insuffler du sang neuf, dans les rangs du parti.
C’est ainsi qu’à partir de 2007, le Secrétaire général du Parti était désormais élu, non plus par les 2500 délégués au congrès, mais plutôt par un collège électoral plus élargi, composé des membres des CA des coordinations, (27.600) convoquées à cet effet, au terme des renouvellements des instances de base.
La mise en œuvre de cette réforme a également conduit, d’une part au retour du poste de Secrétaire général et, d’autre part à l’élection des secrétaires généraux des coordinations par les CA des sections, leur conférant à la fois l’autorité et la légitimité que requiert l’exercice de leurs responsabilités.
En lançant l’opération de vente des cartes, le 04 février 2018, à l’occasion du grand rassemblement organisé par le MNFS, en son honneur, il avait en même temps, instruit le secrétaire national aux élections, à travers la circulaire y relative, de coupler le processus, avec l’établissement d’une base de données des militants détenteurs de la carte, au niveau de chaque comité. Cette initiative participait de sa volonté de moderniser le fonctionnement du parti, en ayant la maîtrise des effectifs militants ; opération toujours en cours au niveau des coordinations où se déroule la vente des cartes.
C’est aussi dans ce cadre qu’il avait entrepris de réhabiliter le patrimoine immobilier cinquantenaire du parti, de procéder à la réorganisation des archives. La mise en place du Conseil Consultatif des Sages, puis du Réseau des Universitaires et de vision socialiste découle, par ailleurs, de cette même volonté d’élargir les bases du parti, en offrant à chaque composante, selon sa spécificité, un cadre d’épanouissement lui permettant d’apporter sa pierre à la construction de l’édifice.
Il y a lieu de souligner, avec force, que c’est assurément après la survenue de l’alternance en 2000 qu’Ousmane Tanor Dieng a fait montre d’une grande capacité de résilience et de leadership. Il s’est illustré, dans ce contexte politique inédit, comme le digne continuateur de l’héritage de Senghor, confronté aux coups bas internes et aux tentatives de démantèlement du parti par le pouvoir libéral.
Sous sa conduite, le Parti a résisté, tenu tête et a survécu aux bourrasques du pouvoir. Néanmoins, il a résolument inscrit l’action du parti dans le cadre d’une opposition républicaine responsable.
C’est ainsi que de 2000 à 2012, il fut initiateur ou co-initiateur de différentes formes de regroupements des forces de gauche qui ont conduit à la tenue des Assises nationales, à la création de plusieurs alliances politiques dont le CPC, BSS et BBY, victorieuse des consultations de 2012, 2014, 2016, 2017 et 2019.
C’est le respect de cette ligne d’orientation politique, consacrée par le congrès de 2007 et confirmée par le congrès de 2014 qui justifie la présence du Parti, au sein de l’attelage gouvernemental. C’est dans le même ordre que le parti compte, dans le cadre de la coalition BBY, une bonne représentation au sein de l’Assemblée nationale et du HCCT que j’ai l’honneur de diriger, par la volonté du chef de l’Etat, le président Macky Sall.
Voilà pourquoi, dès après sa disparition, les instances régulières du Parti ont renouvelé cet ancrage au sein de la coalition, afin d’honorer sa mémoire.
Il est parti, en homme de devoir, après avoir pleinement rempli sa mission, nous laissant un parti revigoré et sorti de l’auberge que nous nous emploierons à préserver et à fortifier.
Quelques enseignements retenus de son compagnonnage :
‘’Quelle que soit la situation, restons droit dans nos bottes’’
‘’Il faut endurer pour durer’’…
par Olusegun Obasanjo
LE MALI DOIT RESTER UN ÉTAT LAÏQUE
Le Mali est la digue. Si elle saute, une vague d’insécurité menacera de déferler sur toute la partie occidentale de l’Afrique
Jeune Afrique |
Olusegun Obasanjo |
Publication 15/07/2020
Les récents événements au Mali ont attiré l’attention sur l’instabilité et la méfiance qui prévalent dans le pays depuis la signature de l’accord de paix d’Alger, en 2015.
Les 5 et 19 juin, des milliers de personnes sont descendues dans la rue, exigeant notamment la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Les sources de leur mécontentement sont nombreuses : celui-ci est en effet directement lié aux accusations de corruption et d’incompétence qui visent régulièrement l’administration IBK, mais aussi à la lenteur des progrès réalisés dans la lutte contre l’insécurité dans le Nord et le Centre, à la pauvreté, au chômage et à la récente controverse autour des résultats des élections législatives d’avril.
Insatisfaction généralisée
Ce ne sont pas les premières manifestations de cette nature au Mali, mais elles sont cette fois-ci différentes pour deux raisons. D’abord parce qu’elles bénéficient du soutien d’un large éventail d’acteurs, de l’imam Dicko, qui n’est pas un nouveau venu sur la scène malienne, aux syndicats et à la société civile, en passant par une partie de la classe politique et par certaines composantes du secteur de la sécurité.
