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4 mai 2025
Développement
LA PRESSION MONTE DANS LA RUE
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté samedi à Dakar pour exiger du président Macky Sall d'organiser l'élection présidentielle avant la fin de son mandat le 2 avril
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 24/02/2024
Plusieurs centaines de Sénégalais ont manifesté samedi à Dakar pour exiger du président Macky Sall d'organiser l'élection présidentielle avant la fin de son mandat le 2 avril, rapporte l'Agence France-Presse (AFP).
Les élections, initialement prévues le 24 février, avaient été reportées à une date indéterminée par le président Sall début février, suscitant un tollé de l'opposition qui y voyait un "coup d'État constitutionnel". "Nous voulons des élections, Macky Sall dictateur", ont scandé les manifestants réunis à l'appel de la coalition d'opposition F24, selon l'AFP.
Parmi eux, Ibrahima Niang, 34 ans, a déclaré à l'agence de presse : "Je manifeste pour une seule chose: que Sonko soit libéré. Que Macky Sall cesse d'utiliser la force contre les manifestants". Ousmane Sonko, candidat de l'opposition les plus populaire, est en effet sous le coup d'une mesure de contrôle judiciaire depuis février.
Le rassemblement, qui a drainé des centaines de personnes selon l'AFP, s'est déroulé dans le calme. Les forces de sécurité, pourtant réputées pour disperser violemment les manifestations non autorisées par le passé, sont restées à distance. Un climat de tension règne au Sénégal depuis le report du scrutin, qui a provoqué des manifestations meurtrières.
Le Conseil constitutionnel, plus haute autorité juridictionnelle du pays, a invalidé la décision de report du chef de l'Etat. Mais en suspendant la date de l'élection au "dialogue national" prévu cette semaine, Macky Sall entretient le flou sur le calendrier électoral, dénoncent ses opposants. La plupart des acteurs politiques refusent d'ailleurs de participer à cette réunion, la jugeant de "tentative de diversion".
Après 12 ans de pouvoir, le président Sall, qui ne se représente pas, assure qu'il quittera ses fonctions le 2 avril comme le prévoit la Constitution. Mais dans ce climat politique tendu, l'opposition craint qu'il ne cherche à s'accrocher au pouvoir en cas de report des élections au-delà de cette date butoir.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL SOMMÉ D'AGIR
Aar Sunu Election demande instamment aux Sages de "prendre ses responsabilités" en fixant une date pour l'élection. La coalition exhorte le juge constitutionnel à "ne pas rester les bras croisés face au refus du chef de l'État d'appliquer la loi"
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 24/02/2024
La coalition d'organisations de la société civile, regroupée au sein du collectif "Aar Sunu Election", a saisi hier le Conseil constitutionnel pour exiger la fixation sans délai d'une date pour l'élection présidentielle au Sénégal. Dans leur requête, les membres d'Aar Sunu Election dénoncent le manque de volonté affiché par le président Macky Sall de respecter la décision de la plus haute juridiction en la matière.
Cette action collective regroupe des associations citoyennes, des syndicats, des organisations religieuses et des personnalités indépendantes, tous unis dans leur attachement aux principes démocratiques et à l'Etat de droit.
Dans leur lettre datée du 23 février 2024, adressée au président du Conseil constitutionnel, Mamadou Badio Camara, les membres de la coalition saluent d'abord sa décision du 29 janvier qui a annulé la loi modifiant le code électoral ainsi que le décret préfixant les élections législatives au 31 juillet 2024. Mais ils déplorent l'absence de réaction concrète du pouvoir exécutif depuis lors pour organiser le scrutin présidentiel tel que prescrit par la plus haute juridiction du pays.
Plus loin, la lettre pointe du doigt les tentatives de diversion du chef de l'Etat, Macky Sall. "Après sa récente interview à la presse, il est devenu évident pour nous que le président n'a aucune intention d'appliquer la décision du Conseil constitutionnel" affirme le texte, citant notamment la proposition floue de "dialogue" avancée par Macky Sall au lieu de fixer une date pour l'élection.
Face à cette situation inquiétante, Aar Sunu Election demande instamment au Conseil constitutionnel de "prendre ses responsabilités" en fixant lui-même une date pour l'élection présidentielle. La coalition rappelle au président du Conseil, Mamadou Badio Camara, qu'il a le pouvoir de le faire selon l'article 81 de la loi organique qui régit cette institution.
Les organisations membres exhortent ainsi le juge constitutionnel à "ne pas rester les bras croisés face au refus du chef de l'État d'appliquer la loi". Elles souhaitent qu'il "procède aux aménagements nécessaires pour faciliter le scrutin avant le 2 avril", comme l'avait déjà fait le Conseil dans le passé lors de précédentes crises électorales.
LES PRINCIPAUX CANDIDATS MAINTIENNENT LEUR OPPOSITION DIALOGUE
Mise au point cinglante du FC25 : "nous refusons de cautionner (le coup d'État constitutionnel de Macky Sall, qui se déploie, entre autres, à travers) un processus (électoral) qui manque de transparence et d'équité"
Dans une déclaration sans concession datée de ce samedi 24 février, les candidats du regroupement FC25 rectifient les propos qui leur ont été prêtés et réaffirment avec force leur détermination à ne pas s'associer aux concertations initiées par le pouvoir.
"Déclaration de démenti ferme
Nous tenons à réfuter catégoriquement les allégations contenues dans l'article publié ce samedi sur le site de emedia, affirmant que les candidats du FC25 participeront au dialogue sur la date de l'élection présidentielle. Ces informations sont totalement fausses et ne reflètent en aucun cas la position des candidats concernés.
Le FC25, regroupant les candidats validés par le Conseil constitutionnel, maintient sa décision de ne pas participer à ces concertations. Notre position est ferme et inchangée : nous refusons de cautionner (le coup d'État constitutionnel de Macky Sall, qui se déploie, entre autres, à travers) un processus (électoral) qui manque de transparence et d'équité.
Les prétendues déclarations attribuées à Abdoulaye Seydou Sow dans l'émission Jakaarlo de la Tim sont incorrectes et trompeuses. Aucune rencontre entre les candidats du FC25 et le président n'a été programmée avant le lancement du dialogue. (Après avoir décliné fermement l'invitation de Macky Sall, nous avons avons décidé d'une part, de saisir le Conseil constitutionnel et, d'autre part, d'aller à la rencontre du peuple pour organiser avec lui le véritable dialogue du peuple).
