La Police nationale a frappé un grand coup dans la lutte contre la fraude documentaire. Le commissariat d’arrondissement de Guinaw Rail a procédé au démantèlement d’un réseau de falsificateurs de documents de voyage opérant à Guinaw Rail Sud.
Cette opération, menée suite à un renseignement exploité par les forces de l’ordre, a permis l’arrestation de neuf (9) individus soupçonnés d’appartenir à un réseau spécialisé dans la falsification de passeports.
Le coup de filet a permis la saisie de plus de trente (30) passeports, ainsi que d’un important lot de matériel utilisé dans la fabrication de faux documents : dissolvants, diluants, lames, barres et craies de différentes couleurs, crayons, coton, entre autres. Deux visas périmés, détachés de leurs passeports d’origine – l’un destiné au Canada, l’autre à l’espace Schengen – ont également été retrouvés, ainsi que des cartes professionnelles (commerçante, import/export).
Les suspects ont été placés en garde à vue pour association de malfaiteurs, faux et usage de faux en écriture publique, et complicité.
La Police nationale poursuit ses investigations pour mettre la main sur d’éventuels complices. Elle appelle la population à rester vigilante et à collaborer en signalant tout comportement suspect via le numéro d’urgence 17.
par Adama Dieng
À LA MÉMOIRE DE SA SAINTETÉ LE PAPE FRANÇOIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Il était un phare d'espoir, un homme profondément humain qui a touché les cœurs de millions de personnes à travers le monde. Que son héritage de paix et de fraternité continue de nous inspirer
Sa Sainteté, le Pape François vient de nous quitter dans l’apothéose d’une dernière bénédiction urbi et orbi. Plus que guide de toute la communauté catholique, il était d’abord amour pour tous les êtres humains et compassion pour les plus faibles et les plus démunis d entre eux. Aussi, est-ce avec une profonde tristesse que je rends hommage à un fervent défenseur de la paix et de la fraternité humaine. Depuis son arrivée au Vatican, il a œuvré sans relâche pour promouvoir la dignité de chaque être humain, jusqu’à son dernier souffle.
Je ne peux m’empêcher de me remémorer le soutien indéfectible qu’il m’a témoigné en 2013, lorsque j'ai sollicité son aide et ses prières en vue d’encourager les leaders religieux du monde à adopter un Plan d'action sur leur rôle essentiel dans la prévention de l'incitation à la violence susceptible d'engendrer des atrocités criminelles. Sa bienveillance et son engagement ont été des sourcesd'inspiration pour moi, comme pour tant d'autres. Ce plan d’action fut lancé à New York, lors d’une cérémonie tenue au siège des Nations Unies le 14 juillet 2017.
Au cours des cinq dernières années, j'ai également eu le privilège inestimable de rencontrer le Pape chaque année dans le cadre de mes fonctions de conseiller auprès du Comité supérieur de la fraternité humaine et du Conseil islamique des Sages, dirigé par l'éminent juge égyptien, Mohamed Abdel Salaam, un homme qu'il appelait affectueusement "l’enfant terrible". La profonde affection qu’il portait au juge Abdel Salaam témoigne de son caractère chaleureux et de son désir de rassembler les gens autour de valeurs communes. Je n’oublierai jamais ces paroles qu’il m’avait confiées : “Love and humility are the two characteristics which make a true leader” - L'amour et l'humilité sont les deux caractéristiques qui font un véritable leader.
En tant que Conseiller du Muslim Council of Elders, présidé par Son Excellence le Grand Imam d’Al-Azhar, Dr Ahmed Al-Tayeb, j'ai été témoin de moments précieux. Je pense notamment à la visite du Pape à Bahreïn, en novembre 2022, où les deux grandes figures religieuses ont réaffirmé leur amitié et leur engagement à poursuivre leur noble mission au service de la paix et de la Fraternité humaine. Cette visite fut placée sous le signe du dialogue interreligieux, en particulier entre le christianisme et l'islam. Le Cardinal Secrétaire d'État, Pietro Parolin avait alors souligné que la présence du Pape incarnait un message , de cohésion et de paix dans un monde marqué par les tensions.
Mais c’est aux Émirats arabes unis, précisément à Abu Dhabi, qu’ils avaient signé, trois ans plus tôt, le Document sur la Fraternité humaine – un texte historique. C’était le 4 février 2019. En décembre de la même année, les deux leaders ont dépêché une délégation conduite par le Cardinal Ayuso pour solliciter le soutien du Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, en faveur de ce document. Cela illustre leur détermination à promouvoir la paix dans un monde souvent divisé. Ainsi, lorsque le Secrétaire Général m’a demandé d’aider ces deux figures proéminentes de l’Eglise catholique et de l’Islam, j'ai accepté avec enthousiasme, pleinement conscient de l'importance de cette missin pour la fraternité humaine.
Chaque année au Vatican, j'ai eu l’honneur de recevoir la bénédiction du Saint-Père, me permettant d'avancer dans cette quête commune pour la paix. Son dernier message pascal, témoignage de son amour pour notre mère Afrique, résonne « Que le Christ ressuscité, notre espérance, accorde la paix et le réconfort aux populations africaines victimes de violences et de conflits, en particulier en République démocratique du Congo, au Soudan et au Soudan du Sud, et qu’il soutienne ceux qui souffrent des tensions au Sahel, dans la Corne de l’Afrique et dans la région des Grands Lacs. »
Sa Sainteté le Pape François était bien plus qu'un leader religieux ; il était un phare d'espoir, un homme profondément humain qui a touché les cœurs de millions de personnes à travers le monde. Que son héritage de paix et de fraternité continue de nous inspirer dans nos efforts pour un avenir meilleur. À Monseigneur Benjamin Ndiaye, ainsi qu’à tous mes frères et sœurs de l’Eglise catholique au Sénégal, j’adresse mes condoléances les plus émues.
