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3 mai 2025
Société
EL HADJI DIOUF MENACE DE TRADUIRE SONKO ET GUY MARIUS SAGNA DEVANT LA CPI
Aux yeux de Me ElHadji Diouf, le mémorandum du Mouvement pour la Défense de la Démocratie (M2D) sur les tragiques évènements de mars de 2021 relève de la pure manipulation
Répliquant aux menaces du Mouvement pour la Défense de la Démocratie (M2D) de traduire l’État du Sénégal devant la justice, me El hadji Diouf, a annoncé des plaintes contre Ousmane Sonko, Guy Marius Sagna et autres membres de cette organisation qui sont, selon lui, les vrais commanditaires des meurtres survenus lors des violentes émeutes de mars dernier.
Aux yeux de Me ElHadji Diouf, le mémorandum du Mouvement pour la Défense de la Démocratie (M2D) sur les tragiques évènements de mars de 2021 relève de la pure manipulation. D’ailleurs, il se demande même «de qui se moque le M2D» qu’il définit comme le Mouvement pour la déstabilisation du Sénégal et la dictature (M2D)».
Selon le tonitruant avocat, le mémorandum du M2D est un cirque visant à porter sa «forfaiture» sur le dos de l’Etat sénégalais. «Des voleurs qui crient aux voleurs ! Des criminels et des bandits osent sortir un mémorandum pour traduire l’Etat du Sénégal devant la CPI. Ils se fichent de la République. Aujourd’hui, ils auraient dû tous être emprisonnés pour appel à l’insurrection», tranche Me El Hadji Diouf qui considère le mémorandum du M2D comme une provocation inacceptable.
Lors de la conférence de presse qu’il a animée hier en tant que «victime des agissements du M2D», il s’en est violemment pris à Ousmane Sonko qu’il considère comme l’instigateur en chef du débat ethnique au Sénégal, à Guy Marius Sagna et aux membres du M2D. «Ousmane Sonko devrait être traduit devant la Cour Pénale Internationale pour crime contre l’humanité. Il a demandé qu’on massacre une partie de la population qui n’accepte pas sa dictature. S’il vient au pouvoir, il fera pire qu’Hitler. Nous allons porter plainte à la CPI contre Ousmane Sonko, Guy Marius Sagna et le M2D qui ont causé le saccage des enseignes françaises et la mort de plusieurs personnes», a martelé Me El Hadji Diouf qui accuse le leader du Pastef d’être le commandant en chef de la rébellion casamançaise.
En attendant la formulation d’une plainte en bonne et due forme, il a proposé à «toutes les victimes de Sonko, de Guy Marius Sagna et du M2D» de le rencontrer. Ainsi, ils pourront ensemble préparer une plainte en tant que victimes (comme Auchan, Total et les familles qui ont perdu leurs parents) et saisir la CPI afin qu’Ousmane Sonko, Guy Marius Sagna et le M2D. «Nous avons des documents sonores et écrits qui prouvent l’implication de Sonko, du M2D et de Guy Marius Sagna», affirme Me El Hadji Diouf. Si c’était dans un autre pays, poursuit-il, on aurait immédiatement décapité le M2Det envoyé tous ses responsables en prison. «Mais, toute honte bue, le M2D qui est responsable de la mort de tous ces jeunes s’est rendu à Bignona pour prier», tonne-t-il.
Sur un autre registre, Me ElHadji Diouf considère que les propos que le khalife général des Mourides a tenus en recevant dernièrement Ousmane Sonko illustrent beaucoup de choses. «Il est tellement honnête et courageux que quand il a rencontré le criminel Ousmane Sonko, il a tenu ce langage qu’il n’a tenu à aucun autre homme politique. Parce que le saint homme savait qui était véritablement l’auteur, le commanditaire, l’homme de la première et de la deuxième vague», déclare Me El Hadji Diouf.
L’EGLISE CONDAMNE L'HOMOSEXUALITÉ
L'Eglise sénégalaise est contre le phénomène de l’homosexualité qui est considérée comme une déviance contraire aux enseignements de la Bible
L’Eglise Catholique tient à son Dogme, face aux pratiques «contre nature». L’Archevêque de Dakar, Monseigneur Benjamin Ndiaye l’a rappelé lors du point de presse des Evêques de la Province Ecclésiastique de Dakar vendredi 28 mai 2021, au foyer des Charités du Cap des Biches. Réitérant leur déclaration de Thiès de novembre 2019, il a déclaré que l’Eglise rejette l’homosexualité et rappelle la recommandation divine contre ce phénomène, non sans dénoncer la pédophilie qui est contraire à nos valeurs». L’archevêque de Dakar a souligné que Dieu, dans la Bible, recommande aux hommes et aux femmes de s’unir pour poursuivre la procréation. En outre, les évêques invitent les politiques à se recentrer sur les missions de la politique au profit de la cité et des hommes.
L ’Eglise sénégalaise est contre le phénomène de l’homosexualité qui est considérée comme une déviance contraire aux enseignements de la Bible. Comme en novembre 2019 à Thiès, les responsables ont remis au goût du jour la déclaration faite (à Thiès) par l’Assemblée des évêques qui «rejette l’homosexualité et condamne la pédophilie» qui sont contraires à ses valeurs. «Ils (les évêques, ndlr) réitèrent leurs déclaration de Thiès, en novembre 2019, pour rejeter l’homosexualité» et «dénoncer la pédophilie qui sont contraire à nos valeurs», a insisté l’Archevêque de Dakar, Monseigneur Benjamin Ndiaye. Face aux journalistes, lors d’un point de presse organisé par les évêques de la Province Ecclésiastique de Dakar hier, vendredi 28 mai 2021, au Foyer des Charités du Cap des Biches, pour clôturer la deuxième Session Ordinaire de l’année pastorale 2020- 2021, l’archevêque de Dakar a rappelé le texte biblique qui recommande la multiplication du genre humain sur la terre. Et cela n’est possible que dans le cadre d’une union entre l’homme et la femme. «La position de l’Eglise sur l’homosexualité se base sur la révélation ; si vous lisez la Bible, à l’origine, Dieu créa l’homme et la femme et leur dit : «soyez féconds, remplissez la Terre». C’est cela l’ordre qui a été donné ; c’est cela que nous obéissons ; c’est comme cela que la vie a été organisée par le Créateur. C’est ce que nous enseignons ; c’est ce que nous croyons et nous voulons affirmer que c’est cela qui nous motive», a dit Monseigneur Benjamin Ndiaye.
