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3 mai 2025
Développement
HALTE AU FLOU ÉLECTORAL
L'organisation Sursaut Citoyen est préoccupée par l'absence de communication du président sur la fixation de la nouvelle date électorale. Le temps est compté pour une mise en œuvre fidèle des directives du Conseil constitutionnel
SenePlus publie ci-dessous l'intégralité du communiqué de l'organisation de la société civile Sursaut Citoyen daté du 19 février 2024 appelant à la définition sans attendre, d'une date pour la présidentielle afin de respecter les délais constitutionnels de fin de mandat.
"Sursaut Citoyen, engagé dans la lutte pour la sauvegarde de la démocratie et l'État de droit, en collaboration avec ses alliés de la société civile, notamment Demain Sénégal, et en tant que membre de la coalition Aar Sunu Election, exprime son inquiétude face à la non-annonce à ce jour d'une date précise pour l’élection présidentielle et l'absence d'une confirmation officielle du président Macky Sall concernant la transmission du pouvoir à la fin de son mandat, le 2 avril 2024.
La décision du Conseil constitutionnel, n° 1/C/2024, a rejeté comme inconstitutionnelle la loi n° 4/2024 et annulé le décret présidentiel 2024-106 du 03 février 2024. Ces mesures visant à reporter les élections du 25 février au 15 décembre 2024 et à prolonger indûment le mandat présidentiel sont désormais caduques.
La Constitution de notre pays impose le respect de cette décision, signifiant la nécessité de poursuivre le processus électoral interrompu et de garantir la tenue de l'élection présidentielle avant l'expiration du mandat actuel, sans possibilité de prolongation au-delà du 2 avril 2024.
Le temps est compté pour une mise en œuvre fidèle de ces directives, soulignant l'urgence d'actions concrètes pour respecter les délais constitutionnels.
Sursaut Citoyen est particulièrement préoccupé par l'absence de communication du président sur la fixation de la nouvelle date électorale. Afin d'assurer une transmission pacifique du pouvoir, conformément aux exigences constitutionnelles le président de la République doit sans délai annoncer la tenue de l'élection présidentielle le 3 mars 2024.
Cette démarche est cruciale pour la stabilité et l'avenir démocratique de notre nation."
par Serigne Touba Mbacké Gueye
LE DANGEREUX MENDIANT DE MANDAT
Le deuil de l’exercice du pouvoir présidentiel semble inopérant et difficile pour Macky Sall. Ne nous laissons pas manipuler par des hommes politiques aux ambitions douteuses
« Nous ne sommes pas riches de ce que nous possédons, mais de ce dont nous pouvons nous passer » - Kant.
Admettre que son mandat ne peut être prolongé, sous quel que prétexte que cela puisse être, et devoir recourir à l’Assemblée nationale puis au Conseil constitutionnel, revient à reconnaître que Macky Sall quémande une prolongation qui ne dépendra pas de lui ou de sa boulimique volonté de continuer à nous diriger. Il y a, à point nommé, quelque chose, dans cette attitude inélégante de confiscation du pouvoir de représentativité, ce que volontiers nous appelons une mendicité politico-juridique. Qu’est-ce alors que la mendicité ?
En règle générale, un mendiant est une personne qui vit matériellement d'aumônes, d’argent ou de la nourriture donnée par charité. Il est habituellement un itinérant sans lieu de résidence fixe. Ainsi, il est à noter que l’on ne naît pas mendiant ; on le devient par le fruit ou le résultat d'un processus de décadence sociale voire d'une chute socioéconomique. Se rapprochant aux termes ptôchos (« mendiant »), ptôcheia (« mendicité ») et au verbe piptô, « chuter », il est plausible de définir le mendiant comme quelqu’un qui a chuté de la possession de quelque chose. Par ailleurs, il serait, en effet, important de ne pas confondre, de manière systématique, mendicité avec pauvreté. De manière générale, le pauvre travaille et gagne sa vie à la sueur de son front tandis que le mendiant, quant à lui, contrevient aux principes de base afférents à l'effort et la participation à l'économie et le développement sociocommunautaire.
Compte tenu de ce démantèlement sémantique, il nous est maintenant aisé de justifier en quoi Macky Sall est-il réduit à un statut de mendiant de mandat digne de ce nom ? Après la forte chute de sa légitimité, et s’accrochant, par tous les moyens possibles, à l’usage exagéré de la force répressive, il ne lui reste maintenant qu’à tendre la main pour une augmentation, ne serait-ce que pour quelques mois, de son mandat. Il ne comptait pas les jours pendant ses douze années calamiteuses de règne, mais pour l’heure, les instants sont précieux pour le parachèvement de la correction de ses innombrables frasques politico-économico-socio-juridiques. L’aumône parlementaire et constitutionnelle sont, par conséquent, deux éléments présents dans ce que souhaite Macky Sall, car il a beau vouloir bomber le torse et se prévaloir d’une notoriété hégémonique sur ses concurrents, il devient subitement un précaire politique dont l’avenir dépend de ce qu’il obtiendra des institutions censées garantir la Constitution au nom du peuple sénégalais. Nous assistons, en ce moment, à une chute vertigineuse d’un président anciennement plébiscité par son peuple – rappelons qu’il fut élu à 65 % au second tour en 2012 et à 58% en 2019, et ce dès le premier tour – et qui aujourd’hui se retrouve dans une posture descendante, humiliante et dévalorisante. Car avoir été l’espoir de tout un peuple (à l’issue du second tour de 2012, les chroniqueurs et analystes politiques nous vendaient l’idée qu’il ferait mieux que ses prédécesseurs pour être né après les indépendances comme si cela suffisait principiellement à développer un pays) et devenir le désespoir et le pire cauchemar de celui-ci est de l’ordre d’un déclin politique qui ne l’honore pas, mais qu’il a bien mérité en raison de sa méchanceté sanguinaire et de son cynisme mortifère. Jamais, un président de la République n’a causé autant de tort à notre vaillant peuple d’antan bien adulé, chéri et envié de tous les aspirants et amoureux de la démocratie. Nous voilà aujourd’hui réduits à la situation chaotique d’un peuple calfeutré dans sa triste marche vers un combat certes important, mais qui pouvait être évité si le mendiant de mandat ne s’était pas plongé dans les bras de l’aventure hasardeuse d’un désir dictatorial qu’il sait lui-même impossible sous les tropiques sénégalais. Comment alors Macky Sall a-t-il enregistré sa chute politique au point de devenir un piètre mendiant de prolongation de mandat ?
Avant les évènements de mars 2021, l’actuel mendiant de mandat se croyait tout puissant et pensait que rien ni personne ne pouvait l’arrêter. D’ailleurs, il se permit de dire, à l’occasion de sa rencontre avec la presse sénégalaise du 31 décembre 2020, que pour ce qui a trait à son troisième mandat, il ne répondra ni oui ni non. Pensant avoir neutralisé son opposition et imbu de sa pauvre personne, il considéra que rien ne pouvait l’arrêter et que le moment venu, annoncer sa candidature à un troisième mandat ne serait qu’une simple formalité administrative de cela même qu’aucune résistance ne saurait lui être opposée par le peuple sénégalais qu’il crut, à l’époque, avoir suffisamment domestiqué par le règne de la terreur répressive voire oppressive, la propagande médiatique et la corruption de la presque totalité des voix dissidentes. Le chemin vers un troisième mandat presque acquis sembla balisé et dépourvu de toute impasse oppositionnelle et de tout soulèvement populaire citoyen. Après les évènements de mars, tous les analystes politiques, bien au fait de la marche d’un peuple dans ses multiples variations et métamorphoses, savaient que le troisième mandat était hypothéqué. D’ailleurs, dans une entrevue accordée à SenePlus en date du 10 mars 2021, Boubacar Boris Diop, brillant intellectuel engagé, affirmait à juste titre que la question du troisième mandat était définitivement réglée. L’histoire semble lui avoir donné raison.