Adama Dieng est ancien Secrétaire général adjoint des Nations Unies, envoyé spécial de l’Union africaine et Conseiller spécial du Conseil Musulman des Sages.
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MANSOUR FAYE CONTRE-ATTAQUE DANS L’AFFAIRE DE SURFACTURATION PRÉSUMÉE DU RIZ
Accusé dans une affaire de surfacturation portant sur l’achat de 30 000 tonnes de riz destinées à l’aide alimentaire, l’ancien ministre dénonce une manipulation de la part du vérificateur de la Cour des comptes.
Accusé de surfacturation dans le cadre d’une commande de 30 000 tonnes de riz destinées à l’aide alimentaire, l’ancien ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale, Mansour Faye a publiquement rejeté ces accusations et a, à son tour, mis en cause le vérificateur de la Cour des comptes.
L’ affaire a pris une tournure avec l’arrestation par la Division des Investigations Criminelles (DIC) de son ancien Directeur des Affaires Générales et de l’Équipement (DAGE), Aliou Sow, qui a été déféré au parquet vendredi dernier.
Les accusations portées contre Sow font état d’une surfacturation estimée à 2 749 927 498 francs CFA.
Mansour Faye, qui fait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire national, a pris la parole dans une interview accordée au site d’information local SL-info.Tv pour défendre son intégrité. Il a rappelé que le contexte exceptionnel de la pandémie avait justifié des dérogations aux procédures habituelles des marchés publics.
Selon l’ancien ministre, Aliou Sow a fourni toutes les justifications nécessaires concernant l’utilisation des fonds alloués. Faye a ensuite dirigé ses accusations vers Massamba Dieng, le magistrat-vérificateur de la Cour des comptes, qu’il accuse de « manipulation » des faits. Il a également insinué que Dieng aurait bénéficié d’une « nomination-récompense » récente.
« Il n’y a jamais eu de surfacturation sur ce marché », a déclaré Mansour Faye, contestant les conclusions du rapport de la Cour des comptes. Il affirme que les accusations portées contre lui et son ancien DAGE sont infondées et basées sur une interprétation erronée des faits.
VERS UNE LOI POUR ENCADRER L’USAGE DES TECHNOLOGIES MÉDICALES AU SÉNÉGAL
Dans le cadre du New Deal Technologique, les ministres de la Santé et du Numérique ont acté l’élaboration d’un projet de loi sur la santé numérique. Cette initiative vise à encadrer juridiquement l’usage des données médicales.
Dans le cadre de l’opérationnalisation du New Deal Technologique, une rencontre stratégique s’est tenue le 16 avril 2025 entre Alioune Sall, ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, et Ibrahima Sy, ministre de la Santé et de l’Action Sociale. À l’ordre du jour : la digitalisation du système de santé sénégalais, avec en point d’orgue l’élaboration d’un projet de loi sur la santé numérique, actuellement en préparation.
Ce futur texte législatif, présenté comme un pilier de la transformation digitale du pays, vise à poser un cadre juridique moderne et robuste pour la gestion des données de santé. Il doit répondre à plusieurs enjeux majeurs : la protection renforcée des informations médicales sensibles, la sécurité des systèmes de santé face aux risques croissants liés à la cybersécurité, et l’encadrement de l’utilisation des nouvelles technologies médicales, telles que la télémédecine, les objets connectés ou encore l’intelligence artificielle.
Au centre des échanges figurait le Dossier Patient Numérique (DPN), un projet phare destiné à moderniser le suivi médical des citoyens. Cette innovation devrait permettre : un suivi plus personnalisé et efficace des patients, une meilleure coordination entre les professionnels de santé, et une amélioration globale de la qualité des soins grâce à la centralisation des données médicales.
Le DPN s’annonce comme un outil essentiel pour optimiser les parcours de soins, fluidifier les échanges d’informations entre structures médicales, et poser les bases d’un système de santé plus réactif et plus équitable.
Les deux ministres ont également insisté sur l’importance de l’harmonisation des normes entre les différents acteurs publics et privés du secteur. Cette démarche vise à garantir une interopérabilité efficace et à renforcer la confiance autour de la digitalisation des services de santé.
Le projet de loi s’inscrit dans une dynamique de concertation impliquant l’ensemble des parties prenantes : professionnels de santé, experts techniques, société civile. Cette approche inclusive devrait permettre de bâtir un cadre réglementaire solide, garantissant à la fois l’éthique, la souveraineté des données et la performance des services de santé.
Avec ce chantier législatif, le New Deal Technologique confirme son ambition de faire du numérique un catalyseur de progrès social et sanitaire, en plaçant la sécurité et la transparence au cœur de la modernisation du secteur public.
WALLY SECK, L’ÈRE D’UNE NOUVELLE TRANSITION MUSICALE
L'héritier du légendaire Thione Seck affirme sa nouvelle vision artistique. Plus intime, plus réfléchi, l'enfant prodige du mbalax conserve son énergie caractéristique tout en explorant des territoires plus personnels
Wally Seck, figure emblématique de la scène musicale sénégalaise, a franchi un nouveau cap avec la sortie de son album « Entre Nous » et un concert exceptionnel le 12 avril 2025. À 40 ans, l’artiste, fils du légendaire Thione Seck, annonce une transition importante dans sa carrière. Avec une nouvelle vision plus intime et mature, Wally reste fidèle à ses racines tout en explorant de nouveaux horizons sonores.
