SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
1 mai 2025
Opinions
par Felwine Sarr
POUR UNE ÉCONOMIE DU VIVANT
EXCLUSIF SENEPLUS - Nous sommes dans des économies de la mal-croissance, fondées sur un faux système comptable qui omet de comptabiliser ses vrais coûts et nomme inadéquatement ses actifs et ses passifs
La crise du Covid-19 a fini de mettre à nu les failles du système économique néolibéral. Cela fait déjà quelques décennies que sa soutenabilité est remise en cause par maints travaux scientifiques depuis les rapports Meadows (1972) et Brundtland (1987). L’économie-monde, telle qu’elle se déploie et fonctionne est une économie de l’entropie qui carbonise le vivant et dont l’empreinte écologique est forte et négative. Elle rejette dans la biosphère plus de déchets que celle-ci ne peut absorber. Pour produire des biens et services à moindre coût, elle délocalise la production industrielle là où les facteurs de production sont les moins coûteux et crée des chaînes de valeurs internationales à circuit long. La crise que nous vivons a montré les limites d’une telle organisation de la production. Pour se nourrir, une majorité de nations dépendent d’une production agricole réalisée à des milliers de kilomètres de chez elle, dont le transport accroit les émissions de gaz à effets de serre et accélère la réduction de la biodiversité. Cette interdépendance accrue permet d’avoir à sa table tous les produits du monde, mais constitue une vulnérabilité lorsque le commerce international est empêché par une raison qui limite la disponibilité des produits agricoles sur nos marchés (pandémie, guerre, fermeture commerciale, sanctions économiques, …). Il sera nécessaire dans ce domaine, sans prôner l’autarcie, de travailler à une sécurité et une souveraineté alimentaires. Etre capable de répondre à ses besoins en nourriture dans un territoire, en produisant localement ce qui est nécessaire, en diversifiant ses sources d’approvisionnement et en retrouvant la fonction première de l’agriculture qui est de nourrir les humains. Par ailleurs, le type d’organisation des chaines de valeurs internationales conduit à une fragmentation du processus de production et à une hyper-concentration de ce dernier. La production de certains biens est presque exclusivement dévolue à quelques entreprises dans quelques pays. La pénurie de masques au début de la pandémie du Covid-19 a parfaitement illustré les limites d’une telle configuration.
Au début de la pandémie, les USA, la première économie du monde était au plein-emploi (3.5 % de chômage). En mai 2020, elle atteignait son niveau de chômage le plus élevé depuis la crise de 1929 (16,3%)[1] avec 20,5 millions d’emplois détruits sur une population active de 156 millions d’individus. Il est apparu que l’organisation, la conception et les modalités du travail de notre système économique induisent une précarisation généralisée des emplois dans la plupart des secteurs de la vie économique, et pas seulement de ceux relevant de l’économie dite informelle, dont la volatilité des revenus et l’absence de filets sociaux de ses travailleurs ont été rendu plus manifeste par la crise actuelle. Aussi bien dans l’aéronautique[2], la production de biens et services, que pour les secteurs du tourisme, de la culture, de la restauration, c’est une économie structurée autour d’une temporalité de court terme où la vie économique est financée par des recettes journalières, qui s’est révélée. Une telle économie a besoin d’une accumulation quotidienne et à la petite semaine de cash-flows pour faire face aux charges d’exploitation dues mensuellement et aux traites bancaires, surtout pour les PME. Les grandes firmes qui ont des lignes de crédit ouvertes dans les banques, financent une grande partie de leur activité par endettement. Lorsqu’elles anticipent une baisse de l’activité dans les mois à venir, elles licencient. L’investissement et donc l’activité présente sont fortement liés à l’anticipation du futur. L’endettement étant un transfert des ressources du futur vers le présent, l’économie d’aujourd’hui est financée par les ressources de demain. Le système a une forte préférence pour le présent dont elle surpondère la valeur. Une telle économie vit au-dessus de ses moyens et entretient l’illusion de ses capacités et de sa puissance. Lorsque le futur devient incertain, celui-ci par rétroaction affecte le temps présent dont le niveau d’activité et de consommation dépendent. Nous faisons l’expérience d’une économie qui pour produire des biens de consommation, souvent en excès, épuise la bio-capacité de la planète, surexploite ses ressources, entrave sa capacité à se régénérer et transfère des revenus futurs dans un temps présent. C’est une économie du présentisme, de la démesure, de la précarité généralisée et de l’étouffement. La repenser dans ses fondements structurels, ses modes de fonctionnements et ses finalités est vital pour la survie de nos sociétés.
Parmi les questions qu’elle soulève, figure celle de la rémunération du travail et de sa valeur. Les infirmières, les médecins, les caissières de supermarchés, les conducteurs d’autobus, tous les emplois liés aux soins ont révélé durant cette crise leur caractère essentiel pour la vie de nos sociétés, alors qu’ils sont les métiers les moins bien rémunérés par le système économique actuel, qui surpaye le capital, les intermédiaires, les bullshits jobs[3], les emplois des marchés captifs et sous-payent ceux qui contribuent à nourrir, à pérenniser et à soigner la vie[4]. Une réévaluation de la valeur marchande du travail et de sa rémunération pourrait être fondée sur sa contribution au maintien de la vie, à la préservation d’un environnement sain, à l’intelligence collective, à la production de savoirs et à la culture de l’esprit.
L’économie-monde est productrice d’inégalités entre les nations et à l’intérieur de celles-ci. Ces fractures sont apparues à plusieurs niveaux ; dans la faculté inégalitairement distribuée de disposer d’une épargne ou d’actifs qui permettent de traverser des moments difficiles, dans la possibilité d’accéder à des soins de qualité, mais également dans la différence de vulnérabilité des groupes humains selon l’historique des fragilités déjà constituées, notamment les comorbidités issues des conditions de vie difficiles. Ces inégalités sont liées au système de production de la valeur ajoutée de l’économie-monde et à ses modes de redistribution, aux règles du commerce international et à la division internationale du travail. Le système économique mondial est structurellement construit pour produire de l’inégalité et accélère l’entropie du vivant. C’est cette architecture qu’il faudra désarticuler, refonder les institutions qui la sous-tendent, repenser leurs missions (OMC, Institutions multilatérales, …) et inventer de nouveaux processus de régulation des relations macro et microéconomiques ; déconcentrer les pouvoirs et défaire les monopoles. Nous vivons dans un monde où un seul individu détient une richesse supérieure au PIB de 179 pays cumulés[5], ce qui représente 3,4 milliards d’individus et 43, 7 % de l’humanité. Voici l’étendue de la folie. Elle se passe de commentaires. Nous pourrions produire des règles qui plafonnent les richesses détenues par les individus, parce qu’à partir d’un certain seuil, une minorité pathologiquement accumulatrice, prive une majorité de ressources nécessaires à une vie digne ou limite ses possibilités d’y accéder.
La division internationale du travail a fait des nations émergentes et celles dites en développement des productrices de matières premières qui sont transformés dans des industries des pays du Nord. La valeur ajoutée est ainsi transférée des pays du Sud du Globe vers ceux dits du Nord. La convention est de mesurer la richesse produite en sommant les valeurs ajoutées produites annuellement. Ce concept de croissance du PIB ne prend pas en compte les coûts environnementaux, humains et sociaux de l’appareil productif mondial. Ici se pose la question de l’évaluation de la valeur de ce qui est produit, de son utilité et de son coût. En réalité nous sommes dans des économies de la mal-croissance, fondées sur un faux système comptable qui omet de comptabiliser ses vrais coûts et nomme inadéquatement ses actifs et ses passifs. Le prix de nos produits devrait intégrer leur coût environnemental et refléter leur contenu en carbone. Ce que nous appelons croissance économique, fait décroitre le vivant. Le système économique actuel en favorise l’entropie. Nous surpayons une production d’objets dont certains sont superflus et futiles, et ne servent qu’à entretenir des industries à un coût exorbitant pour la planète.
Une économie du vivant serait fondée sur une réévaluation de l’utilité de tous les secteurs de la vie économique au regard de leur contribution à la santé, au soin, au bien-être, à la préservation du vivant et à la pérennisation de la vie, à la cohésion sociale. C’est ce que Isabelle Delanauy appelle une économie symbiotique, cest-à-dire une économie dont le métabolisme n’affecte pas négativement les ordres sociaux, environnementaux et relationnels. L’une des questions épineuses des Etats durant la crise du Covid-19 a été de réaliser le bon arbitrage entre une reprise de la vie économique nécessaire pour répondre à nos besoins, et la préservation de la santé. Les deux étant liés dans une boucle récursive. Pour déconfiner, il a fallu commencer par faire redémarrer les activités jugées essentielles à la vie sociale. Il ne s’agit pas ici de prôner une limitation de la vie économique à la satisfaction des besoins biologiques fondamentaux : se nourrir, se soigner, se vêtir. Les besoins de l’esprit et de la culture sont aussi fondamentaux à nos sociétés, mais de se poser la question de l’utilité et de la nécessité des biens produits, de leur mode de production et de leurs impacts sociaux et environnementaux. On ne pourra plus se payer le luxe de ne pas interroger la finalité de la vie économique ainsi que ses modes de production ; ni de l’inscrire dans une cosmopolitique du vivant.
Une économie des communs
Dans une époque caractérisée par une crise écologique et un creusement des disparités économiques et sociales à l’échelle du globe, la nécessité de produire des communs et de préserver des espaces non-rivaux et non-exclusifs, garantissant un droit d’usage et d’accès au plus grand nombre aux ressources communes est impérieuse. La biodiversité, l’eau, l’air, les orbites géostationnaires, les quais de pêche, les droits humains sont autant de communs dont les règles de gestion doivent être co-définies par les parties prenantes. Le commun doit être constitué et une question importante est celle de sa fabrique et de sa gestion.
Les communs, avant de relever de discours sont d’abord des pratiques sociales du faire en commun. A chaque fois qu’une communauté décide de gérer une ressource collective en mettant l’accent sur l’accès équitable, la durabilité, l’inclusivité, un commun émerge. Elinor Ostrom s’est posée la question de savoir comment un groupe d'acteurs qui sont dans une situation d'interdépendance pouvait s’organiser et se gouverner pour préserver la continuité d'avantages communs ; lorsqu'ils sont tous confrontés à la tentation d'agir de façon opportuniste. Les constats empiriques indiquent que des communautés, principalement en milieu rural, peuvent gérer les ressources naturelles de manière durable et que les relations sociales jouent un rôle important à cet égard. Le commun au sens de Hardin est envisagé comme une ressource non gérée, n’appartenant à personne. La tendance des politiques fut de considérer l’acception du commun de Hardin. Cependant, dans la pratique, un commun, ne consiste pas seulement en une ressource, mais en un système social vivant d’agents créatifs, une communauté, qui gère ses ressources en élaborant ses propres règles, traditions et valeurs. Cette vision n’est pas prisée par les économistes car elle déplace le débat en dehors du cadre théorique de l’Homo economicus, en faisant appel aux autres sciences humaines et sociales comme l’anthropologie, la sociologie, la psychologie ; mais surtout, elle rend difficile l’élaboration de modèles quantitatifs rassurants. Dans la réalité, lorsqu’il y a un nombre élevé de facteurs idiosyncratiques locaux, historiques, culturels qui rendent difficile la proposition d’une norme universelle standard, ceci contrarie la tentation nomologique de l’économie qui veut transformer toute régularité statistique, en norme. Les communs nomment un ensemble de valeurs sociales qui se situent au-delà du prix du marché et de l’appropriation privative. Ils reflètent des réalités informelles, intergénérationnelles, expérientielles, écologiques, qui ne peuvent être comprises uniquement par la théorie de l'acteur rationnel ou les récits néo-darwiniens de l'économie néolibérale.
Pourquoi il est important d’élaborer un langage des communs ?
