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26 avril 2025
Politique
L'ÉTAT RISQUE-T-IL UN BLOCAGE DE SON BUDGET ?
Depuis l’épisode du 12 septembre dernier à l’Assemblée nationale, beaucoup craignent que les tiraillements entre le pouvoir et l’Apposition aboutissement au blocage du budget de l’Etat
Depuis l’épisode du 12 septembre dernier à l’Assemblée nationale, beaucoup craignent que les tiraillements entre le pouvoir et l’Apposition aboutissement au blocage du budget de l’Etat. Ce qui, dans un scénario redouté par certains, empêcherait l’Etat de faire face à ses obligations comme le paiement des salaires, le financement des politiques publiques etc. Ce cas de figure est-il vraiment possible ?
«Nous éplucherons le budget que Macky Sall va déposer sur la table de l’Assemblée pour nous assurer qu’il est bien dans l’intérêt du Sénégal. Sinon on lui retournera le budget en seconde lecture». Ces mots de Ousmane Sonko, tenus le 26 septembre dernier face à la presse, n’ont pas atténué les appréhensions de ceux qui craignent un blocage du budget de l’Etat, à l’hémicycle.
En effet, dans les prochains jours, l'Etat du Sénégal va soumettre son projet de budget à l'Assemblée nationale. Mais, dans la configuration actuelle de l'hémicycle, avec Mimi Touré qui est entrée en rébellion contre le pouvoir, le camp présidentiel est loin du confort d'une majorité absolue. Ce qui l’expose à une éventuelle surprise quant au non vote du budget de l’Etat.
«Pratiquement c’est la crainte de pas mal de sénégalais. Car il y a beaucoup, aujourd’hui, qui ont ces appréhensions, compte tenu des précédents: ‘‘S’il arrivait que le budget soit bloqué, y-a-t-il une autre possibilité ?’’ c’est la grande question aujourd’hui.», indique Alioune Souaré, expert parlementaire. Et la réponse à cette question est "oui".
L’expert explique que les articles 67 et 68 de la constitution, parlent de la question. Ils disposent que le gouvernement a l’obligation de déposer Le projet de loi de Finance au plus tard le jour de l’ouverture de la session unique ordinaire. Mais, si jamais le gouvernement accusait un retard, que prévoit la loi ? «La loi prévoit la possibilité de pouvoir prolonger la session. Je dois rappeler que la durée d’examen du Budget est de 60 jours. C’est ce que l’article 68 dit», précise M. Souaré.
Le deuxième cas de figure, c'est si la loi de finance n’est pas définitivement votée durant les 60 jours. Dans ce cas, la possibilité est donnée au Président de la République de mettre en vigueur le budget par décret. «Si au cours des travaux de l’Assemblée nationale, il arrivait qu’il y ait des tensions, jusqu’à ce qu’on ne puisse pas respecter les 60 jours, là donc le président pourrait, en vertu des dispositions de l’article 68, mettre en vigueur le budget par décret», indique M. Souaré.
Dans ce cas de figure, l’Assemblée nationale va, ensuite, travailler sur les amendements et les faire parvenir au Président. Si jamais le chef de l’Etat n’accepte pas ces amendements, il peut effectivement mettre en vigueur le budget avec les mêmes services qui sont prévus dans le projet de budget.
SÉNÉGAL, UN PAYS SANS IDÉES
Peut-on encore dénicher dans l'espace public sénégalais des hommes politiques dont l'engagement politique est soustendu par une grande assise intellectuelle et une haute idée pour le devenir du pays ?
L'appauvrissement du débat public au Sénégal est, à tort ou à raison, déploré par plusieurs observateurs ces dernières années. Une vacuité qui a plusieurs causes dont la plus prégnante est peut-être une carence de grands politico-intellectuels comme on pouvait en voir au début des indépendances avec les Léopold Sedar Senghor, Cheikh Anta Diop, Mamadou Dia, Abdoulaye Ly et autres qui avaient une haute idée du Sénégal.
Peut-on encore dénicher dans l'espace médiatique sénégalais des hommes politiques dont l'engagement politique est soustendu par une grande assise intellectuelle et une haute idée pour le devenir du pays ? Les grandes querelles sur l'économie, la souveraineté, les orientations politiques, la culture, qui avaient été notées jadis chez les hommes politiques, n'ont-elles pas disparu ? La classe politique a-t-elle déserté le monde des idées, la force des arguments ? Autant de questions qui méritent d'être posées au regard de l'évolution de la manière de faire de la politique au Sénégal.
L'espace politique manque de créativité, d'invention, d'inspiration. C'est un secret de Polichinelle de dire que le Président Léopold Senghor «détestait» l'égyptologue Cheikh Anta Diop. Très divergentes sur le plan idéologique, ces deux personnalités marquantes de l'histoire politique et universitaire du pays ont livré une grande bataille sur le terrain des idées par rapport au devenir de l'Afrique. Senghor parle en effet de négritude, alors que le fondateur du RDN prône la renaissance africaine à partir de l’héritage de l’Égypte pharaonique etla promotion des langues négro-africaines. Iltraite Senghor et ses amis d’«écrivains africains de langue étrangère», et doute que leurs écrits soient la «base d’une culture africaine».
Quand Senghor affirme que «l’émotion est nègre, la raison Hélène», Diop dénonce «l’aliénation» de «nègres d’une haute intellectualité qui cherchent à codifier ces idées nazies d’une prétendue dualité du Nègre sensible et émotif, créateur d’art, et du Blanc fait surtout de rationalité». Les désaccords entre Senghor et Mamadou Dia (ancien président du Conseil) étaient aussi remarquables sur le plan de leur vision. Le chantre de la négritude était plus sensible aux «humanités gréco-latines» ; tout le contraire de « Maodo » qui avait un faible pour les «humanités négro-africaines » comme il le dit dans Mémoires d'un militant du tiers-monde. Tout cela pour dire que l'action politique tournait au tour de la force des arguments idéologiques : marxisme, socialisme, libéralisme, communisme. Chacun des grands hommes politiques du pays se définissait et agissait à travers la lorgnette de ces pensées.
De Majmout Diop à Abdoulaye Bathily en passant par Abdoulaye Wade, Abdoulaye Elimane Kane et le maoiste Landing Savané, l'animation politique était manifestement très dense. Un bouillonnement des idéaux qui est quasi inexistante de nos jours. La lutte des classes a été détrônée comme le souligne le politiste Amadou Ka par la lutte des places. Ce qui visiblement a eu pour conséquence l'effritement du débat politique au Sénégal. «La crise politique au Sénégal, c'est aussi une crise intellectuelle, c'est une crise de la déconnexion entre les grands intellectuels, des grands idéologues d'avec la politique», se désole le chercheur à Enda, Dr Cheikh Guèye. Dans cet entretien accordé à «L’As», il a indiqué que les grands idéologues ont démissionné de la politique.
Travaillant depuis plusieurs années dans la prospective et dans les questions de développement, Dr Cheikh Guèye a fait savoir, donnantles raisons de cette déliquescence, que les idiologies ont perdu leurs forces. «Parce que les idéologies avaient des appareils qui pouvaient aller jusqu'à des Etats, de grandes œuvres écrites qui étaient derrière ces idéologies. Force est de constater maintenant qu'on est dans une sorte de pensée unique et ça, c'est un facteur important pour analyser la nouvelle donne», renseigne-t-il.
À l'en croire, l'assèchement intellectuel et idéologique est constaté dans l'espace politico-médiatique. Et il ajoute que les profils des hommes politiques ont changé au Sénégal. « Nous n'avons plus d'hommes politiques de la trempe de Senghor, Mamadou Dia, Cheikh Hamidou Kane, Cheikh Anta Diop qui étaient à la fois de grands penseurs mais qui étaient aussi des engagés politiques », soutient le chercheur qui estimer que le Sénégal est dans un nouveau contexte où l'école n'est même plus un ascenseur social. « Nous n'avons plus ces hommes politiques qui pouvaient éclairer, orienter, former de brillants esprits et les préparer à un espace public serein où les idées sont les principales armes », fulmine Dr Cheikh Guèye.
