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30 avril 2025
Politique
par l'éditorialiste de seneplus, alymana Bathily
KEHINDE WILEY : LA CHOQUANTE GLORIFICATION DU POUVOIR NÉOCOLONIAL AFRICAIN
EXCLUSIF SENEPLUS - Avec ces portraits de chefs d’État africains, il opère une rupture artistique par rapport à ses œuvres antérieures. L’hubris de ces dirigeants, leurs égos démesurés, rencontré ici la naïveté politique de l’artiste Africain-américain
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 16/10/2023
L’exposition du peintre Africain-Américain Kehinde Wiley ouverte le 26 septembre dernier au musée du Quai Branly à Paris intitulée « Dédale du pouvoir » ou « Maize of Power » est une glorification d’autocrates et de despotes africains.
Elle se compose de douze portraits de très grands formats de chefs d’Etat africains contemporains : Olusegun Obasanjo. (Nigeria), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Paul Kagamé (Rwanda), Denis Sassou-Nguesso (République du Congo), Alpha Condé (Guinée), Faure Gnassingbé (Togo), Sahle-Work Zewde (Ethiopie), Macky Sall (Sénégal), Nana Akufo-Addo (Ghana), Félix Tshisekedi (RDC) et Hery Rajaonarimampianina (Madagascar).
Ces tableaux qui reprennent comme toute l’œuvre du peintre les canons de la portraiture aristocratique, royale et militaire européenne des 17e, 18e et 19e siècle, suggèrent par les pauses, les attributs exhibés et l’éclairage tantôt l’autorité calme, l’audace inspirée, la vision prophétique, la majesté et la grâce au pouvoir. Ils confèrent ainsi à ces chefs d’État africains les attributs qu’ils cherchent à s’octroyer habituellement par la force et par une propagande effrénée, avec la complicité de thuriféraires et de propagandistes rétribués par toutes sortes de rapines et de prébendes.
Pourtant, contrairement aux artistes européens classiques dont il s’inspire, Wiley n’est pas le peintre de cour de ces présidents africains. Ils ne l’ont ni payé ni récompensé.
C’est lui-même qui a initié le projet qu’il a réalisé selon ses propres canons et méthodes, en mettant en œuvre son imaginaire et ses fantasmes.
Ces portraits sont cependant en complet déphasage dans leur signification avec les œuvres antérieures du peintre.
Considérons son « Napoleon traversant les Alpes » de 2005, œuvre iconique, qui est une reconstruction détournée de « Bonaparte franchissant le Grand-Saint Bernard », portrait équestre de Napoleon Bonaparte de Jacques Louis David. La figure héroïque de Napoléon devient sous son pinceau celle d’un jeune Noir quelconque, nommé Williams, habillé en streetwear des ghettos américains : pantalon de treillis, boots Timberland et bandana.
Regardons son portrait du rappeur Ice T de 2005 représenté dans le cadre et la composition de « Napoléon 1er sur le trône impérial » de Jean Dominique Ingres.
Ces œuvres sont éminemment révolutionnaires : elles subvertissent la peinture occidentale classique et la détournent pour montrer et valoriser des personnages d’Africains-Américains ordinaires.
Wiley se préoccupait alors en effet de « placer des jeunes Noirs dans des situations de pouvoir, établie par des sources historiques …Le but de la peinture étant de s’en prendre à l’histoire de la création d’images, à l’histoire du pouvoir dans la création d’images et façonner un espace pour les gens qui qui n’occupent pas d’ordinaire cet espace… ».
Son portrait du président Barack Obama qui date de 2018, qui l’a consacré comme l’un des plus grands noms de la peinture contemporaine, est naturellement une représentation du Noir au pouvoir. Mais aucunement dans le mode hagiographique : ici aucune emphase, aucune référence à une grandeur surhumaine. Obama qui pose en tant que 44e président des Etats-Unis d’Amérique, est représenté assis sur une simple chaise, le buste légèrement penché en avant, les bras croisés sur les jambes, dans une pause naturelle. Seule touche excentrique, le fond touffu de fleurs de lys, de chrysanthèmes et de jasmins.
Obama avait en effet exigé de l’artiste qu’il soit représenté avec sobriété.
