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1 mai 2025
Éducation
PAR Annie Jouga
POUR UN VRAI PROJET D’ÉCOLE
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – On sent l’angoisse de ces jeunes qui se demandent ce que vaudra cette d’année sous Covid. Cette période, et nous devons leur faire comprendre, ne doit pas être source de relâchement mais de dépassement
#SilenceDuTemps - À Gorée, le confinement est de fait depuis trois semaines, ne rentrent dans l’île que ceux qui y habitent. La situation est sous contrôle si on peut dire car faisant preuve depuis le début d’une grande vigilance. L’île s’est construite en se protégeant des intempéries avec ses barrières de pierres, les maisons se sont construites autour d’un cœur de patio et/ou jardin protégeant la vie de ses habitants, malgré le vis-à-vis des façades extérieures.
Elle jouit de sa réputation légendaire qui fait dire « ouvrir une bouteille de champagne à la goréenne », suggérant par là sans que personne à l’extérieur ne l’entende.
Bref, Gorée pourrait être un bel échantillon pour repousser les limites de ce virus, et si le pays en avait les moyens un bon terrain pour pratiquer les tests à l’ensemble de la population.
Mais à défaut, l’équiper entièrement de masques. Ce que nous allons tenter, question de renforcer les gestes barrière et ne pas arriver à la situation où on dira : « tousser/éternuer à la goréenne ! »
Mon amie Tiatiaka qui très tôt le matin a l’oreille vissée à la radio en entend des vertes et des pas mûres. Ce matin, un (faux) marabout à propos de la Covid semblait très au courant : « puisque le virus touche plus les femmes que les hommes alorsdjigeen dafa woro’nn tog’ keurgui ! » Mana, les femmes çà doit rester à la maison…
Le fou ! Il n’a pas l’air de voir autour de lui que sans les femmes très peu de DQ (dépense quotidienne).
Et des sornettes pareilles, il y en a plein, semble-t-il le matin surtout, mais pas seulement le matin. On a eu droit il y a très peu de temps à un vrai-faux médecin qui s’est payé plusieurs plateaux de TV … En donnant la parole à n’importe qui, la presse se nuit à elle-même.
J’ai fait ma sortie de la semaine pour la préparation du repas de Pâques qui sera réduit à sa plus simple expression. Je suis allée chercher les ingrédients pour accompagner les cuisses de canard de la mère Mich’.
Bien masquée, j’ai enfin vu comment mettre ce masque dans le bon sens. Me voilà dans les rues de Dakar, toujours et encore avec ses marchands ambulants, ses commerçants sur le pas de leur porte et des gens comme moi je suppose, qui vont et qui viennent pour ceci, pour cela.
Plus nombreux sont ceux qui maintenant portent un masque, geste appréciable. Mais pour réussir à respecter la distanciation sociale, il m’a fallu faire un véritable gymkhana, allant de gauche à droite et je me suis même retrouvée souvent au milieu de la chaussée quand devant moi, les trottoirs et bords de chaussée trop encombrés.
Cette fois-ci je me suis passée du chariot du magasin et j’ai mis mes achats directement dans mon propre panier. « S’il y a des caméras peut-être penseront-ils que je suis en train de chaparder des marchandises ! » À la caisse, j’ai ouvert grand et présenté mon panier vidé à la caissière et j’ai bien compris qu’elle était sur un autre nuage que le mien.
Il y a une dizaine de jours, un de mes immeubles voisins que je vois bien depuis mon poste de travail a changé de couleur. Le seul immeuble de ce gabarit-là, R+2 coincé entre 2/3 immeubles de 5 à 8 étages. Il est à l’angle de deux rues, au rez-de-chaussée de la pharmacie, avec des murs revêtus de grands carreaux beiges et les autres niveaux sont maintenant peints en … noir ! De loin, j’aime bien. Cela est vraiment étrange à Dakar, peut-être le seul à être ainsi d’ailleurs ; je serai curieuse de savoir ce qui a guidé le propriétaire et surtout comment réagissent entourage et passants ; mais au fait, l’ont-ils même remarqué ?
Jour 18
Aujourd’hui, vendredi saint pour certains, mais pour tous c’est « ngalax ». Les curés avaient demandé puisque le pays est en crise, d’éviter ce ballet de bouteilles allant des maisons des catholiques vers celles de leurs parents, voisins, amis … de toute autre religion… hum ! Même le journal TV du soir en a fait un élément assez long.
Et cette blague sur les réseaux sociaux d’une bonne dame qui menace depuis une semaine les faiseurs de « ngalax ». Covid ou pas, elle veut le sien ! À mourir de rire. D’ailleurs, je ne me suis pas gênée de la partager, cette vidéo avec mon curé préféré et lui de me répondre d’un anodin SMS : « c’est quoi la suite ? »
J’ai fait le mort 3/4 jours puis je l’appelle avant hier et avant même de ne pouvoir lui dire « bonjour », il m’interpelle : « en tout cas, j’attends mon ngalax » ! c’est un grand plaisantin.
Adeye Ababa la plus catho’ d’entre nous a fait livrer dans toutes nos maisons une bouteille remplie de ngalax dans la pure tradition de Mamina, comme le fait remarquer Mamilou et dans le respect du geste barrière ; elle ne sera pas la seule à avoir transgressé … LOL
Qui peut me dire combien de temps durant une journée son attention est totalement déconnectée de cette terrible actualité ? Ceux-là ne seront pas nombreux hélas. Notre parisien de fils lui décide de ne plus écouter ni regarder la TV…, et pourtant quand tous les jours nous échangeons longuement, c’est toujours autour de cette actualité-là qu’il nous entraîne ! « dax’i covid daal… dafa metti ! »
Difficile de lui tourner le dos à cette actualité, il faut donc l’apprivoiser, la contourner, la caresser non pas dans le sens de son poil, mais du nôtre et à chacun sa mesure, ne pas la subir surtout.
J’ai passé beaucoup d’heures avec les étudiants sur Skype en réunion. C’est fastidieux et en même temps stimulant ; derrière l’écran on sent l’angoisse de ces jeunes-là qui se demandent ce que vaudra cette d’année, Licence, Master ? Il faut donner le meilleur de soi, sévère, et en même temps lâcher du lest sur les retards et pas trop par exemple, mais pas sur la qualité, la rigueur. Cette période, et nous devons leur faire comprendre, ne doit pas être source de relâchement, mais de dépassement. Certains sont encore des gamins en manque de maturité. J’ai la mauvaise manie de vouloir les materner, mes chers confrères « rectifient » quand je pousse un peu trop ! Je n’ai pas vraiment la fibre de l’enseignant, mais les résultats sont palpables et cela est gratifiant.
Cette période doit nous faire accoucher d’un vrai projet d’école, qui couve de toute façon depuis quelque temps.
Épuisée vous ai-je dit par ces longues séances de Skype-cours et rêvant de me vautrer dans mon canapé anti-C.
Mais une petite voix est venue me réveiller de mon rêve. Vous devinez que Djélika est là, finie la fatigue. Nous avons passé un grand moment de l’après-midi avec le Papi Viou, deux neuneus de grands-parents à jouer, chanter, danser, courant après pigeons et lézards sur la terrasse … bref le bonheur !
Réactions,
Corrections,
Suggestions
J’entends et apprécie toutes les observations faites à mes posts que je vous impose !
Merci.
Annie Jouga est architecte, élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle est administratrice.
D’après les résultats provisoires du baccalauréat 2021, le taux de réussite est de 37,65%, un peu comme en 2019 où il était à 37,22%. En effet, les candidats au bac de cette année, sont restés plus de 8 mois sans aller à l’école à cause de la fermeture des établissements scolaires en raison de la survenue de la covid-19 au mois de mars 2020. Ils n’ont repris les cours qu’au mois novembre 2020 avec un mois de rattrapage, selon les autorités. En 2020, le taux de réussite au bac était officiellement de 48,22%, un pourcentage jamais atteint. Mais pour les acteurs de l’éducation, c’est parce que seuls les élèves en classes d’examen avaient repris les cours en juin 2020 pour préparer les examens et tous les efforts étaient concentrés sur eux. Interpellés sur le recul de cette année, le secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal (SAEMSS), Saourou Sène, et le secrétaire général du Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire (CUSEMS), Abdoulaye Ndoye, soutiennent que ce n’est pas une surprise. Selon eux, l’année 2020 a montré que si les enseignants du Sénégal sont mis dans de bonnes conditions de travail avec des effectifs réduits, ils feront de bons résultats.
SAOUROU SENE SECRETAIRE GENERAL DU SAEMSS : «Les résultats ne pouvaient pas être comme ceux de l’année dernière»
L’année dernière, on était à 48,22%. C’était mille fois meilleur mais c’était normal parce que c’était une année d’exception. Les candidats du bac comme du Bfem ont bénéficié d’un taux d’encadrement jamais égalé dans le système éducatif sénégalais. On a fermé toutes les écoles et on a permis aux élèves des classes d’examen de venir l’école et on avait 20 élèves par classe. Tous les professeurs encadraient ces élèves.