Et si les grands intellectuels, souligne-t-il, ont déserté le terrain politique, c'est parce qu'il est devenu un espace d'invectives, de violences verbales et psychologiques. « C'est très dangereux parce que notre espace politique a besoin d'idées pour se renouveler, a besoin de contradictions théoriques, idéologiques, conceptuelles, programmatiques pour vivre », prône-t-il avant de préciser : «Loin de moi l'idée de dire que nos hommes politiques actuels ne sont pas intelligents ou ne sont pas des intellectuels. Même ceux qui en sont préfèrent se ''déshabiller'' de ce manteau ». Pour Dr Guèye, tout le débat tourne autour d'invectives, de disputes crypto-personnelles, de problèmes juridiques et électoraux. Il pense néanmoins qu'avec des plateformes comme le Réseau Alternatif pour l'Afrique, il peut y avoir un rebond qui peut faire revenir les débats autour des idées.
«LES HOMMES POLITIQUES ACTUELS PRIVILEGIENT LA QUETE D'UNE VISIBILITE A LA «GALERIE» AU LIEU DE S'AFFIRMER INTELLECTUELLEMENT»
Dans la foulée, il pense que pour réconcilier la politique avec les grandes idées, le Sénégal aura forcément besoin des Think Tank qui se donnent comme rôle la réflexion, la prospective, la recherche scientifique. Pour sa part, l'écrivain Waly Ba pense que l'évolution du contexte sociopolitique impose au politicien intellectuel une posture mondaine qui le prédispose à privilégier la quête d'une visibilité dans la ''galerie'' au lieu de s'affirmer intellectuellement. « Il serait légitime de penser que la fin des idéologies est en partie responsable de cet état de fait », déclare le critique littéraire qui paraît se convaincre que si les écoles des partis existaient jusqu'à présent, un homme politique doté d'un tant soit peu d'intellectualité ne verserait pas dans des comportements et des discours au ras des pâquerettes.
«PERSONNE NE VA M’EMBARQUER DANS LA POLITIQUE POLITICIENNE»
Le maire de Kaolack et self-made-man, Serigne Mboup, a parlé au journal Le Quotidien quelques jours après la nomination du nouveau gouvernement.
Propos recueillis par Mohamed GUEYE |
Publication 13/10/2022
Le maire de Kaolack et self-made-man, Serigne Mboup, a parlé au journal Le Quotidien quelques jours après la nomination du nouveau gouvernement. Des problèmes techniques ont empêché la rapide publication de cet entretien dont les propos restent toutefois toujours d’actualité. Dans son style franc et direct, le fondateur du Comptoir commercial Bara Mboup n’a évité aucune question, imposant même au journal, une sévère relecture. Sur la lutte contre la vie chère, son entrée en politique, ses ambitions pour Kaolack et pour son pays, le président de l’Unccias n’y va pas avec le dos de la cuillère.
A deux reprises, il y a eu des manifestations publiques regroupant les acteurs de l’économie, auxquelles vous avez brillé par votre absence. La première a été un point de presse de tous les acteurs du secteur privé dont vous avez été l’absent le plus remarquable. La seconde fois a été la rencontre convoquée par le président de la République autour de la concertation sur la vie chère. Tout le monde était présent, sauf le président Serigne Mboup. Qu’est-ce qui explique cela ?
Permettez-moi avant toute chose, de présenter mes condoléances aux habitants de Kaolack, qui viennent d’être frappés par une tragédie avec la mort de 4 personnes suite à l’effondrement d’un bâtiment (c’était juste la veille de cet entretien, en début du mois. Ndlr). Cela s’est d’ailleurs passé dans mon quartier, et touche des personnes que je connaissais bien. Je n’étais pas présent, mais j’en ai parlé avec le Préfet, et d’ailleurs, nous allons entamer une inspection de certains bâtiments pour voir ceux qui sont vétustes et demandent réhabilitation ou démolition.
En ce qui concerne votre première question, je pourrais dire que je suis à la base de ce point de presse du patronat. C’est moi, en tant que président de l’Union nationale des chambres de commerce du Sénégal, qui ai pris l’initiative d’aller rencontrer Baïdy Agne (président du Cnp. Ndlr), pour lui demander de tenir une rencontre du patronat du secteur privé. On peut avoir des divergences entre nous, mais n’empêche, devant les intérêts du pays, tout le monde se retrouve et échange. Baïdy Agne me dit que les gens avaient pensé à faire une déclaration du patronat, à laquelle serait associée la Chambre de commerce de Dakar. Je leur ai fait comprendre que je ne pouvais pas, en tant que président de l’Unccias, signer une déclaration à côté de la signature de la Chambre de Dakar, qui est une entité de l’Union. Parce que dans ce cas, on devrait autoriser tous les présidents de toutes les chambres de commerce du Sénégal de signer, ce qui ne serait pas possible.
Mais à mon niveau, je ne pensais même pas à une déclaration. Ce qui m’importait, c’est que nous, le patronat, nous nous concertions entre nous, avant de proposer quelque chose aux autorités. J’avais même décidé de ne plus en parler parce que la chose la plus importante, c’est que les gens doivent accepter les changements et les évolutions. On ne peut pas diriger des associations sans accepter des élections. Si les gens veulent se représenter pour un nouveau mandat, ils peuvent le faire, mais ils doivent être transparents et accepter d’aller aux élections.
Pour le second point, je dois dire que j’étais absent, j’étais aux Etats-Unis. Mais, surtout, nous n’avons pas été convoqués. La Chambre de commerce n’a pas reçu d’invitation. Même la Chambre de commerce de Dakar qui, souvent, était associée, n’a pas reçu d’invitation. On n’a vu que le patronat, ce que j’ai trouvé assez étrange. Car quand il faut discuter de la règlementation des prix, on ne peut pas privilégier le patronat, qui n’est là que pour ses intérêts. Pourtant, les textes sont clairs sur les prérogatives de la Chambre de commerce, qui sont, entre autres, de traiter des conditions de commercialisation.
D’accord, n’empêche que vous avez une opinion sur les 15 mesures qui sont sorties de cette rencontre au Palais ?
Sur ce point, nous n’avons aucun problème, le Président a bien synthétisé. Mais pour la suite, il faudrait qu’il travaille aussi à unir le secteur privé. On a vu, et il l’a dit lui-même, qu’il a eu des problèmes pour donner la parole aux nombreux acteurs qui étaient présents. Et il a également souhaité que l’on produise ce que nous consommons, et que l’on consomme ce que nous produisons. Cela, même à l’époque du Président Wade, on le disait, et jusqu’à présent, cela ne se matérialise pas. L’autre élément important que les gens oublient, c’est la logistique, qui peut fortement influer sur le coût de la marchandise. La logistique peut coûter jusqu’à 40% de la valeur du produit. Or, le Sénégal possède le Conseil sénégalais des chargeurs, Cosec, qui peut jouer un grand rôle à ce niveau pour régler les problèmes d’engorgement du port. Il est même payé pour cela. Chaque importateur paie au Cosec 0,20% de la valeur des marchandises déclarées. Ce montant peut atteindre 20 à 40 milliards selon les années. Je pense qu’il aurait pu servir à financer les conditions de stockage de certains produits ou aider à subventionner le transport. Mais s’il ne le fait pas, c’est du fait du patronat qui est dans le Conseil d’administration, à travers des organisations comme le Cnp, la Cnes, l’Unacois ou le Ges, qui y ont chacune, deux représentants qui, en réalité, ne savent rien du chargement et du déchargement et des enjeux. Nous avons toujours dénoncé cet état des choses. Nous l’avons fortement dénoncé avant le Covid, et nous comptons bien reprendre la dénonciation. Peut-être que les autorités ne sont pas au courant de la situation, mais il faut que tout le monde sache que cela n’est pas normal. Si on ne règle pas la situation au Cosec, nous allons vers la catastrophe. Je ne reproche rien au Directeur général, qui fait son travail de manière admirable. Il aurait même pu faire plus, n’eût été le Conseil d’administration dont 8 membres sur les 11 viennent du secteur privé, et qui ne font rien de bon. On a là des gens du secteur privé qui se sucrent avec l’argent public, sur le dos de l’Etat, et cela sans aucun contrôle. C’est la même situation que l’on retrouve à l’Ipres, à la Caisse de sécurité sociale, et autres. Ce sont des fonds qui n’ont pas été votés par l’Assemblée nationale, sur lesquels il n’y a aucune visibilité. Même les fonds à la disposition du chef de l’Etat, les députés ont un droit de regard dessus. Mais les fonds utilisés dans certaines institutions publiques, personne n’a aucun droit de regard dessus. Je ne reproche rien à mon ami Racine Sy, mais les fonds de l’Ipres doivent être gérés dans la transparence. Je ne puis comprendre que le secteur privé puisse avoir des problèmes avec la transparence, alors que ce sont eux qui devaient en être les porte-étendards.
