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1 mai 2025
Opinions
par Pierre Franklin TAVARES
BAD, PREMIÈRES VICTOIRES DES LANCEURS D’ALERTE
Depuis plus de deux mois maintenant, nous assistons à une intense activité pour la défense du président Akinwumi Adesina. À cet égard, il s’observe trois principaux types de défense.
Cet article prolonge le précédent1 et ne se laisse entendre que dans cet horizon. Cette continuité cognitive vise à un double objet : d’une part, montrer en quoi les soutiens actifs du président Akinwumi Adesina, par d’étonnantes erreurs, des idées fausses, une insuffisance de connaissances historiques accompagnée d’une attitude arrogante, n’ont guère été utiles à la défense de sa cause, et, d’autre part, comment les lanceurs d’alerte ont remporté, avec éclat, la première manche du conflit ; un conflit dont on ne peut dire ou même anticiper le dénouement. Au vrai, en démontrant le premier point, nous étayons de facto le second.
Depuis plus de deux mois maintenant, nous assistons à une intense activité pour la défense du président Akinwumi Adesina. À cet égard, il s’observe trois principaux types de défense. Leur trait commun, qui est aussi leur principale faiblesse, est de n’être que des ripostes aux accusations proférées par les lanceurs d’alerte.
Au reste, le cœur de leur argumentation repose non pas sur la réfutation ordonnée et probante des seize accusations lancées, mais sur trois ressorts :
1) la déconsidération systématique des lanceurs d’alerte ;
2) l’éloge panégyrique du président Akinwumi Adesina qu’il faut «défendre», en raison de son leadership et de ses «bons» résultats (économiques, financiers, sociaux et notation), afin d’éloigner le risque de liquidation de la Banque.
Il s’agit donc de réunir toute l’Afrique derrière le président Akinwumi Adesina, contre les lanceurs d’alerte et les États-Unis ; 3) une réelle mobilisation diplomatico-médiatique, pour étouffer dans l’oeuf l’à l’herte ou dénaturer cette alerte.
Un tel panégyrique du président Akinwumi Adesina n’est pas sans rappeler celui d’Isocrate (380 av. J.-C.), dont le but était d’amener toutes les cités grecques à s’allier à Athènes, contre le danger perse. Les promoteurs d’Akinwumi Adesina ne font pas autre chose : rassembler toute l’Afrique, contre les États-Unis et les lanceurs d’alerte.
En quoi consiste cette triple défense ? Elle est, d’abord, de nature politique et diplomatique, organisée et promue par un prestigieux cortège de onze anciens chefs d’État africains, dont trois femmes de renommée.
Le chef de fil, très actif et persuasif, est l’ex-président Olusegun Obasanjo. Une Lettre (Déclaration) rendue publique fin mai dernier précise l’intentionnalité (ou la visée) et sa mise en œuvre : une invitation à «se lever» pour «défendre» la BAD3, en désignant l’adversaire principal, «le secrétaire américain au Trésor», sa méthode, la calomnie, puisqu’il «dénigre la Banque et bafoue l’ensemble de son système de gouvernance», et son objectif : la «fin» de l’institution bancaire, et son outrecuidance qui est «sans précédent». Cette Lettre cosignée non seulement affiche leurs arguments mais aussi dévoile le mode et l’orientation de leur raisonnement, que l’on peut résumer comme suit :
1°) pour lors, le Covid-19 est la principale affaire qui doit préoccuper l’Afrique. Or, à cet effet, le président Akinwumi Adesina a réussi à mobiliser 10 milliards USD pour le financement des plans de lutte gouvernementaux contre cette pandémie. Donc, l’Afrique doit faire bloc autour de lui, puisqu’il est efficace ;
2°) par sa « vision » (doctrine des ‘’5 grandes Priorités’’) et son « leadership », Akinwumi Adesina est parvenu :
a/ à fixer un cap à la BAD. On sait désormais où il entend conduire la Banque et, par sa crédibilité personnelle, il a redonné une très forte confiance à cette institution bancaire sur les marchés financiers, ce qu’atteste l’inédite et exceptionnelle recapitalisation (115 milliards USD) ;
b/ à promouvoir les femmes au sein de cette institution (égalité des sexes) ; c/ à mobiliser d’importantes ressources, 3 milliards USD, par le lancement d’une Obligation sociale;
3°) l’Afrique doit se rassembler pour résister et ne pas céder face aux pressions injustifiées, aux calomnies et aux injonctions de l’Administration américaine, quand bien même les États-Unis sont la première puissance mondiale, le second actionnaire (6%) de la BAD (après le Nigeria : 9%) et le principal investisseur (40 milliards USD) dans les programmes sectoriels de la BAD.
Le président en fonction de la Fédération du Nigeria, Muhammadu Buhari, réputé pour son incorruptibilité, l’Union Africaine (panafricaine) et la Cedeao (Afrique de l’ouest) ont apporté leur soutien à la démarche du groupe d’anciens chefs d’États africains et réaffirmé leur confiance à Akinwumi Adesina.
Ensuite, une défense de nature interne, c’est-à-dire intérieure à la Banque par la mise en oeuvre d’un double mécanisme : l’auto saisine du Comité d’éthique (organe de surveillance) et le Bureau du Conseil des gouverneurs. Le premier organe a rejeté, en bloc, la totalité des seize accusations des lanceurs d’alerte, en les estimant «non fondés, non corroborés et non étayés» ; et, sur ce, le second est convenu d’exonérer, totalement, le président Akinwumi Adesina.
Enfin, une défense de nature médiatique, menée à grands renforts d’oukase lors de débats télévisés. L’un des débats consacrés à cette crise interne de la BAD4 qui s’est déroulé sur la chaîne Africa 24 l’illustre bien. Deux des trois participants, François Loncle, homme politique français connu, et Jemal Taleb, avocat franco-mauritanien, ont affirmé leur soutien sans réserve aucune au président Akinwumi Adesina. Le premier, au nom d’un ‘’anti-américanisme primaire’’ (déstabilisation montée par les USA), d’une méfiance à l’égard de l’influence économique de la Chine (endettement risqué) et, quoiqu’il ne le dise pas explicitement, sur fond de reprise d’un bien vieux slogan ‘’l’Afrique aux africains’’5.
Et, fait surprenant (mais pas étonnant) pour un élu, ses jugements sur les lanceurs d’alerte sont de valeur méprisante : leur accusation, dit- il avec sérénité, est «dérisoire», constitue une «polémique vaine» et reste tout à fait «ridicule». Jugement final : «polémique ridicule». Et, sans doute en fin connaisseur de la matière, M. François Loncle énonce un effarant et effrayant jugement : «les commissions d’enquête (en France du moins) étant à charge», il est difficile voire impossible qu’il y ait de «l’objectivité» ; d’autant que «la suspicion» devenue d’un emploi facile (dans le monde) empêche une « objectivité totale».
Par conséquent, ajoute-t-il, il y a le risque d’une «instrumentalisation de l’enquête». Et, quelque peu paternaliste, il conseille même aux Africains de ne s’intéresser qu’«aux problèmes de fond». Donc, la réclamation des lanceurs d’alerte, plus exactement « la formulation de leurs accusations», n’est pas utile et moins encore nécessaire, dans l’exacte mesure où elle ne soulève qu’un problème de surface. C’est une initiative superficielle et puérile. Car l’Afrique a d’autres priorités. Chacun comprend ici que François Loncle parle du programme des ‘’5 grandes priorités’’ du président Akinwumi Adesina.
Et puisque les dirigeants africains, eux, ne savent pas comment ils devraient orienter l’Afrique, un dernier conseil : abandonner l’aide au développement et ne rechercher que des aides à l’investissement. Il fallait la trouver, ce n’était qu’à portée de mains, c’est-à-dire hors de la tête des Africains. De concert, et avec l’assurance du bedeau, Jemal Taleb accentue le plaidoyer de François Loncle, en formulant une vérité jusqu’ici inconnue : «une enquête, on peut lui faire dire ce qu’on veut».
Mourir de rire, s’exclameraient les jeunes ! Car, à cette vérité nouvelle, on peut aussitôt lui objecter : si votre assertion est vraie, alors et de facto est justifiée la suspicion des lanceurs d’alerte et du Secrétaire d’état américain quant à la qualité de l’enquête du Comité d’éthique et à la décision du Bureau des Conseils des Gouverneurs d’exonérer, dans une première réaction, le président Akinwumi Adesina.
Et si les Cyniques, Antisthène et Diogène de Sinope, étaient parmi nous, avec ironie, ils opineraient : si votre assertion est vraie, c’est-à-dire valable en toutes circonstances, pourquoi donc venez-vous d’affirmer, juste avant et avec belle assurance, que « l’enquête interne» dirigée par Takuji Yano, l’administrateur japonais de la BAD, est «favorable» au président Akinwumi Adesina?
Ainsi, «à l’insu de son propre gré», selon la célèbre formule d’un grand cycliste français, Jemal Taleb ne fait qu’énoncer un jugement contradictoire6 qui bien loin de ruiner les réserves des lanceurs d’alerte relatives aux conclusions de ces deux organes internes ne fait que conforter leur demande d’une enquête indépendante. Mais il y a plus grave encore dans les propos de Jemal Taleb.
Emboîtant le pas à François Loncle, il délégitime le principe et la force de toute en-quête. Or le principe et l’autorité de l’enquête sont le coeur et au fondement de la rationalité, aux plans juridique (le Droit) et philosophique (Socrate), comme établi depuis le fameux procès de Socrate à la faveur duquel Platon rédigera Apologie de Socrate, ouvrage dans lequel Philosophie et Droit s’empruntent les outils pour construire, précisément, ce que sont le principe et la force (de vérité) de l’enquête : l’elenchos7, la réfutation ou «le débat contradictoire».
On le voit donc bien, toute la démarche de François Loncle et Jemal Taleb tend à dévaloriser l’idée même de l’enquête, non pas seulement en pareille affaire mais plus généralement en son fondement même. Pour qui donc sait écouter et, par suite, entendre et comprendre, il y a dans les mots de François Loncle relayés par Jemal Taleb une incongruité. Et c’est un affligeant spectacle que de voir un grand élu français et un grand avocat africain formuler des africâneries au sens que nous avons conféré à cette notion dans le précédent article. En effet, l’ombre d’un instant, viendrait-il à l’idée de François Loncle de prononcer sottise pareille sur un média français ou européen ? Certainement pas.
Et s’il le faisait, il serait immédiatement invectivé, parce qu’il toucherait à l’essence de la démocratie et de la République. Alors, pourquoi donc Jemal Taleb se sent-il obligé d’approfondir ces africâneries, au lieu de s’en départir ? Pourquoi un homme de Droit, un intellectuel dont le Droit est même un métier, attaque-til ainsi le Droit ? Mesure-t-il la portée et les conséquences de ses paroles ? Cette alliance du politique et du juriste sert-il vraiment la cause du président Akinwumi Adesina?
Au fond, l’erreur de François Loncle et Jemal Taleb est de vouloir devenir le tamtam percutant de la Déclaration des onze anciens chefs d’États africains, dont ils ne font que reprendre l’argumentaire. C’est pure redondance. Ou vacarme.
Au reste, dans leur défense médiatique du président Akinwumi Adesina, il est aisé de remarquer combien et comment François Loncle et Jemal Taleb évitent, avec grand soin, de poser la problématique d’ordre éthique. Tout, sauf cela. Ils la relèguent avec condescendance. Et en face de leur dédain des lanceurs d’alerte et de l’ingérence américaine, ils organisent un dithyrambe d’Akinwumi Adesina : son autorité déplaît, uniquement parce qu’elle est celle d’un chef ; le succès historique de la régionalisation de la Banque est de son seul fait ; les comptes de résultats de la banque est son triomphe personnel, et il est le premier à l’atteindre ; sa notoriété bancaire est peu commune ; sa politique agricole est exceptionnelle et sauvera l’Afrique.