Les résultats ne pouvaient être que bons. Cette année, ce n’est pas le cas. On a repris la méthodologie classique. C’est-à-dire avoir tous les effectifs avec des classes pléthoriques. Même s’il n’y a pas de perturbations, les résultats ne pouvaient pas être comme ceux de l’année dernière. La première lecture à tirer de ça, c’est que quand vous mettez les enseignants du Sénégal dans des conditions de travail avec des effectifs réduits, ils vous font des résultats mais quand vous avez toujours des pléthores dans les classes, le taux d’encadrement n’est pas si efficace que ça. Voilà pourquoi les résultats de cette année ressemblent aux résultats de 2019. Pour pallier à ça, il faut que le gouvernement se rappelle qu’il nous faut plus d’infrastructures scolaires. C’est une façon d’éclater les classes. Il faut recruter plus d’enseignants et les motiver parce que la question de la motivation se pose aujourd’hui avec acuité. Lorsque le gouvernement s’est rendu compte de l’iniquité qui frappe le système de rémunération des agents de l’État, il devait aller dans le sens de corriger cela pour redonner à l’enseignant le pouvoir d’achat qu’il mérite. A partir de ce moment, ces seuls efforts seront concentrés sur l’éducation. Mais si vous laissez l’enseignant végéter dans une situation de conjoncture comme celle que nous vivons, il a aussi bien des préoccupations pédagogiques que des préoccupations sociales et sociétales. A partir de ce moment, le rendement ne peut pas être le même s’il était dans des conditions acceptables.
La deuxième lecture, c’est qu’aujourd’hui, l’école est fortement concurrencée par les réseaux sociaux. Le taux d’encadrement à la maison doit être revu à la maison parce que les élèves ont aujourd’hui un monde qui s’ouvre sur eux et qui donne sur l’Internet et dans ce monde de l’Internet, tout n’est pas bon pour l’élève ou pour l’enfant. Mais, est-ce nous, enseignants et parents d’élèves, nous avons suffisamment de temps d’encadrer plus efficacement l’enfant pour lui éviter de perdre du temps ? Toutes ces questions-là doivent être analysées lucidement pour que nous puissions réorienter ce qui mérite de l’être et ce n’est qu’à ce prix là que nous ferons échec à cet échec qui est constaté.
ABDOULAYE NDOYE, SECRETAIRE GENERAL DU CUSEMS : «2020 ne peut pas être une année exceptionnelle»
Depuis 2010 jusqu’à aujourd’hui, les résultats du bac ne dépassent pas 35%. 35% de réussite au bac, cela veut dire qu’on a 65% d’échec pour un système éducatif qui engloutit plus de 500 milliards comme budget. Le budget de 2021, c’est 545 milliards. Maintenant, pendant longtemps, le gouvernement a pointé du doigt accusateur en disant que ce sont les grèves des enseignants qui sont à l’origine des mauvais résultats. Mais, il y a eu des années où il n’y a pas eu de grève mais les résultats étaient mauvais. C’est pourquoi, nous avons dit qu’il faut une étude scientifique et objective. De manière générale, pour le premier tour du bac, les résultats tournent autour de 15 et 22%.
En 2020, au premier tour, on a eu 22%. Le premier tour, souvent, ce sont les meilleurs qui passent. Ce sont les résultats du second tour qui peuvent doubler ou tripler les résultats du premier tour. De ce fait, en 2020, on a eu 22% au premier tour mais pour les résultats définitifs, on a eu 48,22% contre 37,8% en 2019 et en 2020, on a eu 94 mentions très bien. 2020 ne peut pas être une année exceptionnelle. Même en France, on parle de record parce qu’on a eu 95% de taux de réussite toutes séries confondues. Donc, la covid de l’année dernière a fait le diagnostic du système éducatif parce que ce sont les élèves en classes d’examen qui ont repris les cours le 25 juin et on a diminué les effectifs. 20 élèves par classe parce que nous avions dénoncé les effectifs pléthoriques, les classes de Terminale de 90 à 100 élèves. Cela ne milite pas en faveur d’un enseignement de qualité. La maîtrise des effectifs également est un intrant de qualité. L’année dernière, on a réduit les effectifs mais on a également diminué la charge de travail des enseignants. Donc, il y a eu la réduction du temps d’apprentissage. On a également réaménagé les programmes parce qu’on a des programmes souvent trop volumineux. Il y a également l’engagement de la communauté, l’encadrement rapproché. C’est pourquoi, pour le bac l’année dernière, on a eu 46%. Ça veut dire que l’environnement scolaire est un intrant de qualité.
De manière générale, si les conditions d’études sont améliorées, si l’enseignant est mis dans de bonnes conditions, il fera de bons résultats. On peut aussi noter les conditions d’évaluation et de manière générale, si les conditions d’études sont améliorées, on fera de bons résultats. Malheureusement, ce dispositif qui a été pris en 2020 pour accompagner les enseignants, n’a pas été reconduit en 2021. Maintenant, jusqu’à présent, il n’y a pas encore de résultats officiels comme 2021. Nous attendons les résultats officiels du premier et du second groupe pour pouvoir faire une analyse scientifique, rigoureuse et objective. Nous pouvons dire de manière générale, au Sénégal, si l’enseignant est mis dans de bonnes conditions, il fera de bons résultats. Ils l’ont prouvé l’année dernière. Maintenant, c’est au gouvernement d’en tirer tous les enseignements. Il y a également la motivation des enseignants. Tout cela fait partie des conditions qui peuvent améliorer les résultats des examens.
VIDEO
LE BOUT DE MON CRAYON DANS LES MAUX LA SOCIÉTÉ
Avec son crayon, Adama Mbow dessine en plus des portraits de quelques figures de la vie publiques, mais aussi des réalités sociales. Le jeune pousse du crayonnage se veut être la voix des sans voix en dénonçant des injustices sociales
Dans la deuxième partie de cette entrevue (Voir la vidéo), le jeune étudiant nous parle du pouvoir de l'oeuvre d'art : la capacité à provoquer de l'émotion chez une personne, la capcité d'apporter un soulagement queluconque comme dans le cas de l'art-thérapie. Les sens et les facultés intellectuelles d’Adama Mbow sont en alerte maximale quand il est plongé dans la réalisation de ses œuvres. Sa mémoire fonctionne presque de son plein potentiel.
«Au moment où je dessine je capte, si vous me dite une chose, je peux retenir cette chose-là. Il y a beaucoup de mes dessins, ça crée des souvenirs», confie-t-il. Souvent sollicité pour des portraits, certaines œuvres d'Adama peuvent parfois provoquer une intense émotion chez ses interlocuteurs, en l’occurrence des femmes. Adama Mbow déplore les diffucultés liés ua crayonnage au Sénégal, notamment le manque de matériel. Selon lui dans les années à venir le Sénégal pourrait atteindre le niveau du Nigeria dans le domaine du crayonnage.
UN NOUVEL OUVRAGE RÉHABILITE CARABANE EN ÎLE-MÉMOIRE
L’universitaire sénégalais Raphaël Lambal, auteur d’un album cartonné de 130 pages consacré à l’île de Carabane, s’inscrit par ce livre dans une entreprise de valorisation du patrimoine en danger de la Casamance, la région méridionale du Sénégal.
Dakar, 11 août (APS) - L’universitaire sénégalais Raphaël Lambal, auteur d’un album cartonné de 130 pages consacré à l’île de Carabane, s’inscrit par ce livre dans une entreprise de valorisation du patrimoine en danger de la Casamance, la région méridionale du Sénégal.
Intitulé "Carabane l’île mémoire", cet ouvrage publié aux éditions "L’harmattan France", le 6 juin dernier, est désormais disponible au Sénégal.
Il est présenté comme un livre d’art, mais surtout un ouvrage de valorisation de la mémoire de l’île de Carabane, "un lieu chargé d’histoire tombé dans l’oubli", en Basse Casamance.
Selon Raphaël Lambal, ce livre se veut aussi "une réponse au besoin urgent de savoir et de mémoire et surtout de valorisation du patrimoine en danger de Carabane et de la Casamance".
Tout est parti d’une visite effectuée par l’auteur à Carabane, en 2011, en compagnie d’invités venus participer à un colloque sur Andrée Malraux à l’Université Assane Seck de Ziguinchor.
"J’ai organisé une visite découverte de la Casamance avec ces homologues, on est parti à Carabane. J’étais très déçu une fois sur les lieux, car on n’a pas trouvé sur place une personne-ressource pour parler de l’histoire de Carabane, c’était très gênant", se rappelle l’universitaire dans un entretien avec l’APS.
Raphaël Lambal a alors décidé d’écrire sur Carabane. "Pourtant, je ne suis pas historien de formation", précise l’auteur, enseignant-chercheur de littérature française moderne et contemporaine et critique littéraire à l’Université Assane Seck de Ziguinchor.
Et pendant sept ans, il s’est documenté sur la question, s’imprégnant aussi de ce lieu pour mieux saisir ce qu’il représente en termes d’histoire, comme mémoire.
Car du milieu du XIXe siècle jusque dans la première moitié du XXe siècle, Carabane était considérée comme l’île de toutes les rencontres, de tous les échanges et brassages en Sénégambie méridionale entre l’Europe et l’Afrique.
Le livre préfacé par le professeur Ibrahima Thioub, historien et ancien recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, retrace "la trajectoire de cette île au passé légendaire dont l’histoire et la mémoire comptent pourtant parmi les racines de notre présent".