« Je lui expliqué », rappellera-t-il plus tard, « qu’il devait se retenir…que j’avais assez de problèmes politiques, pour qu’il me représente en Napoléon… »
Hubris et culturalisme
Avec ces portraits de chefs d’État africains, Kehinde Wiley opère une rupture artistique par rapport à ses œuvres antérieures, particulièrement par rapport à son portrait du président Obama.
Aucune subversion ici, aucun second degré, aucun détournement de sens révolutionnaire. C’est plutôt l’emphase dans la mise en scène et la glorification du sujet représenté.
C’est que l’hubris de ces chefs d’État, leurs égos démesurés, leur désir pathétique et souvent criminel de capturer et de représenter le pouvoir totalement et sans partage, ont rencontré ici la naïveté politique de l’artiste Africain-américain. Celui-ci est visiblement inspiré par le culturalisme nationaliste noir, cet avatar idéologique de la Négritude, selon lequel le Noir au pouvoir, c’est l’avènement du Black Power, l’apothéose de la lutte de libération Noire.
La Dédale du pouvoir, un faux-pas
De ce fait, au plan artistique, la Dédale du pouvoir représente un faux-pas dans l’œuvre de Kehinde Wiley.
Les grands artistes se fourvoient quelques fois en commettant des œuvres antithétiques par leur formes ou leurs sens à leurs réalisations antérieures et à leur crédo artistique.
Ceci n’enlève cependant rien à l’importance de cet artiste qui reste l’un des plus grands peintres contemporains, sans doute l’un des plasticiens Africains-américains les plus significatifs de l’histoire avec Jacob Laurence et Jean-Michel Basquiat.
UNE FRÉNÉSIE DES SONDAGES AVANT LA PRÉSIDENTIELLE
Les états-majors politiques, les candidats, les représentations diplomatiques et les milieux d'affaires font de plus en plus appel aux instituts pour des informations sur l'opinion. Macky aurait commandité enquêtes le donnant tous perdant face à Sonko
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 16/10/2023
Selon un article publié par Jeune Afrique (JA) ce lundi 16 octobre, le Sénégal connaît une augmentation notable du nombre de commandes de sondages d'opinion, malgré l'interdiction de publication des résultats. Cette tendance se manifeste à travers plusieurs éléments concrets.
Tout d'abord, on observe une hausse du nombre d'acteurs commanditaires de sondages. Les états-majors politiques, les candidats, les représentations diplomatiques et les milieux d'affaires font de plus en plus appel aux instituts pour obtenir des informations sur l'opinion publique.
Le camp de Macky Sall est ainsi accusé selon JA, d’avoir commandité trois différents sondages le donnant tous perdant face à l’opposant Ousmane Sonko. D’où sa détermination à l’empêcher de prendre part au scrutin.
Le rythme des enquêtes commanditées s'intensifie particulièrement en cette période pré-électorale, à quelques mois du scrutin du 25 février 2024. Cela reflète l'importance accordée par les acteurs politiques et économiques à la compréhension des dynamiques électorales.
Par ailleurs, le panel des commanditaires s'élargit. En plus des partis politiques traditionnels, de nouveaux acteurs tels que les diplomates et les entrepreneurs montrent désormais un intérêt croissant pour les sondages d'opinion.
Les thématiques abordées dans ces sondages se diversifient également. Les commanditaires privilégient non seulement les intentions de vote, mais aussi des questionnements plus qualitatifs, tels que l'image des candidats. Cette évolution reflète un besoin d'informations plus approfondies pour orienter les stratégies électorales.
Certains instituts de sondage se spécialisent dans le domaine des enquêtes électorales au Sénégal, devenant ainsi des références crédibles sur le marché. Leur expertise renforce l'attrait pour les sondages d'opinion et contribue à la multiplication des commandes.
Mais malgré cette demande croissante, la publication des résultats de sondages d'opinion est interdite au Sénégal. Une interdiction reposant sur des raisons spécifiques liées au contexte électoral.
En effet, la réglementation sur les enquêtes électorales interdit la diffusion des résultats avant le scrutin. Cette mesure vise à prévenir toute influence indue sur le vote des indécis ou le ralliement des électeurs, garantissant ainsi l'intégrité du processus électoral.
La commission électorale s'assure ainsi que les intentions de vote ne soient pas rendues publiques afin de préserver la consultation populaire de toute distorsion.
L'interdiction de publication concerne toutefois uniquement les résultats bruts des sondages, tandis que la réalisation des enquêtes elle-même reste autorisée. Les commanditaires peuvent ainsi recueillir des informations stratégiques ou anticipatoires, mais doivent maintenir la confidentialité des chiffres pour se conformer à la loi électorale sénégalaise.