Comme si l’histoire ne pouvait faire l’économie de se répéter, en juin 2023, soit deux années après, d’autres évènements de confirmation de la détermination des Sénégalais à ne pas se laisser faire, avaient fini par confirmer l’impossible troisième candidature, pour ne pas dire un troisième mandat. Sur le plan politique, c’est tout un renversement situationnel. La montée de la colère et d’une nouvelle conscience de devoir de résistance semblent avoir pris le dessus sur les velléités de briguer un troisième mandat. À partir de ce moment, les Sénégalais ont commencé à intégrer dans leurs schèmes de pensée que le président sortant n'avait aucune raison de déclarer sa candidature à un troisième mandat, car l’espoir et le désir de changement étaient si forts qu’un seul et unique choix s’offrait à lui : renoncer à la passion du mandat de trop. Dans une déclaration publique diffusée en direct le 3 juillet 2023, l’actuel mendiant de mois de plus déclara qu’il ne briguera pas un troisième mandat même si la Constitution le lui permit (ce qui est absolument faux, car cette dernière est bien claire là-dessus « nul ne peut exercer plus de deux mandats successifs »). Ce fut à contrecœur qu’il fit cette déclaration. Les signes qui affleuraient au travers de son visage et ses gestes, lors de ses sorties officielles, laissaient voir un malaise, un désarroi et un dépit qui ne pouvaient que déboucher ultérieurement sur une mendicité éhontée de mandat sous le prétexte d’un report des élections du 25 février 2024. Le deuil de l’exercice du pouvoir présidentiel semble inopérant et difficile pour Macky Sall. Voilà un homme qui n’a aucune estime de lui-même contrairement à ce qu’il laisse penser au travers de ses sorties et déclarations pompeuses au sujet de son avenir. Il est un pur accident de l’histoire politique du Sénégal. Macky Sall est un homme de pouvoir qui ne se voit pas hors de la station présidentielle dont il pense être le summum de sa carrière. Il n’envisage pas de carrière autre que politique, car après tout c’est ce dans quoi il a toujours navigué, y gravissant tous les échelons au fil des ans. De plus, avec toutes les erreurs politiques et génocides économiques qu’il a commises, il n’ose même pas s’imaginer être hissé au panthéon des hautes personnalités qui, après la présidence de la République, occuperont des postes dans les plus grandes institutions ou organisations internationales. Il ne rêve même pas d’une vie après le pouvoir présidentiel. Ce deuil difficile et amer serait, entre autres, à l’origine de sa chute tragique l’ayant conduit droit au mur de la mendicité de prolongation de mandat.
S’il est vrai qu’au Sénégal nous savons élire des présidents, il est également vrai que n’avons jamais eu l’occasion de les accompagner dans leur deuil de règne présidentiel. Senghor quitta le pouvoir pour se retrouver en Normandie dans les bras de la poésie et des lettres, oubliant complètement le Sénégal. Abdou Diouf, pour avoir permis la première alternance démocratique au Sénégal, avait la chance d’occuper le poste de secrétaire général de la francophonie de 20023 à 2015. Quant à Abdoulaye Wade dont la renommée, du temps où il était opposant, était incontestable, il brille par son absence sur la scène internationale pour avoir eu une fin de règne déshonorante en 2012. Macky Sall se sachant destiné à un futur pathétique s’accroche au pouvoir quitte à mendier 8 mois de plus à l’Assemblée nationale et au Conseil constitutionnel. Ce dernier a, pour sa part, fini par annuler la loi portant prolongation du mandat présidentiel, mais rien n’est encore fait pour nous rassurer que Macky Sall partira le 2 avril. Car, si le gouvernement décide de ne pas organiser les élections avec la complicité de l’administration partisane et les forces de défense et de sécurité alors rien ne se fera avant la date de fin de son mandat. Avec son communiqué de presse affirmant qu’il accepte la décision du Conseil constitutionnel, il se joue allègrement de nous pour gagner du temps. Soyons alors prudents et moins emballés par cette décision du Conseil constitutionnel, car le chemin vers l’organisation de l’élection est encore loin d’être totalement parcouru. Que Macky Sall ne nous surprenne plus une énième fois.
Laissé à l’abandon par ses premiers compagnons de parti et entouré de ses anciens adversaires devenus ses thuriféraires, il n’est pas bien loti dans le deuil du pouvoir et subit, du même coup, un traumatisme qu’il n’est pas capable d’affronter. Pour répondre à ses peurs et angoisses, il est prêt à trouver les moyens les plus farfelus pour conserver le pouvoir y compris libérer massivement des prisonniers qui ne devaient passer, dans un État normal, une seule minute en prison. Qui alors pour arrêter le mendiant de mandat ?
Le peuple sénégalais qui seul est souverain est le maître actuel du jeu. N’attendons rien de quelle qu’institution que ce soit, pour autant même qu’aucune d’entre elles n’est foncièrement libre de ses décisions y compris le Conseil constitutionnel qui durant les douze ans de règne de Macky Sall n’a brillé que par des décisions généralement partisanes au lot desquelles nous mettons volontiers celle qui annule le décret de Macky Sall de report des élections de 2024 (c’est la seule décision qui arrange Macky Sall en ce moment pour désamorcer la crise et espérer encore endormir le peuple sénégalais). Qui pouvait imaginer que le Conseil constitutionnel oserait dire non à la prolongation de mandat du mendiant Macky Sall ? Ce Conseil constitutionnel longtemps dyslexique, dyscalculique et dysorthographique dès qu’il s’agissait de trouver des subterfuges à Macky Sall ne peut pas devenir subitement attaché aux règles de droit. Il y a indubitablement anguille sous roche. Restons vigilants si nous ne voulons pas que le mendiant obtienne la prolongation tant voulue de son mandat. Ne nous laissons pas manipuler par des hommes politiques aux ambitions douteuses et sachons que notre seul credo doit être de dire non à Macky Sall avec qui dialoguer n’est pas possible sans se faire avoir. Nul besoin de s’asseoir avec lui : il n’a qu’à choisir une date dans les plus brefs délais, mettre en branle l’administration et mobiliser les forces de sécurité pour assurer la sincérité du scrutin. Aucune occasion ne doit lui être donnée pour obtenir un seul jour de plus après le 2 avril. Le dialogue fait partie de l’aumône qu’il demande pour rester encore un peu plus au pouvoir. Comme le stipule un proverbe lituanien « chaque mendiant loue sa béquille ». Macky Sall est et restera toujours manipulateur, égotique, malicieux, sadique, cynique, narcissique, perfide, vaniteux, faux, orgueilleux et lâche même si aujourd’hui il se ramasse les pieds dans le tapis pour mendier des jours ou mois de plus. Gare à ceux qui lui feront confiance au point de s’asseoir avec lui autour d’une table de dialogue-discussion-concertation-conversation ! Jean de la Fontaine avait bien raison de conclure, dans Les loups et les brebis, « Qu’il faut faire aux méchants guerre continuelle. La paix est fort bonne en soi : J’en conviens ; mais de quoi sert-elle avec des ennemis sans foi ». Il urge de libérer le peuple sénégalais de cette association de malfaiteurs à la tête de notre pays : ICI ET MAINTENANT.
Un président ne peut pas aller à l’encontre du Peuple souverain, de la Constitution, des lois et règlements et des grands consensus nationaux, au risque d’être déchu. Au contraire, c’est sa Bible et son Coran
Le dialogue, s’il a lieu, devrait embrasser une large palette de sujets et ne pas seulement entériner les préoccupations électoralistes des femmes et hommes politiques. Dans ses termes de référence, le dialogue, le vrai, devrait s’intéresser à l’étendue et aux limites des pouvoirs de celui que nous appelons président de la République et qui, dans les faits, a plus de pouvoirs que le roi et le Premier ministre d’Angleterre réunis.