Espérons pour lui que, en matière d’intrants, ne lui éclate pas un scandale Monsanto-Roundup ; il a une vision, quand tous les autres n’en ont jamais eue ; il tient deux fronts à la fois par un haut fait d’armes : il est l’adversaire coriace des Américains (surtout de Donald Trump) et de la Banque mondiale qu’il va supplanter en Afrique ; sa gouvernance n’est en rien comparable avec celle de Donald Kaberuka (accusé au passage de complotisme et d’être allié probable des Américains) ; sans Akinwumi Adesina, l’obtention du Triple A eût été impossible ; il est l’unique à avoir créé un Forum des investisseurs ; il est le premier à réussir le lancement d’une Obligation sociale, etc., et s’il a recruté trop de compatriotes, cela n’a que bien peu d’importance ; et si, pour la remise d’un prix qui lui a été attribué, le coût du voyage de groupe au Japon a été pris en charge par la Banque, cela est tout à fait négligeable voire normal. Sacrés flatteurs !
La Bruyère a peint leur portrait8, indulgent et reluisant les vêtements mal ajustés de ceux qui ont le pouvoir et toujours sévère avec ceux qu’ils croient petits ; et Jean de La Fontaine a croqué leur caractère9. Et un proverbe latin enseigne, nous dit-on, qu’un discours trop flatteur porte avec lui son poison. Cette manière hautaine et dédaigneuse de considérer que, en matière de gestion des institutions africaines, l’éthique n’a que bien peu de valeurs est la plus grave faute des deux compères. Elle peut même donner à penser que tout ou partie des accusations des lanceurs d’alerte est vrai. Car ils n’expriment en réalité qu’une crainte ; celle qui est au fond d’eux-mêmes, à savoir que même si les accusations étaient fondées il faudrait les écarter d’un revers de main ou d’un coup de menton.
À entendre nos deux flatteurs, tout se passe comme s’ils plaidaient pour une sorte d’immunité présidentielle au profit d’Akinwumi Adesina. Car enfin si les seize accusations lancées sont une quantité négligeable, pourquoi donc tant redouter une «enquête indépendante» ? Appelons autrement la question : comment, d’avance, un élu et un avocat peuvent-ils estimer «ridicule», «vaine» et «dérisoire» une en-quête qui est la seule pierre de touche ? Que protègent-ils ?
Mais allons plus avant, accordons de la valeur à leur jugement. Le dérisoire, le ridicule et la vanité des accusations ne ressortiraient-ils pas avec plus d’éclat, de vérité et de force, s’ils étaient le résultat d’une « enquête indépendante » et non celui d’une évaluation du Comité d’éthique ? Pourquoi cette peur immense du Droit ? Et comment imaginer et laisser croire qu’il n’y a personne, en Afrique ou dans le monde, susceptible de mener une telle investigation ? L’afro-pessimisme des deux compères est bien trop grand. La vérité, le caractère de ce-qui-se-voit, n’est-il pas, en matière de Droit, que le terme d’un processus juridique contradictoire ? Ou bien alors les deux flatteurs savent-ils trop bien la force des lanceurs d’alerte, qu’ils en redoutent les effets ? «Lancer», ici, signifie jeter sur la place publique. «Alerte», qui nous vient du vieux français à l’herte, est un appel à la garde, un signal à rester en garde.
En lançant à l’herte, les projeteurs d’alerte ne visent pas autre chose que la sauvegarde de la BAD, pour laquelle il demande à rester en garde. Ils sont aux antipodes de la «flatterie» et du panégyrique d’Akinwumi Adesina.
Sauvegarder, sauvegarder, veut dire garder de nouveau ou garder à nouveau10. C’est donc sauver la garde. Mais quelle garde veulent sauver les lanceurs d’alerte ? «Garder», c’est conserver et préserver ce qui l’est par la mémoire, selon Augustin11. Tous ceux qui, ici, ne comprennent pas la démarche et le sens authentique des lanceurs d’alerte en font un objet de psychologie de bas étage : jalousie, rancœur, aigreur, etc. Mais en vérité, les projeteurs d’alerte font œuvre de mémoire. Ils ne font que rappeler, remémorer, à qui veut écouter, la force et la valeur de l’acte de fondation qui présida à la création de la BAD. Et, nous l’avons dit et dussions-nous le répéter, si la fondation de la BAD est onusienne, donc universelle (voir article précédent), il n’est que sa création qui soit africaine, donc particulière. H. Arendt peut ici aider à saisir ce que veulent dire les lanceurs d’alerte mais qu’ils n’énoncent théoriquement. Car elle montre, en effet, comment toute fondation ne dure et ne perdure que pour autant qu’elle est augmentée : «Le mot auctoritas, dit elle, dérive du verbe augere, ‘’augmenter’’, et ce que l’autorité ou ceux qui commandent augmentent constamment : c’est la fondation»12.
Les lanceurs d’alerte ne demandent pas autre chose que la fondation de la BAD soit « augmentée», là où ils voient celleci en train d’être diminuée. La garde qu’ils veulent sauver (de nouveau) ou « augmenter » (à nouveau), c’est l’acte de fondation (onusienne) de la BAD. En raison de quoi, lorsque le cortège d’anciens chefs d’État africains en appelle à la mobilisation des Africains au prétexte d’une destruction de la BAD, ils n’expriment en réalité qu’une triple faiblesse de leur mémoire : ou bien ils ne savent pas, et c’est une méconnaissance de l’histoire ; ou bien ils ont oublié, et les historiens doivent le leur rappeler ; ou bien encore, le sachant, ils feignent de ne pas le savoir.
En tous les cas, c’est bien à tort qu’ils croient que la fondation est africaine, alors qu’elle est onusienne, universelle. Et si François Loncle et Jemal Taleb se répandent dans les médias avec autant de mépris, c’est qu’eux aussi ne connaissent pas l’histoire des origines de la BAD. Pour reprendre une distinction catégorielle chère à Hannah Arendt, et qu’elle exprime avec grande clarté dans La crise de la culture, dans une œuvre, écrit-elle, que celle-ci soit politique ou d’une autre nature, nous ne devons pas en confondre l’auteur et l’acteur, quand bien même les deux notions ont la même racine. S’agissant de la BAD, l’ONU en est l’auteur et les États africains les acteurs. «Pour comprendre plus concrètement ce que voulait dire le fait de détenir l’autorité, dit H. Arendt, il n’est pas inutile de remarquer que le mot auctores peut être utilisé comme le contraire d’artifices, qui désigne les constructeurs et les fabricateurs effectifs, et cela précisément quand le mot auctor signifie la même chose que notre ‘’auteur’’ […] L’auteur […] n’est pas le constructeur mais celui qui a inspiré toute l’entreprise et dont l’esprit, par conséquent, bien plus que l’esprit du constructeur effectif, est représenté dans la construction elle-même.
À la différence de l’artifex, qui l’a seulement faite, il est le véritable ‘’auteur’’ de la construction, à savoir son fondateur ; avec elle il est devenu un ‘’augmentateur’’ de la cité»13. Il est donc erroné et, cette fois-là, vraiment « ridicule » de vouloir jouer à plus africain que les lanceurs d’alerte ou tout à fait burlesque de faire croire que l’on est plus ami et soucieux de l’Afrique que ces lanceurs d’alerte. Au demeurant, le lanceur d’alerte exerce une fonction sociale, qui diffère de la diffamation, de la délation ou de la trahison. Il interpelle, en public, afin que chacun puisse estre à l’herte, c’est-à-dire sur ses gardes.
Dans le monde, une soixantaine de pays en sont arrivés à protéger cette fonction, par la loi. Et en créant dans son organisation interne un tel dispositif, la Banque Africaine de Développement n’a fait que se conformer à une doctrine juridique, à une nécessité de transparence dans sa gestion et à une pratique qui, inéluctablement, se répand. Par conséquent, nous ne devons ni mépriser ni moquer les lanceurs d’alerte mais se satisfaire de leur présence. Mais alors pourquoi, lançant leurs terribles accusations, ont-ils choisi de garder l’anonymat ? C’est une option.
Et espérons qu’ils s’afficheront bientôt au grand jour. Cependant, nous savons qu’il s’agit d’un collectif composé d’employés. Ils ne sont donc pas si anonymes que cela. Leur statut est connu mais pas leur nom. Le mot an-onymat signifie « sans nom », ou qui ne recherche pas de « renom », par le fait de masquer son identité. Et puisqu’ils sont au pluriel, ils forment une société anonyme, c’est-à-dire dont le nom n’est pas connu du public. Ils sont connus comme membres du personnel sans être identifiés comme personnes.
La technique est ancienne et, dans la plupart des cas, vise à éviter une sanction disciplinaire, des fois un fichage (Francs-Maçons) ou prévenir une censure (auteurs) par l’usage du pseudonyme ou de l’hétéronomie. Ont-ils eu tort de se prémunir par l’anonymat, quand on voit le déchaînement diplomatique, les oukases médiatiques et le parti-pris précipité du Comité d’éthique ? Ils n’ont fait qu’appliquer l’une des recommandations de Sun Tzu. En tous les cas, les lanceurs d’à l’herte viennent d’enregistrer une série de trois victoires. La première : désormais, tout Président ou Présidente de la BAD saura qu’il peut faire l’objet d’une à l’herte.
La seconde : pris entre deux feux, le Bureau du Conseil des Gouverneurs a dû admettre la nécessité d’une «revue de l’enquête» ; ce qui sans déjuger les anciens chefs d’États ne leur donne pas pour autant raison. La troisième : l’opinion publique africaine semble favorable à l’idée d’une enquête indépendante. Car, plus que jamais, les peuples africains réclament des dirigeants exemplaires. Et ils n’ont pas tort.
Seule l’exemplarité confère de l’autorité à une fonction et à une institution. Ainsi, m’en souvient-il, lorsqu’Amadou Mathar M’Bow engagea, en 1987, son épreuve de force pour un nouveau mandat à la tête de l’Unesco, une seule raison, un seul motif, me conduisit alors à m’engager totalement. Lequel donc ? Cette simple note blanche des services de Renseignements français : « cet homme n’est corruptible ni par l’argent, ni par les femmes ». Mieux que Wangrin, Amadou Mathar !
Épinay-sur Seine, le 20 juin 2020
1 P. F. Tavares, La BAD : Africanité ou Africânerie ?
2 Olusegun Obasanjo (Nigeria : 1999 – 2007), Thomas Boni Yayi (Bénin : 2006 – 2016), Haile Mariam Dessalegn (Éthiopie : premier ministre, 2012 – 2018), John Agyekum Kufuor, (Ghana : 2001 – 2009), Ellen Johnson Sirleaf (Liberia, 2006 – 2018), Joyce Banda (Malawi : 2012 – 2014), Joaquim Chissano (Mozambique : 1986 – 2005), Mamadou Tandja (Niger : 1999 – 2010), Jonathan Goodluck (Nigeria : 2010 – 2015), Mohamed Marzouki (Tunisie : 2011 – 2014), Benjamin William Mkapa (Tanzanie : 1995 – 2005), Ameenah Gurib-Fakim (Maurice : 2015 – 2018), Rupiah Banda (Zambie : 2008 - 2011), Kgalema Petrus Motlanthe (Afrique du Sud : 2008 - 2009) et Jakaya Mrisho Kikwete (Tanzanie : 2005 – 2015).