La transparence que vous prônez devrait aussi commencer au niveau de la Chambre de commerce dont vous faites partie. Et à ce niveau, il y a d’abord cette forte mésentente qui bloque les changements. Comment dépasser cette situation ?
C’est normal que les acteurs de la Chambre de commerce ne s’entendent pas. Mais, c’est à l’Etat de tout faire pour régler la situation. Il doit faire en sorte qu’il y ait élection. Si je ne me préoccupais que de ma situation, j’aurais pu garder le silence et rester dans mon coin. Car je peux dire que j’ai atteint le sommet. Je suis président de la Chambre de commerce de Kaolack et président de l’Union nationale des chambres de commerce. Je pourrais me contenter de gérer mes mandats de manière indéfinie. Mais, cela n’est pas faire preuve de dignité. Il est bon de remettre régulièrement son mandat en jeu. Même si l’on a la possibilité de rester indéfiniment, c’est bien de savoir si on a toujours la confiance des électeurs. Et c’est le rôle de l’Etat de veiller à ce que les choses se passent de cette manière. Car les textes sont très clairs. Je rappelle que lorsque l’on a voulu procéder aux élections en 2014, certains ont convaincu le Président de changer le décret de 2003, en y introduisant de nouveaux éléments. On est allés le dénoncer à la Cour suprême, qui a cassé le décret. C’est dire que les gens ont induit le Président en erreur, et c’est un scandale. Comme on a annulé le décret, nous devions aller aux élections en 2016, et ils ont sorti comme artifice qu’ils devaient faire une réforme pour créer des chambres d’agriculture, distinctes de la Chambre de commerce. Alors que nous sommes à une période d’unification. A l’origine, les chambres de commerce englobaient le commerce, l’agriculture et le reste. Si vous regardez sur le fronton de la Chambre de commerce de Dakar, vous ne verrez écrit que «Chambre de commerce». C’est ce que les Français nous ont laissé. Parce qu’il a été considéré que le commerce englobe aussi bien l’industrie que l’agriculture, ou les autres métiers. Quand on parle de production, cela devient du domaine industriel. Mais enfin, cette prétendue réforme n’avait pour but que de leur permettre de prolonger leur mandat, ce qui n’est pas normal. C’était ma responsabilité morale de dénoncer cela. Il y a des jeunes qui montent, et qui ont envie d’accéder à des responsabilités. Moi, à 55 ans, je commence à prendre de l’âge et je dois songer à laisser la place à d’autres plus jeunes. Ce n’est pas bien que l’on ne voie que les mêmes personnes à la tête de différentes organisations. Et je rends hommage à l’ancien Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne, car il a empêché cette forfaiture de continuer, con¬trairement aux deux ministres du Commerce qui se sont succédé, à savoir Alioune Sarr et Assome Diatta.
Et que pensez-vous de celui qui vient d’être nommé ?
Je pense que c’est une personne bien, qui comprend les enjeux. Nous avons eu l’occasion d’échanger et il a compris mon point de vue. J’ai aussi confiance au nouveau ministre des Finances, Moustapha Ba. Il m’a un jour dit que c’est aux Etats-Unis, lors d’une rencontre organisée par la Banque mondiale, qu’il a compris l’importance de la Chambre de commerce. Il dit qu’à cette rencontre, ce sont des représentants de la Chambre de commerce américaine qui siégeaient au nom de tout le secteur privé. Et il a pu visiter la Chambre de commerce de Kaolack, et m’a paru une personne très engagée et très à l’écoute. Donc, je pense qu’avec l’appui du chef de l’Etat, ils pourront prendre des bonnes décisions. Car la Chambre de commerce est une institution publique, qui appartient à tous. C’est vrai que qui ne s’y retrouve pas, est libre de ne pas adhérer. Mais ceux qui y sont doivent respecter les règles.
Moi, je ne peux pas imposer à l’Unacois, au Cnp ou à la Cnes, d’organiser des élections, car ce sont des privés.
Vous avez comme autre casquette, celle de maire de la Ville de Kaolack. Depuis votre installation, quel bilan pouvez-vous en tirer ?
Avant cela, je dois vous expliquer ce qui m’a poussé à briguer la mairie de Kaolack. J’étais à la tête de la Chambre de commerce de Kaolack. A l’époque, il y avait le regretté Madieyna Diouf, à la mémoire duquel je rends ici hommage, et avec qui nous avons travaillé en bonne intelligence. Mais quand il y a eu changement à la tête de la mairie, on s’est rendu compte, avec mes équipes, qu’il y avait une sorte d’incompréhension. Tous nos projets étaient bloqués ou empêchés de se développer. Au point que nous nous sommes dit qu’il fallait peut-être que l’on prenne la mairie pour faire bouger les choses. On a mis en place une structure apolitique, And nawlé, qui visait à prendre la mairie, et ainsi pouvoir agir sans pression, ni esprit partisan, pour le bien de la ville et de ses habitants.
Et depuis que nous avons pris les choses en main, nous nous sommes attaqués à la question de la propreté de la ville et à l’amélioration du cadre de vie. Et je pense que qui passe aujourd’hui à Kaolack se rendra compte qu’il y a eu une grande amélioration de ce côté. Et on doit rendre pour cela hommage à l’Ucg. Comme tous les services décentralisés de l’Etat, qui travaille en bonne intelligence avec la mairie. Nous en avons fini avec les dépôts sauvages d’ordures, et sommes en train de finaliser un protocole, qui inclut aussi les petites communes alentour, pour avoir un centre commun de traitement des ordures, et les choses sont en bonne voie. Nous travaillons également avec Promovilles, qui fait de bonnes choses dans la commune.
Il y a également le curage des canaux des eaux usées. L’une des causes des inondations dans la ville était le défaut de curage. Maintenant que cela se fait régulièrement, on peut constater que cette année, on n’entend pas beaucoup de récriminations sur les inondations.
A côté de cela, il y a la question de développement économique pour appuyer des jeunes et des femmes. Cela demande des fonds énormes, et nécessite des études que nous pourrons présenter au gouvernement, qui pourrait les présenter aux partenaires financiers, qui pourront venir nous financer pour améliorer le cadre de Kaolack. Et surtout revitaliser le Port de Kaolack, pour tirer l’économie. Car l’économie n’a pas besoin d’aide, elle a besoin que l’on mette en place des conditions pour que nous puissions entreprendre par nos propres efforts.
Vous semblez déjà très occupé avec la mairie de Kaolack. Pourquoi alors avoir cherché à briguer un poste de député ?