Dans une République, le pouvoir arrête le pouvoir. Or, dans notre constellation d’anciens royaumes du Baol, du Sine, du Saloum, du Fouta Toro, du Djolof, du Walo, etc. on a plus affaire à des chefs traditionnels qu’à des Présidents. Un Président ne peut pas aller à l’encontre du peuple souverain, de la Constitution, des lois et règlements et des grands consensus nationaux, au risque d’être déchu. Au contraire, c’est sa Bible et son Coran. Il leur doit allégeance, respect et protection. Aux Etats-Unis, Donald Trump a appris à ses dépens que, quoique locataire de la Maison Blanche, on ne défie pas impunément les lois de la République.
Le premier décret qu’il a pris et visant à interdire le sol américain à des ressortissants de pays dits terroristes a été invalidé par un anonyme juge. Le juge de district, James Robart avait, en effet, donné raison à deux organisations, l’American Civil Liberties Union (ACLU) et le Jewish Family Service, qui lui demandaient de bloquer le nouveau décret pris par Trump visant à empêcher l’entrée aux Etats-Unis de réfugiés venant de 11 pays, dont la plupart ont une population à majorité musulmane. Dans la configuration actuelle de notre Constitution, quel juge oserait aller à l’encontre des désirs d’un Président nouvellement élu et pendant son temps de grâce ? Lorsque le même Trump a voulu contester les résultats de la Présidentielle et a ordonné à ses écervelés soutiens d’envahir le Capitole, il s’est heurté à un mur : la solidité des institutions américaines.
Résonne encore dans notre tête le discours prophétique de l’ancien Président américain, Barack Obama, qui, au Caire, disait que «l’Afrique a besoin d’institutions fortes et non d’hommes forts». Chez l’Oncle Sam, la Constitution n’est pas un cahier d’écolier qu’on rature, selon ses désirs et volontés du moment. «C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir a tendance à en abuser», dixit Montesquieu dans L’Esprit des lois. Qui, un peu avant la Révolution torodo, en tire la recommandation que «pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir.» Il faut que le Judiciaire puisse mettre le holà quand il constate que l’homme à la tête de l’Etat sombre dans l’abus. Un pouvoir judiciaire fort se serait, une heure après l’adoption de la très controversée loi portant report de l’élection au 15 décembre, autosaisi et rappelé l’intangibilité des dispositions constitutionnelles touchées et qui gouvernent l’élection du président de la République au Sénégal. Ce que, saisi par des plaignants, le Conseil constitutionnel a fait, une dizaine de jours plus tard, alors que trois morts ont été enregistrés et des biens publics et privés saccagés.
C’est le propre de nos Etats que chaque homme qui arrive au pouvoir, la première chose à laquelle il pense, c’est de créer les conditions de sa réélection. Et la première idée qui lui vient à l’esprit est de modifier la Constitution de sorte à créer le maximum d’imbroglios possible pour, en cas de besoin, les faire interpréter en sa faveur. Il faut que cela cesse. Ce dialogue, le plus large et le plus inclusif possible, ne devrait pas être laissé aux seuls politiciens et autres «tailleurs constitutionnels» qui ne sont intéressés que par leurs petites ambitions de carrière, pour les premiers, les honoraires de consultance, pour les seconds.
Paysans, pasteurs, pêcheurs, marchands ambulants, étudiants, éboueurs, anthropologues, philosophes, religieux, sociologues, juristes, journalistes, enseignants, médecins, mécaniciens, etc. y ont tous leur place et leur mot à dire. Parce qu’il s’agit de questionner notre rapport à la chose publique (res publica) et le rapport au pouvoir de celui que nous aurons choisi ainsi que de refonder notre modèle démocratique. Tant que nous continuerons à raisonner en termes de «Buur», «Nguur», «Borom reew» et autres termes rétrogrades, nous serons toujours surpris du changement de trajectoire de ceux que nous porterons au pouvoir une fois qu’on les aura installés au-dessus de nos têtes.
Tant que nos présidents auront droit de vie et de mort (grâce, forces de répression, immunité) sur leurs concitoyens, une caisse noire alimentée à fonds perdus avec des milliards dont on ne connaît ni l’usage ni la comptabilité encore moins la destination, nous ne serons pas admis à nous prévaloir d’une République. Et c’est sur cela que doit porter, en premier, le dialogue, le vrai. A défaut, nous devrons nous contenter, sans reproches ni murmures, et pour longtemps encore, de notre statut de sujets de celui dont nous aurons participé à l’élection.
DÉSACCORDS PERSISTANTS AUTOUR DU CALENDRIER ÉLECTORAL ET DES RÈGLES DU JEU
L'annulation du report n'a pas levé toutes les incertitudes. Si l'opposition veut profiter de l'élan du 25 février, la majorité souhaite éviter les contestations en allongeant les délais. Le pays attend que Macky dévoile les modalités de sa médiation
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 19/02/2024
Le débat fait rage au Sénégal sur la marche à suivre pour l'organisation de l'élection présidentielle, après l'annulation du report du scrutin par le Conseil constitutionnel. Le président Macky Sall a annoncé des "consultations pour l'organisation de l'élection dans les meilleurs délais" mais les acteurs politiques ne s'entendent pas sur le format et les modalités de ces discussions, à en croire RFI.
D'un côté, l'opposition menée par Ousmane Sonko du parti Pastef et les soutiens du candidat Bassirou Diomaye Faye réclament une élection avant la fin du mandat du président le 2 avril, en s'appuyant sur la décision du Conseil constitutionnel. Le collectif citoyen "Aar Sunu Election" demande quant à lui la tenue du scrutin dès le 3 ou 10 mars avec les mêmes candidats validés initialement.
Mais au sein de la majorité présidentielle, certains plaident pour un dialogue national plus large afin de "bâtir un consensus" et éviter les contestations. Un cadre du parti au pouvoir estime ainsi qu'il faut "prendre le temps du dialogue" et trancher notamment sur le cas de la candidate Rose Wardini dont la double nationalité est remise en cause.
Enfin, les candidats recalés réclament pour leur part une "concertation nationale" afin de réviser la loi électorale et ainsi tout reprendre à zéro, à l'image de Karim Wade dont le parti avait demandé le report. Le débat reste donc ouvert sur le format que prendront les consultations annoncées par le chef de l'État.
15 CANDIDATS EXIGENT LA TENUE DE L'ÉLECTION AVANT LE 2 AVRIL
Les candidats considèrent que la liste des 20 prétendants validée en janvier par le Conseil constitutionnel doit être respectée. Ils déplorent qu'aucune mesure n'ait été prise par les autorités pour exécuter la décision de cette institution
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 19/02/2024
Quinze des vingt candidats retenus en janvier dernier pour l'élection présidentielle sénégalaise ont exigé dans un communiqué consulté par l'AFP que le scrutin ait lieu au plus tard le 2 avril prochain, date d'expiration officielle du mandat du président sortant Macky Sall.
Selon une source fiable de l'Agence France-Presse, les candidats assurent que la liste des vingt prétendants entérinée par le Conseil constitutionnel en janvier reste intangible. Ils constatent "avec amertume" que depuis la décision de l'institution "aucun acte n'a été posé par les autorités dans le sens d'exécuter celle-ci", peut-on lire dans le communiqué signé notamment par l'ancien maire de Dakar Khalifa Sall et le candidat anti-système Bassirou Diomaye Faye.