3 Le point Afrique, La Banque africaine de développement lance une enquête indépendante sur son président, 5 juin 2020.
4 Polititia, Focus sur la Banque Africaine de Développement, 13 juin 2020.
5 François Loncle : « C’est aux Africains de régler le problème et non aux Américains ». L’ironie, ici, tient dans le fait que c’est un Européen, un non-Africain, qui formule le conseil (gratuit bien sûr) aux Africains.
6 P. F. Tavares, La Méthode Zemmour, Amazon, Paris, 2020.
7 Platon, Apologie de Socrate, introduction et traductions inédites de Luc Brisson, 3ème édition corrigée, Flammarion, Paris, 2005, p. 18.
8 La Bruyère, De la flatterie, in Discours sur Théophraste, Les Caractères, coll. La Bibliothèque dirigée par Jean d’Ormesson, Le Figaro et Éditions Garnier, Paris, 2010, pages 34 à 36.
9 Jean de La Fontaine, Le corbeau et le renard.
10 P. F. Tavares, Kierkegaard dans La Reprise.
11 P. F. Tavares, Saint Augustin, entre Mémoire et Souvenir, Pour une ontologie du Sous-Venir.
12 H. Arendt, Op. Cit., p. 160. 13 H. Arendt, La crise de la culture, Gallimard, Paris, 1972, p. 161.
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
HALTE AU DIVERSIONNISME CONTRE-REVOLUTIONNAIRE !
EXCLUSIF SENEPLUS - Tous les objets mémoriels maculés de racisme rouvrent des blessures historiques. La statue de Faidherbe, ripolinée du sang noir, avilit sa facette esthétique tant défendue par les férus de l’art
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 26/06/2020
Dès l’instant que le combat de la destruction de la statue de Faidherbe a recommencé à la suite de cette tempête de déboulonnement réactivée par la mort de l’Afro-Américain Georges Floyd, des défenseurs du patrimoine de Ndar se sont levés pour soutenir leur « légendaire gouverneur » à qui le Sénégal doit respect et reconnaissance pour les bienfaits qu’il a apportés pour sa colonie. Et il faut préciser que le débat et le combat sur le démontage de statues à l’effigie de racistes, de colonialistes ou d’esclavagistes ne procède pas d’un panurgisme aveugle mais du réchauffement d’un combat enclenché depuis plusieurs années. Ainsi, le déboulonnement des statues de personnages au passé abject se justifie comme étant la phase d’un processus de restauration de la vraie vérité historique. Depuis longtemps, des hommes et des femmes pétris de valeurs altruistes, humanistes et égalitaires se sont escrimés pour faire tomber tous ces objets mémoriels qui publicisent et perpétuent le passé noir de tous ces esclavagistes, colonialistes ou racistes.
Ainsi, pour mieux asseoir leur argumentaire, les défenseurs de la statue de Faidherbe soutiennent que c’est une œuvre d’art qui embellit l’île de Ndar et rien que pour cela, elle mérite de plastronner fièrement à la place éponyme. En sus, ils demandent aux initiateurs de « Faidherbe doit tomber » d’aller jusqu’au bout de leur logique en demandant la destruction du pont de Ndar, la gouvernance de la vieille ville, le palais présidentiel à Dakar et toute autre infrastructure qui porte l’empreinte des colons civilisateurs. Par ces manœuvres de diversion, les saboteurs du noble combat « Faidherbe doit tomber », logent l’objet mémoriel à l’effigie du gouverneur sanguinaire à la même enseigne que toutes les autres infrastructures héritées de la colonisation.
Il faut préciser qu’une statue n’est point comparable à un pont ou un palais présidentiel. La statue est une œuvre d’art érigée sur la place publique et jouant un rôle particulier. C’est un objet de mémoire qui peut embellir l’espace public mais il transcende le simple domaine de l’esthétique. Elle n’est ni politiquement ni idéologiquement neutre. Elle honore des personnes ou des événements historiques, célèbre des victoires, une vie, une œuvre ou une souffrance. L’objet de mémoire peut être aussi un outil de canonisation d’une personne, d’exaltation ou de vivification d’une cruelle idéologie de la domination et de l’infériorisation des peuples opprimés, persécutés et exterminés.
Une statue glorifie mais n’enseigne pas
Il faut remarquer que tous les objets mémoriels maculés de racisme, de colonialisme ou d’esclavagisme rouvrent des blessures historiques en actualisant un passé douloureux. Par conséquent, la statue de Faidherbe, ripolinée du sang noir, avilit sa facette esthétique tant défendue par les férus de l’art.
Ceux qui soutiennent aussi que la statue de Faidherbe peut être pédagogique en ce sens qu’elle peut être une source d’enseignement pour les jeunes se méprennent naïvement. Une statue, le nom d’un pont, d’une rue, d’une avenue, d’un camp militaire n’a pas une fonction didactique mais glorificatrice.
En préconisant aux défenseurs de « Faidherbe doit tomber » la destruction simultanée du pont et de toutes les autres infrastructures dont a bénéficié Ndar sous le magistère des colons, les admirateurs du gouverneur exterminateur versent dans la surenchère de ce que les communistes appellent du « diversionnisme » contre-révolutionnaire. Aussi, vais-je emprunter à Aimé Césaire son pamphlet contenu dans « Discours sur le Colonialisme » pour répondre à ces apologistes des bienfaits de la colonisation. « On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemin de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. »
Que vaut un pont ou un chemin de fer hérité de la colonisation devant la perte de milliers de vies d’ouvriers noirs ? Le N°24 magazine Géo-Histoire « L'Afrique au temps des colonies » rapporte les dures conditions de vie des indigènes qui ont été recrutés de force pour travailler dans le chemin de fer Congo-Océan (885 km) construite entre 1921 et 1934. Et dans le tracé Mont-Belo/Mbinda plus précisément dans le Mayumbé, massif forestier équatorial étendu sur 90 kilomètres, c’est l’hécatombe.
« Il faut construire sur le tracé Mont-Belo/Mbinda construire 36 viaducs, 73 ponts, 12 murs de soutènement, 10 tunnels... Au préalable, il faut abattre les arbres par centaines, puis les évacuer. Couvert d’une épaisse végétation, le sol en décomposition est lourd, glissant, instable. La pluie interrompt sans cesse les opérations. Dans de telles conditions, les besoins sont estimés à 10 000 hommes au travail en permanence pendant trois ans et demi pour le seul Mayombe. Cette main-d’œuvre ne coûtant rien, elle se fait à la main, ou presque. On abat les arbres à la hache, on casse les pierres au marteau, on transporte des barils de ciment et des rails de 15 mètres de long à la main, on creuse les tunnels à la pioche... Les hommes travaillent sept jours sur sept, toute la journée, avec une seule courte pause pour manger », rapporte le magazine Géo-Histoire.
Avant de conclure : « Durant les corvées, les ouvriers travaillant, sous la direction de la Société de construction des Batignolles (SCB) de France, tombent comme des mouches. Certains périssent épuisés par la charge de travail, affaiblis par une alimentation insuffisante et inadaptée. D’autres, exposés en permanence sans vêtements aux pluies et au froid, contractent des pneumonies. L’hygiène et les structures sanitaires sont inexistantes, l’entassement des travailleurs dans des conditions précaires favorise les épidémies et leur propagation. Paludisme, dysenterie, infections pulmonaires... Sans parler des serpents, des fourmis magnans et des mouches tsé-tsé, responsables de la maladie du sommeil qui fait des ravages. Entre 1925 et 1928, le taux de mortalité́ dépasse 20 %. Les pires années correspondent à l’afflux massif de travailleurs recrutés au loin : 1 341 morts en 1925 pour la seule division côtière, 2 556 en 1926, 2 892 en 1927, 2 635 en 1928. En 1929, la courbe s’inverse enfin : 1 300 morts. »
Et quand les travaux prennent fin en avril 1934, certaines autorités françaises incriminées déclarent que le chemin de fer constitue «Non seulement un grand progrès dans la mise en valeur des colonies françaises, mais aussi une amélioration du sort des populations indigènes de l’Afrique équatoriale». A contrario, cette ligne ferroviaire mortifère se soucie peu du sort des populations autochtones puisqu’elle servait à acheminer le coton du Tchad et de l’Oubangui-Chari, bois du Gabon, oléagineux, cuivre, zinc et plomb latex, ivoire du Congo vers la métropole.
Ceux qui soutiennent que détruire la statue de Faidherbe doit entrainer le démontage du pont éponyme doivent revisiter l’histoire pour savoir que ce pont qui a coûté 1 880 000 francs français (le CFA n’existant pas à l’époque) est bien l’argent des Sénégalais. Lors de la seconde inauguration du pont Faidherbe le 19 octobre 1897 par André Lebon, ministre des Colonies, Léon d’Erneville, président du Conseil général, rappelle dans son discours que « ce pont est œuvre exclusive du budget local et démontre que les colonies ont plus de ressources qu’on ne veut bien le dire ». Il en est ainsi pour plusieurs routes ou chemins de fer dont on pense qu’ils sont des dons philanthropiques alors qu’ils servaient essentiellement au transport des matières premières qu’on devait acheminer à la métropole par voie maritime. Idem pour les bâtiments qui leur servaient de résidence ou d’administration dans les colonies.
Par conséquent, il ne faut pas basculer dans une comparaison asymétrique qui atrophierait le combat contre la statue de la honte et de la barbarie. Vouloir divertir les restaurateurs de la vérité historique par une contre-révolution stérile s’apparenterait à un pétard mouillé dans ce contexte mondial où la dynamique de démantèlement des statues à l’effigie de racistes ou d’esclavagistes est irréversiblement enclenchée.
L'état d'exception ne se justifie plus car inefficace contre le Covid-19, mais surtout, elle représente un risque de fractures sociales. Les Sénégalais ont fait savoir, par une série de manifestations, qu’ils n’en peuvent plus
Dans ces circonstances sanitaires particulières où des décisions urgentes sont capitales, les pouvoirs publics sont contraints à l'efficacité. Pressés d'agir, ils doivent pouvoir déroger, pour un temps limité, à certaines contraintes habituelles, toutefois, cette urgence ne vous dégage pas de la responsabilité que vous confie la constitution de restaurer les principes de l’état de droit au Sénégal.
Depuis l’instauration de l’état d’urgence, le 23 mars 2020, l’Association des Utilisateurs des TIC (ASUTIC) a fait état de sa non-pertinence comme mesure de lutte contre la Covid-19 car les textes existants ainsi que des actions de communication pour une appropriation citoyenne de la riposte, suffisaient largement pour répondre au défi sanitaire.
En outre, l’association a surtout fait part à plusieurs reprises de son inquiétude à l’égard du risque de pérennisation de l’état d’urgence par l’entrée dans le droit de commun de certaines mesures particulièrement attentatoires aux droits et libertés.
ASUTIC constate avec inquiétude ce basculement normatif qui s’installe dans la durée en portant une atteinte insupportable aux libertés fondamentales, pour lesquelles les citoyens se sont toujours battus et qu’ils ne voudraient pas voir réduites sous la pression de la menace sanitaire.
Vous aurez noté, monsieur le président, que le Sénégal ne devrait être pas cité parmi les pays africains qui semblent utiliser l’état d’urgence comme solution à leurs problèmes économiques et sociaux en portant atteinte, au nom de la « santé publique », au droit fondamental de se réunir et de manifester. Le Sénégal s’illustrerait ainsi négativement.
Après trois mois d’état d’urgence, les résultats montrent que l’état d’exception ne favorise en rien la protection des citoyens et empêche au contraire de concevoir une réponse de long terme à la menace sanitaire.
