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2 mai 2025
Opinions
par l'éditorialiste de seneplus, Penda Mbow
SOLEYA, GÉNÉROSITÉ À TOUS ÉGARDS
EXCLUSIF SENEPLUS - Sa disparition fait remonter en moi, tant de souvenirs. Lorsqu'on l'entend chanter Mame Guorgui Ndiaye, qui pouvait douter un seul instant du patriotisme de ce monsieur ou déceler chez lui, une once de sectarisme ?
Le décès de Soleya est vraiment une grande surprise pour nous tous. Il fut un homme généreux, un grand militant de la culture. Au début des années 80, alors que Senghor était encore président, nous fûmes tous les deux recrutés à la Direction du Patrimoine avec Lamine Sy à sa tête et le Professeur Assane Seck comme ministre de la Culture. Je peux témoigner ici que ce fut une des plus belles périodes de ce grand ministère.
On y côtoyait de grandes personnalités comme Jean Brière, Papa Ibra Tall, André Seck, Djibril Tamsir Niane, Gérard Chenêt et tant d'autres : un foisonnement d'intelligences. Toutes les sommités s'y retrouvaient, Sembène Ousmane, Alpha Waly Diallo, Younousse Sèye, Bocar Pathé Diongue, Abdourahmane Diop, Jean Pierre Leurs, Alioune Diop, Moustapha Tambadou, Raphael Ndiaye, Pape Massène Sene, Aminata Sow Fall, Ndèye Marième Ndiaye, etc.
Imaginez un peu, la verve et la passion du grand musicologue, muséographe que fut Ousmane Sow Huchard. Sa disparition fait remonter en moi, tant et tant de souvenirs comme ce fabuleux festival de Koras et balafons qu'il organisa au Centre Culturel Français. Lorsqu'on l'entend chanter Mame Guorgui Ndiaye, qui pouvait douter un seul instant du patriotisme de cet homme ou déceler chez lui, une once de sectarisme ?
Je voudrai aussi souligner un autre fait important dans ma relation avec Soleya. Lorsqu'en 2002, je lançai le premier mouvement citoyen et avec comme ambition la conquête de la mairie des HLM, par nos listes citoyennes, Ousmane Sow Huchard avec ses camarades, les Verts sont venus nous prêter leur récépissé, leurs couleurs ; nous ont encadrés, organisé nos meetings et surtout notre campagne citoyenne, de porte- à- porte. On se retrouvait souvent dans son appartement de l'immeuble Diez de la Gueule Tapée, avec nos modiques moyens (c'est le lieu ici de remercier des amis comme Papa Demba Mbaye, Fayçal Sharara) pour développer nos stratégies. Si les politiques, les ténors du PDS (Idrissa seck, Viviane Wade et leurs affidés), n'avaient pas sorti beaucoup d'argent, la mairie des HLM aurait été la première collectivité locale conquise par des indépendants et surtout soutenue par le système des Nations Unies.
Je souhaite que cet homme si généreux, si engagé au service de sa communauté, soit rétribué à sa juste dimension par Dieu le Tout Puissant.
J'imagine Soléya reconstituant au Paradis, un coin des Hommes de culture !
FAUT-IL DÉBOULONNER FAIDHERBE ET DÉBAPTISER LE LYCÉE AMETH FALL ?
L’île de Ndar, baptisée Saint-Louis-du-Sénégal en 1659, du nom du roi de France Louis IX (1227-1270) sous le règne de Louis XIV (1638-1715) est bien le berceau de la colonisation française au Soudan occidental
L’île de Ndar, baptisée Saint-Louis-du-Sénégal en 1659, du nom du roi de France Louis IX (1227-1270) sous le règne de Louis XIV (1638-1715) est bien le berceau de la colonisation française au Soudan occidental. Saint-Louis-du-Sénégal est créée par les Français sous la régence du Cardinal Mazarin (1643-1661) après celle de la reine mère Anne d’Autiche, de 1643 (date de la mort de Louis XIII père de Louis XIV) à 1751.
Les habitants de Saint-Louis-duSénégal ont été très tôt impliqués dans la vie politique française et firent partie des sénéchaussées qui ont envoyé des cahiers de doléances destinés au Roi lors des Etats généraux qui ont abouti à la révolution de 1789. Les «Saint-louisiens» ont bénéficié du statut de citoyen français après cette révolution.
La ville elle-même a obtenu plus tard, en, 1872 un statut spécifique avec les trois autres communes de plein exercice que sont Gorée, Dakar, Rufisque. Ce petit rappel montre que ce centre du commerce des esclaves venus du haut Sénégal-Niger et de la vallée du fleuve depuis le régime des deniyankoobe, associé à celui de l’or, de la gomme arabique et de l’ivoire, est bien la tête de pont de la pénétration coloniale française dans cette partie de l’Afrique, pleinement réalisée sous Louis Léon César Faidherbe (1818-1889) qui fut un conquérant cruel, un grand stratège de l’administration coloniale mais aussi le véritable précurseur des études ethnographiques pour les Africanistes français. Faidherbe est originaire de la ville de Lille au nord de Paris.
Après des études à l’Ecole Polytechnique, il est nommé officier d’artillerie et de génie au début des années 1840 : Lieutenant, Lieutenant-colonel, Colonel, Général de Brigade en 1861 puis Général de division en 1870. Il a servi d’abord en Algérie (1842- 1847), en Guadeloupe (1848-49), de nouveau en Algérie (1849-1852) avant d’être affecté adjoint du gouverneur Protêt à Saint-Louis du Sénégal en 1852, une année avant la naissance de Cheikh Ahmadou Bamba. Il est nommé le 16 décembre 1854 (une année avant la naissance de Elhadj Malick Sy) gouverneur de la colonie du Sénégal.
La colonie sortait d’une longue période d’instabilité due aux tiraillements de sa possession entre les Français et les Britanniques : perdue par Louis XV (traité de Paris 1763), reconquise par Louis XVI (traité de Versailles 1783), perdue encore par les guerres de la révolution française de 1789 et de l’Empire, la colonie est de nouveau restituée à la France sous la Restauration, avec les traités de 1814 et 1815. Cette reprise n’est réellement devenue effective qu’en 1817. C’est dans le processus de la récupération de Saint-Louis qu’est survenu le naufrage de la Méduse le 2 février 1816, au large des côtes mauritaniennes.
La seule présence française sous forme d’occupation en Afrique, n’a débuté qu’en 1830 en Algérie, devenue colonie de peuplement. Pour le Sénégal, les autorités et gouverneurs qui ont devancé Faidherbe, André Brüe plusieurs fois directeur de la Compagnie du Sénégal (1697- 1720), les gouverneurs Schmaltz (1796-1820), le Baron Roger (1822-1827) et Protêt son prédécesseur immédiat, ont juste tenté des expériences agricoles au Walo pour les deux premiers, et théorisé une nouvelle stratégie coloniale, sans jamais occuper réellement le pays. Faidherbe reste le véritable auteur de la colonisation française du Sénégal, de même que Soudan occidental. Avant lui, les traitants, négociants et autorités administratives étaient tous soumis aux paiements de frais d’installation, y compris dans l’île de Ndar, de taxes ou coutumes pour toutes les transactions.
Entre novembre 1852 et décembre 1854, Faidherbe avait déjà visité les Forts de Bakel, de Sounedougou qui s’ouvre sur le Niger, du Fouta Djallon et construit celui de Podor. Il a participé à la bataille Dialmach avec la prise enfin de Dimar en mai 1854. Ce qui fut impossible malgré plusieurs tentatives, plus de 40 ans, sous Elimane Boubacar (1721-1851). Il entama l’annexion du Waalo à la bataille de Diouboulou le 22 février 1855, le bombardement de Bokol dans le Dimar la même année, lança la campagne dans la vallée du fleuve Sénégal avec le siège de Médine en 1857 par Elhadj Oumar qu’il repoussa vers l’Est du Haut Sénégal. Ce dernier envisageait, au même moment, la création d’un Etat dans tout le Soudan occidental. Parallèlement, le nouveau gouverneur crée la banque du Sénégal en 1855, l’Ecole des Otages en 1856, le bataillon des tirailleurs sénégalais et l’Escadron des Spahis, construit les rades de Saint-Louis, Rufisque et Kaolack en 1857 au moment où Pinet Laprade ouvrait le port de Dakar.
Les Maures et Bracknas défaits, le Dimar détaché du Toro et le Damga du Fuuta, plus tard le Ndiambour, le Sanyokhor et le Jander enlevés à la province du Kajoor (Cayor). Ses conquêtes dans le Baol et le Cayor entre 1861 et 1865 permirent l’ouverture de la voie qui mena vers Gorée et la presqu’île du Cap-Vert.
Faidherbe fit brûler Fatick et engagea la bataille de Longandeme au mois de mai 1859 face au Buur Coumba Ndoofeen Famack Diouf. Après chaque annexion, il signait un traité de protectorat, installait un commandant de cercle en continuant de s’ingérer dans le choix des chefs de province. Il combattit Lat-Dior et Makodou au profit de Madiodio. Il s’en est pris ensuite à Maba Diakhou Ba du Rip et Buur Sine Coumba Ndoffene Diouf. Jauréguiberry avait assuré l’intérim de Faidherbe de 1861 à 1863 avant que ce dernier ne reprenne service jusqu’à 1865 date de son départ pour rejoindre son pays, remplacé par Pinet Laprade. Lorsque le général Faidherbe quittait définitivement le Sénégal en 1865, après la signature de plusieurs traités de protectorat, le pays était en pleine effervescence.
Avec son armée composée essentiellement des Tirailleurs Sénégalais, il a réussi à conquérir une grande partie des provinces de la colonie avec le concours des propres enfants d’Afrique. L’historienne française Cathérine Coquery Vidrovitch qui a formé plusieurs générations d’historiens africains à l’université Paris VII Dénis Diderot, a montré que moins de 500 soldats français ont participé à la conquête, l’essentiel des troupes étant composé de Tirailleurs sénégalais. Les guerres de résistance se sont poursuivies partout dans la colonie, aggravées par des conflits entre pro-administration coloniale et résistants d’une part et entre les populations et les Ceddo, principales forces guerrières sur lesquelles s’appuyaient les aristocraties traditionnelles d’autre part. Structures sociales complètement désarticulées, agriculture en crise, économies extraverties, sociétés bouleversées avec perte de valeurs, voilà le sombre tableau de la situation. Les résistances culturelles et religieuses ont quelque peu atténué le désastre économique, social et moral. Des marabouts, excédés par cette dépravation des mœurs dans la société, ont tenté de faire des jihads/résistances : Diilé au Walo, Maba Diakhou au Cayor puis au Sine, Ahmadou Cheikhou et les madiyankoobe contre LatDior, du temps du gouverneur Brière de Lisle.
Malgré de fortes résistances dans les conditions de division et d’opposition internes décrites cidessus, les successeurs de Faidherbe ont fini, par la force des armes, d’occuper le Sénégal dans sa configuration actuelle à la fin du 19e siècle, avec l’annexion définitive de la colonie au début des années 1890/91 et le reste de la Casamance dans la seconde moitié du 20e siècle. Tout cela s’est fait au prix de milliers de morts, d’exilés, d’appauvris, de cultures, valeurs perdues et de populations déracinées.
C’est à Faidherbe que revient pour l’essentiel cette responsabilité mais il reste, toujours dans l’intérêt du système colonial, l’homme qui a construit les bases de la modernisation de la colonie du Sénégal. Il compte à son actif la réalisation de nombreux projets tels que la création du pont sur le grand bras du fleuve après avoir construit celui qui traverse le petit bras, du chemin de fer, du port, le ravitaillement en eau potable de Saint-Louis à partir du projet d’usine des eaux de Mbakhana, l’école laïque, en instituant les cours d’arithmétique et de français à côté des Sœurs de Saint Joseph de Cluny pour les filles et des Frères de Ploërmel pour les garçons, la ligne téléphonique Gorée/Saint-Louis, sans compter l’étude des langues et coutumes locales, beaucoup de travaux ethnographiques avec un intérêt particulier sur les peuls, stigmatisés certes, la traduction de 1500 mots français en trois langues, wolof, pulaar et soninké.
Les bulletins Annuaire du Sénégal et Moniteur du Sénégal, avec tous les textes officiels, les rapports et comptes rendus. Lui-même et ses collaborateurs et entourage, s’adonnèrent à des essais d’histoire, de géographie, d’ethnographie consacrés aux populations. De retour de France, il fut promu général de division par Léon Gambetta, dans le contexte de la défaite de Sedan, perdit la guerre franco-prussienne de 1870 mais contribua beaucoup à la résistance. Au plan politique, il fut député, conseiller général, sénateur dans le Nord, à Lille notamment. Il fut Grand Chevalier de la Légion d’Honneur. A sa mort en 1889 à Paris, il eut droit à des funérailles nationales aux Invalides et enterré à Lille. Il fait partie des deux généraux dont le nom figure au Panthéon sur la stèle où repose le célèbre homme d’Etat français Léon Gambetta. Faidherbe est aussi, comme on le constate, une grande personnalité de la politique française où rues, places, stations de métro (à Paris aussi) portent son nom. Au Sénégal, Faidherbe est le premier à rester aussi longtemps au poste de gouverneur. Il totalise neuf ans, de 1854 à 1861 puis de 1863 à 1865. Comme nous l’avons déjà dit, le pont dont il fut l’initiateur et qui porte son nom, date de 1865, devint métallique et fut inauguré en juillet 1897. Il est classé patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 2000. La statue de Faidherbe à Saint-Louis date de 1886 (année de la mort, arme à la main, de Lat-Dior Diop), est située sur la place portant le même nom, entourée de monuments anciens, le Palais du gouverneur et la Cathédrale néoclassique notamment. Une rue porte son nom aussi à Dakar. Lille, ville de Faidherbe mais aussi du socialiste Pierre Mauroy et de Martine Aubry, l’actuelle maire, est jumelée à Saint-Louis depuis 1970 avec plusieurs accords vitaux pour l’ancienne capitale de l’Aof (1995-1902), du Sénégal jusqu’à 1957 et de la Mauritanie jusqu’à 1960.