Nous rappelons que notre décision de ne pas participer à ces discussions est motivée par notre engagement envers la démocratie et le respect des principes fondamentaux de transparence et d'égalité des chances pour tous les candidats.
Nous exhortons les médias à faire preuve de responsabilité dans la diffusion d'informations et à vérifier soigneusement leurs sources avant de publier des articles susceptibles de semer la confusion parmi le public.
Le FC25 demeure uni dans sa décision de ne pas participer au dialogue sur la date de l'élection présidentielle, et nous restons fermes dans notre engagement à défendre les intérêts du peuple sénégalais et à œuvrer pour des élections libres et équitables."
Les Signataires :
Aliou Mamadou DIA
Mamadou Lamine DIALLO
Elhadii Mamadou DIAO
Cheikh Tidiane DIEYE
Déthié FALL
Pape Djibril FALL
Diomaye Diakhère FAYE (représenté par son mandataire Amadou BA)
Malick GAKOU
Serigne MBOUP
Aly Ngouille NDIAYE
Daouda NDIAYE
Anta Babacar NGOM
Khalifa Ababacar SALL
Thierno Alassane SALL
Habib SY
Boubacar Camara
par Ibra Pouye
MACKY SALL RACONTÉ À MON ENFANT
La rupture totale d’avec le peuple est consommée quand il a annulé la présidentielle de 2024 à 10 heures d’intervalle du début de la campagne électorale
Plongé dans un bouquin sans fin et dominé par une certaine paresse intellectuelle, j’entends l’enfant, le mien, chanter une ode joyeuse dans l’air du temps et glorifiant quelques politiques et citoyens épris de justice aspirant à la paix sous-tendant le développement. «Ôyé, Sonko namnala, ôyé...».Tout à coup tel un chat à la recherche de sa proie, je reste scotché aux sons sortant de la bouche de l’enfant. Je le prends sur mes genoux et d’un air sérieux, je lui demande s’il aimerait que je lui raconte l’histoire de celui qui gouverne le Sénégal, ce pays si beau et si spécial et il opine du chef. Mais vu son âge, cette histoire, je la raconte dans un langage élémentaire pour sa compréhension. Même s’il ne comprend pas la quintessence de toute cette histoire mais qu’il en saisisse un bon bout.
Mon fils,
Macky Sall, notre président de la République, est né le 11 décembre 1961 à Fatick, après le soleil des indépendances et depuis 2012 il est l’homme qui dirige d’une main de fer le Sénégal. Main de fer, mon fils, veut dire, il manie la carotte et le bâton mais plutôt le bâton parce que le Sénégal est un pays très spécial. Le sénégalais est comme l’arabe. Il est quelqu’un qui a toujours besoin d’être recadré. Macky Sall vient d’une famille de propriétaires terriens mais l’histoire raconte autre chose que la décence m’interdit de te dire vu ton âge. Mais c’est un quelqu’un qui a beaucoup de mérite parce que son père Amadou Sall était gardien d’école et sa maman, Coumba Thimbo, vendait des cacahuètes. Il ne devait pas être heureux, une raison qui l’a poussé à travailler durement à l’école. L’histoire dit que sa famille était tellement pauvre qu’il lui arrivait souvent de ne pas manger trois fois par jour. Vu son jeune âge, il a très tôt aimé la politique en fréquentant un petit parti politique. Quand il a eu le bac, il est allé continuer ses études à Dakar jusqu’à devenir ingénieur en géologie. Mais il militait aussi dans le Parti démocratique sénégalais. Parti d’un vieux chauve et leader charismatique qu’on appelle Abdoulaye Wade niombor. Niombor parce qu’il est très malin et très intelligent.
Mon fils,
Cet homme, Macky Sall a eu une carrière très rapide comme le Ter que j’emprunte quand je vais à Dakar. Son mentor et son deuxième papa, Abdoulaye Wade, l’a pistonné et à tous les postes. Ce qui fait dire que Macky Sall ‘’dafa am liggéyu nday’’, il récolte jusqu’à présent les fruits du travail de sa mère. Dans les années 2000, il a été patron du pétrole sénégalais et haut cadre du parti d’Abdoulaye Wade grâce à son parcours. Et quand Wade accédait au pouvoir, il piaffait d’impatience pour faire partie du nouveau gouvernement mais le destin en avait décidé autrement. De 2001 à 2007, il gravit les escaliers de la galaxie Wade. De ministre des Mines, de l’énergie et de l’hydraulique, il devient ministre de l’Intérieur, Premier ministre et puis président de l’Assemblée nationale et tout en créant un réseau dense de proches collaborateurs. A la fin, il s’est fâché de son chef et père qui ne voulait plus de lui. Certes courageux et va-t-en-guerre, il crée son propre parti, l’Alliance pour la République. Et c’est en ce moment qu’il est accusé de détournement de l’argent public. Macky en bon enfant est allé pleurer dans les boubous d’un puissant marabout de la confrérie mouride mais je ne peux te dire qui est véritablement Macky Sall parce que sa parole ne vaut pas une pincée de riz.
Mon fils,
En 2012, à la surprise générale, Macky Sall remporte les élections présidentielles avec son fameux slogan de campagne le « Yoonu Yookuté». Fourbe comme Leuk-le-Lièvre, il a fait le tour du pays tout en laissant ses amis de l’opposition manifester à Dakar. Quatrième président du Sénégal, il prête serment dans un luxueux hôtel de la capitale devant un parterre de personnalités venues du monde entier. Au vu de sa jeunesse, le peuple était content et dansait. La joie emplissait les coeurs mais certains doutaient qu’il n’est pas ce qu’il montre rééllement en public. Quand il a pris le pouvoir, mon fils, l’on commençait à regretter son arrivée. Parce qu’il n’aime pas la contradiction et pourchasse ses propres adversaires politiques. Sa première victime a été Karim Wade, le fils d’Abdoulaye Wade qu’il a mis en prison. Une victime parmi tant d’autres de cet homme introverti et froid au regard fuyant. Mais dans son règne, il est des malversations financières dans son proche entourage. En termes plus simples, beaucoup de ses proches volent l’argent du peuple et surtout son propre griot. Le bouffon du roi. Pour lui, le Premier ministre et les ministres sont des simples collaborateurs. Il s’est toujours vu comme un roi et les sénégalais ses propres sujets. En effet, il est devenu méchant et paranoïaque à cause de sa boulimie du pouvoir. Riche comme Crésus. Voyageant avec femme et enfants comme il veut à travers la planète.