Moi, au départ, je ne voulais pas y aller. Mais un moment, nous avions pensé que cela pouvait encore plus nous faciliter les choses dans notre gestion de la ville. Mais après réflexion, on s’est rendu compte que cela n’était pas utile. Il faut également dire que sans doute, nous n’avions pas préparé cette campagne, parce qu’elle était notre première et nous nous y sommes pris très tard. Si on s’y était mieux préparés, et plus tôt, sans doute que l’issue aurait peut-être été différente.
L’un de vos différends avec l’équipe municipale sortante a été votre gestion du lieu dit Cœur de Ville. Qu’en est-il exactement ?
C’était juste beaucoup de bruit pour rien. Tout le monde sait que ce projet nous a été attribué par un décret présidentiel et nous le gérons selon les termes du contrat approuvé par la Dcmp. Rien d’obscur à cela. Il n’y a aucun problème à ce niveau. En vérité, entre Mariama Sarr et moi, il n’y a jamais eu de problèmes ; c’est son entourage qui voulait la monter contre moi, c’est tout. Ces affairistes, qui ont voulu me prendre le «Cœur de Ville», en vain, ont tenté de me déloger de la Chambre de commerce, sans succès ; et ils sont allés raconter des choses contre moi au Président. Ce sont eux qui ont fait perdre le Président à Kaolack. Tout le monde les connaît, notamment Rahma…
Quelles sont vos relations avec le Président et son parti ?
Je n’appartiens à aucun parti, j’ai toujours eu de bons rapports avec le Président Macky Sall, comme j’en avais avec le Président Wade dont le parti m’avait d’ailleurs soutenu lorsque j’accédais à la Chambre de commerce. Mais je ne fais pas de la politique partisane, je ne soutiens aucun camp. Je crois à une manière de faire, et je veux travailler pour mon pays et améliorer les choses. Certains contestent en prétendant que la mairie est un poste politique. Non, la politique demande d’avoir une opinion à laquelle on veut faire adhérer les gens. On peut leur présenter un programme, mais pour que les gens renouvellent votre mandat, ils le feront à partir des résultats. Moi je suis convaincu qu’après mes 5 ans à la tête de cette mairie, si je n’ai pas de résultats à présenter, je ne vais pas briguer un autre mandat. Personne ne va m’embarquer dans la voie de la politique politicienne.
Par exemple, il y a les étudiants ressortissants de Kaolack, qui sont venus me voir, pleins d’arrogance, pour demander que la mairie règle leurs arriérés de loyer. En ajoutant qu’ils donnaient un ultimatum à la mairie pour régler leur problème. Je leur ai dit, qu’en plus de faire montre d’arrogance, ils ont fait preuve d’ignorance. Parce que leur loyer ne relève pas d’une compétence de la mairie. Et même si c’était le cas, je pense qu’il y a d’autres priorités. Eux pleurent leur loyer, mais les jeunes élèves du primaire, qui n’ont pas de toilettes, pas de table-bancs en bon état dont certains sont dans des abris provisoires, on ne doit pas s’en occuper ? Ces enfants n’ont pas de bourses, contrairement à ces étudiants, mais ils ne pleurent pas. Sans doute qu’ils n’ont pas le choix ! Ils disent que je dois appuyer leur amicale, mais j’ai des centaines d’amicales à Kaolack ! Je leur ai dit de prendre leur mal en patience et d’attendre l’année prochaine, si nous pouvons dégager un budget pour cela. Et je le leur donnerai sur des bases claires et transparentes, parce que ce n’est pas mon ar-gent, mais celui des Kaolackois. Pour le moment, moi, je me bats pour que les enfants à Kaolack étudient dans des écoles décentes, avec des cours fleuries, parce que leur cadre d’études, c’est quelque chose qui va les marquer à vie. L’éducation sénégalaise ne devrait pas être dans des abris provisoires. On n’en fait pas pour des étudiants, pourquoi le faire pour des enfants ? Parce qu’ils ne protestent pas ? Que les étudiants me comprennent et me laissent le temps. Et ce que je leur ai dit, je le dis à tous ceux qui seraient tentés de me mettre la pression. Que ce soit des étudiants, des commerçants ou autres.
Le fait que vous vous soyez engagé dans une activité politique -on peut considérer que la gestion de la mairie est une activité politique-, ne nuit-il pas à vos activités économiques ?
Non, pas du tout. Cela aurait pu être le cas si j’avais été le Directeur général de Ccbm, mais ce n’est pas le cas. La société a son Dg, appuyé par ses adjoints. Moi je me contente de l’orientation et du contrôle. D’ailleurs, on peut dire que le travail du président de la République est plus prenant, lui qui nomme à toutes les fonctions civiles et militaires et surveille tout le fonctionnement du pays. D’ailleurs, mon père disait toujours qu’il est plus facile de gérer mille entreprises bien organisées qu’une seule société mal organisée.
Si on vous disait que c’est grâce aux privés sénégalais que ce pays a pu éviter d’autres catastrophes du type Le Joola, il faut me croire. C’est vrai que nous avons toujours des drames dans ce pays, toutes sortes de catastrophes. Mais depuis la tragédie du Joola, grâce au courage du Président Wade, des Sénégalais ont repris la gestion de la navette maritime vers Ziguinchor, avec Cosama, et on n’a jamais entendu une seule fois un seul problème. Et ce sont des Sénégalais bon teint qui gèrent cela !
Quel projet vous tient le plus à cœur, que vous aimeriez voir vraiment réaliser ?
Dans le cadre de mes entreprises, j’aimerais être en mesure de produire des véhicules Made in Sénégal. Et également, remettre en place une industrie textile nationale. Car le Sénégal consomme annuellement 400 milliards de francs en importation de tissus. Et pour Kaolack, ce que j’ai promis aux Kaolackois, c’est de leur laisser une ville propre, avec un cadre où il fait bon vivre. Et enfin, que la Chambre de commerce retrouve sa légitimité et son dynamisme. Et pour cela, nous avons aussi besoin de l’appui de l’Etat. Car si la Chambre de commerce se développe, elle pourrait réaliser plus de choses que ne le peut, par exemple, le Conseil économique, social et environnemental. Je ne dis pas que cette institution n’est pas utile, j’en suis d’ailleurs membre. Mais, je sais que la Chambre de commerce pourrait rapporter plus à l’Etat que le Cese. L’Etat devrait tout faire pour que la chambre organise ses élections, et qu’il contrôle sa gestion. La Cour des comptes n’a pas l’aptitude de contrôler le Cnp, la Cnes ou l’Unacois. Mais elle peut contrôler la Chambre de commerce, parce qu’elle gère des fonds publics.
C’est un combat que je veux mener, et je souhaite que personne ne le prenne comme un combat personnel. Et je réitère ici ce que j’avais déclaré à Baïdy Agne. Je luis avait dit : «Tu as une responsabilité morale de regrouper le patronat.» Et pour lui rendre hommage, il faut reconnaître que Mansour Cama s’est battu pour l’unité du patronat. Il n’hésitait pas à se confronter à l’Etat et à lui dire la vérité. Aujourd’hui, la majorité de ceux qui voient le chef de l’Etat ne lui disent pas la vérité, dans l’espoir de gagner des marchés. Alors que ce sont des gens qui ne représentent souvent que leur propre personne.
Que pensez-vous de l’idée d’amnistier certaines personnalités politiques ?
Je pense que c’est le temps de la réconciliation nationale. L’Etat devrait appeler tous les opposants et parler à tous. Que l’on fasse table rase du passé, comme Mandela l’avait fait en son temps. Je crois que l’on gagnerait à mettre en place un mécanisme qui rendrait difficile de détourner les fonds publics. Car après, c’est difficile de demander aux gens de rendre compte. Depuis Senghor, je n’ai jamais vu des personnes à qui on a demandé des comptes et qui ont pu rembourser le Trésor. Rendre difficiles les détournements, c’est ce que je proposerais moi. Et pour le moment, dans un esprit de réconciliation, que l’on fasse table rase du passé pour repartir sur de nouvelles bases.