Saint-Louis bénéficie d’un environnement naturel exceptionnel, avec deux parcs classés aussi Patrimoine mondial de l’humanité : le Parc des oiseaux de Djoudj (3e parc ornithologique au monde) et le Parc de la Langue de Barbarie au bord de l’Océan atlantique. Symbole de l’élégance et du raffinement, Saint-Louis est ainsi classée, grâce à sa richesse architecturale et culturelle, Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco depuis 2000. Tout cela explique la sensibilité de la question relative au déboulonnement de la statue de Faidherbe et aux changements de noms de la Place et du pont Faidherbe. Il s’agit à la fois d’une question économique, diplomatique et hautement politique car Saint-Louis, cette cité historique et à identité multiple n’est pas encore sortie de sa frustration à la suite du déménagement sans contrepartie de la part de l’Etat du Sénégal, de la capitale à Dakar. Priver encore la capitale du nord des avantages énormes qu’elle tire de ce jumelage et de son patrimoine historique risque de créer d’autres frustrations. Une ville qui ne remet pas encore en cause son propre nom, Saint-Louis (Roi de France) pourrait bien se satisfaire, au regard de son histoire, de sa mémoire, voire de son identité, des dénominations tels que de la place Faidherbe ou le lycée de jeunes filles Ameth Fall. Le site actuel de lycée a abrité son ancêtre l’école des Otages, créée par Faidherbe en 1856, mais c’est l’arrêté du 5 mars 1861 qui l’institutionnalise. Au début, c’était à Ameth Fall que revenait la responsabilité d‘héberger chez lui à domicile (le site de l’actuel dispensaire de Sor), et au nom du gouverneur Faidherbe, ces fils de chefs pris comme otages pour tenir en respect leurs parents.
Son épouse Fatou Diagne Mourad Ndaw, fille d’un grand négociant SaintLouisien, se chargeait de la cuisine et des autres tâches domestiques. Ameth Fall, de son vrai nom Ameth Ould Khoury Sène, d’origine maure, est né en 1836 à Boutilimit. Il a été affecté à Podor, son premier poste en 1862, rédacteur de plusieurs rapports sur les affaires politiques de la colonie, témoin lors de la signature du protectorat sur le Jolof. Il fut surveillant, puis surveillant général au collège des fils de chefs et interprète jusqu’au 10 mai 1904, date de sa démission. Il fut nommé surveillant principal honoraire de l’école, avant d’être son parrain. Il devint membre du Conseil colonial de Saint-Louis. Cette école fermée en 1871 pour des raisons budgétaires et qui fut rouverte en 1893 sous le nom de «Collège des fils de chefs et interprètes», eut les mêmes locaux que la Médersa et fonctionna jusqu’à 1946.
Elle reçut des élèves célèbres, entre autres Bouna Alboury Ndiaye, les enfants de Lat Dior Diop Ngoné Latyr, Mbakhane Diop et Mbaye Khar Diop. C’est cet établissement qui abrita aussi Blanchot, l’école urbaine. L’école primaire supérieure des jeunes filles Ameth Fall, le collège Ameth Fall et le lycée des jeunes filles Ameth Fall depuis 1962. En quoi un lycée, de surcroît, de jeunes filles doit-il porter le nom d’un tel personnage dans la ville de l’illustre écrivain Aminata Sow Fall ? Faidherbe ne peut être ni un héros ni une fierté historique pour le Sénégal indépendant. Il appartient cependant à notre histoire et personne ne peut tuer des faits historiques. Que faire ? Car il est aussi un symbole pour Saint-Louis, et son ombre pèse lourdement sur le devenir du jumelage si vital entre la ville française de Lille et la merveilleuse cité de Mame Coumba Bang.
En tout état de cause, les autorités étatiques devraient à l’échelle nationale, mener une réflexion globale sur ces questions des statues, dénominations de rues, de monuments, d’établissements scolaires ou autres. Dans une telle optique, il importe de mettre sur pied une équipe personnalités et institutions qualifiées pour faire des propositions, en se gardant de laisser l’initiative aux seules collectivités locales sur certaines situations sensibles, parfois de dimension nationale voire internationale.
Par Mamadou Oumar NDIAYE
NOTRE AMINATA SOW FALL NATIONALE VICTIME DE SPOLIATION FONCIÈRE
Accaparée par ses multiples activités et se disant que, de les toutes façons, ce projet conçu pour sa retraite pouvait attendre, notre distinguée compatriote a commis l’erreur de négliger son terrain de Sangalkam
Accaparée par ses multiples activités non seulement au Sénégal mais également dans d’autres continents et se disant que, de toutes façons, ce projet conçu pour sa retraite pouvait attendre, notre distinguée compatriote avait commis l’erreur de négliger son terrain de Sangalkam. C’est une parente qui, au détour d’une conversation un jour, lui a demandé : « mais, ma tante, est-ce que tu as songé à sécuriser ton bien immobilier ? La zone où il se trouve fait l’objet de fortes convoitises et de beaucoup de spéculations foncières ! » Mme Aminata Sow Fall ne se le fait pas dire deux fois. Elle se rend à la mairie de Sangalkam pour essayer de régulariser son terrain. On était en 2016, soit 46 ans après l’achat du terrain. Première tuile et première grosse douche anglaise. Ses interlocuteurs lui disent que c’est bien faisable mais à condition qu’elle renonce à la moitié du terrain au profit de la mairie ! Elle tique mais, n’étant pas trop obnubilée par les richesses matérielles, elle accepte cette proposition étrange et…scandaleuse. Ce sur un terrain dont la superficie a été réduite comme une peau de chagrin par eux puisque, de sept hectares, ces bons messieurs de la mairie lui ont dit que son bien faisait en réalité 4 hectares, 75 ares et 17 ca. La proposition indécente acceptée, la mairie consentit à régulariser le terrain par un protocole d’accord numéro 007P/SANG/16. Ce n’est pas tout puisqu’elle a exigé, la commune, un paiement de quatre millions sept cent cinquante mille (4.750.000) francs que Mme Aminata Sow Fall a effectué en date du 13 juin 2016 avec la quittance de paiement numéro 0000136 Bornage Numéro 266. Les gens de la mairie s’étaient engagés à prendre en charge les frais de remblai, de terrassement et de bornage mais ils n’en ont rien fait, bien sûr.
Abracadabra, vous n’avez plus de terrain, madame !
Toujours est-il qu’en juillet de la même année 2016, ils ont délivré à notre icône des Lettres une délibération parcellaire pour 94 parcelles. Hélas sans l’aval du sous-préfet adjoint de Sangalkam, M. Marcel Mbaye Thiaw. Le fils de Mme Aminata Sow Fall réussit à rencontrer le chef du Service des Domaines de Rufisque qui lui a fait comprendre que la délibération et les plans de la mairie de Sangalkam n’étaient pas aux normes.
Par la suite, il obtient une audience avec le maire, c’est-à-dire le ministre Oumar Guèye, qui lui demande de faire établir un plan cadastral par un géomètre agréé. Quelques mois après, la propriétaire se voit demander de faire réaliser le bornage des parcelles sur le site. Ce qu’elle fait à ses frais. Après un an d’attente, la mairie produit enfin une nouvelle délibération en date du 16 octobre 2018.
Le document dit ceci : « Est adopté le projet de lotissement « ilot A. S. F. » initié par le maire de la commune de Sangalkam dans le village de Ndiobène (Noflaye) dénommé « ilot Aminata Sow Fall » sur une superficie de 2 ha, 16 a, 33 ca conformément au plan joint en annexe ». Hourrah ! Hélas, nouvelle douche froide pour la patronne du CAEC et du Cirlac !
En effet, alors qu’elle croyait être au bout de ses peines, le sous-préfet de Sangalkam a, au mois d’août dernier, refusé d’approuver la délibération du conseil municipal dirigé par le ministre Oumar Guèye. Motif : « Le terrain se trouve dans le Pôle urbain de Diack-Sao Bambilor (Noflaye) objet du TF 11361/r ». Autrement dit, Mme Aminata Sow Fall s’était proprement fait déposséder de son terrain ! Elle n’avait plus rien… révulsée par cette injustice, cette extorsion dont elle venait d’être victime, elle prend sa (très belle) plume pour écrire au président de la république afin de lui expliquer ce qui lui était arrivé et en appeler à son arbitrage.
Quelques semaines plus tard, au cours d’une cérémonie à la présidence, le président de la République, apercevant Mme Aminata Sow Fall, est venu vers elle pour lui présenter ses vœux. Puis, sans qu’elle lui ait dit quoi que ce soit, lui a assuré en substance ceci : « J’ai reçu votre lettre, madame, mais soyez sans crainte : votre terrain vous sera rendu intégralement ».
Parole de président de la République ! Effectivement, il a tenu promesse puisque, le 09 janvier dernier, le maire Oumar Guèye a reçu, en ses bureaux alors sis à Dieuppeul, Aminata Sow Fall et son fils pour leur réitérer que leur bien foncier leur sera restitué d’abord parce qu’il n’était même pas sûr que ces pôles urbains (pour la réalisation desquels la grande dame a été « expropriée ») verront le jour mais surtout en raison de ce que l’auteure de « La grève des battù » représente pour la Nation.
Une dame qui a englouti tout ce qu’elle gagne depuis bientôt 50 ans en tant que « visiting professor » aux USA, ses droits d’auteur et l’argent qu’elle perçoit dans les conférences qu’elle donne sur les cinq continents, dans ses projets culturels. Eh bien, depuis son audience avec le ministre Oumar Guèye du 09 janvier 2020, c’est silence radio du côté du ministre-maire.
Et Aminata Sow Fall n’a plus jamais eu de nouvelles de ce terrain dont elle a été dépossédée. Comme quoi, le président de la République a beau donner des instructions « fermes », les forces d’inertie sont encore plus puissantes que sa parole ou son autorité. Mais quand même, faire ça à une fierté nationale comme Aminata Sow Fall… Tout fout le camp !
Par Pape NDIAYE
CES HOTES «SENEGALAIS» ETRANGERS QUI VIVENT PARMI NOUS
Des populations de Touba-Tranquil ont été zappées dans la distribution des vivres de Covid19 à cause de leurs cartes d’identité. La gestion des frontières avec la Gambie et la Guinée-Bissau est devenue impérieuse pour la paix en Casamance
Casamance : les populations de Touba-Tranquil à l’épreuve de la non-délimitation des frontières
Dans l’arrondissement de Diouloulou (Casamance) précisément à la frontière sénégalo-gambienne, se situe le village de Touba-Tranquil, jadis principale zone de repli des combattants du Mfdc sous l’ancien régime de Yaya Jammeh. En 2018, les populations se sont affranchies de l’emprise gambienne avec l’implantation d’un poste de gendarmerie et d’une base militaire du Sénégal. Hélas, la quasi-totalité des populations de Touba-Tranquil ont été zappées dans la distribution des vivres de Covid19 à cause de leurs cartes nationales d’identité confectionnées par l’exprésident Yaya Jammeh. Un exemple parmi tant d’autres qui prouve que, pour l’Etat du Sénégal, la gestion et la délimitation de ses frontières avec la Gambie et la Guinée-Bissau est devenue impérieuse pour la paix et de sécurité en Casamance.
« Sénégalaises, Sénégalais, chers hôtes étrangers qui vivent parmi nous...» : cette formule d’usage revient dans presque tous les discours à la nation du président de la république. Les populations de Touba-Tranquil, à la frontière sénégalo-gambienne, se retrouvent-ils dans cette phrase rituelle ? Des habitants qui sont loin d’être des étrangers vivant parmi nous, certes, mais qui s’interrogent quant à leur sénégalité effective.
Citoyens sénégalais à part entière, ils ne sont pas loin de se considérer comme des Sénégalais entièrement à part. Lorsque, en 1982, une rébellion armée a éclaté en Casamance, le village frontalier de ToubaTranquil a servi de base arrière aux rebelles. Lesquels avaient fini par administrer ce village jusqu’à le transformer en bastion. La nature ayant horreur du vide, l’ex-président Yaya Jammeh avait profitait de la situation pour multiplier les audiences foraines à Touba-Tranquil où il a réussi à naturaliser de nombreux citoyens sénégalais. Au delà de ces campagnes de naturalisation « cartes d’identité gambiennes » en main, cette portion de territoire « oubliée » par l’Etat du Sénégal s’était transformée en bastion de réseaux criminels transfrontaliers.
Près de 40 ans après, la plupart des populations de Touba-Tranquil sont en train de subir les conséquences sociales de cette naturalisation fantôme. La preuve par la distribution des denrées alimentaires « covid19 » entreprise par l’Etat pour aider les ménages démunis. Une distribution de laquelle de nombreux pères de familles de Touba-Tranquil sont zappés !
Comme le déplore le sieur J. D, vivant dans une précarité extrême. « Dommage que certains d’entre nous ne remplissent pas les critères n pour pouvoir bénéficier de cette aide alimentaire puisqu’ils détiennent une carte d’identité gambienne. Je profite de cette occasion pour demander au président Macky Sall de nous aider à avoir des cartes d’identité sénégalaises afin que nous puissions nous débarrasser de ces nationalités fictives » regrette-t-il.
Puis notre interlocuteur de se justifier : « Parce que bien avant l’implantation de l’Armée et de la Gendarmerie dans ce village, on payait nos impôts et taxes à l’Etat gambien alors que nous sommes sénégalais. Malheureusement, les gouverneurs et préfets de l’ancien régime de Yaya Jammeh avaient profité de cet état de fait pour nous imposer leur nationalité » soutient ce père de famille de Touba-Tranquil où la présence de nos forces de défense et de sécurité a fait déménager les réseaux criminels. Des brigands, en quelque sorte, qui coupaient des routes, braquaient les automobilistes et les passagers avant de les dépouiller de leurs biens. Les plus malchanceux sont égorgés ou canardés à la Kalachnikov. Qui s’adonnaient aussi à la culture et au trafic du chanvre indien. ils ne manquaient pas, à l’occasion, d’attaquer les militaires sénégalais dans leurs cantonnements. Après leurs exactions, ils se repliaient pour la plupart dans leur zone d’impunité qu’est Touba-Tranquil afin de mieux rallier la Gambie voisine.