Mon fils,
L’année 2019 est l’année de sa consécration en politique parce qu’il remporte les élections présidentielles, ère de son 2e mandat. Et à la surprise générale, il supprime le poste de Premier ministre pour être le seul maître à bord du paquebot Sénégal. Dans cette période, le peuple impuissant assiste à la kyrielle de scandales financiers. Mon fils, nous avons un président qui est lié aux puissants lobbys financiers et occultes. On l’a même accusé d’avoir donné de l’argent à Marine Le Pen, une politicienne française qui n’aime ni les noirs et encore moins les arabes.
Mon fils,
A vrai dire, nous avons quelqu’un de très méchant qui n’hésite pas à maltraiter son peuple. Il emprisonne et tue de jeunes manifestants. Faisant fi des recommandations des puissants chefs religieux, il n’a peur que de quelqu’un, un certain Ousmane Sonko, « Ôyé, Sonko namnala, ôyé...». A défaut de l’assassiner, il met ce dernier en prison grâce à sa police et sa gendarmerie brutales et aidé d’un haut gradé qu’on appelle Rambo Fall. Tu sais, mon fils, le nom de Macky Sall et quelques noms de son entourage reposent sur la table d’un grand juge d’un pays très lointain qui se nomme les Pays-Bas. Il est accusé de crimes contre l’humanité et cela ne s’est jamais passé au Sénégal. En juin 2023, plusieurs gosses qui manifestaient ont été fauchés par des balles. Pour calmer la rue, il s’adresse à la nation qu’il ne ferait pas un 3e mandat tout en menaçant son propre peuple. Mais l’on se demande encore si cet homme est normal lorsqu’il désigne le candidat de sa propre coalition politique et essaie de l’abattre en même temps par un complot ourdi par lui et sa bande de députés. La rupture totale d’avec le peuple est consommée quand il a annulé la présidentielle de 2024 à 10 heures d’intervalle du début de la campagne électorale. La goutte de trop pour le peuple qui est sorti en masse manifester. Bilan, quatre jeunes assassinés par balles. Paix à leur âme, amen. Et là mon fils, il est seul, très seul et au fond du trou. Le Conseil constitutionnel, l’instance suprême de notre juridiction lui intime l’ordre d’organiser le plus rapidement les élections avant que le pays brûle. Le peuple est dans une attente fiévreuse.
Mon fils,
Cet homme, son élément est le feu et j’espère ne pas voir la prophétie de feu le professeur Cheikh Anta Diop se réaliser. Mais je préfère ne pas m’en étaler vu ton jeune âge. Mais ce Macky Sall risque de nous réserver encore des surprises désagréables. Quant à Ousmane Sonko, je te raconterai son histoire la prochaine fois inchallah. Promis, juré et craché fiston. «Ôyé, Sonko namnala, ôyé...» Reprit l’enfant de plus belle.
Par Fadel DIA
TOUT EST PERDU… FORS L’HONNEUR
Il aurait pu achever son mandat sans être peut-être auréolé de gloire, mais il aurait respecté ses engagements et sauvé ce qui lui reste d’honneur
En annonçant, ou plus exactement en faisant annoncer, qu’il prend acte du verdict rendu par le Conseil Constitutionnel retoquant le décret par lequel il renvoyait de dix mois la tenue des élections présidentielles et en proclamant sa ferme résolution de le respecter, le Président de la République avait arrêté (momentanément ?) la dangereuse glissade qui menaçait de conduire notre pays dans le désordre et la violence.
Il aurait pu faire mieux, plus clair et plus vite.
On rêvait que, quelques heures à peine après la publication de la décision du Conseil constitutionnel - (dont il a probablement pris connaissance bien avant tout le monde) -il prenne solennellement la parole devant ses compatriotes, comme il l’avait fait pour annoncer son décret contesté, respectant au passage le parallélisme des formes. Pourquoi essayer la taille d’un boubou sur la souche d’un arbre quand son propriétaire est présent ,dit un proverbe pulaar qu’il ne peut pas ignorer ? Pourquoi confier le soin de transmettre une information de cette importance et à laquelle toute la nation est suspendue à un vague conseiller, en tout cas très loin dans l’ordre hiérarchique, alors que le moment était historique et que le président de la République c’est, dit-on, la rencontre d’un homme et d’un peuple ? Plutôt que le « porte-parole » on eût préféré celui qui porte légitimement la parole, plutôt qu’un communiqué, on aurait souhaité que le président de la République nous regardât les yeux dans les yeux, afin que nous puissions tenter de juger sa sincérité à travers son ton sa voix et son regard !
Bien entendu lorsqu’un chef d’Etat s’exprime, dans un moment aussi solennel, ce ne peut être que pour réaffirmer des principes et prendre des décisions car gouverner c’est d’abord décider. Nous vivons sous un régime hyper présidentiel, les compétences du président sont nombreuses et parmi elles, il y a celle que lui a rappelée le Conseil constitutionnel qui est de fixer le calendrier électoral. On ne peut pas avoir été un impérieux Jupiter pendant douze ans et se muer subitement en un simple mortel paterne envers ses contempteurs et soumis à leurs humeurs. Le président de la République aurait pu ainsi faire l’économie d’une conférence de presse improvisée et dont le format et le casting donnent l’impression d’une cérémonie préalablement scénarisée. Tout le monde sait que ce n’est pas en lisant le journal Le Soleil ou en écoutant et en regardant la RTS qu’on est le mieux informé sur ce qui se passe au Sénégal et les questions que posent les représentants de deux organes de presse embedded au pouvoir ne peuvent être qu’une pale émanation de celles qui agitent les Sénégalais.
Et qu’aurait pu dire le président de la République, dès le 15 février, et qu’aucune autre autorité ne pourrait dire à sa place et que quelquefois il a esquissé sans en tirer les conséquences ?
Qu’il est, comme le chante depuis des années un célèbre « communicateur social », le gardien de la Constitution et qu’à ce titre il s’est fait le devoir d’être le premier à la respecter. Qu’il a fait son mea culpa, mais que s’il a pu se tromper, il était de bonne foi, exclusivement préoccupé par le souci de restaurer l’équité et de conforter les institutions, même si cela doit se faire au détriment de sa réputation. Que s’il a tenté de modifier le calendrier électoral, son engagement de quitter le pouvoir à la fin de son mandat est ferme, définitif et irrévocable. Ce n’est d’ailleurs pas une concession de sa part, c’est une exigence républicaine.