Wally Seck, ce nom résonne depuis des années dans l’univers musical sénégalais. Héritier de la grande légende Thione Seck, il a su s’imposer comme l’une des figures les plus marquantes de la scène actuelle. À l’occasion de ses 40 ans, il a offert un événement exceptionnel, un concert unique au Centre international du commerce extérieur (Cices) le 12 avril 2025. Un moment qui a été fort, un véritable rendez-vous entre lui et ses fans, mais aussi avec les grandes personnalités de la musique sénégalaise. Et dire que ce n’est pas tout. Le 29 mars 2025, l’artiste a sorti son tout nouvel album « Entre Nous », un opus qui marie la maturité à l’émotion pure. Mais, jusqu’ici appelé le « chouchou » de la nouvelle génération, à quatre décennies, il est important de souligner que Wally franchit un cap important de sa vie, un moment où l’on prend un peu de recul, où l’on se redéfinit, où l’on s’apprête à embrasser de nouveaux horizons. Derrière ses rythmes, derrière sa voix, il dévoile une facette plus intime de sa personnalité, loin de l’image du jeune homme dynamique qu’il incarnait auparavant. Ainsi, cette sortie et ce concert marqueront sans aucun doute une étape importante dans sa carrière, une transition et un passage de témoin dans la musique sénégalaise contemporaine.
Avec son morceau « Célibataire », il annonce d’ailleurs ce changement, cette nouvelle phase de sa carrière. On sent une volonté de s’affirmer différemment, d’aborder des sujets plus personnels et plus matures. Cette transition, il la vit non seulement dans sa musique, mais aussi dans sa manière de se présenter au public.
Un parcours inspirant
Depuis qu’il a débuté, Wally a su se démarquer avec sa voix unique et ses rythmes enracinés dans le mbalax. Mais aujourd’hui, le paysage musical a changé. De nouveaux talents apparaissent, et la compétition est plus féroce. Pourtant, Wally reste un artiste incontournable. Il continue de captiver son public avec la même passion, la même énergie, mais d’une manière plus réfléchie. Il ne cherche pas à suivre la tendance, mais à proposer quelque chose de sincère et d’authentique, ce qui lui permet de rester pertinent, même après tant d’années.
Ce nouvel album « Entre Nous » témoigne de cette évolution. Ce n’est pas juste un projet musical, c’est un reflet de son parcours. Wally Seck, en sus de faire de la musique, raconte son histoire, partage ses réflexions, ses rêves. Aujourd’hui, ses fans, qui l’ont accompagné depuis ses premiers tubes, découvrent un autre aspect de lui. Un Wally plus mûr, plus ancré dans sa réalité, mais toujours fidèle à l’essence de ce qu’il est. Il garde ce lien fort avec ses racines, mais il n’hésite pas à explorer de nouveaux horizons sonores.
À 40 ans, Wally a compris que la musique est un éternel renouvellement. Il ne s’agit pas de s’arrêter ou de se reposer sur ses acquis, mais de continuer à surprendre, à évoluer. Et c’est ce qu’il fait. Son public est là, toujours aussi fidèle, prêt à suivre cette nouvelle direction. Le Wally d’hier, celui de la jeunesse et de l’insouciance, laisse place à un artiste plus sage, plus posé, mais toujours aussi captivant.
Nouvelle ère musicale
Abandonnant son rêve de devenir joueur de foot, son père lui avait trouvé une place au sein de son groupe « Raam Daan ». A son retour au pays natal, Wally commençait, dès sa tendre enfance, à chantonner et à mimer les chansons de son père. Le retour de l’enfant prodige a marqué les esprits et séduit plus d’un avec la sortie de son premier single, « Bo-Dioudo », en fin 2007, un élément déclencheur de sa carrière, suivi de son premier album, « Voglio », qui signifie « vouloir » en langue italienne. Un album sorti le 17 décembre 2010, composé de sept titres, et qui lui a permis d’imposer sa marque. « Le chouchou » de la jeune génération s’est adapté aux réalités sonores du moment, qui s’appuient plus ou moins sur la dimension digitale des machines. Mais, contrairement à son père qui alliait charisme et puissance des textes, bref un excellent parolier, Wally Seck, c’est plutôt la puissance des rythmes et sa capacité à polariser son public sur sa personne », avait remarqué Guissé Pène, consultant et formateur dans l’environnement juridique de la musique, sur les colonnes du quotidien national Le Soleil.
Dans le même article, Alioune Diop, journaliste et critique musical à la Radio Sénégal internationale (Rsi) corrobore : « La musique de Wally Ballago a une vitesse plus ou moins supérieure à celle de son père, qui s’inspirait beaucoup des sonorités orientales, aussi bien dans le domaine de la musique que dans le domaine du chant ». Pour lui, la musique de Wally est différente de celle de son père en termes de rythme. Wally, dit-il, sait faire vibrer réellement les instruments. Ses percussions sont beaucoup plus grooves que celles de Thione.
Wally s’est toujours distingué par un style de chant original, une voix belle, suave et surtout langoureuse, le tout couronné par sa jeunesse et sa capacité à créer une ambiance unique dans sa musique. Il répond ainsi parfaitement aux attentes de la jeunesse. Avec plus de 54 % de jeunes au Sénégal, Wally Seck a su capter l’attention de cette génération avide de rythmes et de moments festifs. « Il a compris que cette jeunesse est amoureuse de l’ambiance et de la musique. Il leur offre ce plaisir tout en imposant son propre style », avait analysé Guissé Pène.