Sous Macky, l’Armée a marqué son territoire…
Depuis 38 ans (1982-2020), la géopolitique criminelle entre le Sénégal et la Gambie était symbolisée par Touba-Tranquil. il a fallu l’arrivée du président Macky Sall à la magistrature suprême (2012) pour que le village de Touba-Tranquill se libère petit à petit de l’emprise gambienne. Sous le magistère du successeur du président Abdoulaye Wade, ce village « oublié » a reçu pour la première fois de son existence la visite d’un ministre sénégalais. il s’agit de l’ancien ministre de l’Education nationale, Serigne Mbaye Thiam, qui avait quitté Dakar pour se rendre « officiellement » à Touba-Tranquil. C’était en février 2016. Le ministre de l’Education d’alors avait été accueilli par des populations en liesse.
Une visite historique que Vieux F. Sagna raconte au « Témoin » quotidien avec enthousiasme. « C’est ce jour-là que les habitants de Touba-Tranquil se sont vraiment sentis sénégalais. ici, plusieurs générations de jeunes ne connaissaient que les écoles gambiennes. Dans les boutiques, dans les marchés, on utilisait la monnaie gambienne, le dalasi, alors que nous étions bel et bien en territoire sénégalais. Pis, personne n’osait afficher son appartenance au Sénégal de crainte d’être enlevé ou tué par des rebelles. Vous croyez que cela était normal ? » nous interpelle ce notable de ToubaTranquil. La « colonisation » gambienne de ce village n’est, heureusement, plus qu’un mauvais souvenir aujourd’hui. Pour marquer son territoire, l’Etat du Sénégal a beaucoup investi à Touba-Tranquil en y construisant plusieurs infrastructures et édifices publics sur lesquels flotte le drapeau national « vertor-rouge » : une école, un lycée, un marché, une mairie, une sous-préfecture, un poste de santé etc. Mais l’une des doléances les plus pressantes des populations était la sécurité des personnes et des biens.
Et comme les questions sécuritaires constituent une préoccupation majeure pour le président Macky Sall, il a doté la commune de Touba-Tranquil d’une base militaire et d’un poste de gendarmerie dépendant de la brigade de Diouloulou. Selon un officier de la maréchaussée, il s’agit d’un poste avancé du secteur frontalier de Ziguinchor. « récemment, le commandement de la gendarmerie a renforcé ce poste de Touba-Tranquil en équipements et en effectifs pour mieux sécuriser les populations » rassure-t-il. Et pour consolider leur présence dans ce village frontalier de la Gambie, soldats et gendarmes ont été instruits de multiplier les opérations conjointes de sécurisation le long des frontières avec la Gambie et la Guinée-Bissau.
Selon l’ex-capitaine A. h., ancien commandant de compagnie du Bataillon des parachutistes, les populations de Touba-Tranquil ont toujours souffert d’une absence de délimitation des frontières qui ne profitait qu’aux bandes armées. « Aujourd’hui, on se réjouit de l’implantation d’une base militaire et d’un poste de gendarmerie à Touba-Tranquil. Ces déploiements de souveraineté doivent effectivement constituer une occasion pour l’Armée nationale d’intensifier sa présence dans cette zone frontalière. Comme on l’avait fait en 2008 avec l’opération « Kadiolock » menée par les commandos et les paras qui avaient ratissé et nettoyé la frontière jusqu’à Kolda » se souvient-il. Malgré quelques escarmouches, le processus de paix initié par le président Macky Sall est sur de bons rails. L’Armée nationale entend démontrer qu’elle est bel et bien présente sur toute l’étendue du territoire national où elle n’entend céder aucun pouce de terrain à une quelconque rébellion.
Demain, une ligne de démarcation !
Si, depuis 1982, différents rounds de négociations ont eu lieu entre l’Etat et le Mfdc au cours desquels divers sujets ont été abordés, la délimitation et la matérialisation des frontières, elles, n’ont jamais été prise au sérieux. Un facteur favorisant des nids de repli pour les rebelles.
En effet, cette absence de délimitation complique les actions militaires dans certaines zones où les unités de l’Armée ne savent pas où s’arrête réellement le territoire national. Difficile dans ces conditions d’user de leur droit de poursuite pour traquer les malfaiteurs. Toutes choses qui font qu’aujourd’hui, il est grand temps pour l’Etat d’œuvrer à la délimitation et à la matérialisation de ses frontières avec la Gambie et la Guinée-Bissau. C’est cette absence de délimitation claire qui explique également que nos pêcheurs soient canardés comme des lapins par les soldats mauritaniens en certains endroits du fleuve Sénégal, frontière naturelle entre les deux pays.
A défaut de murs ou de barbelés, au moins des bornes en béton armé devraient matérialiser sur le terrain les limites géographiques de notre pays. Certes, la délimitation des frontières ne peut nullement séparer des pays mais elle peut au moins servir de ligne de démarcation ou de ligne rouge à ne pas franchir.
D’ailleurs, Me El hadj Guissé, ancien juge de la Cour africaine des droits de l’homme, n’est pas loin de penser cela. L’éminent juriste déplore le cas de la Gambie, un petit pays quasiment enclavé dans le Sénégal. « A la Conférence de Berlin, les colonisateurs ont séparé l’Afrique sans jamais y mettre les pieds. Sinon, ils n’auraient pas séparé de cette manière le Sénégal de la Gambie. Et ceux parmi les observateurs qui disaient que la Gambie était un cadeau offert au roi d’Angleterre ne se sont pas trompés » s’offusque-il. En tout cas une chose est sûre : la paix ne pourra s’installer durablement en Casamance, et la sécurité définitive restaurée, sans la matérialisation des frontières comme clé de verrouillage du Sénégal.
par Samuel Sene
BABACK VEUT SON LYCÉE
EXCLUSIF SENEPLUS - Au regard de la forte détermination de toute la communauté éducative à disposer de ce lycée, il serait regrettable d’attendre qu’il y ait encore (comme souvent au Sénégal) des marches de protestation, pour réagir
Le 02 Novembre 2019, toute la communauté éducative du Collège d’Enseignement Moyen de Baback a, dans la joie et l’allégresse, inauguré huit nouvelles salles de classe, une grande salle informatique, un magnifique et spacieux bloc administratif et deux blocs de toilettes, chacune comportant six latrines, pour les garçons d’un côté et pour les filles de l’autre. Bien équipées et dotées de toutes les commodités requises, et d’un joli mur de clôture de près de trois hectares pour mieux assurer la sécurité et garantir la tranquillité et l’intimité de la famille scolaire, ces belles, nouvelles, grandes et importantes réalisations, viennent s’ajouter aux dix salles de classe déjà existantes, dont deux financées par Barthélémy Faye, (un digne et valeureux fils du village) A noter qu’une caution (sous forme de participation communautaire) de 10% (six millions cinq cent milles francs) ajoutée à la valeur marchande de l’espace occupé par l’établissement, avait en amont été versée par Barthélémy Faye, (encore lui).
Cette inauguration s’est faite en présence du Sous-préfet de Notto-Jobass, du représentant du maire de la commune, de monsieur Abdou Baydary Diallo, Inspecteur de l’Education et de la Formation de Thiès département, des chefs de village, des chefs religieux et coutumiers, du représentant de l’ambassadeur d’Allemagne et des partenaires allemands de l’ONG Hilfe für Afrika-Wasser, principaux bailleurs (avec un financement de plus de cent trente millions) conduits par Abbé Raphael Wade. Occasion ne pouvait être mieux rêvée pour Abbé Wade, éminent intermédiaire de Hilfe für Africa-Wasser, de rendre un vibrant hommage à Mamadou Sene (un autre digne fils du village et surveillant au CEM) antérieurement en service à Touba-Toul, qui fut à l’époque, l’heureux initiateur du projet.
C’est dire qu’en termes de capacité d’accueil, d’attractivité et de beauté, les Babackois, de concert avec les populations des huit villages polarisés par leur Collège d’Enseignement Moyen et avec qui ils sont irréversiblement liés par l’histoire, la géographie et la culture, ne demandent que l’érection de ce joyau, ce bijou en lycée. Cette demande est d’autant plus plausible, légale et légitime, que Baback remplit à merveille toutes les conditions ou conditionnalités (du préscolaire au secondaire) pour enfin avoir son lycée. En plus de sa position géographique idéalement avantageuse à abriter un lycée, Baback ne compte-t-il pas déjà une garderie d’enfants (petite, moyenne et grande sections au Centre Social des sœurs de Saint-Joseph de Cluny), deux écoles primaires : l’école privée catholique (ayant pendant longtemps servi de Centre Principal d’examens) rebaptisée Ecole Sœur Bernadette Fridez avec un cycle complet de six classes (du CI au CM2) et une école publique avec plus de 14 salles de classe dont au moins deux cours de chaque (du CI au CM2), un CEM flambant neuf d’un total de 452 élèves avec deux sixièmes, deux cinquièmes, trois quatrièmes et deux troisièmes ? Où trouve-t-on mieux dans le Jobass avec autant de villages polarisés et tout aussi déterminés que les Babackois pour avoir en commun un lycée de référence mérité et dont l’érection ne saurait encore souffrir d’atermoiements ?
A titre de comparaison, beaucoup de CEM antérieurement érigés en lycées à travers le Sénégal ne remplissaient pas les conditions ci-dessus qui font déjà la fierté de Baback et de ses villages-partenaires. Et encore, il y a des lycées dans les différents départements et communes du Sénégal dont les constructions, les installations et les équipements sont véritablement en deçà de ce qui se trouve à Baback. Il ne serait donc pas indiqué, que neuf toutes nouvelles et splendides salles de classe, bien équipées, soient fermées pour la deuxième année consécutive pendant que le besoin est bien réel et la demande plurielle pressente. Le bon sens ne l’accepterait pas. La morale le réprouverait. Et tout parent d’élève digne et soucieux des conditions d’études pour la réussite de son enfant, à commencer par l’autorité de tutelle, ne saurait non plus l’accepter. Car ce serait non seulement faire preuve de manque de tendresse, mais ramer à contre-courant de la politique éducative du Sénégal. Or, l’Association des Parents d’Elèves et le Comité de Gestion de l’Ecole, sont vraiment en phase avec la politique sectorielle de l’Etat en matière d’éducation, principalement à travers le Programme d’Amélioration de la Qualité, de l’Equité et de la Transparence du secteur de l’Education de la Formation (PAQUET-EF). Pour preuve, ils jouent pleinement leur partition dans l’opérationnalisation de la politique éducative du pays et, ce faisant, aident même l’Etat à promouvoir et à renforcer sa politique de décentralisation et de déconcentration. Ils sont donc à encourager. C’est le moins qu’ils puissent attendre des autorités dans la mesure où, leur exemple pourrait faire tâche d’huile et inspirer d’autres à ne pas toujours tout attendre de l’Etat. « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ». Disait le président John Fitzgeralf Kennedy à ses concitoyens lors de son discours d’investiture. Les fils de Baback se sont appropriés cette pensée du Président Kennedy et font dignement la fierté du Sénégal aussi bien au niveau national qu’à l’étranger.
En quoi cela gêne-il alors d’ériger le CEM de Baback en lycée ? Qui cela dérange-t-il vraiment ? Pourquoi ? Ceux que l’érection du CEM de Baback en lycée dérangerait ont-ils un cœur, une âme ? Jusqu’où va le degré de leur humanité et de leur humanisme ? Ne leur faudrait-il pas un supplément d’âme eu égard au calvaire quotidiennement vécu par les scolaires des huit villages polarisés par le CEM, tous impatients de voir l’ouverture et le démarrage du lycée ? Qui se cache vraiment derrière le peu d’enthousiasme à répondre promptement et favorablement à la demande plus que légale et légitime de l’ensemble des huit villages polarisés par ce stratégique établissement ? Une autorité aurait, semble-t-il, juré qu’elle userait et abuserait de tout son pouvoir pour que Baback n’ait pas de lycée. Cette autorité est-elle pleinement consciente de son rôle ? Comprend-elle que le cœur du développement, c’est le développement du cœur ? Et que toute autorité, pour ne pas être futile mais utile, devrait être de service et non d’asservissement ? Vivement alors que les écoles de management apprennent à tous, à faire du service, un style de l’autorité, un art de diriger.
La scolarisation universelle et le droit à l’éducation de qualité imposent que les Collèges d’Enseignement Moyen et les lycées de proximité, soient moralement, judicieusement, équitablement et géographiquement répartis à travers les départements et les communes en particulier dans les zones à forte potentialité de fréquentation. Déjà inscrits dans ce sillage, Baback et les villages-partenaires qui l’environnent, ne demanderaient pas mieux. Ils voudraient qu’on accorde plus de crédit à cette triptyque : ‘’une école pour tous’’, ‘’une école de qualité’’ et ‘’une école viable, fiable et pacifiée’’, car déjà inscrits dans cette dynamique. Ils sont ancrés dans les trois axes stratégiques actuels que sont la qualité améliorée, l’accès équitable et la gouvernance inclusive et efficace. Ceux des huit villages polarisés par le CEM se sont investis et impliqués pour qu’il soit érigé en lycée. Ils comprennent mieux que quiconque le calvaire vécu par leurs enfants, trop souvent obligés de rester à jeun pour suivre leurs cours à Notto. Pour tous les élèves concernés, il incombe aux autorités et aux décideurs de comprendre, que devoir continuer à rester à jeun, n’a que trop duré et ne peut plus perdurer. A moins d’être d’une monstruosité intellectuelle génocidaire, pour ne pas être pris de frissons et de frémissements face au chemin de croix de tous les scolaires en cause. N’est-ce pas respecter les principes et les modalités de la coordination générale du PAQUET basés sur une approche inclusive et la responsabilité mutuelle de toutes les parties prenantes engagées collégialement dans des dispositifs de suivi-évaluation, de dialogue et d’ajustement continu ? En conséquence, ils s’appuient sur loi N° 2004-37 du 03 décembre 2004 qui stipule l’obligation scolaire pour tous les enfants âgés de 07 à 16 ans, et savent que le Gouvernement s’est engagé à assurer, d’ici à 2025, une éducation de base de qualité pour tous, partout, afin que chacun puisse se réaliser pleinement et apporter sa contribution à la société.