Beaucoup parmi nous auraient applaudi, d’autres sans doute auraient encore continué à douter de sa bonne foi, mais sa démarche aurait sauvé ce qui pouvait encore être sauvé. Quand le premier citoyen d’un pays reconnait une erreur et affirme, publiquement et avec force que ses intentions étaient pures, on ne peut pas rester indifférent. Quand il ajoute que pour sa part il respecte la constitution et qu’il invite ses adversaires à en faire autant, à toutes les occasions, c’est comme s’il leur lançait un défi. Quand il poursuit sa péroraison en disant que c’est précisément parce qu’il respecte la Constitution, dans sa lettre et dans son esprit et qu’il n’a nulle intention de remettre en cause la date de la fin de son mandat, il peut se permettre d’appeler ses adversaires à consentir, à leur tour, à des sacrifices, notamment d’ego, à accepter des compromis, qui pourraient être, notamment, la réduction de la durée de la campagne électorale, l’engagement de la rendre moins folklorique et plus paisible en témoignage de solidarité envers les deux communautés religieuses du pays qui seraient alors confrontées aux rigueurs du carême, à respecter les institutions et à combattre la violence d’où qu’elle vienne…
Quand enfin, pour conclure, il rappelle que pour arriver au but il faut faire le chemin, que ce chemin s’achève le 2 avril, qui pourrait trouver à redire si, comme il l’avait fait librement quelques mois auparavant, il proclame un calendrier électoral exclusivement fondé sur cette exigence ? Il aurait ce faisant fait l’économie d’un dialogue aux contours indéfinis et auquel beaucoup ne croient plus et ne pas promettre plus que ce qu’il peut tenir. Il aurait pu achever son mandat sans être peut-être auréolé de gloire, mais il aurait respecté ses engagements et sauvé ce qui lui reste d’honneur !
Mais, plus important que sa personne, il aurait restitué au peuple le pouvoir souverain de choisir ses dirigeants…
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AAR SUNU ELECTION BOYCOTTE LE DIALOGUE
Accusant Macky Sall de plonger le Sénégal dans le chaos, la plateforme de défense du scrutin refuse de cautionner ce qu'elle qualifie de "simulacre". Elle demande au Conseil constitutionnel d'agir pour sortir le pays de l'impasse
La plateforme Aar Sunu élection (protéger notre élection), un regroupement d’organisations se réclamant de la société civile, a annoncé, vendredi, à Dakar, sa décision de ne pas participer au dialogue national auquel appelle le président Macky Sall et rejeté par seize des dix-neuf candidats retenus par le Conseil constitutionnel.
Le chef de l’Etat a appelé à des concertations avec les forces vives de la nation afin de résoudre la crise politique née de l’interruption de facto du processus électoral à la veille du démarrage de la campagne électorale pour la présidentielle initialement prévue le 25 février.
“Aar sunu élection informe l’opinion nationale et internationale qu’elle ne participera pas à un simulacre de dialogue qui relèverait de la compromission, sèmerait les germes de la division et ne pourrait aboutir à aucun consensus au vu des intérêts divergents des parties invitées”, ont indiqué les membres de cette plateforme, par la voix de Thiaba Camara Sy.
Les responsables de Aar Sunu élection rencontraient les journalistes au lendemain d’une sortie publique du chef de l’Etat lors de laquelle il a invité les forces vives du pays à prendre part à un dialogue devant se tenir lundi et mardi afin de déterminer une nouvelle date pour l’élection présidentielle et trouver les voies et moyens de permettre au pays de dépasser la crise politico-institutionnelle qu’il traverse.
“Cette posture du président de la République risque de plonger le Sénégal dans le chaos en créant les conditions d’une instabilité institutionnelle, économique et sociale dont le pays mettrait du temps à se relever”, a alerté Mme Sy, en lisant une déclaration devant des journalistes.
Disant tirer les conséquences des propos du chef de l’Etat lors de son entretien en direct à la télévision publique (RTS) avec des médias sénégalais, Aar Sunu election invite le Conseil constitutionnel à prendre ses responsabilités en fixant une nouvelle date pour l’élection présidentielle.
Les responsables de la plateforme d’organisations se réclamant de la société civile ont ainsi fait part de leur volonté d’organiser un rassemblement samedi à Grand Yoff, un quartier de Dakar.
Ils ont également demandé à chaque électeur de se rendre, dimanche 25 février, à son bureau habituel de vote en guise de protestation contre le report du scrutin.
Aar Sunu election dit envisager d’appeler à une journée villes mortes sur toute l’étendue du territoire, mardi.
Le Sénégal est en proie à une crise politique née de l’annonce du report de l’élection présidentielle devant déboucher sur le choix d’un successeur au président Macky Sall, au pouvoir depuis 2012 et qui a renoncé à briguer un nouveau mandat de 5 ans.
Vendredi, plus tôt dans la journée, seize des 19 candidats retenus par le Conseil constitutionnel ont fait part de leur décision de ne pas répondre au dialogue convoqué par le chef de l’Etat.
La convocation de cette concertation est le procédé choisi par Macky Sall préalablement à la détermination d’une nouvelle date pour l’élection présidentielle.
Il s’était notamment engagé le 16 février à pleinement exécuter une décision du Conseil constitutionnel invitant les autorités compétentes à fixer une date pour l’élection présidentielle, après que la juridiction a constaté l’impossibilité de l’organiser le 25 février, comme initialement prévue.
Dans cette même décision, le Conseil constitutionnel a jugé ‘’contraire à la Constitution’’, l’adoption par l’Assemblée nationale, d’une loi repoussant au 15 décembre prochain la tenue du scrutin.
Cette loi parlementaire a été votée le 5 février, deux jours après que le président de la République a annoncé, lors d’un discours à la nation, l’abrogation du décret par lequel il avait convoqué les électeurs aux urnes le 25 février.
En prenant cette décision, le 3 février, il a invoqué des soupçons de corruption concernant des magistrats parmi ceux qui ont procédé à l’examen des 93 dossiers de candidature et jugé recevables 20 d’entre eux.
S’adressant à la nation, le chef de l’État a souhaité l’organisation d’’un dialogue national ouvert, afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive dans un Sénégal apaisé’’.