Cette prise de position intervient alors que les Sénégalais ignorent toujours la date du prochain scrutin présidentiel après l'invalidation par le Conseil constitutionnel de la décision du chef de l'État Macky Sall de reporter l'élection. Ce dernier a toutefois assuré vendredi son intention de "mener sans tarder les consultations nécessaires pour l'organisation de l'élection dans les meilleurs délais", comme le requiert la plus haute juridiction du pays.
Les quinze candidats signataires du communiqué, parmi lesquels ne figurent pas le Premier ministre Amadou Ba ni les anciens chefs de gouvernement Idrissa Seck et Mahammed Boun Abdallah Dionne, exigent donc que le second tour de la présidentielle se tienne au plus tard le 2 avril prochain, date d'expiration du mandat en cours.
par Fallou Dieng
AVIS D’UN CITOYEN CONCERNÉ
Le 3 avril 2024, peu importe qui dirigera notre pays bien-aimé, nous vivrons dans une République souillée. Le président Macky Sall a provoqué une atteinte au caractère sacré de son serment, de son devoir, de la Constitution
Le passé retient son souffle, l’Histoire nous observe et l'avenir est témoin du comportement, de la survie et de la crédibilité de notre Nation. L’élection aurait dû être celle la plus cruciale de notre vie démocratique jusqu’à ce qu’un président égoïste, cruel et sans principes en décide autrement.
Le 3 avril 2024, peu importe qui dirigera notre pays bien-aimé, nous vivrons dans une République souillée. Le président Macky Sall a provoqué une atteinte au caractère sacré de son serment, de son devoir, de la Constitution et de toutes les normes et valeurs démocratiques qui définissent le Sénégal, comme un exemple en Afrique et dans le monde. Ses actions antidémocratiques mettent sérieusement en danger nos modes de vie et détériorent l'exception sénégalaise. L’essence d’une démocratie est précisément l’idée fondamentale qui atteste que la souveraineté appartient uniquement au peuple. Seul le peuple a une voix au chapitre. Les élections sont vitales pour une République qui se qualifie d’être une Nation démocratique. Elles permettent aux citoyens de s'exprimer et de participer à la marche de la République. Le vote est le souffle d’une République. Par conséquent, il ne doit pas être pris à la légère.
Reporter la date du scrutin ou prolonger la durée du mandat du président, est une rupture du contrat social, une violation de la Constitution. Cette forfaiture historique sans précédent met la République et la Nation en danger.
Heureusement pour la République, le Conseil constitutionnel a eu le dernier mot. Nous saluons la décision du Conseil constitutionnel, qui a rétabli l'ordre, en disant le droit dans toute sa rigueur. Maintenant, l’administration doit respecter cette décision. Par la même occasion, nous invitons chacun à exercer ses droits constitutionnels dans le respect mutuel, dans la sérénité et dans le souci de préserver les vies. La paix n'a pas de prix, et l'injustice ne peut soutenir l'équité et l'harmonie.
Un dialogue pour sortir de la crise. Une concertation pour endormir le peuple. Une amnistie biaisée pour aveugler la justice. Soyons sérieux, on ne joue pas avec la République. La petite politique et la partisanerie aveugle ruinent toujours la voix de la raison et cassent toutes les digues. Ma candidature ou pas d'élection. Mon leader ou pas d'élection. L’ennemi le plus redoutable du Sénégal est, de loin, les élites et les dirigeants malhonnêtes.
Nous invitons les citoyens à aller retirer leurs cartes d’électeur et attendre le jour du scrutin pour exprimer leur devoir. Le vote a une valeur sacrée dans une démocratie. Il protège la République contre toutes formes d’attaques. Les citoyens ne doivent jamais l’ignorer. Et comme le disait, John F. Kennedy « L’ignorance d’un électeur dans une démocratie porte atteinte à la sécurité de tous. »
Nous devons être des citoyens à tout moment et prêts à affronter tout ce qui menace et met en danger non seulement le pays mais aussi les générations à venir. Nous ne devons pas être le cauchemar de nos ancêtres mais l'espoir et l'inspiration de nos descendants.
Menons les bons combats, redonnons de la dignité à notre démocratie et à nos modes de vie.
par l'éditorialiste de seneplus, pierre sané
LE PRÉSIDENT DOIT DEMANDER PARDON AU PEUPLE SÉNÉGALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Il nous appartient de nous assurer qu’il nous organisera une élection sans « tricheries ». Ce qui demeure un défi majeur y compris le jour du scrutin. La vertu n’est pas une marque de fabrique de ce régime
Au Sénégal, on se dirigeait cahin-caha vers une élection présidentielle qui devait enfin clore un magistère heurté et en ouvrir un nouveau plus serein. Comme précédemment le processus électoral avait été marqué par les controverses habituelles liées au Code électoral, au fichier, à la participation d’Ousmane Sonko, au système de parrainage, etc. Rien de nouveau. Le président avait encore convoqué un dialogue visant à produire un accord porté ensuite par un projet de loi et un passage à l’Assemblée. S’étant enfin assuré de l’exclusion d’Ousmane Sonko, le président avait émis un décret convoquant le corps électoral à une date permettant l’investiture du nouveau président dans les délais constitutionnels. Le Conseil constitutionnel avait achevé son travail en validant 20 candidatures et en suscitant les mécontentements usuels. La campagne électorale pouvait enfin commencer, annonçant le début de la fin. Les Sénégalais, le peuple souverain attendaient patiemment ce rendez-vous de la délivrance.
Et puis patatras !
Le 3 février, le président nous annonce d’un ton péremptoire, en trois minutes et avec deux heures de retard, « J’annule tout ». Pourquoi ? A cause d’accusations de corruption épinglant deux membres du Conseil. La majorité parlementaire dans la précipitation en profita pour allonger la durée du mandat du président en lui servant son fameux « dessert.» Le tout en trois jours et en violation flagrante des dispositions intangibles, constitutionnelles.
L’incroyable légèreté des raisons avancées avec désinvolture et la mauvaise foi manifeste ont suscité un tollé général dans le pays ainsi qu’à l’international. La riposte s’est alors organisée autour d’un non massif et résolu. La répression est encore une fois violente avec un usage excessif de la force par la gendarmerie, causant la mort de trois jeunes sénégalais tués par balles réelles et s’ajoutant aux soixante victimes des répressions sanglantes de juin 2021 et mars 2023. Macky Sall s’est alors rendu compte qu’il s’était engouffré dans une impasse et a commencé a se chercher désespérément une porte de sortie. Comment se sort-on d’une voie sans issue ? Pourtant le panneau de sens interdit était clairement affiché !
Le Conseil constitutionnel s’étant ré-approprié ses compétences a statué que Macky Sall et sa majorité parlementaire avaient violé la Constitution du pays et le Conseil a procédé purement et simplement a l’annulation des textes soumis. Injonction ayant été donné à l’exécutif de poursuivre le processus électoral et d’organiser l’élection dans les délais permettant d’éviter une vacance dans l’exercice de la fonction présidentielle. Ce à quoi le président s’est engagé.
Va-t-il s’y tenir ? Il faut dire qu’il y a une rupture de confiance entre le peuple et son président. Faut-il le croire ?
Car la question qui interpelle, c’est pourquoi ? Pourquoi avoir crée cette crise dont les conséquences sont désastreuses ? En matière de vies perdues, de blessés, de nouvelles cohortes d’arrestations, de pertes économiques, de dysfonctionnements institutionnels, de dégringolade de la réputation internationale du Sénégal ? A deux mois de son départ de la tête du pays ?
Pourquoi ? Ignorance coupable de la Constitution ? Violation délibérée de notre pacte fondamental ? Assurance que le Conseil constitutionnel allait entériner cette forfaiture ? Peur obsessionnelle de perdre le pouvoir au profit d’une alternative populaire et déterminée ? Sans réponse à ces questions quelles garanties avons-nous que le président va se soumettre aux injonctions du Conseil constitutionnel ?