Est-ce acceptable que le nombre d’élèves originaires de Baback et régulièrement inscrits au lycée de Notto soit supérieur à celui de leurs condisciples natifs du village éponyme ? Au nombre de 155 (52 de Diamagueune, 29 de Ngohothie, 42 de Baback Centre et 32 de Ndiodione), sans compter ceux de Baback Wolof, un village autonome au cœur de Baback-Sérère, ou encore ceux inscrits dans des établissements de la commune de Thiès. Loin d’être égoïstes, ces jeunes scolaires ne pensent pas seulement aux distances qu’ils parcourent quotidiennement pour se rendre à Notto, mais sont surtout solidaires de leurs camarades de Keur Ibra Fall, de Keur Ndieumbe Ndiaye, de Mbomboye, de Dioungane, de Sessène, de Teub-Dal de loin plus nombreux et beaucoup plus éprouvés par encore plus de kilomètres à parcourir. Ces élèves sont confrontés au calvaire de la marche mais aussi et surtout à l’enfer de la faim. Voilà un argument-massue, qui prouve à suffisance, qu’ériger le CEM de Baback en lycée, réduirait sensiblement leur temps perdu sur le chemin de l’école et aurait un impact très positif sur leurs performances scolaires. C’est donc dire, que pour être honnête et véridique, tous les scolaires des huit villages polarisés par le CEM de Baback ont largement et urgemment besoin de ce lycée qui serait intégrateur et fédérateur d’une bonne partie des villages de la commune de Notto-Jobass. Ce n’est pas seulement leur vœu, c’est aussi le souhait de leurs parents, anxieux et stressés par la fatigue physique et mentale que ne cessent d’endurer au quotidien leurs enfants. Ce n’est plus seulement un besoin exprimé mais une nécessité qui s’impose.
Le besoin est manifestement si réel et la demande si forte, qu’il faille admettre que tant qu’il n’y aurait pas eu d’établissement merveilleusement construit pour répondre à cette requête, on aurait pu comprendre les hésitations et tergiversations. Mais à présent que l’offre est disponible en quantité et en qualité (pour rappel 09 salles de classes sont fermées au CEM de Baback), pourquoi ne pas épargner aux 155 jeunes scolaires (filles et garçons) et à leurs condisciples encore plus nombreux des huit autres villages cités plus haut, les longues distances à parcourir et la faim qui les accable ? Le plaidoyer fait pour la scolarisation des filles (SCOFI) à l’échelle nationale, régionale, départementale et locale est-il vraiment sincère ? Ou alors, est-ce une récupération opportuniste et politicienne ? Est-ce une négligence/malveillance coupable ou une maltraitance institutionnelle ? Comment assurer l’éducation pour tous (EPT) qui fut un des Objectifs du Millénaire pour le Développement ? Concernant la quatrième préoccupation des Objectifs de Développement Durable, comment assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ? Comment réduire les disparités, les inégalités et promouvoir plus de démocratie dans la proximité, que dans la disponibilité de l’offre ? Peut-on encore évoquer ou invoquer la stratégie nationale de protection de l’enfance face à tant d’adolescents contraints à marcher péniblement sous la canicule, astreints à la corvée des longues distances et de la faim ? Sans doute autant de raisons, qui prouvent s’il en était encore besoin, qu’avoir hésité/refusé d’ériger le CEM de Baback en lycée dès le début de cette année scolaire 2019-2020, fut plus qu’une erreur historique et plus qu’une hérésie stratégique. Une erreur qui demande à être rapidement corrigée et une hérésie qui commande d’être urgemment rectifiée avec tact, pédagogie, bienveillance et responsabilité. Au regard de la forte détermination de toute la communauté éducative à disposer de ce lycée, il serait regrettable et abject d’attendre qu’il y ait encore (comme c’est souvent le cas au Sénégal) des marches de protestation, des émeutes et des conférences de presse pour réagir. C’est maintenant qu’il faut agir en responsable. Pour cela, nous prenons à témoin la gouvernance locale, l’Inspection d’Académie, l’Inspection de l’Education et de la Formation de Thiès département, le Conseil départemental, la Direction de la protection de l’enfance, les droits de l’hommistes, les partenaires privés de l’éducation nationale pour clamer haut et fort, qu’on ne peut pas arrêter la mer avec ses bras.
Et d’ailleurs, si la carte scolaire du Jobass avait été respectée depuis le début, aurait-on implanté les deux premiers CEM du Jobass (à Notto et à Sangué) sans penser en priorité à Baback pour non seulement son emplacement idéal au centre du Jobass, mais également pour son rôle indéniable de pionnier dans la scolarisation des jeunes issus de tout le terroir ? Une question morale qui impose aujourd’hui que Baback soit considéré, reconnu et réhabilité.
Les enfants de monsieur Kandji, ancien directeur de l’école publique de Notto (vers les années 70-80), chef-lieu d’arrondissement et siège de communauté rurale (actuelle commune) et ceux des différents sous-préfets qui se sont succédés à Notto-Jobass ne fréquentaient-ils pas en priorité l’école privée catholique de Baback, aujourd’hui Ecole Sœur Bernadette Fridez ? Mieux, ceux de Tatène Sérère, de Tatène Bamabara, de Péléo, de Sessène, de Teb-Daal, de Dioungane, de Sangué, de Thiéo, de Mbomboye, de Keur Ibra Fall, de Ndioukhane, de Keur Sa Daro Fam, de Keur Ndieumbe Ndiaye et même de Ngollar et de Pout Diack, n’étaient-ils pas inscrits à Baback où beaucoup avaient d’ailleurs trouvé des familles d’accueil, un avantage aujourd’hui rarissime pour ne pas dire inexistant dans nombre de villages qui abritent actuellement des CEM ou des lycées ?
Or, le ministère de l’éducation nationale a non seulement pour mission de promouvoir la disponibilité de l’offre de service éducative, mais mieux, d’en faire une offre de proximité. Pourquoi ne pas alors donner à ces termes tout leur sens et toute leur quintessence ? Si ce sont les villageois qui furent les principaux acteurs pour la disponibilité de l’offre de service, pourquoi l’Etat ne transformerait-il pas cette disponibilité de l’offre, en service de proximité ? Pourquoi ? Au moment où 09 salles de classes, toutes neuves et bien équipées sont fermées à Baback, pourquoi faut-il que les jeunes du village et des autres localités concernées continuent à souffrir le martyre pour se rendre à Notto alors que l’Etat, dans sa politique sectorielle, promeut l’offre de service et prône surtout un service de proximité ? Maintenant que cette offre de service est disponible (grâce à la proactivité, à la détermination, à l’ingéniosité et à l’esprit d’ouverture des villageois au partenariat), pourquoi ne serait-elle pas de proximité ? Ou alors cherche-t-on à enfermer Baback et les huit villages concernés par le CEM dans la passivité, l’esprit d’assistanat et la culture de dépendance plutôt que de les encourager à être toujours plus actifs, proactifs et constamment en quête d’autopromotion communautaire ? Veut-on faire d’eux des spectateurs passifs, plutôt que des acteurs créatifs de leur propre développement ?
In fine, qu’y a t-il de si gênant ou de si contraignant à ériger (le CEM de) Baback en lycée ne serait-ce que pour sa réhabilitation tant méritée et pour récompenser son dynamisme, son rôle fédérateur-intégrateur mais surtout, pour éviter les multiples cas d’abandon à mi-parcours (notés principalement chez les filles des différents villages concernés) à cause de la faim et des longues distances à parcourir sous un soleil de plomb ? Quel village offre plus de facilités aux autres localités qu’il polarise pour une meilleure scolarisation et une meilleure intégration des élèves ? Mais pourquoi donc cette injustice faite à Baback, qui a pourtant des décennies durant, formé l’essentiel des cadres du Jobass ? N’est-il pas temps de réparer cette grave injustice, ce grand préjudice fait à Baback ? Pourquoi ne pas donner la chance (pourtant bien méritée) aux jeunes Babackois de faire leur cycle complet (primaire, moyen et secondaire) chez eux alors que toutes les conditions sont réunies pour y arriver ? Le lycée de Baback ne s’impose-t-il pas comme une réponse imminente, idoine et opportune à une question de droit, de justice sociale et d’équité territoriale ? Pourquoi les adolescents de Baback et des huit autres villages concernés doivent-ils encore péniblement parcourir des kilomètres pour se rendre au lycée de Notto alors que toutes les conditions sont déjà réunies (peut-être mieux ici qu’ailleurs) pour un lycée de proximité ? Quelles sont les réalisations de l’Etat à Baback ? Est-ce une case des tout-petits, une école primaire, un CEM ? Est-ce un forage, un dispensaire, une église ou une mosquée ? Y a-t-il une seule réalisation dans Baback à l’actif des différents régimes qui se sont succédés depuis notre accession à la souveraineté internationale ? N’est-ce pas à l’Etat, dans ses fonctions régaliennes, de faciliter l’accès des populations aux services sociaux de base ? Si donc les Babackois ont, à ce jour, tout fait pour trouver des partenaires, et donc, pour lui rendre la tâche encore plus facile, pourquoi ne bénéficieraient-ils pas en retour, d’une marque de reconnaissance légitime et bien méritée ? Ne serait-il pas temps que l’Etat se rappelât véritablement au bon souvenir de Baback, une localité qui, comme toutes les autres, mérite la considération et l’attention républicaines ? Quoi de mieux pour plus de développement communautaire, de justice sociale et d’équité territoriale ? Encore faudrait-il avoir une administration de développement et des services techniques de qualité, pour efficacement mettre en œuvre la politique définie par le président de la république. Celui-ci gagnerait sans doute, à sommer son administration de commandement à se transformer en administration de développement, en synergie avec les services techniques, qui ne seraient plus à la chasse de primes, mais irrémédiablement réorientés sur leur mission de services publics.
Samuel Sene est écrivain-chercheur sur la culture sereer, consultant-Formateur en Gestion de projets, en développement local et en protection de l’enfance.
1er juillet 1994. Le lancement véritable, c’est-à-dire le démarrage de la diffusion des programmes a bien eu lieu le 1er juillet 1994 presque un an après l'octroi d'une fréquence et de la licence d'émettre
1er juillet 1994. Le lancement véritable, c’est-à-dire le démarrage de la diffusion des programmes a bien eu lieu le 1er juillet 1994 presque un an après l'octroi d'une fréquence et de la licence d'émettre. La dévaluation du Franc CFA était passée par là, bousculant nos prévisions. Amadou Makhtar Mbow ancien directeur général de l'Unesco, madame Viviane Wade épouse de Abdoulaye Wade et Jessica Mbow Sarr, mère de Samuel A. Sarr, ont "démarré l'antenne.
Pourquoi ces trois ? Me Wade et Samuel Sarr étaient alors en prison suite à l'assassinat du vice-président du Conseil Constitutionnel Babacar Seye dans laquelle ils avaient été cités, arrêtés et embastillés. Injustement ? Une façon de leur rendre cette justice qu’on leur avait refusée. Du moins, le croyions nous, à l'époque ! Pendant une bonne dizaine de jours nous avons coaché madame Wade pour le message en wolof que nous devions enregistrer pour le jour du démarrage de l'antenne. Quant à Amadou Makhtar Mbow, le choix porté sur sa personne coulait de source à nos yeux. Grand promoteur de la science, de l'éducation, de la culture, avocat d'un Nouvel Ordre Mondial de l'Information et de la Communication (Nomic), il avait quitté son poste suite aux manœuvres américaines, lâchés par son propre pays. Sud, né à la faveur de cette doctrine, se sentait l'obligation de rendre un hommage mérité à ce digne fils d'Afrique. La culture étant à l'esprit et à l'âme ce que la nourriture est au corps, l'ancrage de Sudfm dans la promotion de celle-ci, n'a jamais été prise en défaut. Elle s'est réaffirmée davantage avec l'avènement de la radio qui souffle ses 26 bougies cette semaine.
Abdoulaye Wade et ses compagnons d'infortune sortiront de prison à temps pour assister à l'inauguration officielle. Nous avions souhaité attendre leur élargissement pour l’inauguration officielle, histoire de défendre et d’illustrer le caractère résolument pluraliste de cette plateforme démocratique que nous avions lancée six mois plutôt, en juillet 1994.
12 janvier 1995. Inauguration “officielle “ de la première chaîne de radio privée sénégalaise diffusée sur la bande Fm. Une cérémonie populaire rehaussée par la présence de personnalités comme Monseigneur Hyacinthe le Cardinal Thiandoum, le Guide de la Tidianya Abdou Aziz Sy (Junior) alors porte-parole et futur Khalif général des Tidianes, le Grand Serigne de Dakar, Bassirou Diagne Marème Diop et tout ce que le Sénégal compte de leaders, de citoyens anonymes, de petites gens, toutes activités confondues ou sans activité.
Trois des quatre chefs d’État des pays membres de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal, (OMVS) sont présents à cette cérémonie qui démarre par une exposition des “produits” du groupe Sud, de ses différents titres de l’époque, retraçant son parcours atypique qui a cassé bien des codes et de monopole. Lansana Konté, président de la République de Guinée s’est désisté à la dernière minute parce qu’on lui avait soufflé que le responsable de la radio était un ami de Alpha Condé, son irréductible et farouche opposant. C’est la raison pour laquelle il ne s’est pas joint à ses homologues Alpha Oumar Konaré du Mali, Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya de Mauritanie et Abdou Diouf du Sénégal.
Une initiative tout à fait inédite, réalisée en partenariat avec l’Association des Artistes Plasticiens du Sénégal aura marqué les esprits. Viyé Diba, président de l’Association des Artistes Plasticiens, a sélectionné des œuvres de divers peintres pour tapisser l’immense hall et les murs du 5ème étage de l’immeuble Fahd abritant le siège de Sud Quotidien, promoteur et “hébergeur “de la radio Sudfm. Plus tard, Viyé Diba, ne cessera de sublimer le rôle de Sud dans la promotion de l’Art et des artistes, car en plus de ce qui se faisait dans nos différents supports, nous avions racheté, à prix coûtant, toutes les œuvres des différents artistes ayant participé à l’exposition le jour de la cérémonie d’inauguration de Sudfm.
La visite de l’expo et des studios terminée, alors que les invités regagnaient les tribunes pour les discours d’usage, voilà qu’entre deux portes, surgissent un trio de gais lurons, exhalant des effluves parfumées, mélange d’eau de vie, de tabac pour pipe, d’extraits de plantes herbacées (psychotropes). Joe Ramangelisa Samb alias Issa, alias Joe Ouakam, figure emblématique du pop’art, à la manière d’un Andy Warhol, devenue iconique, Djibril Diop Mambety, le dandy-bohème de Colobane à la camera baladeuse, préfiguration du Spike Lee de “Jungle fever”, orfèvre de la satire sociale et héritier de Yaadikone, le bandit de cœur qui prenait aux nantis pour combler les enfants démunis, Ibou Diouf, le poète du pinceau, l’enfant gâté, surdoué de l’Esthétique, filleul de Senghor et égérie de l’Ecole de Dakar.