Les différentes parties prenantes ont plusieurs raisons de commander des sondages d'opinion en période électorale au Sénégal. Les états-majors politiques cherchent à ajuster leur campagne et leur positionnement en fonction des intentions de vote. Les candidats et les représentations diplomatiques souhaitent anticiper l'issue du scrutin pour mieux s'organiser. Les milieux d'affaires sondent l'opinion afin de prévoir les conséquences du résultat sur le climat des affaires. Enfin, les sondages permettent à tous les acteurs de suivre l'évolution des rapports de force politiques.
ADD ET CHEIKH OUMAR ANNE LANCENT LA PRÉSIDENTIELLE A PODOR
Les finales parrainées par Abdoulaye Daouda Diallo à Boké Dialloubé et Cheikh Oumar Anne à Ndioum samedi ont été des prétextes pour chacun des ténors de l’Apr Podor pour montrer sa liste de responsables qui lui sont favorables et Sa capacité à mobiliser
Les finales parrainées par Abdoulaye Daouda Diallo à Boké Dialloubé et Cheikh Oumar Anne à Ndioum, samedi, ont été des prétextes pour chacun des ténors de l’Apr Podor pour montrer sa liste de responsables qui lui sont favorables et la capacité à mobiliser des militants.
Les responsables de l’Apr Podor avaient vendu l’information selon laquelle le Premier ministre et candidat de la coalition Benno bokk yakaar devrait être dans le département samedi dernier. À l’arrivée, Amadou Ba aura été l’absent le plus présent lors des finales de football parrainées par Abdoulaye Daouda Diallo à Boké Dialloubé et Cheikh Oumar Anne à Ndioum. Le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) ainsi que son camarade de parti et ministre de l’Education nationale étaient présents dans leur commune respective pour mobiliser les militants. Pour des finales de football jouées le même jour afin de faire une démonstration de force, Abdoulaye Daouda Diallo et Cheikh Oumar Anne ne se lâchent pas, surtout en vue de la prochaine recomposition du parti présidentiel.
À Boké Dialloubé comme à Ndioum, chacun y est allé avec ses lieutenants pour bander ses muscles et montrer au candidat de Bby qu’il détient la force politique dans le département de Podor. Entouré surtout du président du conseil départemental de Podor, des maires des communes des arrondissements de Saldé et Cas-Cas et d’autres responsables apéristes, ADD a fait étalage de son leadership politique dans le département et son statut de coordonnateur départemental que son rival voudrait bien lui chiper.
À Ndioum, le même après-midi, Cheikh Oumar Anne avait fait de sa ville le carrefour du département. Des militants sont venus de partout pour s’entasser au stade municipal. A côté du ministre de l’Education nationale, il y avait les députés Harouna Gallo Dialalo Ba et Demba Ba, les maires de Fanaye, Guédé Village, Guédé Chantier, Niandane, Dodel ainsi que d’autres responsables apéristes comme Mamoudou Dème, Boubacar Demba Ba de Mbolo Birane.
Là aussi, le stade était plein à craquer. « Podor fait partie du titre foncier de Macky Sall dont la valeur croît de façon exponentielle. Dans toutes les communes du département, les populations continuent de croire à la coalition Benno bokk yakaar », assure Cheikh Oumar Anne. Le maire de Ndioum indique que les responsables de l’Apr Podor travaillent pour « l’unité et la victoire du candidat Amadou Ba en février prochain ».
A BOFFA BAYOTTE, LA BATAILLE CONTRE LA STIGMATISATION
Après la tuerie du 6 janvier 2018, Boffa Bayotte garde encore le traumatisme de cette folle journée au cours de laquelle 14 exploitants de bois mort ont été froidement fusillés. État des lieux cinq après
Après la tuerie du 6 janvier 2018, Boffa Bayotte garde encore le traumatisme de cette folle journée au cours de laquelle 14 exploitants de bois mort ont été froidement fusillés. Plus de 5 ans après, le village Manjack, situé à 5 km de la Guinée Bissau, se bat aujourd’hui contre la stigmatisation et rappelle à qui veut l’entendre que l’attaque ne s’est pas déroulée dans le village de Boffa Bayotte mais dans la forêt classée de Bayotte qui polarise 6 villages.