«NOUS N’ENTENDONS PAS NOUS FAIRE DICTER PAR QUI QUE CE SOIT UNE AUTRE ORIENTATION…»
Le chef de l’Eglise Catholique Sénégalaise a fait savoir que rien, ni aucune pression de quelque nature qu’elle puisse être ne peut les dévier de cette orientation. «Nous n’entendons pas nous faire dicter par qui que ce soit une autre orientation parce que cette orientation, nous la tenons de la Révélation. Le fait que Dieu créa l’homme et la femme, dans son but à Lui, c’est pour que l’homme puisse en union avec la femme donner des enfants», a souligné l’homme religieux. Avant d’ajouter : «nous avons un enseignement positif, c’est de dire que Dieu a créé l’homme et la femme, ils sont complémentaires et différents et nous n’entendons pas nous faire imposer une autre opinion ni dans le sens d’une répression de justicier ni dans le sens d’une permission qui irait contre nos convictions». Toutefois, l’homme de religion n’est pas allé jusqu’à proclamer des condamnations du genre «criminalisation» de l’homosexualité qui n’est pas son rôle. «C’est quoi criminalisation ? Nous ne voulons pas être juge des personnes, c’est cela que nous voulons éviter. Nous ne sommes pas un Tribunal de Dieu pour dire qui mérite d’être mis aux enfers et qui mérite d’être brulé ou égorgé. Cela n’est pas de notre ressort», a-t-il rappelé.
LES HOMMES POLITIQUES APPELES A NE PAS SE SERVIR DES POPULATIONS …
La Province Ecclésiastique de Dakar s’est aussi prononcée sur l’actualité politique et sociale du pays. Les évêques ont recommandé aux acteurs politiques et aux acteurs sociaux, aux jeunes et aux détenteurs des pouvoirs «de faire la promotion de la culture de la paix, de rejeter la violence sous toutes ses formes». Les hommes de l’Eglise ont également prôné un usage responsable des réseaux sociaux. Rappelant que la politique est au service de la cité et des hommes, mais non le contraire, la Province Ecclésiastique de Dakar a invité les hommes politiques à éviter de se servir des populations pour assouvir leurs desseins ou faire de l’accaparement foncier. Les hommes politiques de tout bord ont été interpellés dans ce sens. La Province Ecclésiastique de Dakar a également formulé des prières pour un retour de la paix au Proche-Orient, soulignant que «ce qui se passe au ProcheOrient n’est pas un conflit religieux».
VACCINS ANTI-COVID, L'AIDE À L'AFRIQUE EST SCANDALEUSEMENT INEFFICACE
"Vous ne pouvez pas avoir des vaccins pour certains et pas pour d'autres", a affirmé vendredi le président rwandais Paul Kagame, mettant en garde à ne pas construire "un mur invisible" entre pays vaccinés et non-vaccinés
La distribution des vaccins contre le Covid-19 au continent africain est "scandaleusement inefficace", a estimé vendredi le président rwandais Paul Kagame, mettant en garde à ne pas construire "un mur invisible" entre pays vaccinés et non-vaccinés.
Selon des chiffres de l'OMS début mai, seuls 2% des vaccins anti-Covid administrés dans le monde l'ont été en Afrique.Évoquant la distribution de vaccins à l'Afrique, notamment via le dispositif Covax destiné à fournir un accès équitable aux vaccins notamment pour les pays les plus pauvres, "cela reste très inefficace, scandaleusement inefficace", a affirmé Paul Kagame dans un entretien accordé vendredi soir à l'AFP et France Inter. "L'Afrique a besoin de vaccins comme tout le monde. Vous ne pouvez pas avoir des vaccins pour certains et pas pour d'autres", a-t-il affirmé, en soulignant que "le fait que l'Afrique ne reçoive pas de vaccins n'est pas bon"."Si nous le faisons équitablement, nous avons une chance d'éradiquer (le Covid) à l'échelle mondiale", a-t-il ajouté. "J'espère que nous ne nous retrouverons pas dans une situation qui reviendrait à construire un mur invisible, où ceux qui ont été vaccinés disent: +Nous devons rester en sécurité, nous devons donc tenir à l'écart ceux qui ne sont pas vaccinés+. Rationnellement, il serait utile qu'il y ait un partage équitable de ce qui est disponible", a-t-il insisté.
Le président rwandais a également souligné l'utilité de développer la production de vaccins sur le continent africain, "pas pour l'Afrique uniquement, (...) pour l'Afrique et pour les autres" continents. Ce processus prendra du temps, a-t-il rappelé: "Il faut planifier, faire des investissements, il y a des technologies qui sont détenues par certains, et a émergé l'argument de la propriété intellectuelle... Ce sont des choses qui doivent être réglées rapidement". Le dirigeant rwandais souhaite placer son pays à la pointe en ce domaine. "Au Rwanda, nous espérons que nous pourrons voir des vaccins fabriqués ici dans pas moins d'un an. C'est très optimiste, mais je veux toujours être optimiste même dans des circonstances très difficiles", a-t-il affirmé.
Début mai, les Etats-Unis se sont dits favorables à la levée des protections de propriété intellectuelle pour les vaccins contre le Covid-19, afin d'en accélérer la production et la distribution dans le monde. De nombreux pays de l'UE ont exprimé leur scepticisme sur une telle mesure. Jusqu'alors réticent, le président français Emmanuel Macron s'est dit d'accord vendredi, lors d'une visite en Afrique du Sud, pour une levée temporaire des brevets des vaccins anti-Covid, si cela permet des transferts de technologie de production dans les pays pauvres.
par l'éditorialiste de seneplus, boubacar boris diop
RWANDA, L'ÉNIGMATIQUE SILENCE AFRICAIN
La faillite de la communauté internationale au Rwanda fait l’objet d’abondantes analyses depuis 1994. Mais comment comprendre le silence de l'Afrique tandis que se perpétrait, au vu et au su de tous, le dernier génocide du XXe siècle ?