La trilogie des petites gens de Mambety sous l’ombrelle de monstres sacrés qui n’en peuvent plus de disséquer et d’incarner la marginalité. Ce faisant, ils finiront par réinventer de grosses légendes urbaines, incarnées tant par leur praxis que par leur image projetée et durablement imprimées dans l’imaginaire de leurs contemporains. On comprend dès lors la réaction enjouée et un brin amusée du Président Abdou Diouf quand notre Joe Ouakam l’a accroché par l’une des manches de sa veste pour l’entretenir de questions culturelles et d’aménagement d’espaces dédiés aux Arts et à la Culture. Évidemment, les chefs d’État et leurs délégations ainsi que les invités, tous à l’arrêt observaient cette scène hugolienne fourmillant de personnages marqués par le romantisme et l’éclectisme de la nature humaine.
A la suite de cet échange Abdou Diouf contenant les interpellations sympathiquement irrévérencieuses de nos trublions se retourna pour demander à l’hôte du jour de prendre contact avec son secrétariat pour une audience à la présidence de la République. On put dès lors regagner les tribunes. En réalité le trio était plutôt un quatuor, puisque l’expédition c’est le cas de le dire, comptait une grande passionnée d’art, Madame Bintou Niang, épouse Cissé, du nom de l’architecte urbaniste, cinéaste, producteur et homme de culture, Nicolas Sawalo Cissé, auteur d’un film surla décharge de Mbeubeuss, mettant en scène un certain Ramangelisa. Encore une histoire de petites gens, passés maîtres dans l’art de la débrouille pour transformer les ordures en “or dur“.Encore une histoire de gamins des bidonvilles cornaqués par des grands Yadi (pour Yadikone, le miraculé!)rescapé d’une fratrie n’ayant pas survécu, abusivement comparé au Robin des bois (Robin Hood) de la forêt anglaise de Sherwood, héros fictif du moyen-âge anglais qui dépouillait les riches pour donner aux pauvres. Grand Yadi, ou Ndiaye Yadi pour ses proches, de son vrai nom Babacar Ndiaye, a lui bel et bien existé et a pris sa “retraite dans la localité de (campement) Nguekokh dans l’actuel département de Mbour. Un mémoire lui a été d’ailleurs consacré sur le thème du “banditisme social”. Bintou, collectionneure, galériste chevronnée, avait repéré en zone portuaire, un entrepôt pouvant accueillir ce qui va devenir l’espace Vema.
Le jour J, celui du rendez-vous avec Abdou Diouf à la présidence de la République fut mouvementé. Je devais “récupérer “Ibou Diouf au “Midi” une sorte de deuxième rédaction pour les légionnaires, de Sud qui comptaient dans leurs rangs de farouches amazones. On est en situation familière, c’est-à-dire, anxiogène avec cette sensation indéfinissable que peut éprouver quelqu’un largué au bord du précipice, “à l’insu de son plein gré”. Je crois, si ma mémoire ne me trompe, que c’est Ibou Diouf qui s’est pointé au Midi, en bras de chemise, dissertant sur “verticale “, point d’observation et d’élévation, axe de la création (sic). Un coup de téléphone du bureau me fit comprendre que Issa-Joe Ouakam nous donnait rendez-vous au Bilboquet, à quelques encablures entre son refuge et la Présidence de la République. Il nous y retrouvera après avoir fait jonction avec Djibril, comme il l’apostrophait avec une affectivité complice.
Celui-là non plus, n’était apparemment pas du matin et a dû réquisitionner une pirogue pour rallier Dakar et le centre-ville à partir de son île de Ngor résidentielle. La nuit a été longue et à verse pour des assoiffés de culture underground! Bintou, très bonne camarade, est restée distinguée et bienveillante.
Vous aurez compris que toutes ces péripéties ont avalé le temps et que l’heure de l’audience nous a trouvé en conciliabules, à hauteur de la maison militaire, face à la résidence du chef de l’État, marchant d’un pas de sénateur, indifférents à la ponctualité et à la rigueur de métronome du disciple de Senghor chez qui nous nous rendions. Apres avoir négocié à la porte, nous voici arpentant le sanctuaire de la République, gesticulant et devisant à la bonne franquette, gravissant les escaliers d’un pas instable. Comme s’ils s’étaient donné le mot, les fonctionnaires de la présidence étaient, qui à la fenêtre de leurs bureaux, qui dans les couloirs, désireux de ne rater aucun moment de notre équipée pittoresque et pour le moins inhabituelle en ces lieux solennels. Une espèce échappée d’une ménagerie ? Des troubadours amusant la galerie pour des étrennes de janvier ? Le spectacle était garanti, même si la présence de Bintou distillait quelque contenance à la troupe. Mais poursuivons. A peine l’huissier nous a-il introduits, que Djibril déploie ses bras comme pour implorer le ciel. En fait, c’était pour envelopper notre longiligne président qui jouant le jeu, a fait de même pour l’accolade de ces retrouvailles hors normes. Puisque y en a pour un, y en a pour trois. Binetou et moi nous nous en sommes tenus aux gestes–barrières de la distanciation protocolaire.
Conversation animée. Issa plus familier avec Diouf lance l’attaque. Fabienne Diouf partageait avec Joe Ouakam un espace de vie à la fois privée artistique, (pour Joe) et commercial pour la fille du président .Djibril suit et rappelle les promesses non tenues par le ministère de la Culture. Abdou Diouf, placide déroule. Vint le tour de Ibou et je dus voler à la rescousse de Bintou, remarquable de retenue afin qu’elle puisse exposer ses préoccupations au chef de l’État. Alors que l’on s’y attendait alors pas du tout, Issa se leva brusquement et alla se poster près de la fenêtre du bureau présidentiel. Il nous planta là sans que l’on sache pourquoi. Il boudait tout simplement. J’ai dû négocier son retour au salon du président qui lui a parlé avec bienveillance et douceur. C’est à cette occasion que le projet de Sandaga, centre culturel ouest africain et zone piétonne a été présenté au président Diouf, séduit par l’initiative. Des questions importantes dans le domaine du cinéma, de l’art, bref de la culture ont été abordées au cours de cette audience et des engagements pris. Un seul a été concrétisé. Joe s’était insurgé justement sur cette manie de nos gouvernants de ne pas traduire dans les faits les politiques annoncées. Cela était insupportable pour des créateurs et des entrepreneurs culturels connus et reconnus mondialement, sans que leur propre pays ne suive. La suite lui a donné raison.
PAR Alain Nkontchou
LE MORATOIRE SUR LES DETTES AFRICAINES FERAIT PLUS DE MAL QUE DE BIEN
Si l’Afrique doit éventuellement mettre un terme à sa longue dépendance à l’égard des donateurs et des fonds multilatéraux pour financer son développement économique, elle devrait évoluer vers un financement de marché
Jeune Afrique |
Alain Nkontchou |
Publication 02/07/2020
Afin de faire face aux problèmes les plus urgents découlant de la pandémie de Covid-19, qui, pour l’instant, ne les touche pas avec la même gravité que d’autres parties du monde, les pays africains auront besoin d’une forme d’expansion budgétaire importante.
Ces mesures doivent principalement cibler les infrastructures. Premièrement, par un renforcement des services de santé essentiels ; deuxièmement, par une aide gouvernementale au secteur des services publics primaires pour garantir un accès illimité à l’eau et à l’électricité après la mise en œuvre des protocoles de confinement requis. En outre, des fonds devraient également être mis à la disposition du secteur privé pour soutenir l’inévitable contraction économique due au gel de l’activité économique.
Des dommages considérables à long terme
La question d’un moratoire ou d’une « suspension » du remboursement des Eurobonds, telle qu’elle est proposée, ne revêt pas autant d’importance en comparaison des besoins susmentionnés et, qui plus est, compromettrait grandement l’accès futur des économies africaines aux marchés internationaux. Un tel moratoire serait perçu comme un défaut de paiement et, quelle que soit la gravité de la situation actuelle, il infligerait des dommages considérables à long terme.
Ultimement, ce sont les marchés de capitaux privés qui doivent être la véritable source du capital destiné à l’investissement productif, ce qui est fondamental pour la poursuite du développement du continent.
À titre d’exemple, la capacité de pays tels que le Bénin et le Ghana à accéder aux marchés des capitaux au cours de l’année écoulée, à 5,75 % sur sept ans (500 millions d’euros) et à 8,875 % sur quarante ans (750 millions de dollars américains), respectivement, témoigne des conditions favorables dont ont bénéficié les nations africaines. Il serait sage de ne pas mettre en péril un tel acquis à ce stade.
Une solution : des dettes à coupon zéro sur quinze ans
Pour les pays qui ont encore la capacité de servir leur dette, la question du remboursement de la dette privée pourrait, à l’inverse, être abordée dans un cadre plus large qui comprend, à titre essentiel, un soutien budgétaire visant à relever les défis économiques actuels et futurs auxquels sont confrontés les pays d’Afrique subsaharienne, comme indiqué ci-dessus.
Ces fonds pourraient être versés aux pays qui en ont besoin par les institutions multilatérales sous la forme d’une dette à coupon zéro sur quinze ans, à un taux de 1 ou 2 % par exemple (ce n’est qu’une possibilité parmi d’autres).
Le Nigeria en est un bon exemple : le pays a récemment demandé un financement multilatéral de 6,9 milliards de dollars au FMI, à la Banque mondiale et à la BAD pour lutter contre la crise du coronavirus. Une partie de cette somme serait utilisée pour établir un fonds d’intervention de crise Covid-19 de 1,2 milliard de dollars afin d’améliorer les établissements de soins de santé et de fournir des fonds d’intervention aux États. Un tel montant doit être comparé aux engagements de service de la dette extérieure qui seront en moyenne inférieurs à 750 millions de dollars au cours des quatre prochaines années.
Si l’Afrique doit éventuellement mettre un terme à sa longue dépendance à l’égard des donateurs et des fonds multilatéraux pour financer son développement économique, elle devrait évoluer vers un financement de marché. Avec des engagements de capital et d’intérêts sur toutes les euro-obligations en circulation de l’Afrique subsaharienne qui s’élèvent à environ 5 milliards de dollars par an sur les 48 prochains mois, l’ « allègement » de la dette privée, tel que proposé compromettrait l’accès durement gagné de la région aux marchés des capitaux internationaux, et entraverait l’avenir de son développement.
Alain Nkontchou est associé-gérant de l'investisseur panafricain Enko Capital Management LLP.
par Abdoul Mbaye
MACKY S'EST CONTENTÉ DE BAISSER LES BRAS
Le covid fait éclater au grand jour les deux principaux maux de nos gouvernants : l’incompétence et l’enrichissement illicite. L’Exécutif discrédité, il reste peut-être l’espoir de voir nos députés enfin revêtir leurs habits de représentants du peuple
La sortie de mesures exceptionnelles mises en place dans le cadre de la lutte contre la pandémie de la covid-19 est certes chose difficile. Elle doit prendre en compte des données objectives fournies par la situation médicale et permettant de constater que l’entrée dans un moment de décrue (ou de pic dépassé) a été effective par l’analyse de statistiques. Elle doit également donner lieu à une posture de vigilance permettant de guetter la moindre reprise de cas d’infections comme le vivent déjà plusieurs pays. Elle doit enfin reposer sur une batterie de mesures propres à relancer l’activité économique, en particulier dans les pays les moins nantis où l’appauvrissement s’est accéléré et où la faim déjà guette.
Les paramètres à prendre en compte pour adopter la bonne décision sont donc nombreux, plaçant les gouvernants dans des situations délicates. Et les critiques deviennent faciles lorsque plusieurs choix sont toujours possibles. Mais il est au moins une exigence à réclamer aux décideurs en dernier ressort : faire reposer sur une cohérence forte la sortie de l’état d’exception sanitaire - et parfois d’un état d’urgence qui n’était sans doute pas nécessaire - afin que l’état nouveau, fait de vigilance et de résidus d’exception, soit bien compris pour être largement accepté par les populations.
Au Sénégal, Macky Sall s’est contenté de baisser les bras, de laisser ses compatriotes à leur sort, les privant de cette nécessaire cohérence qui rendra encore plus difficile la tâche d’autres bonnes volontés qui pourraient s’impliquer dans le projet de protéger nos compatriotes contre la capitulation du chef de l’Etat, chef des armées, chef de la magistrature, président du parti contrôlant la majorité à l’Assemblée nationale.
Gouverner demande du courage. Et lorsqu’on en manque, le refuge peut être de la cohérence et de l’équilibre dans sa décision. Cette cohérence peut permettre d’éviter qu’une capitulation ne se transforme en désastreuse déroute mettant en jeu de nombreuses vies.
Un débat peut s’instaurer autour du moment choisi pour lever l’essentiel des mesures qui avaient été prises afin de protéger contre la dissémination du coronavirus par la réduction des contacts. Le pic a été partout retenu comme le bon moment pour desserrer de telles mesures restrictives. Au Sénégal ce pic n’a pas encore été dépassé comme le prouvent les statistiques quotidiennes de ces dernières semaines.
Macky Sall, sous la pression et craignant lassitude et énervement des populations, a retenu l’abandon du combat et le retour à une vie normale. Ce faisant il reste fidèle à sa conception de la gouvernance consistant à privilégier le traitement politicien de toute problématique nationale, y compris lorsque la santé des populations est en jeu. Nous étions pourtant en droit de recevoir de sa part un discours soutenu par une cohérence constructive de crédibilité, et susceptible de provoquer l’adhésion à toute la part d’attitudes demandée à des citoyens désormais livrés à eux-mêmes dans la lutte contre la covid-19.