Au centre de la ceinture de branches d’une verdure gigantesque, les concessions de torchis, les cases en paille, les termitières semblables à des obélisques, l’herbe encore sèche à cause de la chaleur baignaient dans la corrosivité des rayons solaires qui frappent de plein fouet Boffa Bayotte. Cinq ans après la tuerie, le village accuse le coup, porte encore les stigmates de ce bain de sang qui le suit comme son ombre. Boffa Bayotte ressemble à une immense forêt et ses populations, des laissés pour compte qui ont engagé le combat contre la stigmatisation. Il a la forme d’une jungle aux atours d’une savane, base de certains cantonnements du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc). Depuis 2018, ce village est devenu une terre ocre d’affliction, lointaine bourgade enfouie dans la Basse Casamance, jadis base des troupes du chef de guerre César Atoute Badiate. « Depuis cette affaire de 2018, les populations de Boffa-Bayotte sont perçues comme des meurtriers alors que cette attaque s’est déroulée dans la forêt classée de Bayotte qui polarise 6 villages dont Boffa Bayotte », souligne Edouard Da Silva.
Lorsqu’un véhicule abandonne la route 54 qui mène en Guinée Bissau pour prendre la direction de la rue glissante sablo argileuse, les autochtones sont subitement arrêtés et fixent d’un regard de méfiance les intrus. Il y a ce sentiment de peur, la hantise du retour de cette tragique journée du 6 janvier 2018, ces appels à l’aide, sans succès des futurs exécutés dans cette forêt piégeuse qui garde son lot d’égorgés et de personnes fusillées. A Boffa Bayotte, il flotte un parfum d’amertume, un sentiment de crainte chez les habitants de ces quelques maisons en dur effritées par endroit. Il y a encore cette odeur de mort qui trouble la quiétude des ressortissants de ce village Manjack situé dans le département de Ziguinchor, à 5 km de la Guinée Bissau.
Debout devant sa demeure où se pavanent chiens, chats et phacochères, mercredi 20 septembre 2023, Julie Da Silva est avare en parole. « Il faut parler au chef de village. L’affaire s’est passée très loin de nous », décline-t-elle, peu prolixe devant la délégation de Minority rights group international, de l’Ong Fahamu et d’un groupe de journalistes venus de la Sierre Léone, du Ghana, de l’Ouganda et du Sénégal pour engager les médias et les minorités à agir pour la paix.
« Le ressortissant de Boffa est pris pour un meurtrier, un sauvage, un assassin…»
6 janvier 2018 ! Cette zone de la Basse Casamance avait rendez-vous avec l’horreur, une tragédie marquée en lettres létales dans les annales de la presse sénégalaise comme l’un des plus spectaculaires drames du conflit casamançais depuis son éclatement en décembre 1982. Quatorze personnes cherchant du bois mort ont été capturées. Malgré les appels à l’aide, le retour chargé de détermination de l’Armée nationale sur le tard, les cris puisés dans l’énergie du désespoir, elles ont été froidement fusillées dans la forêt classée de Bayotte, vaste de 936 hectares. Insoutenable. Affreux. Donc, lorsqu’il est appelé à remonter le temps pour évoquer les souvenirs du passé douloureux, Edouard Da Silva est tout de suite meurtri, affecté.
Au milieu d’un silence qui veut tout dire. Il gesticule par moment, hésite par instants, cherche ses mots et reprend le fil de la discussion. « Cette tuerie a écorné l’image du village. Aujourd’hui, si tu montres ta carte d’identité et que les gens voient que tu es de Boffa, on te regarde 10 à 15 fois parce qu’on te prend pour un meurtrier, un sauvage, un assassin… Dieu sait que nous n’y sommes pour rien », regrette-t-il, encore traumatisé. Il ajoute : « On a eu le courage d’aller vers ces lieux pour ramener les corps. C’était choquant ! Nous avons trouvé l’Armée nationale, la gendarmerie, les sapeurs-pompiers sur la Rn4 et on a déposé les corps à même le sol. On les a recouverts de feuilles d’arbre. Sur les 14 morts, on a pu identifier les 13. Le denier corps a été finalement identifié une fois à l’hôpital de Ziguinchor. C’était vraiment atroce. On n‘était pas au courant, c’est le sous-préfet qui nous a informés. Aucun ressortissant de Boffa n’est victime de cette tuerie. Boffa est une victime dans cette affaire. Aucun habitant à Boffa n’a été arrêté. La plupart des arrêtés viennent de Toubacouta », signifie-t-il.