Compte tenu de ces caractéristiques : une ambiance musicale électrisante et un style vestimentaire audacieux qui captivent la jeunesse, une question se pose : dans cette nouvelle transition, jusqu’à quand Wally parviendra-t-il à maintenir cette connexion avec une génération constamment en quête de nouveauté et de divertissement ?
LE PARI SÉNÉGALAIS DES BRICS
Dans un monde en recomposition où l'ordre occidental vacille, Dakar tente un repositionnement stratégique en direction de ce club des émergents. Une manœuvre qui suscite espoirs et interrogations sur son avenir diplomatique
Dans un monde secoué par le retour du protectionnisme américain et les tensions commerciales entre Pékin et Washington, le Sénégal choisit de diversifier ses alliances. En exprimant son intérêt pour rejoindre les Brics, ce groupement des puissances émergentes conduit par la Chine, la Russie, l’Inde et consorts, Dakar rompt avec une longue tradition de fidélité aux institutions occidentales. Opportunité géopolitique ou simple posture diplomatique ? Ce tournant stratégique suscite débats et espoirs, sur fond de quête de souveraineté économique et d’insertion dans un nouvel ordre mondial multipolaire.
La diplomatie sénégalaise s’active en coulisse. Dans une interview accordée à la chaîne Russia Today, il y a quelques jours, la ministre sénégalaise des Affaires étrangères, Yassine Fall, a révélé que son pays avait officiellement engagé des discussions pour rejoindre le bloc des Brics. Dans un contexte de recomposition mondiale où les équilibres traditionnels vacillent sous les coups de boutoir du trumpisme et de la guerre économique sino-américaine, Dakar semble vouloir redéfinir son positionnement stratégique. Une volonté perçue par certains comme un simple jeu d’équilibriste, mais que d'autres analysent comme une inflexion réelle vers un monde multipolaire.
Trump, Pékin et les Brics : un contexte en bouleversement
L’annonce intervient alors que l’ordre économique mondial connaît une nouvelle phase de tensions. Le retour de Donald Trump sur la scène politique internationale a relancé les hostilités commerciales avec la Chine. Hausse de tarifs douaniers, remise en question des traités multilatéraux, logique de bilatéralisation des échanges : le président américain redouble d’initiatives pour recentrer l’économie mondiale autour des intérêts américains. Or, cette orientation protectionniste touche durement les pays du Sud, pris entre le marteau de Washington et l’enclume de Pékin.
C’est dans ce paysage fragmenté que les Brics — acronyme pour Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, rejoints récemment par l’Iran, l’Égypte, les Émirats arabes unis ou encore l’Éthiopie — apparaissent comme une alternative crédible. Loin d’un simple club géoéconomique, le groupement ambitionne de rebattre les cartes de la gouvernance mondiale. En témoigne l’émergence de la Nouvelle banque de développement (NDB) et d’un mécanisme de réserve monétaire (le Cra), même si leur efficacité reste sujette à débat.
Le Sénégal, entre prudence historique et repositionnement stratégique
Longtemps perçu comme un bastion francophone aligné sur les intérêts occidentaux, le Sénégal semble aujourd’hui vouloir élargir ses alliances. ‘’Nous avons toujours été un partenaire stratégique de l’Occident, mais cela ne doit pas nous empêcher de diversifier nos partenariats’’, affirme un haut diplomate sénégalais sous couvert de l’anonymat. C’est dans cette optique que s’inscrit la démarche d’adhésion aux Brics, perçue comme une manière de sortir de la dépendance historique vis-à-vis de Paris et de ses relais institutionnels (FMI, Banque mondiale, etc.).
Pour l’expert géopolitique Mikhail Gamandiy-Egorov, le Sénégal a de sérieux atouts. ‘’Malgré sa taille modeste, c’est un pays stable, doté d’un port stratégique et d’une économie en croissance. Son positionnement géographique à la croisée du Maghreb, du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest en fait un point nodal du continent’’. Et de souligner que ‘’le principal partenaire commercial du Sénégal pour les importations, c’est déjà la Chine. Pour les exportations, c’est le Mali, pays de l’Alliance des États du Sahel, qui se rapproche fortement de la Russie’’.
Un intérêt réel, mais une adhésion encore lointaine
En dépit de cette dynamique, les analystes sont prudents quant à une adhésion immédiate du Sénégal au sein du noyau dur des Brics. D’un point de vue économique, le pays occupe le 107e rang mondial en PIB nominal et le 102e en PIB en parité de pouvoir d’achat. Il figure au 18e rang africain sur ces deux critères. Loin donc des mastodontes que sont le Brésil, l’Inde ou la Chine. ‘’L’enjeu, à court terme, n’est pas forcément d’intégrer le cercle restreint, mais de s’imposer comme partenaire stratégique du Brics’’, précise Gamandiy-Egorov.
Ce format élargi — le BRICS+ — regroupe déjà plusieurs pays africains (Égypte, Éthiopie) et prévoit une association plus souple avec d'autres États comme le Kazakhstan, le Nigeria, Cuba ou la Malaisie. Une stratégie d’expansion qui renforce la crédibilité du groupement, en l’éloignant de l’image d’un club fermé.
Les Brics : solution ou illusion pour l’Afrique ?
Mais cette adhésion suscite aussi des débats. Pour ses défenseurs, les Brics représentent une opportunité unique de sortir de la dépendance vis-à-vis des institutions occidentales. Pour ses détracteurs, c’est une illusion, voire une diversion. Certes, la NDB a financé plusieurs projets, mais elle reste loin des standards du FMI ou de la Banque mondiale. Et surtout, la majorité des membres des Brics sont dirigés par des régimes autoritaires, peu enclins à promouvoir une gouvernance démocratique ou transparente.