La première grosse faiblesse du discours du président du 29 juin se trouve dans la citation de statistiques cumulées lorsque l’analyse juste exigeait celle de l’évolution de ces statistiques au cours des dernières semaines pour justifier ou non un allégement général des mesures de poursuite de déconfinement relatif. Il aurait alors ajouté : « malgré tout je décide l’allègement des mesures prises afin de permettre la reprise des activités économiques et éviter plus grande souffrance aux populations démunies. »
Sans perdre de vue l’aspect sanitaire de la crise, la suite de son discours aurait dû porter sur les mesures de vigilance visant l’identification de futurs clusters éventuels par un accroissement des tests de dépistage, et en prévenant les citoyens de possibles mesures restrictives qui pourraient de nouveau s’avérer nécessaires pour contenir une reprise de la propagation de l’épidémie. Pas un mot de tout cela ! Pourtant les populations doivent y être préparées.
La remise en marche de l’économie apparaît dans son discours comme la principale raison du renoncement à la distanciation systématisée et imposée. La bonne logique aurait nécessité que l’on expose immédiatement les mesures phares prises pour assurer la reprise économique. Je lui avais pourtant conseillé de ne pas sortir du mois d’avril sans un conseil interministériel spécial consacré à l’agriculture dont les résultats de fin d’année seront essentiels à notre Nation. Son discours se contente malheureusement d’annoncer de gros chiffres (60 milliards fcfa) sans préciser ni les cultures, ni les intrants en semences et engrais encore moins les régions destinataires concernés.
Nous lui avions également recommandé d’inviter les professionnels des différents secteurs de l’économie à procéder à un diagnostic de leurs situations respectives et à proposer des mesures de leur maintien en activité et du redémarrage de cette dernière. Car il faut bien avoir conscience qu’il ne s’agit pas de relancer mais plutôt de sauver et faire survivre dans l’urgence. En lieu et place Macky Sall annonce que son gouvernement (comprendre ses collaborateurs en l’absence d’un Premier ministre) travaille sur un Programme de relance de l’économie nationale non encore disponible.
C’est le propre des crises d’être révélatrices de l’incompétence. Celle du Covid-19 n’aura pas fait exception à la règle en dévoilant celle de plusieurs gouvernants à travers le monde. Chez nous éclatent au grand jour les deux principaux maux qui les caractérisent sauf en de rares périodes de temps : l’incompétence et l’obsession de l’enrichissement illicite. Pour rappel, en mars 2020, lorsque nous appelions déjà à de premières mesures de protection contre une pandémie qui frappait à nos portes, le premier collaborateur du chef de l’Etat se souciait de faire passer de gré à gré une dépense de la Senelec en poteaux de béton estimée à moins d’un milliard FCFA pour un marché de 36 milliards FCFA. Et tant pis si une véritable gabegie au sein de cette structure impose le renchérissement de l’électricité remettant ainsi en cause la condition première de l’émergence du Sénégal (PSE paragraphes 388 et suivants).
L’Exécutif discrédité, il reste peut-être l’espoir de voir nos députés enfin se décider à revêtir leurs habits de représentants du peuple, et tenter d’être à l’origine d’un sursaut national. L’Assemblée nationale devrait engager une série d’auditions : spécialistes et professionnels de la santé, experts en modélisation mathématiques, économistes, représentants des différents secteurs d’une économie à préserver de l’effondrement, dans le but de proposer des mesures de sauvegarde de vies de citoyens et de reprise économique.
A défaut, puisse Dieu (swt) protéger le Sénégal !
Par Abdoulaye DIEYE
LE LEGISLATEUR DE 1976, UNE VICTIME DES PRATIQUES DES ACTEURS
La loi n°76-66 portant code du domaine de l’Etat a, aujourd’hui 44 ans. Elle a été promulguée le 2 juillet 1976 et publiée au journal officiel, le 20 septembre 1976.
L a loi n°76-66 portant code du domaine de l’Etat a, aujourd’hui 44 ans. Elle a été promulguée le 2 juillet 1976 et publiée au journal officiel, le 20 septembre 1976. Le domaine de l'Etat comprend le domaine public et le domaine privé. Une analyse statique du système foncier au Sénégal laisse apparaître à côté de ce domaine de l’Etat, le domaine national régi par la loi 64-46 du 17 juin 1964 et l’ensemble constitué par les titres fonciers des particuliers. A la différence du domaine national, un ensemble exclusif de toute idée de propriété, le domaine public et le domaine privé de l'Etat s'entendent de tous les biens et droits mobiliers et immobiliers qui appartiennent à l'Etat. A l’occasion d’un anniversaire de la loi sur le domaine national, nous avions publié un article intitulé Mérites, manœuvres et malheurs du législateur de 1964. Nous avons tenu, s’agissant du domaine de l’Etat, à mettre l’accent sur les malheurs du législateur de 1976 à la lumière de l’actualité autour de la gestion du foncier appartenant à l’Etat. Après avoir analysé la lettre et tenté de comprendre l’esprit de la loi portant code du domaine de l’Etat, nous estimons que le législateur de 1976 a mis en place un cadre juridique adéquat qui a malheureusement été dévoyé par la pratique des acteurs. Ce cadre juridique doit, aujourd’hui être actualisé.
I - UNE VOLONTE DU LEGISLATEUR CONSTAMMENT BAFOUEE
1- Comment ne pas voir, dans la gestion du domaine privé, que la volonté du législateur de 1976 a été bafouée au moins par rapport à deux choses : la maitrise par l’Etat de son patrimoine foncier et la préservation de ce patrimoine contre toute dilapidation. C’est au nom de l’exigence de maitrise de la consistance du domaine privé de l’Etat que le législateur de 1976 a tenu à ce que le tableau général des propriétés immobilières de l’Etat dépendant du domaine privé soit tenu à jour. L’autorité réglementaire est même allé jusqu’à exposer la configuration de ce tableau qui devait comprendre trois parties avec i) une première comprenant les immeubles affectés, classés par région et département et par service ou organisme utilisateur ; ii) une deuxième recensant les terrains bâtis ayant fait l’objet d’une autorisation d’occuper, d’un bail ordinaire, d’un bail emphytéotique ou d’une concession du droit de superficie et les classant par région, département, commune ou autre localité et iii) une troisième listant les terrains bâtis ou non bâtis disponibles, classés comme ceux de la deuxième partie. Si la tenue à jour du tableau était réellement réalisée, la réponse à la question sur la consistance du foncier appartenant à l’Etat ne serait pas « on ne sait pas exactement ». Qui peut nous dire, aujourd’hui avec exactitude ce que représente en volume le domaine l’Etat ?
Dans le but de préserver le patrimoine foncier de l’Etat, le législateur a retenu que toute vente par l’Etat d’un bien de son domaine privé doit être autorisée par une loi. Celle-ci a lieu de gré à gré ou par voie d’adjudication avec obligation de mise en valeur et aux conditions fixées dans chaque cas. Il y a eu les lois n° 87-11, 94-64 et 95-12 autorisant la vente de terrains domaniaux mais combien d’autres ventes ont été réalisées sans passer par le parlement ? Le législateur de 1976 soumet toutes les opérations intéressant le domaine de l’Etat, à l’avis de la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales (CCOD) qui est tenue de se prononcer sur leur opportunité, leur régularité et leurs conditions financières. Quelle est la part de responsabilité de cette instance dans la gestion peu orthodoxe et peu transparente du patrimoine foncier de l’Etat ? Les griefs contre cette instance sur laquelle le législateur de 1976 comptait beaucoup sont nombreux et variés.
De sa configuration actuelle (elle regroupe, sous la présidence du représentant du Ministre chargé des domaines huit autres Directeurs nationaux concernés par le foncier) à la périodicité de ses réunions (une indétermination) en passant par sa centralisation. Selon l’IGE, la CCOD a manifestement failli à sa mission pour n’avoir pas émis un avis défavorable lorsque les autorités dans l’affaire du monument de la renaissance africaine, ont pris l’option de contracter avec une structure privée au lieu de transiger directement avec l’IPRES public. Le dé classement a pour effet d’enlever à un immeuble son caractère de domanialité publique et de le faire entrer, s’il est immatriculé, dans le domaine privé. Le législateur de 1976 devrait avoir mal aujourd’hui en constatant toutes ces constructions en dur alors que son homologue de 2001 lui est même venu en appoint en disposant clairement que seules sont autorisées, sur les domaines publics maritime et fluvial, à titre d’occupations privatives, les installations légères et démontables. Oui, le et avec la Caisse de Sécurité sociale, des démembrements de l’Etat (voir rapport public 2014 sur l’état de la gouvernance et de la reddition des comptes, p. 75). Aujourd’hui, qui ne connait pas la pratique des quotas au sein de la CCOD ?
Les réformes attendues de cette instance dépassent de loin ce qui a été fait à travers le Décret 2020-1472 du 17 juin 2020 abrogeant et remplaçant le décret n°89-001 du 3 janvier 1989 relatif à la composition de la Commission de Contrôle des Opérations domaniales (intégration du directeur de la surveillance et du contrôle de l’occupation des sols comme membre et changement de la dénomination de certaines structures). C’est presque une aberration que ce soit cette instance siégeant à Dakar qui doive donner son avis sur l’opportunité et les conditions financières de tout projet intéressant le domaine de l’Etat et des collectivités publiques même ceux se situant à Bantantiti ou à Odobéré. Cela ne répond nullement à l’exigence de déconcentration des services de l’administration foncière qui devrait accompagner la dynamique de décentralisation. 2-Comment ne pas dire que la volonté du législateur de 1976 a été bafouée quand on voit toutes ces agressions du domaine public. Le législateur de 1976 a pourtant bien dit que ce domaine est constitué des biens de l’Etat qui, en raison de leur nature ou de la destination qui leur est donnée, ne sont pas susceptibles d’appropriation privée. Il a également dit clairement que le domaine public est inaliénable et imprescriptible et que nul ne peut l’occuper s’il ne dispose d’une permission de voirie, d’une autorisation d’occuper, d’une concession ou d’une autorisation d’exploitation.
La volonté du législateur a bien été bafouée car le domaine public est agressé de toute part, qu’il s’agisse du domaine public routier, du domaine public fluvial et du domaine public maritime. S’agissant du domaine public routier, il suffit de ne pas être atteint de cécité pour constater son état d’encombrement et la multiplicité de ses d’agressions: occupation sans titre de l’emprise du réseau routier classé, dépôts sur la voie publique des ferrailles, gravats et épaves de toutes sortes mais aussi lavage à grande eau des voitures et du linge sur les voies et dans les lieux publics (en dépit de ce qu’en dit la loi n° 87.71 du 5 juillet 1983 portant Code de l’hygiène), implantations sans droit de panneaux publicitaires, édification d’objets faisant obstacle au passage des véhicules ou gênant la visibilité…
En ce qui concerne le domaine public fluvial, allez à Saint louis et faites le tour des quartiers nord et sud de l’île et de celui des pêcheurs de guet ndar pour savoir si la volonté du législateur a été respectée. Voyez l’état d’occupation de la zone de vingt-cinq mètres de large et bordure des rives des cours d’eau navigables qui fait partie du domaine public et vous serez édifié. S’agissant du domaine public maritime, c’est le souci du législateur d’une protection non seulement du caractère d’utilité publique du domaine public mais aussi de son intégrité physique qui a été bafoué. Le problème au Sénégal, c’est qu’on ne respecte plus l’esprit des textes. On cherche toujours des failles, des dérogations, des exceptions, des ambiguïtés dans la lettre des textes pour contourner la volonté du législateur. Par l’exploitation à grande échelle de cette exception que constitue le déclassement et par le recours frauduleux à « la pratique du rattachement », les acteurs politiques, tous régimes confondus et l’administration foncière, ont fini de banaliser et de vider de son sens le principe d’inaliénabilité qui régit le domaine DPM doit être valorisé. Il doit faire l’objet d’un aménagement mais que le futur législateur qui doit réaliser l’équilibre revendiqué entre la protection et l’aménagement ne perde pas de vue l’exigence de placer la protection des équilibres biologiques et écologiques mais aussi la préservation des fonctions essentielles de tout littoral (fonctions de divertissement et de délassement) avant toute autre préoccupation. Ajoutons à cela, la prise en compte des effets du changement climatique (élévation du niveau marin). ii.
UN LEGISLATEUR DE 1976, MALADE DE LA NON ACTUALISATION DE SON OEUVRE
Dans l’exposé des motifs de la loi de 1976, il est clairement mentionné, s’agissant du domaine public, que la réglementation (il s’agissait du décret du 29 septembre et de l’arrêté du 24 novembre 1928) n’est ni mauvaise, ni périmée mais qu’elle devait être modifiée pour être mise en harmonie avec les nouvelles institutions et adaptée aux conditions actuelles. Nous faisons nôtre cette assertion à propos du code du domaine de l’Etat. Ce texte a été adopté en 1976 dans le contexte d’une décentralisation très limitée et d’une politique de « plus d’Etat ». Depuis lors, les collectivités décentralisées ont été mieux responsabilisées à travers les lois de 1990 et de 1996, la région a été créée et supprimée (de même que la commune d’arrondissement), le département a été érigé en collectivité locale (2013), la privatisation a touché presque tous les secteurs… Il est alors tout à fait normal que le législateur de 1976 souffre du retard de l’actualisation de son œuvre.
A titre d’exemple, les conduites d’eau et d’égouts, les lignes électriques, les lignes télégraphiques et téléphoniques, etc. sont énoncées dans la loi de 1976 comme des composantes du domaine public artificiel, donc appartenant à l’Etat. Or, depuis bien longtemps, avec la vague des privatisations, des personnes privées ont en charge les secteurs de l’électricité, de l’assainissement, de l’- hydraulique et des télécommunications. Que retenir finalement ? En France où les personnes publiques disposent d’un domaine public, le Conseil d’Etat a considéré dans un avis de juin 1996 précédant la loi du 16 juillet 1996 privatisant France Télécom que les biens appartenant à France Télécom ne pouvaient plus faire partie du domaine public dès lors que France Télécom était transformée en société privée. Le Conseil constitutionnel, dans un arrêt du 19 avril 2005 à propos d’Aéroport de Paris, privatisé par la loi du 20 avril 2005, a retenu la solution consistant à faire basculer les biens les plus importants de la structure dans le domaine public de l’Etat.