La première partie relate l’histoire de Carabane, de la naissance de l’île et de sa création comme capitale administrative de la Basse Casamance jusqu’à son déclin en 1908, au moment du transfert de la capitale de Sédhiou à Ziguinchor.
La nouvelle capitale va connaître un essor important entrainant ainsi la chute de Carabane et son oubli.
La deuxième est consacrée à l’héritage patrimonial de l’île, car "l’histoire de Carabane a laissé sur place des bâtiments, des places culturelles et religieuses parce que c’est à partir de Carabane que le christianisme est entrée en Basse Casamance et l’islam aussi", explique Raphaël Lambal.
Le livre rangé dans la catégorie des "beaux livres d’art", a une triple dimension, un volet historique à travers l’évocation de la mémoire de ce lieu, une dimension valorisation du patrimoine et de cultures et une dimension littéraire.
Le Sénégal, dans ses premiers contacts avec l’artillerie occidentale, n’aurait retenu que deux points, Gorée à l’Ouest, et Saint-Louis au Nord, "mais en écrivant ce livre, je me suis rendu compte qu’il y a trois points de contacts, Saint-Louis, Gorée et Carabane qui a joué le même rôle que les deux premiers", explique-t-il.
Il soutient que ce livre est "fondamental parce qu’il est à la fois de l’histoire et également de la mémoire".
Aussi interpelle-t-il l’Etat pour une requalification de Carabane afin que l’île puisse jouer le même rôle que Gorée et Saint-Louis.
"Aujourd’hui, on parle de Gorée et de Saint-Louis parce qu’on les a inscrits au patrimoine mondial de l’humanité, Carabane a eu le chemin inverse, il est complétement plongé dans l’oubli", a-t-il relevé.
"Nous avons un devoir de mémoire, il faut réhabiliter ce site pour qu’il ait un statut comme Gorée et Saint-Louis, parce qu’il a agi au même titre que ces sites", plaide Raphaël Lambal, selon qui la requalification de Carabane devrait lui ouvrir de nouvelles perspectives en termes de valorisation de cette île "porteuse de notre histoire".
Dans le cadre de ce travail sur Carabane, l’auteur a bénéficié du soutien de l’université Assane Seck de Ziguinchor, de la direction du livre et de la lecture, des municipalités de Oussouye et Djimbéring et de l’Agence sénégalaise de la promotion touristique (ASPT).
Raphaël Lambal, docteur ès Lettres de l’Université Paris III-Sorbonne Nouvelle, est aussi un spécialiste de André Malraux, écrivain et homme politique français, également ancien ministre de la Culture.
Il a inauguré avec Léopold Sédar Senghor le premier Festival mondial des arts nègres, le 30 mars 1966.
LES DISPARITÉS SOCIALES EN LIGNE DE MIRE
La mise en œuvre d’une politique d’harmonisation du port vestimentaire en milieu scolaire dont l’application de la première phase est prévue à partir de la rentrée prochaine devrait, à terme, résoudre les disparités notées au niveau social, indique le min
Dakar, 11 août (APS) - La mise en œuvre d’une politique d’harmonisation du port vestimentaire en milieu scolaire dont l’application de la première phase est prévue à partir de la rentrée prochaine devrait, à terme, résoudre les disparités notées au niveau social, indique le ministre de l’Education nationale
’’La question de l’équité se pose encore avec les disparités notées au niveau social que l’espace scolaire doit contribuer à atténuer grâce à la mise en œuvre d’une politique d’harmonisation du port vestimentaire pour lutter contre le creusement des inégalités sociales au niveau des enfants’’, peut-on lire dans un document portant sur le Programme national de dotation des établissements en tenues scolaires.
Ce programme qui sera mis en place en partenariat avec le ministère de l’Artisanat et de la Transformation du secteur informel va mobiliser 30 milliards de francs CFA durant trois ans (2021-2023), soit 10 milliards par an, selon le ministère de l’Education nationale.
’’Dans la première phase de la mise en œuvre qui concerne les écoles publiques du préscolaire et de l’élémentaire, le port de tenue scolaire doit être mis en application dès la rentrée scolaire 2021-2022’’, précise-t-on de même source.
Concernant les écoles du secteur privé, le document précise que ’’les initiatives en cours en matière de port de tenue scolaire seront poursuivies pour une généralisation prévue à la rentrée scolaire 2023-2024’’.
’’Ces tenues (2 chemises pour les garçons et 2 blouses pour les filles) doivent être conçues avec un tissu en coton et se limiter aux 5 couleurs de base retenues à savoir : bleu, beige, vert, jaune et marron", poursuit le texte, en précisant que ’’le choix de la couleur est laissé à l’appréciation de l’académie’’.
Outre l’objectif consistant à favoriser l’accès et le maintien scolaires des couches vulnérables par un ’’allègement des charges parentales’’, ce programme devrait également contribuer à une ’’relance économique par le renforcement de l’entrepreneuriat local", relèvent les responsables chargés de sa mise en œuvre.
Ils ajoutent par ailleurs que ’’l’uniforme scolaire constitue un levier important pour créer une atmosphère de travail et de discipline’’, permettant aux élèves d’installer de bonnes habitudes comportementales, de développer le savoir-vivre, en évitant ’’d’accorder de l’importance à l’aspect matériel ou au port vestimentaire des camarades’’.
Selon le même rapport du ministère de l’Education nationale, le port de l’uniforme augmente ’’la sécurité de l’élève’’ dans l’espace scolaire comme sur le chemin de l’école et aide à repérer facilement un intrus.
De même, en situation d’urgence, la tenue scolaire peut faciliter ’’l’identification’’ de la victime et aider ainsi à (disposer) des contacts nécessaires.
PAR HAWA BA ET RENÉ LAKE
LES EXIGENCES DE BON SENS
POINT DE MIRE SENEPLUS - Dépasser la simple cartographie des obstacles au développement. Mettre en avant les actions fédératrices. Décoloniser la pensée, l’action publique et individuelle. Approfondir ainsi le processus qui mène à la décolonialité
SenePlus publie ci-dessous la préface de l’ouvrage collectif "Enjeux 2019-2024, Sénégal, réflexions sur les défis d’une émergence" publié aux éditions L’Harmattan sous la direction de René Lake. L’une des dédicaces de ce recueil d’essais indique clairement l’orientation général de ce texte : "À tous les Sénégalais et amis du Sénégal qui ambitionnent des choix nouveaux afin de tourner le dos à la gestion de la misère pour une exploration commune de toutes les voies endogènes de développement harmonieux basé sur le bon sens collectif".
Où pose-t-on le pied pour aller vers le développement ? À la fourche du sentier tracé dans la savane aride, dans quelle direction s’engager pour déboucher sur l’émergence ? Au-delà des mots, des slogans et des vœux pieux, comment enfourcher le cheval de bataille pour la construction d’un futur collectif qui nous sorte de l’attentisme dans lequel nous engluent les prétextes de l’histoire d’hier et ceux de la misère d’aujourd’hui ? Les campagnes électorales offrent l’opportunité de voir fleurir toutes les réflexions et tous les engagements pour un vivre ensemble. Pour un construire ensemble.
Le 24 février 2019, le Sénégal organisait sa onzième élection présidentielle depuis son accession à l’indépendance. Un exercice routinier pour un pays présenté comme l’une des locomotives en matière de gouvernance avec une dixième place et une moyenne globale de 61,6/100 dans le dernier indice de la gouvernance Mo Ibrahim, publié en novembre 2018. Le Sénégal a une longue tradition d’organisation d’élections diverses, organisées à intervalles réguliers et disputées entre différents partis politiques, coalitions ou citoyens indépendants.
Et pourtant, paradoxalement, les rendez-vous électoraux sont toujours un moment de cristallisation. Ils révèlent des vulnérabilités institutionnelles et sociales qui, pour certains, portent potentiellement le risque de saper les fondements de l’État-nation.
L’élection de 2019 n’a pas dérogé à la règle, avec une période préélectorale marquée par des défis anciens et nouveaux qui ont nourri de fortes tensions socio-politiques. Encore une fois, la présidentielle a été marquée par de profonds désaccords sur les règles du jeu électoral portant, d’une part, sur les modalités de participation des citoyens électeurs et des potentiels candidats (inscription et distribution des cartes d’électeur, loi sur le parrainage, poursuites judiciaires), et d’autre part, sur les conditions d’organisation de l’élection (fichier électoral, rôle du ministère de l’Intérieur, de la Commission électorale nationale autonome [CENA], du Conseil national de régulation de l’audiovisuel [CNRA] et du Conseil constitutionnel). En cette absence de climat de confiance autour du processus, voilà que les enjeux autour de l’élection risquaient d’être confinés à la procédure, renforçant la thèse que le pays n’est encore qu’une démocratie procédurale.
La Grande Nuit
L’année 2020, c’est celle du soixantième anniversaire de l’indépendance du Sénégal. À l’unisson, plusieurs pays africains fêtent la fin, depuis plusieurs décennies, de l’odieuse période coloniale. Ce pan de l’histoire, coloré d’une multitude de crimes et d’attaques à la plus élémentaire humanité des soumis, semble se prolonger et rendre bien difficile la sortie du continent noir de la Grande Nuit.