Dans un monologue aux allures d’avis de décès collectif, voix tremblotante, Edouard Da Silva rembobine les morceaux de cette triste journée pour plonger dans les méandres de cette page sombre du village. « L’attaque s’est passée dans la forêt classée de Bayotte qui polarise 6 villages. Il s’agit de Boffa-Bayotte, Boukhouyoum, Toubacouta, Badème, Bagame et Katouré. Ces 6 villages se partagent la forêt classée de Bayotte. Mais pourquoi tout le monde parle de Boffa Bayotte ? », s’interroge-t-il devant les villageois qui ignorent encore les détails du sujet. « Ces événements se sont passés à 6 km de chez nous. A part ce qu’on entend à la radio ou à la télévision, nous sommes logés à la même enseigne que vous en termes d’information », signale Julie Da Silva, très prudente en évoquant ce « sujet très sensible ».
Dans cette partie de la commune de Niassya qui polarise 25 villages, la vie commence à reprendre ses droits. Affaibli mais debout, le village de Boffa Bayotte, créé en 1800, tente de panser ses plaies. Mais les cicatrices sont encore béantes. Cependant, les souvenirs douloureux des affrontements menacent son présent et son futur s’écrie en pointillés. De Ziguinchor, quand on dépasse le cimetière de Kantène devenu célèbre à cause de l’inhumation de centaines de corps issus du naufrage du bateau Le Joola, un check-point de l’armée intercepte ceux qui prennent la route de Boffa-Bayotte. « C’est une zone de guerre », glisse un milliaire, fusil à la main. On est dans le quartier de Babonda Peulh où l’Armée sénégalaise a subi l’une de ses plus lourdes pertes depuis le depuis de la crise : 25 soldats tués en 1995. « C’est une zone qui génère une activité intense de trafic de bois parce que la zone de Bignona est presque épuisée en bois de tek. Aujourd’hui, les coupeurs se sont tournés vers la forêt classée de Bayotte », explique Ibrahima Gassama, journaliste et directeur de la radio communautaire Zig fm.
3 quartiers du village toujours minés
En réplique au massacre de Bobonda Peulh, l’Armée nationale avait bombardé les bases rebelles. Par conséquent, beaucoup d’habitants de Boffa avaient quitté le village pour se réfugier à Ziguinchor, en Gambie mais surtout en Guinée Bissau. Depuis 2012, ils commencent à revenir et se sont installés dans les quartiers de Boffa Centre, Bissanoum Peulh et Bissanoum Manjack. Ils sont au nombre de 733, d’après le chef de village. Tout le contraire des quartiers de Babonda Manjack, Babonda Peulh, Boukhouyoum Manjack qui sont encore des zones minées. En somme, Boffa-Bayotte est composé de 6 quartiers mais seulement 3 sont habités. « Il y a une stigmatisation de notre village mais on n’y peut rien. Lors du drame, la première information a été donnée par quelqu’un qui n’est pas de la zone et ne comprend pas le secteur. Quand on s’affairait à ramener les corps, il est sorti pour parler du drame de Boffa-Bayotte. Mais quand on procédait à des arrestations, je suis le seul chef de village parmi les 6 à ne pas être interpellé. Je ne suis jamais allé à la police dans le cadre de cette affaire », narre M. Da Silva, le verbe chargé d’amertume.
Victime des combats entre le Mfdc et l’Armée nationale, terreau fertile au trafic de bois, Boffa-Bayotte lutte pour sa reconnaissance dans le sens positif du terme. Mais le village fondé par l’ethnie Bayotte doit d’abord gagner la bataille contre la stigmatisation. Cinq ans après la tuerie, elle est loin d’être gagnée…
Problèmes d’accès aux infrastructures
Situé dans la commune de Niassya, département de Ziguinchor, Boffa-Bayotte, tristement célèbre depuis le 6 janvier 2018, est laissé à lui-même. Si l’électricité commence à faire son apparition dans certaines maisons, l’eau potable est une illusion. « C’est le désastre du village. On ne boit pas une eau de qualité. On boit une eau de forage pas du tout saine », déplore Edouard Da Silva, chef du village de Boffa-Bayotte. De plus, il faut faire des kilomètres sur la route nationale et arpenter la rue argileuse pour se procurer des soins dans le village de Toubacouta. Au plan éducatif, le village compte une école primaire.
