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2 mai 2025
Développement
PAR Mamadou Lamine Sarr
L’EXIGENCE D’UN RENOUVEAU SOCIÉTAL ET POLITIQUE
Au-delà de la dégradation de la confiance des citoyens envers les institutions de ce pays, le report de cette élection constitue également un échec de toute la classe politique de ces deux dernières décennies
Il arrive souvent dans l’histoire ou dans l’évolution d’une Nation des moments où sa devise est mise à l’épreuve, contestée, remise en cause par ses propres citoyens. Le Sénégal a connu cela à plusieurs reprises et se retrouve une nouvelle fois dans cette situation. Notre belle et grande devise « un peuple, un but, une foi » a traversé différents moments historiques qui ont participé — pour le meilleur et pour le pire — à la consolidation de notre Nation. La crise politique de 1962, les évènements de 1968, la crise de 1988, les évènements de 1989, les alternances politiques en 2000 et 2012, pour ne citer que ceux-là, sont autant de moments pendant lesquels notre devise a été mise à l’épreuve. Malgré les importantes pertes humaines, matérielles et immatérielles qu’elles ont causées, ces différentes crises ont été gérées dans le temps grâce essentiellement aux éléments suivants : le sens aiguisé du dialogue de la société sénégalaise, le sens de la responsabilité des différents acteurs politiques et de la société civile, la responsabilité d’une armée républicaine et le rôle majeur de régulateur — ou de facilitateur — de la sphère religieuse et traditionnelle. Ainsi, malgré les difficultés et les problèmes de différentes natures, le pays a su se reposer sur ses fondements pour s’ériger une image d’une démocratie — du moins électorale — et d’un pays relativement stable.
Seulement, tel un lion rassasié, nous nous sommes reposés sur nos lauriers et avons cru qu’une devise, aussi belle soit-elle, est un assemblage de mots. Au-delà des mots et de leurs significations, une devise représente une quête, une volonté commune, un idéal qui doit être entretenu par toutes les composantes de la Nation. Depuis des décennies, nous n’avons pas su extirper de notre devise toute la force qu’elle recèle pour combattre les fortes inégalités économiques qui gangrènent la société sénégalaise ; de la politisation de la fonction publique ; de l’injustice sociale ; des imperfections et des tares de notre système judiciaire ; de l’explosion d’internet et des réseaux sociaux et de leurs impacts sur notre jeunesse ; du clientélisme et du favoritisme notamment dans la classe politique.
Toutes ces dimensions de la crise sociétale que traverse notre pays ces dernières années se sont ainsi cristallisées dans le champ politique, notamment dans la relation entre le pouvoir et l’opposition. On a alors assisté de plus en plus à une polarisation de la société sénégalaise en général et du monde politique en particulier. Les évènements de mars 2021 et de juin 2023 ont été les points culminants de cette polarisation et de la tension politique et sociale au Sénégal. Cette tension avait un peu baissé avec la décision du Président de la République de ne pas briguer un troisième mandat, mais sa récente décision de reporter le scrutin du 25 février prochain a complètement replongé le pays dans l’incompréhension et dans l’inquiétude.
En effet, l’annonce ce samedi 3 février par le président de la République du report de l’élection présidentielle du 25 février 2024 constitue non seulement un antécédent dans la vie politique de notre État, mais aussi une preuve du recul démocratique de notre nation. Au-delà de la remise en cause légitime de sa légalité, une telle décision reflète l’état de notre système politique et de notre démocratie. La prétendue crise institutionnelle entre les membres d’un parti politique et le Conseil constitutionnel sous des soupçons de corruption ne constitue pas à notre sens une raison solide et valable pour reporter une des élections les plus importantes de notre histoire politique. Un système politique et démocratique ne peut être mis en branle uniquement sur des soupçons et ceci ne fait que participer à la fragilisation de notre système politique et de notre socle démocratique. La souveraineté du peuple doit être au-dessus de toute considération personnelle ou partisane et il est nécessaire que tous les acteurs politiques soient pleinement conscients de cela et qu’ils agissent et parlent avec une grande éthique.
