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2 mai 2025
Opinions
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
CETTE CHIENLIT QUI FAIT CARBURER L’APR
Les digues de la vertu et du respect ont sauté sous le règne de Macky Sall. La gestion sobre et vertueuse dont se prévalait le président est un leurre. Toutes les félonies sont désormais permises au palais et à l’hémicycle
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 07/07/2020
Insultes, injures, invectives, insanités… Voilà ce qui rythme la vie de la République. Des audios ordurières signées Moustapha Cissé Lo font le tour de la toile et alimentent toutes les discussions des Sénégalais. Yakham Mbaye et Farba Ngom sont les principaux destinataires de ces coups en dessous de la ceinture. Les grossièretés déversées par l’alors vice-président de l’Assemblée nationale n’ont pas laissé indifférent le premier magistrat du pays, Macky Sall, qui n’a pas tardé à activer la très couchée commission de discipline de son parti, l’Alliance Pour la République (APR).
Sentence capitale des bourreaux aux ordres du président : Moustapha Cissé est exclu des rangs de l’APR. Cela suffit-il pour mettre une croix sur cette affaire Moustapha Cissé Lo ? Que non ! Au-delà de leur caractère graveleux, le premier vice-président de l’Assemblée nationale soulève des questions de fond qui remettent en cause la gestion sobre et vertueuse sur laquelle on reviendra. En attendant, il est permis de signaler que cette exclusion remet en cause l’égalité de traitement au sein de l’APR. Ce pour quoi Cissé Lo est aujourd’hui exclu de l’APR n’est que la suite d’une longue chaine d’insultes qui ont été proférées à l’égard d’honnêtes citoyens dont le seul tort est de ne pas partager les schèmes de pensée du président Macky Sall.
Dans le passé, en effet, mais toujours sous l’actuel régime, il y avait eu un enregistrement audio dans lequel le premier vice-président de l’Assemblée nationale a tenu des propos insultants à l’endroit de Serigne Abdou Fatah Mbacké, fils du défunt khalife Serigne Fallou Mbacké. L’absence de réaction de l’APR et de la justice avait incité les talibés outrés de Serigne Fatah à laver l’honneur de leur marabout entaché par des insanités débitées avec une violence verbale orageuse rare. Ainsi, des troupes d’illuminés avec à leur tête Sokhna Maï Galass, sœur de Serigne Abdou Fatah, n’avaient pas hésité un seul instant à brûler des maisons et une boulangerie de Cissé Lo.
Sonko, le plus insulté…
Mais Serigne Abdou Fatah Falilou n’a pas été le seul à être traité de tous les noms d’oiseaux par « El insultor ». Le leader de Pastef, Ousmane Sonko, en a pris pour son grade lui aussi. Sous les vivats d’approbation de ses « frères » de l’APR. En effet, au moment où les Sénégalais s’indignaient massivement des insultes déversées par Cissé Lo sur Ousmane Sonko, ses camarades de l’APR le portaient au pinacle et approuvaient ses exactions discursives licencieuses. De tous les leaders politiques du Sénégal, Ousmane Sonko a été le plus insulté par les apéristes. Et cela avec l’onction de l’Apériste en chef qui se délecte de la crucifixion de ses opposants politiques. Et depuis que Moustapha Cissé Lo a attaqué le ministre de l’Agriculture à l’Assemblée parce qu’il n’aurait pas reçu un quota de semences digne de son rang, c’est le désamour avec Yakham Mbaye. Lequel n’a pas tardé à dénoncer la mafia Lo qui a acquis, contrairement à ce que soutient l’alors président du parlement de la Cedeao, une quantité considérable d’intrants agricoles. D’après Yakham, « pour son propre compte, Moustapha Cissé Lô a obtenu 4 101 tonnes ainsi composées : 3 000 tonnes d’engrais ; 600 tonnes de semences de niébé ; 500 tonnes de semences d’arachide ; 01 tonne de semences de pastèque.
D’autre part, après ces 4 101 tonnes, il est revenu à la rescousse pour exiger et obtenir deux autres marchés de 430 tonnes qu’il disait devoir réserver à ses protégés. Dans le détail, ce sont 165 tonnes de semences niébé et 265 tonnes d’engrais. Ces 430 tonnes, Cissé Lo les a acquis en concoctant deux listes comportant 98 supposés producteurs qu’il dit être ses protégés ». Et le DG du Soleil de révéler que ces 98 supposés producteurs sont « pour l’essentiel, des membres de la mafia Lo ». Après cette accusation gravissime, il s’était ensuivi, sous les yeux amusés du président de l’APR, une véritable guéguerre entre les deux responsables beige-marron avant la signature d’un cessez-le-feu. Mais les premiers mis en cause dans cette dernière affaire d’insultes massives qui a valu au « fou du roi » son exclusion de l’APR, ce sont bien les usagers des réseaux sociaux et les portails d’information qui ont mis en ligne ou partagé les insultes de l’ancien président du Parlement de la Cedeao. Certes le principe de la liberté d’expression est inaliénable, mais il est du devoir des utilisateurs (des responsables surtout) des réseaux sociaux et des sites de ne pas propager des propos déplacés, outrageants, insultants de certaines personnalités politiques lorsque leurs messages peuvent jeter le discrédit sur des citoyens ou sur les institutions de la République.
La promotion de l’insolence !
Si l’APR regorge d’insulteurs professionnels, il n’en reste pas moins qu’« El insultor » n’a pas d’égal dans son attitude extravagante. Quand une grande gueule comme lui méprise ses contradicteurs, bafoue sans cesse les lois de la République pour quelqu’un censé les voter, il provoque en conséquence la colère des citoyens outrés et indignés. Cissé Lo sème la chienlit, exacerbe les querelles partout où il passe. Le nom du premier vice-président de l’Assemblée nationale de la 13e législature restera à jamais collé à tout ce qu’il y a d’effronterie et de grossièreté. Il véhicule l’image d’un terroriste verbal qui n’hésite même pas à s’en prendre au président de son parti, par ailleurs président de la République du Sénégal. Une vidéo où il insultait Abdoulaye Wade un peu avant l’élection présidentielle de 2012 circulait sur la toile. Aujourd’hui comme un remake, les propos insultants débités contre ses propres frères de parti ne font que révéler la véritable nature de l’homme.
Sous le magistère de Wade, il avait dégainé un pistolet le jour où Oumar Sarr, alors proche d’Idrissa Seck, était éjecté de son fauteuil de président du Conseil régional de Diourbel. Non seulement la justice avait fermé les yeux sur cet acte grave mais pire le premier magistrat de la République de l’époque, en l’occurrence Abdoulaye Wade, avait félicité paradoxalement Cissé Lô pour son courage mortel. Si aujourd’hui, Cissé Lo en est arrivé à occuper une place de choix dans le bureau de l’Assemblée nationale au point de violer la loi sur la parité et d’usurper à Yetta Sow la place de premier vice-président et à avoir occupé des fonctions législatives supranationales (Parlement de la CEDEAO), il ne le doit pas à son niveau intellectuel mais seulement à son tempérament volcanique et à son insolence proverbiale. Les digues de la vertu et du respect ont sauté sous le règne de Macky Sall. Le Sénégal est devenu un pays contrasté où la gestion sobre et vertueuse dont se prévalait Macky Sall est devenue l’exact contraire. La preuve, le Palais, l’hémicycle et l’APR sont transformés en foires d’empoigne où toutes les félonies et mesquineries sont permises.
Des élus du peuple, tels des gladiateurs ivres, se crêpent le chignon, s’insultent, s’invectivent, se dénigrent sans vergogne au vu et au su du peuple sénégalais. Ces bassesses notées dans un seul camp politique souillent à foison l’image de marque de notre pays. Hélas, de pareilles dérives ont l’heur de toujours sonner l’hallali d’un régime. La fin du pouvoir socialiste était marquée par trahisons, des rebellions et des exclusions. Celle du PDS n’a pas échappé aux travers qui ont perdu le régime de Diouf. Et voilà Macky sur la même trajectoire !
Par Cheikh KANTé
NUL N’EST ECONOMISTE S’IL EST PROTECTIONNISTE
Cette pauvreté de l’Afrique, inacceptable sur le plan éthique dans ce 21ème siècle finissant, est la résultante de politiques économiques inadaptées, mises en œuvre depuis les Indépendances, et qui engendrent un ensemble de comportements
La conviction du ministre en charge du Suivi du Plan Sénégal Emergent (PSE) est qu’on ne peut asseoir le développement d’une Nation à partir des rentes attendues des matières premières. Dans un éditorial retentissant paru dans le dernier numéro du magazine Tam Tam de l’émergence, Dr Cheikh Kanté explique que l’Afrique doit nourrir les Africains, et les décideurs africains doivent mettre en place un financement efficient du système social, pour arriver à une croissance durable, mais également inclusive et équitable.
A quelque chose malheur est bon. L’homme, sage, sait tirer du malheur et des épreuves de salutaires leçons pour l’avenir. La moralité de ce proverbe, en usage déjà au XVIIème siècle, est que souvent le malheur affermit l’expérience de l’homme de bien et a une influence certaine sur l’état de son âme. La crise de la COVID 19, qui affecte profondément tous les systèmes productifs et la croissance économique de nos pays, a renforcé ma conviction qu’un malheur procure parfois quelque avantage imprévu. Cette pandémie inédite nous offre, en effet, l’opportunité d’initier un débat objectif etlarge, afin d’évaluer nos politiques, et d’analyser les perspectives essentielles qu’il nous faut réinventer et réaliser. Pour nous relever de cette situation lourde de dangers, et mettre en œuvre les transformations structurelles qui s’imposent, nous devons bâtir une vision stratégique et consensuelle, soutenue par des politiques économiques et sociales réalistes. Au demeurant, on ne peut asseoir le développement d’une Nation à partir des rentes attendues des matières premières. L’Afrique doit nourrir les Africains, et les décideurs africains doivent mettre en place un financement efficient du système social, pour arriver à une croissance durable, mais également inclusive et équitable. La problématique des priorités africaines, pour une croissance inclusive et durable qui doit nous mener vers l’émergence, doit être reconsidérée sur le plan individuel et collectif, en tirant la leçon des apprentissages de la crise que nous vivons aujourd’hui. Il s’agit d’une question de dignité, de souveraineté, et de volonté politique qui doit se fonder sur l’amour de sa patrie, et du Continent. L’équation est pourtant simple : comment sortir le paysan, l’éleveur et le pêcheur africains de la pauvreté, et les mettre en situation de nourrir l’Afrique ? La résolution de cette équation est fondamentale, et la COVID 19 a bousculé nos certitudes et mis à nu nos multiples fragilités sectorielles, individuelles et collectives. Le Coronavirus a bouleversé les bases mêmes de l’humanité, et nous a fait prendre conscience que les immenses richesses naturelles dont dispose l’Afrique doivent être exploitées par les Africains.
FACE A L’AFRIQUE, LA SOLIDARITE INTERNATIONALE A TOUJOURS ETE TIMIDE
Notre continent ne doit plus être cette gigantesque arène de prospérité où s’affrontent les gladiateurs occidentaux, et où se côtoient les espérances d’émergence des populations africaines et les désespoirs qu’engendrent la faim, les guerres et le terrorisme. Face à l’Afrique, la solidarité internationale a toujours été timide. La communauté internationale promet et prend des engagements qu’elle peine à respecter. Depuis la Conférence Internationale sur le financement du développement de Monterrey, en Mars 2002, en passant par la Déclaration de Rome, en 2003, celle de Paris, en 2005, et l’importante Déclaration d’Accra, en 2008, qui confirmait toutes ces mesures par l’ « Agenda d’Accra pour l’action», les engagements des pays donateurs pour favoriser le financement du développement de l’Afrique n’ont jamais, ou très peu, été suivis d’effets. La Déclaration de Doha de Décembre 2008, tout comme les engagements de Doha de 2013, suite à l’Examen mutuel de l’efficacité du développement en Afrique, examen initié par les décideurs africains et les Partenaires au développement pour financer une croissance inclusive en Afrique, sont restés lettre morte, obligeant certains de nos pays à revoir leurs ambitions à la baisse, et à s’endetter pour financer leurs plans de développement. La dette vis à vis de l’Afrique est lourde et inique. Elle remonte à l’esclavage et à la colonisation qui ont institutionnalisé une pauvreté chronique et structurelle. On ne doit pas fonder la stratégie de croissance inclusive d’un pays sur une rente attendue des matières premières.