Il semblerait que le discours du 3 février ait été une réponse angoissée à la probabilité d’une victoire du candidat du Pastef. Contrairement à ce que disent certains, Macky Sall n’avait rien planifié, n’a rien anticipé et n’a pas de stratégie de sortie de crise. Il s’agite dans l’improvisation au jour le jour à la recherche de voies de contournement de la loi et des règles, et de pare-feux pour contrer les incendies qu’il a lui même allumés. C’est un homme sans convictions avec une prédilection pour les coups tordus, mais il reste affligé du handicap de l’incompétence. Le seul cap qui l’obnubile, c’est la conservation du pouvoir le plus longtemps possible et la main basse sur le pétrole. « Apaisement », « Dialogue », « Réconciliation » ne sont que des parades destinées à gagner du temps.
Va-t-il se résoudre maintenant à suivre le droit chemin en commençant par demander pardon aux familles de toutes ces victimes abattues par sa police ?
Il n’y a que deux possibilités pour une nouvelle date du scrutin : les dimanches du 3 mars ou du 10 mars. C’est un problème technique auquel les « services compétents » doivent s’atteler comme requis par le Conseil constitutionnel. Nul besoin de dialogue. Avait-il dialogué avant de convoquer le corps électoral initialement ? Avait-il dialogué avant d’annuler cette convocation ?
Le dialogue semble être “l’arme fatale”de Macky Sall.
L'Arme fatale (Lethal Weapon) est une comédie policière américaine réalisée par Richard Donner et sortie en 1987. C'est le premier opus d'une série de quatre films, poursuivie avec L'Arme fatale 2 (1989), L'Arme fatale 3 (1992) et L'Arme fatale 4 (1998). Même réalisateur, mêmes acteurs (Mel Gibson, Dani Glover) même histoire, même scénario, même épilogue. On s’en lasse ! D’ailleurs, un 5ème film initialement prévu en 2020 n’a toujours pas vu le jour. Ce qui sera probablement le sort du nouveau dialogue qu’on nous annonce.
Notre président s’inspire d’une comédie policière pour nous servir une comédie politique à répétition et de très mauvais goût. Car dans une démocratie, le dialogue est permanent et ne saurait être circonscrit à un événement circonstanciel au palais de la République. Le dialogue requiert une certaine disposition d’esprit fondée sur une culture démocratique, animé par une bonne foi réelle et une capacité d’écoute sincère. Attributs qui font cruellement défaut à notre président.
Comment convaincre le peuple qu’on est ouvert au dialogue lorsqu’on ferme la télévision Walfadjiri à sa guise et qu’on bâillonne les “sans voix”? Se privant ainsi de la possibilité de les entendre sans filtre ? Comment convaincre la classe politique lorsqu’on interdit l’accès à la télévision nationale de candidats validés pour l’enregistrement de leurs messages de campagne ? Ou lorsqu’on aboutit en prison pour un post Facebook comme le Secrétaire général du Pastef ?
Quelle est l’opportunité d’un dialogue après avoir pris une décision qu’il faut maintenant avaliser et où il s’agit en fait d’en gérer les conséquences ? Par ”consensus presidentiel” ? Qu’est-ce que ce dialogue fondamentalement asymétrique ou les conclusions sont portées au président pour décision selon son bon vouloir ? C’est quoi ce dialogue ou les communicants du pouvoir se sont immédiatement mis à caqueter : Sonko « inflexible » face à la « mansuétude » du président ?
Au Sénégal, on réprime violemment pour « préserver la paix », on gaze les manifestants pacifiques pour les amener à « dialoguer », on tue pour « contenir la violence », on libère des détenus innocents pour faire de la place pour de nouvelles cohortes de détenus tout aussi innocents et ce pour “apaiser” la situation. Une terminologie plus appropriée serait :”Otages”.
Au fond, le président appelle à un dialogue pour négocier une amnistie générale destinée bien sûr à couvrir ses propres crimes et ceux de ses complices. Encore faudrait-il qu’ils demandent pardon au préalable. Et que dire de sa dernière trouvaille, son appel immoral à l’armée ?
Quand Macky Sall s’essaie à la subtilité, sa balourdise naturelle reprend le dessus. La menace et le chantage sont tellement lumineux que tous les Sénégalais comprennent aussitôt. Il nous dit en français facile, soit vous acceptez mon décret d’annulation et de report, soit je remets les clés du palais à l’armée.
Nous Sénégalais propriétaires de ce pays, propriétaires du pétrole et du gaz, propriétaires de ce palais, propriétaires de ce mandat, n’avons pas notre mot à dire
Quelle outrecuidance ! Quelle morgue ! Quelle arrogance!
Il pense ainsi pouvoir réaliser son ambition déclarée de réduire l’opposition à sa plus simple expression en installant au moment de son départ un régime militaire pour parachever son obsession. De fait, il traite désormais tous les Sénégalais en ennemis, puisqu’ils se sont rangés majoritairement du côté de l’opposition
A-t-il renoncé ?
Ce président aura tout simplement été une calamité pour le Sénégal. Chaque fois qu’il commet une illégalité, il nous surprend encore en tombant plus bas. Et quand il atteint le fond, il continue à creuser tel un forcené. Et certains veulent aller dialoguer avec un homme qui déclenche un coup d’État et après aspire à le prolonger avec un putsch. Faire une passation de service volontaire avec un gradé de l’armée ? On aura tout vu.
Quand on est dans une impasse, il faut tout simplement admettre qu’on s’est trompé de chemin et faire demi-tour avant qu’il ne soit trop tard. Un président a le droit de faire preuve d’humilité et de demander pardon.
Mais je ne suis pas sûr qu’il pourra trouver cette disposition dans son fumeux“code d’honneur“ou ce qu’il en reste. Il nous appartient donc de lui imposer le chemin et de nous assurer qu’il nous organisera une élection sans « tricheries », ce qui demeure un défi majeur y compris le jour du scrutin. Car la vertu n’est pas une marque de fabrique de ce régime.
Le Conseil constitutionnel a indiqué la voie de sortie de l’impasse.
Par Madiambal DIAGNE
CHAQUE JOUR DE PERDU COÛTERA À MACKY SALL
L’astuce de travailler à repousser l’élection ne trompe personne. D’aucuns voudraient faire rebattre les cartes en vue de déposer subrepticement de nouvelles candidatures. Toutes les excuses sont bonnes, comme le Ramadan musulman et le Carême catholique
Le Conseil constitutionnel a annulé la loi adoptée le 5 février 2024. Initiée par les députés, elle portait sur le report au 15 décembre 2024 de l’élection présidentielle, initialement fixée au 25 février 2024. Le contexte était lourd du fait de l’emballement de la situation politique. Le 31 janvier 2024, une Commission d’enquête parlementaire sur de graves accusations de corruption de membres du Conseil constitutionnel a été mise en place. Le lendemain, 1er février 2024, il est révélé un motif de disqualification d’une candidate dont le nom figure sur la liste retenue par le Conseil constitutionnel. Le Groupe parlementaire du Parti démocratique sénégalais (Pds), soutenu par la majorité parlementaire de Benno bokk yaakaar (Bby), déposa alors, le 2 février 2024, une proposition de loi portant report de l’élection présidentielle. L’Assemblée nationale décida d’examiner le texte en procédure d’urgence. Prenant prétexte de cette situation, le Président Macky Sall prit, le 3 février 2024, un décret suspendant le processus électoral. La motivation était de laisser libre cours, à tout le moins, à la procédure législative enclenchée. Le Conseil constitutionnel a également déclaré sans fondement légal ce décret abrogeant la convocation du corps électoral.