Les accusations de corruptions ont été portées par des députés du groupe parlementaire du PDS (Parti démocratique sénégalais), dont le dossier de candidature de son leader, Karim Wade a été déclaré irrecevable par le Conseil constitutionnel en raison de la double nationalité française et sénégalaise du fils de l’ancien président Abdoulaye Wade.
Au Sénégal, il faut être de nationalité exclusivement sénégalaise pour briguer la magistrature suprême, selon la loi électorale. Les membres du groupe parlementaire Liberté et démocratie ont demandé et obtenu la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur les allégations de corruption et de connexions douteuses.
L’ouverture d’une information judiciaire a mis fin aux travaux de cette commission d’enquête parlementaire.
Quatre personnes ont perdu la vie dans les violences qui ont émaillé les manifestations de protestation contre le report annoncé de l’élection présidentielle. Ces victimes ont été enregistrées à Dakar, Saint-Louis et Ziguinchor lors de heurts ayant opposé des protestataires aux forces de l’ordre.
Ces évènements ont été suivis quelques jours plus tard par une vague de libérations d’activistes et de militants arrêtés dans le cadre d’activités en lien avec leur engagement politique.
LE VIDE SE CREUSE AUTOUR DE MACKY
Le président misait tout sur ce dialogue. Mais 16 candidats lui tournent le dos d'entrée. Leur boycott isole le chef de l'État et le prive de sa dernière planche de salut. Le spectre d'une crise constitutionnelle majeure se profile à l'horizon
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 23/02/2024
Les concertations nationales convoquées en urgence par Macky Sall pour sortir de l'impasse électorale touchent déjà un mur. Refusant d'avaliser les "manœuvres dilatoires" du chef de l'Etat, les principaux candidats à la présidentielle ont fait faux bond à l'invitation au dialogue. Un désaveu cinglant qui hypothèque d'ores et déjà les chances de succès de cette initiative, et fait planer le spectre d'une crise sans précédent après le 2 avril prochain.
Pourtant, Macky Sall, qui s'était engagé à ne pas se représenter pour un troisième mandat, avait misé gros sur ces 48h de débats pour trouver une issue consensuelle. Conscients de la pression croissante de la rue et de la question qui entoure désormais la légitimité de son pouvoir, le président espérait apaiser les tensions en ouvrant le dialogue avec ses opposants. Mais c'était sans compter sur leur détermination à obtenir le respect des délais constitutionnels pour le scrutin.
Un à un, les principaux candidats, dont Ousmane Sonko, leader charismatique de l'opposition aujourd'hui écroué, ont fait savoir qu'ils ne se rendraient pas aux discussions. Une défiance exacerbée par l'incarcération de plusieurs figures de l'opposition, mais aussi par le souvenir encore vif des émeutes meurtrières nées des accusations de fraude en 2021. Selon un constitutionnaliste sénégalais interrogé par l'AFP, "cette configuration radicalise les positions de part et d'autre, alors que le temps presse déjà pour éviter le pourrissement de la crise".
Car après la fin de son mandat, le 2 avril, le Sénégal pourrait se trouver plongé dans un vide juridique inédit. Normalement, la Constitution prévoit que le président de l'Assemblée assume l'intérim. Mais aucun scénario n'a été écrit pour un cas comme celui-ci. Le seul arbitre possible serait alors le Conseil constitutionnel, qui devrait ordonner l'organisation immédiate d'un nouveau scrutin. Sauf que la défiance à l'égard des institutions risque de compliquer sa tâche.
Sur le terrain, la pression monte aussi. Nombreux sont ceux qui redoutent que cette crise électorale interminable ne dégénère à nouveau en violences, après celles de ces dernières semaines déjà là l'origine de trois morts. Dos au mur, Macky Sall n'a désormais plus que quelques semaines pour trouver un accord et éviter le chaos. Mais après l'échec de sa main tendue, les scénarios de sortie de crise s'amenuisent dangereusement.
PAR Babacar Diop Buuba
MULTIPLE PHOTOS
ARMÉE NATION : COLONNE VERTÉBRALE DE LA RÉPUBLIQUE OU CINQUIÈME COLONNE ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Mai 68 a marqué un tournant dans l'histoire du Sénégal avec l'implication des militaires pour résoudre la crise. Depuis, l'armée navigue entre réserve politique et participation au développement. Mais où se situent ses limites ?
Contribution sur le rôle et la place des forces de défense et de sécurité (FDS) pour l’État de droit, la justice, la solidarité et le développement
Le 14 février 2024, un quotidien du pays, Bës bi, (p. 5 à 8) en l’occurrence, a profité de la fête de la Saint-Valentin pour citer, entre autres acteurs à aimer, les forces de défense et sécurité : « La patrie est arrosée entretenue, maintenue par les forces de défense et de sécurité (FDS), ces militaires et paramilitaires qui en sont aujourd’hui le dernier rempart.
Ces acteurs illustrent l’exception sénégalaise, la méritocratie, 64 ans de compagnonnage entre l’armée et la patrie en péril, une armée politiquement neutre, mais pas indifférente ».
Nous avons eu l’occasion de partager nos points de vue, sur la place et le rôle des principaux acteurs et porteurs d’enjeux, dans la vie des sociétés en général, sénégalaise en particulier.
Les quatre (4) groupes : (i) la société civile, (ii) acteurs économiques, (iii) organisations politiques et (iv) leaders coutumiers, religieux culturels, ont reçu des traitements dans nos écrits[1]
La présente contribution a l’ambition de faire un focus sur la colonne vertébrale ou cinquième colonne : les forces de défense et de sécurité
Vue de l’intérieur, formation, réflexion stratégique et champs d’intervention
A ma connaissance, le premier acteur du dedans qui a osé, écrire au Sénégal, sur le sujet, de manière académique, est le général de corps d’armée puis ambassadeur et acteur des Assises Nationales (2008-2009), Mamadou Mansour Seck. Son ouvrage porte le titre « Nécessité d’une armée », Harmattan Sénégal, 2012. L’ouvrage est en fait sa thèse soutenue en 1974 à l’École Supérieure de Guerre aérienne de Paris (ESGA).
Le chapitre I est consacré au passé (préhistoire, antiquté et histoire de France), le second à l’après-guerre et au présent, non seulement dans les pays industrialisés, mais aussi aux pays en voie de développement, encore mieux, à des questions majeures, comme les rapports des armées aux questions politiques, socioéconomiques (chap. III)
Dès l’avant-propos, le Général reconnaît que notre monde est en déséquilibre sans partage, ni solidarité suffisante, et « l’armée seule ne peut résoudre les injustices, par contre elle représente une garantie contre la cupidité des hommes et participe à l’intégration nationale, surtout dans les pays en voie de développement. Une armée républicaine participe aussi à la stabilité de la Nation ».