Le langage des communs permet de nommer et d’éclairer les réalités des enclosures du marché et la valeur du faire en commun. C’est un instrument de réorientation de la perception et de la compréhension. Sans un langage des communs, les réalités sociales auxquelles ils renvoient resteront invisibles ou culturellement marginalisées, donc politiquement sans conséquences. Aussi, le discours sur les communs est un geste épistémologique qui permet de réintégrer des valeurs sociales, écologiques et éthiques dans la gestion de notre richesse commune. Cette langue permet de formuler des revendications politiques et des hiérarchies de valeurs. Elle permet aussi de nous extraire des rôles sociaux étriqués dans lesquels nous sommes enfermés (consommateur, électeur, citoyen).
Nous sommes gouvernés par un ordre du discours. Une expertise internationale qui fait système. C’est un matériau à dimension multiples (théories économiques, accords commerciaux, littérature managériale mainstream) qui relève d’un mélange de registre théoriques et systémiques. Des langages qui à travers des discursivités hétérogènes se reconnaissent et se renforcent. C’est ce que Foucault appelle une archive. A notre époque, une théorie philosophique puissante n’a pas plus d’effet qu’un mot d’ordre. Nous sommes gouvernés par un langage qui fait système, Pour sortir de ce langage et de la réalité qu’il crée, il est nécessaire d’élaborer celui d’une économie du vivant et de la production de communs, préludes à l’élaboration de ses pratiques de son éthique et de ses finalités. Une économie du vivant nécessite une refonte complète de l’économie comme pratique et ordre du discours. Il s’agit de reconstruire la discipline, ses fondements, sa pratique, son axiologie, ses finalités et de les intégrer dans la plus haute des finalités : celle de nourrir la vie.
[1] Données du Bureau of Labor and Statistics, (BLS) USA
[2] Air Canada a licencié 70 % de ses salariés. Air France a eu besoin d’une injection de 7 milliards d’euros de la part de l’Etat Français et Néerlandais pour faire face aux effets de la crise. L’Etat Allemand est entré dans le capital de la Lufthansa avec un investissement de 3 milliards d’euros.
[3] Voir David Graeber, Bullshit Jobs (2018), éditions les Liens qui Libèrent.
[4] La France a décidé d’une revalorisation salariale des personnels soignants dont on s’est rendu compte de l’importance de la contribution dans la crise sanitaire
[5] M. Bezos, le patron de Amazon dont la fortune pourrait dépasser 1000 milliards de dollars en 2026, d’après le média américain Esquire.
UNE VIE DE COMBAT CONTRE LE NÉOCOLONIALISME
Le mouvement qui s’oppose au racisme anti-noir à travers le monde se prolonge au Sénégal et ailleurs dans une remise en cause effective du colonialisme - SenePlus rend hommage à quelques patriotes sénégalais
Le mouvement qui s’oppose au racisme anti-noir à travers le monde se prolonge au Sénégal et ailleurs dans une remise en cause effective du colonialisme et principalement du néo-colonialisme qui perdure aujourd’hui encore en l’Afrique francophone tout particulièrement.
SenePlus rend hommage à quelques patriotes sénégalais qui ont porté ce combat toute leur vie :
UN SUR-DISPOSITIF COMMUNAUTAIRE SANS PRE-DISPOSITION COMMUNAUTAIRE
La riposte communautaire, jusque-là simple slogan communautaire, gagnerait à être transformée en produit communautaire. Correspondant concrètement à l’acte d’engagement communautaire qui reste, pour le moment, dans les esprits, en l’état de théorie
Aucune guerre ne s’est jamais gagnée par, seulement, des soldats fortement mobilisés sur le terrain mais faiblement armés au niveau stratégie.
L’histoire de la seconde guerre mondiale est là pour nous le rappeler. En 1942 alors que la 6ième armée contrôle 90 % de Stalingrad, il est lancé la bataille de la ville, en hiver. Les soldats allemands vivent alors une situation extrême. Ils ont faim, ils ont très froid car leur équipement est prévu pour une guerre en Europe, et non pas en Urss, là où il fait très froid en hiver. En effet, « le froid a gelé les marécages et les chars et unités motorisées allemands » le général hiver a littéralement encerclé les troupes allemandes. Malgré qu’Hitler oblige le général Paulus à rester à Stalingrad et à la défendre coûte que coûte. Le 3 février 1943, Paulus capitule.
Aucune partie de football ne s’est jamais gagnée par, seulement, une constellation de joueurs de qualité mais sans fond de jeu véritable.
Le palmarès sportif de l’équipe nationale du Sénégal en est une illustration parfaite. Papa Diouf (Ancien Président de l’Om et première victime de la CoViD-19 au Sénégal) s’en interrogeait en ces termes : « La question qui mérite une réflexion est : pourquoi au Sénégal on ne gagne rien du tout en football malgré le potentiel qui est le nôtre (…) Au vu de la qualité des joueurs qui se sont succédé en équipe nationale » (Contenu publié le 11/09/2017 à 19:07 dans Senenews Sport). En guise de réponse le coach Zdravko Logarusic, entraineur du Soudan équipe adversaire du Sénégal lors des éliminatoire de la coupe du monde 2018, avance « qu’ils n’ont pas de problèmes de joueurs, mais plutôt de tactique de jeu, c’est tout ». (Dans le journal «Les Echos» Vendredi 19 octobre 2018 - 11:06). En parallélisme sur la forme et sur le fond, la riposte communautaire sénégalaise contre la CoViD-19 se (re)trouve exactement dans la même configuration que les scenarii sus-présentés. C’est-à-dire beaucoup de communautaires de tous genres; légitimes ou légitimés, trop d’activités communautaires intéressantes ou intéressées, mais le tout sans un plan de riposte stratégique pensé, réfléchi et clairement défini. De ce point de vue, le résultat ne saurait être que le même, suivant la logique de l’harmonie imitative. Un échec programmé de la riposte communautaire avec pour élément annonciateur l’évolution exponentielle des cas communautaires à Dakar. Le Ministre de la Santé et de l’Action sociale en arrive à la triste conclusion par (re)connaître que : « la transmission communautaire est clairement établie et se traduit par une augmentation des cas issus de la transmission communautaire mais aussi des décès communautaires (…) Force est de constater que la Région de Dakar constitue l’épicentre de l’épidémie au Sénégal (…) A la date du 29 mai 2020, la région de Dakar totalisait 2525 cas dans notre pays sur les 3429 dépistés au Sénégal soit un taux de 73,6 ». Pourtant, c’est sur ce terrain de Dakar précisément que se côtoie, se télescope, voire se confronte ou s’affronte une multiplicité de discours autour du coronavirus. L’on assiste, ainsi, à une mise en société d’un jeu de voix d’acteurs mobilisées qui dérive sur une cacophonie qui rappelle Babel. Face à cette multiplication de voix communautaires peu compréhensibles, que nous préférons plutôt qualifier d’activisme communautaire, je me permets d’adresser aux autorités de la lutte contre la CoViD-19 la question, à la fois, interpellative et accusatrice suivante.
Y a-t-il quelqu’un, quelque part qui décide de quelle riposte communautaire le Sénégal doit-il mettre en œuvre ?
Car ne nous y méprenons pas, ce ne sera ni la multiplicité des acteurs communautaires en sur-présence sur le terrain, ni leur enthousiasme débordant encore moins leur qualité intrinsèque, qui ne fait aucun doute, qui suffiront à eux seuls pour remporter la riposte communautaire contre la CoViD-19. Il faut impérativement une stratégie communautaire globale, officielle et adaptée à la situation sous forme de ligne directive. Une feuille de route officielle proposable et opposable à tout acteur communautaire engagé, pour une riposte coordonnée et efficace. Conçue par qui de droit et non par qui de loi. Ou du moins, que les officiels renforcés que par une légalité décrétale associent dans la définition de leur politique communautaire les spécialistes confortés par une légitimité scientifique, au lieu de les scier du programme comme cela semble être présentement le cas. Vaut mieux tard que jamais, le ministre Abdoulaye Diouf Sarr semble enfin en prendre conscience lorsqu’il dit : « L’endiguement de l’épidémie doit mobiliser toutes les énergies. Cela passe par un renforcement de nos stratégies à l’échelle locale et un engagement fort de l’ensemble des communautés (…) J’ai demandé au Comité National de Lutte contre la gestion des épidémies de formuler dans les meilleurs délais, des recommandations pour freiner la propagation de l’épidémie dans la région de Dakar (…) parce que si on perd la main à Dakar, la lutte risque d’être perdue au niveau du pays. » Mais irez-vous M. le président de la république, M. le Ministre de la Santé et de l’Action sociale, jusqu’au bout de cette logique en allant à la rencontre et à l’écoute de ces anonymes, qui ont fait leur vie sur la recherche de solutions communautaires, et non les renommées, dont leur vie se fait par la gestion communautaire. Car, cette dernière catégorie de personnalités jusque-là plébiscitées, n’a pas encore su mettre à profit le bon dispositif communautaire dont dispose le pays, brillante par leur absence, silence et initiative. Pour toute démarche (non) proposée, il est laissé à quiconque se réclamant communautaire la latitude de dérouler son approche communautaire. Ainsi au lieu d’une réponse communautaire, on en décompte une multitude. Encore que même si on est communautaire, son rôle se situerait, davantage, au niveau opérationnel de la mise en œuvre, plutôt, que du niveau stratégique de la conception. C’est là toute l’origine de ce pilotage à vue constaté dans toutes ces réponses communautaires sur-proposées, génératrices de beaucoup de bruits et de pas mal de confusions ?
Comment le protocole de riposte communautaire fort sur la forme est-il inopérant à cause de sa faiblesse sur le fond ?
Constitué d’agents formels comme d’agent informels tels, les agents de santé communautaire, les assistants sociaux, les Badienne Gox, les relais communautaires, les ASC, les associations locales, les leaders d’opinion (artistes, sportifs, notables, religieux, personnes de bonne volonté, politiques…)... Le dispositif communautaire est fort d’hommes et de femmes de terrain, et fiers de le revendiquer. A juste titre, ils sont formés ou formatés pour être proches de la population, la connaître et pouvoir l’influencer. Vaste et exaltant programme qui recoupe largement leur fonction. Mais la direction vers laquelle influencer la communauté, dans un sens ou dans un autre, cette prérogative n’est pas du ressort du communautaire. Dont le rôle est spécialisé dans la prise en charge de l’individu et non dans la manipulation de ses idées. Sa vocation n’est pas de concevoir, par lui-même, ni les messages, ni la stratégie de la riposte. Une mission dévolue à un responsable dédié qui n’est pas un acteur opérationnel de terrain mais un agent de conception. Dans cette situation où ceux qui sont censés rédiger la feuille de route de la réponse communautaire restent improductifs, par ignorance de leurs prérogatives ou par déficit de compétences pour leur tâche, les acteurs communautaires se retrouvent laissés à eux-mêmes. Sans contenus et orientations, ils s’improvisent, devant la communauté en interrogation de quelle direction prendre, officieusement stratèges en plus de leur statut officiel de maîtres d’œuvre. Bien présents sur l’étendue des terrains du pays et contraints ou désireux d’occuper tous les postes en même temps, les acteurs communautaires se mettent alors à dire et à faire.
A ce rythme effréné, ils finissent par répéter les mêmes messages et exécuter les mêmes tâches, qui consistent respectivement à :
- (re) parler, encore et toujours, des fameux gestes barrières : un discours rodé et même, à la limite, un disque raillé qui a besoin à l’occasion d’être renforcé et d’être renouvelé ;
- (re) distribuer, encore et toujours, des masques, des gels, de la nourriture : des actions d’appoint qui ne sont d’ailleurs, pas totalement, au point.
En ne reposant que sur ces deux leviers largement éprouvés, la machine de la riposte communautaire de la CoViD-19 du Sénégal déraille vers deux dérives : emballement et enraillement. Faute, non pas, de bras communautaires mais, plutôt, par défaut de tête communautaire. Alors face à ce cas grave, l’opération chirurgicale qu’il urge de réaliser est celle, à la fois, délicate et technique de greffer au corps communautaire, qui est déjà bien bâti, un esprit communautaire encore inexistant. Mais comment procéder ?
Quelques gestes précis pour insuffler une âme réfléchie à ce corps communautaire sur-animé.