Le Tribunal des conflits, dans une décision du 12 avril 2010 Société ERDF, devait trancher la question de savoir si les ouvrages d’EDF étaient bien des ouvrages publics. Il a retenu l’affirmative. Au Sénégal, l’élément d’identification d’un bien du domaine public, c’est son appartenance à l’Etat. Il ressort de l’alinéa 1 de l’article 2 de la loi n° 76-66 une impossibilité pour les autres personnes publiques, à savoir les collectivités territoriales et les établissements publics, auxquels il faut aujourd’hui ajouter les agences d’exécution, de disposer d’un domaine public. Le législateur de 1976 dit clairement que le domaine public et le domaine privé de l’Etat s’entendent de tous les biens et droits mobiliers et immobiliers qui appartiennent à l’Etat. Il veut alors comprendre le pourquoi de ces formules lues à l’article 13 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 (le domaine public et privé d’une collectivité locale se compose de biens meubles et immeubles acquis à titre onéreux ou gratuit) et à l’article 2 du décret n° 2005- 1182 du 06 décembre 20051 (Les opérateurs… peuvent exécuter, sur le domaine public routier (c’est-à-dire l’ensemble des biens du domaine public de l’Etat, des départements et des communes…) tous travaux nécessaires à la construction et à l’entretien de leurs lignes de télécommunications.
Ces formules jurent avec la volonté du législateur de 1976. Le législateur de 1976 veut savoir si la définition très précise qu’il donne de la permission de voirie, la distinguant de l’autorisation d’occuper est bien celle que le Code général des Collectivité territoriales retient. Ce dernier semble avoir repris les définitions consacrées par le droit français. En effet, en France, on distingue la permission de voirie avec emprise et le permis de stationnement sans emprise. Enfin, le législateur de 1976 déplore le fait que dans la plupart des versions de son œuvre en circulation, il est encore mentionné que le domaine public naturel comprend la mer territoriale, le plateau continental tel que défini par la loi, la mer intérieure etc. Or, la loi n°85-15 du 25 février 1985, a extirpé la mer territoriale et le plateau continental de ce domaine qui comprend désormais les eaux intérieures, les rivages de mer couverts et découverts lors des plus fortes marées, ainsi qu’une zone de cent mètres de large à partir de la limite atteinte par les plus fortes marées. En dépit de tout ce qui précède, nous souhaitons un joyeux anniversaire au législateur de 1976 pour ses œuvres encore en vigueur (loi n°76-66 du 2 juillet 1976 portant Code du domaine de l’Etat mais aussi loi n°76-67 du 2 juillet 1976 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux autres opérations d’utilité publique).
par Scandre Hachem
À PROPOS DE LA CAMPAGNE ANTI-LIBANAIS EN COURS
EXCLUSIF SENEPLUS - Ces voix, ces plumes qui prétendent défendre l'intérêt national sénégalais s'expriment en réalité dans une même logique que les suprématistes blancs aux États-Unis et autres mouvements identitaires européens
Depuis des décennies, la communauté d'origine libanaise au Sénégal est l'objet de campagnes de rejets et/ou de séductions discrètes, à l'occasion de faits particuliers mis en exergue selon les besoins, avouables ou non.
Cette pratique existe depuis la période coloniale, initiée par le colon lui-même pourtant "importateur" des libanais (pas toujours consentants, faut-il le préciser) pour servir de tampon entre le colonisateur (bien à l'abri dans ses bureaux ou ses casernes) et la population autochtone. On retrouve ainsi les libanais dans les villages, les bourgades et les petites villes, pratiquant le commerce dans sa plus simple expression jusqu'aux transactions qui deviendront progressivement plus élaborées avec le temps, jouant le rôle d'acheteurs directs de la production arachidière ou de la gomme arabique et de vendeurs de tissus et autres objets de consommation courants et agréables au palais pour citer ces exemples saillants.
Le libanais, au cœur de la circulation monétaire, finit par être représenté comme nécessairement riche, objet potentiel de sentiments contradictoires et bouc émissaire lors de situations de crise ou pour autre raison totalement étrangère à quelque difficulté économique que ce soit. Il est à noter que c'est la fonction des minorités dans toutes les sociétés, et on en voit les flambées régulièrement dans le monde, à des degrés plus ou moins feutrés jusqu'aux plus dramatiques.
Au Sénégal, les premières campagnes anti libanaises ont été initiées lorsque le Liban a demandé son indépendance. Par peur de la contagion avec les prémisses d'un mouvement potentiellement similaire au Sénégal, et pour prévenir toute propagation de principes d'indépendance parmi la population autochtone de la part de membres de la communauté libanaise qu'elle côtoie au quotidien, une campagne insidieuse dans un but de méfiance et d'intimidation fût pratiquée à son égard par le colon lui-même.
Ce genre de campagnes n'a cessé d'être rythmé assez régulièrement, même si la reconnaissance de la communauté libanaise en tant que partie intégrante de la communauté nationale fait son petit bonhomme de chemin.
La nouvelle campagne en cours
Depuis quelques années cependant, sous la férule de l'État d'Israël, aujourd'hui épaulé par l'impérialisme américain, cohortes évangéliques sionistes comprises d'une part et catholiques traditionalistes issues de la vieille France d'autre part, la communauté libanaise est l'objet d'un travail de sape et d'attaques en sourdine visant à la déstabiliser pour, à travers ce mécanisme, mener la guerre contre le Hezbollah, objet de toutes les obsessions israélo-américaines.
Et pour cause. Le Liban, tout petit pays, est le seul à avoir bouté de son territoire la soldatesque israélienne après dix-huit ans de résistance acharnée organisée dans le Hezbollah. Pire, il a réussi, avec ce même mouvement de résistance, à faire face et à résister à un déluge de feu par air, mer et invasion terrestre de l'État d'Israël puissamment soutenu par les États-Unis en 2006, enrayant toute nouvelle velléité d'occuper de nouveau le Liban, voire de l'intimider tout simplement.
Ne pouvant réduire le Hezbollah ni soumettre le Liban de façon frontale, il reste à l'État d'Israël, et à sa botte les États-Unis, d'utiliser leur toute puissance dans les services financiers, les systèmes numériques de surveillance et de sécurité, les contraintes économiques, politiques et militaires pour isoler le Hezbollah, pour organiser le sabotage de l'économie libanaise d'une part, réduire ses sources de soutien à l'extérieur du Liban, quelles qu'en soient leurs formes, en l'accusant d'être une organisation terroriste, lui attribuer ce statut et œuvrer à y entraîner d'autres nations, organismes et individus bien ciblés d'autre part. Différents moyens sont élaborés et mis en place progressivement, avec la complicité active de pays arabes du Golfe : lobbying intensif, chantages et pressions de différentes natures, achats de conscience et corruptions à différents niveaux...
Cette toile d'araignée autour du Hezbollah ne cesse de s'élargir et se diversifier.
Ainsi, le moyen en vogue depuis quelques années est inspiré de la torture qui est exercée sur des proches lorsque celle-ci s'est avérée inefficace sur la personne directement visée.
Car l'État d'Israël dispose d'un champ d'expérimentation unique au monde aujourd'hui, bien plus performant que celui utilisé par les nazis contre les juifs. Jouissant en effet de l'aval et la protection de la première puissance mondiale et des puissances occidentales, il peut ainsi expérimenter ses armes et ses systèmes de sécurité sur tout un peuple cobaye, en faire la démonstration grandeur nature aux acheteurs intéressés. Grâce à quoi, il peut tisser sa toile dans tous les pays qu'il vise, y compris en Afrique, y compris dans les pays où existe une communauté libanaise, notamment chiite, ce qui est le cas en particulier en Afrique occidentale, y compris au Sénégal où sa toile d'araignée est devenue bien consistante pour, régulièrement, mener des campagnes de déstabilisation et de rejet de la communauté libanaise. Car voici l'ennemi. N'ayant pu soumettre l'entité visée, à savoir le Hezbollah directement, c'est par ce proche, qu'on va l'isoler, l'affaiblir pour, enfin, le soumettre, voire le réduire. Notons en passant que la communauté chiite n'est pas la seule visée mais le Liban lui-même. De plus, partout dans le monde, tout sympathisant du Hezbollah l'est et est traqué dès qu'il atteint un certain niveau d'importance. Et comme chiites, sunnites et chrétiens libanais sont imbriqués les uns les autres dans la diaspora, et que les campagnes de rejets pour être efficaces ne doivent pas faire dans le détail, c'est toute la communauté libanaise qui en subit les foudres d'autant plus que les porteurs de ces campagnes en profitent pour régler leurs propres comptes avec celle-ci.
Bien sûr, l'attaque ne se donne jamais pour ce qu'elle est. Il est nécessaire de l'habiller, la rendre présentable, la légitimer. C'est le rôle de la fabrique du consentement selon la formule du linguiste américain Noam Chomsky.
On parlera ici de fraude fiscale, là de blanchiment d'argent, ailleurs de voile islamique ou encore de refus d'intégration .... et j'en passe. C'est en veux-tu, en voilà, décliné à toutes les sauces ! Et il n'en manque pas des candidats pour participer à cette orgie, tant le gain en cours de chemin et au bout de l'opération, agit comme un appât succulent et donne l'occasion de déverser le sentiment de rejet et de haine du libanais en tant qu'humain et citoyen porté par certaines plumes ou voix qui déroulent ces campagnes. Et de se sentir important à véhiculer ces discours, qui plus. Et ce sont des galons, des premières places, savamment orchestrés, à faire miroiter, à occuper et à gravir.
Que n'a-t-on cure alors des conséquences !
Les États-Unis ont une expérience en la matière, et c'est peu dire. Ils utilisent leurs lois, imposent leur extra-territorialité pour démanteler des pays mais aussi les fleurons économiques de leurs propres alliés, dans le seul but d'éliminer un concurrent et de s'approprier une technologie ou un espace, quelle que soit sa nature, mais qu'ils estiment stratégique. Pour citer un pays que nous connaissons relativement bien pour être en lien historique séculaire avec lui, la France, les États-Unis y ont démantelé, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, pas moins que la Compagnie Générale d'électricité (CGE), Alstom et récemment Renault Nissan pour ne citer que les plus connus et médiatisés.
À ces niveaux, tout dirigeant a ses zones d'ombre, ses failles, ses faiblesses. Et quand elles n'y sont pas, ces puissances ont tous les moyens de les fabriquer, les rendre crédibles pour jeter l'opprobre et briser les organismes ou entreprises visées ou convoitées. Mentez, mentez, il en restera quelque chose. Et quand bien même la montagne accoucherait d'une souris, si elle accouche, le but serait atteint.
Le Sénégal ne peut affronter les États-Unis. Il ne peut que se soumettre ou composer dans le meilleur des cas avec leur dictat. Des pays aussi puissants, et alliés de surcroît, que la France, l'Allemagne, le Japon se sont soumis. Et je n'évoquerai même pas l'Union Européenne, par esprit de charité, tant elle se liquéfie littéralement.
Et que dire alors de notre pays qui, par sa faiblesse objective, ne peut qu'obtempérer ainsi qu'il le fait depuis de nombreuses années déjà. Le FBI a pignon sur rue au Sénégal, il en contrôle les principaux accès (pas sous la forme d'un prétendu courage de son agent, tiré d'un polar de série B, qui affronterait le Covid-19 par esprit d'on ne sait quel sacrifice !).
L'État d'Israël dispose lui aussi dans notre pays, grâce à sa présence marquée dans la surveillance numérique et à son maillage humain par nationaux interposés, d'un parfait contrôle de nos données dans toutes les sphères économiques, administratives, politiques et sécuritaires essentielles pour en user selon ses propres besoins.
Ces deux alliés y ont la possibilité d'y agir comme bon leur semble, et ils ne s'en privent pas.
Si notre pays, par realpolitik, est obligé de se soumettre à leur dictat ou, à tout le moins, composer, cela n'est pas le cas des individus. C'est volontairement qu'ils s'en font le chantre ou prêtent leur plume ou leur voix, qu'ils adhérent à ce genre d'opération, par conviction ou gains attendus. À moins qu'ils ne soient soumis à chantage ou quelque pression bien choisie.
On a le droit d'adhérer à la volonté de l'État d'Israël de détruire le Hezbollah et d'occuper puis annexer une partie du Liban. On a le droit d'approuver l'expropriation des palestiniens de leur terre, de les disperser à travers le monde et de soumettre les récalcitrants à un régime de brimades, de privations, de répressions, d'humiliations et de terreur quotidiennement jusqu'à suffocation. On a le droit d'adhérer au discours des puissances dominantes de considérer tel mouvement de résistance de terroriste.
L'Allemagne nazie traitait les résistants des pays qu'elle occupait de terroristes. La France a fait de même avec les indépendantistes algériens, l'Afrique du Sud face à l'ANC et Nelson Mandela.
Les États-Unis quant à eux sont parmi les premières nations à avoir commis les premiers génocides réussis de l'histoire. Ils se sont construits sur l'esclavage des noirs, leurs systèmes de police se sont construits sur la traque des Noirs en révolte pour briser leurs chaînes. Israël s'est construit et continue de se nourrir des mêmes mécanismes sur le dos des Palestiniens. À des niveaux bien moindres d'autres États, et non des moindres, ont fondé et maintiennent leur puissance en s'imposant à d'autres nations. Pourquoi pas un journaliste, un homme d'affaires, un employé quelconque ou un simple quidam ? Mais alors, il faudrait l'assumer, bomber le torse, se draper de l'habit justicier et de tout ce que l'on veut de plus honorable, mais dire le fond de sa pensée, dire pour qui on roule. Car, comme le dit si bien un célèbre psychanalyste, lorsque quelqu'un s'exprime, se demander toujours d'où "ça" parle ? Car c'est bien le "ça" qu'il importe de déceler et de mettre à jour et au clair.
La communauté libanaise, une force pour le Sénégal, une force pour l'Afrique subsaharienne
Les libanais sont présents au Sénégal depuis près d'un siècle et demi, et peut-être même plus, tant ils ont vécu jusque dans les coins les plus reculés et isolés du territoire.
Où qu'ils aient pu être, en Afrique ou ailleurs, ils n'ont jamais disposé de l'appui de leur pays d'origine ni d'aucun autre pays. Ils ne peuvent compter que sur leur ingéniosité, leur volonté, leurs solidarités familiales et villageoises, et les réseaux sociaux qu'ils réussiront à construire. Face aux difficultés et inimitiés, ce sont leurs seules planches de salut.