La faillite de la "communauté internationale" au Rwanda fait l’objet d’abondantes analyses depuis 1994. Mais comment comprendre le silence des États et des intellectuels africains tandis que se perpétrait, au vu et au su de tous, le dernier génocide du XXe siècle ? Aujourd’hui encore, des assassins vivent tranquillement un peu partout sur le continent.
Pourquoi l'humanité ne s'est-elle pas portée au secours du Rwanda en 1994, alors même que les tueries, massives et d’une spectaculaire atrocité, avaient lieu au vu et au su de tous ? L’Organisation des Nations unies (ONU) est régulièrement mise en cause, à juste titre : alors que le commandant de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar), le général canadien Roméo Dallaire, bien informé par un déserteur du mouvement extrémiste Hutu Power, demandait un renfort de 5 000 casques bleus pour prévenir les massacres programmés, elle a au contraire fait passer les effectifs de 2 300 soldats à 270 observateurs non armés.
Mais on oublie souvent de rappeler que l’organisation, qui a ainsi livré les victimes à leurs bourreaux, était dirigée à l’époque par deux Africains : l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali, son secrétaire général, et le Ghanéen Kofi Annan (sous-secrétaire général, responsable du département des opérations de maintien de la paix). Ils n’avaient certes aucun pouvoir de décision, mais rien, dans leurs intenses tractations avec leurs représentants à Kigali, n’indique qu’ils avaient pris l’exacte mesure de ce qui s’y jouait ou cherché à infléchir les événements dans le bon sens.
Les chefs d’État et leaders d’opinion africains n’ont pas fait preuve de plus d’empathie envers ceux que l’on abattait comme du bétail à Butare, Kibuye, Gitarama et ailleurs.
Même si rien ne peut excuser un tel aveuglement, on aurait pu lui trouver un semblant d’explication si la catastrophe avait eu lieu dans un très court laps de temps. Or c’est en raison même de sa durée – de début avril à mi-juillet – que l’on parle des « cent jours du Rwanda (1) » à propos du génocide des Tutsis. Cela veut dire que si, à Maputo, Abidjan ou Abuja, les décideurs ont d’abord pu être pris de court, ils ont eu plus de trois mois pour se ressaisir. Ils ne l’ont pas fait. En juin 1994, le mois le plus meurtrier, l’Organisation de l’unité africaine (OUA) a tenu, comme si de rien n’était, son sommet annuel à Tunis, sans même juger nécessaire d’inscrire à son ordre du jour la situation au « pays des mille collines ». Le gouvernement intérimaire rwandais (GIR), qui n’était pas loin en ce temps-là d’avoir assassiné un million de Tutsis, y a tranquillement siégé au nom de l’État génocidaire...
Il est vrai que la fin de l’apartheid venait d’être officialisée au terme d’une longue lutte où l’OUA avait joué un rôle majeur. Elle entendait donc célébrer cette victoire à travers la personne de Nelson Mandela, présent à Tunis. Mais c’est lui, le premier président démocratiquement élu d’Afrique du Sud, qui a sauvé l’honneur du continent en intervenant, délibérément hors sujet, de manière fracassante : « Ce qui est en train de se passer au Rwanda est une honte pour nous tous. Nous devons prouver par des actes concrets notre volonté d’y mettre un terme. » L’historien Gérard Prunier, qui relate l’épisode (2), rapporte le choc que cette déclaration provoque à Paris, où François Mitterrand, depuis toujours imprégné de l’« esprit de Fachoda (3) », raisonne à peu près de la manière suivante : « Mandela ou pas, nous ne laisserons pas les Anglo-Saxons fourrer leur nez dans nos affaires ! »
des génocidaires réfugiés en afrique du sud, au kenya, au zimbabwe...
Prunier, alors membre du secrétariat international du Parti socialiste, se trouve aux premières loges – et prodigue même des conseils – quand se monte en catastrophe l’opération «Turquoise», de triste mémoire. Il voit très bien qu’il s’agit surtout de prendre de vitesse d’éventuelles troupes sud-africaines... Désireux de donner une apparence de force multilatérale à son expédition militaro-humanitaire, Paris n’a cependant pas réussi, pour une fois, à faire entrer dans la combine les armées de ses bien nommés « pays du champ ». Même le Sénégal, ami docile et détenteur du record africain des opérations extérieures onusiennes, s’est contenté du service minimum : une petite trentaine d’hommes, affectés d’ailleurs aux tâches d’intendance...
Pour sa part, l’OUA essaiera plus tard de faire amende honorable en commanditant un rapport à un groupe international d’éminentes personnalités dirigé par Ketumile Masire, ancien président du Botswana, et dont faisaient partie, entre autres, Mme Ellen Johnson Sirleaf, directrice régionale du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et future présidente du Liberia, Lisbet Palme, psychologue suédoise et veuve du premier ministre Olof Palme, le Canadien Stephen Lewis, directeur adjoint du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), et le général Amadou Toumani Touré, futur président du Mali.
Leur rapport, sans doute un des meilleurs sur cette sombre page de l’histoire, est achevé en juillet 2000 et s’intitule significativement « Rwanda : le génocide qu’on aurait pu stopper » (4). On y trouve (page 229) cet aveu d’un haut responsable, non nommé, de l’OUA : « En tant qu’Africains, nous serons toujours hantés par notre échec au Rwanda, et la communauté internationale devrait être hantée elle aussi. » C’était une véritable autocritique et, en tant que telle, elle était digne de respect, même si tout cela restait finalement bien dérisoire au regard de l’immensité de la perte : pendant cent jours d’affilée, chaque jour de silence de l’OUA avait coûté la vie à dix mille innocents...