Au milieu du grand sommeil, c’est le cauchemar sans fin de la haine de soi qui hante nos esprits. Il ne s’agit plus de se dresser contre le colon et le colonialisme, mais de se redresser pour s’extraire des effets et méfaits du passé qui prolongent au présent l’épaisseur de la nuit.
C’est ce sommeil qui explique qu’une figure importante de l’élite puisse publier ses mémoires post-indépendance et faire référence exclusivement au jugement laudateur porté sur son action par des Français. La caricature va jusqu’à ne citer, sur plus de 350 pages, que des auteurs de ce qu’était la métropole avant les années 60.
C’est ce sommeil qui justifie la violence, psychologique, émotionnelle et intellectuelle sans nom qui se poursuit depuis 60 ans dans l’initiation des enfants au savoir et à la connaissance. Dès leurs premiers contacts avec l’école, leur univers mental est façonné avec brutalité dans une langue étrangère à l’écrasante majorité de la société qui est la leur. Dans la plupart des cas, le choc est tellement insupportable que les adultes qu’ils deviendront n’y feront jamais référence. Quelle manière habile de ne jamais questionner l’absurdité d’un système qui refuse les évidences de bon sens !
C’est ce sommeil qui prolonge l’extraversion monétaire. À grande échelle, comme nulle part ailleurs, le lien ombilical avec la métropole ancienne est maintenu par un instrument d’échange dont le seul avantage est d’inciter à l’importation et de favoriser le rapatriement à l’extérieur des revenus générés dans l’ancienne colonie. Les élites d’ici et de toute l’Afrique francophone ont pourtant l’illusion d’être bénéficiaires de cet instrument qui hypothèque en fait toutes les chances d’un développement économique. L’inexistence d’un tel modèle sur le reste de la planète ne semble pas inciter au réveil.
C’est ce sommeil qui perpétue le renoncement à assurer sa sécurité pour la confier à l’ancienne puissance coloniale tout en sachant que les interventions militaires unilatérales sont toujours rejetées par les peuples. L’argument est celui du réalisme pour des micro-États d’une Afrique balkanisée qui n’ont pas les moyens de se défendre face à des attaques extérieures. Cette approche est à contre-courant de l’histoire qui suggère l’alternative d’une coalition internationale dans laquelle l’ancien colonisateur n’a pas toute la marge de manœuvre. Cette « multi-dépendance » est une alternative bien plus réaliste et constructive que celle générée par la prolongation des interventions unilatérales françaises en Afrique.
Cet ouvrage collectif ne revient pas sur la topographie des complexes du colonisé qui empêchent le développement. Des tonnes de pages ont déjà été écrites sur ce drame des opprimés. Cette compilation de textes écrits avec des sensibilités différentes ambitionne plutôt de dépasser la simple cartographie des obstacles et des freins au développement et de mettre en avant les exigences de bon sens qui pourraient être fédératrices d’une action commune. Elle prétend participer de manière hardie à décoloniser la pensée et l’action publique et individuelle. Les exigences de bon sens apparaîtront clairement au fur à mesure de l’approfondissement du processus qui mène à la décolonialité.
Dans les centaines de pages qui suivent, il ne s’agit pas de déférer aux passions des auteurs au lieu d’employer leur raison. L’ambition est d’entretenir une réflexion commune, mais plurielle sur notre présent et notre futur communs. L’espoir est de générer de la lumière plutôt que de diffuser de la chaleur qui attise les contradictions. Cependant, il n’est pas question pour autant d’effleurer les sujets et de les survoler sans en affronter les écueils.
Un groupe de citoyens concernés
Les résistances à la réflexion autonome, au développement d’une pensée et d’une action endogène sont multiples et multiformes. Le courage des auteurs est mis à l’épreuve. Le test est vite passé parce qu’il s’agit d’un groupe de citoyens concernés qui vivent dans leur quotidien leur désir de progrès pour tous. Tous s’accordent à dire que l’état dans lequel se trouve le pays est le résultat de choix. Les choix auraient pu être différents. Mais aujourd’hui, la posture de victime n’est pas une option. Des dynamiques internes doivent initier des mouvements endogènes susceptibles de réparer les blessures infligées par d’autres, mais également, aujourd’hui, principalement par nous-mêmes.
L’expression du moindre changement qui profiterait au plus grand nombre est souvent castrée sous un label disqualifiant. Tantôt c’est une référence au populisme, au gauchisme, à une certaine radicalité idéaliste ou encore à une forme d’extrémisme destructeur. Peu importe si le changement préconisé relève du simple bon sens et de l’évident intérêt du plus grand nombre, pour ne pas dire de l’ensemble de la communauté.
Autre stratégie des conservatismes : s’opposer au changement, à l’évolution, au nom de la tradition, de l’héritage ancestral. L’idée est toujours la même : hier, c’était mieux. Préserver le passé, avancer en reculant vers des pensées et pratiques rétrogrades, c’est toujours mieux parce que cela maintient le système en l’état et continue de bénéficier à ma caste, à ma secte, à mon groupe, à ma classe. Et puis les références d’hier sont connues. Les changer, les modifier, y compris, pour les améliorer significativement, fait prendre le risque de l’inconnu qui pourrait remettre en question non seulement l’ordre établi, mais aussi la hiérarchie des pouvoirs anciens.
Toutes ces formes de lutte contre le progrès sont vivaces et pleines d’énergie dans notre société.
L’élection présidentielle a été un prétexte pour le site d’informations et d’opinions SenePlus.com et ses analystes de lancer, relancer la conversation nationale pour qu’ensemble nous puissions dire que nous n’acceptons plus la misère. Nous ne voulons plus d’une adaptation à la misère. Nous voulons exprimer et mettre en œuvre une ambition pour le pays, pour nos populations. L’ambition va au-delà de la gestion de la misère. Dans cette expression, les auteurs mettent en avant leur capacité à accepter l’imperfection du consensus contre l’idéalisme d’une utopie.
Avec son projet #Enjeux2019, SenePlus a voulu offrir aux Sénégalais, aux amis du Sénégal et aux candidats à la présidentielle de 2019 une opportunité d’être informés et peut-être édifiés, sans parti pris, sur les questions de fond qui touchent à la vie du citoyen et de la nation. Pendant plusieurs mois, SenePlus, qui se veut un espace d’exploration et d’expression libre et plurielle des décideurs et des leaders d’opinion, s’est ouvert à des universitaires, des éditorialistes, des activistes, des experts, des citoyens concernés, de diverses générations et avec des regards croisés, qui ont scruté les grandes problématiques et les secteurs-clés du sociétal, du culturel, de l’économique et du politique.
Ces analyses se sont intéressées aussi bien aux questions strictement nationales qu’à celles concernant notre environnement géopolitique et stratégique immédiat, mais aussi global. Ainsi, la sécurité, la diplomatie, l’éducation, la justice, la monnaie et les médias ont été passés à la loupe. Un accent tout particulier a été mis sur des sujets sensibles dans la société sénégalaise tels que le traitement des enfants, les violences faites aux femmes, les enjeux de l’enseignement en langues nationales et les défis environnementaux grandissants.
Avec #Enjeux2019, SenePlus a redonné vie, corps et voix à l’intellectuel public sénégalais. Les analystes que l’on entendait de moins en moins ont planché sur les questions majeures et partagé avec tous savoir, interrogations et propositions pour un Sénégal en progrès. Cet espace dans lequel s’est déroulé cet exercice a été celui d’une acceptation de la dissidence. Les propos contraires, les critiques ne sont pas des ennemis. Les voix dissidentes participent à la construction de réponses pertinentes et constructives.
De la démocratie procédurale, vers une démocratie substantielle
Enfin et en somme, #Enjeux2019 s’est voulu une pierre précieuse dans l’édifice dont l’ambition est de faire évoluer la démocratie, encore largement procédurale, vers une démocratie substantielle, où le fond prime sur la forme. Participer à l’œuvre de bâtir une citoyenneté forte. Appuyer sur les leviers d’une démocratie délibérative et participative.
À une époque où le citoyen a peu de lisibilité sur l’offre politique, sur les partis politiques et leurs orientations idéologiques, où l’accent est plutôt mis sur des individualités présentées comme des messies, quoi de plus salutaire que de poser le débat en termes de faire société ensemble ?
Où voulons-nous aller et comment y parvenir ? Qui décide de l’agenda et qui s’assure du contrôle de conformité entre le cahier des charges et la mise en œuvre ? Comment s’assurer que les actes sont conformes aux promesses ?
L’ambition de cet ouvrage est aussi de servir de référence aux amis du Sénégal, en particulier aux agences bilatérales et multilatérales dans le secteur du développement international. Ils trouveront ici ce que des Sénégalais et des amis du Sénégal, des acteurs et militants du développement pensent être les véritables priorités pour le pays. S’ils ont l’ambition de donner un coup de main à portée réelle, ils sauront quoi faire et comment le faire.
Cette compilation de textes est une ambitieuse initiative et vous livre sur plus de 500 pages les réflexions des nombreux contributeurs sur le Sénégal de 2019 et sur ce que devrait être le Sénégal de 2024. L’ouvrage comporte trois parties.