L’élection présidentielle est le plus important rendez-vous électoral de notre pays. C’est un rendez-vous entre le peuple et son destin, un rendez-vous entre le peuple et son guide pour une durée déterminée. Ces dernières années, les Sénégalais ont subi des crises politiques et sociales qui ont menacé la stabilité de ce pays et ils considéraient ce scrutin du 25 février comme une occasion pour exprimer clairement leur volonté, leurs ambitions et pour renouveler la souveraineté populaire. Le report de cette élection constitue indubitablement une violation de la volonté du peuple d’exprimer sa souveraineté par les urnes. Ce report a surtout de graves conséquences sur la confiance des citoyens sénégalais envers leurs institutions. On a assisté ces dernières décennies à une dégradation de cette confiance et la décision du chef de l’État est loin de favoriser la réhabilitation de cette confiance. La base du contrat social de tout État, plus particulièrement pour un État comme le Sénégal qui se trouve dans un processus de démocratisation, est la confiance des citoyens envers les institutions.
Au-delà de la dégradation de la confiance des citoyens envers les institutions de ce pays, le report de cette élection constitue également un échec de toute la classe politique de ces deux dernières décennies. La stabilité politique et sociale, la consolidation de l’État ainsi que le renforcement du processus de démocratisation ne peuvent avoir lieu sans un esprit républicain et un sens de la responsabilité de l’ensemble des acteurs politiques. Nombre de ces acteurs, plus particulièrement les partis politiques, n’ont pas eu cet esprit républicain et n’ont pas eu le sens de la responsabilité dans les différentes crises de ces dernières années qui nous ont conduits à cette situation sans précédent. Les acteurs politiques n’ont pas eu la bonne lecture de la tension politique et sociale que traverse notre pays que la décision du président vient renforcer.
Cette tension politique et sociale est une résultante de ces différentes menaces dont nous n’avons pas pu (ou voulu ?) faire face. Il serait simpliste et irresponsable de croire que la situation actuelle est uniquement une opposition entre partisans de différents mouvements ou coalitions politiques. Les causes sont plus profondes que cela et actuellement le pouvoir comme l’opposition ne semblent pas avoir la bonne lecture. D’une part, le pouvoir considère les différentes manifestations comme étant l’œuvre de l’opposition ou « de forces occultes » avec qui il ne semble pas vouloir traiter. D’autre part, l’opposition pense que ces expressions populaires sont de son fait et qu’elles traduisent l’ambition et la détermination de ses partisans.
Le pouvoir et l’opposition n’ont pas compris que ces revendications sont le fait d’une jeunesse frustrée et sans espoir d’un avenir meilleur. Ils n’ont pas compris que les contestations sont l’expression d’une partie de la population qui n’a pas d’étiquette politique et dont les aspirations vont au-delà d’une personne du pouvoir ou de l’opposition. Ils n’ont pas compris qu’il y a une bonne partie de la population qui est peut-être silencieuse, mais qui est prête à sanctionner durement le pouvoir comme l’opposition à travers les urnes. Le pouvoir et l’opposition n’ont tout simplement pas compris que l’enjeu les dépasse et qu’il concerne les hommes et les femmes qui composent cette Nation, qui la chérissent.
Les acteurs politiques n’ont pas saisi que la jeunesse sénégalaise a énormément évolué ces dernières décennies. Les jeunes sont de plus en plus exigeants et ils sont des acteurs d’une transformation sociale enclenchée depuis les années 2000. Le développement de la technologie, l’explosion d’internet, la dynamique des réseaux sociaux sont des éléments qui ont modifié la nature et l’action de la jeunesse, ainsi que leur rapport avec l’État. On peut regretter le manque d’engagement politique de beaucoup d’entre eux, mais une grande majorité d’entre eux a une conscience politique qu’ils expriment à travers d’autres canaux que l’engagement politique classique. Les jeunes sont dans les associations de toute nature ; ils sont dans les mouvements culturels et religieux ; ils militent pour des enjeux locaux comme globaux ; ils sont parties prenantes de la communication et de l’information à l’ère du numérique ; la jeunesse sénégalaise tente de créer, d’entreprendre, de s’adapter à la nouvelle réalité mondiale et en ce sens elle est porteuse d’une dynamique sociétale à laquelle nos gouvernants devraient accorder une attention toute particulière.
Le report ou l’annulation du scrutin présidentiel du 25 février nous interpelle également sur l’avenir de notre régime politique. Le présidentialisme au Sénégal garanti par la Constitution fait du chef de l’État l’acteur central ou principal de la vie politique avec des prérogatives extrêmement importantes. Du processus électoral à la nomination de certains juges et magistrats, en passant par la politique étrangère, le président de la République détient entre ses mains un pouvoir décisionnel qui marginalise le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire, même si ces derniers ont des prérogatives de contrôle prévues par la constitution.