La COVID19 a confirmé que la malédiction des matières premières, connue sous le concept de « Durch disease», est une pathologie qui peut s’étendre par contamination à d’autres secteurs comme le tourisme, le secteur informel, le commerce, les transports aérien, terrestre et maritime, les transferts de la diaspora, entre autres. La chute vertigineuse du prix du baril de pétrole, résultant de la crise sanitaire, en est une preuve palpable. Les pays comme l’Angola, l’Algérie, le Nigéria, la Guinée équatoriale, entre autres, sans oublier les petits producteurs comme la Côte d’Ivoire, le Congo, le Tchad, le Gabon, le Ghana, et le Kenya ont vu leurs planifications bouleversées et leurs rêves brisés. De multiples programmes d’investissement sont rangés dans les tiroirs, à l’image des projets gaziers et miniers, dans des pays comme le Mozambique, l’Afrique du Sud, la RDC et la Zambie. Selon les estimations des professionnels du secteur, le pétrole et le gaz naturel devraient être durablement affectés. Les pays africains ne produisent pas assez pour nourrir leurs populations, et procèdent à des importations massives de denrées de première nécessité qui pèsent négativement sur leurs balances commerciales.
L’AUTOSUFFISANCE ALIMENTAIRE DOIT ETRE UNE PRIORITE
La production locale est souvent découragée par l’importation des produits subventionnés, en provenance des pays industrialisés, qui inondent les marchés africains. Plusieurs filières prometteuses comme le coton, le riz, le maïs, l’arachide, la tomate, le lait et produits dérivés, la viande, les fruits et légumes, entre autres, ne résistent pas à ces produits subventionnés et meurent, accroissant la misère dans nos villes et campagnes africaines. Il est plus facile, à court terme, d’importer que de produire.
Par ailleurs, les «commissions» enrichissent certains individus, et des taxes importantes renflouent les caisses des Etats. Les objectifs de développement agricole doivent être corrigés et doivent prendre en compte les questions cadastrales et le statut foncier, les intrants, les semences, la motorisation et la mécanisation, les infrastructures de stockage et de conservation, l’organisation des marchés pour une bonne distribution, la formation du capital humain et les prix, l’autonomisation des femmes et la responsabilisation des jeunes. Dans ce processus, le commerce intra-africain, encore trop faible (moins de 15%), doit jouer un rôle important par le biais des programmes communautaires.
Cette pauvreté de l’Afrique, inacceptable sur le plan éthique dans ce 21ème siècle finissant, est la résultante de politiques économiques inadaptées, mises en œuvre depuis les Indépendances, et qui engendrent un ensemble de comportements sociaux, culturels et politiques. Cette pauvreté institutionnelle rejoint quelque part la définition du philosophe français Michel Onfray. Dans son ouvrage « Politique du rebelle, Traité de résistance et d’insoumission», Paris, Grasset 1997, il distingue trois cercles centrés sur la pauvreté : le premier qui correspond à celui des damnés (la tribu des mendiants qui ne survit que grâce à l’aumône); le second cercle correspond à celui des éprouvés (malades, délinquants, clandestins et refugiés); enfin le dernier cercle correspond à celui des exploités (emplois précaires, déplacés, prolétaires et paysans sans terre ou éleveurs sans troupeaux). Les conséquences économiques de la COVID19 nous permettent de mieux comprendre la position anglaise du protectionnisme.
L’économiste britannique, William Nassau Senior, «un des plus grands économistes anglais de son temps» et héritier d’Adam Smith, soutient que : «Nul n’est économiste s’il est protectionniste ».Evidemment, vivant comme ses contemporains dans un monde profondément protectionniste, ce n’était ni un blâme, ni même un reproche. Il se cantonnait à expliquer sa conviction profonde que l’économiste doit favoriser le libre- échange, et en faisant baisser les prix, il améliore le pouvoir d’achat des populations. Par contre, le protectionniste, en empêchant la concurrence, avantage certains secteurs au détriment des consommateurs.
Dans la logique économique qui motive son raisonnement, le rôle de l’économiste est de concevoir les politiques qui améliorent la situation globale de la population. Dans ce cadre, le protectionniste est celui qui choisit de favoriser une partie de la population au détriment de l’autre. Son raisonnement n’est pas faux. Les décideurs anglais de l’époque connaissaient bien ces théories économiques, mais avaient courageusement choisi de défendre leur production nationale de blé, pour plusieurs raisons : d’abord, pour garantir le pouvoir, la richesse et le statut social des Nobles, propriétaires terriens, ensuite, pour s’assurer qu’en cas de nouveau blocus continental, comme celui mis en place par Napoléon 1er, l’Angleterre serait en mesure de nourrir sa population. Cette observation empirique pose le problème épistémologique du fondement d’une décision et, au-delà, pose le débat, toujours d’actualité, de la perception de l’économiste face au discernement du décideur politique.
L’économiste développe sa logique en termes de coûts de production et de pouvoir d’achat, le décideur politique prend sa décision en considérant d’autres paramètres. C’est bien le sens que je donne au bien-fondé des décisions du Président Macky Sall, soutenues par une logique cartésienne d’organisation et de méthode. Il découle de ces postulats que l’économiste ne doit pas influencer l’action du décideur par ses théories, mais il doit lui fournir tous les outils et les moyens d’analyser la situation, de prendre les actes utiles pour les populations, et d’évaluer les conséquences de ses décisions.
Par transposition expérimentale, et analysant les conséquences de la pandémie COVID 19 sur l’Afrique, il est aisé de noter un taux élevé de dépendance globale des économies africaines, à tous les niveaux. Si cette crise inédite se prolongeait, l’Afrique pourrait connaître une asphyxie généralisée, engendrant la famine, d’autres pandémies, des ré- voltes et bouillonnements sociaux indescriptibles. Il est donc urgent de repenser et de promouvoir des politiques essentielles, susceptibles de réaliser pleinement le potentiel de développement de nos pays. La cause de la sous-performance économique de l’Afrique doit être analysée, afin de faire revenir nos pays sur le chemin d’une croissance économique durable.
L’ELEVAGE SENEGALAIS ET LE PSE
Ainsi, avant la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE), le sous-secteur de l’élevage a souffert de l’absence d’une démarche participative, et d’une volonté politique forte d’allouer à ce secteur des ressources suffisantes, sur la base d’une concertation institutionnalisée et d’un dispositif de participation plus ancrée dans le groupe socio-culturel des acteurs à la base. Les acteurs privés, producteurs et organisations intéressés ont, en effet, rarement été impliqués dans la définition des programmes et réformes qui devaient les conduire à se mobiliser autour d’objectifs dynamiques de croissance et de productivité. C’est pourquoi, dans la définition du Programme National de Développement de l’Elevage (PNDE), les consultations à la base, au niveau des communautés rurales, ont été privilégiées. Cette démarche nouvelle a permis de construire un consensus avec tous les acteurs, validé au cours d’un atelier, en juin 2013. Au Sénégal, l’élevage contribue largement à la réduction de la pauvreté. En 2018, il est évalué à hauteur de 4,4% du PIB national, et il compte pour 25%de la valeur ajoutée de l’agriculture.
Cette activité touche 28,2% des ménages, dont 73,9% en milieu rural, et 26% en milieu urbain. L’essentiel des enjeux de ce sous-secteur porte sur la qualité et la quantité des différentes productions animales, la sécurisation des systèmes pastoraux et agropastoraux, l’approvisionnement régulier des marchés des industries animales et leurs développements, la santé animale et la professionnalisation du secteur.
Depuis les indépendances, les politiques de promotion du sous-secteur peuvent se résumer en dix (10)temps forts :
- 1970 : Période des grands projets du Ferlo : PDESO et SODEP (Projet de commercialisation du bétail suivant une stratification des productions animales par zones) naissance en zone pastorale, réélevage en zone agropastorale et embouche en périurbain ;
- Années 1980 : Plans d’ajustement structurel et nouvelle politique de forages ;
- Fin des années 1980 : Création de ré- serves sylvo- pastorales et déclassement concomitant de superficies importantes comme Déaly, Boulal, MBéggé etc., en faveur d’exploitants agricoles ;
- Années 1990 : Création du PAPEL (projet d’appui à l’élevage) et mise en place des Unités Pastorales (UP),Ranchs et Fermes modernes, Projets de Laiteries Industrielles comme Nestlé ;
- 2004 à 2008 :Nouvelle initiative sectorielle pour le développement de l’élevage avec la promotion de fermes privées, mise en place du Centre d’impulsion et de Modernisation de l’Elevage (CIMEL), création du Fonds d’appui à la stabulation (FONSTAB);
- 2008 : Crise alimentaire et restructuration du MEL, intégration de la CDMST : gestion axée sur le résultat(GAR);
- 2009 :Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (GOANA);
- 2011 : Plan National de Développement de l’Elevage (PNDE), suivi d’une relecture en 2013 ;
- 2014 : préparation de la loi foncière et rédaction et discussion du code pastoral ;
- 2015 : Mise en œuvre du projet d’appui au pastoralisme au Sahel (PRAPAS) 2015-2017.
CONCLUSION
Sans aucun doute, le PSE a fortement contribué à renforcer la dynamique de générations de politiques en matière d’élevage. Les résultats probants obtenus sont en parfaite adéquation avec la priorité accordée par le Président Macky Sall à cette activité importante, en étroite interaction avec l’agriculture.
par calame
JAMAIS DEUX SANS TOI
Il faudrait un grand bouleversement car le terrain politique est miné, et n’y évoluent que des politiciens professionnels aux profils similaires, aux ambitions semblables, aux aspirations de pouvoir et pour certains d’argent
L’incontinence comportementale et langagière de certains hommes et femmes qui nous gouvernent sont de notoriété publique. Le rayonnement du Sénégal a toujours, dans le passé, été fonction de sa capacité à porter une parole forte, indépendante et digne de foi. Ce sont les idées et leurs mots qui nous valurent à certains moments de l'histoire, le respect. Parce que la parole est un atout précieux, tout ce qui la galvaude, tout ce qui la « trivialise » affaiblit et discrédite.
En matière de grossièretés, d’insanités, il y a assurément des spécialistes incontestés, dignes d’occuper une chaire d’injurologie, si dans les universités ou les grands instituts de formation, cela existait. Comparés à ceux d’aujourd’hui, les spécialistes d’hier (dont les invectives portaient généralement sur la nature du régime), apparaissent comme des enfants de chœur. Non seulement les textes de loi qui contraignent le peuple à rendre son langage et son comportement plus policés ne leur sont pas appliqués, mais il faut y ajouter, la facilité avec laquelle ils échappent aux conséquences de leurs impudents étalages de vulgarité qui ne les empêchent nullement de « réussir » en politique, qui à y regarder de plus près, n’est que l’apologie de l’autochtonie, du village et des figures tutélaires de la tradition religieuse ou culturelle contre l’innovation, le changement et les cultures urbaines, de la rébellion et de la contestation.
Dans le caniveau sonore qui circule dans les réseaux sociaux, l’auteur profère des injures à deux camarades de parti, fait des « victimes » féminines, menace de dénoncer des malversations, se hisse au sommet de la médiocrité prêtée « aux menteurs » à qui il s’adresse et qui sont eux-mêmes de grands insulteurs, tous prenant leurs égos pour une cause nationale. Il ne s'agit pas d'une haine hygiénique, que trois hommes s'offrent, tel un salutaire et régénérant bain de boue. Nous n'avons pas affaire à des intermittents de la détestation-thérapie. Leur exécration, même s'il est arrivé qu’elle prenne des formes plus « douces et diplomatiques », semble permanente. Inoxydable autant qu'impérieuse. Elle, au moins, ne connaît pas de faiblesses. Des phrases au vitriol, des aigreurs mâchées et remâchées, mettent à jour l’atmosphère qui prévaut entre camarades d’un même parti. Cette absence de tenue et de retenue d’hommes n’ayant ni allure ni allant, fait de ce pays, un objet de risée. Et cela devient récurrent.