Ensuite parce que les manifestations bénéficient du soutien d’une grande partie de la population, et trouvent un écho particulier chez les jeunes, plus de 70 % d’entre eux exprimant leur mécontentement à l’égard du chef de l’État selon un récent sondage d’Inferentielle Opinion Research. Cela suggère une insatisfaction généralisée qui devrait inquiéter les dirigeants du Mali et la communauté internationale, qui a approuvé et soutenu la mise en œuvre de l’accord de paix.
Les troubles dont nous sommes les témoins sont très préoccupants compte tenu de l’impact qu’une escalade pourrait avoir sur environ 19 millions de citoyens et compte tenu de ce que la déstabilisation du pays pourrait signifier pour l’Afrique de l’Ouest.
Toute la sous-région pourrait en subir les conséquences, du Sénégal au Niger, en passant par le Burkina Faso. Et ne nous y trompons pas : si ces pays trébuchent, les États côtiers que sont la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin et la Guinée ne seront pas à l’abri. Le Nigeria non plus.
Le Mali est la digue. Si elle saute, une vague d’insécurité menacera de déferler sur toute la partie occidentale de l’Afrique.
Négocier un compromis
Trois questions doivent donc être réglées en urgence. D’abord, il faut négocier un compromis qui mette fin aux protestations et apporte un soulagement immédiat sans compromettre la démocratie, la sécurité et les droits de l’homme. C’est une bonne chose que le président IBK et ses alliés politiques, d’une part, et l’imam Mahmoud Dicko et les représentants du M5-RFP, d’autre part, aient fait preuve d’ouverture, se soient dit prêts au dialogue et continuent d’interagir avec les diplomates et les médiateurs, notamment ceux des Nations unies et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Qui peut croire que nous pourrions recommencer à vivre dans un monde qui a envoyé des hommes sur la lune mais ne sait pas produire des masques pour se protéger ? Ce serait ridicule. Et tragique
Jeune Afrique |
Alioune Sall |
Publication 15/07/2020
Tout le monde parle déjà de l’après-Covid, alors même que la crise est loin d’être terminée. Il est vrai que des questions se posent et que rien n’interdit de chercher à y répondre. L’une des premières concerne la nature même de cette crise, qui n’est pas seulement sanitaire et économique, mais aussi culturelle. Quelle est la narration autour de cette épidémie ? Diffère-t-elle de celle qui a été élaborée lors des précédentes ?
On peut aussi s’interroger sur les relations internationales : avec cette crise, c’est le sort de certaines institutions – l’OMS, pour ne pas la nommer – qui se joue. Et, bien sûr, il y a des interrogations anthropologiques. Comment les sociétés ont-elles réagi, comment ont-elles décidé qui elles laissaient mourir et qui allait vivre ?
Un rapport magique au temps
Avant de réfléchir à l’après-crise, il faut donc penser la crise elle-même. Ce travail est difficile. D’abord, parce que la situation est d’une extrême complexité. Ensuite, parce que nous ne savons pas à quel moment commencera l’« après ». Il est nécessaire de déterminer à quelle date nous reviendrons à la normalité, mais même les experts divergent sur ce point. Certains parlent de la fin de 2020, d’autres de 2022… L’horizon de l’entrée dans l’ère post-Covid s’éloigne à mesure que nous pensons nous en approcher. Troisième difficulté, commune à toutes les situations de crise : ce n’est jamais le bon moment de dire qu’il aurait fallu anticiper.
Aurait-on pu ou dû agir plus tôt ? Le problème tient au fait que, lorsque tout va bien, personne ne voit pourquoi les choses iraient mal. C’est particulièrement vrai en Afrique, où nous entretenons un rapport quasi magique au temps, où l’on se refuse à envisager le pire de peur de le provoquer. Nos chefs refusent de préparer l’après-soi, personne ne veut penser la mort… Et lorsque, à l’inverse, tout va mal, le fait de réfléchir à long terme est vu comme un alibi pour ne pas gérer les urgences.
La sidération des Occidentaux
Ce qui restera de cette crise, c’est l’effet de sidération qui a frappé les puissances occidentales. On les a vues agir en ordre dispersé, commettre des erreurs que l’on reproche habituellement aux Africains. Lorsque les États-Unis ont décidé de fermer leurs frontières aux Européens, ces derniers ont fait l’expérience de l’ostracisme, du statut de pestiférés qu’on réserve d’ordinaire aux Africains. Nous avons regardé cela avec un intérêt teinté d’égoïsme, et même d’un certain cynisme. Ainsi, les donneurs de leçons peuvent se trouver aussi démunis que nous ! Nous avons ri, un peu, mais c’était d’un rire jaune.