Quoi qu’il en soit, les États africains, pris individuellement, ne se sont pas vraiment sentis engagés par les conclusions du rapport. Ils n’ont par exemple jamais cessé de fermer les yeux sur la présence sur leur sol de ceux qui ont conçu ou exécuté le génocide. Une cartographie de la diaspora génocidaire montrerait que celle-ci ne s’est pas uniquement réfugiée en Belgique et en France. De nombreux clients potentiels de la justice internationale demeurent, aujourd’hui encore, installés partout sur le continent, que ce soit en Afrique du Sud, au Kenya, au Zimbabwe, ou évidemment en République démocratique du Congo (RDC) voisine. Leur sentiment de quiétude est parfois tel qu’ils n’éprouvent même pas le besoin de dissimuler leur identité : M. Félicien Kabuga, surnommé « le financier du génocide », fut longtemps protégé par les autorités zimbabwéennes, puis kényanes, avant d’aller retrouver sa famille en France et d’y être arrêté, en mai 2020 à Asnières-sur-Seine.
Toutefois, les anciennes colonies françaises sont, pour des raisons politiques évidentes, le choix premier des assassins en fuite. Ils sont particulièrement bienvenus au Gabon ou au Cameroun – pays où a finalement été cueilli le colonel Théoneste Bagosora, considéré comme le cerveau du génocide, condamné pour génocide et crimes contre l’humanité par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) en 2008. À N’Djamena, en 2000, mes amis et moi avons appris, à l’issue d’une manifestation littéraire intitulée « Rwanda : écrire par devoir de mémoire », que l’un de ceux qui avaient pris part à nos débats était recherché par le TPIR. Enfin, c’est à Thiès, petite ville à une soixantaine de kilomètres de Dakar, qu’a été arrêté en novembre 2001 le colonel Aloys Simba, dit « le boucher de Murambi ». Il vivait sous la discrète protection de l’Organisation nationale des droits de l’homme, qui dépend de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). Sans la demande expresse et, dit-on, énergique de la procureure Carla Del Ponte, il n’aurait sans doute jamais été livré au TPIR.
Ainsi, sur la question du Rwanda, la faillite politique et morale des États africains est totale. Se consolera-t-on en la mettant sur le seul compte des errements de présidents cyniques et, dans le cas des francophones, terrorisés à l’idée de fâcher Paris ? Certainement pas. Il est de plus en plus difficile, sur quelque sujet que ce soit, de formuler un jugement global sur l’Afrique, mais on peut néanmoins y observer partout que la « solution finale » rwandaise n’a pas marqué les esprits. Le génocide a pourtant eu lieu au moment où, à la faveur des transitions démocratiques qui avaient suivi la fin de la guerre froide, le jeu politique s’était ouvert dans la plupart des pays africains. L’émergence de forces nouvelles avait libéré la parole et l’on pouvait en attendre une plus claire compréhension, par un public mieux informé, des enjeux du drame.
Il n’en a rien été. La presse, devenue certes plus libre, ne s’aventure presque jamais hors des frontières nationales. Pour tout ce qui ne relève pas de la politique locale, elle continue aujourd’hui encore à recopier benoîtement les dépêches de l’Agence France-Presse (AFP), de Reuters ou d’Associated Press. Les journaux télévisés, eux, se contentent de reprendre en fin d’émission les images et les commentaires de TF1 ou de France 2. Les radios privées étant – et l’ayant particulièrement été durant le génocide – complètement muettes sur le Rwanda, la British Broadcasting Corporation (BBC), Radio France Internationale (RFI) et La Voix de l’Amérique restent, avec tous les biais que l’on peut suspecter, les seules sources d’information.
Il n’est cependant plus possible aujourd’hui d’invoquer l’excuse de l’ignorance. En effet, peu de tragédies de notre temps, africaines ou pas, ont été aussi sérieusement étudiées que le génocide des Tutsis du Rwanda. On ne compte plus les publications des historiens et des journalistes sur le sujet, sans parler des films, des œuvres littéraires et des pièces de théâtre. Un grand travail s’effectue également sur les réseaux sociaux.
Comme si le carnage donnait raison aux racistes
C’est donc ailleurs qu’il faut chercher les raisons de vingt-sept longues années d’apathie africaine. À Dakar, Nairobi ou Maputo, les événements du Rwanda ont surtout été vécus comme un embarrassant carnage interethnique donnant, hélas, raison aux racistes. Les images de centaines de milliers de corps pourrissant au soleil ou jetés dans le Nyabarongo, de femmes éventrées, de bébés jetés vivants dans les latrines et de chiens en train de se repaître de cadavres étaient quasi surréelles, et il est en un sens compréhensible que l’Afrique, prise de honte, ait sur le moment détourné le regard. Cette attitude, qui a peut-être surtout à voir avec ce que l’écrivaine rwandaise Yolande Mukagasana appelle la «peur de savoir (5)», a été observée dans tous les graves conflits survenus en Afrique, de la guerre civile au Liberia aux troubles actuels en Éthiopie et au Mali. À la longue, les pays africains deviennent, sans même en avoir conscience, fortement étrangers les uns aux autres. Et les frontières dans les têtes sont celles héritées de la colonisation. Cette confusion mentale n’aide pas à faire la part des choses. C’est ainsi que, chez nombre d’intellectuels africains, la lecture du génocide des Tutsis est encore de nos jours faussée par une sourde hostilité au président Paul Kagamé.
« Au Rwanda, les Hutus tuent les Tutsis et les Tutsis tuent les Hutus. » La phrase a été lâchée par Boutros-Ghali au plus fort des tueries. À Biarritz, lors du premier sommet France-Afrique post-génocide, Mitterrand fit mine d’être torturé par l’angoisse en déclarant en conférence de presse : « En vérité, vous le savez, aucune police d’assurance internationale ne peut empêcher un peuple de s’autodétruire, et on ne peut pas demander non plus l’impossible à la communauté internationale, encore moins à la France tant elle est seule, lorsque les chefs locaux décident délibérément de conduire une aventure à la pointe des baïonnettes ou de régler des comptes à coups de machette. » Avant de lancer à un journaliste : « De quel génocide, parlez-vous, monsieur ? De celui des Hutus contre les Tutsis ou de celui des Tutsis contre les Hutus ? »
Le propos d’un secrétaire général de l’ONU ajouté à ceux d’un chef de l’État français, cela donne des inepties racistes d’anthologie. Elles disent pourtant tout haut ce que partout, y compris en Afrique même, on pense tout bas de l’Afrique. Cette perception de tout un continent par lui-même et par les autres y a rendu possibles la planification du dernier génocide du XXe siècle et sa mise en œuvre pendant trois mois. C’est elle aussi qui, presque trente ans plus tard, empêche l’Afrique d’en comprendre les mécanismes. Ou même d’accepter simplement l’idée que, derrière ces cent jours d’horreur, il y avait non pas le déferlement d’une haine irrationnelle et gratuite, mais, comme on l’a bien souvent vu dans l’histoire contemporaine, de classiques luttes de pouvoir ayant échappé à tout contrôle.