Que l’on se gausse, ou que l’on s'exaspère, l'atteinte portée à l'image du pays par l'irresponsabilité langagière ou le comportement de certains de nos dirigeants est grave. Si les règles, les principes, les valeurs ne sont plus représentés par eux, ce ne sont pas non plus des conflits « classiques » qui éclatent devant nos yeux et à nos oreilles, mais une décomposition sociale dont on ne connait pas l’issue. Une classe politique en décombres, grotesque et autiste.
La démocratie, nous dit-on est le moins mauvais des systèmes, parce qu’elle est toujours à parfaire. Personne ne trouverait à redire et ne verrait que des avantages, si les politiques qui nous gouvernent, brisent les codes pour parler vrai. Gavés de langue de bois, overdosés de double langage, lassés de ces parlers politiciens faits de promesses fallacieuses, qui tuent jusqu'à l'envie de tendre l'oreille, les Sénégalais ont soif de mots francs. Sur fond de politiques publiques impuissantes voire aggravantes, les rodomontades qui conduisent à occulter les réalités au profit d’un récit politique qui prend des libertés avec la vérité, ajoutent aux tourments du pays.
Les Sénégalais semblaient avoir triomphé du Parti Socialiste et du président Diouf, puis du Parti démocratique sénégalais et d’Abdoulaye Wade, dans la mobilisation quasi parfaite de coalitions de différents intérêts, qui promettaient d’abord le « Sopi » puis « la rupture ». Cette dernière paraissait porteuse de l’immense espoir de la démocratisation de l’espace public, de la moralisation des modes d’actions politiques, de la réforme de l’appareil politique, des modalités de gestion, d’administration et d’allocation des ressources économiques et symboliques.
En bref, il était permis de penser que le régime de l’Alliance pour la République allait rééllement procéder à un nettoyage dont la fonction principale était la rupture des pratiques, interventions, opérations politiques, économiques et sociales et le principal résultat serait la restitution de la décision politique à la population, en procédant à une meilleure institutionnalisation et des mises à l’épreuve des capacités citoyennes. Les attentes ont été déçues. L’espoir s’est envolé et les rêves de changements se sont effondrés comme des châteaux de cartes.
A la place, des « ôte-toi que je m’y mette», les dossiers mis sous le coude, le recyclage des transhumants, les effets des luttes partisanes au sein de l’APR sur l’appareil d’Etat, les manipulations des appartenances et allégeances religieuses, un pays promis à la découpe, les opérations de guérillas administratives, politico-judiciaires contre des adversaires vrais ou supposés, la corruption et l’effilochement des procédures bureaucratiques et militaires qui ont pendant presque un demi siècle assurer la «success story» sénégalaise.
L’Alliance pour la République offre le spectacle d’une arène sénégalaise, accentuant les luttes de positionnement, la fragmentation en de multiples groupes de pression qui, recourant au chantage et à la violence, provoquent des interventions de son chef dans le champ des luttes politiques aussi bien internes qu’externes à son parti. Une situation qui a banalisé sa position - dans le parti et dans l’Etat - et fragilisé son pouvoir d’arbitrage et de recours ultime et, en dernière instance les institutions qu’il est censé servir : l’Exécutif, le législatif et le judiciaire. Instables, mises en question quotidiennement et affaiblies par les interventions multiples et intempestives, elles sont secouées par des scandales et délégitimées par l’incompétence et le patronage. Il faudrait un grand bouleversement car le terrain politique est miné, et n’y évoluent que des politiciens professionnels aux profils similaires, aux ambitions semblables, aux aspirations de pouvoir et pour certains d’argent. Ce sont les mêmes têtes qu’on voit depuis des lustres, aux arguments éculés, aux programmes faméliques. Pas de saine et de sage gouvernance. Pas de progrès pour les citoyens. Ne parlons pas de justice et de réformes salutaires, ni d’assainissement de budget.
A cela, il faut ajouter les mises en mal de la culture politique qui a assuré au Sénégal, une identité démocratique particulière en Afrique (la « success story » de D. Cruise O’Brien, professeur d’études politiques à Londres, auteur de « La construction de l’Etat du Sénégal (Karthala) - décédé en 2012) ou la capacité à procéder à une « révolution passive » décrite par Robert Fatton dans son ouvrage intitulé : « la fabrication d’une démocratie libérale : Révolution passive du Sénégal, 1975-1985».
Apparemment résignés, les Sénégalais se sont habitués aux styles passés et présent Aujourd’hui, pour restituer le capital politique et civique, accumulé au cours de l’histoire politique de ce pays, il est urgent et nécessaire d’entreprendre un (lent) travail de refabrication d’une communauté nationale dans sa diversité, ses rêves et angoisses et promouvoir une citoyenneté responsable et en constant devenir. En bref, il s’agit de procéder à une réforme morale de l’institutionnalisation des modes d’actions politiques dont la principale et désastreuse conséquence est la transformation du champ politique en un champ de cacahouètes où s’accumulent pouvoir, incivilités et richesses suspectes.
par El Hadj Kassé, Seydou Guèye et Pape Ibrahima Bèye
ANTICIPER ET AGIR EN TEMPS D’INCERTITUDE
La question ne se pose pas en termes alternatifs : santé ou économie, économie contre santé. Il s'agit plutôt de la triple urgence sanitaire, économique et sociale
El Hadj Kassé, Seydou Guèye et Pape Ibrahima Bèye |
Publication 06/07/2020
C’est lorsque la surprise nous impose sa présence qu’il faut avoir le courage de décider pour en circonscrire les effets. Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Certes. Mais d’ores et déjà, nous pouvons saluer, en majesté, le parcours exemplaire de notre pays dans le combat contre le coronavirus qui n'a donné à aucun pays le temps de se préparer. Au regard des statistiques croisées, en Afrique et dans le monde, nos efforts n'ont pas été vains. Mais nous ne pouvons nous satisfaire de nos résultats, car nous endurons la disparition de proches si chers, vivons des moments d’angoisse indicible en ces temps d'incertitude.
C'est pourquoi le combat continue et doit continuer, quels qu’en soient le coût et les formes. Ce combat est celui de toute l’humanité dressée contre l’inconnu. Rendons alors grâce à toutes les forces vives de la Nation qui, de manière consensuelle, se sont mobilisées comme un seul homme. Quelqu’un disait que « seuls les hommes libres sont reconnaissants les uns envers les autres ». Le courage de décider du chef de l’Etat a été un puissant ressort pour cet élan national admirable. Pour cette détermination à circonscrire et maîtriser l’ennemi invisible et mobile.
Dès les premières manifestations de la crise, alors que le monde croyait qu’elle était d’un pays, le Sénégal a décidé de ne pas rapatrier nos jeunes compatriotes étudiants à Wuhan. S’en suivit une levée de boucliers, légitime, certes, qui s’apaise au fur et mesure que l’histoire imposait la pertinence de la décision. En d’autres cieux, le rapatriement a coûté plutôt cher, en infections et désolations.
La décision est un choix salutaire si elle est validée par la logique implacable des faits. Et la volonté d’agir dans un délai court a valu au Sénégal l’admiration de la communauté internationale. Bien agir pour atténuer l’impact d’une crise. Il en est ainsi de la fermeture des frontières, dès le premier cas de Coronavirus introduit dans notre pays. Et de l’état d’urgence. Et de l’interdiction des grands rassemblements. Et du couvre-feu. Et du port de masque obligatoire dans les lieux publics. Et de la limitation du transport interurbain.
Cette série de décisions a été confortée par une campagne tous azimuts de sensibilisation sur les gestes barrières, notamment le lavage des mains, la distanciation physique, entre autres. Dans ce même cadre, notre dispositif de surveillance épidémiologique ainsi que la prise en charge médicale ont fonctionné en harmonie.
Il est incontestable que sans ces décisions fermes mais salutaires, le Sénégal aurait été dans l'incapacité de circonscrire la crise en termes du nombre de malades, d'hospitalisés, de guéris et de décédés. L’élaboration, en temps exceptionnel, d’un Programme de résilience économique et sociale assorti de la création du Comité de gestion de Force Covid19 participe de cette capacité d’anticipation, d’ajustement stratégique, de suivi-évaluation.
L’assouplissement graduel des mesures, annoncé par le chef de l’Etat dans ses discours des 11 mai et 29 juin, illustre cette culture de la décision dans la gestion de la crise. Il est question, en effet, d’apprendre à vivre « en présence du virus », informés par notre propre expérience, l’exigence de relancer, sans délai, notre machine économique si ébranlée et de maintenir les équilibres sociaux qu’appelle l’impératif de solidarité nationale. La décision d’assouplissement est tout aussi la mise à l’épreuve de notre responsabilité individuelle et collective face à une crise dont personne ne sait exactement le moment du dénouement.
Nous sommes conviés ainsi, par ces discours, à la mobilisation générale pour conforter une dynamique de résilience durable et de relance économique, tenant pleinement compte des formes de conscience et de comportements sociaux qu'il convient d’adopter dans la stratégie de gestion de l'épidémie.
De même, dans son fond comme dans sa forme, le propos du chef de l'Etat rassure quant à la volonté politique de doter notre système de santé publique de ressources humaines massives et de moyens additionnels, de promouvoir davantage le patriotisme économique comme levier nodal pour doper la production et la consommation domestiques, produire local, consommer local, exporter plus.
Voilà pourquoi, la question ne se pose pas en termes alternatifs : santé ou économie, économie contre santé. Il s'agit plutôt de la triple urgence sanitaire, économique et sociale. La démonstration est simple : c'est tout le système de santé qui s'effondre et le lien social qui rompt si l'économie s'effondre.
La bataille contre le Covid-19 est d’abord communautaire : une affaire de la communauté nationale à travers toutes ses composantes et ses unités territoriales sur la base des grandes orientations de l’Etat. La crise nous l'enseigne en sa phase actuelle. Aussi, est-il important de dire, ici et maintenant, que l’affirmation de la puissance publique est un des facteurs essentiels dans la gestion d’une crise de ce genre, en termes de prévention comme de prise en charge multiforme. Ce qui suppose l'intelligence des situations sur la base sur la base de données précises.
Il faut disposer, en effet, d'informations pertinentes et d’éléments de capitalisation pour décider quant aux orientations à telle ou telle étape de l’évolution de la situation qui, le monde entier le sait maintenant, nous met face à l'incertitude et, pourrait-on dire, à un vide stratégique tant l'expérience d'une pareille crise fait défaut aux plans scientifique, social, culturel et économique.
A l’école de l’expérience, il faut encore affirmer que la force de l’Etat, dont la capacité de planification décision et de suivi-évaluation constituent des aspects essentiels de sa mission régalienne, est la condition sine qua non de notre sécurité individuelle et collective. Là-dessus, le consensus le plus large est toujours requis. Il est juste question d’une appréhension des impératifs de l’histoire, autour de paradigmes nouveaux
Il faut, ainsi, précéder les ruptures nécessaires à chaque étape du combat contre l'épidémie, non les subir.
par Jean Meïssa Diop
MANQUEMENTS COLLECTIFS DE JOURNALISTES SUR UN REPORTAGE
Que s’est-il passé pour que le public n’ait pas reçu les informations recueillies à Ndengueler par des journalistes le 8 février 2020 ? Les moyens de vivre auraient-ils pris le dessus sur les raisons de vivre ?
Que - des reporters - ont-ils fait des informations recueillies à la conférence de presse donnée à leur village de Ndengueler le 8 février 2020 par des paysans spoliés de leurs terres par un agrobusinessman ? L’affaire a connu, ces temps-ci, un rebondissement et une ampleur spectaculaires qui impliquent que des comptes et comptes-rendus soient demandés à des journalistes qui ont couvert cette rencontre, mais n’en ont pas encore fait une relation – une relation honnête, surtout. Il a fallu que le responsable politique du Pastef, Bassirou Diomaye Faye, par ailleurs inspecteur des Impôts et domaines, révèle que, à l’exception du portail Dakaractu.com, la majorité des organes de presse représentés à cette conférence de presse s’est comme autocensurée pour que le manquement commence à intriguer.