L’état d’urgence a été prolongé à trois reprises, par décret, suite à la loi d’habilitation n°2020-13 du 01 avril 2020. Si sa prorogation est votée à nouveau par l’Assemblée Nationale, le Sénégal connaitra une nouvelle période sous ce régime d'exception, un record.
La menace qui pèse sur le Sénégal - comme sur d'autres pays d'Afrique et du monde - reste et restera longtemps élevée. Plus de 3 mois après son instauration, des raisons objectives de la prorogation de l’état d’urgence ne peuvent être établies.
La consultation du comité national de gestion des épidémies au Sénégal est une démarche pertinente mais ne vous suffira pas pour avoir une vision complète de la situation car il a une approche strictement médicale de la gestion du Covid-19.
Aussi, l’appréciation objective de la situation actuelle commande d’entendre l’ensemble des acteurs (juristes, universitaires, éducateurs, religieux, les élus locaux, la société civile, les représentants des communautés de base…) qui vous éclaireront sur les effets toxiques de l’état d’urgence sur l’état de droit, en sus, du coût social et économique très élevé pour l’ensemble de la société sénégalaise.
En contournant le juge judiciaire garant des libertés, en épuisant les forces de sécurité, l'état d'urgence s'avère à long terme non seulement inefficace, mais aussi contre-productif.
Aussi, ne pas le renouveler serait, restaurer l’état de droit et un pas en avant vers une réflexion sur la résolution à moyen et long terme de la menace sanitaire dans une société soudée autour des valeurs et principes démocratiques les plus fondamentaux.
A défaut, la décision de le proroger tendrait à pérenniser et normaliser une approche policière de la santé publique, au moment où, elle est de plus en plus perçue par les citoyens comme relevant davantage de la communication politique que de la logique sanitaire.
Le droit commun, déjà de plus en plus imprégné de dispositions dérogatoires aux principes fondamentaux de la Constitution, se retrouverait ainsi disqualifié par la longueur de l’état d’urgence, et cela serait préoccupant pour l’avenir.
D’un régime d’exception à celui permanent, tout évènement servirait, désormais, de prétexte pour instaurer un régime policier facteur d’accentuation du contentieux social.
Enfin, nous tenons à vous rappeler que les Sénégalais, ont fait savoir par une série de manifestations, qu’ils n’en peuvent plus des interdictions et autres restrictions de l'état d'urgence.
Compte tenu des éléments précités, la prorogation de l’état d’urgence ne se justifie plus car inefficace pour lutter contre le Covid-19, mais surtout, elle représente un risque de fractures sociales.
Nous invitons donc le gouvernement à ne pas soumettre à l’Assemblée Nationale, un projet de loi en vue de proroger l’état d’urgence au-delà de la période des 3 mois fixée par la loi d’habilitation n°2020-13 du 01 avril 2020.
Veuillez agréer, monsieur le président, notre très haute considération.
Aujourd’hui les gens de mon âge se posent des questions avec raison sans trouver satisfaction. On a toujours l’impression que les enfants ont grandi trop vite. Il y a des enfants qui ont reçu une bonne éducation de leurs parents tandis que d’autres, n’ayant rien vu venir, même s’ils ne le déplorent pas ouvertement, fulminent et ruminent contre toute autorité !
Comment imaginer ces ribambelles de jeunes rebelles au port du masque, au couvre-feu défiant les forces de l’ordre contre leur bien ? Le corps médical nous signale un virus dangereux qui s’attaque à tous sans considérations de race, de classe, y a toujours des jeunes et des non plus jeunes pour s’en contrebalancer éperdument !
Ceux qui fréquentent assidument les marchés, les plages et les terrains vagues pour différents sports sans port de masque, hypothèquent leur sort. Les distanciations, n’en parlons même pas. Ils ignorent que se regrouper est véritablement un danger pour leur santé. Ou feignent d’ignorer parce que les communiqués par les télés, les radios et les journaux passent régulièrement.
Qu’est ce qui justifie cette situation ? Beaucoup de nous qui sommes maintenant du troisième âge, avions bénéficié d’instruction et d’éducation. La plupart de nos rejetons sont de la génération numérique. Sans connexion internet ils sont déboussolés.
Cette génération pense que le bonheur se trouve dans internet. Avec le portable Androïd ils se servent sans retenue à des heures où leurs parents sont dans les bras de morphée. qui sont les parents qui surveillent régulièrement les activités de leur progéniture ? Y en a certes qui le font avec détermination mais qui passent à côté de la plaque parce que les mômes sont trop futés pour se laisser prendre.
Avec le téléphone portable, tout est possible comme le signalait un animateur de radio. entre les mains de certaines filles, le téléphone cellulaire est pire qu’une ogive nucléaire. Elles nagent comme des sirènes dans l’ère du numérique. Les scandales que révèle la presse ne sont rien à côté de la réalité. La démission ou l’abandon des parents a ouvert la voie à tous les fantasmes d’adolescents. Une bonne éducation sauvera nos ados de ces fantasmes parce qu’ils se souviendront toujours à temps de quel milieu et de quelle famille ils proviennent.
Alors là ils diront non à la facilité, à la sexualité débridée, non à tous ces maux qui les guettent dans le net. Oui, le net, cette invention des Américains qui recèle de l’excellence mais aussi de la déchéance.
Par Mamadou Diop THIOUNE,
PLAN DE RIPOSTE CONTRE LA COVID 19 ET LE BLANCHIMENT DES FONDS DU FONCIER
La covid19 enseigne beaucoup sur la sagesse de vivre ensemble et de partager ses biens avec les autres mais non pas de vivre sur la misère d’autrui.
La communauté Lébou, victime des prédateurs du foncier dénonce ce vol d’opinion orchestré dans le cadre de la mobilisation contre la covid 19 avec l’intronisation du major-Leader Tahirou Sarr, le tout sur la misère programmée de toute la famille héritière de feu Mbagour Diagne. La covid19 enseigne beaucoup sur la sagesse de vivre ensemble et de partager ses biens avec les autres mais non pas de vivre sur la misère d’autrui. Bienfaiteur d’un jour, vous avez offensé les héritiers des patrimoines fonciers du décret 32-26 du 26 juillet 1932, citoyens de la république traditionnelle, culturelle et cultuelle des peuples de l’océan et de la commune de plein exercice du 12 juin 1880. L’histoire retiendra que vous n’aviez jamais compris ce que le célèbre auteur Albert Camus disait en écrivant lui-même en plein épidémie de peste. « il y’a dans l’homme plus de choses à admirer qu’à mépriser ».
La plateforme Départementale du Dialogue territorial et de croissance locale des organisations de la société civile en partenariat avec les membres du pool ecologie et Acteurs non étatiques du de Rufisque s’organise solidairement à la famille feue Mbagour Diagne pour réclamer à l’etat les 94 milliards , de la valeur du titre foncier 1451/r en réponse à la contribution d’un milliard de francs de Tahirou Sarr qui cherche un classement de leadership dans le secteur privé national dans la lutte contre le covid 19 derrière le chef de l’état Macky SALL.
-COVID 19 , UN ENNEMI PUBLIC RASSEMBLEUR ET NON UN COULOIR DE BLANCHIMENT-
La plateforme Départementale de Dialogue territorial et de croissance locale des organisations de la société civile « Acteurs non étatiques » de Rufisque ne partage pas la vision de considérer Mr Tahirou Sarr comme le major Leader du secteur privé national pour une contribution d’un milliard de francs sur les 94 milliards, sujet qui dominé l’actualité politique au Sénégal dans un contexte où la covid 19 rassemble tous les sénégalais à la solidarité agissante
-RUFISQUE INDIGNEE DE SON EXCLUSION DE SA RESILIENCE INTERPELLE LA JUSTICE SOCIALE
Les populations de la ville de Rufisque ne bénéficient pas d’assistance des personnes vulnérables et nécessiteuses dans les fonds de résilience contre le covid19 et ce, du fait de son statut alors qu’en réalité, il y existe bien des poches de pauvreté et d’insécurité alimentaire que le département ignore et ne peut couvrir, ni régler…. Si un jury d’une société civile de classement des donateurs et de lamentations publiques sur la contribution de la covid 19 a le mérite de placer Mr Tahirou Sarr au rang de major- leader du secteur privé national, nous pensons qu’il est de son devoir d’assister les victimes des prédateurs du foncier de Rufisque contre cette agression foncière et financière et de les sortir de leur misère.
-DEPARTEMENT DE RUFISQUE, CHRONIQUE D’UN ACCAPAREMENT PROGRAMME DU FONCIER –
La revue documentaire du décret 1197 du 12 novembre 1997 confirme le détournement des parcelles des populations de Diokoul menacées de l’avancée de la mer et le décret 2000-874 du 31 octobre 2000 portant l’expropriation des terres privées des familles lébou suivie d’un enregistrement sous-seing privé contre lesintérêts et au détriment de l’etat du Sénégal par dessociétés publiques. toutes les situations conflictuelles convoquent la complicité agissante des services administratifs qui ont délivré délibérément des avissur des procéduresillégales et non réglementée ssur Tf 862/r, tf 1251/r à l’exemple du Dp 352 des tni de Rufisque mutés par des procédés d’inscription de Domaine public «Dp» ou Département de Pikine « Dp». il s’y ajoute le non-respect du décret de délimitation 96-745 par les délibérations municipales des titres fonciers privés des patrimoines fonciers des familles feus Seck ndiaye et Malick Ndoye ( Tf 777/r ), le périmètre de Sédima de Ndiakan Tf 862/r, Tf 1251/r , Tf 1188/r commune de Rufisque Ouest avec le patrimoine de feu Beyeum Ciss, la famille feu Sellé Ndoye et consorts (Tf 970/r –Mbeer .
DEPARTEMENT DE RUFISQUE, LE RENDEZ-VOUS DES SCANDALES FONCIERS
Au-delà du cas de la famille de feu Mbagour Diagne (tf 1451/r), la plateforme Départementale de Dialogue territorial et de croissance locale en partenariat avec le collectif de Défense du foncier du département de Rufisque dénonce les agressions foncières dont les victimes sont les héritiers de feue Ourouss Ndoye Mou Mag et Ourouss Ndoye mou Ndaw, (tf 869/r – litige de Jean Baptiste Diouf- Député ) les héritiers de feu el hadji Massamba Diène LO, ( Tf 587/r) , les familles feue Arame Gueye plus connue sous le cas de Mandiaye THIANDOUM ( Tf 1107/r ) enfin la dernière affaire Socabec « mmS » vidée par la cour d’appel de Dakar nous édifie sur l’usage des faux et faux en écritures dans le foncier etc…..
Malgré les directives de restitution de son excellence le président de la république monsieur Macky SALL, il est fait constat des états de concussion et de faux , usage de faux et faux en écritures portant des fausses mutations des terres par transfert des domaines de Rufisque à Pikine, de la persistance des agressions d’abattage des baobabs centenaires et la déforestation de Mbeutt et l’accaparement des terres par Fil-Fili et consorts dans les zones de vocation agricole du Tf 2374/r etc….