KANDE ETRENNE SON ETOILE DE GENERAL
Des changements ont été notés au niveau de certaines institutions de l’Armée, avec la nomination de Souleymane Kandé comme Général et chef d’Etat-major de l’Armée de terre.
Des changements ont été notés au niveau de certaines institutions de l’Armée, avec la nomination de Souleymane Kandé comme Général et chef d’Etat-major de l’Armée de terre.
Le Président Sall a passé la journée à signer des décrets. Si Souleymane Ndéné Ndiaye a quitté la présidence du Conseil d’administration d’Air Sénégal Sa et a été remplacé à ce poste par «le Général de division Joseph Mamadou Diop, précédemment chef d’Etat-major particulier du président de la République», Macky Sall, par des décrets, a procédé à des changements au niveau de certaines institutions de l’Armée.
Ainsi, il est noté que «le Général de division Mbaye Cissé, précédemment Directeur général du Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds), est nommé chef d’Etat-major particulier du président de la République, en remplacement du Général de division aérienne Joseph Mamadou Diop». Le Cheds est désormais dirigé par le Général de brigade Jean Diémé, précédemment chef du Centre de prospective des Armées.
Autre nomination, c’est celle «du Général de division Philipe Henry Alfred Dia, précédemment chef d’Etat-major de l’Armée de terre», qui est maintenant «Inspecteur général des Forces armées, en remplacement du Général de division El Hadji Daouda Niang». Ce dernier, «précédemment Inspecteur général des Forces armées, est nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Sénégal en République de Côte d’Ivoire, en remplacement de l’ambassadeur monsieur Abdou Khadir Agne».
En outre, il est porté à la connaissance du public que «le Contre-amiral Abdou Sène, précédemment Secrétaire général de la Haute autorité chargée de la coordination de la sécurité maritime, de la sûreté maritime et de la protection de l’environnement marin (Hassmar), est nommé Conseiller défense du Premier ministre».
Il faut noter également que «le Général de Brigade Souleymane Kandé, précédemment Commandant des Opérations spéciales, est nommé chef d’Etat-major de l’Armée de terre, en remplacement du Général de brigade Philipe Henry Alfred Dia». Archétype du démantèlement des bases rebelles en Casamance, Souleymane Kandé, qui a étrenné ses galons de Général ce 10 octobre, a permis à des millions de personnes de rentrer chez elles après des années d’errance.
VERS UNE ANNEE PARLEMENTAIRE CAUCHEMARDESQUE !
Après dix ans de règne sans partage, le régime en place, risque une année parlementaire cauchemardesque si l’opposition décide de traduire ses engagements électoraux en propositions de loi
Les députés de la 14e législature vont reprendre leurs activités demain, vendredi 14 octobre, avec l’ouverture de la Session ordinaire unique de l’année 2022-2023 de l’Assemblée nationale. Avec la composition de l’Assemblée nationale dominée par l’opposition et les non-inscrits réunis, cette première session ordinaire unique qui va se dérouler jusque dans la première quinzaine du mois de juin prochain s’annonce cruciale pour le régime en place au regard des nombreuses questions en suspens sur la table du Président de l’Assemblée.
L ’Assemblée nationale reprend ses activités. Après plus de trois semaines de pause, les députés de la 14e législature sont, en effet, convoqués en séance plénière le vendredi 14 octobre 2022 à 10 h 00, rapporte la Communication de l’Assemblée nationale dans un communiqué. Dans ce document, il est précisé au sujet de l’ordre du jour de cette session qu’il porte sur l’ouverture de la Session ordinaire unique de l’année 2022-2023 de l’Assemblée nationale. Il faut dire que cette première session ordinaire unique qui va se dérouler jusque dans la première quinzaine du mois de juin prochain s’annonce cruciale pour cette nouvelle Assemblée nationale dominée par l’opposition et les non-inscrits réunis. En effet, pour avoir perdu la majorité des 83 sièges sur les 165 qui composent l’hémicycle, le pouvoir en place (avec seulement 82 sièges contre 83 pour l’opposition et les non-inscrits réunis) aura vraiment du pain sur la planche.
Après dix ans de règne sans partage, le régime en place, sauf revirement inattendu de situation risque tout simplement de vivre une année parlementaire cauchemardesque avec cette session si toutefois l’opposition décide de traduire ses engagements électoraux en propositions de loi. Parmi les défis que le régime en place va surmonter avec cette nouvelle Assemblée nationale, il y a entre autres l’adoption des budgets des différents ministères, la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre, Amadou Ba avec un risque d’un vote de motion de censure qui pourrait faire dissoudre le gouvernement, le projet de loi controversé d’amnistie au profit de Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall.
A cela, il faut également ajouter les nombreuses propositions de lois et commissions d’enquêtes parlementaires sur la gestion du régime en place. D’ailleurs, Mme Aminata Touré dont la candidature pour le perchoir a été écarté au dernier moment au profit de celle de l’actuel président de l’Assemblée nationale, proche de la famille du chef de l’Etat, a donné le ton avec sa proposition de loi contre le népotisme. Dans ce texte, la tête de liste de la coalition au pouvoir lors des dernières législatives propose l’interdiction de l’exercice de fonctions et responsabilités dans les Institutions de la République à des personnes qui ont des liens familiaux avec le président de la République.
par Farid Bathily
QUATRE PATIENTS EN RÉANIMATION MEURENT AU BÉNIN APRÈS UNE COUPURE D'ÉLECTRICITÉ
Le drame survenu dans le plus grand hôpital du pays a suscité une pluie de critiques sur cette structure dite de référence. Plusieurs enquêtes sont en cours afin d’en élucider les origines
Au Bénin, le Centre national hospitalier et universitaire Hubert Koutoukou Maga (CNHU-HKM) est dans le collimateur des populations depuis la mort de quatre patients le 7 octobre 2022 au service de réanimation.
Cette structure hospitalière située dans la ville de Cotonou est une des plus anciennes du pays et également l’une des mieux équipées. De ce fait, cet incident qui a été précédé d’une coupure d’électricité suscite d’autant plus l’émoi au sein de la population béninoise.
Vives critiques
De nombreux habitants se sont saisis des réseaux sociaux pour raconter leur malheureuse expérience avec cet hôpital, certains allant jusqu'à le qualifier de "mouroir". "Qu’un tel drame nous frappe en plein cœur de notre hôpital de référence est profondément horrifiant, révoltant parce qu’intolérable", a ainsi tonné Éric Houndété, président du parti d’opposition Les Démocrates.
Les critiques sont si vives que le CNHU-HKM a dû réagir en urgence ce dimanche 9 octobre 2022. Son directeur général, Dieudonné Gnonlonfoun, a notamment confirmé la mort des quatre patients, sans toutefois lier l'incident à une coupure d’électricité. "La direction invite au calme en attendant les conclusions des missions d’investigations en cours et rassure qu’une légèreté ou faute professionnelle ne restera pas impunie", indique-t-il dans un communiqué.
Le ministère de la Santé parle pour sa part de "situation grave à un moment où le gouvernement a engagé d’importants efforts pour l’amélioration de la qualité des soins offerts dans les formations sanitaires".
Enquête en cours
Cette tragédie intervient moins d’un mois après l’entrée en fonction de l'Autorité de Régulation du Secteur de la Santé (ARS). Dans le cadre des réformes du système national de santé, cette structure est, entre autres, chargée de veiller à l’assurance d’une offre de soins de qualité dans tout le pays et de sanctionner les praticiens en cas de besoin.
C’est à ce titre que le président Patrice Talon a demandé à l’ARS de faire la lumière sur ce dossier. Le procureur de la République a également été saisi dans l’éventualité d’une suite judiciaire.