Que s’est-il passé pour que le public n’ait pas reçu les informations recueillies à Ndengueler par des journalistes ? Le fait n’a pas échappé au questionnement du journaliste et leader du syndicat de journalistes (Synpics) Bamba Kassé qui, sur sa page Facebook, soulève une question grave par ses implications d’ordre déontologique et éthique. Les mots sont si importants que nous n’avons pas résisté au besoin de les reproduire en intégralité : « Le 8 février, une conférence de presse tenue à Ndengueler, n'a été relayée que par Dakaractu, me dit-on.
Rien ne pourrait empêcher d’aucuns de suspecter que l’écrasement sous le coude par-ci, le black-out par là des informations ont été incités par des relations – occasionnels ou durables, motivées voire intéressées - entre ces organes de presse et l’agrobusinessman
« Où sont les 8 autres médias présents ? Où sont les articles et autres productions ? Shame on us !
« Une presse libre ne se soumet pas. Elle traite de tout sujet d'intérêt public ou même parfois d'intérêt privé à ramification publique. Parce que justement le public est notre raison d'être.
La seule limite c'est de toujours donner la parole à l'autre partie indexée.
Si Babacar Ngom et Sedima n'ont pas voulu se prononcer, cela justifie-t-il cette omerta ?
Oui ! Nous avons des relations sociales. Nous avons des amis, des ennemis, des parents etc...
Mais nous avons choisi le plus fidèle des compagnons : la vérité. C'est au nom de cette vérité que la presse jouit de privilèges et que le journaliste en sentinelle de la vérité est peu ou prou protégé.
« Oui la presse est précarisée. Les journalistes sont pauvres et l'état entretien cette pauvreté pour les rendre dépendants. Mais justement, en quête de notre indépendance nous ne devons pas nous compromettre.
« Certes il y a de bons clients commerciaux, qui donnent de la pub’ parfois à gogo, mais cela ne justifie pas une omerta organisée.
« Le Cored (Conseil pour l’observation des règles de déontologie et d’éthique dans les médias, Ndlr) doit se saisir de ce dossier et enquêter. Parce que ce n'est pas normal.
Que les réseaux sociaux existent ou pas ne dédouane pas la presse sénégalaise de traiter de tout sujet d'intérêt public.
« (…) Sur cette affaire, comme sur tant d'autres, on doit se contenter des faits, rien que les faits. Et garder notre sentiment à l'abri. Mais on doit le faire sans concession. »
En tous les cas, voilà un cas d’école ; et il mérite que les journalistes professionnels réfléchissent là-dessus. Parce qu’il y a beaucoup d’implications – et de très sérieuses. Qui, des organes de presse et des journalistes a réellement commis la faute ? Et pourquoi une telle défaillance ? Les moyens de vivre auraient-ils pris le dessus sur les raisons de vivre ? On peut être soupçonneux, mais ne tirer aucune conclusion tant que l’enquête de l’organe d’autorégulation de la presse sénégalaise n’aura pas été menée et tiré des conclusions.
Post-scriptum : Il convient aussi de reconnaître le mérite de Dakaractu qui, outre d’avoir été le seul organe de presse à avoir diffusé un compe-rendu de la conférence de presse, a recueilli la version du maire de Sindia dont l’institution municipale est mise en cause dans le dépassement de compétence territoriale a rendu possible la perte de leurs terres par les paysans de Ndengueler. Il serait intéressant d’entendre la version de l’édile de Ndiaganiao dont le territoire communal aurait été amputé de manière irrégulière par une commune voisine. Walf n° 8479 du 02 juillet 2020
par Abdourahmane Sarr
RELANCE POST COVID ENDOGÈNE, COMMENT ?
En mettant en place des monnaies nationales complémentaires à la monnaie commune ECO ou FCFA, nous pourrions favoriser l’inclusion financière des populations dans un moyen d’échange plus compétitif afin de stimuler la production locale
Au Sénégal, pouvoir comme opposition, et les sénégalais de manière générale souhaitent « une croissance endogène, inclusive, et équitable grâce à une valorisation du contenu local et l’ancrage durable d’une culture du produire et consommer sénégalais ». Toutefois, nos économies rurales de subsistance et celles urbaines peu monétisées ne peuvent produire ce résultat sans une politique monétaire, de crédit, et de change d’accompagnement adéquate qui nous libérerait de la dépendance extérieure. Nos villes épicentres de pôles régionaux et polarisatrices de leurs zones rurales sont une opportunité d’exode rural et de spécialisation à la suite d’une réforme foncière pour une agriculture marchande et une industrie plus productive pour satisfaire ces villes. Cependant, une telle articulation entre les villes et les localités qu’elles polarisent a besoin d’une architecture monétaire conçue pour valoriser les ressources locales sous-utilisées et les échanges entre localités nationales.
Malheureusement, tout en clamant l’objectif d’endogénéisation de la croissance, nos pays ont récemment décidé de maintenir la parité fixe de l’ECO à venir sur l’euro et peut être plus tard à un panier de devises. Sans ressources fiscales et face aux contraintes de financement monétaire de la relance post Covid-19 dans ce régime, nos Etats se sont résignés à s’endetter davantage, empirant le fardeau de la dette, et/ou à solliciter la coopération pour des annulations de dettes, moratoires, ou dons. Ainsi, notre destin ne semble plus être entre nos mains pendant que les pays avancés, à coup de milliards de dollars ou d’euros, financent sans compter la demande pour stimuler leurs productions à pleines capacités. Le pétrole et le gaz à venir aideront pour un temps, mais leur apport sera limité pour les objectifs que nous nous sommes fixés.
L’absence ou l’insuffisance d’un moyen d’échange pour maximiser l’utilisation des capacités de production et d’échange est un problème bien connu des économistes. A l’échelle internationale, l’insuffisance de devises dépendant des politiques monétaires de certains pays avait justifié en 1969 la création et l’allocation gratuite de Droits de Tirages Spéciaux (DTS) du Fonds Monétaire International pour faciliter le commerce international. La même chose a été faite en 2009. Une banque centrale allocataire peut ainsi échanger ses DTS contre des devises d’une autre banque centrale pour le règlement d’importations, ce qui favorise le commerce international par l’émission des devises nécessaires. Ce moyen d’échange n’ayant cours légal et libératoire nulle part, mais échangeable contre devises, est émis sur décision du FMI afin de satisfaire une demande de devises pour payer une production et un commerce international possibles. Les allocations par pays dépendent ainsi principalement de leurs poids dans les exportations internationales quand il est jugé que le commerce international a besoin de DTS supplémentaires. L’allocation de DTS de cette manière bénéficie essentiellement aux grands pays et exportateurs.
Pour nous, cette même logique à l’échelle du monde s’applique à l’échelle de la communauté de base. Le développement de l’Afrique dans l’autonomie et la liberté se fera par le développement de ses communautés de base. Mais cette liberté et cette autonomie passeront par la maitrise du rôle de la monnaie dans le financement du développement local afin d’établir le lien entre une demande locale et une production possible que nos monnaies officielles n’arrivent pas à établir. D’abord, parce que les populations ne sont pas financièrement incluses en ces monnaies, ensuite parce que nos économies ne sont pas compétitives à l’international, ce qui favorise les importations. La production locale pour une consommation locale se trouve ainsi désavantagée par rapport aux matières premières seules capables de générer des recettes en devises pour payer dettes ou demandes liées dans le cadre d’un commerce international essentiellement libre. Au regard de l’absence de volonté politique d’affranchir l’ECO de son arrimage sur l’euro, est-il possible d’innover de sorte à réconcilier les points de vue des adeptes du statu quo et ceux des défenseurs de son abandon qui veulent que les Etats puissent plus librement disposer de l’outil monétaire et de change dans la stabilité des prix pour accompagner leur développement ?
Nous avons soutenu que OUI dans un article en 2016 dont les principaux éléments sont reproduits ci-dessous dans ce contexte post-Covid 19. En mettant en place des monnaies nationales complémentaires à la monnaie commune ECO ou FCFA, nous pourrions favoriser l’inclusion financière des populations dans un moyen d’échange plus compétitif qui pourra stimuler la production locale qui trouvera également sa demande localement. Cette économie sera complémentaire à celle que nous connaissons et pourra par ailleurs renforcer et formaliser le secteur dit informel. Pour comprendre, il faut d’abord savoir qu’il n’y a que trois sources d’injection d’argent dans une économie monétaire pour lier la demande à la production : (i) la banque centrale (ii) les banques commerciales (iii) et l’argent de l’extérieur (dettes, exportations, investissements) dont l’origine est également les deux premières sources dans ces pays. Dans notre cas, ni l’Etat, ni les banques commerciales, n’arrivent à jouer ce rôle efficacement pour la majorité de la population exclue du système financier et du crédit. Cette situation s’est aggravée avec la Covid-19. Le seul lien que nos populations financièrement exclues ont avec le système financier classique est la monnaie émise par la banque centrale entre leurs mains ou en portefeuille électronique. Cette émission est elle-même rendue possible principalement par les réserves de change en devises en zone UEMOA, qui elles dépendent de l’endettement, d’exportations de matières premières et de l’émigration. En effet, nos réserves de change couvrent une bonne partie de l’émission monétaire de notre banque centrale.
De ce fait, si un Fiduciaire qui représenterait des populations et des entreprises qui auront acheté avec le FCFA un moyen d’échange appelé SEN pouvait émettre, par effet de levier sur ces FCFA, ce même moyen d’échange sous forme de crédit en leur nom, le problème serait réglé. Ce moyen d’échange, comme les DTS, n’aurait pas cours légal et libératoire, attributs exclusifs du Franc CFA. Il ne serait qu’un moyen d’échange (de troc de biens et services) et d’octroi de crédit des entreprises membres (leurs biens et services) à leurs clients qui circulerait solidairement entre membres et dont la gestion serait déléguée à ce Fiduciaire. Comme les DTS, le SEN ne serait utile que parce qu’il y a des biens et services disponibles ou productibles que les membres de l’écosystème pourraient ne pas produire en l’absence d’un moyen d’échange adéquat recirculant. Le crédit SEN circulant ne serait pas convertible jusqu’à ce qu’il soit remboursé en FCFA, c’est-à-dire que les bénéficiaires aient eu des FCFA pour les rembourser. Ce crédit circulant entre membres serait l’équivalent des crédits (comptes clients) que les commerces font tous les jours à leurs clients mais sous forme non digitale et non transférable et que le système bancaire classique n’arrive pas non plus à liquéfier. Si ce crédit SEN digital et transférable stimule la production et les échanges, la quantité de FCFA à émettre par la banque centrale pour soutenir une économie plus large devra suivre sans inflation établissant ainsi le lien avec l’extérieur.
Le SEN que les populations et les entreprises achèteraient avec des FCFA comme biens et services prépayés transférables permettra de conserver la monnaie officielle dans un fonds de recettes des entreprises comme des réserves. Il s’agira d’un Fonds Commun d’Investissement et de Garantie (FONCIG) qui pourrait saisir des opportunités d’investissements actuellement accessibles qu’à ceux qui ont accès au crédit bancaire classique et aux investisseurs étrangers. Mis en place dans le contexte d’une décentralisation autonomisante et d’un Etat qui se dessaisit au profit de pôles régionaux, le Fiduciaire pourrait financer un processus d’émergence à partir de la base.
La conversion des SEN ayant une contrepartie en Franc CFA se ferait à un taux de change convenu entre les membres du Fiduciaire mais initialement de 1. Cependant, en émettant ce moyen d’échange acheté ou obtenu à crédit à un taux de change plus faible (2 SEN pour 1 FCFA par exemple) dès le départ et même plus tard flottant, ce moyen d’échange serait dévalué par rapport au FCFA et pourrait ainsi favoriser la jonction entre les capacités locales sous-utilisées et les besoins locaux dans des conditions de stabilité des prix. Le FCFA serait dans ce schéma une unité de compte et une monnaie commune accompagnée dans chaque pays de l’équivalent du SEN comme monnaie nationale complémentaire citoyenne et compétitive sous le contrôle de citoyens financièrement inclus et solidaires. Nous monétiserions ainsi nos économies locales en complétant ce que le système monétaire officiel n’arrive pas à réussir tout en le laissant jouer son rôle de relais par rapport aux circuits nationaux et internationaux. Il s’agirait là d’un compromis patriotique et progressiste qui dépasse le statu quo et fédère les positions.