(1) Cf. par exemple l’exposition de l’association de rescapés et familles de victimes Ibuka, www.ibuka.be
(2) Gérard Prunier, Rwanda : le génocide, Dagorno, Paris, 1998.
(3) Ancien poste avancé égyptien, Fachoda, dans l’actuel Soudan du Sud, attise en 1898 les convoitises des Britanniques et des Français. Cela donne lieu à un grave conflit diplomatique sur fond de surenchère patriotique des deux côtés. L’incident est évoqué comme un symbole de la vive rivalité coloniale entre les Français et ceux qu’ils qualifient globalement d’Anglo- Saxons.
(4) «Le génocide qu’on aurait pu stopper», disponible sur le site de la Commission d’enquête citoyenne, http://cec.rwanda.free.fr
(5) Cf. Yolande Mukagasana, N’aie pas peur de savoir, Robert Laffont, Paris, 1999.
La leçon de Desmond Tutu
« Un an après l’investiture du nouveau gouvernement rwandais, en juillet 1995, l’archevêque sud-africain Desmond Tutu vint prononcer un sermon dans un stade à Kigali (...). En Afrique du Sud, dit-il, on avait “des langues différentes, des races différentes, des cultures différentes. (...) Vous êtes tous noirs. Vous parlez la même langue. Et j’essaie de découvrir ce que nous avons ici dans nos têtes”. L’insistance de Tutu sur la race se voulait une expression de solidarité [africaine], mais le Rwanda n’était pas l’Afrique du Sud ou le Nigeria, et les Africains n’avaient rien fait de plus que quiconque pour arrêter le génocide. Il était donc étrange de s’entendre dire qu’un crime perpétré par des Rwandais contre d’autres Rwandais était un crime contre la fierté et le progrès de l’Afrique, et que la honte qu’il suscitait était une affaire privée africaine plutôt que l’opprobre du monde entier. »
Philip Gourevitch, Nous avons le plaisir de vous informer que, demain, nous serons tués avec nos familles. Chroniques rwandaises, Denoël, Paris, 1999.
C’est un somptueux morceau que Henry Guillabert et Ndary Diouf vient de servir aux mélomanes. Il s’agit d’une reprise de «Wiri Wiri» de Youssou Ndour, le roi du Mbalax
C’est un somptueux morceau que Henry Guillabert et Ndary Diouf vient de servir aux mélomanes. Il s’agit d’une reprise de «Wiri Wiri» de Youssou Ndour, le roi du Mbalax, dont le clip est déjà disponible sur Youtube. Dégustez.
LES KINÉSITHÉRAPEUTES RENONCENT À LEUR PLAINTE
L’association des kinésithérapeutes et rééducateurs renonce finalement à se constituer partie civile dans l’affaire opposant Sonko, à Adji Sarr
L’association des kinésithérapeutes et rééducateurs renonce finalement à se constituer partie civile dans l’affaire politico-judiciaire opposant le leader de Pastef / Les Patriotes, Ousmane Sonko, à la jeune masseuse, Adji Sarr, pour viols répétés et menaces de mort.
La raison est liée au chef d’accusation de viol retenu, d’après les explications fournies par son président, Cheikh Seck, à l’occasion de leur Congrès à Saly. « On était dans un contexte où il y avait trois aspects : le premier opposait deux personnes pour accusations de vol, la deuxième pour l’exercice illégal de la profession de kinésithérapie, et le troisième concernait l’ouverture d’un cabinet sans autorisation. Dans le contexte actuel, cela concerne un problème de viol entre deux personnes. Nous ne pouvons pas nous constituer en partie civile sur ce point précis », s’est justifié le président de l’association.
Pour les autres points, Cheikh Seck estime que dans la mesure où la justice n’est pas allée dans le sens de l’exercice illégal de la profession de kinésithérapie, il devient logique pour l’association des kinés et rééducateurs de s’en arrêter là, « au moins jusqu’à ce que le Procureur interpelle ces personnes », précise-t-il.
« C’est-à-dire la personne qui faisait le massage, cela n’a pas été fait, pour exercice illégal de la profession. Et celle qui a ouvert le cabinet n’a pas non plus été arrêtée pour ça. Donc, nous ne pouvons pas nous constituer pour un dossier qui n’a pas été instruit », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, les acteurs n’ont pas manqué d’égrener un chapelet de doléances, réclamant, entre autres, un arrêté pour la matérialisation du décret de réforme de l’ENDSS pour la création des nouveaux corps, le recrutement d’un personnel qualifié et de meilleures conditions de travail.
PAR Bakary Sambe
QUAND LE TERRORISME MET FIN AU DÉNI SÉNÉGALAIS
Le Sénégal s’est longtemps cru à l’abri du jihadisme, protégé par son islam pacifique et son armée aguerrie. Les attaques et les menaces venues des groupes installés au Mali et en Mauritanie chassent cette illusion
Jeune Afrique |
Bakary Sambe |
Publication 28/05/2021
Le Sénégal s’est toujours considéré comme un îlot de stabilité dans un océan d’insécurité ouest-africain, loin de l’épicentre sahélien du terrorisme. Au gré de leurs calculs politiques et de leurs positionnements stratégiques, on a vu les autorités politiques évoluer dans leur rapport à cette menace. En une décennie, elles sont ainsi passées du déni à une prise de conscience progressive. Ce qui les a très récemment conduit à admettre, enfin, l’urgence de prendre au sérieux la menace terroriste et les signaux inquiétants venant de la partie est du pays, à la frontière avec le Mali.