C’est tout le charme et le paradoxe de notre pays. Le cœur de l’Etat s’épanouit dans une architecture et un univers colonial et on s’époumone passionnément pour le débat pour déboulonner la statue de Faidherbe
Sur Walf Fm à la fin des années 90, j’ai eu la chance et le grand bonheur d’animer une émission qui s’appelait «Une heure avec» et qui était réservée à l’élite intellectuelle du pays. J’ai toujours été fasciné par la sobriété personnelle de ces grands esprits comme les philosophes Bachir Diagne et Djibril Samb, l’historien Mamadou Diouf, les juristes Kader Boye et Serigne Diop, les économistes Samir Amin et Amady Aly Dieng, mais surtout le grand sociologue Boubacar Ly.
A l’époque aussi, l’épuration mémorielle était à la mode avec le débat qui revient souvent sur les noms de rue de Dakar. Le grand sociologue avait pointé du doigt un grand paradoxe, pour ne pas dire une schizophrénie nationale. Il faisait remarquer qu’on parle souvent de la Nation aux jeunes Sénégalais qui «malheureusement, ne rencontrent nulle part la nation sénégalaise parce que le cœur de l’Etat, à savoir le Plateau, incarne la colonisation avec le Palais présidentiel qui était celui du gouverneur de l’AOF, l’Assemblée nationale (Assemblée territoriale), le ministère des Affaires étrangères qui était le Tribunal, la Place Protêt…».
C’est tout le charme et le paradoxe de notre pays, le cœur de l’Etat s’épanouit dans une architecture et un univers colonial et on s’époumone passionnément pour le débat pour déboulonner la statue de Faidherbe. Quand l’Etat du Sénégal veut construire un nouveau Palais présidentiel (c’est l’un des premiers actes posés par les pères fondateurs des Etats-Unis) pour que le président de la République ne vive plus dans un vestige colonial, le terrorisme intellectuel l’oblige à battre en retraite. Il faut que l’on soit cohérent. Oui, il faut déboulonner Faidherbe, mais il faut aussi construire pour effacer Faidherbe dans le béton. Le Panthéon et le Colisée ne sont-ils pas les meilleurs témoins de la grandeur des Grecs et des Romains, autant que la philosophie et les lois ?
Saint-Louis est le meilleur exemple que depuis l’indépendance on cherche surtout à effacer Faidherbe par le verbe et pas par le béton. Si Faidherbe revenait à Saint-Louis, il ne serait pas dépaysé, mais marqué par la décrépitude de la ville. Faidherbe était Français, il est venu au Sénégal défendre les intérêts de son pays. Sur ce plan, il a été un grand patriote français. Et on ne peut pas dire la même chose de nos élites intellectuelles et politiques. Est-ce que nous autres Sénégalais sommes-nous suffisamment patriotes quand nos élites font accoucher leurs femmes à l’étranger, comme si c’était une damnation de venir au monde au Sénégal ?
Yitzhak Rabin, ancien Premier ministre d’Israël, avait été limogé comme ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis, parce que sa femme avait osé ouvrir un compte bancaire aux Etats-Unis, et Israël en avait déduit que quelqu’un dont la femme ne croyait pas à 100% en Israël ne pouvait le représenter.
Autre grand paradoxe sénégalais : ce sont les mêmes qui veulent déboulonner Faidherbe qui veulent sacraliser le marché Sandaga, sous prétexte que c’est un bâtiment classé, même s’il incarne l’apartheid colonial avec Kermel. La meilleure façon de déboulonner Faidherbe n’est pas dans le verbe, mais dans le béton, et force est de reconnaître que le Sénégal a commencé à écrire son histoire dans le béton avec l’arrivée de Wade en 2000. Le Monument de la Renaissance efface la statue de Faidherbe et Diamniadio doit effacer dans le béton, Dakar la ville de Protêt, comme en Malaisie Putraya Jaya a éclipsé Kuala Lumpur.
Depuis l’indépendance, quelle ville, ou quel bâtiment incarne le Sénégal indépendant ? C’est pourquoi l’hubris (la démesure chez les Grecs) de Wade (Aibd qui éclipse Yoff, l’autoroute) est la meilleure chose qui nous soit arrivée depuis longtemps.
L’hubris est une folie chez un humain normal, mais c’est une grande qualité chez un homme d’Etat. Wade, en ouvrant la boîte de Pandore de l’hubris, a déjà déboulonné Faidherbe. «Je concentre toute mon énergie à l’avenir, parce que c’est là où je vais passer le restant de ma vie», disait Einstein.
Laissons Faidherbe aux historiens et concentrons notre énergie à l’avenir comme l’ont fait les Chinois, les Malaisiens et les Indiens.