Les œillères du Conseil constitutionnel
Je me suis amusé à faire remarquer que le Sénégal est une bien belle dictature bananière où les juges peuvent rendre un verdict désavouant et l’Assemblée nationale et le président de la République, et rentrer dormir tranquillement chez eux. Mieux, le président Macky Sall, sans objection ni murmure, a fait publier un communiqué à travers lequel, prenant acte de la décision, il s’est engagé à la mettre pleinement à exécution. C’est sans doute un pas de plus sur l’infini chemin du renforcement de l’Etat de Droit. Il n’en demeure pas moins que le citoyen s’incline, mais reste en droit de s’autoriser son droit d’objection ou de critique. C’est dans ce sens qu’on peut rester dubitatif à bien des égards. En effet, le Conseil constitutionnel souligne notamment «qu’au regard de l’esprit et de la lettre de la Constitution et de la loi organique relative au Conseil constitutionnel, le Conseil constitutionnel doit toujours être en mesure d’exercer son pouvoir régulateur et de remplir ses missions au nom de l’intérêt général, de l’ordre public, de la paix, de la stabilité des institutions et du principe de la nécessaire continuité de leur fonctionnement». Le Conseil constitutionnel doit, au nom de ce principe, exercer un contrôle sur ses propres activités. En d’autres termes, le Conseil constitutionnel, autant qu’il se reconnaît le droit légitime de contrôler les actes des autres institutions, ne saurait faire l’impasse sur ses propres turpitudes. Le Conseil constitutionnel doit se sentir obligé de se prononcer et s’expliquer sur le cas de Rose Wardini dont la double nationalité a été découverte et rendue publique, avec des preuves évidentes ; les mêmes preuves fournies pour disqualifier Karim Meïssa Wade. Il y a lieu de souligner cependant que ce dernier, avant le verdict du Conseil constitutionnel, avait rapporté la preuve de la renonciation à sa nationalité française. Est-ce pour détourner leur regard de ce manquement que les juges constitutionnels se sont gardés de préciser, dans leur décision du 15 février 2024, avec quelle liste de candidats en compétition devrait-on organiser l’élection présidentielle ? Cela ne saurait nullement être superfétatoire.
En tout cas, la liste des candidats, publiée le 21 janvier 2024, n’est pas encore modifiée et le Conseil constitutionnel devrait s’autoriser toutes les diligences nécessaires pour essayer de s’épargner que d’autres avaries de sa sélection ne viennent encore jeter le discrédit sur son travail. Le cas échéant, il se sera couvert de ridicule. Le président de la République a le devoir de consulter formellement le Conseil constitutionnel sur cette question de la liste des candidats, en vue de lever toute équivoque ou ambiguïté.
Un successeur élu avant le 2 avril 2024
Au demeurant, le Conseil constitutionnel a posé une balise très claire, celle de fixer que le mandat du président de la République ne saurait excéder la date du 2 avril 2024 et qu’il revient donc, à ce dernier, de prendre les dispositions nécessaires en vue de la tenue de l’élection définitive de son successeur avant cette date butoir. Le Président Macky Sall ne semble pas avoir d’équivoque quant à sa décision ferme de quitter le pouvoir le 2 avril 2024. Mais des voix, sans doute pas encore sevrées du pouvoir, s’élèvent dans son camp pour l’inciter à prendre son temps, quitte à laisser à un Président intérimaire, en l’occurrence le président de l’Assemblée nationale, le soin d’organiser le scrutin. Assurément, cela ne saurait être de l’intérêt du Président Sall. Ce serait une dérobade de sa part. Son image est déjà assez abîmée pour en rajouter la mauvaise ride qui le fera apparaître comme le seul président de la République du Sénégal à avoir à faire la passation du pouvoir avec un successeur intérimaire. On le dit le cœur gros, Macky Sall a assez fait dans ce pays pour ne pas mériter un pareil constat d’échec. Il devra rendre le pouvoir, avec la même dignité par laquelle il en avait hérité. L’astuce de travailler à repousser l’élection ne trompe personne. D’aucuns voudraient faire rebattre les cartes en vue de chercher à déposer subrepticement de nouvelles candidatures. Toutes les excuses sont bonnes, comme le Ramadan musulman et le Carême catholique. C’est à croire que toutes les activités cesseraient durant cette période. Dans d’autres pays aussi peuplés par des croyants que le Sénégal, ces périodes de cultes religieux n’empêchent pas la tenue d’élections.
Macky Sall n’a pas une grande marge de manœuvre. Il ne lui reste alors qu’à engager l’organisation de l’élection présidentielle au pas de charge. Les différentes administrations en charge du processus électoral étaient déjà prêtes pour un scrutin le 25 février 2024. La suspension du processus électoral, le jour même du démarrage de la campagne électorale, ne tenait point à des questions d’impréparation de l’Administration. C’est dire que pour faire redémarrer le processus, il ne s’agira que de réajuster le calendrier des opérations électorales. Le Conseil constitutionnel s’est gardé d’enfermer le président de la République et son Administration dans un corset, en ne leur fixant pas une date d’élection. Il aurait pu s’en expliquer d’ailleurs. C’est une bonne posture pour diverses raisons. Le principe de la séparation des pouvoirs et son corollaire, l’interdiction d’injonction adressée à l’Administration, ne sauraient autoriser la Justice à le faire. L’Administration seule connaît ses moyens d’action, et le temps qu’il lui faut pour tenir une élection. Aussi, le Conseil constitutionnel ne peut apprécier les moyens matériels, humains ou logistiques à la place de l’Administration compétente. Il n’en demeure pas moins, encore une fois, que le Conseil constitutionnel a clairement décidé que le mandat en cours ne peut être prorogé d’une quelconque manière. L’Administration doit s’organiser pour trouver les moyens et mécanismes afin que le président de la République, nouvellement élu, soit installé le 2 avril 2024. Le Conseil constitutionnel est resté dans son rôle, c’est-à-dire qu’il a voulu donner « un délai raisonnable » à l’Administration. Plus que jamais, le président de la République doit faire du Conseil constitutionnel son interlocuteur privilégié et travailler avec cette institution, en toute confiance, sur toutes les questions liées à la conduite du processus électoral.
Macky Sall doit invoquer l’article 52 de la Constitution
Pour satisfaire cette exigence dirimante, le président de la République ne saurait ne pas l’inscrire dans un cadre légal. Les délais légaux fixés pour les opérations électorales auront besoin d’être fatalement touchés. Pour autant, il faudra circonscrire le nouveau processus électoral dans un cadre légal, alors qu’il ne peut plus matériellement recourir à une procédure législative pour changer par exemple la durée de la campagne électorale ou les délais d’examen des contentieux électoraux. Il ne lui restera que de recourir à l’article 52 de la Constitution qui lui donne des «pouvoirs exceptionnels», comme à caractère législatif, à l’exception d’une révision de la Constitution. «Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ou des institutions est interrompu, le président de la République dispose de pouvoirs exceptionnels.
Il peut, après en avoir informé la Nation par un message, prendre toute mesure tendant à rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions, et à assurer la sauvegarde de la Nation. Il ne peut, en vertu des pouvoirs exceptionnels, procéder à une révision constitutionnelle» (article 52 de la Constitution de la République du Sénégal).
Ce nouveau procédé permettrait, sans doute, après en avoir discuté avec les candidats en lice, de réduire par exemple la durée de la campagne électorale du premier tour, comme celle d’un éventuel second tour de scrutin. Ainsi, l’élection pourrait être organisée même un jour ouvrable, que le chef de l’Etat pourra déclarer chômé et payé. Autrement, des lois votées en procédure d’urgence auront toujours besoin de satisfaire à la procédure et aux délais de promulgation, sans compter d’éventuelles obstructions parlementaires ou certaines autres manœuvres dilatoires. Le recours au mécanisme de s’arroger «les pouvoirs exceptionnels» reste une faculté que la Constitution confère au président de la République. On dira certes que le mécanisme peut sembler cavalier, pas trop démocratique et n’enchanterait pas un démocrate, mais il reste légal et légitime. C’est de la même façon, en France, quand le gouvernement invoque les dispositions de l’article 49-3 de la Constitution pour faire passer en force des textes de loi. On aura beau crier à l’antidémocratisme ou à la confiscation du débat parlementaire, que les lois adoptées sur la base de ce mécanisme ne seront pas moins valables et seront d’égale dignité et revêtues de la légitimité et de l’autorité de loi de la République. Il restera une voie plus douce, celle de l’habilitation législative, tirée de l’art.77 de la Constitution. Mais dans ce cas, il y aura forcément encore des jours de perdus.