Ce sinistre du CNHU-HKM rappelle la série de drames qui a secoué ces derniers mois des hôpitaux au Sénégal. L’un des plus retentissants a vu la mort de onze nouveau-nés à la suite d’un incendie au sein d’une unité néonatale à Tivaouane, dans l’ouest du pays, fin mai 2022.
L'INSTITUT FRANÇAIS DÉVASTÉ À OUAGADOUGOU
Murs calcinés, vitres brisées, portes défoncées, ordinateurs et livres éparpillés : cher au milieu culturel, l'Institut français à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, théâtre d'un putsch fin septembre, ne présente plus que des scènes de désolation
Le 1er octobre, des manifestations se sont multipliées au lendemain du coup d'État qui a porté le capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir, destituant le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui-même auteur d'un putsch huit mois plus tôt.
Des bâtiments français, notamment l'ambassade de France et les Instituts français à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays, ont été pris à partie par des manifestants, qui accusaient Paris de protéger le lieutenant-colonel Damiba dont ils réclamaient le départ.
À Ouagadougou, la rue menant à l'Institut français est jonchée de bris de verres, de carcasses d'ordinateurs ou de climatiseurs brûlés.
Le bâtiment est désormais isolé par un périmètre de sécurité installé par la police burkinabè, a constaté ce 12 octobre un journaliste de l'AFP.
Dans le sas d'entrée, les portiques et scanners à bagages ont été calcinés, le plafond et les murs noircis par les flammes.
"C'est l'œuvre de vrais monstres, qui aujourd'hui ne peuvent même pas justifier le saccage de lieux si importants pour le monde culturel, estudiantin, professionnel et artistique", lâche, entre deux soupirs, William Somda, entrepreneur culturel, dépité par "l'étendue des dégâts". "Tous les bâtiments ont été saccagés : les deux niveaux de la médiathèque adulte, la médiathèque enfants, le centre de langue, la salle d'exposition et les deux salles de spectacle", déplore Thierry Bambara, régisseur général de l'Institut français de Ouagadougou.
"Les dégâts sont énormes. Il faudra attendre de faire le point exhaustif pour dresser un bilan chiffré des dégâts", poursuit-il, précisant que "des ordinateurs, divers autres appareils, dont des consoles, des instruments de musique ont été brûlés".
"On commence d'abord par brûler des livres et après on va brûler des hommes. Celui qui peut brûler une bibliothèque, un espace culturel, il a brûlé les hommes qui ont écrit ces livres", lance Salif Sanfo, un opérateur culturel et ancien député, scrutant les dégâts à la bibliothèque.
Dans la grande salle de la bibliothèque, les étagères renversées, des livres, couverts de suie, jonchent le sol, éparpillés entre des CD-ROM et des claviers d'ordinateurs.
"Un symbole"
"Nous nous trompons de route et nous faisons le jeu de ceux qui sont logiquement nos ennemis et qui ont brûlé les bibliothèques à Tombouctou (au Mali). Ceux qui ont incendié l'Institut français ne sont pas mieux que ces gens", les djihadistes qui ciblent le pays depuis 2015, tranche-t-il.
"C'est désolant ! Il va falloir condamner avec la plus grande fermeté les auteurs de ces actes de vandalisme", déplore Salif Sanfo, qui "espère ne plus voir une telle scène indigne de la légendaire hospitalité burkinabè". "Il ne faut pas jeter l'eau du bain avec le bébé. Qu'on soit pro-russe ou anti-français, l'institut a été et est pour le Burkina Faso un symbole", ajoute-t-il, en évoquant le sentiment anti-français et la présence de drapeaux russes lors des manifestations.
"Une deuxième maison"
"Ça fait des années qu'on fréquente ce lieu qui est devenu une deuxième maison pour nous. Le voir dans cet état, par le fait d'insensés, c'est une grosse tristesse, une désolation et une perte pour les Burkinabè, en particulier les artistes", explique à l'AFP Ali Ouedraogo, artiste plasticien, l'air hagard, devant des tableaux empilés dans la salle d'exposition.
Pour l'artiste musicien et instrumentiste burkinabè Kantala, "le saccage de l'Institut est un coup dur pour nous. Nos projets prennent un coup parce que ce qui était mis à notre disposition par cet espace et son administration, on n'est pas sûr de l'avoir ailleurs". "J'ai un festival en préparation qui devait se dérouler ici à l'Institut français en décembre. Maintenant je ne sais pas comment faire !", soupire-t-il.
Les deux instituts de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso sont fermés jusqu'à nouvel ordre, a indiqué dans un communiqué l'ambassade de France, dont les services et ceux du consulat général sont également suspendus.
LES NOMINATIONS AU CONSEIL DES MINISTRES DU 12 OCTOBRE
SenePlus publie ci-dessous, les nominations prononcées au Conseil des ministres du 12 octobre 2022.
"AU TITRE DES MESURES INDIVIDUELLES :
Le Président de la République a pris les décisions suivantes :
• Monsieur Yoro Moussa DIALLO, Magistrat, précédemment Conseiller Juridique à la Présidence de la République, est nommé Agent Judiciaire de l’Etat, poste vacant.
• Monsieur Aymérou GNINGUE, Ingénieur en Génie du Raffinage du Pétrole et Pétrochimie, est nommé Président du Conseil d’Administration de la HOLDING SOCIETES DES PETROLES DU SENEGAL (PETROSEN HOLDING SA), poste vacant.
• Monsieur Papa Ibrahima FAYE, Economiste- financier, précédemment, Directeur du Centre régional des Œuvres universitaires sociales de Saint- Louis, est nommé Directeur général du Fonds d’Entretien routier autonome (FERA), en remplacement de Monsieur Mamadou FAYE, appelé à d’autres fonctions.
• Monsieur Mamadou FAYE, Ingénieur en Génie civil, précédemment Directeur général du Fonds d’Entretien routier Autonome (FERA), est nommé Directeur général de la Société de Gestion des Infrastructures publiques dans les Pôles urbains de Diamniadio et du Lac Rose (SOGIP SA), poste vacant.
• Monsieur Abdoulaye DIOP, Cadre commercial, est nommé Directeur général du Conseil Sénégalais des Chargeurs (COSEC), en remplacement de Monsieur Mamadou NDIONE, appelé à d’autres fonctions.
• Monsieur Mohamadou DIAITE, Inspecteur des Impôts et des Domaines de classe exceptionnelle, précédemment Directeur de l’Administration et du Personnel à la Direction générale des Impôts et des Domaines, est nommé Directeur général de la société nationale « La Poste », en remplacement de Monsieur Abdoulaye bibi BALDE, appelé à d’autres fonctions.
• Monsieur Chérif BALDE, Physico - Chimiste, Professeur des Universités, précédemment Président du Conseil de Réglementation de l’Agence sénégalaise de Règlementation Pharmaceutique (ARP), est nommé Directeur général du Centre Expérimental de Recherche et d’Etudes pour l’Equipement, en remplacement du Professeur Papa Goumba LO, admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite.
• Monsieur Ahmadou Bamba KA, Docteur ès Lettres, est nommé Directeur du Centre régional des Œuvres universitaires sociales de Saint- Louis, en remplacement de Monsieur Papa Ibrahima FAYE, appelé à d’autres fonctions.
• Monsieur Ousseynou DIOP, Professeur des Universités, matricule de solde 665 794/C, est nommé Directeur du Centre régional des Œuvres Universitaires sociales du Sine Saloum.
• Madame Néné Fatoumata TALL, Titulaire d’un Master 2 en Administration des Affaires, est nommée Coordonnateur national du Programme de Développement de la Microfinance Islamique au Sénégal (PROMISE), poste vacant.
• Monsieur Yellamine GOUMBALA, Administrateur civil, matricule de solde 608 556/H, est nommé Secrétaire général de l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP), en remplacement de Monsieur Samba Alassane THIAM, appelé à d’autres fonctions.