Le verdict du procès
L’affaire du massacre de 14 coupeurs de bois dans la forêt de Boffa Bayotte a été vidée en juin 2022. Le chef rebelle César Atoute Badiate, le journaliste René Capin Bassène, et Oumar Ampoï Bodian, présenté comme un membre du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc), ont été condamnés à perpétuité par la justice. Si César Atoute Badiate, jugé par contumace, reste sous le coup d’un mandat d’arrêt, les autres condamnés sont en détention. Les trois hommes étaient poursuivis pour 14 chefs d’inculpation dont association de malfaiteurs, participation à un mouvement insurrectionnel et complicité d’assassinat. Deux autres accusés dans ce dossier ont écopé d’une peine de 6 mois de prison avec sursis pour détention d’armes sans autorisation. Les dix autres ont été acquittés.
LES SYNDICATS PRÉCONISENT LA REFONTE DU SYSTÈME SCOLAIRE
«Cette école que nous avons, est un grand corps malade», estime Ndongo Sarr, Secrétaire général du Cusems
Que vaut l’école ? Il faut qu’elle soit au cœur de la promotion des valeurs sociales, culturelles du pays. D’où la nécessité de refonder l’école afin de l’adapter au contexte sénégalais.
«Il faut refonder l’école.» C’est la conviction de Ndongo Sarr. D’après le Secrétaire général du Cusems, qui faisait une communication sur la réforme curriculaire et valeurs sociales lors de la 3ème édition de la Foire des innovations en éducation et formation (Fief), organisée par la Cosydep. «Cette école que nous avons, est un grand corps malade», dit-il. Pour lui, il «faut la refonder en adossant toute politique éducative à nos valeurs». Car il y a un «délitement des valeurs au sein de notre société». Le Secrétaire général du Cusems est sans équivoque : «Tout le monde s’accorde à dire que c’est par l’école, et notamment par les curricula, programmes qu’on y enseigne, qu’il y a ce délitement. Il faudrait essayer de redresser cette situation. Une école est destinée à former des ressources humaines qui vont porter le développement d’un pays. Le fait est que chaque pays a ses réalités, de sorte qu’on ne peut pas plaquer un modèle de développement pris ailleurs dans un autre pays.»
Ndongo Sarr rappelle que la finalité de l’éducation n’est pas simplement l’instruction. «Au-delà de l’instruction, il faudrait que dans les comportements quotidiens, dans tout ce que nous faisons dans la vie, que ces valeurs puissent transparaître, et faire en sorte que tout ce que nous observons et déplorons aujourd’hui dans la société, nous puissions le rectifier», a-t-il ajouté. De l’avis du Secrétaire général du Cusems, «c’est ce qui explique cette nécessité d’articuler les programmes aux valeurs civilisationnelles, et également aux croyances religieuses». «Toute civilisation engendre une culture. Il faudrait que nous fassions en sorte que notre enseignement nous permette de nous ancrer dans nos valeurs, de savoir qui nous sommes avant d’aller à la conquête de ce que l’étranger peut nous apporter», a-t-il expliqué. Avant d’indiquer que les violences dans les établissements procèdent de ces délitements sociaux. Comment ? «Si nos élèves étaient solidement ancrés dans les valeurs de civilisation africaine, mais sans doute au-delà même de l’école, on aurait moins de conflits dans notre société», explique-t-il. M. Sarr rappelle l’importance des valeurs nationales. «Nous avons des valeurs qui, si elles avaient été comprises, nous permettraient de pacifier notre espace scolaire», note-t-il.
Par ailleurs, Hamidou Diédhiou, Secrétaire général du Syndicat des enseignants libres du Sénégal (Sels), a présenté une communication relativement à l’éducation et à la crise politique. «Quelle est dialectique qu’il faut percevoir dans cette relation ?» Il a montré qu’il y a toujours un chevauchement entre les crises politiques et l’éducation. Le Sg du Sels cite les événements de mai 68, nés à l’université et qui ont eu des ramifications après dans le mouvement syndical.