Par Dialo DIOP
QUI DONC A PEUR DU SUFFRAGE UNIVERSEL EN AFRIQUE ?
Tel un poing dans un gant de velours, Macky Sall appelle l’opposition véritable à un énième « dialogue national », tout en la réprimant férocement et en la menaçant aujourd’hui d’un possible coup d’Etat militaire (1/2)
Première partie : Senghor, père du système du parti-État
Tel est pris qui croyait prendre, dit la fable !
Ivre de son pouvoir absolu, le président sortant Macky Sall, usant et abusant de la force et de la ruse, est tombé dans son propre piège. Il est en effet passé maître dans l’art pervers de dire et de se dédire, de faire puis de défaire, de signer telle quelle la Charte de gouvernance démocratique des Assises Nationales comme candidat, avant d’y annexer des réserves fictives une fois installé au palais présidentiel, prétextant qu’il ne s’agit « ni de la Bible, ni du Coran », de se proclamer « gardien de la Constitution » tout en la foulant aux pieds chaque fois que de besoin, etc.
Sentant sa fin prochaine, voilà qu’il s’affiche désormais en apprenti-dictateur, évoluant ouvertement vers une dictature déclarée et assumée : tel un poing dans un gant de velours, il appelle l’opposition véritable à un énième « dialogue national », tout en la réprimant férocement et en la menaçant aujourd’hui d’un possible coup d’Etat militaire !
Mettant ainsi brutalement fin à la prétendue « exception sénégalaise » en Afrique, avec l’effondrement désormais évident de la vitrine trompeuse du tant vanté « modèle de stabilité démocratique », au terme d’une longue agonie de plus d’un demi-siècle…
Une rétrospective historique s’impose, même réduite à la seule dimension politico-électorale de la question démocratique en Afrique, avec le Sénégal pris pour « type de description »
Rappelons d’abord qu’au temps de la domination coloniale directe, le droit de vote était réservé à une minorité de « citoyens français » (dont une poignée d’autochtones et de métis), l’immense majorité des « sujets indigènes » en étant « légalement » exclue par le sinistre Code de l’Indigénat, qui ne sera aboli qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (1946).
Par la suite et jusqu’à la cascade des fausses indépendances octroyées, consécutives à l’unique et retentissant « Non » historique de Sékou Touré au pseudo-référendum de Charles de Gaulle (1958), c’est le régime hybride du « double collège » électoral qui va prévaloir.
Depuis lors, nous continuons à subir une domination indirecte de type néocolonial. Au sein de l’ancien empire français d’Afrique, le mode privilégié d’accession au pouvoir d’Etat, et de sa transmission, reste le modèle dévoyé d’Haïti, première république libre, c’est-à-dire non esclavagiste, des Amériques et de la Caraïbe (1804) : coups d’Etat à répétition, avec ou sans assassinat du président déchu, élections truquées et donc violentes, dictature du clan Duvalier (père et fils) avec ses milices armées (Tonton macoutes), trafics en tous genres, etc.
Signalons à titre de comparaison, qu’aux États-Unis d’Amérique, après l’abolition formelle de l’esclavage à la fin de la Guerre de Sécession (1865), les Africains déportés vont devoir poursuivre leur lutte d’émancipation durant un siècle supplémentaire avant d’arracher le droit de voter (1965), un an après l’obtention des droits civiques ayant mis fin à la ségrégation raciale dans les lieux publics ! Tandis qu’en France républicaine, le même droit de vote n’a été reconnu aux femmes qu’en 1947 !
Soulignons, par ailleurs, que le plus ancien mouvement africain de libération, l’ANC d’Afrique du Sud fondé en 1912, (avant la révolution bolchévique en Russie) fut le dernier à accéder au pouvoir en n’arrachant le droit de vote au régime d’apartheid afrikaner qu’en 1994 (après la désintégration de l’URSS) ! Un scrutin sans listes électorales ni carte d’électeur, qui s’est déroulé paisiblement dans l’ensemble du pays, sauf au Kwazulu Natal dont le chef Buthelezi s’est désespérément opposé au principe majoritaire du suffrage universel : une personne, une voix.
Pour en revenir au Sénégal officiel, chacun sait qu’après le « Oui » frauduleux lors du référendum gaulliste et l’éclatement provoqué de l’éphémère Fédération du Mali, le 20 août 1960, c’est l’élimination machiavélique de l’aile nationaliste du premier gouvernement de l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS), incarnée par le Président du Conseil Mamadou Dia et celle de ses compagnons d’infortune, victimes du faux coup d’Etat du 17 décembre 1962, qui va faire basculer durablement le pays dans l’impasse du néocolonialisme senghorien.
Dès 1963 et dans la foulée du pseudo-référendum constitutionnel truqué, l’élection présidentielle senghorienne du 1er décembre va se solder par le massacre de centaines de citoyens par l’armée, à partir d’hélicoptères, aux Allées du Centenaire notamment…
Une tragédie occultée dans la mémoire collective, marquant pourtant l’avènement du système de Parti-Etat, qui perdure jusqu’à nos jours. Ce monolithisme politique va se doubler d’un monolithisme syndical, au lendemain de la grève générale des étudiants et des travailleurs de mai-juin 1968, sanctionnée par la dissolution de l’UNTS au profit de la CNTS, adepte de la « participation responsable ». Ainsi, ce que l’on pourrait appeler la première année blanche scolaire et universitaire au Sénégal date-t-elle de 1969. Mais, la persistance de cette crise politique, économique et sociale va contraindre le président Senghor d’abord à se doter d’un Premier Ministre (Abdou Diouf : 1970), puis à tolérer la création d’un parti non pas d’opposition, mais dit de « contribution » (PDS d’Abdoulaye Wade :1974). Il va, par contre, s’opposer jusqu’au bout à la reconnaissance du Rassemblement National Démocratique (RND) de Cheikh Anta Diop, de 1976 à 1981, n’hésitant pas à recourir à une « loi constitutionnelle » sur mesure, selon laquelle il n’existerait que trois courants de pensée politique dans le monde contemporain: le « socialisme démocratique» pour son propre parti devenu socialiste (PS), le « libéralisme démocratique » imposé au PDS Me Wade, qui se réclamait jusqu’alors du « travaillisme », et enfin le « marxisme-léninisme » proposé au RND.
Si Me Wade s’est plié à ce diktat idéologique, Cheikh Anta Diop s’y refusa catégoriquement, s’étonnant de l’absence du panafricanisme dans cette « nomenclature idéologique » ad hoc !