Le régime politique d’un État comme le nôtre n’est pas appelé à être figé, il doit être en évolution, questionnée en cas de nécessité au grès de certains bouleversements nationaux et internationaux, mais toujours au nom d’une éthique que nous devons tous observer et développer. La situation actuelle du pays et du monde doit nous amener à interroger notre système présidentiel afin de l’améliorer ou de le remplacer par un autre et ceci uniquement pour le peuple et par le peuple. Ce n’est donc pas un tabou de remettre en question un régime politique en place depuis notre indépendance afin de consolider la souveraineté du peuple.
Il y a des choses qu’un pays en phase de démocratisation comme le Sénégal ne peut se permettre au moment où l’Afrique de l’Ouest traverse des turbulences dont notre pays est loin d’être épargné. Dans un pays démocratique qui se respecte, les débats entre les acteurs politiques ne se concentrent pas sur le fichier électoral, sur un point de la constitution, sur la participation d’un candidat du pouvoir ou de l’opposition. La responsabilité, l’éthique et l’intérêt national doivent être au cœur de l’engagement des acteurs politiques, tout comme le dialogue permanent et le consensus sont les crédos de la société en général et de la sphère politique en particulier. Pour cela, il est donc important que l’éthique et la morale soient les bases des actes et des paroles des acteurs politiques et sociaux. De plus, le chef de l’État, garant de la constitution, ne doit pas laisser le moindre doute sur sa posture qui doit être au-dessus de toute partisanerie.
Dans un pays démocratique qui se respecte, on ne restreint pas les libertés individuelles et collectives et on ne limite pas les activités des citoyens pour une affaire de justice. De même, les citoyens ne doivent pas avoir le sentiment d’une justice partiale ou à deux vitesses. Dans un pays libre et ambitieux, les acteurs politiques s’affrontent à travers des propositions de projets sociétaux avec comme seul juge le peuple. Oui, le peuple, car c’est de lui et de son avenir dont il s’agit. Les présidents et les opposants viennent et passent, mais le peuple demeure.
En tant qu’intellectuels (même si ce terme nous parait galvaudé de nos jours), nous faisons un rappel sur ce qui nous unit et nous interpellons la Nation entière sur son état et son avenir. En tant qu’intellectuels, nous ne pouvons que rappeler au pouvoir qu’en 1998, le président d’alors avait confié l’organisation et la supervision des élections à des militaires respectés, patriotes et républicains. En tant qu’intellectuels, nous ne pouvons que rappeler à l’opposition que durant cette même période, l’opposition avait accepté cette main tendue du pouvoir et que ceci a permis la première alternance du pays. Nous ne pouvons que rappeler au pouvoir qu’un des grands regrets du premier Président de ce pays aura sans doute été le sort de son ami et compagnon de lutte à la suite d’accusations de coup d’État. Nous ne pouvons que rappeler à l’opposition que malgré les évènements de 1988 et de 1993, le troisième président de ce pays a conquis le pouvoir par les urnes après 26 ans de lutte, de marginalisation, d’emprisonnement. Ce pays a besoin d’une majorité qui prend de la hauteur face aux situations de tension et d’une opposition responsable qui propose une alternative à la société.
La décision du président la République de reporter l’élection présidentielle est un épisode marquant de notre histoire politique et elle présage de lendemains incertains pour notre Nation. Il nous plait de croire qu’il y a des hommes et des femmes qui se réveillent chaque matin au Sénégal et dont l’unique ambition est de servir la Nation dans leurs différents domaines d’activités. Il nous plait de croire qu’il y a des hommes et des femmes de ce pays dont l’objectif unique est d’assurer la sécurité et le bien-être des Sénégalais. Il s’agit donc d’hommes et de femmes qui ont pour ambition de faire vivre la devise de ce pays « un Peuple, un But, une Foi ».
Dr. Mamadou Lamine Sarr est Enseignant-chercheur en Science politique à l’Université Numérique Cheikh Hamidou Kane (UNCHK)
Signataire du Manifeste des 117+
LES DESSOUS DE LA SIGNATURE DU TEXTE CONTROVERSÉ PAR DIOUF
Macky a proposé à Diouf de cosigner avec son successeurWade un texte appelant au dialogue et au respect des grands principes républicains. Le texte validant implicitement le 15 décembre pour la présidentielle aurait été signé sans le consulter
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 14/02/2024
Inquiet de la montée des tensions dans le pays suite au report de l'élection présidentielle, Abdou Diouf aurait tenté, la semaine dernière, de joindre le président Macky Sall, qu'il considère comme le mentor, pour discuter de la situation. Cependant, ses appels sont restés sans réponse, selon des informations rapportées par Le Témoin ce mercredi 14 janvier 2024.