Nous avons la chance dans l’UEMOA d’avoir une banque centrale commune, une unité de compte commune, et des réserves de change totalement centralisées mais nous n’avons pas de complément à ce système pour nos communautés de base. C’est-à-dire, des monnaies et des systèmes financiers nationaux au service des économies nationales, la majorité de nos populations étant hors circuit. Les expériences de monnaies complémentaires à travers le monde (WIR Bank, Britol Pound etc.), et l’expérience de l’Irlande et de l’Ecosse où la monnaie physique qui circule n’est visuellement pas la livre sterling, nous démontrent qu’on peut avoir une monnaie nationale complémentaire à côté d’une monnaie officielle en y ajoutant notre propre touche. Notre propre touche serait de faire de cette monnaie complémentaire, une monnaie nationale citoyenne solidaire mais institutionalisée comme les DTS n’ayant pas cours légal et libératoire afin de faciliter les échanges nationaux comme les DTS facilitent les échanges internationaux. A défaut, il faudra que chacun de nos pays ait sa propre monnaie pour accompagner l’émergence et le progrès social à travers l’Etat si les citoyens ne sont pas financièrement inclus ou si seuls les étrangers ont accès au capital en monnaie officielle ou en devises.
La BCEAO, allant dans le sens des autres banques centrales semble ouverte depuis 2020 à aménager des espaces d’innovation pour les FINTECH qui ne peuvent être régies par la réglementation existante. Ce n’est qu’en sortant des sentiers battus qu’on pourra assoir « une culture du produire et du consommer local » que nous n’avons pas réussi depuis 1960 dans notre architecture économique et monétaire actuelle handicapée.
C’est cette vision de rupture qui accompagnerait une nouvelle politique de décentralisation que l’ancien Premier ministre Mamadou Lamine Loum avait apprécié ainsi qui suit : «Le projet CEFDEL/MRLD prolonge la préoccupation et les orientations des conclusions des Assises Nationales du Sénégal privilégiant une rupture des paradigmes de gestion économique, la priorité d’une décentralisation plus approfondie et plus développementale, l’exigence d’un équilibre territorial autour de pôles économiques dynamiques, le ressourcement par nos valeurs propres valorisant l’autonomie, l’éthique et l’équité, le culte de l’effort et du dépassement » . Nous nous proposons de relever ce défi avec les sénégalais et la classe politique opposition comme pouvoir avec une nouvelle FINTECH prête pour expérimentation à l’échelle de villes sous peu (www.sofadel.com).
Librement.
par Ibrahima Silla
L’INSULTE N’EST-ELLE QUE LA CONTINUATION DE LA POLITIQUE PAR D’AUTRES MOYENS ?
Savoir polémiquer sans être insultant requiert un tact réservé aux grands rhéteurs et polémistes qui savent tuer verbalement l’adversaire par de petites phrases assassines, sans être vulgaire ni grossier
Les appels du président du Conseil Constitutionnel sénégalais, lors de la prestation de serment du président nouvellement réélu en 2019, en faveur de la promotion d’une éthique langagière chez les acteurs politiques avaient sonné comme l’expression d’une nécessité de réconcilier la parole publique et le discours politique avec la courtoisie, la politesse et la cordialité, qualités et principes de civilité indispensables pour assurer la cohabitation des différences partisanes ou idéologiques.
En effet, le droit d’insulter ne figure pas parmi les libertés, notamment d’expression, garanties par la Constitution, même si l’insulte tend à se banaliser dans les habitudes citoyennes et politiques tolérées, tant qu’elles ne s’adressent pas aux autorités religieuses, détentrices de fatwas expéditrices sans autre forme de procès. La loi de la République n’est pas apparemment toujours la meilleure. La volonté du Sage tend malheureusement à s’effacer derrière la témérité de l’insulteur de la République qui se croît dans une République des insulteurs
Vœu louable du juge constitutionnel mais peine perdue du fait des insulteurs de la République. Devenir blessant, outrageant, méchant, grossier et vulgaire, en s’écartant de l’objet de la querelle ou du débat pour se tourner vers l’interlocuteur, se défouler et s’en prendre d’une manière ou d’une autre à sa personne, est devenue une pratique courante.
Ce n’est pourtant pas la première fois que les « projectiles verbales » ou « langages à la marge » s’invitent dans le débat politique. Jadis, le tribun insultait sans même en donner l’impression. Il le faisait avec tout un art subtil et souvent humoristique qui fascinait les amoureux de la langue. Savoir polémiquer sans être insultant requiert un tact réservé aux grands rhéteurs et polémistes qui savent tuer verbalement l’adversaire par de petites phrases assassines, sans être vulgaire ni grossier.
Aujourd’hui, de l’arène politique à l’arène médiatique ou numérique, l’injure se pratique de manière plus libre. L’injure n’est pas seulement le fait de citoyens marginaux isolés et non maîtrisables abusant de manière inadéquate, excessive et indécente de leur « liberté d’expression » qui peut occasionner du tort ou de la nuisance du fait de sa gravité. Elle est présente à l’Assemblée nationale, lieu par excellence du débat républicain et démocratique. Elle est aussi le fait de députés du peuple, de ministres de la République, de personnalités politiques, marabouts, artistes, comédiens et célébrités dont les « dérives langagières » sont reprises, diffusées et partagées sur les réseaux sociaux. Le recours à ce vocabulaire « injurieux » n’est pas toujours le résultat de leurs confrontations et désaccords politiques. Insulter devient une mode et même d’une planification partisane pour préserver ou discréditer l’image du pouvoir et à l’inverse de l’opposition. Il ne faut pourtant pas y voir le résultat d’un processus de politisation négative ou une vertu participative et délibérative susceptible d’éclairer les opinions. L’insulte ne nous apprend rien de nouveau ni de plus sur ce que nous savions déjà.
L’espace numérique, en particulier, a mis en scène les « insultivistes » (contraction d’insulteurs et activistes jouissant paradoxalement de l’attraction et du rejet dans une société qui n’a cessé de montrer à la fois son aversion et sa passion pour l’insulte. Les marginaux de la langue ne courent pourtant pas le risque de l’exclusion et de dé-légitimation politique qui ne se limite qu’au conseil éthique du parti. En effet, ils sont même adulés et deviennent même des célébrités que les médias s’arrachent pour alimenter leurs émissions et nourrir les débats. Il en ressort, dans les ateliers des partis et mouvements politiques, voire même du pouvoir, une initiation discursive de militants recrutés, entrainés, formatés et affectés à l’insulte physique ou numérique, conformément à une stratégie d’occupation planifiée des plateformes numériques, où se jouent de plus en plus, les enjeux politiques de la réputation, de la tarification et de la légitimation.
Derrière nombre de quotidiens, de journaux de chaînes de radios et de télévisions, de presses en ligne se trouvent des chefs de partis ou de mouvements qui ne cachent pas leur positionnement et leurs ambitions politiques. L’insulte se présente pour eux comme un outil de soutien, de contestation, d’expression de la colère, d’un mécontentement ou d’une frustration. Insulter devient ainsi un moyen de faire entendre en pratiquant le militantisme par l’insulte
L’insulte assumé ou anonyme se présente faussement comme un argument plus éloquent que la courtoisie au regard du nombre de vues, de likes et de commentaires par un rapport par exemple à un pertinent article universitaire, journalistique ou militant dûment signé et publié. L’insulte au regard du résultat qu’il produit sur le champ de la communication politique n’est apparemment pas contre-productive. Choisi comme moyen de dénonciation des abus et scandales du pouvoir en place ou de neutralisation l’opposition, l’insulte s’accommode tant bien que mal à la démocratie.
L’insulteur politique s’accommode de ses avantages que lui procurent les menaces. En insultant, il prend à témoin l’ensemble du corps social. Il assume une volonté d’enfreindre la loi, d’être dans la transgression de l’interdit ; ce qui peut être perçu comme un acte de résistance et de défiance vis-à-vis de l’autorité qui, du coup, n’ayant plus toujours les moyens juridiques de sanctionner, se voit contrainte d’inventer de nouvelles réformes destinées à traquer les insulteurs qui officient notamment sur le numérique où les lâchetés anonymes ont élu domicile.
L’injure ne révèle pas seulement un désir de défoulement citoyen, dénué de toute visée politique. L’art de capter par l’injure tend à se substituer aux beaux discours convenus qui cherchent à conjurer et à porter la réplique à l’injure captivante et valorisée politiquement. Le processus de pacification de la vie politique n’a pas réussi à remplacer la violence physique par le débat démocratique contradictoire respectueux, argumenté et poli.
La classe politique, cible privilégiée des insulteurs, n’est apparemment pas totalement désorientée. Elle semble désormais être décidée à vivre avec le virus de l’injure. Elle adopte la stratégie de l’indifférence discursive qui fait que le silence devient comme un refuge et un moyen de faire oublier ; de se faire oublier pour faire taire.
APRÈS LA PANDÉMIE, LE RÉVEIL DE L'AFRIQUE
L’on a rarement vu l'Occident en si piteuse posture. Est-ce à dire que les lendemains sont déjà en train de chanter ? Il faudrait pour cela, que dans le fameux « monde d’après », Ouattara et Macky se mettent, comme pris de folie, à agir comme Sankara
La pandémie de Covid-19, piteusement gérée par les Occidentaux, a révélé les limites de leur hégémonie. Désormais, l’Europe et les États-Unis ont perdu leur autorité morale. Mais un ordre international plus juste reste à imaginer. Pour l’Afrique, ces événements réveillent le sentiment d’un destin commun et une certaine combativité. Les obstacles restent nombreux.
Au cours des trois dernières décennies, le monde a plusieurs fois redouté une pandémie – syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), grippe H1N1, Ebola. Finalement, les inquiétudes ont toujours dépassé la menace. C’est sans doute cela qui a empêché de prendre à temps la mesure du danger que représentait le nouveau coronavirus SRAS CoV-2. Peut-être ne sera-t-il pas aussi meurtrier que la grippe espagnole de 1918, mais son impact économique promet d’être plus dévastateur. De manière assez curieuse, la réflexion à chaud se focalise davantage sur l’après-pandémie que sur la pandémie elle-même. La lutte contre le Covid-19 en cache une autre, encore feutrée mais déjà bien plus féroce, pour le contrôle, dans les années à venir, des ressources et des imaginaires sur toute l’étendue de la planète.
L’Afrique aussi est en ordre de bataille, et la lettre ouverte adressée aux décideurs africains par une centaine d’intellectuels allant de Wole Soyinka et Cornel West à Makhily Gassama et Djibril Tamsir Niane, le 1er mai 2020, a eu un écho exceptionnel (1). Plutôt que de se résigner à lancer une pétition de plus, ses initiateurs (Amy Niang, Lionel Zevounou et Ndongo Samba Sylla) veulent transformer les mots en actes, raison pour laquelle ils ont élargi leur appel aux scientifiques africains. Sur un continent où presque tout est à refaire, de patients guetteurs d’aube ont pour ainsi dire accueilli la pandémie à bras ouverts, allant jusqu’à y voir une « chance historique »…
La pandémie a rendu l’Afrique plus consciente de sa vulnérabilité et de son insignifiance aux yeux du monde. Elle lui a permis de constater, concrètement, que dans les grandes tragédies humaines on ne peut s’en remettre à personne pour son salut. En effet, si le fléau a frappé tous les pays en même temps, ceux-ci n’ont pas fait bloc pour lui résister. Bien au contraire, les égoïsmes nationaux ont très vite pris le dessus sur le réflexe de solidarité. Le continent africain, dépendant des autres pour presque tout, a rapidement compris que s’étaient accumulées au fil des ans les conditions de sa propre destruction. C’est tout simple : si le virus qui a mis à genoux de riches pays occidentaux avait été aussi létal en Afrique, l’hécatombe annoncée y aurait très certainement eu lieu.