• Monsieur Léonce NZALLY, Administrateur civil principal, précédemment Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement (DAGE) au Ministère de la Culture et de la Communication, est nommé Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement au Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, poste vacant."
LA DOCTRINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Par quelle magie, le Conseil qui avait refusé à Macky Sall de réduire son propre mandat pourrait lui offrir la possibilité d’augmenter le nombre de mandats que lui avait conféré le peuple au moment de son élection en 2012 ?
Dans sa décision n° 1-C-2016 du 12 février 2016, le Conseil constitutionnel affirmait que les citoyens doivent avoir une parfaite lisibilité de la durée applicable au mandat du président de la République, au moment des élections. Par extension, on pourrait en déduire que les citoyens doivent également savoir le nombre de mandats auquel a droit le président de la République au moment de son élection.
En 2016, saisi par le président de la République aux fins d’examiner la conformité du projet de révision de la Charte fondamentale à l’esprit général de la Constitution, le Conseil constitutionnel avait été intransigeant par rapport au nécessaire respect de la sécurité juridique et de la stabilité des institutions. Que faudrait-il comprendre à travers cette jurisprudence de la haute juridiction rendue en 2016, à l’occasion du référendum ?
D’abord, dans cette fameuse décision n° 1-C-2016 du 12 février 2016, les sept sages affirmaient de manière claire, nette et précise que : ‘’Pour la sauvegarde de la sécurité juridique et la préservation de la stabilité des institutions, le droit applicable à une situation doit être connu au moment où celle-ci prend naissance.’’ De manière simple, les citoyens doivent avoir une parfaite lisibilité de la durée applicable au mandat du président de la République, au moment même des élections.
Dans la même veine, les sages ajoutaient que : ‘’Ni la sécurité juridique ni la stabilité des institutions ne seraient garanties si, à l’occasion de changements de majorité, à la faveur du jeu politique ou au gré des circonstances notamment, la durée des mandats politiques en cours, régulièrement fixée au moment où ceux-ci ont été conférés pouvait, quel que soit au demeurant l’objectif recherché, être réduite ou prolongée.’’ Autrement dit, le chef de l’Etat, quel que soit le motif invoqué, qu’il soit bon ou mauvais, ne peut modifier la durée de son mandat en cours d’exercice. Il ne peut même pas la réduire, a fortiori la proroger à travers une révision constitutionnelle. Une jurisprudence que les tenants de l’actuel régime s’étaient empressés de brandir partout pour se dédouaner de leur engagement de faire cinq ans au lieu de sept ans.
Comment quelqu’un qui ne peut même pas diminuer la durée de son mandat (de 7 à 5 ans) peut-il augmenter le nombre de ses mandats (de 2 à 3 au minimum) ? Par quelle magie, le Conseil qui avait refusé à Macky Sall de réduire son propre mandat pourrait lui offrir la possibilité d’augmenter le nombre de mandats que lui avait conféré le peuple au moment de son élection en 2012 ? Raisonner ainsi, comme le ministre d’Etat Mbaye Ndiaye a eu à le faire, hier sur la RFM, c’est admettre le principe du mandat illimité, comme ce fut le cas aux heures sombres de la démocratie sénégalaise.
En effet, à chaque changement de régime, il suffirait de modifier le mandat dans un sens ou dans un autre, pour se donner le droit de postuler à un mandat supplémentaire. Mieux, il suffirait à Macky Sall, s’il se présente et est réélu en 2024, de porter à nouveau la durée du mandat à sept ans, pour avoir droit à deux nouveaux septennats, si l’on suit ce raisonnement de certains acteurs politiques, y compris des juristes.
En attendant, la doctrine du Conseil constitutionnel permet de garder l’espoir quant à la préservation de l’Etat de droit et de la stabilité politique du pays. ‘’La sécurité juridique et la stabilité des institutions, selon le Conseil, sont inséparables de l’État de droit dont le respect et la consolidation sont proclamés dans le préambule de la Constitution du 22 janvier 2001.’’
Pourquoi la troisième candidature de Wade n’est pas comparable à celle de Macky Sall?
En 2000, Abdoulaye Wade était élu sur la base d’une Constitution qui prévoyait un nombre illimité de mandat. Laquelle disposition a été modifiée à travers le référendum de 2001 qui a apporté la limitation des mandats à deux. Du fait de cette modification, il y avait un conflit entre l’ancienne loi constitutionnelle qui ne prévoyait pas de limite et celle de 2001 qui prévoit une limite. La question juridique qui se posait était alors de savoir laquelle des deux lois devait régir le premier mandat acquis en 2000 ? Le Conseil constitutionnel avait tranché en 2012 en faveur de la non-rétroactivité de la loi de 2001, en se basant plus sur la lettre de l’article 27 que sur son esprit.
En ce qui concerne Macky Sall, il est élu en 2012 sur la base d’une Constitution qui prévoyait deux mandats. En 2016, sur ce point précis du nombre de mandats, le référendum de 2016 n’a apporté aucun changement. Au contraire, il a conforté et consolidé la limitation. En conséquence, on peut légitimement se demander quel est ici le conflit de loi qui nécessite toute cette gymnastique intellectuelle. En effet, aussi bien dans sa lettre que dans son esprit, les dispositions constitutionnelles semblaient jusque-là sans équivoque. Sauf, apparemment, pour les tenants de l’actuel régime.
NOUS NE POUVONS PAS CONTINUELLEMENT ÊTRE LES PIONS DES AUTRES
Éditorialiste, intellectuel, Paap Seen est un des co-auteurs du livre “Politisez-vous”, paru en 2017. Il appelle dans cet entretien, les pays africains à “se détacher des influences coloniales et à devenir leur propre centre”
Éditorialiste, intellectuel, Paap Seen est un des co-auteurs du livre “Politisez-vous”, paru en 2017. Dans cet entretien, il analyse les ressorts de l’attrait qu’exerce la Russie sur une partie de la jeunesse africaine. Contre la dépendance étrangère, il appelle les pays africains à “se détacher des influences coloniales et à devenir leur propre centre”.
Question provocatrice : vous êtes plutôt Poutine ou Macron ?
Je suis Sénégalais, je vis au Sénégal et je n’ai qu'un seul passeport. Il n’est ni russe, ni français. Mais en tant que citoyen du monde, si je devais choisir, je dirais aucun des deux pour des raisons idéologiques et par principe. Emmanuel Macron a une vision du monde ultra-libéral qui, dans son pays, donne le pouvoir aux plus riches, casse les avantages sociaux et détruit les classes populaires. Cela se traduit par une financiarisation de l’économie ainsi que par des crises économiques et sociales de plus en plus violentes. Concernant Vladimir Poutine, je suis un militant de la démocratie car elle garantit le respect des droits fondamentaux et la liberté. L’autocratie et la dictature ne sont pas des systèmes que je pense justes et défendables. Aussi, la liberté des peuples est un droit inaliénable et je crois que l’invasion de l’Ukraine est injustifiable.
Comment avez-vous interprété l’image de jeunes burkinabés, et même d’un soldat debout sur un char brandissant le drapeau russe ?
Triste. Penser, un seul instant, que la solution viendra d’un pays étranger, qui lui-même ne parvient pas à s’occuper des problèmes de ses citoyens relève de la naïveté. Nous n’avons pas à déléguer nos responsabilités. Ce qui a été vendu à ces jeunes, c’est juste la haine de la France, qui ne peut être un mouvement libérateur et qui ne va pas délivrer le Burkina Faso de l’hydre terroriste. J’étais sidéré de recevoir sur WhatsApp des images de la neofasciste italienne Giorgia Meloni. Cette femme déteste les Noirs, les musulmans. Elle est l’héritière d'un mouvement haineux et raciste et elle veut jeter à la mer les immigrés mais parce qu’elle s’en prend à la France, des Africains partagent et font tourner une vidéo d’elle. Si nos chefs d'État préfèrent s’aligner sur les intérêts de la France, maintenir le FCFA, ce n’est pas en raison de menaces mais parce qu’ils pensent faire preuve de pragmatisme au détriment d'un choix de souveraineté. Ils pensent à leurs intérêts immédiats. Si la France se montre encore paternaliste et voit l’Afrique de l’Ouest comme une zone d’influence, c’est parce que nos élites refusent de couper les liens. Évidemment, on ne peut pas comparer la présence française en Afrique à celle de la Russie ou de la Chine.