Ce n'est que lundi matin que la présidence sénégalaise, et non Macky Sall lui-même, a proposé à Abdou Diouf de cosigner avec son successeur Abdoulaye Wade un texte appelant au dialogue et au respect des grands principes républicains. Abdou Diouf a donné son accord.
Quelques heures plus tard, Hamidou Sall, ancien conseiller d'Abdou Diouf devenu conseiller de Macky Sall, lui a fait parvenir un texte que l'ancien président a signé "les yeux fermés" et sans en référer à son entourage, rapporte Le Témoin. Il ne s'est aperçu qu'après coup que ce texte validait implicitement la date du 15 décembre pour la présidentielle.
Alertés par les nombreuses critiques sur les réseaux sociaux, les enfants d'Abdou Diouf l'ont interpellé. C'est ce qui l'a poussé à publier un communiqué rectificatif, mardi 13 février.
UN CONSEIL DES MINISTRES SOUS HAUTE TENSION
Alors que la rue gronde contre le report, Macky Sall réunit ses ministres ce mercredi dans un conseil scruté comme jamais. En jeu : déminer la situation en adoptant des mesures d'apaisement, ou au contraire enfoncer le pays dans l'impasse
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 14/02/2024
Le Sénégal retient son souffle avant un conseil des ministres qui pourrait décider de l'avenir du pays, plongé dans une grave crise politique depuis le report controversé de l'élection présidentielle.
Selon plusieurs sources proches de la présidence contactées par l'AFP, ce conseil des ministres prévu mercredi s'annonce comme "l'un des rendez-vous les plus cruciaux de l'histoire récente du Sénégal". En jeu : déminer la situation en adoptant des mesures d'apaisement, ou au contraire enfoncer le pays dans une impasse aux conséquences imprévisibles.
Car le chef de l'État Macky Sall fait face à une pression croissante. Ses plus importants partenaires internationaux, dont les États-Unis et la France, l'ont appelé à tenir l'élection le plus rapidement possible. Défenseurs des droits et société civile critiquent également la répression des manifestations et le manque de dialogue avec l'opposition.
Celle-ci dénonce un "coup d'État constitutionnel" et refuse de valider le nouveau calendrier électoral fixant le scrutin au 15 décembre. Principal opposant, Ousmane Sonko est en détention préventive depuis plusieurs mois, suscitant les craintes de ses partisans d'un règlement de compte politique.
Selon Alioune Tine, figure respectée de la société civile cité par l'AFP, M. Sonko pourrait être libéré dans les prochains jours. Mais le gouvernement ne confirme rien. L'annonce d'une amnistie concernant également les autres opposants arrêtés lors des manifestations de 2021 serait un signe d'ouverture.
Serigne Babacar Sy Mansour, influent khalife religieux, a fait rarement entendre sa voix pour inciter le pouvoir et l'opposition au dialogue. Les organisations patronales redoutent aussi les "conséquences désastreuses" d'un embrasement.
Dans ce contexte explosif, nombre d'observateurs craignent qu’un faux pas du gouvernement lors du conseil des ministres ne fasse basculer le pays dans la violence.
Le mandat de Macky Sall arrive officiellement à expiration le 2 avril prochain. Il faudra désormais qu'il réussisse à convaincre les Sénégalais, réputés pour leur attachement à la démocratie, qu'il oeuvre réellement à organiser des élections libres et transparentes. Autrement, c'est l'avenir du modèle démocratique sénégalais qui pourrait vaciller.
Par Macoumba GAYE
QUAND SONNE L’HEURE DES SAGES
On en oublie que pour l’escalade du mont démocratique, le harnais est accroché à l’ordre républicain. Ses règles doivent être gravées sur les tablettes de la conscience collective
On officie dans le secret pour la paix que le peuple excédé réclame. On discute, louvoie, négocie, cède et concède. Le sang de dizaines de victimes sèche sur l’autel de la Raison d’État. Sous les lambris de la République s’étouffe la clameur de tous les citoyens meurtris. Ainsi soit la volonté des hommes unis par le commun vouloir de vivre ensemble !