Mieux, il a eu le courage de se prononcer sur le conflit en Casamance et n’a pas hésité à indiquer des voies de dépassement en trois (3) volets : politique, économique et sécuritaire.
Il a analysé la composition socio-culturelle de l’armée, fait des développements sur ses fonctions et prestations (p.57 à 65) à l’intérieur et en dehors du Sénégal. Sa conclusion est pleine de sagesse :
« Les hommes, mieux éduqués, mieux formés réclament toujours plus de liberté sans toujours savoir jusqu’où ne pas aller trop loin. Il faudra alors penser à endiguer leurs excès parce que, par nature, ils ne sont pas très sages. D’où la nécessité, encore là, d’une force de maintien de l’ordre, dans chaque pays, capable, éventuellement de faire face aux grandes catastrophes ». (op.cit. P. 77)
Le second qui s’illustre, dans l’analyse des faits politiques, est feu le général Lamine Cissé qui a livré témoignages et analyses dans ses « Carnets secrets d’une alternance, avec le titre : Un soldat au cœur de la démocratie, édition, GIDE PPE, Paris 2001.
Dans cet ouvrage, il explique, dans l’avant-propos, les circonstances dans lesquelles, le Président Abdou Diouf l’a nommé Ministre de l’Intérieur, chargé de la Décentralisation, en lui donnant la responsabilité d’organiser des élections d’une importance majeure (législatives en mai 1998, sénatoriales en janvier 1999, présidentielle à deux tours en février et mars 2000).
L’ouvrage informe sur les suspicions (chap. II), les tensions (chap. III), la fanfare du pouvoir (chap. V), le pou sur la tête (chap. VI), guerres et paix (chap. VII) et l’exigence démocratique (chap. VIII).
Les annexes sont très précieux, car ils permettent de mesurer le rôle de la société civile dans le FAC (Front d’Action de la Société Civile) alors autour du CONGAD, de la RADDHO, du Forum Civil et du RADI) et aussi les dispositions particulières qu’il a prises pour conduire la mission sans oublier les résultats.
Le général Cissé est d’avis qu’il est « essentiel de favoriser l’enracinement de la démocratie dans nos pays. Cet idéal ne pourra s’épanouir en Afrique que si nos dirigeants civils et militaires manifestent concrètement la volonté d’appliquer les règles qui la fondent » (op. Cit. P13).
L’auteur rappelle les circonstances dans lesquelles, l’armée a eu à observer le jeu politique au Sénégal et les relate dans sa biographie qui lui a permis d’avoir une bonne formation intellectuelle, citoyenne et militaire (chap. I, p. 15 à 39, Jour de pluie sur le Sahel).
Son apprentissage citoyen et sa carrière dans le génie militaire l’avaient préparé à réussir sa mission. Le résultat est connu : première alternance politique au Sénégal, la victoire du candidat de l’opposition Abdoulaye Wade face au président sortant Abdou Diouf
Le travail des historiens de métier permet de compléter la documentation et d’approfondir la réflexion sur le rôle de l’armée dans les crises politiques.
Retenons que de l’antiquité à nos jours, les armées ont permis de défendre des institutions politiques, de renverser des régimes, depuis l’Égypte pharaonique jusqu’aux États modernes, en passant par la période intermédiaire.
Le regard des historiens
Dans l’avant-propos de la seconde édition de son ouvrage sur « Mai 68 à Dakar », le professeur Abdoulaye Bathily, ancien enfant de troupe, puis étudiant enrôlé de force, puis ministre de la République, a consacré des pages à la question des forces armées et de sécurité au cours des événements de Mais 68 (voir extraits en photos d’illustration 2,3 et 4). Il a aussi produit des études sur les armées, la politique dans le cadre du CODESRIA (Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences Sociales en Afrique).
Notre collègue Oumar Guèye a produit un ouvrage sur Mai 68 au Sénégal, Mai 1968 au Sénégal ; Senghor face aux étudiants et au mouvement syndical, Karthala, 2012 (voir extraits en photos d’illustration 5, 6, 7, 8, 9. Il revient sur le rôle des deux armées française et sénégalaise.
Dynamiques nouvelles
Ce qui est intéressant dans le contexte actuel, c’est la succession des coups d’Etat en Afrique de l’Ouest et leurs caractères politiques, prononcés les tentatives de solidarité, voire de fédérations des soldats.
On peut ajouter pour reprendre une formulation de notre collègue Bakary Samb de Timbuktu Institute « Les coups d’État en Afrique sont devenus des moments de respiration démocratique » :
« Ce qu’on voit derrière ces juntes qui viennent au pouvoir est un signe d’une désaffection par rapport aux États incarnés par des civils et une conséquence de la mal gouvernance, de l’absence de démocratie qui se résume chez nous à l’aspect électoral. On a vu d’autres aspirations qui sont aujourd’hui prises en charge par les tenants. Autre chose également, on a vu qu’il y a un discours populiste qui surfe les déceptions par rapport aux régimes civils précédents, mais aussi sur un contexte international. Cette désaffection est le signe aussi d’un rejet du modèle occidental devant propager des valeurs. Ces Occidentaux, par rapport à ces mêmes valeurs, ont été eux-mêmes inconséquents à un moment. Finalement, ce sont les intérêt stratégiques immédiats qui ont toujours guidé leurs choix. Il y a non seulement un problème de démocratie, mais aussi de crédibilité du discours sur la démocratie. Par rapport à cela aujourd’hui, sous sommes dans une situation qu’on pourrait qualifier d’hybride et de paradoxale. Ces juntes ont joué avec une stratégie très claire. Par exemple au Mali, qui a toujours trouvé des boucs émissaires avec la France, Barkane, la CEDEAO et les soldats ivoiriens ou encore la MINUSMA, on voit que les militaires au pouvoir sont dans une logique de légitimation. En effet, le fait de mettre en avant l’idée selon laquelle leur souveraineté serait menacée, comme on le sait, mécaniquement, quand il y a menace extérieure autour d’un leadership qui s’est mis en opposition par rapport à un régime civil qui a duré au pouvoir »
Au Sénégal, certains analystes ont interprété une allusion du président Macky Sall sur l’attention à porter à « d’autres forces organisées » comme une invite faite à l’armée pour prendre le pouvoir au cas où les partis politiques et la société civile ne reviennent pas à la raison, en acceptant sa proposition pour un nouveau dialogue inclusif.