Toutefois, beaucoup d’économistes nuancent. Pour eux : ‘’La vraie question est de savoir si les Brics veulent vraiment changer les règles du jeu mondial, ou simplement redistribuer les cartes en leur faveur. Le risque, c’est de remplacer une hégémonie occidentale par une autre.’’
Un test grandeur nature pour le Sénégal
Pour Dakar, le défi est de taille. Il s’agit de s’engager dans une diplomatie d’équilibre, sans provoquer de rupture brutale avec ses partenaires traditionnels. L’axe Paris-Washington reste influent dans les secteurs clés (aide publique au développement, sécurité, coopération militaire), même si les récentes critiques contre la France laissent entrevoir une volonté de réajustement. Le Sénégal peut-il vraiment défendre une diplomatie panafricaine tout en continuant à évoluer dans les cercles occidentaux ?
Yassine Fall, elle, se veut claire : ‘’Le Sénégal a quelque chose à apporter aux Brics, en raison de sa stabilité, de ses ressources et de cet élan de développement industriel que nous voulons mettre en place’’, a-t-elle affirmé.
Pour beaucoup d’observateurs, le Sénégal a pris date. En exprimant publiquement son intérêt pour les Brics, il envoie un signal fort, à la fois à ses partenaires traditionnels et aux puissances émergentes. Ce n’est ni une rupture ni une soumission, mais une stratégie d’adaptation à un monde qui change. Si le pari est réussi, le Sénégal pourrait bien se hisser au rang de passerelle entre les Brics et l’Afrique de l’Ouest. À condition de conjuguer ambition internationale et cohérence nationale.
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THIERNO ALASSANE DÉNONCE L'INCOMPÉTENCE AU POUVOIR
"Des carburants plus chers qu'au Mali, 30 800 licenciements et un BTP en léthargie" : c'est en ces termes que le député a résumé la gouvernance économique du Pastef, lors d'une conférence de presse tenue ce mardi à Dakar
Le député Thierno Alassane Sall, président du parti République des Valeurs, a tenu une conférence de presse ce mardi 22 avril 2025 où il a vivement critiqué la gestion économique du gouvernement dirigé par Ousmane Sonko, près d'un an après son arrivée au pouvoir.
Le député a dénoncé ce qu'il considère comme l'échec des promesses de changement rapide faites par le Pastef. "La plupart des compatriotes espéraient un changement rapide à leur arrivée au pouvoir, parce qu'ils nous ont vendu non seulement un projet et des idées grandioses, mais on leur prêtait aussi la compétence", a-t-il déclaré, soulignant l'ironie que l'équipe au pouvoir soit majoritairement issue du ministère de l'Économie et des Finances.
Selon M. Sall, les déclarations "hasardeuses" du Premier ministre au nom de la transparence ont conduit à la dégradation de la note du Sénégal, entraînant des emprunts "à des taux démentiels" et un ralentissement économique général.
Le député a particulièrement insisté sur la crise touchant plusieurs secteurs clés. Dans la pêche, il a rapporté que "la brèche de Saint-Louis a englouti près de 40 vies en un an" sans intervention gouvernementale. Pour le secteur du BTP, il a souligné que les entreprises sont "presque à l'état léthargique", avec des exemples concrets comme la CSE qui a licencié 650 personnes, tandis que les cimenteries voient leur chiffre d'affaires baisser de 25%.
Un autre point de critique majeur concerne le prix des carburants. M. Sall a relevé le paradoxe que le Sénégal, devenu producteur de pétrole, affiche les prix de carburant les plus élevés de la sous-région (990 francs CFA contre 775 au Mali et 650 au Burkina Faso), malgré une baisse du cours du baril de 21% en un an.
En matière d'éducation, il a pointé le retard considérable dans le calendrier universitaire, avec l'année 2023-2024 toujours en cours alors que le reste du monde se prépare aux examens de fin d'année pour 2024-2025.
Thierno Alassane Sall a également critiqué les licenciements massifs dans le secteur public, évoquant environ 30 800 personnes licenciées pour "motifs économiques", tout en dénonçant l'absence de transparence dans les recrutements qui ont suivi.
Sur le plan politique, l'ancien ministre a réfuté les accusations portées contre lui concernant les contrats pétroliers, affirmant avoir au contraire "arraché quatre contrats pétroliers" au bénéfice du Sénégal lorsqu'il était au gouvernement.
Enfin, M. Sall a exprimé ses inquiétudes quant à l'allocation de 5 milliards de francs CFA sans débat parlementaire, gérée selon lui par "l'appareil politique du Pastef", comparant cette situation à celle des controversés fonds Covid. Il a appelé à un rapport de la Cour des comptes sur cette gestion, tout en dénonçant une "justice sélective" qui s'exercerait "sur commande" du pouvoir en place.
TIDJANE THIAM ÉCARTÉ DE LA PRÉSIDENTIELLE IVOIRENNE
La figure du principal parti d'opposition, vient d'être radié des listes électorales par la justice qui invoque la perte de sa nationalité ivoirienne au profit de la française en 1987. Une décision majeure à six mois du scrutin présidentiel
(SenePlus) - La course à la présidentielle ivoirienne vient de connaître un rebondissement majeur. Six mois avant le scrutin prévu le 25 octobre, le chef du principal parti d'opposition, Tidjane Thiam, a été radié de la liste électorale par décision de justice, l'empêchant ainsi de se porter candidat, selon les informations rapportées par Jeune Afrique et l'AFP ce mardi 22 avril.