Cependant, même si elle leur a asséné un violent coup sur la tête, les Africains n’ont pas attendu cette pandémie pour rêver, selon l’injonction césairienne, de « recommencer la fin du monde (2) ». Le moment semble d’autant plus propice que l’on a rarement vu les puissances occidentales en si piteuse posture. Le contexte historique rappelle, toutes proportions gardées, les lendemains de la seconde guerre mondiale. Sur ces lieux de pure vérité humaine que sont les champs de bataille, les soldats africains ont vu s’effondrer le mythe de la toutepuissance du colonisateur. Ils y ont également découvert les luttes des autres peuples et mieux compris les mécanismes de leur propre oppression. Libérateurs de l’Europe, débarrassés du complexe de l’homme blanc, devenus des acteurs politiques de premier plan, ils ont été au coeur de toutes les batailles pour l’indépendance.
Quelque chose du même ordre pourrait bien être en cours depuis la chute du mur de Berlin.
Le terrain de jeu de l’armée française
Voilà en effet une vingtaine d’années que l’Occident n’inspire presque plus ni peur ni respect à tant de nations pourtant encore sous son joug. Les guerres d’Irak et de Libye sont passées par là, qui lui ont fait perdre le peu d’autorité morale dont il pouvait encore se prévaloir. Il serait excessif de dire que la pandémie lui a donné le coup de grâce, mais elle est en train d’en faire un grand blessé. Ce sentiment est si répandu que, d’Allemagne, où la crise sanitaire semble pourtant bien mieux maîtrisée que chez ses voisins, une amie peut lâcher au téléphone : « L’Occident est en train de s’effondrer, je suis surprise d’être témoin de cet événement, car je ne pensais pas que cela arriverait de mon vivant. » Elle est ensuite partie d’un bref éclat de rire où j’ai senti un mélange de dégoût et de gaieté. Je me suis toutefois bien gardé de lui dire le fond de ma pensée : le fléau ne va pas susciter du jour au lendemain un nouvel ordre mondial, plus juste et plus équilibré. Il n’en a pas moins révélé les limites d’une hégémonie occidentale apparemment
sans partage.
Tout d’abord, lorsque la pandémie éclate, un certain Donald Trump est depuis trois ans président des États-Unis d’Amérique, pays leader – encore que de plus en plus réticent – du bloc occidental. Les hommes ne font certes pas l’histoire, mais il semble bien que ses desseins épousent souvent, pour se réaliser, les contours d’une destinée singulière. Il se pourrait bien que le président Trump soit pour l’Occident moins un accident qu’un symptôme : celui de son lent déclin. Ce n’est pas non plus un hasard si l’autocrate Viktor Orbán, partisan de la théorie du « grand remplacement », est aux commandes en Hongrie. De crispations identitaires en ressentiments, son exemple pourrait faire tache d’huile en Europe. Faut-il, dans le même ordre d’idées, évoquer le Brexit, tout sauf un anodin coup de canif contre le projet européen ?
On comprend mieux pourquoi tant de dirigeants du Sud osent aujourd’hui s’en prendre ouvertement au Nord. En visite au Ghana en décembre 2017, le président Emmanuel Macron s’entend dire par son hôte de dures vérités sur l’aide au développement (3) ; au Zimbabwe, l’ambassadeur américain vient d’être sommé de s’expliquer sur l’affaire George Floyd, et l’Union africaine a fustigé en termes très durs les brutalités policières contre les Noirs aux États-Unis. Le président sudafricain Cyril Ramaphosa n’a pas hésité
à déclarer que « l’assassinat de Floyd ravive les plaies des Noirs sud-africains».
Mais, pour significatifs qu’ils soient, ces mouvements d’humeur n’ont jamais paru mettre en cause le rapport de forces entre l’Afrique et des pays occidentaux aimant se présenter comme ses bienfaiteurs. On aura d’ailleurs remarqué que de tels sursauts d’orgueil sont surtout le fait des anciennes colonies britanniques ou portugaises, qui, elles
au moins, peuvent se targuer d’un minimum de souveraineté.
Ce n’est pas le cas des pays africains francophones, où, depuis soixante ans, l’ancienne puissance coloniale impose son autorité de manière quasi directe. On dit souvent que, pendant la guerre froide, la Central Intelligence Agency (CIA) siégeait au conseil des ministres de certains régimes fantoches d’Amérique latine. Ce modèle survit sous une forme atténuée en Afrique francophone, dernier endroit du globe où une puissance étrangère est au coeur des processus de décision, en matière monétaire par exemple. Cette Afrique-là reste, pour la France, un gigantesque réservoir de matières premières. Paris n’y tolère aucune force politique pouvant menacer les intérêts de Total, d’Areva ou d’Eiffage. Le continent offre le terrain de jeu favori de l’armée de l’Hexagone, qui y est intervenue des dizaines de fois depuis 1964 – année de la première intervention militaire française en Afrique subsaharienne (au Gabon) après les indépendances de 1960. Le contraste est frappant avec Londres, qui n’a jamais déployé de troupes dans ses ex-colonies africaines.
Voilà pourquoi on a eu l’impression d’un basculement le jour où le président Macron s’est publiquement emporté contre ce qu’il a appelé «des sentiments antifrancais en
Afrique». C’est qu’il a eu le temps de se rendre compte qu’une nouvelle génération d’Africains est résolue à en finir avec cet anachronisme qu’est la «Françafrique». Le fait qu’on retrouve en première ligne de ce mouvement de révolte des stars planétaires comme Salif Keita ou Alpha Blondy, Tiken Jah Fakoly ou le cinéaste Cheick Oumar Sissoko, en dit la profondeur. Le grand Richard Bona avait annulé, en février 2019, un concert àAbidjan (Côte d’Ivoire) pour protester contre le franc CFA, se promettant d’ailleurs de ne plus se produire dans un pays où cette monnaie aurait cours. Il faut aussi prendre en compte de nouvelles formes de radicalisation politique symbolisées par les mouvements France dégage, dont M. Guy Marius Sagna est une figure de proue, et Urgences panafricanistes, de M. Kemi Seba (4).
C’est donc dans un contexte où les esprits étaient déjà surchauffés qu’est intervenue la pandémie.
Chacun a pu constater avec stupéfaction l’incapacité de l’Europe et des États-Unis – si prompts à prétendre se porter au secours des autres – à secourir leurs propres citoyens. Quelle ne fut pas la surprise de beaucoup à les entendre se plaindre, toute honte bue, de leur dépendance envers Pékin. Et ce que Le Canard enchaîné a appelé « la guerre des masques » laissera sûrement des traces dans les mémoires. Si c’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon, la pandémie a mis à nu un colossal fiasco.
Cela a réveillé chez les Africains un sentiment d’appartenance qui, au fond, ne les a jamais quittés. C’est très visible depuis quelques semaines. On dessine à qui mieux mieux les contours de l’« Afriqued’après». J’entends encore l’historienne Penda Mbow me recommander un texte d’Hamadoun Touré avant d’ajouter : «Tu verras, nous disons tous la même chose en ce moment!» Ce «nous» chargé d’une discrète émotion me frappe tout particulièrement. Et ce qui se dit et se répète, c’est que pour l’Afrique l’heure de toutes les souverainetés a sonné. C’est pour en finir avec une certaine servilité que plusieurs États (Burundi, Maroc, Guinée-Équatoriale) ont bravé des interdits de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) – concernant la prescription d’hydroxychloroquine, par exemple. Madagascar, elle, est allée jusqu’à fabriquer son propre remède, le Covid-Organics, à base d’artemisia. C’est aussi la première fois que les mauvais traitements infligés en Chine aux Négro-Africains ont suscité des protestations officielles aussi vives. L’ambassadeur de Chine à Abuja (Nigeria) a été sommé de s’en expliquer dans des conditions humiliantes.
L’instinct de survie est pour beaucoup dans ce regain de combativité. Compter sur les autres pour se nourrir ou se soigner, c’est s’exposer au risque de mourir de faim ou de maladie. Voilà pourquoi l’autosuffisance alimentaire et la rationalisation de la pharmacopée africaine sont au centre de tous les débats. Mais c’est dans la presse en ligne et sur les réseaux sociaux que l’on sent, pour reprendre le mot du journaliste et consultant René Lake, que « le couvercle a sauté ».
Un virus qui ne fait pas le printemps
Cette prise de parole à la fois sauvage et massive concerne surtout la jeunesse : sur plus d’un milliard d’Africains subsahariens, 70 % ont moins de 30 ans. Il s’agit donc là d’une formidable secousse politique.
Est-ce à dire que les lendemains sont déjà en train de chanter ? Certainement pas. Il faudrait pour cela que, dans le fameux « monde d’après », les présidents Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) et Macky Sall (Sénégal) se mettent, comme pris de folie, à penser et à agir comme Thomas Sankara. La « Françafrique » ne doit du reste pas sa longévité au seul contrôle du personnel politique. Elle est aussi d’une redoutable efficacité dans la gestion de proximité, quasi nominative, d’intellectuels et d’hommes de culture
transformés en zombies. Nombre de ceux qui disent en ce moment piaffer d’impatience aux portes du monde nouveau sont en fait de farouches partisans du statu quo.
C’est du reste pour laisser passer l’orage que les présidents Sall et Macron ont lancé le débat sur la dette. Le premier a accepté le mauvais rôle : mendier les faveurs financières des dirigeants occidentaux au moment même où ceux-ci étaient si occupés à compter leurs morts. En agissant ainsi, il s’est exposé – et a exposé l’Afrique – au mépris des chefs d’État du Nord.
Ce type de débat avait en outre pour le président Macron l’avantage d’enferrer tout un continent dans les schémas du « monde d’avant », un monde où l’aide à l’Afrique est l’un des plus sûrs attributs de la puissance, fantasmée ou réelle, de l’Europe. Inutile de dire que ce sentiment est encore plus enivrant lorsqu’on est en plein désarroi.
L’Afrique d’aujourd’hui n’a presque plus rien à voir avec celle des indépendances. C’est pourquoi l’idée qu’elle essaie dès à présent de résoudre ses problèmes dans un même élan est de moins en moins réaliste. Le scénario le plus plausible est celui de réussites isolées sur le modèleduRwanda, du Ghana et de l’Éthiopie.
Habituée àsepenser commeuntout, l’Afriquereste pourtant le continent des lieux lointains :dufait de la quasi-inexistence de moyens de transportcontinentaux dignes de ce nom, l’on yvoyage plus souvent de Lagos à Londres ou New York que de Lomé à Maputo. Le cloisonnement qui en résulte rend presque impossible, à l’heure actuelle, toute action commune. Il pourrait même expliquer une torpeur parfois très embarrassante. C’est le cas en ce moment où, de Tokyo à Bruxelles et de Sydney à Séoul, le monde entier manifeste sa solidarité aux Afro-Américains. L’ Afrique est totalement restée à l’écart de ce mouvement antiraciste planétaire. Le premier ministre canadien s’est agenouillé
pendant plus de huit minutes en hommage à George Floyd, mais aucun président africain n’a cru devoir en faire autant. Cette absence au monde en une occasion où on
devrait être au centre de toutes les initiatives est un signe qui ne trompe pas.
Mais, s’il est entendu qu’un virus ne saurait à lui seul faire le printemps africain, l’effervescence actuelle ne doit pas non plus être sous-estimée. Elle pourrait, à terme, aider l’Afrique à «basculer définitivement sur la pente de son destin fédéral», comme l’y invitait Cheikh Anta Diop, en ajoutant avec une lucidité quelque peu désespérée : «Ne serait-ce que par égoïsme lucide. »
Cela prendra quand même un peu de temps, ce sera affaire autant de passion que de patience.
(1) Cf. Bacary Domingo Mane, « Covid-19 : Des intellectuels africains interpellent les dirigeants du continent », MondAfrik, Dakar, 1er mai 2020, https://mondeafrik.com
(2) Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, Bordas, Paris, 1947.