Pour ce faire la riposte communautaire, jusque-là simple slogan communautaire, gagnerait à être transformée en produit communautaire. Correspondant concrètement à l’acte d’engagement communautaire qui reste, pour le moment, dans les esprits, en l’état de théorie.
En attendant que le concept se traduise concrètement, dans les faits, en conduite communautaire. La seule manière de rendre efficace l’engagement communautaire dans la trajectoire de la transformation communautaire qui est la finalité de la riposte communautaire pour arriver à bout de la pandémie de la CoViD-19. Mais pour cela, le processus doit se construire en se débarrassant de tous les équivoques autour de la notion clé d’engagement communautaire surtout chez les responsables du CnDE et du CrDE.
Ceux-là mêmes que le Ministre invite à nous proposer encore sans délai, une démarche accentuée de la réponse communautaire, en dépit des amalgames qu’ils traînent encore autour de l’approche communautaire. ne vaudrait-il pas, donc, mieux les inciter d’abord à se départir des amalgames qui les empêchent, de bonne foi, de bâtir une stratégie communautaire qui fait jusque-là défaut. Parmi les nombreuses nuances autours de l’engagement communautaire qu’ils doivent apprendre à discerner, nous retiendrons à tout hasard les suivantes :
- L’engagement communautaire se coconstruit entre spécialistes communautaires concepteurs et agents communautaires exécuteurs ; chacun bien ancré à sa place ;
- L’engagement communautaire s’acquiert par la communication interactive et non par la communication linéaire et la communication circulaire ;
- Loin du schéma de up-down imposé aux publics ;
- L’engagement communautaire se (dé)compte par le nombre de publics impliqués dans le programme et non par le nombre d’acteurs déployés sur le terrain ;
- L’engagement communautaire se traduit, dans la réalité, par des actions concrètes posées et non par des cognitions théoriques restituées ; privilégiant plus le faire que le savoir ;
- L’engagement communautaire mesure son efficacité par la baisse de la courbe de la transmission communautaire et non par la hausse exponentielle ;
Ainsi que c’est le cas aujourd’hui. Le protocole de riposte communautaire ne s’improvise pas donc, il se maîtrise dans ses grades idées, il se conçoit dans son architecture globale, il se met en œuvre dans une démarche opérationnelle et son efficacité s’apprécie par des résultats de nature sommative. Soumis à ce protocole, les clignotants de la riposte communautaire contre la CoViD-19 au Sénégal sont, pour le moment, au rouge. D’où l’urgence de mesures correctives pour freiner la dangereuse ascension de cette courbe de transmission communautaire. C’est une question de volonté politique à faire montre de la part des autorités pour faire enfin appel à une expertise scientifique disponible pour une cause d’utilité communautaire.
N’est-ce pas là l’exigence communautaire à laquelle nous appelle le coronavirus, une pandémie d’envergure, de nature et de couleur communautaires. Car si on n’y prend pas garde, par un effet contraire la riposte communautaire contre la CoViD-19, telle qu’elle est (é)conduite à l’heure actuelle risque de se muer en cas communautaire pour aggraver la contamination communautaire.
Urgence signalée. Mobilisons-nous plus et surtout mieux, ensemble nous vaincrons !
Par Amadou BA
LE RENDEZ-VOUS DE L’HISTOIRE
La reconfiguration des relations internationales est une donne incontournable avec la crise du coronavirus
La reconfiguration des relations internationales est une donne incontournable avec la crise du coronavirus. Frappé de plein fouet dans toutes ses dimensions, le monde doit bien faire face à l’épreuve de la reconstruction de ses bases, de la redéfinition de ses priorités et de la renégociation du pacte qui a prévalu durant toute la période de l’après-guerre. Le nouvel ordre mondial prôné par le Président Macky Sall n’est pas seulement légitime. il est un impératif et une urgence. Impératif d’un monde plus équitable, il postule un repositionnement stratégique de l’Afrique dans les relations internationales.
Le Président sénégalais a, de façon permanente, posé la nécessité d’une réforme du Conseil de sécurité des nations unies. L’absence de l’Afrique de ce « saint des saints » de l’agenda mondial est devenue proprement un non-sens. Avec 1 milliard 200 millions d’habitants, l’Afrique représente 17% de la population mondiale. A l’horizon 2100, ce taux est projeté à 39%. Avec une Zone de libre-échange continentale africaine, 30% des réserves mondiales en pétrole, gaz et minéraux, 24% des terres arables, plus de 9% des ressources en eau douce renouvelable, une jeunesse qui représente plus de 70% de sa population, le continent est bien l’avenir du monde. Pourvu que le monde change son regard et accepte que la paix et la prospérité de tous sont intimement liées au progrès en Afrique. C’est une urgence, comme l’a clairement posé le Président sénégalais.
En effet, la crise sanitaire provoquée par la Covid19 est un révélateur puissant des inégalités qui caractérisent l’ordre mondial et dont l’Afrique est la principale victime. Toutefois, notre continent n’est pas dans la posture du nécessiteux attendant passivement l’aide d’un bienfaiteur. Dans la vision du Président Macky Sall, il est question de bâtir ensemble des règles d’un partenariat mutuellement bénéfique dans le respect dû aux uns et aux autres. La crise sanitaire en cours nous enseigne que le destin de l’humanité est un et indivisible. Ce qui touche la contrée la plus lointaine peut atteindre le monde entier avec une vitesse insoupçonnée. Dans la culture sénégalaise, il est dit que « l’homme est le remède de l’homme ». Cette sagesse est plus qu’actuelle dans un monde rudement soumis à un ennemi invisible qui ne connaît pas de frontières, ni âge, ni statut social. Voilà pourquoi le Président sénégalais appelle à un monde solidaire, capable de mettre l’humain et l’humanité au centre de ses finalités.
L’Afrique est un acteur majeur et incontournable de ce monde nouveau qui se dessine sous l’effet inattendu de la Covid19. Elle pourra d’autant plus jouer pleinement son rôle qu’elle a pris conscience, aujourd’hui, de sa puissance lorsqu’elle renforce son unité pour faire face à l’épreuve. Les nombreuses consultations et rencontres des instances communautaires pour une riposte commune à la crise sanitaire, du niveau sous régional au niveau continental, indiquent clairementquel’Afriqueestdéjàdansl’après-Covid19pourparticiper activement à la naissance du nouvel ordre mondial proposé par le Président sénégalais. L’appropriation de son appel par l’union Africaine et le G20 nous laisse confiant et très optimiste quant aux opportunités réalistes de changement du paradigme historique de domination et de dépendance au profit d’une nouvelle solidarité plus agissante, d’une coopération plus effective et d’un partenariat stratégique au service d’une humanité réunifiée pour faire face aux menaces globales et d’un partage plus équitable des ressources disponibles dans un contexte de mondialisation.
C’est tout le sens de son plaidoyer pour l’annulation de la dette publique et la restructuration de la dette privée des Etats africains dont il a défendu la cause bien avant la CoViD-19. En effet, ces arrangements constitueraient une base pour la refondation des relations entre l’Afrique et ses partenaires, tout en permettant au Continent d’aménager des espaces budgétaires susceptibles de favoriser son développement. Les ressources ainsi dégagées pourraient renforcer les efforts consentis dans le cadre des investissements dans la lutte contre la pauvreté, le chômage des jeunes et l’émigration clandestine qui font le lit de l’instabilité sociale et, partant, de l’insécurité de l’Afrique et de ses partenaires. Les nombreux échos favorables à cette perspective sont encourageants pour l’Afrique et la communauté des nations. Fidèle à ses traditions démocratiques, de paix et de solidarité, le Sénégal joue déjà sa partition.
A l’instar de tous les pays du continent, il devra renégocier sa place tout en s’appuyant sur les leçons apprises des contraintes imposées par la CoViD19 pour renforcer sa résilience, réduire sa dépendance dans la satisfaction des besoins fondamentaux de sa population (sécurité humaine, santé, éducation, alimentation…), dénouer les goulots d’étranglement économiques et financiers et accroître ses investissements dans la prospective, la révolution numérique et la recherche opérationnelle pour des réponses immédiates et endogènes á ses préoccupations essentielles et au-delà, la reconquête du marché mondial.
Par Abdoulaye BATHILY
LE RÉGIME DE FAIDHERBE ET LA MISE EN VALEUR DES RESSOURCES DE LA COLONIE
Dans le Haut-Fleuve où la culture de l’arachide était moins développée, des paysans se trouvèrent dans l’obligation d’émigrer en Gambie et au Sénégal occidental pour vendre leur force de travail comme ouvriers agricoles saisonniers
Analyser le processus de la colonisation et celui de la présence française dans la colonie du Sénégal, tel était l’objectif d’une contribution du Professeur Abdoulaye Bathily présentée à l’Université de Paris 7 Jussieu, en 1974. Dans le sillage des deux dernières éditions où il a été question du rôle et de l’œuvre de Faidherbe, des stratégies militaire et diplomatique de la France métropolitaine, Sud Quotidien propose à ses lecteurs dans son édition du jour, le dernier jet de cette contribution majeure pour apporter au débat en cours et mettre en perspective par l’histoire, le rôle du gouverneur Louis Faidherbe dans cette séquence de l’histoire du Sénégal.
C’est sous le régime de Faidherbe que la reconversion économique de la colonie fut achevée. Cette reconversion est symbolisée par la création de la Banque du Sénégal dès 1855. La gomme constituait encore l’essentiel des exportations mais son déclin était rendu irréversible moins à cause de la concurrence de la gomme du Kordofan que de l’usage de plus en plus généralisée de produits de substitution par l’industrie métropolitaine. Au contraire de la gomme, l’arachide qui venait d’être haussée au rang de culture d’exportation connut une expansion considérable.
Au cours de la période faidherbienne, la production doubla (3 000 à 6 000 tonnes). Faidherbe voulut même encourager un Français, le marquis de Rays, à construire une usine de fabrication d’huile d’arachide. Mais le conseil d’administration de la colonie, dominé par les négociants et armateurs rejeta cette décision sous le prétexte que “l’exportation de l’huile serait la ruine de la colonie”. En effet, la transformation de l’arachide sur place aurait entrainé une diminution de 70 % des tonnages transportés ce qui aurait paralysé la navigation.
Pour accroître les revenus de l’administration, l’impôt per capita fut institué dans les territoires annexés. Dans le Haut-Fleuve où la culture de l’arachide était moins développée, des paysans se trouvèrent dans l’obligation d’émigrer en Gambie et au Sénégal occidental pour vendre leur force de travail comme ouvriers agricoles saisonniers (navetan), d’autres s’engagèrent comme matelots sur la flottille fluviale et surtout la marine marchande qui se développa par suite de l’aménagement des rades de Saint-Louis Rufisque et K.aolack et de la construction du port de Dakar par Pinet-Laprade (1857). Cette émigration prit une dimension plus considérable, que l’administration décida dès les années 1860, de faire payer les impots en espèce par les populations. Nous touchons ici, aux racines du problème de la main- d’œuvre immigrée sénégalaise en France.
Faidherbe lutta pour la suppression de l’esclavage et envoya même une lettre de démission au Ministre pour protester contre la décision d’envoyer une cargaison d’esclaves (“ engagés à temps”) aux Antilles. Cette attitude était sans doute dictée par des convictions humanitaires mais elle pouvait tout aussi bien obéir aux principes capitalistes de la “liberté du travail” dont Faidherbe avait jugé l’- efficacité par la réorganisation du système de conscription des tirailleurs comme indiqué plus haut.
La doctrine économique nouvelle était qu’en face de l’impossibilité d’une mise en valeur du Sénégal, par une colonie de peuplement européen comme en Algérie, il fallait faire développer les ressources par les habitants eux-mêmes sous la direction de l’administralion. D’où la nécessité de conserver sur place une main-d’œuvre libre que l’on inciterait à la culture de l’arachide et autres produits exigés par l’économie métropolitaine. Cependant ce principe de la liberté du travailleur ne pouvait pas être pleinement appliqué dans la colonie comme en métropole. L’insuffisance des ressources de l’appareil d’Etat colonial et l’hypertrophie relative de son instrument de répression amenèrent la bureaucratie coloniale à avoir recours systématiquement aux solutions de contrainte.