Pour le moment, les forces de défense et de sécurité ont la latitude d’exercer leurs droits de vote ; elles sont concurrencées dans certains rôles par des nervis aux services d’organisations politiques, elles ont été secouées dans certaines de leurs composantes par les affaires politiques avec des sanctions disciplinaires ou des disparitions physiques. Il faut souhaiter que l’esprit républicain et laïc puisse continuer d’inspirer la grande muette et ses sœurs dans leurs combats pour la sécurité nationale et leur contribution au développement social, économique et culturel.
En tout état de cause, il faut souhaiter et œuvrer avec l’élection présidentielle en 2024, à la victoire du camp de l’alternative qui s’engage à appliquer les conclusions des Assises Nationales et les recommandations de la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI). Ainsi une des premières mesures à prendre serait de revenir sur les crimes impunis, les condamnations injustes et demander pardon, au nom de la Nation aux familles des victimes. Ainsi la Nouvelle République à conduire partira sur de bons auspices.
Babacar Diop Buuba est Coordonnateur du mouvement citoyen
Taxaw Temm - Stand up – Debout.
[1] A propos dans la société civile, je renvoie à ma contribution dans M23 - chronique d’une révolution citoyenne, CONSUP, les éditions de la Brousse, 2014 sour le titre «La société civile et la refondation politique, économique et socio-culturelle, op. Cit. , p. 65 à 72
Concernant les relations entre les acteurs économiques et politiques, j’ai développé mes analyses dans les «Syndicats dans l’histoire; regards et partition universitaire,», Harmattan Sénégal 2019
Pour les questions spirituelles, idéologiques, religieuses, je renvoie à mon texte sur l’autorité des textes religieux dans les batailles politiques, idéologiques, in Propos d’Un Africain sur l’Antiquité, PUD, 2014, p. 298 à 308
par Kamou
LA RÉPRESSION COMME HÉRITAGE COLONIALE DES FORCES DE POLICE
Conçues par et pour le colon, les polices africaines ont longtemps entretenu des liens de répression avec les populations. Si les indépendances sont passées par là, les réflexes d'hier perdurent y compris au Sénégal
L’histoire du colonialisme est intimement liée à la violence extrême, à l’humiliation, au racisme et aux génocides vis-à-vis des peuples colonisés. Les empires coloniaux, qu’ils soient français, britannique, portugais, hollandais, allemands ou encore arabo-musulmans, ont toujours développé des stratagèmes – généralement vernis de terreur et à travers des structures armées – pour le contrôle des sauvages colonisés. En effet, la répression était un langage privilégié dans les rapports entre les colons et les populations colonisées.
S’agissant des colonies d’Afrique, il est important de rappeler que le système colonial a d’abord, dans une configuration hybride des compagnies coloniales, érigé les armées[1] avec des prorogatifs de la police notamment de maintien d’ordre, d’organisation du cadre de vie et de l’espace public. Pour le dire autrement, ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui la police, n’existant pas, c’était à la sphère de l’armée que revenait la tâche d’organiser l’ordre public dans les colonies. C’est ce qui a conduit, à la création des premières structures policières dans les colonies d’Afrique, à un enchevêtrement entre l’organisation militaire et le fonctionnement de la police.
La création des premières compagnies de police concorde avec la volonté des empires coloniaux, pour la plupart, de structurer et d’organiser les administrations coloniales. Et pour ce qu’il en est du colonialisme français, la volonté d’étendre et d’intensifier l’empire sur le continent va entrainer une forme de duplication, dans une relative opacité, de la structure de l’administration métropolitaine dans les colonies. En cela, des segments importants tels que l’enseignement[2], la sécurité, l’administration territoriale entre autres vont faire l’objet de réformes dans le but de la mise en valeur des colonies pour mieux servir la métropole.
Cette reproduction du modèle d’organisation de la métropole dans les peuples esclavagisés porte en elle l’héritage de la conception raciste des différents régimes qui se sont succédé dans le royaume français. En effet, au XVIIe siècle, l’entrée de l’empire français dans la traite esclavagiste fut parsemée par une logorrhée de lois coloniales, racistes et ségrégationnistes administrant ainsi la vie des Noirs à la métropole, puis dans les colonies. Toutefois, en 1777, la création de la police des Noirs, sous l’impulsion de l’ancien lieutenant à Paris et ministre de la marine d’alors, Antoine de Sartine, pendant la parenthèse de la monarchie de Louis XVI, constitua le point d’orgue de la politique raciste et exclusionniste vis-à-vis des Noirs, vaguement appelée personne de couleur. Cette loi intervint après les deux textes de lois de 1716 et 1738[3] qui ont été des échecs.
Dans cette législation, il y était clairement stipulé l’interdiction formelle aux esclavagistes en goguette, sous peine d’amende, de ramener avec eux sur l’étendue du territoire de la métropole « aucun Noir, Mulâtre ou autres Gens de couleur de l’un ou de l’autre sexe ». La seule marge que cette loi accordait aux colons ne prévoyait, dans les cas exceptionnels, que les « Noirs, Mulâtre ou Gens de couleur », une fois dans la métropole, soient parqué dans ce qu’il convenait d’appeler « un dépôt des Noirs » en attendant que leurs maitres reprennent le chemin du retour avec eux. La France, dans une logique de conserver ses intérêts dans ses anciennes colonies, a su, en intelligence avec les régimes locaux après les indépendances africaines, maintenir ses systèmes et doctrines policiers fortement ancrée dans la violence à travers ce qu’on appelle pudiquement « coopération ». D’ailleurs, le service ad ‘hoc de la police française, crée en 1961 par Pierre Lefuel (1921-2010), ancien directeur de la Sureté dans l’actuel Burkina Faso, le Service de Coopération Technique Internationale de Police (SCTIP) aura la responsabilité de la formation des polices nationales dans les anciennes colonies de l’empire français et à ce titre, l’historien Romain Tiquet dira : « Le SCTIP, tant par ses missions que par le personnel employé, a orienté les pratiques des futurs policiers selon des schémas professionnels et procéduriers propres à la police française, et proches des anciens choix du pouvoir colonial (…) permettant à l’ancienne métropole de conserver son influence dans son « pré carré » africain ». Cette structure, fortement pensée et conçue sur la mesure des méthodes coloniales, était majoritairement chapeautée, comme le soutient l’historien Florian Bobin, par les officiers ayant servi dans l’empire colonial français.