Une première partie examine les défis chroniques auxquels fait face la société sénégalaise. Ces défis sont à la fois la cause et la résultante de vulnérabilités multiples et imbriquées de plusieurs manières. Ces vulnérabilités sont d’abord symboliques et concernent notre être, notre rapport à nous-mêmes et à l’autre : les contributions sur les langues nationales, la culture et leur place dans les politiques publiques en attestent largement. Elles sont aussi économiques, politiques et sociales. Et c’est parmi ce que la nation renferme de plus cher que la somme de ces trois types de vulnérabilité se manifeste, à savoir, les enfants, avec la lancinante question des talibés ; les femmes, prises entre le marteau du patriarcat et l’enclume de la faillite de l’État à les protéger et garantir leurs droits socio-économiques, civils et politiques ; et enfin les familles, qui payent le lourd tribut de la crise multiforme que vivent nos sociétés.
La deuxième partie traite de la culture et de la société. Elle renferme des contributions de très haute facture sur les politiques culturelles, les jeunes, la santé et la protection sociale, les médias, l’éducation, et plus largement, la justice sociale.
Enfin, la troisième partie regroupe l’ensemble des contributions traitant de l’économique et du politique avec des analyses pointues sur l’état des institutions et les besoins en matière de réformes, les performances et politiques économiques en rapport avec la demande sociale. La question du franc CFA est abordée, avec à la clé le débat sur la souveraineté monétaire ou encore la souveraineté tout court après 60 ans d’indépendance. Le Sénégal étant situé dans une région fortement affectée par des défis sécuritaires, les interpellations sont multiples. Quel est le véritable niveau de préparation face au danger terroriste qui menace le pays ? Quelle stratégie d’alliance régionale et internationale pour faire face aux dangers croissants ? Quelles réponses aux menaces intérieures qui semblent de plus en plus agitées ?
Au vu de tous ces challenges, politiques et économiques, comment faire de nos cultures et de nos fondements sociétaux de véritables ressorts d’élévation de la jeunesse ? Comment transformer le dividende démographique, les nouvelles technologies de l’information et les ressources naturelles nouvellement découvertes, en leviers pour élaborer ensemble un nouveau contrat social sénégalais ?
Les pages de cet ouvrage collectif sont moins une injonction qu’un possible. À la suite du projet #Enjeux2019 pointe celui de #Consensus2019-2024. Il doit s’appuyer sur les acquis de notre vivre ensemble, de notre génie politique, de nos atouts économiques et de l’impérieuse nécessité de bâtir une société plus juste et plus équitable, surtout à l’endroit des plus jeunes, des femmes, des personnes vivant avec un handicap.
N’ayons pas peur du vertige qui parfois accompagne les pas en avant. Soumettons-nous au vertigo, à ce que les anglophones appellent « Falling Forward », tomber en avant pour progresser. Cela revient à s’appuyer sur les leçons du passé pour en sortir et construire aujourd’hui et demain.
Demain est un autre jour qui n’a pas encore été entamé. Il est inédit. Les pages de son histoire sont encore vierges. À nous de les écrire avec nos mots, notre regard, notre vision, nos espoirs, nos doutes, nos nuances, nos ambitions, notre détermination et tout notre engagement.
Après Diourbel, un cas de fraude incroyable a été découvert hier à Tambacounda. Fraîchement bachelière, une fille a décidé de composer à la place de sa tante lors de l’examen du Bfem. Elle a été démasquée en pleine épreuve de la dictée au centre du collège Jean XXIII. Elle est actuellement en garde à vue à la police qui a ouvert une enquête. Cette affaire met en colère l’inspecteur d’académie de Tambacounda, qui appelle à des mesures énergiques pour enrayer le mal qui commence à prendre de l’ampleur
L’histoire se répète encore. A chaque fois, les «tricheurs» inventent de nouvelles méthodes pour frauder à l’examen. Après Diourbel où un jeune homme s’est déguisé en femme pour passer l’examen à la place de sa copine, un fait aussi grave qu’incroyable s’est également produit à Tambacounda, lors du déroulement du Bfem : Une fille est entrée dans une salle de classe pour composer à la place de sa tante. Les faits se sont produits au centre du collège Jean XXIII dans la matinée d’hier. Mais elle a été rattrapée par la patrouille, car elle a été démasquée lors de l’épreuve de la dictée. Bien assisse à la table indiquée pour sa tante, elle cogitait déjà bien. C’est en ce moment qu’elle a été arrêtée. «Je voulais aider ma tante à avoir le diplôme», aurait-elle servi aux surveillants. Sans ambages. Informé, le président du jury a saisi la police. Les limiers rallient le centre pour cueillir les présumées complices. En attendant l’aboutissement de l’enquête, les deux femmes sont en garde à vue au commissariat de police de Tambacounda. Pourtant, cette fille vient fraîchement de décrocher son Baccalauréat au second tour. «C’est depuis lundi que des soupçons ont commencé à peser sur elle», a expliqué, l‘inspecteur d’académie. Selon Babacar Diack, qui a loué la vigilance des surveillants, «ces derniers, qui ont eu des doutes sur la fille, lui ont demandé de venir avec sa pièce le lendemain (ce mardi)». Quelle était sa réponse ? «Elle aurait perdu sa pièce. Sa carte scolaire lui est exigée. Elle en présente une sans photo», révèle l’Ia. Cuisinée par le chef de centre, elle craque et passe aux aveux.
L’Ia ferme sur les sanctions
L’Ia est embarrassé par cette affaire qui montre que le mal est assez profond. Il dit : «C’est inadmissible. Il faut prendre le taureau par les cornes et travailler à juguler le mal. Toutes les sanctions administratives qui siéent sur cette affaire seront prises. Et cela, sans faiblesse aucune.» Pour l’instant, c’est le seul cas de triche découvert. «Heureusement, se félicite-t-il, après avoir effectué une large tournée dans la région qui m‘a mené jusque dans le département de Koumpentoum, aucun incident n’a été signalé. Partout où je suis passé, les surveillants comme les correcteurs sont sur place. Le taux d’absence noté dans les centres visités est faible. Les épreuves se déroulent normalement», enchaîne Babacar Diack, Ia de Tambacounda. Il faut noter que cette année il y a 190 mille candidats au Bfem dont 55,33% de filles sur toute l’étendue du territoire national, en Gambie et à Djeddah. Ils sont repartis dans 1 231 jurys.
LA COVID-19 : LA DÉSINFORMATION POLYPHONIQUE
Le professeur Khadiyatoulah Fall éclaire la lanterne de l’opinion sur le concept de l’agnotologie, c’est-à-dire la production de fausses connaissances, appliquée à la covid-19.
Professeur Khadiyatoulah Fall, vous avez, dans une toute récente interview, indiqué que l’agnotologie, la production des fausses connaissances sur la covid-19, constituait une autre de nos vulnérabilités dans la lutte contre cette pandémie. Vous disiez que cela a contribué à ralentir nos stratégies de riposte face à la pandémie. Pouvez vous revenir sur cette remarque?
Effectivement , j’avais souligné, dans des contributions antérieures, que la période Covid-19 a été et continue d’être une arène de controverses scientifiques, populaires et populistes autour du virus , de son origine, de la réalité de la pandémie, de la fabrication et de l’efficacité des médicaments et des vaccins disponibles. Posons au départ qu’il est normal que l’activité scientifique, l’activité de recherche s’accompagne de critiques entre chercheurs car clarifier les connaissances, questionner les théories et surtout les méthodologies douteuses, obscures, cela relève du contrat épistémique de la science dont le rôle est de lever l’ignorance, de dépasser les opinions et de faire avancer la science sur des bases solides, vérifiables.
Cependant, nous avons été tous témoins de la confusion créée par les scientifiques eux-mêmes sur les résultats de la recherche et à travers leurs sorties médiatiques. Nous avons perçu des divergences de points de vue où l’on a parfois décelé des rivalités entre chercheurs et laboratoires de recherche, des collusions, des conflits avec les intérêts financiers de la grande industrie pharmaceutique et des enjeux géopolitiques internationaux, des légèretés dans l’évaluation des articles scientifiques, et cela même dans des revues scientifiques d’habitude de haut calibre.
Ainsi ces facteurs ont pu parfois créer une illisibilité dans l’énonciation de la parole scientifique. Tout ceci a même poussé des scientifiques à valider les théories complotistes, conspirationnistes.
Voulez vous dire que les scientifiques ont été les sources de l’émergence de l’agnotologie dans le cas de la covid-19?
Je dirai plutôt que l’on ne peut pas totalement exclure leur part de responsabilité. Ce que je veux surtout faire comprendre en abordant la question d’abord par l’énonciation scientifique, c’est montrer que l’agnotologie, c’est-à-dire l’inexacte production des faits, la création de l’incertitude, le camouflage d’une partie de la réalité, l’obstruction dans la révélation des faits, de telles pratiques ont pu être commises par des scientifiques eux-mêmes et cela pour des raisons qui ne sont pas scientifiques.
Et ainsi faisant, des scientifiques et des médecins engagés dans la recherche sur la Covid ont pu faire le lit d’une certaine fabrique de l’ignorance. Des chercheurs ont d’ailleurs soutenu à juste titre, qu’en ce qui concerne la recherche sur la covid, on a assisté plus souvent au spectacle d’un partage de l’ incertitude que celui d’un partage du consensus.