Ainsi, aux lois sur l’esclavage furent substitués des textes légalisant la corvée et le travail forcé, frappant les populations des régions conquises. Les règles qui régissent le système capitaliste à la métropole sont inefficientes dans une colonie. Non seulement à cause du phénomène de dépendance économique, centre périphérie, mais surtout en raison de la nécessité vitale pour le système colonial dans son ensemble de se défendre à tout moment contre l’opposition tantôt sourde, tantôt explosive du peuple dominé. Pour ce faire le capitalisme est obligé d’enfreindre sa propre légalité par conséquent, l’économie et les superstructures juridico-institutionnelles qu’il introduit dans la colonie ne peuvent être bâties à son exacte image mais en sont la caricature. Sous ce rapport, la bourgeoisie dont le slogan était “Liberté, Egalité, Fraternité “ au temps de Faidherbe, n”hésite pas à appliquer au Sénégal des lois établissant la distinction entre “sujets” et “citoyens français”. Défense était faite aux “sujets” de quitter sans autorisation, les territoires sous protectorat où ils habitaient. Ils n’avaient pas de droits politiques dans le cadre du système colonial. Le Commandant de cercle introduit par Faidherbe devint le maitre Jacques, ayant droit de regard jusque dans les conflits privés.
RELATIONS D EFAIDHERBE AVEC LA BOURGEOISIE COLONIALE
Dans leur tentative d’interprétation de l’expansion coloniale française en Afrique occidentale, certains historiens dont le plus en vue est aujourd’hui Kanya-Forstner voient dans les réalisations du régime faidherbien l’œuvre personnelle du gouverneur Celui-ci est présenté comme un individu hors-série et initiateur d’un “ impéria1isme militaire” qui, contrairement à la thèse de Lénine aurait été à l’origine de la conquête. Nous ne pouvons discuter ici de cette question théorique fondamentale qui a suscité et suscite encore des débats passionnés dont les motivations de classe sont évidentes. Faisons simplement quelques remarques pour éclairer notre sujet. Il est certain que la forte personnalité de Faidherbe, sa persévérance non moins que son intelligence politique et militaire et son profond patriotisme ont joué un rôle très important dans l’- expansion coloniale, Cependant, certains de ses prédécesseurs comme André Brüe, plusieurs fois directeur de la Compagnie du Sénégal (1697-1720) et que Berlioux qualifiait de “père de l’A.O.F”, à l’instar de Faidherbe tout comme les gouverneurs Schmaltz, baron Roger et Bouet-Willaumez avaient une vision également grandiose des intérêts de la France au Sénégal et possédaient de remarquables qualités personnelles. Que Faidherbe ait réussi dans une tâche où ils avaient échoué relève donc des données autres que celle s’attachant à leur individualité propre. Nous avons déjà mentionné que Faidherbe fut le premier à avoir gouverné sans interruption pendant une longue période (sept ans).
Mettant à profit sa propre expérience et celle de ses devanciers ainsi que la disposition générale des esprits en faveur de l’application des plans de colonisation dressés avant lui, il acquit une autorité considérable voire une large autonomie de décision qui manquaient à ses prédécesseurs. Mais surtout il renforça sa position par les liens solides d’amitié qu’il entretenait avec les membres les plus influents de la bourgeoisie coloniale comme le gros négociant Hilaire Maurel, cofondateur de Maurel et Prom. Maurel était signataire de la pétition rédigée par les négociants de Saint-Louis en 1854 et qui demandait la réorganisation économique de la colonie et un séjour prolongé des gouverneurs. C’est lui qui intervint auprès de son ami, le ministre de la Marine, Ducos, pour la nomination de Faidherbe, comme précédemment mentionné.
Le gouverneur entretint également de bonnes relations personnelles avec les membres du Conseil d’Administration de la colonie qui jouait pratiquement le rôle d’organe de décision politique et dont les membres les plus influents étaient les négociants et les gros traitants. Certes ces relations ne furent pas toujours sans difficultés. L’on a vu comment les négociants bloquèrent la proposition de Faidherbe pour l’installation d’huileries à la colonie. Ce sont eux encore qui, en 1860, obligèrent Faidherbe à signer le traité mettant fin aux hostilités contre El Haj Umar et délimitant les possessions respectives de la France et du conquérant toucouleur. Craignant que la poursuite de la guerre ne nuisit aux opérations commerciales, ils optèrent pour “une politique de paix et de bonne volonté fondée sur l’intérêt mutuel” , contre la volonté de conquête territoriale des militaires Mais chaque fois que les transactions semblaient menacées par des groupes locaux, le commerce n’hésita pas à avoir recours aux troupes pour défendre ce qu’il considérait comme son droit.
Répondant à l’appel des commerçants de Saint-Louis dont les affaires étaient menacées de ruine dans le Haut-Fleuve à la suite du blocus des comptoirs de la région par les partisans d’EI Haj Umar regroupés à Gemu, Faidherbe sur pied une expédition qui détruisit le village (octobre 1859) . Les conflits surgis au sein de l’appareil d’Etat colonial entre le groupe économique et le groupe politico-militaire ont été presque toujours résolus en dernière instance au bénéfice des intérêts immédiats ou lointains de la bourgeoisie coloniale. Sans rejeter complètement le rôle des motivations personnelles (désir de gloire) ou les autres déterminants psychologiques que l’on peut déceler derrière l’action d’individus comme Faidherbe et d’autres chefs militaires, les faits démontrent amplement que la colonisation a été fondamentalement l’œuvre de la bourgeoisie coloniale.
Les relations entre cette dernière et le gouvernement de la colonie ont été décrites en termes clairs par Faidherbe lui-même : “Il en est ainsi chaque fois qu’une mesure prise dans le but d’obtenir des résultats avantageux pour l’avenir, trouble momentanément sur un point les opérations commerciales. Les commerçants voient surtout leur intérêt du moment; qu’ils fassent fortune en quelques années au Sénégal pour rentrer alors en France, il n’en faut généralement pas davantage pour les contenter. Le gouvernement doit lui, se préoccuper de l’avenir de la colonie. Dans un moment où toutes les puissances de l’Europe jetaient leur dévolu sur l’Afrique, comme un nouvel et immense marché d’exploiter, il ne fallait pas que la France, qui avait l’avance sur elles toutes, dans cette partie du monde, se laissât distancer par ses rivales “.
En conclusion, rappelons ces quelques idées essentielles : confronté aux tâches de la conquête, Faidherbe trouva dans l’étude des sociétés sénégalaises, les instruments de sa politique. Utilisant tour à tour, la force brutale, la ruse politique, l’intoxication idéologique dans ses relations avec les Africains, il réussit à imposer le système colonial au bénéfice de la bourgeoisie coloniale. Les caractéristiques fondamentales du sous-développement sénégalais étaient apparues dès cette période. Aux anciennes barrières sociales, son régime en ajouta de nouvelles et approfondit les conflits au sein des peuples et des Etats. 11 est donc erroné de le présenter comme le bâtisseur de l’unité nationale sénégalaise dont le contenu social et la nature politique ne peuvent d’ailleurs être correctement définis que par rapport à la réalité de la contradiction antagonique existant entre les intérêts de la bourgeoisie coloniale (et néo-coloniale) et son allié local d’une part, et d’autre part les aspirations du peuple sénégalais à une indépendance réelle. Les masses sénégalaises, à supposer qu’elles aient besoin de héros, ne peuvent choisir en tout état de cause, Faidherbe. La conception d’un Sénégal indépendant, en dehors de la tutelle française était totalement étrangère à la vision du monde et l’idéal faidherbiens.
Que les idéologues du néocolonialisme glorifient l’œuvre de Faidherbe pour se concilier l’impérialisme, cela est conforme à leurs options de classe. Cependant, par un traitement dialectique, les militants politiques peuvent et doivent étudier l’œuvre faidherbienne comme toute autre pour contribuer à sa démystification mais surtout pour acquérir une connaissance scientifique des lois du développement social sans laquelle la théorie et la praxis révolutionnaire ne seraient comme disait Lénine que “charlatanisme.
par Yoro Dia
IMAM DICKO, KHOMEINY DU SOUDAN
Au Mali aussi, toute l’opposition qui s’est rangé derrière l’iman Dicko qu’elle pense utiliser comme voiture-bélier pour faire tomber IBK, avant de renvoyer l’iman dans sa mosquée, se trompe aussi lourdement que les opposants iraniens avec Khomeiny
Si vous voulez comprendre ce qui se joue au Mali avec l’iman Dicko, il est bon de comprendre ce qui s’est passé en Iran avant la chute du Shah. Naturellement toute chose étant égale par ailleurs, le Mali n’est pas l’Iran, mais les similitudes sont troublantes entre les deux situations. Comme l’a si justement écrit mon ami Bacary Samb dans Le Monde, «l’émergence de l’iman Dicko est le symbole de la faillite de la classe politique traditionnelle». Ce fut aussi le cas en Iran. En Iran aussi, avant la chute du Shah, toute la classe politique traditionnelle (des communistes aux nationalistes en passant par les Basaris), tout le monde s’était rangé derrière Khomeiny que la classe politique pensait utiliser pour faire tomber le Shah, pour espérer ensuite l’évincer facilement. Ils se sont tous lourdement trompés et l’ont payé très cher, parce que Khomeiny s’est révélé plus politique qu’ils ne le pensaient. Au Mali aussi, toute l’opposition qui s’est rangé derrière l’iman Dicko qu’elle pense utiliser comme voiture-bélier pour faire tomber IBK, avant de renvoyer l’iman dans sa mosquée, se trompe aussi lourdement que les opposants iraniens avec Khomeiny.
En janvier 2015, invité du roi d’Arabie Saoudite pour faire la Oumrah, je me suis retrouvé à la Mecque avec iman Mahmoud Dicko avec qui j’ai beaucoup échangé sur la situation au Mali. L’iman est beaucoup plus politique que les Maliens ne le pensent. Il est loin d’être un salafiste illuminé comme Khomeiny qui n’a jamais été illuminé. Dicko, ce n’est ni Abassi Madani ni Ali Belhadj encore moins Shekau. Il s’apparente plus à Rachid Ghannouchi. Le moment choisi par l’iman pour aller à l’assaut de IBK montre que sa stratégie et son combat sont avant tout politiques.
«Les grands leaders sont avant tout des marchands d’espérance», ainsi parlait Napoléon Bonaparte. IBK est devenu un marchand de désespoir. Son immobilisme de sphinx de Guizeh contraste avec la gravité de la situation. Le Mali ne s’est jamais porté aussi mal. Le chef de l’opposition est enlevé depuis des mois, le pays sous-traite sa sécurité à la France et la Minusma, mais l’immobilisme de IBK face à cette situation catastrophique est le pire des maux. Il n’y a pas plus grande souffrance, plus grande torture pour un pays que l’absence d’espoir, de perspective, de demain. Et c’est ce que vit le Mali et l’iman Dicko capitalise politiquement sur les frustrations et l’orgueil démesuré de ce grand Peuple. Dicko n’est même pas un marchand d’espérance. Il incarne autre chose que IBK et les Maliens sont dans un tel état de désespérance qu’ils sont prêts à s’agripper à tout qui leur fera sortir de l’immobilisme et du statu quo mortel. L’imam Khomeiny avait su manœuvrer avec une dextérité politique incroyable pour mettre toute l’opposition iranienne derrière lui pour faire tomber le Shah (contradiction principale) avant de s’installer solidement au pouvoir pour s’occuper des contradictions secondaires avec tous ceux qui l’avaient pris pour une marionnette. Inconsciemment, l’opposition malienne pense la même chose de l’imam Dicko, qui a l’avantage de la probité morale, si rare chez eux. Le réveil risque d’être brutal. IBK va vivre à Koulouba les deux plus longues années de sa vie et le Mali peut-être les deux années les plus importantes de son histoire restante, parce que le l’immobilisme ne peut durer.
par Alpha Faye
COMMENT TERMINER L’ANNEE SCOLAIRE EN CONTEXTE DE COVID-19
La pandémie devrait être mise à profit pour reconfigurer notre système éducatif en vue de contribuer au renforcement de sa performance globale, au regard des enjeux et défis que ne manquera pas de poser la crise sanitaire
Le coronavirus constitue selon l’OMS, « une menace sans précédent. Mais c’est aussi une occasion sans précédent de nous rassembler contre un ennemi commun, un ennemi de l’humanité. »
Beaucoup pensent aujourd’hui que dans le cadre de la lutte, les mesures à prendre en compte doivent intégrer la dimension liée à la différence de contexte, des « réalités socio-économiques et culturelles de notre continent ».