Le tribunal a tranché en estimant que Tidjane Thiam avait perdu sa nationalité ivoirienne lors de l'acquisition de la nationalité française en 1987. « La présidente du tribunal a rendu son délibéré. Elle a estimé que le président Thiam avait perdu la nationalité ivoirienne quand il a acquis la nationalité française, et donc elle a fait droit aux demandes des requérants et a ordonné la radiation du président Thiam de la liste électorale », a expliqué Me Ange Rodrigue Dadjé, l'un des avocats de Tidjane Thiam.
Cette décision judiciaire, qui n'est pas susceptible de recours, ferme pour l'instant toute possibilité à une candidature de l'opposant à l'élection présidentielle d'octobre prochain.
La question de la nationalité empoisonne la campagne de Tidjane Thiam depuis plusieurs mois. Né en Côte d'Ivoire, l'homme politique a obtenu la nationalité française en 1987. Conscient de l'obstacle que représente la binationalité pour une candidature présidentielle en Côte d'Ivoire - où un candidat ne peut être binational - Thiam avait renoncé à sa nationalité française en mars dernier.
Cependant, ses détracteurs s'appuient sur l'article 48 du code de la nationalité ivoirien, datant des années 1960, qui stipule clairement que « l'acquisition d'une autre nationalité entraîne la perte de la nationalité ivoirienne ». Une disposition qui ne s'applique toutefois pas aux binationaux de naissance.
Face à cette situation, les avocats de l'ancien dirigeant du Crédit Suisse ont tenté de démontrer à la justice que leur client était également Français de naissance, par son père. Cette stratégie visait à prouver que Thiam n'aurait pas « acquis » la nationalité française en 1987, mais simplement fait reconnaître un droit préexistant. Une argumentation qui n'a pas convaincu le tribunal.
L'entourage de Tidjane Thiam dénonce depuis plusieurs semaines des « manœuvres » qu'il estime orchestrées par le pouvoir pour écarter sa candidature. Cette radiation intervient dans un contexte politique tendu, où plusieurs figures de l'opposition sont déjà empêchées de se présenter.
Selon les informations de Jeune Afrique et l'AFP, d'autres opposants de poids sont également inéligibles pour le moment : l'ex-président Laurent Gbagbo, son ancien bras droit Charles Blé Goudé et l'ancien Premier ministre Guillaume Soro, en exil, tous ayant été condamnés par la justice ivoirienne.
Cette nouvelle éviction d'un candidat d'opposition soulève des questions sur le pluralisme politique à six mois d'une élection présidentielle cruciale pour l'avenir de la Côte d'Ivoire.
LE PARI DE PAPE ALÉ NIANG
« La RTS était un média de propagande des régimes en place », affirme sans détour le patron du média audiovisuel de service public. Depuis sa nomination, l'ancien détenu politique s'emploie à déconstruire six décennies de formatage médiatique
(SenePlus) - Nommé à la tête de la Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (RTS) en mai 2024, Pape Alé Niang, journaliste emprisonné sous l'ancien régime, s'attelle à transformer un média longtemps considéré comme porte-voix du pouvoir en place en un véritable service public ouvert au pluralisme politique.
Le nouveau patron de l'organe audiovisuel du service public ne cache pas l'ampleur du défi qui l'attend, assumant pleinement sa mission : instaurer un véritable pluralisme politique dans le traitement de l'information. Une rupture nécessaire avec les pratiques antérieures puisque, comme il le souligne lui-même dans un entretien accordé au Réseau international des journalistes (Ijnet.org), « la RTS était un média de propagande des régimes en place et de leur Président » depuis l'indépendance du pays en 1960.
Les premiers signes de cette transformation sont déjà visibles. Le magazine "Pluriel", absent des écrans depuis douze ans, a fait son grand retour, rapporte Ijnet.org. Cette émission, comme son nom l'indique, offre un espace de débat où s'expriment tant les représentants du pouvoir que ceux de l'opposition et de la société civile. Dans la même veine, l'émission "Saytou" (qui signifie "décryptage" en wolof) propose chaque vendredi soir des discussions à micro ouvert sur des questions de société.
Cette nouvelle approche éditoriale se manifeste également par l'invitation régulière de personnalités de l'opposition, longtemps tenues à l'écart des antennes publiques. Selon les informations du Réseau international des journalistes, lors des réunions de rédaction, le directeur rappelle constamment à ses équipes les deux principes fondamentaux qui doivent guider leur travail : liberté et responsabilité. Une confiance totale est accordée aux journalistes de tous âges qui composent la rédaction.
À l'heure où la désinformation se propage à vitesse grand V sur les réseaux sociaux, Pape Alé Niang entend « bouger les lignes de l'information », comme le rapporte Ijnet.org. Il cite en exemple la couverture des élections législatives du 17 novembre 2024, un moment fort de la vie démocratique sénégalaise. Pour cet événement majeur, la RTS a déployé des équipes complètes (comprenant chauffeur, cadreur, journaliste et preneur de son) auprès de chacun des 41 partis en lice.
L'ambition du nouveau directeur dépasse les frontières nationales. D'après le Réseau international des journalistes, la RTS étend désormais son influence dans la sous-région. En mai 2024, une délégation s'est rendue en Gambie pour couvrir le 15ème Sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'Organisation de la coopération islamique (OCI). Un soutien matériel a également été apporté aux équipes de Guinée-Bissau pour optimiser leur couverture médiatique. « Notre expérience sert la CEDEAO par cette solidarité agissante qui est une obligation pour la RTS », affirme Pape Alé Niang, cité par Ijnet.org.