Jeunesse fragilisée
Les attaques terroristes de Ouagadougou et de Grand-Bassam, en 2016, auraient pourtant dû pousser le Sénégal à mieux évaluer les dangers d’une régionalisation du terrorisme. Frappé d’aveuglement, il a préféré croire au mythe, savamment entretenu, de la résilience exceptionnelle d’un pays marqué par un islam soufi-confrérique, considéré comme un solide rempart contre l’extrémisme. C’était oublier un peu vite la porosité des frontières et les vulnérabilités socio-économiques qui fragilisent la jeunesse et la rendent réceptive au message jihadiste. Après l’éclatement de la crise malienne, le Sénégal a voulu se persuader que celle-ci serait circonscrite à sa frontière est. Parmi les arguments avancés lors des débats, le cliché du Sénégalais naturellement non violent et sa mystique baraka protectrice qu’il doit à la sainteté de ses figures religieuses. Certains vantaient également les performances d’un système de sécurité rompu au renseignement, d’une armée disciplinée et aguerrie, justifiant d’une expérience appréciable des guerres asymétriques, comme celle qu’elle avait menée en Casamance.
La fin de l’exception sénégalaise
On voulait croire à l’exception sénégalaise, confortée par les effondrements successifs des systèmes de sécurité des pays alentour. En dépit des arrestations de terroristes « de passage », de la présence de jeunes Sénégalais sur des terrains jihadistes comme en Libye, au Mali et dans le bassin du Lac Tchad, des discours faisant l’apologie du terrorisme. En dépit du bon sens, on faisait fi de ce qui aurait dû faire prendre conscience que tous pays de la région pouvait devenir soit un théâtre d’opérations jihadistes, soit un espace de redéploiement stratégique.
L'ALLEMAGNE RECONNAÎT POUR LA PREMIÈRE FOIS UN GÉNOCIDE EN NAMIBIE
L'Allemagne a reconnu vendredi avoir perpétré un génocide contre les Hereros et les Namas pendant l'ère coloniale et va payer à la Namibie plus d'1 milliard d'euros d'aides selon un "accord de réconciliation"
L'Allemagne a reconnu vendredi avoir perpétré un génocide contre les Hereros et les Namas pendant l'ère coloniale et va payer à la Namibie plus d'1 milliard d'euros d'aides selon un "accord de réconciliation" considéré comme un "pas dans la bonne direction" par Windhoek.
"Nous qualifierons maintenant officiellement ces événements pour ce qu'ils sont du point de vue d'aujourd'hui: un génocide", a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas dans un communiqué.
Le chef de la diplomatie a salué la conclusion de cet accord avec la Namibie après plus de cinq ans d'âpres négociations sur les événements survenus dans ce territoire africain colonisé par l'Allemagne entre 1884 et 1915.
Les colons allemands avaient tué des dizaines de milliers d'Hereros et de Namas lors de massacres commis entre 1904 et 1908, considérés par de nombreux historiens comme le premier génocide du 20e siècle.
"L'acceptation de la part de l'Allemagne qu'un génocide a été commis est un premier pas dans la bonne direction", a réagi Alfredo Hengari, le porte-parole du président namibien Hage Geingob, auprès de l'AFP. "C'est la base de la deuxième étape, qui consiste à présenter des excuses, suivies de réparations".
L'Allemagne entend bien présenter officiellement ses excuses, son chef de l'Etat Frank-Walter Steinmeier doit se rendre à cet effet en Namibie, selon des sources proches des négociations.
"A la lumière de la responsabilité historique et morale de l'Allemagne, nous allons demander pardon à la Namibie et aux descendants des victimes" pour les "atrocités" commises, a souligné M. Maas.
- "Immenses souffrances" -
En revanche, Berlin se garde d'employer le terme de réparations.
La convention de l'ONU sur la prévention et la répression du crime de génocide, élaborée en 1948 après l'Holocauste, ne s'applique pas de façon rétroactive. L'Allemagne estime donc que sa reconnaissance d'un génocide n'ouvre la voie à aucune "demande légale d'indemnisation".
Dans un "geste de reconnaissance des immenses souffrances infligées aux victimes", le pays européen va toutefois soutenir la "reconstruction et le développement" en Namibie via un programme financier de 1,1 milliard d'euros, selon M. Maas.
Cette somme sera versée sur une période de 30 ans, et doit profiter en priorité aux descendants de ces deux populations, notamment pour des projets de développement immobilier ou agricole.
L'accord doit encore être validé par les parlements respectifs des deux pays.Les crimes commis pendant la colonisation empoisonnent depuis de nombreuses années les relations entre Windhoek et Berlin.
Dans une volonté de réconciliation, l'Allemagne avait remis en 2019 à la Namibie des ossements de membres des tribus Herero et Nama exterminés, et la secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Michelle Müntefering, avait alors demandé "pardon du fond du cœur".
Un geste jugé nettement insuffisant par leurs descendants et les autorités namibiennes.
L'Allemagne s'est à plusieurs reprises opposée à payer un dédommagement, invoquant les millions d'euros d'aide au développement versés à la Namibie depuis son indépendance en 1990.
Si le travail de mémoire en Allemagne sur la période nazie est généralement jugé exemplaire, celui sur la période coloniale en Afrique, de la deuxième moitié du XIXe siècle et du début du XXe, a été longtemps délaissé.
- Camps de concentration -
Les tribus hereros représentent aujourd'hui environ 7% de la population namibienne contre 40% au début du XXe siècle.
Privés de leurs terres et de leur bétail, ils s'étaient révoltés en 1904 contre les colons allemands, faisant une centaine de morts parmi ces derniers.
Envoyé pour mater la rébellion, le général allemand Lothar von Trotha avait ordonné leur extermination.Les Namas s'étaient soulevés un an plus tard et subirent le même sort.
Au total, au moins 60.000 Hereros et environ 10.000 Namas perdirent la vie entre 1904 et 1908.Les forces coloniales allemandes avaient employé des techniques génocidaires: massacres de masse, exil dans le désert où des milliers d'hommes, femmes et enfants sont morts de soif, et camps de concentration comme celui tristement célèbre de Shark Island.