Tout au contraire, fort de son bon droit et récusant l’option de la clandestinité, il va poursuivre au grand jour l’édification d’un parti de masse. N’hésitant pas à interpeller le chef du parti-Etat par lettre ouverte ou à lancer le journal du RND, Siggi qui deviendra Taxaw, afin d’échapper à une interdiction pour faute d’orthographe ; ou bien à pétitionner massivement, à l’intérieur du pays comme à l’étranger, pour la légalisation du parti, ou encore à pousser à la fondation du premier Syndicat des Cultivateurs, Éleveurs et Maraîchers du Sénégal, qui fonctionne encore près d’un demi-siècle plus tard…
Par ailleurs, il convient de relever qu’avant sa démission pour prendre une retraite politico- administrative en France, le proconsul français Senghor a pris le soin d’installer au pouvoir son Premier Ministre Abdou Diouf, à la faveur d’une autre manipulation constitutionnelle par voie parlementaire, (article 35 ancien) lui permettant d’achever le mandat en cours…
Cependant, dès son accession au sommet de l’Etat, le successeur désigné fit mine de prendre le contrepied de son bienfaiteur. Notamment, en initiant une certaine ouverture du jeu politicosyndical et médiatique. Au-delà d’un multipartisme élargi, et non pas intégral, inauguré par la reconnaissance du RND, il va favoriser un pluralisme syndical ainsi qu’une relative liberté de la presse tant écrite qu’audio-visuelle, notamment à la radio-télévision d’Etat. Malgré ces avancées démocratiques limitées, cet héritier politique de Senghor va suivre ses pas pour l’essentiel ; d’abord en persistant dans la violation délibérée de l’article 32 ancien de la Constitution, qui interdisait le cumul des fonctions de chef de l’Etat et de chef de Parti : un « maa tey » fondamental, base même du système du Parti-Etat et source de tous les abus de pouvoir. Cette disposition légale restera néanmoins lettre morte jusqu’à la survenue de l’alternance en l’an 2000. Sauf que le nouveau président Wade, en bon politicien opportuniste, la contournera en supprimant purement et simplement cette incompatibilité dans sa Constitution de 2001 ! De plus, cette dernière, qui a institué le droit à la marche pacifique, sera par la suite annulée de facto, par l’interdiction de manifester au centre-ville de Dakar sur simple arrêté de son ministre de l’Intérieur du moment, Ousmane Ngom…
De même, l’on ne saurait passer sous silence la tragédie du 16 février 1994 qui, au terme d’un meeting légal tenu à Gibraltar sur demande du RND, dans le cadre de la Coordination des Forces Démocratiques (CFD), donnera lieu au massacre d’au moins une demi-douzaine de policiers innocents par des éléments infiltrés, au Triangle Sud : un crime de sang demeuré impuni à ce jour…
Enfin et surtout, après vingt ans au pouvoir, le président Abdou Diouf va solliciter un septennat supplémentaire, ce qui lui sera fatal à l’issue d’un second tour remporté par une coalition de coalitions de l’opposition au sein d’un « Front pour l’Alternance » (FAL 2000).
A l’image de son prédécesseur, il va s’offrir une retraite dorée en métropole, tous deux embrigadés au service de la « défense et de l’illustration » de la culture française !
Dès son avènement tardif, le prétendu « Pape du Soppi », d’emblée ivre de pouvoir, va réduire le changement promis au simple renouvellement partiel du personnel politicien dirigeant, tout en pratiquant sans aucune gêne une continuité aggravée dans sa politique tant intérieure qu’extérieure. Deux exemples suffisent pour en témoigner :
D’une part en début de mandat (2002), survient le naufrage du bateau le Joola, avec environ deux mille morts. Ce qui en fait la plus grande catastrophe de l’histoire de la marine marchande en temps de paix, quoique le navire fût sous commandement militaire…
Ce traumatisme massif a marqué la rupture du contrat de confiance qui, croyait-on, liait le père Wade à « son peuple ». En tout cas, une cassure brutale aggravée par la gestion calamiteuse des suites humaines et administratives de la tragédie, avec la tardiveté des secours, le refus de renflouer l’épave et surtout le traitement scandaleux réservé au rapport accablant de la commission d’enquête.
D’autre part en fin de mandat, cet adepte autoproclamé du « panafricanisme » va jeter le masque lors de l’agression tripartite franco-anglo-étatsunienne (OTAN) contre le chef de l’Etat libyen, Mouammar Kadhafi (2011). D’abord en sabotant la mise en œuvre de la résolution consensuelle du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine en faveur d’une médiation entre belligérants libyens, ensuite et surtout en conduisant son infâme mission à Benghazi, accompagné de son fils Karim et sous escorte aérienne militaire française, avec une couverture en direct des radio-télévisions françaises…De ce fait, le père Wade aurait dû être traduit devant la Haute Cour de Justice pour flagrant délit de haute trahison de l’Afrique. Deux décennies plus tard, les peuples soudano-sahéliens continuent de payer un lourd tribut humain, économique et écologique pour cette forfaiture demeurée impunie.
Pourtant, ce n’est pas ce crime aux conséquences dévastatrices pour notre continent qui va coûter son trône au président Wade, mais plutôt sa tentative à peine voilée d’organiser une succession de type dynastique en faveur de son fils bien-aimé. Ceci, sous le couvert d’une énième manipulation de la Constitution via la Chambre d’enregistrement parlementaire.
Il aura fallu le soulèvement massif du peuple de Dakar et sa banlieue, un mémorable 23 juin 2011, autour de la bien nommée Place de Soweto (une fois n’est pas coutume !), où siège l’Assemblée nationale, pour le contraindre à renoncer à son projet de révision scélérate. Ce désaveu populaire du président sortant, briguant un troisième mandat inconstitutionnel, se verra confirmé quelques mois plus tard par une humiliante défaite électorale au second tour, face à une nouvelle coalition de coalitions qui, ironie de l’histoire, bénéficiera à un de ses anciens poulains, injustement banni !
DES CANDIDATS DITS SPOLIÉS EXIGENT LA REPRISE INTÉGRALE DU PROCESSUS ÉLECTORAL
Pour le Front démocratique pour une élection inclusive, les décisions de validation ou d'exclusion de candidatures lors du dépôt des dossiers sont nulles et non avenues. Les prétendants écartés comme ceux toujours en lice seraient à "remettre à zéro"
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 18/02/2024
Le Front démocratique pour une élection inclusive (FDPEI), qui regroupe plusieurs candidats à la présidentielle sénégalaise, demande officiellement la reprise du processus électoral dans sa totalité. Cette exigence fait suite à la décision rendue le 15 février dernier par le Conseil constitutionnel sur la tenue du scrutin.
Dans une déclaration de 4 pages publiée le 18 février, le FDPEI décrypte point par point les implications de l'arrêt de la haute juridiction. Ses membres, qui se disent nombreux à avoir été spoliés de leur droit de participer à l'élection, estiment que le Conseil constitutionnel a levé toutes les ambiguïtés.
Tout d'abord, en annulant le décret reportant le vote au 15 décembre et en jugeant anticonstitutionnelle la loi y afférent, le Conseil a acté de facto le report du scrutin initialement prévu le 25 février, analysent-ils. De plus, en invitant les autorités à l'organiser "dans les meilleurs délais", il n'a pas fixé de date butoir mais ouvert la porte à des discussions apaisées, poursuivent-ils.
Sur cette base, le FDPEI en déduit logiquement que "la reprise intégrale du processus électoral s'impose". Cela signifie, selon le front, que les décisions d' validation ou d'exclusion de candidatures lors du dépôt des dossiers sont nulles et non avenues. Les prétendants écartés comme ceux toujours en lice seraient donc à "remettre à zéro" dans un nouveau cadre consensuel.
Le collectif conteste également les analyses relayées par certains médias étrangers, qui prétendent à tort que le Conseil a prescrit la tenue du scrutin d'ici début avril. Pour lui, une telle "marche forcée" ne ferait qu'aggraver les tensions.
En citant les termes même du considérant 19 sur la mission de régulation de la juridiction "dans l'intérêt général et la stabilité", le FDPEI exhorte le président Macky Sall à engager sans délai la "concertation nationale". Celle-ci devrait déboucher sur de nouvelles règles consensuelles du jeu électoral, de manière à organiser ensuite une présidentielle "apaisée, démocratique et inclusive".