(3) Lire Anne-Cécile Robert, « Diplomatie funambule », dans Manière de voir, n° 165, « France-Afrique, domination et émancipation », juin-juillet 2019.
(4) Lire Fanny Pigeaud, « Présence française en Afrique, le ras-le-bol », Le Monde diplomatique, mars 2020.
Le nombre de cas graves a doublé en quinze jours. La quinzaine qui vient de s’écouler a mis en évidence un nombre quotidien croissant de cas graves avec une petite fluctuation entre le vendredi 26 juin et le dimanche 28 juin 2020.
Le nombre de cas graves a doublé en quinze jours. La quinzaine qui vient de s’écouler a mis en évidence un nombre quotidien croissant de cas graves avec une petite fluctuation entre le vendredi 26 juin et le dimanche 28 juin 2020.
La première semaine de cette quinzaine a vu les cas graves passer de vingt et un (21) à vingt sept (27) soit une hausse de six (6) cas graves tandis que la seconde semaine a fait passer les cas graves de vingt sept (27) à quarante huit (48) soit une hausse de vingt et un cas graves (21).
Cette dernière semaine a non seulement consolidé une croissance journalière ininterrompue des cas graves mais a aussi amplifié leur ampleur. D’une hausse de six (6) cas graves en fin de l’avant dernière semaine, elle est passée à vingt et un (21) aujourd’hui en fin de semaine soit une multiplication par 3.5.
Dans cette dernière quinzaine la première semaine a enregistré une moyenne de trois (3) décès par jour tandis que la deuxième semaine a vu cette moyenne s’accroître et s’établir à quatre (4) décès par jour. Cette tendance, d’accroissement journalier des cas graves, amorcée depuis quinze jours, aura des conséquences certaines sur le nombre de décès des quinze jours à venir et des semaines suivantes.
La question essentielle est : comment briser cette rampe mortelle qui s’est installée ? Car si elle n’est pas enrayée, très bientôt nous aurons à faire face à une réalité plus macabre, compter quotidiennement une dizaine de décès voire plusieurs dizaines de décès. Regardons la réalité en face. Il n’y a pas jusqu’à présent de médicaments et de vaccins contre la covid19 !
La seule véritable arme dont nous disposons est la prévention. Elle est mise en action à travers la sensibilisation, l’appropriation des mesures barrières par les individus et les communautés, la détection précoce des cas positifs et de leurs contacts et leur isolement pour éviter la propagation du virus, les mesures administratives intelligentes et multiformes que doivent prendre les pouvoirs publics pour enrayer la chaîne de transmission ou étouffer dans l’œuf les foyers réels et potentiels de la maladie, la mise à niveau du système de santé et la motivation du personnel de santé.
Au début de la pandémie, la plupart des Chefs d’État avaient fermement parlé d’une déclaration de guerre, malheureusement au fur et à mesure que la pandémie progressait, la survie économique et sociale prenant le dessus, les autorités des différents pays sont devenues pacifistes presque collaborationnistes, et les opinions publiques ont eu du mal à comprendre les nouveaux messages à la fois plus subtiles et plus ambigus.
Une frange des opinions publiques en a déduit que le virus n’était plus dangereux, ne tuait plus, jusqu’à même nier son existence. L’autre frange s’est démobilisée abandonnant les mesures barrières ou les appliquant avec beaucoup de légèreté. Seule une minorité a continué à être consciente du danger que représente la covid19.
Le Sénégal n’est pas malheureusement une exception. Nous faisons, avec nos particularités enviables ou détestables, ce que font les autres, ailleurs. Attendons-nous alors de vivre, à notre échelle, certes atténuées par le profil démographique de notre population, des situations comparables, celles qu’ont vécu certains pays européens ou celles que d’autres pays d’Amérique sont en train de vivre en face de nous sur l’autre rive de l’Océan Atlantique. Les populations africaines sont résilientes. Elles l’ont démontré dans leur longue et tragique histoire.
Le traumatisme du naufrage du bateau le Joola a du mal à se cicatriser. Une tragédie d’une ampleur incomparable se prépare : l’extermination des vieilles personnes par la covid19. Nous avons l’avantage de la voir venir, de sentir ses prémices, certains d’entre nous la vivent déjà. Bientôt, si nous n’y prenons garde, chaque famille aura, malheureusement, une personne proche atteinte de covid19 ou connaîtra une vieille personne décédée suite à la maladie. Sommes-nous prêts à conjurer cette catastrophe humaine, économique, sociale et culturelle? Sommes-nous disposés à voir nous quitter, une à une, ces vieilles personnes que nous chérissons par dessus tout, que nous adorons, qui embellissent le foyer familial, y apportent gaieté et humour, y partagent connaissances et expériences !
Aucune africaine et aucun africain ne le souhaitent, les sénégalais encore moins. Il est alors temps de se remobiliser à tous les niveaux et d’appliquer rigoureusement, quotidiennement les mesures barrières. Il nous faut aussi lutter fortement contre les effets collatéraux néfastes de la covid19 :
- en respectant pour les enfants le programme élargi de vaccination ;
- en faisant les visites prénatales et postnatales pour les femmes en état de grossesse ;
- etc.
Cette pandémie ne devrait pas être le facteur de résurgence d’épidémies déjà maîtrisées ou de la remontée de la mortalité maternelle liée à la grossesse. Pensons aux vieilles personnes et aux autres personnes vulnérables. Appliquons les recommandations des autorités de la santé. Unis et engagés, nous vaincrons !
Pr Mary Teuw Niane
Ancien ministre
par Babacar Touré
MARÉCHAL, NOUS VOILÀ
On croyait révolu le temps des dictateurs loufoques, mais voilà qu’ils reviennent hanter notre mémoire. Idriss Deby ressuscite les âmes damnées de la deuxième moitié du 20è siècle marquant nos indépendances martyrisées
«Passé-Présent», une ancienne rubrique de Sud, est remise au goût du jour et à votre appréciation, chères lectrices et chers lecteurs. Passé/Présent, comme son titre l'annonce, puisera dans nos archives, dans notre mémoire individuelle et collective, des éléments d’informations, d’analyse et de compréhension du passé, lointain et récent, pour lire le présent et projeter l'avenir. Pour ce retour au Présent, Sud Quotidien a passé commande à un ancien, le Président Babacar Touré, pour inaugurer la rubrique. Le prétexte, l'annonce de l'élévation du Président Idriss Deby, au grade et titre de "Maréchal du Tchad, Président de la République, chef de l'État", à l’écrit et « Maréchal » à l’oral » (sic) à comme nous l'apprend un communiqué officiel des services de la Présidence de la République tchadienne
On croyait révolu le temps des dictateurs loufoques, mais voilà qu’ils reviennent hanter notre mémoire. Idriss Deby ressuscite les âmes damnées de la deuxième moitié du vingtième siècle marquant nos indépendances martyrisées par des soudards, soldats d’opérette et autres saltimbanques.
L’Afrique dite des Indépendances s’est illustrée autant par d’authentiques dirigeants (Modibo Keïta, Mamadou Dia, Kwamé Nkrumah, Gamal Abdel Nasser, Patrice Lumumba, Sylvanius Olympio, Julius Nyéréré, Kenneth Kaunda, Ahmed Ben Bella, Sékou Touré) et dans un registre plus conciliant avec les anciennes puissances coloniales (Léopold S. Senghor, Houphouët Boigny, Habib Bourguiba, Hamani Diori, Moctar Ould Daddah, Sangoulé Lamizana, Hastings Banda). Tous ont connu des fortunes diverses, mais n’en n’ont pas été moins emblématiques de l’histoire et de la quête de nos indépendances avortées.
A côté de ces icônes, des tyranneaux de village dont les frasques retentissent encore dans nos mémoires, sont satellisés et réduits en marionnettes désarticulées par des officines et des services de renseignements occidentaux, dans le souci d’aliéner les esprits et les ressources, tout en annihilant l’estime de soi et les velléités d’affirmation d’une véritable identité et d’une conscience africaines modernes, émancipatrices et traitant avec le reste du monde sur un pied d’égalité. Ils sont presque tous issus des armées coloniales, ont fait peu ou pas d’études, sans légitimité et avides de reconnaissance, exerçant un droit de vie et de mort sur des populations dépouillées. Sous l’impérium de leurs parrains auxquels ils parviennent souvent à échapper. Véritables mégalomanes, narcissiques et sociopathes paranoïaques.
En haut du tableau de chasse de la Françafrique triomphante, un triste sire, soldat perdu de la coloniale, Jean Bedel Bokassa, qui, après s’être autoproclamé Maréchal, Président à vie, avait entrepris de se (faire) couronner Empereur, avec le parrainage actif, intéressé et paternaliste de Valéry Giscard d’Estaing, président de France et de Navarre (27mai 1974- 21 mai 1981). On vous passera les “détails” du sacre burlesque de celui que le général De Gaulle avait surnommé le « soudard », c’est-à-dire un homme de guerre brutal et grossier. La cérémonie fastueuse, devant 5000 invités-spectateurs au palais des sports de Bangui en présence du ministre français de la coopération, Robert Galley ; aucun chef d’État du continent n’a voulu y prendre part, laissant ce Napoléon des tropiques à la merci de Valéry Giscard d’Estaing (VGE) qu’ ‘il appelait familièrement “mon parent “.
La rumeur insinue qu’après avoir empoché des diamants offerts par le nouvel empereur, VGE poussera l’esprit de famille jusqu’à se faire border par l’impératrice Catherine, l’élue anoblie parmi les dix-sept épouses reconnues de l’empereur. Ce qui devait arriver arriva. L’affaire des “ diamants “ de Bokassa révélée par l’hebdomadaire satirique français “Le Canard enchaîné”, finit par achever le président Giscard, auquel succédera le socialiste François Mitterrand en mai 1981. Auparavant, il se vengera de Bokassa en le faisant destituer, emprisonner et remplacer par son cousin David Dacko, revenu au pouvoir à la faveur de l’opération “Barracuda”, déclenchée à partir de Ndjamena par la France.
MOBUTU, UN DICTATEUR ADOUBE PAR L’OCCIDENT
« Mobutu, Roi du Zaïre », titre d’un film documentaire éponyme réalisé par un cinéaste belge campe bien le personnage de ce Ubu tropical. Cornaqué par la CIA qui l’aide à réaliser son coup d’État, le colonel Joseph Désiré Mobutu fait arrêter, torturer et exécuter en janvier 1961, son patron et bienfaiteur, le Premier ministre Patrice Lumumba, accusé de « sympathie communiste », qui l’avait pris dans son gouvernement en qualité de secrétaire d’État. Le lumumbiste Pierre Mulele et ses camarades qui avaient animé la résistance et contrôlé une bonne partie du territoire du Congo-Léopoldville furent capturés et exécutés, avec l’aide des Américains et des Belges qui aidèrent leur fantoche à obtenir une victoire militaire sur les partisans du héros de l’indépendance. La dictature féroce de celui qui deviendra Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga -le guerrier qui va de victoire en victoire sans que personne ne puisse l’arrêter- se drapera du manteau de l’Authenticité.