Ce que je veux pointer, c’est que lorsqu’on parle de la production de l’agnotologie, il faut savoir qu’elle n’émane pas seulement du savoir non expert ou des savoirs populaires, religieux ou culturels. Des philosophes, sociologues et historiens des sciences ont utilisé la métaphore de la «science fastfood» pour renvoyer à l’approximation des résultats mais surtout à la précipitation dans leur diffusion avec la concurrence des revues scientifiques.
Des recherches ont montré qu’avec la pandémie Covid, l’évaluation des articles prenait 10 jours. Avec l’épidémie Ebola, c’était 15 jours. Alors qu’en période normale, une évaluation sérieuse peut prendre 100 jours. Le déferlement de l’agnotologie a bénéficié d’un contexte énonciatif favorable marqué par une extrême polyphonie des voix et une intense circulation des discours.
Je ne crois pas que dans l’histoire humaine sur les pandémies et épidémies, nous ayons jamais été exposés au télescopage et à l’intertextualité d’autant de discours sur une maladie. Un chercheur a décrit notre période comme étant celle de l’énonciation de la «santé polyphonique». Dans un contexte où la parole scientifique était instable, incertaine et alors que le monde scientifique partout tardait à faire autorité forte sur l’interprétation des faits, il s’est installé une concurrence des interprétations qui puisaient à différentes sources et particulièrement à celles non scientifiques. Il s’est installé ce que l’on a désigné par un tsunami informationnel, une infodémie que
d’ailleurs l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a identifiée très tôt comme un enjeu important dans nos stratégies de riposte face à la propagation du virus.
L’infodémie est une surcharge cognitive d’informations sur des enjeux d’actualité, informations dont les véracités, surtout scientifiques, ne sont pas établies et cela perturbe la résolution des problèmes car la population perd les repères et n’arrive plus à agir de manière rationnelle et efficace.
Professeur, malgré la cacophonie que l’on a perçue dans le milieu scientifique, il faut quand même reconnaître que des vérités scientifiques commencent à s’imposer. Ainsi par exemple, une certaine efficacité des vaccins
Excellente remarque. Loin de moi l’idée qu’il n y ait pas eu de scientifiques, de chercheurs, de médecins qui ont toujours respecté le contrat épistémique du faire et du dire scientifiques. Il faut d’ailleurs saluer cette grande mobilisation mondiale du milieu scientifique, de nos chercheurs courageux et persévérants dans le silence des laboratoires qui nous ont procuré en un temps record les différents vaccins dont nous disposons aujourd’hui et qui, malgré les polémiques qu’ils génèrent, montrent quand même, comme vous le dites, une certaine efficacité.
Là où les vaccins sont disponibles, là où les gens vont se vacciner, il y a des progrès et cela donne espoir que l’intelligence scientifique, la rationalité et le civisme des humains nous permettront de sortir de cette pandémie. Je reviens aux intentions de mes propos. Ce que j’ai voulu souligner, c’est que des acteurs du savoir scientifique et des praticiens ont pu participer à la désinformation permettant parfois même aux citoyens ordinaires d’élaborer des représentations erronées sur le virus, sur la pandémie et les soins.
A cela se sont greffées les croyances traditionnelles, religieuses, les rumeurs, des préjugés, des idéologies populistes, et surtout des perceptions, des informations fausses qui viennent de notre exposition aux médias sociaux et à certains influenceurs. Je précise ici. Je ne dis pas que tout des réseaux sociaux et d’internet renvoie à la désinformation. On y rencontre de la bonne et utile information. Ce que des recherches font cependant ressortir, c’est que les rumeurs et les faussetés délirantes portées par les activistes coronasceptiques et les antivax prennent une plus grande prégnance cognitiviste chez les internautes et cela sous l’effet de ce que nous appelons l’hameçonnage, l’enfermement algorithmique ou le «rabbit hole».
Des chercheurs de l’Université Mc Gill de Montréal ont bien montré que les médias sociaux ont été plus susceptibles à pousser à enfreindre les règles sanitaires que les médias traditionnels. Il est important de bien analyser ce qui se passe, ce qui s’est passé. Et surtout de ne pas enfermer la fabrique de la désinformation et de l’ignorance dans le seul monde non scientifique.
Si on vous suit bien, la gestion de la pandémie est alors d’une grande complexité pour les décideurs politiques.
Oui, car en dernier ressort, ce sont eux qui doivent prendre position, nourris par des données scientifiques, mais aussi par d’autres facteurs qui ont des impacts sur les différentes dimensions de la vie économique, sanitaire, sociale et nationale. La pandémie porte sur un virus sournois et mutant. Elle s’inscrit dans un contexte économique, dans un contexte international, dans un contexte culturel et surtout, pour notre pays, dans un contexte où la production du sens social subit fortement les contraintes religieuses et confrériques. Mais également dans un contexte où la culture scientifique et la vulgarisation scientifique ont besoin d’être développées.
Comment alors créer une rencontre éclairée entre les recommandations de la science, les sensibilités socio-culturelles et religieuses et les décisions politiques?
Cela n’est pas facile. C’est pour cela que dans notre lecture de la situation, il nous faut, bien sûr, être vigilant, critique sur l’action gouvernementale si de besoin, critique sur les erreurs flagrantes et les incompétences de gestion s’il y en a, mais aussi il faut savoir être nuancé et tolérant. Il ne faut pas sombrer dans le nihilisme et dans les simplifications réductrices d’une situation complexe. De plus, nous risquerions de sombrer dans l’agnotologie si les conflits politiques structuraient essentiellement nos interprétations des événements. Je voudrais apporter une dernière clarification importante.
L’agnotologie ou cette science de l’ignorance, de la construction de l’ignorance, pour reprendre le professeur Robert Proctor de l’Université de Stanford, peut se rencontrer dans toutes les activités de la société. Nous avons ici parlé du domaine scientifique médical. Mais elle intervient aussi dans le milieu industriel et économique et là je pense aux recherches du professeur Proctor sur l’industrie du tabac. Elle touche les champs de l’agro-alimentaire, de l’environnement, de la justice, de la gouvernance politique etc. Dans notre groupe de recherche, nous analysons l’agnotologie dans le cadre des enjeux contemporains sur la liberté d’expression.
En effet, la liberté d’expression ne peut être ce droit démocratique fondamental que si les conditions de possibilités d’exercice plein de ce droit existe. Et parmi ces conditions, il y a la disponibilité de l’information juste, de la transparence, de la mise à disponibilité des faits objectifs aux citoyens pour pouvoir bien juger. L’agnotologie et l’analyse des processus de construction de l’ignorance, de la désinformation visent donc à aider à promouvoir l’existence de « sociétés de démocratie éclairée».
De plus en plus, les médias, dans différents pays du monde créent des plateformes de «fact checking», de «debunking», de «vrai ou faux» qui se spécialisent, avec une démarche informée, professionnelle, transparente et rigoureuse, à débusquer et corriger les rumeurs, les fausses informations, les fakenews, les intox qui trompent et manipulent les citoyens. Il est évident que de telles plateformes avec les acteurs compétents et crédibles ont manqué dans notre pays durant la pandémie afin de bien informer.
Monsieur Khadiyatoulah Fall est chercheur membre émérite du Centre interuniversitaire et interdisciplinaire d’excellence CELAT au Québec. Il dirige la Chaire de recherche CERII de l’Université du Québec à Chicoutimi. Il a édité, il y a quelques années, avec le professeur sémioticien Pierre Ouellet l’ouvrage «Les discours du Savoir» qui traite des processus de construction et d’interprétation des discours scientifiques, didactiques et de vulgarisation. Dans cet ouvrage, on retrouve des contributions des savants Bruno Latour et Jean Petitot
«NOUS NE RECEVONS PAS D’ARGENT, MAIS DES DONS D’ARBRES»
EnQuête dans cet entretien, donne la parole au photographe Mandione Laye Kébé, initiateur du challenge «Un citoyen, un arbre» plateforme qui connaît un succès populaire et qui vise 10.000 arbres d'ici la fin de l'année grâce à l’ONG Save Dakar
A l’image de plusieurs ONG, Save Dakar s’est lancée dans un projet de reverdissement de la capitale sénégalaise. Un pan du thème de 2021 de la Journée mondiale de l’environnement. Le challenge ‘’Un citoyen, un arbre’’ connaît actuellement un succès populaire au-delà même des attentes des initiateurs. ‘’EnQuête’’, dans cet entretien, donne la parole au photographe Mandione Laye Kébé, initiateur de la plateforme.
Save Dakar est une plateforme assez connue au Sénégal de par ses initiatives en faveur de la protection de l’environnement et du développement durable. Comment est-elle née ?
Save Dakar a vu le jour en 2017. L'initiative est née grâce à mon smartphone. Je me promenais en centre-ville un jour et j’ai été choqué de voir toutes les ordures jetées au niveau de la place de l’Indépendance. J’ai donc pris des photos que j’ai postées pour alerter les autorités, avec pour légende : ‘’Monsieur le Président, regardez le décor qui se trouve à quelques pas de votre palais.’’ L’image a eu un effet retentissant auquel je ne m’attendais pas. Ensuite, j’ai créé la page. L’objectif principal de Save Dakar est d’éveiller les consciences, pour que chacun prenne ses responsabilités. Nous avons eu à participer à la Grande muraille verte, mener des campagnes de reboisement sur la corniche-Ouest, la plage de Yoff, à Bargny.