RUFISQUE DEPARTEMENT, CONSEIL NOTABLE LEBOU, MOBILISATION DE L’INITIATIVE CITOYENNE DE PROTECTION DES TERRES COMMUNAUTAIRES
Dans l’initiative de protection des terres communautaires et familiales, la plateforme Départementale du dialogue territorial et de croissance locale des organisations de la société civile légale et légitime interpelle le chef de l’etat à vider la procédure du contentieux portant sur le décaissement des 94 milliards au préjudice des héritiers de la famille feu Mbagour Diagne qui convoque entre autres acteurs des faits de concussion mr Tahirou Sarr et consorts. et c’est au nom de la communauté Lébou , de la famille feu Mbagour Diagne et des principales familles victimes programmées des prédateurs du foncier et leurs complices que nous déclarons notre adhésion à la mobilisation contre la covid 19 tout en souhaitant l’atteinte aux objectifs à, son excellence monsieur Macky SALL et au peuple du Sénégal et du monde entier. tout en se donnant rendez-vous dans un moment très voisin au redressement de notre situation sanitaire, socio-économique, financier, écologique et environnemental, nous sommons Mr Tahirou Sarr à respecter les sénégalais, les Lébou et à restituer les biens immobiliers, fonciers et financiers à la famille feue Mbagour DIAGNE
Tous, ensemble pour une justice sociale, « LAHOON - – NIAKOON- FAKOON »
Honorable Mamadou Diop THIOUNE,
Baye Khaly
Grand Jaraaf- Haut conseiller des collectivités Territoriales & Leader ecologiste,
Président de la Plateforme Départementale de Dialogue Territoriale et de croissance Locale des organisations de la société civile -Pl/A.N.E de Rufisque
Par Bara DIOKHANE
A LA LIBERATION, UN CONTINGENT D'EX-PRISONNIERS DE GUERRE
Originaires de l'AOf (Afrique occidentale française) devait quitter le port de Morlaix le 5 novembre 1944 pour arriver le 21 novembre 1944 à la caserne de Thiaroye, en périphérie de Dakar, et y être démobilisés.
Originaires de l'AOf (Afrique occidentale française) devait quitter le port de Morlaix le 5 novembre 1944 pour arriver le 21 novembre 1944 à la caserne de Thiaroye, en périphérie de Dakar, et y être démobilisés. Selon la réglementation en vigueur (circulaire du 21 octobre 1944), les rapatriés devaient percevoir un quart de leur solde de captivité avant embarquement, et les trois-quarts restants à Thiaroye.
Près de 2000 ex-prisonniers de guerre devaient embarquer. Des prisonniers de guerre d’un genre inédit, car ayant été détenus dans les camps dits “front stalags” installés par les Allemands sur le territoire français occupé, et placés sous la garde de forces… françaises. Le 5 novembre 1944, jour du départ du navire Britannique Circassia vers Dakar, 315 soldats Africains parmi les ex-prisonniers de guerre, refusèrent d’embarquer sans percevoir leurs soldes totales. ces 315 soldats Africains, venus libérer la France, et furent parqués comme des bêtes à Morlaix, dans des espaces entourés de barbelés ils y encoururent des traitements inhumains et dégradants, infligés par les forces françaises qui les gardaient. La commission d’un odieux crime de guerre s’ensuivit, et bien décrit par le journal L’Aurore, dans l’article au titre évocateur suivant: « 11 novembre sanglant à Morlaix: cent gendarmes tirent sur des Sénégalais désarmés” Deux mille Sénégalais récemment délivrés de camps de concentration et groupés à Morlaix attendaient depuis quelques jours leur départ pour l'Afrique.
Après plus de quatre ans de captivité, leur arriéré de solde était très important, aussi en attendaient-ils le paiement avec fébrilité. La plupart furent réglés sauf 325 d'entre eux, cantonnés au quartier de la madeleine. Le jour du départ arriva et ces 325 infortunés refusèrent d'embarquer avant d'avoir été alignés en solde, disant qu'ils ne voulaient pas être dupes comme leurs pères, qui en 1918 après avoir versé généreusement leur sang pour la France, étaient rentrés au pays sans solde, que depuis ils attendent toujours.
Nos braves bamboulas restent inflexibles et inséparables dans leur résolution et le bateau partit sans eux. (…). Vendredi, l'arrivée insolite d'un fort contingent de gendarmes harnachés et armés en vrais guerriers excita quelque peu la curiosité populaire. (…). Vers cinq heures du matin, l'attaque commença. Des gendarmes pénétrant dans la bauge-dortoir intiment à tout le monde de sortir illico en joignant le geste à la parole empoignant les hommes en caleçon ou à demi vêtus pour les faire sortir de force. ce réveil surprise ne fût pas du goût des Sénégalais qui, les premiers moments de stupeur passés, comprirent le genre de brimades et de provocations dont ils étaient l'objet. (…) tout à coup dans la nuit claqua un coup de feu. Ce fut le commencement du drame: qui avait tiré?
D'après la version officielle ce serait un Sénégalais? Mais nous nous refusons d'y croire, car ils étaient venus désarmés de leurs camps et ils ne possédaient que quelques baïonnettes-souvenirs dont ils n'avaient pas fait usage. (…) ce fut la fusillade générale... entre temps les maisons du voisinage furent assiégées par les gendarmes pour en faire sortir les Sénégalais que les habitants hébergent par charité (…).
Triste aube du 11 novembre, disent les habitants de ce paisible et populaire quartier qui furent réveillés par le vacarme. » Dans une lettre conservée précieusement par sa marraine de Guerre en date du 14 novembre 1944 le tirailleur A.A, survivant de Morlaix avait écrit: “J’ai de la chance de n’avoir pas été tué par les balles de mitrailleuses des gendarmes et FFI qui ont ouvert le feu sur nous durant la nuit.. “Il y a plus de 10 jours que nous étions à Morlaix. ils nous avaient dit d’embarquer sur le bateau, mais nous ne voulions pas partir sans paiement auparavant. maintenant ils nous gardent comme des prisonniers de guerre. nous couchons par terre, il fait froid, pas de couverture. et ce sont les FFI qui nous gardent!”
Le rapport officiel des autorités françaises fit état d’un bilan de 7 blessés parmi les soldats Africains, mais l’ampleur de l’attaque, la violence des méthodes utilisées, le compte-rendu des media, et le témoignage écrit du soldat rescapé lui apporte une cinglante contradiction. La même contradiction que sur les rapports officiels du massacre de Thiaroye 44, perpètre juste après les tragiques événements de Morlaix 44- lesquels avaient fait état de 35 morts, ramenés, des décennies plus tard à 70 morts par le président François Hollande en personne! La condition de la levée de ce doute serait l’administration de la preuve irréfutable par la France que tous les 315 soldats, détenus à Morlaix comme des prisonniers de guerre malgré la fin de la guerre, et malgré leur statut de soldats de l’armée française, à Morlaix, y compris les 7 blessés, avaient été tous payés et rapatriés vers leurs destinations finales en Afrique.
A défaut, l’histoire devra retenir que le 11 novembre 1944, alors que le navire Circassia transportait vers Thiaroye sa cargaison de victimes expiatoires/martyrs, une agression armée eut lieu à Morlaix, contre des soldats Africains, frères d’armes et ex-prisonniers de guerre. Cette agression armée nocturne sur des hommes en plein sommeil, suivie d’actes de séquestration, de traitements dégradants et d’humiliation constitue un crime de guerre et un crime de trahison, au sens du droit international.
Par Lena Savelli
FAIRE FACE A LA COVID-19 ET RECONSTRUIRE EN MIEUX
Alors que nous fêtons le 75ème anniversaire de la Charte des Nations Unies, ce 26 juin 2020, le monde est confronté à un des plus grands défis de son histoire, eu égard à l’ampleur et aux conséquences de la pandémie de COVID-19.
Alors que nous fêtons le 75ème anniversaire de la Charte des Nations Unies, ce 26 juin 2020, le monde est confronté à un des plus grands défis de son histoire, eu égard à l’ampleur et aux conséquences de la pandémie de COVID-19.
La COVID-19 menace de compromettre les progrès accomplis par les pays dans la réalisation des Objectifs de développement durable contenus dans l’Agenda 2030, tout comme ceux fixés pour les pays africains, dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine. La pandémie est plus qu'une crise sanitaire ; elle est une crise économique, sociale, humanitaire, une crise de sécurité et des droits de l'homme, mais surtout une crise humaine, qui nous touche en tant qu'individus, en tant que familles, communautés et sociétés. Au peuple Sénégalais, nous exprimons toute notre compassion en ces moments difficiles et présentons nos condoléances pour tous ceux qui nous ont quitté.
La COVID-19 vient nous rappeler d’une part, l’obligation de renforcer la coopération et la solidarité internationale et d’autre part la nécessité de faire face et de reconstruire ensemble un monde meilleur. A ce propos, le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres a appelé à une réponse multilatérale à grande échelle, coordonnée et globale. Le Sénégal, sous le leadership du Chef d’d’Etat et du Ministre de la Santé et de l’Action Sociale, bien avant l’apparition du premier cas, a pris des mesures pour apporter une réponse efficace à la pandémie.
Très vite, le Système des Nations Unies s’est mobilisé en fournissant un appui intégré à la réponse nationale, tirant parti des avantages comparatifs de ses agences, fonds et programmes spécifiques, présents au Sénégal. Faire face… Il s’est agi dès le début de la crise d’accompagner le Gouvernement pour parer aux priorités, notamment surmonter l'urgence sanitaire et mettre en œuvre des mesures rapides de sauvetage économiques et sociales.
En plus du renforcement du Système de Santé, à travers un appui technique, la surveillance épidémiologique, la mise aux normes des structures d’accueil, mais également de la prise en charge des plus vulnérables, la contribution des Nations Unies au Sénégal s’est déployée dans des domaines aussi divers que la continuité de l’administration, l’éducation, la surveillance des frontières, l’aide alimentaire, la communication communautaire, l’emploi, l’appui logistique au pays, etc. Un Plan de préparation et de réponse à la COVID-19, a très vite été mis en place, avec un financement de près de 120 milliards de FCFA, dont plus de 91 milliards déjà mobilisés dès la fin du mois de mars. Alors que nous avons franchi la barre des 6000 cas et que les impacts socio-économiques de la COVID-19 ont clairement des conséquences importantes sur la vie des familles et des communautés, le Système des Nations Unies au Sénégal, continue de se tenir aux côtés du Gouvernement et des populations, en particulier les plus vulnérables d’entre elles, pour faire face à pandémie et la vaincre.
Reconstruire en mieux… ensemble !
La COVID-19 n’a pas rendu les armes et continue, au Sénégal comme ailleurs, à avoir des effets dévastateurs. Outre la souffrance humaine immédiate causée par la maladie elle-même et la perte des moyens de subsistance de millions de personnes, la pandémie a également mis en évidence plusieurs vulnérabilités majeures, qui ne sont d’ailleurs pas propres au Sénégal. En effet, la crise économique mondiale ne manque pas d’impacter le pays, compte tenu de l’interconnexion mondiale, qui a facilité la propagation rapide de la pandémie. La crise a mis à jour, la précarité des chaînes de valeur mondiales longues et complexes, qui font que de nombreux pays ont eu du mal à se procurer des fournitures médicales et d’autres fournitures stratégiques.
Les inégalités sociales ont été exposées et rapidement exacerbées par la perte massive mais inégale d'emplois. Au Sénégal, comme dans beaucoup de pays Africains, le secteur informel, qui représente une part importante des actifs, a été rudement touché, tout comme le monde rural. Les femmes, les enfants, les migrants et les personnes âgées sont également très impactés par les effets socioéconomiques de la pandémie. Aussi, même si la crise actuelle n’est pas la première à mettre en évidence les fragilités que nous observons, la profondeur et l'ampleur des circonstances actuelles ont placé la question de la résilience et de la préparation en tête des préoccupations. Ces vulnérabilités mises au jour sont d’autant plus préoccupantes, qu’elles sont à penser à la lumière d’autres menaces toutes aussi pugnaces, que sont la crise environnementale, les risques sécuritaires, la pauvreté, l’insécurité alimentaire, la malnutrition, etc. Ces enjeux sont du reste, ceux portés par les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies, dont la réalisation s’avère avec la crise de la COVID-19, plus jamais nécessaire.