«Les étudiants réclamaient l’augmentation des bourses et la centrale avait des réclamations purement sociales. Ainsi, de fil en aiguille, Dakar s’est embrasée, et tout le pays aussi. Le Président Senghor était obligé de réquisitionner l’Armée. C’était une crise qui est sortie de l’école et qui a affecté la société. Il en était de même en 88, avec la crise politique qui a affecté l’école et qui a conduit à l’année blanche. La grève de 93 et 94, qui a occasionné la mort de Me Babacar Sèye. Il y a aussi les évènements des corps émergents entre 2000 et 2003», a listé M. Diédhiou, qui demande aux acteurs politiques de rester loin des écoles.
A propos de cette politisation de l’espace scolaire, Ndongo Sarr pense qu’il y a une intrusion de la politique dans ce milieu. Les événements politiques qui ont eu un débordement dans l’espace scolaire avec l’arrestation des enseignants et des élèves, qui ont mobilisé des organisations syndicales, montrent que le Sénégal vit ce drame. En attestent les crises politiques qui ont toujours un impact dans l’école. Ce qui a amené Hamidou Diédhiou à dire qu’on doit faire la dichotomie entre la politique et l’école. «Pour éviter toutes ces crises dans l’espace scolaire, il faudrait que les politiques arrêtent de créer au sein de leur formation des mouvements d’enseignants», assure Ndongo Sarr.
Aujourd’hui, il est nécessaire que des modules sur les violences soient inclus dans les curricula pour renforcer la sécurité au sein de l’école.
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QUE SONT DEVENU·ES LES 600 ORPHELIN·ES DE SANKARA ?
Ils étaient destinés à un avenir brillant, envoyés à Cuba pour une formation technique et idéologique par Thomas Sankara. Cependant, la mort de ce dernier et un changement de gouvernement ont bouleversé leurs vies
Les 600 orphelins de Sankara étaient destinés à un avenir brillant, envoyés à Cuba pour une formation technique et idéologique par Thomas Sankara. Ils étaient des enfants défavorisés, orphelins, et devaient revenir pour développer le Burkina Faso. Cependant, la mort de Sankara et un changement de gouvernement ont bouleversé leurs vies.
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OBJECTION AVEC SAID LARIFOU
L'avocat comorien et membre du pool de défense d'Ousmane Sonko, partage son parcours marqué par des arrestations et emprisonnements politiques. Il commente également le procès du leader de Pastef à Ziguinchor et souligne son importance internationale
Maître Said Larifou, avocat comorien et membre du pool d'avocats d'Ousmane Sonko, partage son parcours marqué par des arrestations et emprisonnements pour ses actions politiques. Il évoque la situation politique aux Comores et le recul démocratique en Afrique. Il commente également le procès du leader de Pastef à Ziguinchor et souligne son importance internationale.
TAXAWU CRIE À LA TRAHISON DE YEWWI
Le parti de Khalifa affirme avoir fait tout son possible jusqu'au dernier moment pour maintenir l'unité, mais le groupe parlementaire de Yewwi Askan Wi a privilégié les calculs politiques et les manœuvres d'appareil
Dans un communiqué de presse publié le dimanche 15 octobre 2023, le parti Taxawu Senegaal a vivement réagi à l'exclusion de ses députés lors du renouvellement du bureau de l'Assemblée nationale. Le communiqué dénonce la trahison de certains membres de Yewwi Askan Wi, coalition politique à laquelle Taxawu Senegaal est associé, qui ont agi de manière inélégante et stupide en excluant leurs collègues de la répartition des responsabilités.
Selon le communiqué, des députés de Yewwi Askan Wi ont tenté de former un groupe parlementaire incluant les élus de Taxawu Senegaal dans le but d'obtenir davantage de postes au sein du bureau, mais associer ces derniers dans le partage des responsabilités. Ils ont ainsi choisi d'écarter leurs collègues de Taxawu Senegaal des réunions, dissimulant ainsi leurs manœuvres et tentant de justifier leur trahison.
Taxawu Senegaal affirme avoir fait tout son possible jusqu'au dernier moment pour maintenir l'unité, mais le groupe parlementaire de Yewwi Askan Wi a privilégié les calculs politiques et les manœuvres d'appareil. Cette trahison politique estime le groupe de Khalifa Sall, va à l'encontre des objectifs initiaux de la coalition Yewwi Askan Wi engagée à rassembler les forces politiques pour servir l'intérêt national et mettre en œuvre des politiques de rupture avec les pratiques du passé.