Au Sénégal , dès l’apparition des premiers cas , sur instruction du président de la République, le gouvernement a défini et mis en œuvre une stratégie de lutte adaptée à nos réalités économiques, sociales et culturelles.
Laquelle stratégie qui s’est voulue dynamique nous a permis de contenir, en partie, la pandémie grâce à l’engagement et résolu de la pluralité des acteurs institutionnels et non institutionnels, avec en première ligne « les équipes du ministère de la Santé et de l’Action sociale et tous les autres Services de l’Etat ».
Le constat clairement établi par les experts sénégalais que le virus va probablement « séjourner » encore des mois dans notre pays, a déterminé le président de la République à réarticuler la stratégie, sur la base d’un triple impératif :
mener nos activités essentielles
faire vivre notre économie
veiller à la préservation de notre santé et celle de la communauté.
L’objet de cette présente note (résumée) porte sur le premier axe (mener nos activités essentielles) et fait focus sur le secteur de l’Education et la Formation, dans une perspective de riposte à la Covid-19, mais surtout d’atténuation/adaptation et de relance post-Covid-19, centrée sur l’Education et la Formation.
L’initiative de sa rédaction m’est venue de constats et convictions fortes relativement à la nécessité de repenser notre système éducatif, dans une optique de renforcement du capital humain, de lutte contre la pauvreté et de promotion du développement durable.
La pandémie du Covid-19 devrait être mise à profit pour reconfigurer notre système éducatif en vue de contribuer au renforcement de sa performance globale, au regard des enjeux et défis que ne manquera pas de poser la crise sanitaire que nous vivons.
Magnifiant les capacités de résilience de nos compatriotes face à la pandémie, le président mettait en lumière, lors de son discours du 11 mai 2020, les faits ci-après :
« Nous puisons chaque jour dans le génie créateur de notre peuple les ressources nécessaires à notre résilience commune. »
Les « compétences et ces savoir-faire locaux mobilisés nous parlent, pour nous dire que rien ne peut épuiser la force mentale d’un peuple résolu à affronter les épreuves et maîtriser son destin. »
C’est dans cette ligne d’action que s’inscrivent ces propositions portant sur le stratégie de terminaison de l’année scolaire 2020 et les pistes d’action de base d’une réforme du système d’éducation et de formation de notre pays.
Hypothèses de base
Grâce à un engagement global impliquant une pluralité d’acteurs, la pandémie est totalement endiguée d’ici fin août 2020.
Se convaincre qu’avec la Covid-19, rien ne sera plus avant, d’où l’urgence d’anticiper sur la période post-Covid qui va s’ouvrir très bientôt.
Les différents acteurs et parties prenantes acceptent volontiers de sortir de leurs « «zones de confort » » pour s’engager dans un projet global de changement
Considérer, comme le souligne la Banque mondiale, que « l’éducation est un puissant vecteur de développement et l’un des meilleurs moyens de réduire la pauvreté, d’élever les niveaux de santé, … et de faire progresser la paix et la stabilité ».
Prendre aussi en compte les attentes signifiées (explicitement ou implicitement) des d’acteurs et parties prenantes spécifiques (établissements privés et parents d’élèves devant envoyer leurs enfants poursuivre leurs études à l’extérieur).
L’option consistant à la réouverture partielle (classes d’examen) ne répondrait qu’au souci de sauver l’année scolaire 2019- 2020, et laisserait sans solutions de nombreux problèmes de fond.
Les processus de changement étant complexes, le Covid-19 peut être une excellente source de légitimation de la transformation du système éducatif sénégalais
Urgence d’accélérer le « projet national » de réforme du système éducatif qui est globalement partagé par la communauté nationale, et que met en lumière la pandémie du Covid-19.
Un dialogue inclusif et ouvert est engagé avec toutes les parties prenantes et acteurs de l’écosystème de l’éducation / formation.
Un consensus « dynamique » s’est dégagé sur l’opportunité et la pertinence de la stratégie retenue.
Principales propositions
Très concrètement, il s’agira pour l’Etat de procéder aux transferts financiers nécessaires aux établissements privés, en vue de compenser leurs pertes de recettes (plusieurs milliards de F CFA) découlant de la Covid-19.
Réouverture pour uniquement des classes de Terminale à partir du 25/6/ 2020 et organisation du Bac en août –septembre.
Terminer l’année pour les autres classes durant le dernier trimestre 2020 (pas d’examens de CFEE ni du BFEM, CAP, BEP, encore moins de concours d’entrée sixième). Comme alternative, on pourrait organiser des évaluations standardisées, niveau IA, au terme desquelles les diplômes seraient délivrés lors de cérémonies publiques de « diplomation » à l’échelle territoriale, avec une forte implication des acteurs-clés de l’Education et de la Formation.
Engager dès à présent le processus de réforme des examens et concours scolaires visant la suppression des examens nationaux du CFEE et du BFEM, de même que le concours de l’entrée en sixième, tels qu’ils sont organisés présentement. En effet, il y a lieu de questionner la pertinence des examens du CFEE et du BFEM, en termes de valeur ajoutée au système .Cette réforme devrait aboutir au plus tard en janvier 2021.
A terme, les fins des cycles élémentaire et moyen pourraient être sanctionnées par des attestations de fin de cycle, qui donneraient les mêmes droits que ceux conférés par le CFEE, le CAP, le BEP et le BFEM.
L’année scolaire 2020 – 2021 démarrerait, à titre exceptionnel, en début janvier 2021, avec réduction des congés scolaires et prolongation jusqu’en fin juillet
S’inscrire à moyen terme, dans un processus de réforme global de notre système d’éducation et de formation. Une telle réforme est souhaitée par tous les acteurs de l’Education. La réforme pourrait intégrer les aspects de contenus/curricula qui doivent davantage s’adapter à nos réalités socio-culturelles, mais surtout au projet de société et à la trajectoire de développement que nous souhaitons
NB : il reste clair que la réussite et le succès de telles réformes requiert des préalables, en particulier la mobilisation de plusieurs « ressources » :
Quelques préalables à satisfaire
Mobiliser la ressource juridique (établir les bases légales)
Mobiliser le soutien politique
Accepter de s’engager dans un processus de changement et prendre en compte ses différentes implications
Adopter une démarche de veille stratégique pour bâtir une « capacité de changement », avec les (04 voir) : voir derrière ; voir à côté ; voir avec et voir au-delà
Créer/ renforcer les infrastructures, en particulier résorption des abris provisoires, prioritairement dans régions de forte pluviométrie et en mode « Fast Track »
Mobiliser et motiver le personnel (RH)
Rechercher le consensus
Veiller sur les aspects organisationnels (interactions permanentes avec les parties prenantes)
Information permanente
Mobilisation des ressources financières
Maîtrise du facteur temps
Alpha Faye est membre de l’Association Mouvement Citoyen
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
MULTIPLE PHOTOS
KHALID LYAMLAHY, LETTRES CAPITALES
EXCLUSIF SENEPLUS - Passé par Oxford et aujourd’hui enseignant à l’université de Chicago, il porte un regard, entre autres, sur les relations littéraires des deux côtés du Sahara, sur la nécessité d’une critique exigeante - INVENTAIRE DES IDOLES
Auteur, critique, universitaire, Khalid Lyamlahy est un ambassadeur des lettres, au profil atypique et précieux dans le paysage littéraire africain et maghrébin. Auteur en 2017, aux éditions Présence africaine, de « Un roman étranger », un texte qui interroge la création littéraire, les réflexions sur le renouvellement du titre de séjour et l’amour. Passé par Oxford et aujourd’hui enseignant à l’université de Chicago, il porte un regard, entre autres, sur les relations littéraires des deux côtés du Sahara, sur la nécessité d’une critique exigeante. Entretien et portrait.
Par quel bout prendre l’affaire ? Khalid Lyamlahy n’est pas tellement garçon à se laisser deviner ; il n’est pas non plus avare et donne l’embarras du choix. Auteur, critique, universitaire, simple lecteur, il cumule les casquettes - sans disharmonie, ni conflits -, jusqu’à s’affirmer comme un profil précieux pour lire les lettres africaines et maghrébines, en les réconciliant tout en dégageant l’horizon. Un roman d’abord, entre tout, au titre peu évocateur ‘un roman étranger’, publié en 2017 aux éditions Présence africaine. On y suit les réflexions d’un narrateur sur l’écriture, prenant le prétexte du renouvellement de son titre de séjour, pour mettre en miroir les démarches préfectorales harassantes et la tâche du romancier : créer. La quête de l’amour tapisse l’arrière-fond du récit. L’idée d’un tel parallèle est perspicace et le long des pages, elle se révèle pertinente, avec un réel flair. D’une écriture mature, capricieuse, parfois presque symétrique dans la longueur des phrases, il signe un texte abouti et réflexif, qui sous des dehors doux, explore la création et laisse sourdre un regard sur la migration, reprenant presque à son compte le mot de Sartre : « glissez mortels, n’appuyez pas ». En fermant ce court roman, il reste un goût d’inachevé, tant l’auteur porte un discours ouvert sur la signification même de l’écriture, et tout ce qui l’environne, lui donne sa matière : la vie. A ce propos, Khalid Lyamlahy est déjà un tantinet au clair sur le sens qu’il donne à ses perceptions de l’écriture : « Ecrire, c’est tenter d’appréhender un monde qui ne cesse de nous échapper ou de nous être refusé (…), un monde souvent étouffé dans des jeux de pouvoir, des rapports de domination, des logiques de fuite, d’exclusion et de mise à l’écart ».
« Un roman étranger »
Le narrateur qui porte le récit, étudiant dans une ville européenne que l’on devine française, entretient une relation d’amour brumeuse et indicible avec Sophie, collègue étudiante. Il partage la même condition du créateur en bute à la sécheresse de l’inspiration avec Lucien, autre protagoniste, artiste peintre et ami de la faculté. Le roman triangule entre ces trois personnages. On les suit, mais surtout, on embarque à l’ombre du narrateur omniscient, dans son récit du quotidien, du détail. Pour un tel livre qui parcourt les labyrinthes de la création, « le déclic, selon l’auteur, est venu par la forme : j’ai eu d’emblée, confie-t-il, l’idée de construire le roman suivant une structure triangulaire alternant les trois niveaux de la narration (le renouvellement du titre de séjour, l’écriture du roman et l’histoire d’amour.) » Les trois échelles, pas tellement proches en termes d’affinités naturelles, cheminent pourtant, avec la trame commune de l’angoisse, de l’incertitude et de la peur comme socle commun. « Comment transformer la carte de séjour en « objet » littéraire et comment faire dialoguer la page blanche et la pièce d’identité ? », se demande l’auteur ». « Dans un cas comme dans l’autre, et même s’il n’est jamais total ou abouti, « l’épanouissement » – pour reprendre votre terme – s’apparente à un long parcours figurant à la fois le cheminement de l’écriture, avec son lot de doutes et d’incertitudes, et la quête du titre de séjour, avec sa somme d’étapes éreintantes. » C’est ainsi que par le menu, toutes les démarches de renouvellement les objets, les décors, les situations, sont décrits avec une remarquable minutie et une restitution presqu’ethnographique.