Pour mieux reconstruire et faire face non seulement à la COVID-19, mais à d’autres crises qui vont inéluctablement survenir, nous avons ensemble la responsabilité et l'intérêt de ne pas seulement rechercher des mesures à court terme, mais nous devons sereinement et avec clairvoyance, interroger les insuffisances et manquements qui ont conduit à la crise actuelle, afin de les corriger. La récupération est l'occasion de lutter contre les inégalités, l'exclusion, les lacunes des systèmes de protection sociale, la crise climatique et les autres fragilités et injustices qui ont été mises à nu par la pandémie. Cet exercice ne pourra faire l’économie d’une meilleure prise en charge des préoccupations et de l’intégration des femmes et des jeunes, dans les processus de prise de décision et la définition des politiques. Nous nous réjouissons qu’ici au Sénégal, le Gouvernement ait très tôt intégré ces aspects dans sa politique et ses plans de développement et nous saluons les efforts constants dans ce sens. Pour mieux reconstruire, nous devrons améliorer l'accès aux fournitures médicales, ainsi que réduire les droits de douanes qui leur sont appliqués. Les petites et moyennes entreprises devront également être protégées, par exemple en tirant parti des possibilités offertes par l'économie numérique et en élargissant l'accès aux technologies.
La COVID-19 nous aura également montré la nécessité d’accélérer l’industrialisation en Afrique pour produire dans nos pays, les produits de base et mieux faire face aux chocs mondiaux. Nous devrons en outre mieux protéger les personnes vulnérables, les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées. Toutes ces nouvelles politiques et initiatives qui renforcent les systèmes de santé, améliorent la protection sociale et la situation économique, doivent être déployées à travers des voies respectueuses du climat et des droits de l’homme.
La COVID-19 nous aura appris l’importance d’anticiper sur les défis ; par exemple partout dans le monde, l'accent a été mis sur la prévention, les investissements et les changements de comportement, entraînant une exposition réduite et à une résilience accrue. Aussi, qu’il s’agisse de la question climatique ou des risques d’apparition d’autres pandémies, c’est en anticipant que nous réduirons les risques et les surmonterons. C’est également en faisant en sorte que la coopération au développement s’efforce de renforcer la résilience à long terme, pour permettre aux pays de se préparer à faire face aux risques prévus et imprévus.
La COVID-19 s’est imposée à nous de manière inattendue et foudroyante. Sortir de cette crise nécessitera une approche concertée, intégrée par les individus, les familles, les sociétés, les gouvernements et la communauté internationale ; une approche motivée par la compassion et la solidarité. A nous de faire de cette crise une opportunité pour construire un meilleur monde, plus juste, plus équitable. C’est à cela que s’engage le Système des Nations Unies au Sénégal, aux côtés du Gouvernement, des partenaires et des populations, pour que personne ne soit laissé pour compte.
En ce jour anniversaire de la Charte de Nations Unies, dont la raison d’être a été de sauver les générations futures du fléau de la guerre, de réaffirmer la foi dans les droits humains fondamentaux, de lutter contre l'égalité des droits entre les hommes et les femmes, mais également entre les nations, grandes et petites, de promouvoir la justice, le progrès social et de meilleures normes de la vie dans une plus grande liberté, le Système des Nations Unies au Sénégal réaffirme son engagement. Faites entendre votre voix sur l’avenir que vous souhaitez, en participant à la plus grande consultation jamais organisée à l’échelle mondiale. Prenez une minute pour donner votre avis à l’ONU : https://un75.online/?lang=fre
Par Cheick Sakho
LE RETARD DU FOUTA
De tous les anciens royaumes qui forment aujourd’hui le Sénégal, il nous semble que le Fouta Tooro est celui qui a le plus du mal à entretenir sa mémoire
Le meurtre raciste du jeune afro-américain Georges Floyd perpétré par un policier blanc le mois dernier a plongé le monde dans un profond émoi. Des manifestations sont organisées un peu partout montrant ainsi la grande capacité d’indignation de toutes les personnes éprises de justice. Ce malheureux événement a eu des répercussions à travers le monde ; des mouvements « Black lives matter » essaiment.
De jeunes activistes, en particulier africains montrent une volonté d’en finir avec tous les symboles de l’esclavage, de la colonisation et de toute autre forme d’oppression. C’est dans ce contexte qu’une statue de Léopold II a été déboulonnée à Bruxelles et un poteau funéraire originaire du Tchad arraché dans un musée parisien.
Au Sénégal, le débat sur la statue de Louis Faidherbe qui trône à Saint-Louis agité un moment, ces dernières années, a refait surface. En effet, il est difficile de comprendre que 60 ans après les Indépendances, on continue d’entretenir la mémoire de l’ancien gouverneur colonial alors que Siidiya Ndatté Yalla, qui a défendu au prix de sa vie le Waalo, terre de ses ancêtres sur les lesquelles l’ancienne capitale de l’AOF a été érigée, est tombé dans l’oubli, amputant ainsi cet ancien royaume du Sénégal d’un pan important de son histoire. Le cas de ce prince du Walo est, cependant, loin d’être isolé, car au Cayor si Lat-Dior a donné son nom à un stade de Thiès, qui se souvient aujourd’hui du jeune ajoor Diéri Dior Ndella et/ou de son fidèle ami Sarithia Dièye, en particulier de leur acte héroïque dans le bureau du gouverneur Chautemps, le 7 avril 1904 ?
Cependant, de tous les anciens royaumes qui forment aujourd’hui le Sénégal, il nous semble que le Fouta Tooro est celui qui a le plus du mal à entretenir sa mémoire. En effet, si ailleurs des écoles, des rues, des avenues, des places publiques, des édifices portent les noms de personnages historiques (Stade Lat-Dior, Lycée Bour Sine Coumba Ndofen, Lycée Alboury Ndiaye, Lycée Maba Diakhou, École Ndaté Yalla, Lycée Ahoune Sané, Lycée Alpha Molo, etc.), le Fouta Toro semble avoir pris l’option de gommer de sa mémoire le souvenir des hommes et des femmes qui ont fait son histoire. En effet, à notre connaissance, seuls El hadj Omar et Thierno Sileymane Baal ont connu un meilleur sort pour avoir donné leurs noms à des écoles respectivement à Saint-Louis et à Dakar (hors du Fouta), encore que pour le second, il s’agit d’une école privée ; l’initiative relevant alors de l’unique volonté de l’entrepreneur.
Force est donc de constater que le Fouta Toro est en retard sur ce plan ; il ne s’agit pas ici, en effet, de déboulonner des statues (car il n’y en a pas puisque notre religion l’interdit), ni débaptiser (rien ou presque n’a été baptisé pour être débaptisé) mais bien de baptiser.
Pourtant, ce ne sont pas des édifices, des places ou des routes qui pourraient porter leurs noms qui manquent dans la zone. Entre autres, nous pouvons retenir : -la RN2 (en réhabilitation) qui traverse l’ancien royaume de part en part pourrait par exemple porter le nom de Koly Tengalla qui a fédéré les sept provinces pour fonder le Grand royaume du Fouta Tooro au début 16e siècle ; comme elle pourrait prendre le nom de Samba Guéladjo, le plus illustre des princes deeniyanké, héros d’un grand récit épique ; ou encore celui de Thierno Siléymanie Baal, l’initiateur de la révolution des tooroodo, en souvenir de sa longue procession sur Horkayéré, alors capitale des satigi, ou bien celui d’Abdoul Qaadiri Kane premier almaami du Fouta Toro, ou enfin celui d’Elhadj Omar (Sayku Umaar, diraient les gens du Fouta) pour son envergure historique et son aura ;
-la préfecture de Podor pourrait, quant à elle, portait le nom de Baïdy Kacce Pam en souvenir de son acte de bravoure, lui qui, révolté par le comportement de ses compagnons, tua le commandant AbelJandet, le 10 septembre 1890 ;
-le lycée de Mboumba celui de Ibra Almaami et la caserne des sapeurs-pompiers de Pete, le nom de Mamadou Silèye (ces deux alliés éternels se sont battus pour préserver le Law et Yirlabe-Hebiyabe, leurs provinces respectives de toute domination);
-la gouvernance de Matam celui d’Abdoul Bocar Kane qui, avec son armée que Sékéné Mody Cissokko qualifie « d’orgueilleuse jeunesse du Bosséa » a dédié sa vie à la défense du Bosséa et du Ngenar et tout ayant comme projet de recréer l’unification du grand royaume du Fouta Toro ;
-la préfecture de Kanel celui de Alpha Oumar Thierno Baïla, le fidèle compagnon d’Elhadj Omar ;
-la brigade de gendarmerie de Ranérou (et là nous sommes au Ferlo) le nom d’Amadou Sampolel grand défenseur des fulɓe mbaalɓe et de leur bétail. Ce ne sont là que quelques pistes de réflexion que d’autres plus avisés que nous sur la question pourraient approfondir ; notre intension étant juste d’attirer l’attention sur un fait qui nous parait anormal et de susciter le débat. Il est, à notre avis, plus que temps de corriger ce grave manquement.
La réhabilitation de ces figures historiques est un devoir. Le souvenir de leurs actions doit être imprimé dans les mémoires des plus jeunes qui, pour la plupart, ignorent jusqu’à leurs noms.
Par Fadel DIA
ADIEU SAINT-LOUIS, BONJOUR NDAR
Pourquoi cette ville ne se muerait-elle pas en une cité conquérante et ne ferait-elle pas plus de place à l’héritage vivant de ceux qui lui ont donné leur sang et leur sueur plutôt qu’au souvenir d’un passé à jamais enfoui ?
Du Carsal (1) à la Convention des Saint-Louisiens (pour ne nous en tenir qu’à une période récente), ils sont légion ces lobbies dont la vocation est de réveiller cette belle endormie qu’est l’ancienne capitale du Sénégal, de lui redonner un peu de son lustre d’antan…Dame : presque quatre cents ans de passé connu et attesté par des documents, c’est sous nos latitudes un gisement exceptionnel, un fonds de commerce dont l’inventaire pourrait remplir plusieurs press-books touristiques alléchants !
Reste à savoir si, obélisques, jets d’eau et empoignades oratoires mis à part, il restera, dans quelques années, quelque chose des prestations de ces militants du Saint-Louis éternel. De quelle cause d’ailleurs se sont ils faits les champions, eux qui ont, à mon humble avis, le grand tort de ne brandir comme signes de ralliement que Faidherbe et les signares, les «Cahiers de doléances» (2) et la représentation du Sénégal au Parlement français, et par là même, de cultiver un splendide isolement de «minorité ethnique» portant en bandoulière une inguérissable nostalgie ?
Je commencerai par relater quelques scènes vécues. Au milieu des années 1970, j’ai commis dans un périodique publié alors à Saint-Louis (3) une série d’articles consacrés aux noms de rues dans la vieille cité. Je voulais instruire la population sur les illustres inconnus dont les noms ornaient encore les artères de l’ile (4), souligner le caractère quasi accidentel ou anecdotique de certaines dénominations (5), et montrer qu’on pouvait légitimement débaptiser certaines rues et places sans se renier.
Si certains de mes lecteurs approuvèrent, plusieurs notables de la ville m’accusèrent de dénigrement et même de crime de lèse-majesté ! Deux ou trois ans plus tard, alors que j’étais convié par le maire à participer à la cérémonie de jumelage retour entre Lille et Saint-Louis, j’assistais à une scène cocasse. Le maire de la ville natale de Faidherbe invitait celui de la ville à laquelle ce dernier devait sa renommée à renoncer à l’éloge qu’il voulait rendre à l’homme qui avait inspiré le jumelage : « Y en a marre de Faidherbe, nous dit-on sans ambages ! Nous sommes une municipalité socialiste et nous ne pouvons pas nous permettre d’encenser un conquérant colonialiste, un sabreur de populations civiles (6). Si encore on ne parlait que du général républicain, du vainqueur de Bapaume !»