La détermination du nouveau directeur général puise sa source dans son expérience personnelle douloureuse. Fin 2022, sous le régime de l'ancien président Macky Sall, il a connu l'emprisonnement à la Maison d'arrêt et de correction de Sébikhotane à Rufisque. Des épreuves qui ont laissé des traces : après plusieurs grèves de la faim, il confie à Ijnet.org ressentir encore des séquelles physiques.
Il évoque avec émotion la visite de soutien du regretté Christophe Deloire, de Reporters sans frontières, durant cette période sombre. Même derrière les barreaux, le journaliste n'avait qu'une idée en tête : faire bouger les lignes au nom de la justice. « Nous avons vécu au Sénégal une folie, une barbarie de 2021 à 2024 en termes d'emprisonnements, de manifestants tués. À cette époque, on ne circulait pas librement dans les rues de Dakar, des chars militaires étaient partout présents, on vivait avec une pesanteur psychologique... », témoigne-t-il.
Présente dans les 14 régions du Sénégal et diffusant à travers 17 chaînes radiophoniques, la RTS prend aujourd'hui des « couleurs nouvelles » sous la direction de Pape Alé Niang, selon Ijnet.org. Ses ambitions sont à la hauteur des défis : faire de la RTS une chaîne médiatique d'envergure continentale, orientée vers la jeunesse et plaçant celle-ci au cœur de la production de l'information.
L'objectif ultime reste de servir la maturité démocratique d'un peuple sénégalais assoiffé d'information publique de qualité. Et ce, sans complexe vis-à-vis des médias occidentaux dont la couverture des réalités africaines demeure souvent limitée et biaisée, rapporte le Réseau international des journalistes.
La transformation de la RTS sous l'impulsion de Pape Alé Niang illustre ainsi la volonté de renouveau démocratique qui souffle sur le Sénégal, pays longtemps considéré comme un modèle de stabilité en Afrique de l'Ouest, mais qui a connu ces dernières années des tensions politiques importantes. Le pari est audacieux, mais comme le souligne Ijnet.org, le nouveau directeur général semble déterminé à le relever.
PAR AHMADOU ALY MBAYE
LES TENSIONS GÉOPOLITIQUES EN COURS ET LEURS IMPLICATIONS SUR LA CRISE DE LA DETTE AFRICAINE
Alors que le monde est actuellement secoué par une crise commerciale, provoquée par les droits de douane de la nouvelle administration américaine, les implications sur l’endettement des pays en développement semblent moins retenir l’attention.
Alors que le monde est actuellement secoué par une crise commerciale, provoquée par les droits de douane de la nouvelle administration américaine, les implications sur l’endettement des pays en développement semblent moins retenir l’attention. Pourtant, au-delà des conséquences de la crise sur le commerce international, celles sur la dette africaine risquent d’être plus dévastatrices.
La plupart des pays africains sont confrontés à des perspectives particulièrement sombres concernant la situation de leurs dettes souveraines. Une situation quelque peu similaire avait prévalu à la fin des années 90, mais avait pu trouver une solution durable, à travers l’initiative des pays pauvres très endettés (PPTE). Cette initiative a permis, au moment où beaucoup de pays en développement étaient proches d’un défaut de paiement, d’effacer une bonne partie du stock accumulé de leurs dettes publiques. En contrepartie, ces États s’étaient engagés à davantage soutenir les secteurs sociaux, comme l’éducation et la santé, sur les ressources ainsi économisées, au titre du remboursement de la dette. Sur les 39 pays bénéficiaires de l’initiative PPTE, les 36 (dont 30 pays africains), ont obtenu un allègement intégral de leur dette vis-à-vis du FMI et d’autres créanciers. Ce qui fait qu’entre 2001 et 2014, les réductions qui s’en sont suivies, en termes de service de la dette, sont estimées à 1,8% du PIB de ces pays (FMI 2016).
Cette bouffée d’oxygène ne durera cependant pas très longtemps ; le stock de la dette s’étant rapidement reconstitué pour mettre la plupart des pays africains dans une situation aussi délicate, sinon plus, vis-à-vis de leurs créanciers internationaux, actuellement que dans les années 2000. La Zambie s’est déclarée en défaut de paiement en 2020, avec une dette qui a atteint 129% de son PIB, tandis que d’autres pays – comme le Ghana, le Tchad, l’Éthiopie, le Malawi, le Kenya, l’Angola, et le Mozambique – négocient des programmes d’austérité avec leurs créanciers pour obtenir un rééchelonnement de leurs dettes.
La comparaison entre la configuration actuelle de la dette africaine et celle prévalant au début des années 2020 ne se limite pas à sa seule soutenabilité. Entre 2000 et 2020, la géopolitique mondiale s’est également considérablement modifiée, contribuant ainsi à rendre plus incertaines les perspectives de résolution durable de la crise de l’endettement.
Géopolitique et crise financière internationale
Certains récents développements politiques internationaux ont contribué à considérablement changer l’architecture financière internationale, sur les vingt dernières années. En 2000, très peu de gens pouvaient anticiper que la Chine deviendrait la deuxième puissance mondiale, dans un horizon assez court. Certes, les réformes entreprises par l’équipe de Deng Xiao Ping, depuis le début des années 80, ont marqué une rupture spectaculaire, tant en termes de stratégies de développement jusque-là mises en œuvre dans ce pays, qu’en termes de résultats. Entre 1979 et 1989, la Chine a ainsi pu doubler son niveau de PIB par tête en moins de 10 ans, là où il a fallu parfois cent ans aux pays de l’Europe occidentale pour le faire, après la révolution industrielle. Malgré tout, le géant asiatique, qui n’a adhéré à l’OMC qu’en 2001, était encore loin de devenir l’épicentre de l’activité manufacturière mondiale qu’elle est devenue seulement quelques années après. L’appétit venant en mangeant, la Chine ne fait plus aucun mystère de sa volonté de renforcer sa position économique, politique et militaire sur l’échiquier international.