Des ossements, en particulier les crânes de victimes, furent envoyés en Allemagne pour des expériences scientifiques à caractère racial.Le médecin Eugen Fischer, qui a officié à Shark Island et dont les écrits ont influencé Adolf Hitler, cherchait à prouver la "supériorité de la race blanche".
par Yakham Codou Ndendé MBAYE
LES RAISONS DE L'ACHAT D'UN NOUVEL AVION DE COMMANDEMENT PRÉSIDENTIEL
À l’exposé de certains faits connus du «Soleil», on est fondé de dire que le chef de l’État a trop tardé à trouver un remplaçant à «La Pointe Sarène» qui a traversé, ces dernières années, des séquences périlleuses
Ce n’est ni le goût du luxe ni la propension à la dépense qui ont obligé Macky Sall à autoriser l’acquisition d’un avion neuf de commandement pour le président de la République du Sénégal, Chef suprême des Forces Armées. À l’exposé de certains faits connus du «Soleil», on est fondé de dire que le chef de l’État a trop tardé à trouver un remplaçant à «La Pointe Sarène» qui a traversé, ces dernières années, des séquences périlleuses.
Sous l’ancien régime, il avait fallu un seul incident à bord de l’avion de commandement présidentiel, en 2007, pour hâter l’acquisition d’un autre appareil, trois années plus tard. Et à juste raison d’ailleurs ! Car, cette circonstance, qui s’était produite au large de l’Espagne, avait failli coûter la vie au Chef de l’État, à l’époque, Me Abdoulaye Wade, et à sa suite contraints à un atterrissage forcé dans ce pays.
Seulement, pour remplacer le Boeing 727 tri-réacteurs acquis en 1978 par le Président Léopold Sédar Senghor, qui l’avait baptisé «La Pointe de Sangomar» du nom d’un banc de sable de Palmarin, les choses ne se déroulèrent pas dans les règles de l’art.
D’abord, la dépense ne fut pas inscrite au Budget.
Pensant en premier aux deniers publics, Macky Sall a pris d’énormes risques
Ensuite, l’acquisition se porta sur un avion de seconde main, un Airbus 319 Corporate Jet, deuxième avion de commandement du Président français, acheté en mars 2001 et mis en service douze mois plus tard après divers réaménagements et aménagements.
Enfin, compte tenu de ce qui précède, le rapport qualité/prix (32 millions d’euros, soit 21 milliards de francs Cfa) était disproportionné.
Le tollé qui s’en suivit n’empêcha pas l’achat de l’appareil, et Me Wade, comme Senghor, choisit une localité de la Petite Côte comme nom de baptême de l’avion : «La Pointe Sarène».
Aujourd’hui, à vingt ans d’âge, elle est entrée dans la dernière des trois phases de la vie d’un avion. D’abord, ses dix premières années durant lesquelles, il est au top. Ensuite, les dix années suivantes avec le même état de la première phase, si et seulement s’il est bien entretenu ; cependant, ses coûts d’exploitation haussent. Enfin, les dix dernières années qui marquent sa fin de vie, à trente ans.
Le premier problème auquel «La Pointe Sarène» s’est heurtée, est intervenu moins de quatre années après son acquisition : en 2014, Sogerma, la société qui l’avait réaménagée et aménagée pour le compte de la France, entre 2001 et 2002, met la clef sous la porte.
De multiples incidents
Du coup, nombre de pièces de rechange deviennent presque inexistantes sur le marché ; dans le meilleur des cas, si le Sénégal parvient à trouver une autre société pour fabriquer à l’identique les pièces de rechange, le coût est très élevé, et les délais de livraison étant longs, de fréquentes immobilisations de «La Pointe Sarène» obligent la location d’avion très chèrement payée.
Mais, même s’ils n’ont pas fait l’effet de publicité du fait de l’attachement très fort du Président Macky Sall à la discrétion, d’autres problèmes beaucoup plus sérieux sont survenus ces dernières années avec «La Pointe Sarène», qui ont été porteurs de risque considérable et de dommage pour le Sénégal : d’une part, à plusieurs reprises, la sécurité du Président de la République a été compromise avec la survenue de problèmes techniques et mécaniques à bord de l’avion de commandement ; d’autre part, ces incidents ont eu un impact désastreux sur l’image de la souveraineté du Sénégal.
En juin 2019, après avoir pris part au Sommet du G20 à Osaka au Japon, le Président de la République rembarque pour rentrer au Sénégal. Au décollage, un incident se produit : l’avion subit une panne de démarreur qui oblige le débarquement à la hâte de Macky Sall et de sa suite et leur retour à l’hôtel pour une longue attente, le temps que les Japonais réparent la panne.
Sacrés coups à l’image du Sénégal
Ensuite, au dernier sommet des Chefs d’État de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa), bis repetita. Cette fois-ci, «La Pointe Sarène» tombe complètement en panne, obligeant le Président du Niger à prêter son avion de commandement à son homologue sénégalais pour son retour à Dakar.
Enfin, à la veille du mini-sommet extraordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) tenu le 15 septembre 2020 à Accra et consacré à la crise malienne, «La Pointe Sarène» est encore clouée au sol, à Dakar. Le Président ghanéen, Nana Akufo-Addo, tenant coûte que coûte à la participation du Président de la République à cette rencontre cruciale, dut se résoudre à envoyer à Dakar son avion pour transporter Macky Sall.
Et la liste des pannes de l’avion de commandement présidentiel et des coups sur l’image du Sénégal n’est pas exhaustive, qui ont fondé l’impérieuse nécessité d’acquérir un appareil neuf.
Quid du futur avion de commandement qui sera mis au service du Président de la République du Sénégal ?
L’Airbus A320 Neo a de multiples avantages en termes de confort, mais surtout de rayon d’action, de sécurité et de capacité d’opérationnalité pour le Chef Suprême des Forces Armées. Il y a foison d’exemples.
A319 versus A320 Neo : il n’y a pas photo
En termes de confort, ceux qui ont été à bord de «La Pointe Sarène» savent que le Président de la République n’a pas une zone de confidentialité fermée ; les passagers proches de sa cabine peuvent l’entendre échanger ou le voir. Ce qui ne sera plus le cas avec l’A320 Neo aménagé dans ce sens.