La police nationale sénégalaise, historiquement, on peut dire, est née avec l’arrêtée 4313 du septembre 1949 qui attribuait pour la toute première fois le titre de chef de la Sureté de la Délégation à un chef local par les services coloniaux de police. Toutefois, il a fallu attendre l’accession à la souveraineté internationale du Sénégal, en 1960, pour assister à la structuration de la police nationale avec le décret 69.1361 du 6/12/1969 et qui a conduit à une large organisation de la Sureté nationale d’alors, avant de devenir aujourd’hui Direction générale de la police nationale[4].
Ainsi, s’il est vrai que ce corps, sous tutelle du ministère de l’Intérieur, s’est toujours voulu la parure d’un service professionnel respectant les droits humains, il a longtemps été imprégné par des usages et réflexes du système colonial. D’ailleurs, dès l’indépendance du Sénégal, la police servit de bras armé au pouvoir de Léopold Sédar Senghor sous les manœuvres de Jean Collin, qui fut ministre de l’Intérieur. Ancien fonctionnaire dans l’empire colonial français en Afrique et neveu par alliance de Senghor, Jean Collin, redoutable et affuté, avait son ombre qui planait au-dessus de la direction générale de la police dont le Groupement mobile d’intervention (GMI), réputé pour ses « méthodes violentes » à l’égard des populations locales. Couvert par Senghor qui avait une conception violente et carcérale du pouvoir, les forces de polices, sous le commandement de Collin semait la terreur avec une répression systématique et un lot d’arrestations de toutes les dissidences du régime : la traque de 63, 68, la chasse des militants de l’éphémère parti politique And-jef[5], les assassinats maquillés entre autres violences dont les forces de polices étaient les sentinelles.
Ce versant vers la répression et la violence reste des matrices essentielles de nos forces de polices et son héritage colonial ne saurait soustraire leur responsabilité. Ces dernières années, en guise d’illustration, avec l’appui des réseaux sociaux, l’on est devenu plus convaincu et plus renseigné sur le réflexe de l’humiliation et de la répression des forces de police vis-à-vis des autochtones, leurs concitoyens.
Le vocabulaire martial (dégage, minable, etc.) lors des interpellations, les humiliations et la violence pendant la période du couvre-feu décrété pendant de la Covid-19, les interventions musclées et sanglantes dans les universités publiques, les morts dans les manifestations politiques sont autant d’expressions de la terreur dans les rapports entre les forces de police et les populations.
Plus d’une soixantaine d’années après les indépendances africaines, il urge de repenser les modules de formation des différents corps que composent nos Forces de défense et de sécurité. Il est possible que les relations entre ces corps et les populations soient plus respectueuses des droits des citoyens et de la dignité humaine.
[1] Lopes Mathieu, Décoloniser ! Notions, enjeux et horizons politiques. Polices : le temps des colonies n’est pas fini.
[2] Dieng, Amady Aly, Histoire des organisations d’étudiants africains en France (1900-1950)
[3] Bobin Florian, Les forces du désordre, de la répression coloniale aux violences policières
[4] CHEDS, Rapport MOWIP 2020 – 2021, Police et Gendarmerie du Sénégal
[5] And jef/Mouvement révolutionnaire pour la démocratie nouvelle était un parti politique fondé par Reenu-rew le 28 décembre 1974 lors du congrès clandestin. Le parti avait une orientation marxiste-léniniste, de tendance maoïste. Dès 1975, certains leaders du parti furent jetés en prison dont Landing Savané sous le régime répressif de Senghor. Il sera définitivement dissout en 1991.
LE NIGER FERME SES PORTES AUX FRANÇAIS
"Désormais, les Français et les binationaux doivent obtenir un laissez-passer des autorités pour venir au Niger, sinon on les renvoie", a déclaré une source nigérienne, faisant état de six refoulements de citoyens français ces dernières semaines
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 23/02/2024
D'après des informations rapportées dans Le Monde, les relations se dégradent fortement entre la France et la junte militaire qui dirige désormais le Niger, suite au coup d'État du 26 juillet 2023 contre le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum.
Selon plusieurs sources diplomatiques françaises et responsables nigériens s'exprimant anonymement dans les colonnes du quotidien, la majorité des citoyens français tentant de se rendre au Niger avec des papiers en règle se sont vu refuser l'accès au territoire à leur arrivée à l'aéroport de Niamey depuis la fin du mois de janvier.
C'est notamment le cas d'une Franco-Tchadienne et de Jean-Noël Gentile, responsable du Programme alimentaire mondial (PAM) et détenteur d'un passeport diplomatique des Nations unies, qui ont tous deux été refoulés début février, selon les informations publiées par le journal.
"Désormais, les Français et les binationaux doivent obtenir un laissez-passer des autorités pour venir au Niger, sinon on les renvoie", a déclaré anonymement une source nigérienne au Monde, faisant état de six refoulements de citoyens français ces dernières semaines.
De son côté, un conseiller du gouvernement nigérien a reconnu auprès du quotidien tricolore que "les Français sont bien refoulés à Niamey, sans être arrêtés". Les quelques personnes parvenant à franchir les portes de l'aéroport se sont vu en outre confisquer leur passeport par les autorités, selon cette même source gouvernementale.
Le 10 février dernier, Patrick (dont le prénom a été modifié pour des raisons de sécurité), Français résidant depuis plus de 10 ans au Niger et détenteur d'un titre de séjour et d'un passeport valide, s'est également vu refuser l'entrée sur le territoire nigérien, rapporte Le Monde. "L'agent a vu que j'étais Français à ma carte d'identité, il me l'a prise et est parti avec. Quand il est revenu, il l'a donnée au commandant de bord en disant 'Ramenez-le d'où il vient'. Je n'ai pas pu débarquer et je suis reparti en Europe", a témoigné cet homme auprès de nos confrères.
Toujours selon les informations publiées par Le Monde, une dizaine de citoyens français munis de visas ou cartes de séjour délivrés par les autorités nigériennes ont également été priés de quitter le pays. Le journal dénonce des "actes illégaux et xénophobes", qualificatif repris par une source officielle française.
Depuis le coup d'État militaire, les rapports se sont largement dégradés entre Paris, allié du président déchu Mohamed Bazoum, et la junte désormais au pouvoir à Niamey.