Ainsi, on a voulu quitter le digital pour passer au concret et aujourd’hui, tous les Sénégalais se retrouvent dans Save Dakar. Save Dakar, c’est une philosophie de vie. Beaucoup nous demandent de l’élargir aux régions, mais je leur réponds que c’est à chacun de reproduire les bonnes actions. Ces jeunes de l’intérieur du pays doivent s’engager dans leur localité. D’ailleurs, cela a démarré à Saint-Louis et à Podor, et on prévoit une caravane citoyenne.
Aujourd’hui, la plateforme est très connue en tant que défenseur de l’environnement. L’équipe est composée d’une dizaine de personnes au Sénégal et à l’extérieur du pays. Actuellement, il y a tellement de jeunes qui participent à ce projet. Que ce soit des développeurs, des ingénieurs en télécommunications, des infographes, des géomètres. Aujourd’hui, tous ces jeunes-là s’identifient à Save Dakar et s’y donnent corps et âme pour propulser l’initiative. Et je peux vous rassurer que ces jeunes sont des bénévoles à 100 %. Je pense qu’aujourd’hui, Save Dakar, c’est l’affaire de tous. Nous recevons chaque jours des mails de jeunes Sénégalais qui, enthousiastes, veulent participer à notre travail.
Le secret de l’impact que nous avons aujourd’hui, pour moi, n’est autre que le fait que Save Dakar soit une initiative purement citoyenne qui appartient aux Sénégalais. Tous les gens qui portent le projet Save Dakar sont des travailleurs. Chacun a son métier, contrairement à ce que certains peuvent penser. Je suis artiste photographe, je travaille dans le domaine des arts visuels. C’est important que les Sénégalais sachent que c’est nous qui faisons vivre Save Dakar, mais nous ne vivons pas de Save Dakar.
Récemment, vous avez lancé le challenge ‘’Un citoyen, un arbre’’ qui connaît un engouement certain, surtout dans les rangs des jeunes. Qu’est-ce qui vous a inspiré ?
Cette initiative est née d’une expérience qu’on a vécue. Nous avons eu à faire pas mal de campagnes de reboisement à Dakar. Malheureusement, cela n’a pas abouti au résultat escompté. On se casse la tête pour organiser des journées de reboisement, mais le lendemain on se rend compte que les lieux reboisés redeviennent des dépotoirs. Un mois après le reboisement, la majeure partie des arbres sont retrouvés morts, parce qu’il n’y a pas de suivi. De plus, nous sommes tous d’avis que Dakar suffoque ; Dakar manque cruellement d’arbres ; il suffit d’être dans les airs pour s’en rendre compte. Et de manière générale, c’est tout le Sénégal qui manque d’arbres : du Nord à l’Est, c’est quasiment le désert, à part le Sud où on a un peu de verdure. Alors on s’est dit qu’on va faire de sorte que chaque Sénégalais ait un arbre devant chez lui. Les arbres ne coûtent pas cher.
Le mouton de Tabaski coûte bien plus cher, mais à chaque fête, chaque famille s’arrange pour en avoir au moins un. Un arbre d’ombrage coûte 500 F et un arbre fruitier 1 000 F CFA. Si chaque famille se porte volontaire pour acheter un arbre et faire le suivi, je suis convaincu que d’ici 2050, notre pays sera verdoyant, sans qu’on attende les politiques. Ce qui est important, c’est d’inculquer des valeurs citoyennes aux Sénégalais, parce que c’est au niveau de la participation citoyenne qu’on sent l’engouement et l’engagement des populations. C’est là qu’apparait la volonté de participer au développement de son pays, de poser une action utile non seulement pour nous, pour le Sénégal, pour les générations futures mais aussi pour la planète.
Les Sénégalais sont tellement généreux. Vu l’impact et l’importance de l’initiative ‘’Un citoyen, un arbre’’, il y a aujourd’hui beaucoup d’entreprises qui, dans le cadre de leur RS, nous font des dons d’arbres. Quand on lançait le challenge, on n’avait pas d’arbres à offrir, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui et grâce à cela, on aura notre propre pépinière qui sera propre à Save Dakar. D’après nos statistiques, on peut avoir, d’ici la fin de l’année, au minimum 10 000 arbres pour Save Dakar. Tout cela est rendu possible par des citoyens lambda qui nous appellent de partout (France, USA Canada, Maroc...) pour offrir spontanément des centaines d’arbres.
J’aimerais souligner que nous ne recevons pas d’argent, mais des dons d’arbres. Les entreprises donatrices on les met en contact avec et traitent directement avec le Service des eaux et forêts et nous ne faisons que récupérer les arbres. Ce n’est pas de l’argent qu’elles nous donnent. C’est très important de le souligner. L’objectif est de reverdir le pays et que les citoyens puissent participer de façon bénévole.
Actuellement, nous sommes à des centaines d’arbres plantés et d’ici la fin de l’année, on en aura des milliers dans chaque zone. Nous travaillons par zone et chaque zone du Sénégal a un représentant qui se charge de la distribution. Nous avons commencé par l’axe Rufisque - Keur Massar - Mbao. Le plus important, ce n’est pas d’aller vite, mais tout doucement et de bien faire les choses de façon professionnelle, transparente et durable. On souhaite que le projet grandisse et nous grandissons avec. Ainsi, petit à petit, on fait des choses simples, mais durables. Nous visons le million d’arbres à Dakar, voire plus d’ici 2050 pour, au final, avoir 16 millions d’arbres pour 16 millions de Sénégalais. Alors l’idée, ce n’est pas de faire dans la précipitation, mais de faire des choses simples, efficaces et durables.
Ce qu’on oublie, c’est que Dakar portait le nom de ‘’Cap-Vert’’, cela parce qu’il y avait tellement d’arbres dans la capitale, mais en moins de 100 ans, Dakar est devenu ‘’Cap béton’’. On est en train de construire énormément d’immeubles, d’infrastructures au point qu’on a oublié de mettre les arbres. Toutefois, ce n’est pas trop tard pour rectifier le tir.
Donc, l’objectif est d’inculquer des valeurs citoyennes aux Sénégalais pour qu’ils puissent participer bénévolement en plantant un arbre. C’était cela l’idée de départ. Mais, à notre grande surprise, en moins de 24 heures, l’association JVE (Jeunes volontaires pour l’environnement) nous a contactés pour nous offrir des plants à remettre à la population, surtout à ceux-là qui n’ont pas les moyens d’en acheter. Par la suite, bon nombre de jeunes de la banlieue nous ont contactés dans le but de participer au challenge. Ils ont manifesté un grand intérêt, mais ne savaient pas comment s’y prendre. C’est à ce moment que je me suis rendu compte que les Sénégalais n’ont pas cette culture d’aller acheter un arbre et de le planter. Et donc nous nous sommes mis à inciter les Sénégalais qui ont les moyens à acheter un arbre et ceux qui n’en ont pas à nous contacter.
Pour vraiment avoir un suivi, nous avons élaboré un pacte de suivi afin que les associations, le Sénégalais lambda qui ont reçu des arbres le signent pour nous signifier qu’ils se chargeront du suivi. Aussi, on a voulu avoir le maximum d’informations sur chacune des personnes à qui on donnera un arbre. De ce fait, nous sommes en train de créer une plateforme comprenant le nom, le prénom, le lieu d’habitation, le département et la région de ces citoyens, afin qu’on puisse cartographier et géolocaliser l’arbre. La plateforme va non seulement permettre aux citoyens de faire le suivi à travers le digital en prenant en photo chaque trois ou six mois l’arbre. L’image sera postée sur la plateforme pour montrer l’évolution de l’arbre.
Peut-on donc conclure que la préservation de l’environnement et les questions de développement durable intéressent plus qu’hier ?
Aujourd’hui, il y a pas mal d’associations qui font des choses extraordinaires. Je peux citer JVE Quartier vert Sénégal, Dakar Oxy, Nebeday, un Twitto, un arbre... Ce sont des initiatives qui ont besoin d’être accompagnées, d’être soutenues par tous les Sénégalais. Aussi, pour que les Sénégalais puissent changer, il faut que la presse sénégalaise s’implique dans le développement durable. Aujourd’hui, il y a tellement d’organes au Sénégal, si chaque jour toutes les radios et télés faisaient des spots, même d’une minute sur ce challenge, cette initiative citoyenne, sur la sensibilisation des Sénégalais quant à l’importance de l’environnement, du suivi et de la citoyenneté, imaginez combien cela peut impacter, d’autant plus qu’aujourd’hui, le digital est de plus en plus utilisé par les Sénégalais.
Je pense aussi que l’engagement des influenceurs, des artistes, des khalifes généraux aurait un fort impact. On peut faire de cette initiative un sacerdoce, si je peux me permettre de le dire. On n’exclut pas les politiques qui peuvent faire des campagnes de sensibilisation à ce sujet. S’ils nous rejoignent pour apporter leur contribution, nous sommes preneurs, sinon, on continuera le travail.
Cette année, le thème de la Journée mondiale de l’environnement porte sur la restauration des écosystèmes. Comment l’adapter au contexte sénégalais ?