Pour rallier Dubaï depuis le Sénégal, «La Pointe Sarène» fait escale au Tchad, à Ndjaména. En aller-retour, entre la taxe d’atterrissage, le coût du balisage, le carburant et les frais d’assistance, c’est trente (30) millions de francs Cfa. Si c’est une escale au Nigéria, ça passe au double. Avec l’Airbus A320 Neo, qui consomme dix-sept pourcent (17%) moins de carburant que l’A319, et a donc un rayon d’action considérable, le Trésor sénégalais est dispensé de cette dépense et de tant d’autres de même type. Et sur le même trajet, là où «La Pointe Sarène» ne peut transporter que quinze passagers pour pouvoir embarquer le maximum de carburant, l’A320 Neo aura le double : trente.
Last but not least, l’un des plus gros soucis auquel «La Pointe Sarène» allait se heurter va être réglé : en effet, si ce n’était l’éclatement de la pandémie de la Covid-19 qui a provoqué le report de la mesure, son équipement avionique ne lui autorisait plus de traverser l’océan atlantique, depuis juin 2020, pour atterrir, par exemple, aux États-Unis, au Canada ou au Mexique ; alors, le Président Macky Sall se verrait obligé de louer un avion répondant aux normes dont est doté l’A320 Neo.
«L’INSECURITE AU MALI N’EST PAS SEULEMENT UN PROBLEME MALIEN, C’EST CELUI DE TOUS SES VOISINS»
Bakary Sambe estime que la crise malienne est celle de tous les pays frontaliers et invite le Sénégal à préserver la résilience pour demeurer cet îlot de stabilité dans une zone en perpétuelle turbulence
De l’avis du directeur de Timbuktu institute, l’insécurité au Mali doit inquiéter tous les pays africains, surtout ceux qui lui sont frontaliers. Bakary Sambe estime que la crise malienne est celle de tous les pays frontaliers et invite le Sénégal à préserver la résilience pour demeurer cet îlot de stabilité dans une zone en perpétuelle turbulence.
Le Sénégal a encore assez de temps pour développer une approche préventive dans la lutte contre le terrorisme. Tel estl’avis du directeur de Timbuktu institute qui estime que l’heure est venue « d’assurer une véritable politique de prévention de l’extrémisme violent, adossée au renforcement de la sécurité ». Bakary Sambe s’exprimait en marge de l’atelier de restitution d’une étude sur « les défis transnationaux et sécuritaires aux frontières» avec le cas spécifique de la région de Kédougou, réalisée par son institut et la fondation internationale Konrad Adenauer. A en croire l’enseignant-chercheur, les récents événements au Mali donnent l’impression de déjà vu. «C’est comme si on était retourné au point de départ de 2012 où ce pays qu’est le Mali, un Etat fragile, cumulait deux crises : une crise politique institutionnelle à Bamako et une crise sécuritaire non seulement au nord mais aussi au centre qui est en train de déborder».
Dès lors, souligne Bakary Sambe, les acteurs régionaux doivent se mobiliser en tant qu’institution mais aussi faire jouer les relations personnelles et le leadership. Un leadership doit s’adosser aux efforts de la Cedeao. «D’autant que l’insécurité au Mali n’est pas seulement un problème malien, mais c’est un problème pour tous ses voisins», avertit-il. C’est la raison pour laquelle, il invite la Cedeao à s’impliquer davantage. De l’avis de Bakary Sambe, l’organisation régionale doit jouer un rôle moteur au regard de deux faits. «Il y a d’abord le fait que certains membres de la communauté internationale sont aujourd’hui critiqués dans leurs différences d’attitudes selon qu’il s’agisse de la crise au Tchad ou au Mali », relève-t-il. En plus, cette différence d’appréciation n’est pas du tout appréciée des populations maliennes. «Au regard de cette situation, la Cedeao doit jouer ce rôle moteur-là parce qu’on ne doit pas donner libre cours à ces formes de prise de pouvoir, des putschs qui pourraient influer négativement sur la stabilité assez fragile de la région », insiste le directeur de Timbuktu institute.
Sur le cas précis du Sénégal, il se veut formel : «Aucune résilience n’est durable s’il n’y a pas un suivi et un renforcement ». Pour cela, il révèle que ses recommandations vont dans le sens de co-construction des solutions entre d’une part l’Etat comme acteur principal, les forces de sécurité et de défense qui en sont un démembrement, l’administration territoriale, et d’autre part les populations locales au sein desquelles les leaders politiques et traditionnels, les femmes et les jeunes qui restent une préoccupation. Il estime également que le Sénégal doit préserver cette résilience pour pouvoir demeurer cet îlot de stabilité dans l’océan d’instabilité et d’insécurité régionale, surtout avec les déficits budgétaires qu’on connaît au Mali et dans d’autres pays voisins.
«IL N’Y A AUCUNE ZONE AU MONDE ET SURTOUT DANS LE SAHEL QUI NE SOIT PAS EXPOSEE AU TERRORISME»
Revenant sur la vulnérabilité du Sénégal du fait de sa proximité avec le Mali, Bakary Sambe renseigne que l’enquête réalisée à Kédougou révèle tous les phénomènes que l’on observe en termes de frontalité, notamment la circulation des biens et des personnes dans un contexte peu sécurisé, avec des populations qui ont des inquiétudes par rapport à leur proximité avec le Mali qui est actuellement en crise. « De ce fait, il y a un appel pressant aux autorités pour qu’elles renforcent la sécurité mais aussi surtout qu’elles créent un climat de confiance entre les forces de sécurité et de défense et les populations locales», avertit-il. A l’en croire, ceci est d’autant plus important que les forces de l’ordre sont les alliées des populations locales pour la lutte contre le terrorisme. Surtout que dans cette lutte, la bataille du renseignement doit être gagnée. Conscient qu’il n’y a aucune zone au monde et surtout dans le Sahel qui ne soit exposée au terrorisme, Bakary Sambe pense que l’autre enjeu de l’Etat, c’est d’éviter que ces groupes arrivent au Sénégal et qu’ils réussissent à créer des couveuses locales pour pouvoir s’insérer dans le tissu social.