Les nuits d’angoisse, l’encre sèche face à la feuille blanche, les jours sans, tout devient prétexte pour questionner le processus d’engendrement du texte, plus globalement, celui de la création artistique. Sensible et identificatoire, le texte parle à tous, mais surtout, à cette somme d’étrangers, réguliers des couloirs et des guichets consulaires. Plus qu’un clin d’œil, l’auteur l’a inscrit au cœur de son projet : « j’ai voulu aussi écrire un roman qui témoigne à la fois de l’expérience d’un grand nombre d’étrangers et de la souffrance inhérente à toute création ». Une telle ambition aurait pu s’alourdir d’un militantisme, trait commun de beaucoup de livres africains sur l’immigration, forme de « lamentations sacrées » mais coup de bol, le texte ne verse jamais dans le discours politique. « Je ne voulais pas écrire un réquisitoire mais plutôt un témoignage romancé sur l’expérience du renouvellement du titre de séjour », abonde-t-il, clarifiant le choix. Le produit ? Une philosophie ouatée et un art du roman empreint de maîtrise, marquent déjà une écriture qui habilement met à distance le récit, où l’auteur s’engage sans se dévoiler. Et la réception n’a pas manqué de le saluer. Sur le plateau de Lareus Gangoueus[i], la tonalité de l’appréciation du critique Zacharie Acafou, est élogieuse. Il note un style « détaché », « un enchainement des phrases », un texte « calme » et livre son verdict sur ce qui a été manifestement une belle lecture : « livre à lire ». On note le même enthousiasme chez Julie Gonnet pour Jeune Afrique [ii]qui relate les « obsessions » de l’auteur dans sa quête.
Atelier du nouveau roman
De quelle école tient-il sa filiation ? Khalid Lyamlahy ne semble pas être homme à s’encombrer de figures tutélaires, potentiellement invasives. Grand lecteur, des Balzac, Flaubert, Stendhal, Proust et Cie, il fait néanmoins une halte marquée quand on lui demande des inspirations, chez les figures du nouveau roman : « je garde une affection particulière pour les romans de Robbe-Grillet, Simon, Sarraute, Ollier, Butor et les autres. Leurs écrits m’ont alerté sur la nécessité de saisir la réalité dans ce qu’elle a de plus immédiat et de plus éphémère tout en interrogeant de manière continue « l’aventure de l’écriture », pour reprendre le terme de Jean Ricardou ». Le roman s’inscrit effectivement dans ce sillage, en saisissant à la volée, l’instant, le détail, le sentiment furtif, l’élément fugace ; tout se fondant dans un propos plus global sur le sort des étrangers. Il va même au-delà, en interrogeant l’écriture elle-même, comme question fondamentale de la quête de sens. On pourrait, pour chasser des ascendances, songer à l’absurde parfois dans la maniaquerie de l’écriture, mais la figure est trop convenue.
L’ambiance au ralenti qui accueille le lecteur le conduit à se demander quel créateur se cache derrière ce roman à la fois étrange et étranger ; à l’auteur d’abord, aux lecteurs ensuite, même si tous se retrouvent, bon an mal an au fil des pages, dans la mêlée. L’une des réussites du livre entre autres, c’est justement cette facilité de l’auteur à jouer avec lui-même, avec le lecteur, sans que le style ne soit marqué par une désinvolture particulière, une ironie mordante, ou une cascade d’émotions. Sans manquer dans le texte, ils épousent une marée basse, où d’un jet homogène, tout semble être dit avec l’économie de procédés. Ce qui donne un tonus et une patte spéciale à ce roman de la migration, si peu politique, et qui fait triompher la littérature du piège du combat idéologique toujours prêt à se refermer sur le sujet.
Passerelle entre l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord
Cette élégance, on la retrouve, identique dans les mots de l’auteur, sur son propre texte. A nos questions, la même précocité, parfois, un poil, agaçante, tant il semble méconnaître ou mépriser les vagues. Tout paraît soupesé. L’horizon d’écriture, maîtrisé. Cet air de rien est-il pour autant une renonciation ? Un retrait ? Pas vraiment. Il s’en explique : « Personnellement, je pense qu’il faudrait mettre encore plus de lumière sur les conditions, souvent absurdes et inhumaines, qui créent cette tension et favorisent l’humiliation, le rabaissement et l’exclusion des étrangers ». S’il a été bien reçu du Maroc à la France, en passant par l’Angleterre, ce roman évolue dans un espace littéraire non identifié : l’espace entre l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord. Marocain, Khalid Lyamlahy, ne peut manquer de remarquer cette étrangeté qui fait des discontinuités dans le paysage littéraire. Outre l’évidente barrière de la langue, la littérature maghrébine reste très méconnue en Afrique et inversement.
Si l’auteur a été publié par Présence africaine, le constat lui reste inchangé, un poil amer, sur l’absence de passerelles, encore plus marquée dans les nouvelles générations. Car, comme le rappelle, l’auteur : « On oublie souvent que Présence Africaine a publié des auteurs maghrébins tels que le poète algérien Noureddine Aba, l’universitaire et économiste marocain Driss Dadsi ou encore l’écrivain et dramaturge tunisien Hafedh Djedidi. » Cette période paraît lointaine et confidentielle pour beaucoup. Preuve que les ruptures semblent plus nettes, sans être condamnées, Khalid Lyamlahy esquisse des pistes sur cette histoire non soldée, héritière des traites transsahariennes et de leurs séquelles : « il faut enseigner et étudier cette histoire, éclairer les consciences, rappeler les crimes du passé et œuvrer au présent pour éradiquer les différentes formes de racisme qui, faute d’éducation, continuent malheureusement de sévir au Maghreb et ailleurs. Il me semble aussi que l’une des clés est d’apprendre à « franchir » cette pseudo-séparation entre le nord maghrébin et le sud sub-saharien : par exemple, les auteurs maghrébins devraient lire beaucoup plus leurs confrères sub-sahariens et vice-versa. A cet égard, la traduction doit jouer un rôle majeur de transmission et de désenclavement. Malheureusement, très peu d’auteurs africains sub-sahariens sont aujourd’hui traduits en arabe : c’est incompréhensible ! » Le diagnostic est on ne peut plus précis ; le chantier lui, immense, dans un désert saharien au sens total du mot qui engloutit les initiatives et dresse des bordures.
Le profil de critique
De ce propos pénétré d’expérience et d’acuité sur le paysage littéraire, se dessine le profil d’un homme en lettres capitales. Né à Rabat en 1986, Khalid Lyamlahy a grandi « dans une famille d’enseignants de langue arabe spécialisés respectivement en rhétorique et en grammaire » Le pedigree est déjà là mais aussi le potentiel conflit linguistique. « A la maison, j’ai pu lire les œuvres des grands romanciers arabes même si je me suis très vite focalisé sur la littérature francophone », se souvient-il. Si les études en lettres ont mauvaise presse, « certes, je suivais une formation scientifique, mais je prenais soin de maintenir un rythme soutenu de lecture », il s’entête. Comme une évidence, la littérature s’affirme d’elle-même et une anecdote ancre un peu plus le choix : un concours d’écriture remporté au centre culturel français. Un lieu fondateur ? « Dans ma jeunesse, la fréquentation du Centre culturel français m’a beaucoup marqué : c’est là que j’ai découvert et cultivé ma passion pour la littérature et plus tard pour l’écriture. »
Tout cela le mènera à embrasser des études de lettres à la Sorbonne Nouvelle d’abord, ensuite à Oxford où il soutient son doctorat consacré aux thèmes de la révolte et de la mémoire dans l’œuvre de trois auteurs marocains contemporains. C’est dire que le jeune chercheur est dans son élément. Les textes, il les connaît. A côté du romancier, cette fibre critique se développe. Dans ses recensions, dans des revues et journaux spécialisés en littérature, dont principalement En Attendant Nadeau (dirigée par l’ancienne équipe de La Quinzaine littéraire fondée par Maurice Nadeau en 1966), Non-Fiction.fr et Zone Critique, la tonalité studieuse partage la même distance, la même force d’analyse, et une fidélité de la restitution : « L’écriture correspond à la tentative de restituer, et peut-être combler, cet écart. » Parent pauvre du paysage littéraire africain, très souvent vilipendée pour ses soumissions aux coteries, la critique peine à s’épanouir. Elle est éreintée, parfois injustement, tant les champs ne paraissent pas également dotés. Dans la critique universitaire, la tradition ne s’affadit pas. C’est plus globalement dans celle accessible, médiatique, que semble régner une complaisance qui va jusqu’à disqualifier le genre réduit à une petite portion sans portée et surtout incarnée par des figures hors du continent dans l’extraversion habituelle. Khalid Lyamlahy en est conscient : « Je profite de cet échange pour souligner qu’il y a un besoin urgent de développer et de promouvoir la critique littéraire en Afrique. La critique exigeante prolonge l’œuvre, donne sens à l’écrit, ouvre des espaces de réflexion et d’échange. C’est là un exercice qui doit être pris au sérieux. » Il s’inscrit dans un regard plus global, dans l’essence même de l’exercice : « La critique est une école de l’exigence et de l’humilité mais aussi l’occasion de saluer l’effort d’un travail, d’entamer un dialogue à distance avec son auteur et d’ouvrir des pistes de réflexion. » Un constat salutaire de nécessité d’échange, entre tous les niveaux de la critique : « J’essaie de pratiquer une critique qui combine la rigueur de l’universitaire, le souci d’informer du journaliste et la sensibilité réfléchie du lecteur lambda ». On ne saurait dire plus sinon souhaiter la venue de ce temps, en une expression plus contagieuse.
Depuis l’hiver 2019, Khalid enseigne les lettres maghrébines à l’université de Chicago. Il a pris le chemin de nombres de profils universitaires formés en France qui cèdent à l’appel de l’Atlantique, aussi pour échapper aux crispations françaises « et peut-être les repenser à partir d’une nouvelle perspective », glisse-t-il. Le contrat semble rempli et à l’aube d’une vie pleine de lettres au sens plein, le gamin mordu de foot de Rabat, même un brin nostalgique de ce qu’est devenu son sport fétiche aujourd’hui industrialisé, élargit le champ. Lui qui aime le jogging : « La course à pied m’installe dans une forme de vide salutaire qui me rappelle l’écriture : l’esprit s’éclaircit et les idées se renouvellent. J’ai également une grande passion pour les voyages et l’art en général ». Ça ferme le ban ! Un profil de l’agrégation, de la superposition. Hétéroclite ou éclectique ? C’est selon. Un nouveau souffle générationnel dans les lettres africaines qui embrassent tout le monde, sans céder aux tentations particularistes, non plus à celles de la dilution ? C’est un vœu commun, déjà en lettres capitales, avec celui qui en fait frémir le rêve.
Note : Cette chronique est la dernière de cette rubrique qui s'achève. Merci pour les lectures, les mails et les commentaires. Et un merci tout spécial aux 'idoles' célèbres ou anonymes qui ont nourri les textes.
Durant cette crise du Coronavirus (Covid19), nous sommes nombreux qui, avec le temps, avions eu peur voire été angoissés. A tout le moins nous avons été préoccupés sinon même inquiets.
Durant cette crise du Coronavirus (Covid19), nous sommes nombreux qui, avec le temps, avions eu peur voire été angoissés. A tout le moins nous avons été préoccupés sinon même inquiets. Chemin faisant, il a bien fallu prendre notre mal commun en patience mais aussi réfléchir.
Au Sénégal, pays qui, depuis l’indépendance- même en 1995 lors de l’épidémie de choléra- n’a pas connu les affres d’une épidémie, qui a su dominer le Sida au point de limiter sa prévalence à un des taux les plus faibles en Afrique, qui a été épargné de l’épidémie de maladie à virus Ebola, nous reconnaissons que, dans l’ensemble, , les autorités publiques ont su gérer la situation, même si nous aurions souhaité la mise en place d’un dépistage ciblé ou volontaire, une quarantaine territoriale au cas par cas, sans faiblesse et plus hardie, dès le début, l’autorisation de rapatriement des dépouilles de compatriotes décédés à l’étranger plutôt que leur abandon hasardeux à la crémation ou aux fosses communes, une réouverture programmée des lieux de culte, pas arrachée par la pression de certaines remises en cause locales de l’autorité de l’Etat.
Nous ne saurions donc pas nous satisfaire de l’état des lieux, d’abord parce que nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge, qu’ensuite cette pandémie importée au Sénégal et ailleurs en Afrique soulève trop de questionnements qu’il ne serait pas indiqué de passer sous silence, qu’enfin nous devons nous prémunir face à l’avenir.