Dix ans après cet évènement, alors que j’accompagnais un ministre de l’Education nationale, militant du réarmement patriotique qui se faisait une fête de donner au vieux lycée Faidherbe le nom d’Oumar Foutiyou Tall, j’assistais, éberlué à la plaidoirie d’une délégation de «cadres saint-louisiens» qui souhaitaient qu’on ne touchât surtout pas au vainqueur de Médine et de Loro…
Pourquoi donc Saint-Louis ne devrait-elle être fière que des marques et des empreintes laissées par le colonisateur ou par son cortège d’explorateurs et de négociants? Pourquoi tiendrait-elle pour négligeables celles imprimées, au prix souvent de beaucoup de sacrifices, par les hommes et les femmes du cru qui se succédèrent sur son sol pendant plusieurs siècles ? Pourquoi notre pays ne mettrait-il pas plutôt en exergue cette évidence : Saint-Louis, c’est la matrice où s’est forgé «l’homme sénégalais»! Elle l’est d’abord parce qu’elle est bâtie à l’entrée du fleuve qui a donné son nom à notre pays, parce que pendant longtemps elle s’est appelée «île du Sénégal», parce que, surtout, c’est sur son sol, sur un ruban de terre d’à peine deux kilomètres de long, que, pour la première fois, se rencontrèrent dans tous les sens du mot, que se mêlèrent, que s’opposèrent quelquefois, que fraternisèrent enfin, le wolof et le manjak, le joola et le pulaar… Il suffit pour s’en convaincre de consulter les registres de recensement général de la population de l’île à la fin du XVIIIe siècle (privilège qui n’appartient qu’à Saint-Louis). Tous les patronymes du Sénégal d’aujourd’hui y figurent : Kan (Kane), Guiouf (Diouf), Guiop (Diop), Gomis…
Aujourd’hui encore le «saint-louisien» ne répond, si l’on ne s’en tient qu’au seul nom de famille, à aucun critère ethnique. Ne nions pas non plus cette évidence : même si par coquetterie ou vantardise nous aimons anticiper la naissance de la «nation sénégalaise», nos frontières modernes sont artificielles, notre pays est une création coloniale dans sa configuration actuelle et c’est à Saint-Louis qu’il y a trois siècles les différences composantes culturelles qui l’habitent ont appris à vivre ensemble. Cela explique sans doute bien des choses et notamment que notre pays ait échappé aux «querelles tribales» qui ont suivi un peu partout la proclamation de l’indépendance.
L’île de Ndar était vierge de tout peuplement permanent à l’arrivée du colonisateur, on peut donc dire que tous ses habitants sont, d’une certaine manière, venus d’ailleurs, de gré ou de force. Saint-Louis c’est notre Amérique, le melting- pot où s’est formée une culture neuve, métissée, en rupture avec les ordres anciens.
Toutes ces raisons devraient inciter tout regroupement de saint-louisiens à être, non un cercle fermé, mais une communauté ouverte, sans exclusive, car on appartient à cette ville moins par la naissance que par la culture. C’est pour cela que nous devrions faire de Saint-Louis notre maison familiale, notre patrimoine commun, souhaiter que chaque sénégalais y ait un point d’ancrage, au lieu que l’ancienne capitale ne soit une enclave étrangère, même au sein de la région qu’elle administre et qu’elle est censée animer. Il y a un autre héritage dont Saint-Louis pourrait aussi s’enorgueillir, c’est l’extraordinaire capacité de résistance dont a fait montre sa population face au colonisateur qui s’était ingénié à la diviser en castes et classes, opposant «hommes de couleur» et «gourmettes», «nègres libres» et «engagés à temps», esclaves et captifs de «case» ou de «traite», «habitants» et étrangers, ces derniers comprenant aussi bien les gens venus du Cayor tout proche que ceux qu’on appelait déjà «Toucouleurs» !
Créée par les Blancs mais peuplée par les Noirs, Saint-Louis a pu ainsi préserver son identité africaine. Au temps de Faidherbe il était interdit aux griots d’y passer la nuit, mais nul n’a jamais réussi à briser la chaine des généalogies dont ils assuraient la survie. On y a organisé des autodafés de gris-gris, pourchassé les marabouts et fermé leurs écoles, mais on n’a pas pu y empêcher la construction d’une mosquée «en dur» dès le milieu du XIXe siècle. C’était une gageure : malgré sa modestie c’est à la fois le plus ancien monument de ce type et de cette nature construit dans la sous-région avec ce matériau et le premier financé par souscription publique ! Pendant des générations seule la minorité européenne et métisse avait le droit, à Saint-Louis, de porter l’appellation «d’Habitants», et pourtant il n’y a pas eu de «kriolisation» de la population, c’est-à-dire de constitution d’une oligarchie dominante avec sa langue et ses rites.
A Saint-Louis, au contraire, les «signares» tenaient des «sabars» et les métis se mettaient au wolof. Même si aux élections législatives de 1914, qui allaient faire date, la vieille cité ne donna pas ses voix à Blaise Diagne, sans doute parce que le ressentiment contre Dakar qui lui avait ravi le titre de capitale de l’AOF ne s’était pas dissipé, c’est de l’île que partit le mouvement de jeunes patriotes, formés pourtant, pour la plupart, à l’école coloniale, qui allaient contribuer à faire du Goréen le premier député noir du Sénégal ! Ce sont donc les saint-louisiens qui ont assimilé le colonisateur et non l’inverse et c’est une prouesse que leur cité, porte drapeau de la présence française en Afrique de l’ouest, soit devenue le symbole de la plus médiatique des valeurs sénégalaises : la «téranga» !
Alors, pourquoi, avec tant d’atouts, ne peut-on se permettre de démomifier Saint-Louis ? Pourquoi cette ville ne cesserait-elle pas de toujours donner l’impression d’être une cité recroquevillée dans son passé, frileuse, toute confinée dans une histoire qui, quelquefois la concerne si peu ? Pourquoi ne se muerait-elle pas en une cité conquérante et ne ferait-elle pas plus de place à l’héritage vivant de ceux qui lui ont donné leur sang et leur sueur plutôt qu’au souvenir d’un passé à jamais enfoui ? Pourquoi, pour tout dire, ne pas enterrer Saint-Louis, qui est le nom de plusieurs dizaines de villes dans le monde, et redonner vie à Ndar, nom qui appartient à notre patrimoine et qui a une histoire ?
Oui, nous pouvons déboulonner la statue du général Faidherbe sans que le ciel nous tombe sur la tête, nous pouvons débaptiser la place et le pont qui portent son nom, et qui ne sont pas ses créations, sans attenter à l’histoire et surtout à l’Histoire !
Et puis sachons raison garder : le Saint-Louis hérité de la colonisation française n’est ni la Carthagène des Indes ni la Quito d’Equateur héritées de l’occupation espagnole (7). A l’exception du pont métallique (8) il n’y a pas sur l’île de monument qui mérite d’être inscrit à l’inventaire du patrimoine national au point d’être totalement intouchable. Je ne veux pas dire par là qu’on peut mettre à bas tous ses vieux édifices, je veux seulement dire que nous devons reconnaître que, l’âge, le climat, les déboires économiques aidant, plus aucun d’entre eux ne constitue aujourd’hui un modèle achevé et intact des constructions à argamasse de la période faste.
L’important, aujourd’hui, c’est de redonner à la vieille cité l’harmonie et la grâce dont avaient peut-être rêvé les plus inspirés de ses bâtisseurs ainsi que cette patine qui est la marque d’une longue existence, de restituer la divine surprise qu’ont dû éprouver ceux qui descendaient le fleuve et venaient d’un monde où dominent la paille et l’argile, et qui au détour d’une courbe, ont vu la ville de Saint-Louis surgir au-dessus de l’eau. Il faut restituer Saint-Louis à l’histoire et rendre à Ndar ce qui lui appartient et qui non seulement survivra au pic des démolisseurs, mais pourrait encore remplir une enviable corbeille de mariage ou inspirer un risorgimento salvateur. Ce qui appartient à Ndar c’est ce site improbable et aujourd’hui menacé, entre mer et rivières, avec vue imprenable sur l’infini, avec, sur plusieurs kilomètres, le fleuve Sénégal qui frôle la côte sans se décider à rejoindre l’Atlantique, faisant sa coquette comme le paon fait la roue.
Mais la perfide mer se vengera de ces simagrées en plantant une infranchissable «barre» à son embouchure. Ce qui appartient à Ndar c’est aussi cette mince et étroite pellicule de sable et d’argile, à la jonction du désert et de la mangrove, conquise sur les marées et la vase, longtemps hérissée de bâtisses blanches et carrées qui lui donnaient l’air d’une cité méditerranéenne exilée sous les tropiques. Ce qui appartient à Ndar c’est cette douceur de vivre qui y ramène les retraités et qui y retient les femmes : nulle part au Sénégal celles -ci ne sont aussi sûres d’elles-mêmes, et nulle part les mères ne sont autant aimées. C’est cette civilité qui est probablement le fruit du modus vivendi imposé par la rencontre d’hommes et de femmes d’origine sociale et ethnique aussi diverse. Ce qui appartient à Ndar c’est, enfin, cette nostalgie dont elle aura toujours à revendre…
(1) Comité d’Action pour la Rénovation de Saint-Louis (2) Probablement l’une des plus tenaces supercheries de l’histoire coloniale du Sénégal, que Senghor a contribué à répandre. Il ne s’agissait en fait que du manifeste d’un négociant qui revendiquait une plus grande liberté de commerce et nullement l’émancipation des esclaves. (3) Il s’agissait du Bulletin de la Chambre de Commerce. (4) Qui, même en France, se souvient du Baron Hyde de Neuville dont le nom avait été donné à la principale artère du sud de l’île et qui ne devait ce privilège qu’au fait qu’il était Ministre de la Marine, donc chargé des colonies ? (5) Comme la rue Navarin, toujours au sud, nom d’une modeste victoire navale française sur les Turcs (1827) qui eut lieu au moment même où l’on baptisait pour la première fois des rues à Saint-Louis. (6) A titre d’exemples : en 1857 Faidherbe fait bombarder tous les villages du Fouta situés au bord du fleuve Sénégal, de Nguidjilogne à Dembancané, soit sur 150 km ; en mars 1861 il fait incendier 25 villages du Cayor, entre Kelle et Mekhé etc. (7) En 1838 il y avait à Saint-Louis 310 maisons de briques, de qualité très inégale, et 3000 cases dont 2/3 en paille ; en 1870 la ville comptait 500 maisons en briques et encore 4000 cases ! (8) Rappelons tout de même que le pont d’origine a été remplacé, il y a quelques années, par un pont neuf construit à l’identique.
NB : La mention indiquant que le pont Faidherbe a été reconstruit n’était évidemment pas dans le texte d’origine, publié il y a plus de 25 ans dans Nouvel Horizon. De même que l’explication du sigle Carsal.
par Lamine Aysa Fall
L'ÉDUCATION NATIONALE ET LA ROULETTE ROUSSE
Un grave malentendu est perceptible au niveau des moyens déclarés injectés et le manque noté dans presque tous les domaines, de la maternelle à l’université. Sinon, existerait-il encore des écoles entières constituées d’ « abris provisoires permanents » ?
La pandémie du coronavirus a imposé un retard dans le déroulement des enseignements/ apprentissages qui, à son tour, confronte l’école sénégalaise à une situation inédite où plusieurs centaines d’écoles se retrouvent en danger de disparition du fait de l’installation progressive de l’hivernage.