Le contexte sénégalais est à l’image du contexte mondial. La majeure partie des écosystèmes sont en voie de disparition. L’exemple papable, c’est la disparition au Sénégal de tous les arbres centenaires, particulièrement à Dakar. Pourtant, jusque dans les années 1980, ces arbres existaient. Ces espèces d’arbres font partie de notre écosystème. Mais ce n’est pas trop tard pour restaurer cela. Ce n’est pas trop tard pour que l’être humain puisse comprendre l’enjeu. A chaque problème, il y a une solution, mais des solutions durables, parce qu’on ne peut pas parler d’environnement sans parler de développement durable qui sous-tend un développement bénéfique aux générations actuelles et à celles à venir. Personnellement, je ne suis pas très en phase avec la façon dont est célébrée la Journée de l’environnement au Sénégal.
On organise beaucoup de conférences ; chacun apporte sa contribution et après, plus rien. Moi, je préfère qu’on apporte des solutions qui ne se limitent pas seulement à cette journée. Cela rejoint notre projet ‘’Un citoyen, un arbre’’ qui devra se poursuivre jusqu’en 2050. Les gens ne doivent pas se limiter aux festivités, aux conférences et autres, et même la presse doit aller au-delà de cette journée. A mon avis, la Journée de l’environnement, c’est tous les jours, chaque minute, chaque heure, chaque année, parce que notre planète est menacée, les écosystèmes sont en voie de disparition, sans compter la montée des eaux. Voilà des problèmes qui nous attendent. C’est une journée que je respecte mais qui, de mon point de vue, doit être l’occasion d’une prise de conscience collective. Si les uns construisent et que les autres détruisent, on n’aboutira pas à des actions concrètes. Il faut une collaboration à l’échelle mondiale et que chaque gouvernement s’engage à sauver notre planète.
Au Sénégal, il est important que les sociétés paient des taxes à travers la notion de pollueur-payeur assez développée en Occident. Le maire de Milan, par exemple, a pour ambition de planter trois millions d’arbres. Et pour y arriver, il propose aux sociétés qui s’y engagent en faisant des dons d’arbres de diminuer leurs taxes. C’est un exemple de mesure incitative. Même si ces sociétés polluent, on ne peut pas les dissoudre parce qu’elles nourrissent des familles. De ce fait, on leur dit : Vous polluez, mais vous payez pour la réparation.
Un message à l’endroit des Sénégalais ?
Malheureusement, au Sénégal, il y a beaucoup de slogans, tellement de conférences et ce ne sont que des concepts. Mais sur le terrain, on ne voit pas concrètement de changement. Moi, je crois fermement au dicton qui dit : ‘‘L’homme qu’il faut à la place qu’il faut’’ et c’est cela notre problème au Sénégal. Beaucoup parmi ceux qui nous dirigent ne maîtrisent pas le sujet, ils ne maîtrisent pas le domaine qu’on leur a confié. Normalement, ils doivent connaître les espèces et les types d’arbres adaptés au sol de chaque terroir. Raison pour laquelle on demande au préalable aux citoyens qui veulent participer au challenge dans quelle zone ils habitent, parce qu’à Dakar, il y a des types d’arbres qui ne peuvent pas pousser. Car ici, ils ont besoin de beaucoup d’eau et d’entretien. Donc, quand on parle de reboisement à quelqu’un qui ne s’y connaît pas, il ne voit que l’arbre.
N’oublions que nous sommes en zone sahélienne ; ce qui rime avec manque d’eau, désert et fortes températures. Ce qui fait qu’il y a des espèces d’arbres qui risquent de mourir. Alors, je ne dirai pas manque de volonté politique, mais plutôt de connaissances. Un homme comme Ali Haidar s’y connaît très bien et serait à sa place au ministère de l’Environnement, surtout qu’il a consacré pratiquement toute sa vie à ce domaine. Malheureusement...
On ne retrouve pas les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Nicolas Hulot, en France, a démissionné du poste de ministre de l’Environnement, parce qu’à un moment donné, il ne se sentait plus capable de remplir sa mission. C’est ce qui nous manque, nous Africains. C’est désolant qu’on ait retiré du gouvernement Abdou Karim Fofana, ancien Ministre de l’Urbanisme, parce qu’il posait des actions concrètes et il était tout le temps sur le terrain. Un travail salué par tous. Beaucoup de Sénégalais n’avaient pas apprécié son départ. Ces genres de personnes doivent être maintenus à leur poste pour le bien du Sénégal, même si le régime passe. Je peux également citer Massaër Thiam, Directeur de l’UCG, qui est en train de faire un travail extraordinaire à travers le Sénégal.
En somme, que les décideurs posent des actes concrets qu’ils puissent laisser derrière eux et qu’ensemble, on arrive à avoir des citoyens écoresponsables.
DE L’APPORT DU LIVRE DANS LA DIFFUSION DE L’ŒUVRE D’ART
Le peintre Kalidou Kassé a souligné, mardi, l’apport du livre comme support de diffusion de l’art visuel, notamment la peinture, constituant ainsi ’’un prolongement à la vie de l’œuvre plastique en dehors des galeries habituelles’’.
Dakar, 10 août (APS) - Le peintre Kalidou Kassé a souligné, mardi, l’apport du livre comme support de diffusion de l’art visuel, notamment la peinture, constituant ainsi ’’un prolongement à la vie de l’œuvre plastique en dehors des galeries habituelles’’.
’’Le livre offre un autre prolongement à la vie de l’œuvre d’art, c’est comme la tapisserie. C’est un créneau peut-être qui n’est pas très exploité par les artistes peintres, mais, moi j’y évolue depuis une trentaine d’années’’, a-t-il expliqué dans un entretien accordé à l’APS.
Kassé a signé la couverture de nombreux ouvrages publiés en 2021 chez L’Harmattan Sénégal.
Il s’agit notamment du recueil de poèmes ‘’Le cri de l’ifanbondi’’ de Amadou Moustapha Dieng, l’ouvrage collectif ‘’A l’ombre des voix’’ inspiré de récits d’expériences vécues lors du confinement, à l’initiative de la section sénégalaise de la Communauté africaine de culture (CACSEN).
Il y a aussi le roman ‘’Nethio’’ de Seydi Sow, lauréat du ‘’Grand prix’’ du chef de l’Etat pour les Lettres (1998), le roman ‘’Femme d’esprit et d’espérance’’ de Mame Fawen Camara, entre autres, tous sortis durant cette année 2021.
Selon l’artiste, souvent sollicité par les écrivains pour la couverture de leur roman, la démarche est simple : ’’c’est un travail de collaboration’’.
’’Souvent, les écrivains me sollicitent en me demandant d’illustrer leur livre parce qu’il traite de tel sujet. Il se trouve parfois que j’ai déjà traité du thème surtout pour les problématiques socio-culturelles, je leur fais une proposition sur les tableaux se référant aux récits’’, dit Kalidou Kassé.
’’Le pinceau du sahel’’ ne se limite pas seulement à la demande de l’écrivain, il prend le temps de lire le manuscrit pour s’y inspirer aussi.
’’Il y en a qui vous disent, nous sommes en train de travailler sur tel sujet, on voudrait que vous réfléchissiez sur la couverture. Là, je réfléchis pour voir à quoi va correspondre cette couverture et on se met d’accord sur le choix’’, fait valoir le peintre.
Selon Kalidou Kassé, avec les nouveaux droits des artistes visuels, il est possible de diversifier les supports de diffusion de l’œuvre d’art et d’y gagner une plus-value.
Pendant longtemps, estime-t-il, il a cédé les droits de diffusion de ses tableaux de peinture à des institutions bancaires ou organismes internationaux ou communautaires pour la confection de cartes de vœux ou de calendriers annuels.
’’Depuis plus de 30 ans, avec le +collectif des artistes réunis+ que nous avions créé, on confectionnait déjà des cartes de vœux avec nos tableaux. Aujourd’hui, je continue dans ce créneau. Même pour des rapports d’activités annuels, ils me sollicitent pour l’illustration’’, dit-il.
Le peintre Kalidou Kassé a travaillé avec la Banque Mondiale, la présidence de la République du Sénégal, le Fonds monétaire international (FMI), l’Union économique monétaire ouest africain (UEMOA) du temps de la présidence de Adjibou Soumaré (l’ancien ministre du budget du Sénégal).
Actuellement, il collabore avec la Banque de l’habitat du Sénégal (BHS) pour trois ans sur trois voire quatre tableaux, des institutions s’activant dans la sécurité et les droits humains en Afrique de l’Ouest et au Sahel, etc.
’’Parfois, ils achètent la carte à l’unité, car j’ai une équipe dédiée à cela et l’on confectionne les cartes ici dans mon atelier, d’autres préfèrent racheter les droits de diffusion et on signe des conventions’’, explique-t-il.
Le peintre Abdoulaye Diallo ‘’Le berger de l’île de Ngor’’ est aussi dans ce créneau, car il a illustré la couverture du premier roman de l’écrivaine Aida Diop ‘’Expériences de vie, vers une aube nouvelle’’.
Il a aussi illustré par ses toiles les cinq livres publiés par ’’L’Harmattan Sénégal’’ sur la thématique ’’Quelle humanité pour demain’’ coordonnés par les professeurs Maguèye Kassé, Ibrahima Silla et lui-même.