Si l’Afrique se tait, sa population sera décimée etson territoire continental capturé par tous ceux qui rêvent de plus d’espace vital qu’ils ne pensent trouver que dans une Afrique toujours dotée de ses richesses mais sans les Africains.
En quelques dizaines d’années l’Afrique s’est vu servir le Sida, Ebola et maintenant Corona-19 sous prétexte qu’étant surpeuplée, elle constituerait un danger pour l’avenir de la planète. Pourtant la Genèse nous enseigne qu’au 6ème jour, après avoir créé le Ciel et la Terre puis l’homme et la femme, Dieu leur dit, ce qu’il réitérera à leur descendance « multipliez-vous, répandez-vous et remplissez la Terre ». Sur une superficie trois fois plus grande que celle de la Chine, l’Afrique compte 300 millions d’habitants de moins que ce pays. Sur une superficie trois fois plus petite que celle de la Chine, l’Inde a une population légèrement supérieure à celle de l’Afrique. Que ne regarde -t-on pas de ces côtés là au lieu de faire une fixation sur l’Afrique qui n’est pas un pays mais un continent ?
La propagande internationale a voulu faire du Sida une maladie africaine or tout le monde sait que le Sida n’est pas apparu en Afrique mais dans le monde développé. L’Afrique s’est tue, n’a rien contesté ou l’a fait trop timidement. Les « chercheurs » qui ont transplanté le Sida en Afrique œuvraient dans le sens du dépeuplement du continent en tentant d’émasculer les hommes noirs africains qui tenaillés par la peur de cette terrible maladie préféreraient s’abstenir plutôt que d’assumer leur virilité. Cela a été accompagné de campagnes de vaccinations dont le but inavoué a été de stériliser le maximum de nos femmes et jeunes filles. En même temps, les grands laboratoires et les firmes pharmaceutiques internationales ont brillé dans leur concurrence à sortir divers médicaments qu’il a fallu souvent associer par trois au lieu de s’attacher à trouver un antidote efficace.
La fièvre à virus Ebola procède du même principe et vise le même but contre l’Afrique même si le mode opératoire ici a changé car les tueurs de l’ombre ont choisi, cette fois ci, de contaminer la faune pour ensuite prétexter que c’était la consommation de la viande de gibier dite viande de brousse qui provoquait une si contagieuse maladie alors que les populations incriminées ont vécu pendant des siècles et des siècles avec cette faune et s’en sont nourri sans conséquence néfaste.
Idem pour Corona 19. On observera que l’origine a été, mensongèrement, rattachée à un marché de viande de brousse (ça rappelle Ebola) alors que la vérité est tout autre. Quand corona a pénétré en Afrique, via l’Europe essentiellement, le Continent a plus ou moins bien réagi mais voilà que des voix -y compris l’ OMS- se sont élevées dans le monde non pas pour souhaiter à l’Afrique de bien affronter et surmonter la situation mais pour s’étonner qu’elle n’ait pas encore sombré. Preuve supplémentaire que l’objectif raciste de dépeuplement de l’Afrique demeure vivace. D’ailleurs, dans la recherche de bouc émissaire à l’incurie de leur pays, il nous revient, clairement, que des citoyens chinois, visiblement couverts par des autorités locales, ont donné et donnent encore dans des insultes, de la discrimination, du racisme anti noirs africains (noirs américains et noirs indiens non concernés) lesquels sont faussement accusés d’être des vecteurs du Covid 19.
Dans la proche banlieue de Wuhan, existe un laboratoire de virologie de classe P4 (pathogène de classe 4) d’où, selon toute vraisemblance, s’est échappé le virus satanique. Que ce virus, jusque-là inconnu sur l’humain, ait été le fruit de manipulations ou pas n’est pas important, l’essentiel c’est qu’il s’est échappé de ce laboratoire probablement par contamination d’un technicien ou d’un chercheur quelconque de l’équipe qui ensuite a pu infecter n’importe qui dans le marché ; de sorte que l’on ne connaîtra jamais le patient zéro.
Le nombre de ces laboratoires dits de classe P4 est légèrement supérieur à une quarantaine dans le monde. On dit d’eux qu’ils sont les plus sécurisés de tous. Ils abritent des agents pathogènes les plus dangereux du monde ; hors perspective militaire (armes bactériologiques) ces laboratoires ne sont d’aucune utilité si ce n’est de servir de bombes à retardement pour la planète. A notre connaissance, jusqu’à présent aucune découverte pouvant profiter à l’Humanité n’est sortie de leurs locaux. Ce sont surtout -mais pas seulement-des militaires qui ont recours à ces structures. Dans le monde moderne, le rêve des militaires c’est de réussir ou contenir une attaque avec la moindre perte possible en effectifs. Certains militaires ne veulent plus être des combattants ni même des soldats. Le nouveau fantasme de ces gens c’est de pouvoir affaiblir l’ennemi et son territoire avant de l’attaquer et de conquérir sans tirer un seul coup de feu surtout sans pertes dans leurs rangs (guerre propre). Ce Covid 19 préfigure le but recherché. Qui a parlé de guerre contre ce satané virus ?
Voilà en quoi, à notre avis il convient d’être vigilant. Au lieu de se focaliser sur l’annulation de la dette africaine, nos responsables gagneraient à mieux s’informer sur la question de ces laboratoires toxiques pour l’Humain et de dénoncer continuellement ce travail. Sur incitations des pays occidentaux, le concept de « non-prolifération des armes nucléaires » avait été inventé puis répandu afin d’amoindrir tout risque d’accident ou d’erreur pouvant provenir des pays du tiers monde. A présent, il s’agit de la même chose. Que gagnerions nous si un effacement -hypothétique- ou même une diminution du volume de la dette était obtenue en faveur des africains et que dans trois ou cinq ans nous nous retrouvions face à une pandémie similaire à celle que nous vivons ? Le mieux serait d’appliquer le principe de « pollueur payeur ». Même s’il ne s’agit pas d’un fait exprès, la Chine est responsable de cette situation. C’est à elle d’indemniser surtout qu’elle en a largement les moyens financiers car méga créancière de tous les pays riches et moins riches. Au lieu de quoi, elle est en train de vendre des milliards de masques au monde et d’annoncer un vaccin qui, forcément, l’enrichira davantage.
La requête africaine aurait dû se formuler ainsi : Que la Chine règle le service de la dette africaine durant 3 ou 4 ans ; qu’elle restitue la gestion des ports et autres infrastructures (ex gares ; chemins de fer) en Afrique qu’elle a confisquée ou est en passe de confisquer. En même temps, l’Afrique devrait élever fortement la voix afin que soient fermés tous les laboratoires de classe P4 dans le monde pour éviter une autre évasion de virus car le jour où on se trouvera face à un Cocktail de virus en promenade dans notre environnement, qui sait si le résultat ne sera pas un empoisonnement indirect de nos eaux de sources, de puits , de lacs, de lagunes ,fleuves, rivières et ruisseaux, qui sait si nous ne serions pas obligés de porter des masques… à gaz , même à domicile en raison d’une pollution inattendue ; ce ne sera plus une banale affaire de lavage de mains.
Que nul n’imagine que c’est de la science-fiction ou une supposition relevant de l’impossible. Avec les virus, tout est possible. Quiconque souhaite façonner un avenir meilleur, doit s’atteler d’abord à tirer les leçons du présent en devenir. Dieu ne nous préservera que si nous prenons nos responsabilités sans faiblesse aucune.
Par Abdoulaye BATHILY
FAIDHERBE ET LA MISE EN APPLICATION DE LA DIPLOMATIE DE LA CANNONIERE
L’historien, met ainsi à nu, «l’œuvre militaire» de Faidherbe, basée sur la contrainte. Mais aussi sa politique d’assimilation culturelle entre les écoles des Missions dont les programmes étaient opposés à l'Ecole des Otages
Dans son édition d’hier, Sud Quotidien proposait le premier jet d’une contribution du Professeur Abdoulaye Bathily, publiée il y a 46 ans, sur le rôle et l’œuvre du Gouverneur Faidherbe. Ce deuxième jet renseigne sur les stratégies militaire et «diplomatique» de la France métropolitaine, déployées dans la colonie du Sénégal et appliquées par Faidherbe. L’historien, met ainsi à nu, «l’œuvre militaire» de Faidherbe, basée sur la contrainte. Mais aussi sa politique d’assimilation culturelle entre les écoles des Missions dont les programmes étaient opposés à l'Ecole des Otages. Demain jeudi, 25 juin, nous publierons, dans le troisième et dernier jet, le régime de Faidherbe et la mise en valeur des ressources de la colonie pour boucler cette contribution majeure du Pr Bathily, ancien ministre d’Etat, de la République du Sénégal.
L’œuvre militaire :
Servi par des qualités indéniables : esprit d’initiative, ténacité jointe à un dévouement inlassable aux intérêts français, Fai- dherbe prenant appui sur les plans de colonisation de ses prédécesseurs s’attacha à renforcer l’influence de la France au Sénégal. En cela, il réussit même à imposer ses vues aux ministres du Second Empire, régime qui accueillait favorablement les succès extérieurs mais manquait d’une doctrine cohérente pour les préserver. Convaincu que seule la conquête militaire en assurant “la paix et la tranquillité” pouvait créer les conditions favorables à l’exploitation économique, il dirigea personnellement une série de campagnes dévastatrices, inspirées de son expérience algérienne. Proconsul d’un empire autoritaire selon l’expression de Richard Molard, Faidherbe était de surcroit doué d’un caractère abominable et d’un sens de l’autorité qui confinait au vice.
Dès 1855, il fit restaurer les forts de Bakel et Médine dont il fit un dépôt d’armes et de munitions. Il maintint en permanence sur le fleuve une flotille de chalands et d’avisos, destinée à ravitailler et à renforcer au besoin les troupes de terre.
En 1857, il officialisa par arrêté la création du célèbre bataillon des Tirailleurs Sénégalais dont les premières tentatives remontent au gouvernement de Blanchot de Verly (1787-1807). A l’origine, les tirailleurs étaient recrutés parmi les esclaves qui étaient obligés de racheter leur liberté par un service obligatoire de quatorze ans. Mais ce système, basé sur la contrainte ne produisait que des résultats médiocres.
Faidherbe l’abolit au profit de l’engagement volontaire et décida même d’offrir aux tirailleurs engagés un salaire, des possibilités de promotion et des récompenses selon le mérite. En utilisant pleinement la recette de l’intéressement matériel et de l’intoxication idéologique dans ces sociétés où les aspirations au prestige social tenaient une place importante dans le système de valeurs, Faidherbe réussit à faire du Bataillon des Tirailleurs, un corps d’élite qui pallia l’insuffisance et l’inefficience des troupes européennes. Avec des forces accrues quantitativement et qualitativement, il lança une série d’offensives qui font encore chanter les troubadours de l’épopée coloniale.
Les Maures et Bracknas de la rive droite étaient défaits et le Waalo annexé. El Haj Umar qui avait subi des échecs au siège de Médine (1857), à Gemu (Guemou 1859) se replia sur le Niger. Obéissant aux vœux du commerce, le Gouverneur entreprit une violente campagne de représailles contre les partisans du marabout. Faidherbe ordonna la mise à feu systématique des villages accusés à tort ou à raison d’avoir saisi des biens appartenant à des traitants: “Si le pillage est commis par les habitants d ’ un village , tout le pays auquel appartient ce village en est responsable et doit s’attendre à toute espèce de représailles de notre part, tant qu’on ne nous aura pas accordé la réparation que nous avons demandée”.
La réparation était presque toujours disproportionnée par rapport au dommage causé. Elle s’ajoutait aux lourdes contributions de guerre que les chefs devaient payer avec les ressources des habitants. Dans le haut Fleuve les chefs de colonnes se livrèrent à la saisie des récoltes et des troupeaux des habitants dont la plupart avaient déserté les villages. Le commandant Pipy, commandant de garnison de Bakel, se déclarait “ content d’effacer les villages de la carte “. Au Salum, le traité de 1861, passé entre Samba Laobé et Pinet-Laprade, agissant au nom de Faidherbe, stipulait en son article 3: “Le roi du Saloum s’engage à livrer à Dakar 500 bœufs au gouvernement français, à titre de contribution de guerre.