Ainsi des classes colmatées en abris provisoires risquent fort de disparaître de la carte scolaire sous l’assaut répété de la mousson africaine et de ses précipitations abondantes, atteignant les 1500 millimètres. Paradoxalement, ce sont les régions les plus pluvieuses du pays qui comptent le plus grand nombre de classes sous forme d’abris provisoires (Sédhiou (21,8% des classes), Kolda (16,3%), Ziguinchor (12,6%), et Kédougou (10,5%)). C’est sous une telle menace destructrice que le Ministre de l’Education compte organiser, ce jeudi 25 juin, la reprise des cours pour les classes d’examen au Sénégal. Quid des autres classes intermédiaires ?
Au Sénégal, l’enseignant est au cœur d’un faisceau de relations dont il est censé avoir une pleine maîtrise. Sa conscience sur la nature de son activité en tant que métier de relations humaines le positionne souvent en épicentre du dispositif « enseignemental ». Ce métier est une relation intime entre un enseignant, des apprenants, des savoirs et un environnement. Mais, un enseignant fait plus que transmettre des savoirs. Dans les localités les plus reculées, il est le juge en tout, le conseiller, l’avocat, l’ingénieur, l’analyste politique, l’infirmier parfois.
Les services qu’il rend à la communauté d’accueil sont divers et multiples, et dépassent souvent son domaine de compétences. La centralité de sa position exige que nous soyons dans un rapport de co-construction avec lui, des grands changements que nous désirons imprimer à notre société. Sur ses épaules, repose un pan important du système éducatif. Au-delà de son rôle dans la transmission des savoirs, il a la responsabilité de la gestion de tout ce qui intéresse son établissement. Mais, le résultat attendu n’est pas toujours satisfaisant et embarrasse souvent toute la communauté. Toutefois, avant de sombrer dans une sorte de généralisation abusive, nous verrons d’abord la source de ce qui semble être un gros leurre, avant de proposer une lueur, une clé de dénouement de ce problème.
A y voir de plus clair, l’essentiel des ambitions contenues dans la loi d’orientation 91-22 du 16 février 1991 qui gouverne l’Education n’a été jusqu’ici qu’un tissu de vaines promesses. On se rappelle aussi que le Sénégal s’était fixé le pari de « scolariser la totalité des enfants âgés de 7 à 12 ans » avant la fin de l’année 2010 (cf. Plan Décennal de l’Education et de la Formation). Nous sommes en 2020, et le retard est de plus en plus béant. Le Programme d’Amélioration de la Qualité, de l’Equité et de la Transparence (PAQUET) n’aura pas aidé à enrôler « la totalité » des enfants sénégalais scolarisables. Nous sommes inscrits dans une perspective improductive d’adoption de modes et de modèles étrangers. En vérité, l’autre n’avait pas raison, « notre école craint bien le courant d’air ».
Les vents soufflant depuis l’extérieur vêtus d’habits réformateurs ne nous réussissent toujours pas. Evidemment, nous n’estampillons aucun courant du sceau de l’innovation, s’il n’est accompagné d’une belle enveloppe financière. C’est dire donc que souvent, nous qualifions d’ « innovations » dans notre système éducatif, des envies ou désirs de bailleurs. Et là-dessus, aucun des différents ministres qui se sont succédé au MEN depuis 2000, n’a pu réussir à éviter le piège. Aussi, judicieusement recoupées, peut-on écrire un magnifique pamphlet pour le système éducatif avec les promesses d’amélioration du système de ces différentes personnalités.
Notre système d’enseignement apparaît comme un large champ d’expérimentation des laboratoires étrangers. Dès lors, il y a comme un flagrant malentendu entre les missions exprimées dans l’article 5 de la loi d’orientation 91-22 du modifiée et le style de gestion actuel de l’Education nationale sénégalaise. Cette loi stipule : « L’Education nationale est démocratique. Elle donne à tous, les chances égales de réussite. Elle s’inspire du droit reconnu à tout être humain de recevoir l’instruction et la formation correspondant à ses aptitudes sans discrimination de sexe, d’origine sociale, de race, d’ethnie, de religion ou de nationalité ». Alors, notre école est-elle démocratique ? Une Education démocratique place la démocratie en plein centre de sa mise en œuvre. Dans le processus de décisions, elle considère que la voix d’un élève est égale à celle d’un enseignant.
Elle a pour objectif de donner une entière liberté à l’apprenant au cours de ses apprentissages. Est-ce vraiment cela notre école ? Avons-nous atteint ce stade ? Nos enfants ont-ils des chances égales de réussite ? L’année-Covid que nous sommes en train de vivre, n’a-t-elle pas fini de nous prouver que les enfants nantis ont plus de chance de réussir les apprentissages dans le cadre du télé-enseignement, du fait du matériel adéquat dont ils peuvent disposer ? L’apprenant issu d’une famille à revenus modestes, sans aucun matériel didactique moderne, a-t-il les mêmes chances de réussite que l’enfant nanti ayant tout le nécessaire à disposition ? Ce n’est pas le propre des pays pauvres, notre système tel que pensé et mis en œuvre, ne cesse de creuser les écarts et favoriser les inégalités.
Bien sûr qu’un malentendu fondamental est bien perceptible au niveau des moyens déclarés injectés (476.940.066.492 FCFA en 2019) et le manque noté dans presque tous les domaines, de la maternelle à l’université. Sinon, existerait-il encore des écoles entières constituées d’ « abris provisoires permanents » ? Et pourtant, nous notons toujours une résistance de près de 6500 classes sous forme d’abris provisoires (dont 3979 à l’Elémentaire public). Sans entrer dans les détails de la gestion de l’hygiène de nos potaches, à l’heure où se prépare la réouverture des écoles pour les classes d’examen, nous ne pouvons manquer de souligner avec une profonde indignation, l’existence de 1922 écoles élémentaires n’ayant pas de latrines (cabines de toilettes). Depuis le temps où les parents et syndicats d’enseignants se plaignent de ce manque, peu d’efforts ont été faits, alors que tous les Ministres savent qu’il suffit juste près de 73 milliards de FCFA pour relooker ce visage hideux de l’école sénégalaise. Ou peut-être que cela n’a-t-il jamais été une priorité pour eux ?
A entendre les responsables syndicaux enseignants, la recherche d’efficacité et d’efficience gouverne l’ensemble des points de leurs plateformes revendicatives. Ils sont tous mus par un désir inébranlable de toujours faire de meilleurs résultats. Entre 2009 et 2010, les bailleurs de fonds de notre Ecole avaient réussi à vendre à l’Etat du Sénégal un tout nouveau type de gouvernance portant l’appellation de Gestion Axée sur les Résultats (GAR). En effet, l’Etat avait longtemps mis le focus sur le déroulement des activités ou les ressources injectées dans l’activité, et il était arrivé le moment d’essayer de se centrer sur les résultats, de se focaliser sur les performances. Et depuis, les relais sur le terrain parcourraient les « bassins » polarisant les Inspections d’Education et de la Formation à coup de séminaires, de formations et d’ateliers dans le but de former les formateurs sur le sujet.
Cet achat de la GAR par l’Education Nationale a-t-il produit les changements escomptés ? Sommes- nous arrivés à bonne gare ? Que nenni ! Mais, nous avions refusé de croire que chaque nouvel « achat » d’innovation ou de « réformette » était une arnaque de plus. Parce que derrière l’intitulé ronflant de chaque innovation, se cachent un vaste projet d’aliénation de l’avenir de nos enfants et une volonté manifeste de marchandisation de l’école. Ceci causera sans nul doute une perte progressive de repère. Nous avons fini par comprendre que les Chefs d’établissement, les Directeurs d’école, et les Enseignants craie-en-main intègrent avec une forte dose de subjectivité cet outil de gestion, en perdant de vue la quête d’efficacité et d’efficience dont il est enceint. C’est bien ce manque d’objectivité des intervenants qui floue et altère l’innovation. C’est cette perte sans cesse d’efficacité qui a fait dire à un ancien directeur d’Ecole de Formation d’Instituteurs que « l’école sénégalaise était malade de ses directeurs et chefs d’établissement ».
Ainsi, tout le changement qui devait découler d’un bon usage de ses nouveaux instruments de gestion est toujours attendu. Et pourtant, les Directeurs et chefs d’établissement bénéficient régulièrement de formations en gestion administrative ou de mises à niveau. Beaucoup d’entre eux, devenus de véritables managers, ont fini par croire qu’ils étaient aussi des chefs d’entreprise. Malheureusement, beaucoup de ces « entreprises scolaires » vont faire beaucoup d’argent. Tout le problème est là ! La GAR s’étendra sur toute la gestion hormis le volet financier. L’opacité et le manque de transparence y auraient statut de loi. Ces managers en oublient souvent que toute leur gestion devait tendre vers la mobilisation de la structure pour la réussite de l’apprenant. Parallèlement, au lieu de se « professionnaliser » pour devenir de vrais leaders pédagogiques, ils se suffisent à rester du moins de bons gestionnaires, sinon de preux comptables-matières.
Aujourd’hui à l’heure où règne en maîtresse la COVID-19, l’Ecole sénégalaise a exprimé un grand besoin : celui d’avoir des directeurs et chefs d’établissement aux compétences avérées, avec en bandoulière de pertinents projets d’établissement sous-tendus par une vision claire. Ces attributs s’avèrent fondamentaux pour une intervention efficace dans un milieu où l’enseignant, au nom de l’autonomie et de l’entière responsabilité dans « sa classe », semble être jaloux de ses privilèges. L’éducation doit impérativement être une réussite de diverses rencontres. Elle est une croisée entre un manager d’établissement (leader pédagogique) et une équipe pédagogique. Cette dernière n’est pas la somme arithmétique des enseignants d’un établissement. Elle est un ensemble d’intervenants ayant un même projet pédagogique et visant les mêmes objectifs. Notre école est aussi un carrefour entre des enseignants et des apprenants, mais aussi elle symbolise une rencontre entre de jeunes apprenants (très jeunes quelques fois) et des savoirs. Aussi ces savoirs constituent-ils la culture. La culture étant tout ce qui peut s’ajouter à notre naturalité. Par exemple, l’acte de manger est naturel, c’est le propre de toute la création, mais la façon de le faire varie d’un groupe humain à un autre : c’est cela sa culture. Et pour cette raison, nous la définissons comme un savoir acquis au contact des sollicitations liées à notre évolution.
En dernière analyse, la pandémie de la Covid-19 nous aura appris que la facilité de la gestion de l’école sénégalaise reposait simplement sur une redéfinition des priorités de l’Education nationale. Mais encore que la réussite des grandes missions dépendait de l’audace à résister aux commandes souvent en déphasage avec les vrais besoins de notre système éducatif. L’école doit échapper au phénomène de mode. Elle doit demeurer une « école nationale » comme le veut la loi d’orientation 91-22 modifiée, c’est-à-dire qu’elle n’est pas qu’ouverture « aux vents fécondants ». C’est une nécessité aujourd’hui d’avoir un œil sur ce qui se fait ailleurs, mais il faut éviter de tomber dans le piège ironique du copiage inspiré par la peur de la solitude dans la prise de décision. Et comme le disait M. TALLA, un éminent formateur de la Faculté des Sciences et Technologies de l'Education et de la Formation (FASTEF), « l’imitation est une sorte de soumission, puisque celui qui imite n’a pas, dans une certaine mesure, le courage d’aller seul ». Innover, c’est donc avoir l’audace d’aller seul. C’est bien mieux que de passer son temps à jouer à la Roulette Russe avec l’avenir de notre jeunesse.