Ce qui nous lie à la France, c’est une histoire faite d’oppression et de pillages. Mais aujourd'hui, on voit, que cela soit en Centrafrique ou de plus en plus au Mali, les Russes se comporter de manière arrogante. Pourquoi ? Parce que nous affichons une image négative de nous-mêmes, en les exhortant à venir nous sauver. C’est à l’Afrique de se sauver par sa volonté propre. Cela se fera lorsque nous choisirons des dirigeants compétents, loyaux et moralement aptes. C’est difficile de faire face à soi-même et très facile de toujours trouver des boucs-émissaires. Nous ne pouvons pas continuellement être les pions des autres. Allez aujourd’hui sur les réseaux sociaux et regardez la vague de fausses informations distillées par tous ces pays qui cherchent à capter les cerveaux des jeunes africains. Énormément de stratégies et de moyens sont mis en œuvre pour influencer notre jeunesse et recruter des activistes pro tel pays ou tel autre pays. Pour prendre le pouvoir ou le garder, les hommes politiques font des clins d'œil à ces puissances étrangères. C’est glaçant.
Avant le Burkina, on a vu de pareilles scènes au Mali, en Centrafrique et parfois au Niger. Certains y voient une difficulté des Africains à délivrer leurs chaînes, qu'elles soient françaises, russes ou chinoises. Qu’en pensez-vous ?
Les pays que vous avez cité sont tous en faillite. En tout cas, le Mali et la Centrafrique ne sont plus des États viables. Une grande partie du Mali est devenue un no man's land et les raisons de l’affaissement de l'État malien sont connues : des frontières coloniales qui n’ont jamais été acceptées par les populations du Nord, des différends ethniques persistants, le conflit interne algérien qui a poussé des islamistes à venir avec leurs armes et leurs idéologies mortifères au Nord du Mali, la faiblesse et la cupidité des dirigeants de Bamako qui n’ont su trouver des solutions aux défis immenses du pays. Mais surtout la guerre en Libye qui a permis la circulation d’armes et de trafics de toutes sortes. Au Burkina Faso, la chute de Blaise Compaoré a été un catalyseur. Pour garder le pouvoir et maintenir son influence dans la sous-région, il n’hésitait pas à négocier avec les djihadistes.
Ce qui est aussi constant, c’est que l’Afrique de l’Ouest voit depuis plusieurs décennies arriver un discours religieux qui n’a rien à voir avec l’islam ouvert et tolérant. Par ailleurs, nos sociétés connaissent de grands bouleversements et les populations exsangues, fatiguées ne savent que faire. Je n'interprète pas ces scènes comme un refus de liberté, c’est tout le contraire. La jeunesse africaine cherche désespérément de l’aide. Devant l’horizon obstrué et les calamités qui l’accablent, elle veut s’agripper à une bouée de sauvetage. Si ce n’est pas François Hollande et Barkhane qui viennent à son secours, c’est Vladimir Poutine, incarnation du dirigeant viril et dominateur et la milice Wagner qui lui tendent la main. Les militaires qui ont pris le pouvoir excitent la jeunesse de leurs pays, au lieu d’aller au front, de « vaincre ou de périr » devant l’adversaire redoutable qui continue de se mouvoir en toute tranquillité. Les djihadistes se frottent les mains ! Où est la CEDEAO ? Elle impose des sanctions hallucinantes au Mali, en proie à la plus grande crise de son existence. Si les dirigeants africains avaient envoyé une force commune quand les hordes de djihadistes voulaient attaquer Bamako et détruire le Mali, nous n’en serions pas là.
Les manifestations anti françaises à Ouaga, et même les pillages de magasins Auchan au Sénégal en mars 2021, ne sont-elles pas finalement le signe que le ressentiment colonial est toujours vivace ?
Il faut aussi voir ces soulèvements pour ce qu’ils ont de plus fondamental : le désespoir de la jeunesse. Malheureusement, cette colère n’est pas captée par les mouvements progressistes, qui sont complètement inaudibles aujourd’hui en Afrique. Comme nous pouvons le voir partout dans le monde, les populistes-conservateurs, parce que leur discours est dénué de toute complexité, parviennent à se saisir des ressentiments et des peurs. Qu’est-ce qui s’est passé après ces événements ? Rien. Les morts et les blessés ont été oubliés. Le capital français est plus triomphant que jamais et les Turcs ou les Chinois sont aux aguets. Des entreprises comme Auchan sont partout dans le monde. Il faut se demander pourquoi les élites de nos pays préfèrent acquérir des villas en Occident, acheter les plus belles voitures qui existent, ou encore investir tout le temps dans l’immobilier au lieu de miser sur l’industrie, l’agro-alimentaire ou injecter des fonds dans les entreprises locales. Au Sénégal, particulièrement, l’économie est dominée par les intermédiaires et les rentiers. Nous devons questionner tout cela, appeler à la raison nos dirigeants comme ici au Sénégal où le président de la République continue à maintenir le flou sur un 3e mandat ; développer des universités et de grands centres de recherches ; donner une éducation aux enfants de nos pays. L’Afrique devra accueillir près de 2,7 milliards d’habitants en 2050. Comment les nourrir ? Comment les loger ? Comment les soigner ? Ces questions radicales appellent à des réflexions complexes et sans tabou. Il ne faut pas substituer à la faiblesse théorique et idéologique la haine des autres. L’autonomie ne se gagne pas par les slogans mais par la production, économique et intellectuelle. À nos problèmes internes, viendront s’ajouter le dérèglement climatique, les pandémies, les crises économiques cycliques et les conflits qui vont secouer le monde. Pour moi, la contradiction principale reste la création de sociétés ouvertes, l’accès et la circulation du savoir. C’est un difficile chemin, un combat contre soi-même, qui n'est malheureusement pas à l’ordre du jour. Quoi qu'il qu’en soit, l’Afrique de l’Ouest, particulièrement, doit changer de trajectoire. Nous devons avoir peur de l’avenir !
Comment décoloniser les esprits et parvenir à une réelle souveraineté africaine ?
Vaste interrogation. Je ne pense pas qu’un pays comme le Sénégal ne soit pas souverain. Il l’est. Maintenant face aux grands ensembles et aux puissances, le Sénégal aura du mal à tirer son épingle du jeu. C’est juste un exemple pour dire que nos États ont intérêt à construire le panafricanisme. Les nations prises isolément ont accusé beaucoup de retard dans les domaines scientifiques et technologiques. Les économies ne sont pas performantes et la circulation des connaissances est entravée. Le panafricanisme, pour paraphraser Samir Amin, n'est pas une idéologie grandiloquente. Il permet aux pays africains de se détacher des influences coloniales et de devenir leur propre centre. Mais avant même d’aller vers un ensemble à l’échelle continental, consolidons, au niveau de la sous-région les acquis. Exigeons des dirigeants de nos États le déploiement des Forces en attente de la CEDEAO pour desserrer l’étau au Mali et au Burkina Faso, construisons une CEDEAO des peuples. Nous devons nous donner la main et nous entraider, bâtir ensemble. Sans cette première phase, qui sera le début de notre autosuffisance économique, politique et scientifique et qui nous permettra d’être assez puissant pour défendre nos intérêts, il sera difficile de décoloniser les esprits. Cette décolonisation exige aussi de connecter l’enseignement et les savoirs aux langues africaines. Comment pouvons-nous continuer à enseigner et à produire la connaissance dans des langues complètement éloignées de nos paradigmes ?