Pour les pays africains, la Chine est devenue un des bailleurs les plus importants, sinon le plus important, même si les statistiques concernant ses engagements financiers internationaux sont plus qu’incomplètes. Selon une étude de Kiel Institute for the World Economy, l’aide publique de la Chine dépasse largement en volume celles des bailleurs bilatéraux occidentaux. D’autres pays se sont également manifestés comme des acteurs économiques et politiques de premier plan. C’est en particulier le cas de la Turquie, mais également des dragons asiatiques comme la Malaisie, l’Indonésie, le Vietnam, la Thaïlande, l’Inde, la Corée, etc. Ces pays sont en même temps devenus des bailleurs émergents, qui sont venus davantage complexifier l’architecture financière internationale, la métamorphosant significativement en moins de 20 ans.
Sur un autre plan, les capitaux privés ont considérablement investi les marchés financiers africains, y changeant complètement la configuration de la dette souveraine. Les créanciers privés représentent 44% de la dette totale africaine, générant des intérêts supérieurs à 10% des recettes budgétaires totales, dans au moins 20 pays africains (UN Global Crisis Response Group). En effet, les prêts publics concessionnels, réputés plus doux (longue durée de paiement, faibles taux d’intérêt, importants différés de paiement, etc.), ont progressivement cédé le pas aux créances privées correspondant à des maturités plus courtes et à des taux d’intérêt plus élevés. De plus, les États débiteurs ont beaucoup moins de marges de manœuvre pour discuter de réaménagement, encore moins d’effacement de la dette, avec les créanciers privés.
Cette diversification de l’écosystème financier international a rendu les négociations multilatérales pour trouver des solutions à la crise de l’endettement, plus difficiles. L’initiative PPTE a été facilitée par le fait que la majeure partie de la dette des pays africains était due à des créanciers publics, presque tous membres du Club de Paris. Avec la nouvelle configuration du marché de la dette, le jeu des acteurs est devenu plus complexe. Par exemple, la Chine considère la gestion de sa dette comme relevant de sa souveraineté nationale et exclut, par conséquent, toute concertation multilatérale la concernant. D’un autre côté, les bailleurs occidentaux considèrent que négocier de la dette des pays en développement sans la Chine, qui est devenue un créancier majeur, conduirait à une situation où les pays débiteurs pourraient utiliser les économies réalisées, avec les éventuelles réductions de dette, pour augmenter leurs engagements vis-à-vis de Pékin. Ce, d’autant plus que les dettes contractées vis-à-vis de ce pays, sont suspectées par les occidentaux d’être « très peu transparentes ».
Une autre complication découle du fait que, dans les années récentes, beaucoup de pays en développement en sont arrivés à s’endetter à des taux d’intérêt plus faibles, pour rembourser les prêts à taux d’intérêt plus élevés. Ce qui constitue une menace sur les prêts concessionnels, de plus en plus, vus comme des subventions octroyées aux créanciers privés pratiquant des conditions de prêts plus onéreuses.
Enfin, le privé lui-même, constatant que les nouveaux prêts contractés par les pays en développement, servent non pas à financer l’investissement, mais à rembourser des prêts antérieurs ou à faire face aux charges courantes, tend à diminuer ses engagements vers ces pays. Ils y anticipent, en effet, un ralentissement de la croissance, qui à son tour, réduirait la capacité des pays en développement à honorer leurs engagements financiers.
Avec les récentes tensions diplomatiques découlant des droits de douane de la nouvelle administration américaine, la méfiance entre les principaux acteurs de l’architecture financière internationale ne fera que se renforcer. Étant donné que ces mêmes droits de douane font voler en éclat le bloc occidental, jusque-là assez soudé, l’imbroglio de l’écosystème financier international risque de se transformer en une situation carrément chaotique.
Le cas du Sénégal
Depuis la survenue de la dernière alternance politique, le Sénégal a opté pour un profil de la dette qui évolue davantage vers les prêts d’origine nationale et communautaire. La récente levée de ressources financières provenant du marché régional est une bonne illustration de cette démarche. Cette option politique permet une meilleure couverture contre le risque de change, avec la mobilisation de flux financiers libellés en monnaie locale. Un autre avantage, plus fondamental, à mon avis, est la mobilisation de l’épargne locale jusqu’ici très faible, et qui a été le moteur du financement de l’investissement dans les processus d’émergence observés partout ailleurs dans le monde, depuis la révolution industrielle.
Quelques points d’attention devraient, cependant, être observés. D’une part, il faut s’assurer que la mobilisation de l’épargne pour financer les investissements publics ne se fasse pas au détriment de l’investissement privé. Dans ce cas, en effet, on aurait qu’une substitution entre les deux formes d’investissements (effet d’éviction), sans grand impact sur le processus de développement. D’autre part, il faut s’assurer que l’épargne ainsi mobilisée serve prioritairement à financer les investissements, et non les charges courantes. En effet, si on s’endettait juste pour payer des salaires et couvrir les autres dépenses courantes, cela saperait les capacités de remboursement de la dette, même contractée en monnaie locale, et menacerait le système financier national.
Enfin, étant donné les besoins d’investissement (estimés à 402 milliards USD par la BAD pour le continent africain) auxquels le pays doit faire face, le recours aux prêts concessionnels sera incontournable, pour financer le développement du pays. Une stratégie agressive d’accroissement de l’accès à ce type de fonds doit également être considérée.