Le pays, la monnaie comme le fleuve (Congo) qui lui a donné son nom, sont rebaptisés Zaïre. Mobutu étrenne ses galons et son bâton de Maréchal- “Papa Maréchal “ pour la populace. S’ouvre alors un cycle de répression et de représailles sans précédent. Exécutions extrajudiciaires, pendaison publique de quatre anciens ministres dont un ex-premier ministre, Evariste Kimba, accusés à tort de complot. Des étudiants sont la cible des escadrons de la mort, abattus sauvagement, leurs corps jetés dans le fleuve ou dans des fosses communes. Un régime de terreur s’abat sur le pays du dictateur adoubé par l’Occident et reçu jusque dans la Chine de Mao. Mobutu s’érige en défenseur de toutes les mauvaises causes, celles de l’apartheid, de la domination portugaise en Angola et au Mozambique comme celle anglaise, en Rhodésie (actuel Zimbabwe) et de leurs suppôts locaux au nom d’un anticommunisme pro- impérialiste contre les mouvements de libération et les progressistes africains. Il initie la Ligue des Etats Noirs d’Afrique à laquelle ses homologues n’adhèrent pas. Il échappera de peu à la débâcle suite aux deux guerres qui ont éclaté dans la province du Shaba, sur fond de rébellion à caractère ethnique mais également en réaction contre la dictature du kleptocrate ayant confisqué les libertés en même temps que les énormes ressources du pays. Ne dit-on pas que le pays est un « scandale géologique » ! Forêts, or, étain, diamant ou encore coltan (composant pour les circuits électroniques), se concentrent dans ce territoire grand comme quatre fois la France et quatre-vingt fois la Belgique ! Là, comme en Centrafrique, il aura fallu l’intervention de Giscard pour sauver la situation en larguant une légion de paras sur Kolwezi. L’Ogre se retrouvera affaibli par le cancer et les coups de boutoir du révolutionnaire attardé, Laurent Désiré Kabila, converti au libéralisme après un projet mort-né de guérilla de type guevarocastriste désavoué par le Che lui-même, en “visite de terrain», peu convaincu de la volonté et des aptitudes des “maquisards” dépenaillés et de leurs chefs fêtards. Kabila, père et fils, en lui succédant feront à peine “moins pire” que le despote illuminé de la zaïrianisation, version “Abacost “(A bas le costume) et bonnet léopard.
IDI AMIN DADA, LE SOUDARD DE LA COLONIALE
Dans la sinistre galerie des dictateurs, trône la figure du bouffon sanguinaire, Idi Awo-Ongo Angoo à l’état civil, tristement célèbre sous le nom d’Idi Amin Dada. Comme son homologue Bokassa Jean Bedel, devenu Salah Eddine Ahmed Bokassa après une conversion à l’Islam politiquement motivée, Idi Amin portera son nom hérité de son père Andréas, catholique de l’église romane ayant embrassé la religion musulmane.
Serviteur zélé au service de l’armée de Sa Gracieuse Majesté, la Reine d’Angleterre, Amin Dada se révèlera brutal et sanguinaire. Il participera à réprimer la révolte des Mau-Mau, au Kenya, entrés en rébellion contre la politique foncière de l’occupant britannique. On estime à plus de trois cents mille, les personnes massacrées par l’armée coloniale parmi les nationalistes Kikuyu. Lourd tribut payé de sang, de ruines et de désolation, avec au bout du (dé)compte, l’indépendance du Kenya sous la direction de Jomo Kenyatta, son premier Président. Sous la bannière d’Uhuru, -liberté en swahili- qui rallia les suffrages des indépendantistes kenyans au-delà de l’espace Kikuyu, enclin à un nationalisme étroit, comme le nom des pics de ce toit de l’Afrique, le Mont Kenya, point culminant de la montagne isolée la plus haute du monde, (à ne pas confondre avec l’Everest, « toit du monde », point culminant de la chaîne des montagnes de l’Himalaya), au pied duquel s’est écrite une des plus belles pages de la résistance africaine, Jomo Kenyatta a commis un texte pénétrant, « Facing Mount Kenya » (Au pied du Mont Kenya, éditions Maspero) qui établit que loin d’avoir été un réflexe identitaire et xénophobe d’un groupe, les Kikuyu, ce fut bien une jacquerie paysanne contre la spoliation de leurs terres, conférant subséquemment un caractère national à la révolte des Mau-Mau. Amin saccage et massacre à tour de bras, au nom de l’ordre colonial, des populations désarmées dont le seul tort est de s’insurger contre les exactions des représentants de la couronne britannique, à la grande satisfaction de ses supérieurs étoilés. Le premier Président de l’Ouganda, Milton Oboté qui a propulsé Idi Amin dans la haute hiérarchie de la nouvelle armée nationale sera contraint de se réfugier en Tanzanie, suite au coup d’État de son ancien protégé. Assassinats, disparitions, persécutions, arrestations arbitraires et tortures marquent le règne de terreur de ce Roi d’Écosse autoproclamé.
Aucun groupe, aucune catégorie sociale ou professionnelle n’échappera à la furie des escadrons de la mort, lancés aux trousses des anciens ministres, des membres de l’intelligentsia, cible privilégiée des dictateurs ignares, des commerçants. Les membres des communautés indienne et pakistanaise établies dans le pays depuis longtemps seront expulsés manu militari, sans préavis. Environ cinquante mille ressortissants de ces deux pays feront les frais de la xénophobie calculée d’Idi Amin.
La Tanzanie du socialiste Julius Nyerere, le Malawi, le Kenya voisin, vont subir les assauts du tyran au point de servir de base arrière aux colonnes d’exilés ougandais et rwandais organisés et déterminés à renverser le dictateur.
Ici aussi, la mégalomanie qui est la marque de fabrique des potentats, a poussé le soudard de la coloniale à se proclamer Maréchal, Président à vie, et bien sûr Roi d’Écosse, se faisant porter à l’occasion par des “sujets blancs”. Image renversée des explorateurs, missionnaires et administrateurs coloniaux et leurs cohortes d’indigènes portant hommes, armes et bagages, s’il en fut !
Comme Bokassa et Mobutu, le chemin de l’exil permit la vie sauve à Amin Dada chassé du pouvoir par les armes, en décembre 1983.
DEBY , LE TITRE, LE COSTUME ET LE BATON DE MARECHAL
Et voilà qu’aujourd’hui, Idriss Deby Itno, comme El hadj Omar Bongo Ondimba, avec qui il partage une remarquable longévité au pouvoir, s’affuble d’une sorte de particule accolée à leur nom, symbole de noblesse ou de personnes anoblies ou encore assimilées à la “fausse noblesse”. En 1982, Idriss Deby, entre triomphalement à Ndjamena, aux côtés de Hissene Habré, soutenu par les Américains et tombeur de Goukouni Oueddei, des légionnaires de Kadhafi et des éléments français d’appui et de renseignements, la tête des Forces Armées du Nord, (FAN), articulées autour du noyau constitué par une coalition de rebelles. Suite à l’éclatement du Gouvernement d’Union Nationale et de Transition (GUNT), Deby, le seigneur de guerre, militaire de formation formaté à l’école de guerre et par les services français, apparait de plus en plus comme un instigateur plutôt que bras armé de toutes les exactions, violations des droits de l’homme face à un Hissene Habré, idéologue et stratège politique dans le viseur de la France.
L’affaire du Commandant Galopin et l’enlèvement de l’anthropologue Françoise Claustre, puis de deux autres Français dont l’époux de cette dernière, Pierre Claustre, quelques mois plus tard et celui d’un ressortissant allemand dans le maquis, finit d’installer le révolutionnaire Hissene Habré, dans le viseur des dirigeants et des barbouzes de l’- Hexagone. Habré est tenu responsable de l’assassinat dans les années 70 du Commandant Galopin venu négocier la libération des otages. Un des otages, un médecin allemand, fut libéré en 1975 contre rançon finalement versée aux ravisseurs. Le pouvoir d’État est conquis par cet intellectuel, diplômé en Droit, en Histoire, en Administration et en Sciences politiques, féru de lecture, dévalisant les œuvres de Fanon, Che Guevara, Mao, Raymond Aaron entre autres, dans sa chambre de la cité universitaire à Paris. Ces péripéties n’ont pas amoindri le soutien de la France aux alliés de circonstance, Habré et Deby, après celui des Etats-Unis pour et après leur prise du pouvoir. Ni pendant la guerre contre le Colonel Kadhafi, suite à l’annexion d’une partie du territoire tchadien connue sous le nom de la bande d’Aouzou et du Nord du pays. Américains et Français appuieront le Tchad pour la reconquête de son territoire spolié. L’armée tchadienne infligera de lourdes pertes à la légion “sahélienne » du Colonel Kadhafi, faisant de très nombreux prisonniers parmi les occupants.
Si les Etats-Unis avaient fait de l’homme fort de Tripoli l’ennemi à abattre à tout prix, et s’appuyaient lourdement sur Habré, unique chef de guerre victorieux du trublion Kadhafi, les Français étaient plus en retrait et n’appréciaient pas trop leur rôle croissant dans ce qu’ils considéraient comme leur zone d’influence par définition. Par une de ces fulgurances de l’histoire, Américains et Français, Barack Obama et Nicolas Sarkozy, se retrouveront ensemble, pour organiser la mise à mort de Kadhafi suite à l’insurrection de Benghazi. Ils ont traqué Kadhafi, avec la notable implication du philosophe français israélite Bernard Henry Lévy et un certain Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal.
Leur homme dans la maison, Idriss Deby, sera désigné en 1990 par les services de renseignements extérieurs français, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) pour remplacer Hissene Habré, avec bien entendu, l’aval du socialiste François Mitterrand. C’est dire que les clivages idéologiques s’estompent en fonction des visées hégémoniques des puissances occidentales, engagées dans une dialectique d’unité et de lutte au gré des intérêts en jeu, et des circonstances de temps et des configurations de lieux. Habré devra son salut à son repli sur le Sénégal, avec son trésor de guerre, après avoir traversé le fleuve Chari. Il sera rattrapé 25 ans plus tard par des événements et des actes survenus au cours de son magistère de huit ans. Jugé et purgeant une peine de prison à perpétuité et d’une amende colossale pour réparation à payer aux victimes reconnus par une juridiction d’exception, à charge et controversée. Ses co-accusés, sont en liberté, après une parodie de jugement organisée par Deby, suspect au moins de non-responsabilité. Même quand les vainqueurs jugeaient les vaincus le tribunal des Alliés a eu à cœur de convoquer à la barre tous les responsables nazis du troisième Reich, après la mort de leur chef Adolf Hitler et de certains de ses collaborateurs. Même démarche unilatérale et partisane empruntée par l’Africaine de service à la Cour pénale internationale qui a poussé la soumission aux desiderata de Nicolas Sarkozy et de son ami Alassane Ouattara jusqu’à instruire à charge contre un seul camp, celui de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et de son compagnon d’infortune Charles Blé Goudé.
Le camp des rebelles auteurs du coup d’Etat et fauteurs de troubles responsables de milliers de morts dans cette guerre civile ivoirienne importée et alimentée depuis le Burkina Faso et la France, a été soigneusement épargné malgré l’engagement formel de la CPI de juger toutes les parties au conflit. Au contraire, Deby est devenu un héros africain. Ses soldats pourtant malmenés au Mali par les djihadistes et au Tchad par Boko Haram, ont perdu de leur superbe et le mythe de leur invincibilité guerrière. La démocratie tchadienne ne saurait souffrir le risque d’alternance tant les dés sont pipés, le monde ayant convenu de s’accommoder des agissements d’un chef de clan considéré comme un rempart efficace contre les illuminés et autres trafiquants enturbannés, tuant et pillant au nom d’un Dieu de leur création. 30 ans de règne sans partage, d’accaparement du pouvoir et des ressources du pays, de répression systématique de toute parole, posture ou acte dissident, le temps est venu de parer l’absolutisme. Le titre, le costume et le bâton de Maréchal couronnent le parcours d’un fils de berger, fasciné par les ors, les ornements, les lambris et les fastes d’une France d’une époque révolue même pour les Français, mais fantasmée par une catégorie d’Africains primitivistes, surgis des âges farouches, revisitant le mythe de Tarzan, à l’envers. Les potentats ne se rendent pas compte à quel point ils peuvent être raillés, sous cape, par les populations qu’ils cherchent à museler. Une blague circule à Ndjamena. Quand on vous demande si vous avez une capacité internet à haut débit, la réponse convenue fuse : « non, à bas Deby ! » Nul doute que le Maréchal du Tchad va être (dé)tourné en dérision par une population qui trouve dans l’humour un antidote à l’humeur massacrante des gouvernants !
* Titre d’une chanson française véritable culte de la personnalité, écrite sous le régime de Vichy, à la gloire du Maréchal Pétain et dont le refrain est : « Maréchal, nous voilà ! Devant toi le sauveur de la France, Nous jurons, nous les gars, De servir et de suivre tes pas, Maréchal nous voilà !