Il en a été ainsi durant la période ayant précédé l'indépendance comme rappelé ci-dessus. Il en a été ainsi dès le début des années soixante-dix quand des cantines ont été érigées sur les trottoirs de l'actuelle avenue Émile Badiane, noyant totalement leurs commerces, ouvrant une ère qui verra progressivement le petit commerce libanais péricliter dans une crise endémique, élargissant de façon significative, en quelques décennies, leurs zones de pauvreté internes et donnant le signal à des stratifications sociales marquées au sein même de cette communauté où les enfants des familles les plus aisées cultivent progressivement l'entre soi du fait même de leurs lieux de loisirs et de vie devenus inaccessibles à leurs camarades de familles défavorisées qui ne survivent plus que grâce à des associations et initiatives individuelles caritatives structurées autour du religieux. Mais donnant naissance aussi, et à l'inverse, au sursaut d'une partie de ses membres qui s'est lancée dans la petite entreprise de transformation aboutissant aujourd'hui parmi les plus beaux fleurons de l'économie nationale. Nationale, parfaitement, leurs fondateurs fussent-ils non noirs, fussent-ils libanais ou d'origine libanaise.
Ces fleurons ne sont pas le produit de cadres sortis dont on ne sait quelle université ou grande école, dont on ne sait quelle maîtrise des mécanismes d'exploitation et de manipulation financière. Ils sont tout simplement le fruit du bon sens paysan qui est la nature profonde du libanais d'Afrique, ce paysan qu'il était au Liban et qu'il n'a jamais cessé d'être où qu'il soit en Afrique. La quasi-totalité des fondateurs de ces grands groupes n'ont pas fréquenté l'école, sinon dans le meilleur des cas le niveau primaire, ou alors surtout d'avoir eu la chance d'avoir été instruits par leurs pères grâce à l'enseignement religieux qu'ils leur ont prodigué avant de quitter le Liban.
Leurs enfants, éduqués aujourd'hui dans les universités, ne font que marcher dans leur sillage, hériter et/ou faire fructifier l'héritage, mais toujours sous la houlette du bon sens paysan du patriarche qui, tant qu'il est vivant, veille encore sur l'entreprise familiale.
Parallèlement à ce sillon, les premiers étudiants libanais s'étaient orientés dans leur quasi-totalité dans les études médicales, réalisant le rêve de leurs parents d'avoir un enfant "docteur", summum de la réussite sociale. Car médecin qui se dit "Hakim" en arabe, outre la vie qu'il a la possibilité de sauver avec l'instruction reçue (lorsque tu sauves la vie d'un homme, c'est comme si tu sauvais la vie de tous les hommes, dit le Coran), exprime aussi la sagesse. Pour couper court à toute illusion et laisser penser qu'ils se seraient laissés enfermer dans une pratique essentiellement philanthropique, ils n'en ont point oublié les retombées financières. Très vite là aussi, et dans la même décennie qui a vu naître la floraison des cantines, des contraintes fortes leur furent imposées pour l'ouverture d'un cabinet médical. Qu'à cela ne tienne, ils se sont lancés dans la construction de cliniques, donnant un souffle nouveau à l'éclosion d'un réseau sanitaire de qualité largement partagé aujourd'hui par une grande partie du corps médical.
Là ne s'arrêtent pas les obstacles qu'ils voient se dresser sur leur chemin. En effet, ils ont su faire face aux multiples contraintes et difficultés à obtenir la nationalité sénégalaise, difficultés érigées par l'ordre colonial lui-même et accentuées dans les années soixante-dix et quatre-vingts, malgré leur naissance au pays, la présence de leurs parents depuis des décennies et de leur communauté depuis un siècle.
Rien n'y fit, aucune barrière, aucune contrainte. Ceux qui jetèrent l'éponge momentanément iront dans des pays africains, tant ils ont l'Afrique dans leur être. Comme tout émigré, d'où qu'il vienne, ceux-là seront parmi les plus résilients et les plus talentueux. Ils construiront en Côte-d'Ivoire, au Cameroun, au Nigeria de puissants groupes industriels, avec toujours un pied au Sénégal, leur second pays d'origine et le premier pour nombre d'entre eux aujourd'hui.
Oui, ce sont là assurément des concurrents redoutables face à ceux qui, forts du soutien de leur pays, viennent y implanter leur puissance. Oui, ce sont des concurrents tenaces dans les secteurs où ils sont investis et, enfin et non le moindre, des soutiens potentiels à la résistance contre la mainmise sur le Liban, obsession maladive de l'État d'Israël.
Oui, de redoutables concurrents et tout ce que l'on voudra, mais certainement pas des ennemis du Sénégal, ni de l'Afrique subsaharienne. Bien au contraire, ils ont été et ils sont encore parmi le premier sillon pour participer au développement et à la construction de leur pays d'accueil, le Sénégal comme de l'Afrique subsaharienne, ouvrir la voie à de nouveaux secteurs que d'autres nationaux viendront investir et enrichir. Que ce soit l'agriculture irriguée dès les années cinquante, l'import-export ou l'industrie de transformation pour ne citer que ces exemples. Ils disposent d'une force d'entraînement particulièrement marquée et sont un lieu de symbiose tant leur vie privée et professionnelle est imbriquée au quotidien avec les populations autochtones. Une simple promenade attentive dans les quartiers où ils habitent et commercent suffit pour voir combien ils vivent imbriqués et en promiscuité avec leurs compatriotes de souche. Point n'est besoin de sortir de Polytechnique ou d'une quelconque école pour le voir et le comprendre. Jusque dans le Covid-19 que les uns et les autres se partagent largement et dit leur imbrication mutuelle.
Comme tous les immigrés, et le Sénégal en a l'expérience au quotidien maintenant, nombre d'entre eux envoient de l'argent à des membres de la famille restée au pays, y réalisent des dépenses de prestige, mais il est déjà très loin le fantasme d'un hypothétique "retour au pays". C'est au Sénégal, c'est en Côte-d'Ivoire, au Burkina, au Nigeria, en Guinée ou au Togo et ailleurs, dans leur pays d'adoption, qu'ils investissent la fortune qu'ils ont réussi à construire, pierre après pierre, économisant sous après sous. C'est en Afrique qu'ils créent leurs premières multinationales, c'est dans leur pays d'adoption que ces fleurons ont leur siège. C'est ici qu'ils naissent, qu'ils vivent, qu'ils meurent, qu'ils sont enterrés, et quand bien même ils venaient à mourir à l'étranger pour un nombre de plus en plus significatif d'entre eux.
Alors on pourra faire toutes les campagnes racistes qu'on voudra contre eux, voire perpétrer des pogroms, ici ils sont, ici ils resteront.
Et on pourra dire que certains disposent de centaines de millions, voire quelques milliards de liquide avec eux. Cela en ferait-il des fraudeurs ?
Ces sommes, pour mirobolantes qu'elles puissent apparaître pour un profane, sont un ba ba à certains niveaux d'activités. Quant à leur forme et leur circulation liquides, elle est l'expression même de l'économie au Sénégal comme dans tous les pays du Sud, tant celle-ci y est informelle. Bien sûr que les États-Unis et les puissances occidentales dominantes veulent imposer leur traçabilité et donc leur circulation dans les circuits financiers internationaux pour mieux contrôler et soumettre les pays à leurs intérêts propres. Mais ce n'est pas le cas dans les économies essentiellement informelles, et ce n'est dû à aucune entreprise ni aucun Etat en particulier, en Afrique comme ailleurs dans les pays du Sud.
Refuser de se soumettre à ces circuits financiers relève du simple bon sens paysan encore une fois.
La confrérie mouride, sortie de ses villages et de ses champs, s'est organisée en dahiras pour affronter les "étrangetés" et autres difficultés de la ville, se regrouper en réseaux de solidarité et d'entre-aide. Ce système a été reproduit dans leur processus d'émigration vers d'autres pays. C'est une règle de survie propre à tous les immigrés. Mais plus fortement encore que les autres immigrés en général, ils ont su connecter leurs réseaux à tous les niveaux de coopération et de solidarité.
Qui oserait prétendre que Touba est infesté de fraudeurs parce que l'argent liquide s'y trouve par dizaines et centaines de milliards ? Touba est la seule véritable banque d'investissement du Sénégal. C'est grâce à Touba et à son système de circulation de l'argent que de très nombreux investisseurs ont émergé et émergent toujours plus du cœur du Sénégal. L'argent rentre par centaines de millions de tous les pays du monde, drainés par la diaspora sénégalaise, il ressort par centaines de millions sous forme d'investissements. Et heureusement pour le Sénégal ! Car c'est aussi grâce à Touba que le Sénégal construit un maillage économique indépendant de la mainmise des puissances dominantes, maillage qui peut devenir, demain, le socle d'une indépendance économique véritable.
Les banques classiques n'ont jamais permis le développement d'un pays africain ni d'aucun pays colonial. Ces banques sont des prédatrices de l'économie. Elles servent surtout à aspirer l'argent pour le drainer vers les pays dominants et à leur seul profit. Pire, toute circulation monétaire à travers les institutions financières est contrôlée et bridée. Des justifications à n'en plus finir sont exigées, des taux d'intérêt prohibitifs appliqués. Et j'en passe.
Grâce à Touba, un sénégalais au fin fond d'un quelconque pays de n'importe quel continent peut recevoir dans la journée, l'argent dont il a besoin, sans le paiement d'un quelconque intérêt, alors qu'avec Western Union ou autres organismes, il vous faut débourser jusqu'à 9% d'intérêts et de coûts de conversion en fonction du montant de votre transfert. Refuser de passer par ce racket n'est pas frauder le fisc, c'est refuser d'engraisser les institutions financières internationales.
Lorsqu'un immigré sénégalais de Guinée, du Mali, de France, de Chine ou des États-Unis envoie de l'argent au pays pour soutenir sa famille, construire une maison ou investir dans un projet, qui oserait dire qu'il fraude le fisc de son pays d'accueil, qu'il s'agit d'un délinquant ou l'affubler de je sais quel sobriquet ?
Avoir de l'argent immédiatement disponible est une nécessité économique pour l'investissement ou la résorption d'une perte, c'est sauver des emplois ou en créer d'autres, c'est créer et réaliser des projets. L'argent versé dans un pays vient du pays même où il est versé, l'argent payé en contrepartie de ce versement ne quitte pas le pays d'où le paiement a été demandé. C'est une opération neutre pour chacun des pays concernés, mais ce sont des emplois sauvés ou créés, des dettes honorées et des projets réalisés. Et tant pis pour les banques qui ne se sont pas goinfrées au passage.
Quant à la corruption, elle existe. Et elle est partagée autant par des libanais, des wolofs que des sérères ou des pulaars. Mais on ne dit pas qu'un wolof, un sarakolé ou un ndiago a corrompu un fonctionnaire, l'écrire et le répéter à force d'encre et d'antenne, et laisser penser que les wolofs, les sarakolés, ou les ndiagos sont des corrupteurs. On dira par contre un libanais a corrompu un fonctionnaire, on le répétera en long, en large et en travers, à toutes les sauces et sur tous les tons, pour laisser entendre ou dire expressément que donc les libanais sont des corrupteurs. Et pourtant, le phénomène de la corruption, même s'il est étalé en long et en large par des esprits en mal de sensations, est tout à fait subsidiaire. La réalité est autrement plus pernicieuse. En effet, ce qui est très largement courant, c'est qu'il faut remplir toutes les obligations légales pour obtenir son dû, mais une fois ces conditions remplies, il faut quand passer à la caisse pour le percevoir, sinon votre dossier reste toujours tout en bas de la pile ou au fond du tiroir. C'est cela que certains esprits présentent comme de la corruption. Cela n'a rien à voir avec la corruption. Et il est inutile de nommer une telle pratique, on comprendra aisément de quoi il s'agit. En tout état de cause, cela constitue un handicap très lourd pour l'économie nationale comme pour la bonne marche de l'administration.
Peaux-noires, masques-blancs
Cette nouvelle campagne anti libanais à laquelle on assiste a pris naissance avec la question de l'interdiction du voile à l'école Jeanne d'Arc quelques mois avant la fin de l'année scolaire 2018/2019. Elle se prolonge et rebondit sous divers prétextes pour s'auto-nourrir et s'élargir à différents sujets.
Ces voix qui portent aujourd'hui les discours de haine et de rejet des libanais, ces plumes qui prétendent défendre l'intérêt national sénégalais s'expriment en réalité d'une même logique, d'un même déroulement de pensée que les suprématistes blancs aux États-Unis, les national-chauvins et autres mouvements identitaires européens. Les noirs et les arabes ? Des voleurs, des délinquants ! La preuve ? Ici, c'est ma voisine qui a une amie qui a été agressée ; la justice est laxiste à leur égard, à peine arrêtés, ils sont relâchés ! Là, c'est ils ne veulent pas s'intégrer, ils vivent entre eux dans leurs quartiers ! Ailleurs, ils fraudent la sécurité sociale, les allocations familiales ! Un peu plus loin, c'est notre emploi qu'ils volent ! Quand ce n'est pas une forme l'antisémitisme qui est reprise, ils sont tous riches... Suivez mon regard !
Les arguments ne volent pas haut. Ils sont les mêmes à Dakar, à Paris, à Bucarest, Washington ou Pretoria. Ils peuvent être bien habillés, dits avec répartis ou avec verve et étalés en sophismes, adaptés aux situations des pays et des circonstances, c'est systématiquement le même fond : la fraude, le refus de l'intégration, le vol de la richesse nationale.
Ils sont donc à bonne école et ils sont la voix de leurs maîtres. Ils s'allieront avec entrain avec les identitaires européens, les suprématistes blancs américains comme les faucheurs israéliens du peuple palestinien. Prétendre lutter pour la justice et l'indépendance du Sénégal pour en réalité être le cheval de Troie, les masques-blancs des nouvelles formes de domination et d'asservissement, et continuer de perpétuer en eux la sempiternelle relation d'esclave à maître tissée depuis des siècles. C'est méprisable dans notre monde contemporain, et cela serait risible n'eussent été les dangers et les destructions que leurs discours et leurs plumes portent en eux, visibles chaque jour à travers le monde. Cela se passe aujourd'hui ailleurs, certes, mais ailleurs n'est jamais loin.
L'Afrique mérite mieux que cela, et autre que cela.