Malgré ce qu’il qualifie d’exclusion injuste, Taxawu Senegaal réaffirme son engagement envers le rassemblement et la défense des intérêts des Sénégalais, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Assemblée nationale. Le parti exprime sa fierté et son soutien à ses députés, soulignant leur sens élevé des responsabilités et leur désintéressement.
Ce communiqué met en lumière les tensions politiques au sein de la coalition Yewwi Askan Wi et les manœuvres qui ont eu lieu lors de l'installation du nouveau Bureau de l'Assemblée nationale.
LA SENELEC SOUS TENSION
La hausse des factures d'électricité, les erreurs de facturation et les dysfonctionnements du système de paiement en ligne ont renforcé le mécontentement de la population envers la société
La Société nationale d'électricité du Sénégal (Senelec) fait face à de nombreuses difficultés qui suscitent la colère et le mécontentement des consommateurs.
Ces derniers jours, de nombreux Sénégalais ont exprimé leur indignation sur les réseaux sociaux en raison de la hausse brutale de leurs factures d'électricité. Certaines factures ont atteint des montants exorbitants, s'élevant parfois à plusieurs centaines de milliers de francs CFA. Cette situation a alimenté un sentiment général de frustration et de mécontentement parmi la population.
La Senelec a reconnu une erreur sur une facture particulièrement élevée, atteignant près de 4 millions de francs CFA. Cette erreur a été largement relayée sur les réseaux sociaux, ce qui a renforcé les critiques à l'encontre de la société.
Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer cette augmentation des prix de l'électricité, selon Jeune Afrique (JA). Tout d'abord, la Senelec fait face à une augmentation des coûts d'importation du carburant nécessaire à la production d'électricité, dans un contexte d'inflation mondiale. Les cours élevés du pétrole et du gaz ont un impact direct sur les coûts de production de l'électricité au Sénégal.
Par ailleurs, la société rencontre des difficultés financières internes. Les coûts de maintenance et d'entretien de ses installations ont considérablement augmenté, ce qui a contribué à la hausse des prix de l'électricité. De plus, la politique de subvention croisée pratiquée par l’entreprise a créé un déséquilibre, obligeant certains usagers à payer des tarifs plus élevés pour compenser les tarifs plus bas appliqués à d'autres catégories de consommateurs.
Le mécontentement de la population face à cette situation s'est exprimé de manière virulente. Les Sénégalais reprochent à la Senelec de ne pas fournir un service de qualité en échange des tarifs élevés qui leur sont facturés. De plus, le système de paiement en ligne de la Senelec, connu sous le nom de Woyofal, est régulièrement critiqué pour ses dysfonctionnements. Les problèmes techniques et les retards dans le traitement des paiements compliquent encore davantage la gestion des factures, ce qui aggrave la défiance envers l'opérateur public.
Face à la grogne populaire, le gouvernement a annoncé des mesures de compensation pour les ménages les plus modestes. Cependant, il est peu probable que les tarifs de l'électricité soient réduits de manière significative, car les autorités estiment, à en croire Jeune Afrique, qu'une hausse des prix est nécessaire pour assainir les finances de la Senelec et garantir la stabilité du secteur de l'électricité.
Malgré les efforts du gouvernement pour diversifier la production d'électricité en développant les énergies renouvelables telles que le solaire et l'éolien, les défis auxquels est confrontée la Senelec restent nombreux. Les tensions sociales persistent et la société civile prévoit d'organiser de nouvelles manifestations pour exiger une baisse des prix de l'électricité.
Dans un contexte de remaniement au sein du ministère du Pétrole et des Énergies, certains observateurs espèrent selon JA, que ces changements apporteront un nouvel élan aux réformes nécessaires pour améliorer la situation de la Senelec et répondre aux attentes des consommateurs.
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LÉONORA MIANO : DÉCONSTRUIRE L'HOMME BLANC
L'essayiste Léonora Miano se penche sur ce qu'elle nomme "la blanchité", une modalité du pouvoir renvoyant à la manière dont l'Europe de l'Ouest et les USA ont établi un système de domination qui perdure
L'essayiste Léonora Miano se penche sur ce qu'elle nomme "la blanchité", une modalité du pouvoir renvoyant à la manière dont l'Europe de l'Ouest et les USA ont établi un système de domination qui perdure. Dans son essai "L'Opposé de la blancheur", elle interroge : comment le déconstruire ? Elle est l'invitée de Géraldine Mosna-Savoy et Nicolas Herbeaux.