L’œuvre diplomatique:
Homme politique habile, Faidherbe savait que seule, la soumission des peuples par la violence ne pouvait fonder un pouvoir durable. Aussi déploya-t-il parallèlement aux expéditions armées, une intense activité diplomatique destinée à faire coopérer les aristocraties dirigeantes à son œuvre de conquête. Sa diplomatie s’orienta dans trois directions principales:
- 1- Une politique de traités.
- 2- Une tactique de division des classes dirigeantes et des Etats.
- 3- Une politique d’assimilation culturelle.
A peine les opérations de représailles étaient-elles terminées que Faidherbe mandait auprès des souverains autochtones lorsqu’il ne pouvait le faire lui-même, les commandants de poste ou de simples officiers parmi ceux-là même qui avaient dirigé les massacres pour signer des traités entre la France et les Etats. Le contenu et la forme de ces différents traités variaient peu. Les clauses stipulaient invariablement des cessions de territoires à la France, la liberté du commerce pour les marchands français “ à l’exclusion de ceux de toute autre nation” et la réaffirmation des bonnes dispositions de la France à accorder son “amitié “ et sa “protection bienveillante “ aux chefs qui les mériteraient par leur conduite.
Cependant, ces traités n’étaient aux yeux de Faidherbe qu’une couverture légale pour justifier l’annexion des territoires conquis. Pour les souverains également, ils ne représentaient qu’un “chiffon de papier” que le rapport des forces du moment leur imposait de signer. Le système d’appropriation collective de la terre en usage dans les sociétés sénégalaises ne pouvait permettre à aucun individu, fût-il roi, d’exproprier la communauté d’une parcelle du territoire collectif au profit d’un tiers. Faidherbe qui avait appris cela par ses enquêtes ethnographiques n’en tint pas compte portant.
En outre, la duplicité des plénipotentiaires français au cours des négociations ajoutait au discrédit dans lequel ces conventions étaient tenues. Rédigés en français, les traités ne recevaient généralement qu’une version approximative en arabe et une traduction verbale en langue locale. De la sorte, une confusion volontaire est entretenue qui permettait à chacun des signataires de lui donner l’interprétation voulue.
De plus, Faidherbe profita de sa position de force pour dénoncer u n i l a t é r a l e m e n t les clauses qui lui paraissaient contraignantes. Il supprima les coutumes payées aux Etats par les traitants et interdit aux chefs de lever des droits traditionnels sur les caravanes traversant leur territoire sauf accord de l’autorité française. Ce faisant, il affaiblit considérablement les bases économiques de l’aristocratie traditionnelle et la rendit encore plus dépendante de la colonisation. Ensuite pour prévenir toute coalition anti-française, il procéda au démembrement d’entités politiques jusqu’alors unies. Les provinces conquises furent les unes après les autres placées sous autorité administrative et subdivisées en cercles et cantons.
En 1857, la province de Goye fut désintégrée et sa portion du Kammera (Haut Gala.m) déclarée territoire français. Les provinces du N’Jambur, Mbawar, Andal et Sanyoxor furent détachées du Kajoor (Kayor) et annexées aux possessions françaises en 1863. Une série de traités signés entre 1858 et 1863, décidèrent de la séparation du Dîmar, du Toro et du Damga d’avec le Fouta.
Par ailleurs Faidherbe joua les souverains les uns contre les autres. En même temps qu’il signait un traité d’amitié avec Ma Ba Jaaxu et l’invitait à lutter contre Lat Joor, prétendant au trône du Kajoor, il fournissait les armes au Buur-Sin, Kumba N’Doffen qu’il encourageait discrètement à résister aux pressions du marabout du Rip. Plus fréquemment que ses prédécesseurs, il intervint dans les conflits dynastiques pour imposer les candidats de son choix. Bubakar Saada, rejeté par la population du Bundu et isolé dans son propre clan pour son régime oppressif et ouvertement collaborateur fut reconnu comme seul Almami par l’administration. Une expédition fut conduite dans la vallée de la Falemmé par le capitaine Brosselard de Corbigny qui écrivait à ce sujet dans son rapport au Gouverneur (janvier 1856): “Le Bundu tremble, tous les villages viennent me faire soumission et promettent fidélité à Boubakar Saada, mais je ne veux finir la guerre que lorsque Boubakar sera réellement chef, aussi, suis je en train de détruire le pays de Marsas composé de neuf villages; tous les jours, j’envoie les Maures ou les Bambaras le piller et quand je jugerai le moment opportun de donner un grand coup, je formerai une colonne solide qui marchera gaiement au butin” .
Dans la vallée du Fleuve tous les chefs partisans d’EI Haj Umar furent obligés de céder leur pouvoir à des rivaux favorables à l’administration. Au Kajoor, Faidherbe fit déposer le Dame! Makodu et le remplaça par l’incapable Majojo (Madiodio). L’article 7 du traité du 4 décembre 1863 stipule: “ Tant que le roi du Cayor remplira fidèlement ses engagements, le gouvernement français lui promet son appui contre ses sujets qui se révolteraient et contre ses ennemis extérieurs. A cet effet, il va être immédiatement construit un fort occupé par une garnison française à Nguiguis, capitale du pays”.
Chassé par deux fois du Kajoor par une révolte populaire, Majojo fut rétabli par les troupes françaises au détriment de Lat Joor. Pourtant les intrigues diplomatiques et l’usage de la force brutale ne produiront pas les résultats que Faidherbe en attendait. Ses ingérences n’avaient fait qu’accentuer les frustrations et les humiliations des peuples et des classes dirigeantes elles-mêmes
La politique d’assimilation culturelle était destinée à faire accepter par l’élite autochtone, l’ordre colonial et ses valeurs. Elle s’adressait aux jeunes princes des différents royaumes et aux métis de la colonie. En 1856, Faidherbe fonde l’Ecole des Otages plus tard baptisée Ecole des fils de chef et des interprètes. De sa création à 1889, l’école avait reçu 103 élèves qui y étudièrent pour une période plus ou moins longue. Selon Faidherbe, six de ses élèves étaient devenus « anti-français” . Cependant 56 avaient “tiré profit de leurs études” et rendirent de remarquables services à la colonie. Parmi eux 1 1 étaient devenus chefs indigènes, 9 interprètes et les 2 autres officiers indigènes. D’autres encore se firent maîtresauxiliaires, employés de bureau dans l’administration et le commerce . L’enseignement de l’école était basé sur l’apprentissage des notions d’arithmétique et de technique pratique
Soit par anticléricalisme, soit par tactique politique ou les deux à la fois, Faidherbe qui était par ailleurs franc-maçon, se méfiait des écoles missionnaires. Afin de ne pas susciter l’opposition des familles musulmanes, il veilla personnellement à ce que fut préservé le caractère laïque du cursus de l’Ecole des Otages. Pour lui, l’Islam représentait une “ demi civilisation” , dont les préceptes étaient plus facilement accessibles à “l’esprit simple des noirs du Sénénégal” .Sa politique pro-musulmane résultait non d’une sympathie particulière pour cette religion mais d’une nécessité pratique. Il n’hésite pas, par exemple, à utiliser marabout pro-français Bou El Mogdad qu’il envoya en Mauritanie et en Afrique du Nord pour une mission destinée à lutter contre l’influence spirituelle d’El Haj Umar. Quoi qu’il en soit l’objectif visé par l’école était d’éduquer les futurs chefs dans un esprit favorable à la France. L’idéologie tenait donc une place de choix, elle était inculquée aux enfants sous les formes les plus insidieuses. Le Gouverneur donnait l’exemple aux enseignants. Tous les dimanches matin il avait l’habitude de faire venir les élèves dans son palais pour les féliciter et leur offrir des cadeaux. Les plus doués étaient envoyés en France pour un séjour plus ou moins long. Dans l’ensemble, l’Ecole des Otages a contribué, par le grand nombre d’auxiliaires qu’elle a produits, à jouer un rôle important dans la conquête.
L’extension des territoires annexés et la croissance économique posèrent à Faidherbe des problèmes de personnel administratif. Il développa en conséquence une politique de promotion en faveur des métis, qui constituaient alors le groupe social dominant à Saint-Louis et à Gorée. Selon les estimations de l’Abbé Boilat, à la veille de l’avènement de Faidherbe, la population de Saint- Louis, chef- lieu de la colonie, s’élevait à 12 336 habitants dont 177 Européens seulement. D’Anfreville de la Salle estimera le nombre des métis à 1200 en 1830 et à 1600 en 1860. Ce qui est peut-être une légère sous-estimation. La population métisse s’était accrue en raison de la multiplication de ce qu’on appelait à l’époque les “mariages à la mode du pays “. Ces mariages approuvés par l’administration, bénis par l’Eglise et célébrés selon les coutumes locales, coutumes consistaient en l’union d’un Européen et d’une femme autochtone, par un contrat qui était rompu à l’initiative de l’Européen dès qu’il était rappelé en métropole. Les enfants issus du mariage demeuraient avec la mère à la colonie et le père avait la liberté de leur verser ou non une pension alimentaire.
Faidherbe encouragea les militaires et les négociants européens qui presque tous vivaient seuls à la colonie, à prendre maîtresse dans les familles sénégalaises influentes dans le but entre autres, de renforcer les liens politiques entre la communauté expatriée et les sociétés locales. Il donna lui-même l’exemple en épousant une fille originaire du Haut Fleuve et dont il eut des enfants.
Les métis ou mulâtres, tous de confession chrétienne fréquentaient les écoles des Missions dont les programmes au contraire de ceux de l’Ecole des Otages étaient identiques aux programmes métropolitains. Beaucoup de jeunes métis furent ainsi en mesure de poursuivre leurs études dans les écoles françaises soit aux frais du gouvernement soit à l’aide du soutien financier de leurs parents. Sous le régime de Faidherbe, les métis acquirent une position-clé dans l’appareil colonial. Comme officiers, traitants ou employés, ils servirent le servirent avec zèle. L’exemple du lieutenant Paul Holle qui défendit le fort de Médine lors du siège de cette ville par El HaJ Umar en l 8S7 ou celui du sous- lieutenant d’Etat-Major Descemet qui fut tué au cours de ce même siège, sont trop célèbres pour être rappelés Tout système colonial pour assurer sa survie et une efficience selon sa propre logique, doit reposer sur une classe ou un groupe social intermédiaire produit ou façonné par le choc entre la masse colonisée et l’appareil de domination étrangère.
Conscient de cette nécessité, Faidherbe déploya des efforts pour convaincre les gros négociants e u - r o p é e n s de collaborer avec les métis. Il réussit à mettre fin aux rivalités entre ces deux groupes de la bourgeoisie coloniale qui dès lors acceptèrent de coopérer dans l’économie de traite. Les familles métisses comme celles des Valentin, Guillabert, d’Erneville, Gaspard Devès et Descemet pour ne citer que les plus influents de l’époque soutinrent la politique de conquête de Faidherbe à laquelle ils doivent leur ascension au XIXème siècle.
Dans son roman Nini mulatresse du Sénégal, le regretté Abdoulaye Sadji nous donne une fine peinture de la psychologie du métis, produit de deux mondes antagoniques et pris dans un tissu de complexes. Dans leur tentative désespérée de s’identifier aux Européens, ils en arrivent à s’exclure de la société africaine, tout en essayant par ailleurs d’utiliser leurs relations avec cette dernière au benefice de leurs transactions commerciales.
Dans les années 1870 1890, lorsque les maisons commerciales françaises décidèrent d’installer des filiales dans les provinces conquises de l’intérieur, elles liquidèrent les affaires des traitants métis. Ces derniers se scindèrent en deux groupes rivaux. Le premier dirigé par les Devès, passa dans l’opposition contre les Français, alors que le second composé des Descemet, Guillabert et d’Erneville accepta de jouer le rôle d’agents des compagnies bordelaises
Suite et fin demain
Le régime de Faidherbe et la mise en valeur des ressources de la colonie