On en oublie que pour l’escalade du mont démocratique, le harnais est accroché à l’ordre républicain. Ses règles doivent être gravées sur les tablettes de la conscience collective. Au-delà de la dissuasion de la force publique et des équilibres précaires dont nos guides politiques religieux sont des orfèvres, il nous faut condamner. Car nous ne bâtirons durablement que dans la vérité.
Rien, ni personne, ne saurait justifier que l’on amnistie d’odieux crimes sans les avoir jugés. La vertu pédagogique et salutaire du pardon trouve aussi son sens dans le repentir du condamné.
Les suspects sont désignés : ceux-là qui ont tué ; brulé vif des hommes dans des bus ; saccagé des universités ; recruté des nervis ; embastillé des innocents sans jugement ; menti au juge constitutionnel ; trahi leurs électeurs ; sacrifié des forces de sécurité républicaines, prie des libertés avec la constitution. Qu’ils se reconnaissent, ces hommes et femmes qui ont foulé à nos pieds l’ordre républicain.
C’est maintenant le temps des bonnes volontés, des apprentis sorciers et des véritables escrocs qui prêchent l’oubli et le pardon intégral. A leurs yeux, Il suffirait, pour sauver La République, de nous rappeler les joyaux de notre histoire : notre sens de la concertation, notre cohésion et notre art de vivre pluriséculaires. Ainsi, on devrait, unanimes et sans réserve, emprunter le chemin du dialogue et de la paix, à tout prix ; à n’importe quel prix !
Ils peuvent se tromper de bonne foi. Mais, à la vérité, s’il est envisageable de déroger à la règle de droit au nom de l’intérêt commun mais il est bien impossible d’obtenir une paix qui ne soit précaire en faisant fi de la justice. Qui a donc l’autorité pour arrêter ces acteurs quand ceux qui ont déjà eu la garde de la loi fondamentale s’accordent avec eux ?
Il ne reste plus que les « derniers des mohicans » pour sauvegarder la vertu : « les sages » qui doivent rétablir, en toute vérité le cours de l’histoire de nos institutions et inscrire définitivement dans nos gènes, les augustes valeurs fondatrices de ce pays auquel nous serons tous fiers d’appartenir. Il leur revient de sonner l’heure du choix. Peu importe lequel des justes méritera nos suffrages. Son impérieuse mission sera la reconstruction de l’âme d’une nation.
Par Fadel DIA
LA DANSE DU FOU
L’aventure que vit le président rappelle un peu la danse du fou, non parce qu’il est fou lui-même, mais parce que malgré sa longue expérience du pouvoir, il a manqué de finesse politique et n’a pas pu deviner jusqu’où il pouvait aller loin
La littérature orale pulaar, riche en dictons et proverbes, évoque souvent la tragique histoire de la danse du Fou. Le Fou danse, le public admire d’abord ses pirouettes s’étonne qu’il les ait réussies, l’applaudit, s’amuse de ses chutes et les pardonne. Le public, bonne fille, se dit qu’après tout sa danse ne durera que quelques instants et qu’il finira par céder la place car d’autres danseurs, plus frais, s’impatientent au bord de la piste.
Mais, voilà le Fou ne sait pas que le temps lui est compté pour cet exercice, il continue donc à tourner sans s’apercevoir qu’il n’amuse plus le public, que celui-ci a besoin de changement, alors que non seulement il ne se renouvelle pas, mais qu’il fait de plus en plus de faux pas. Il est victime de l’usure et sa glande de vanité est si grosse qu’il fait plus attention aux applaudissements qu’aux sifflets. On le chahute d’abord, puis on s’exaspère, on veut le forcer à quitter l’arène, mais inconscient du danger, il résiste et on finit par l’expulser en le trainant par les pieds !
L’aventure que vit le président de la République rappelle un peu la danse du Fou, non parce qu’il est fou lui-même, mais parce que malgré sa longue expérience du pouvoir, il a manqué de finesse politique et n’a pas pu deviner jusqu’où il pouvait aller loin. Il a gouverné pendant douze longues années, en exerçant la plénitude des pouvoirs déraisonnablement attachés à la fonction, il a fait de bonnes choses, en a fait d’autres moins bonnes, et tout comme le Fou ratait de plus en plus ses pirouettes, il faisait de plus en plus de mauvaises choses.
Alors on s’impatiente, sa prestation devient de plus en plus insupportable à la majorité de ses concitoyens et la colère gronde dans le pays. Il y a déjà plus de deux cents prétendants qui se pressent aux portes du palais, ils sont même si nombreux que la compétition tourne à la foire d’empoigne. Mais, alors que la tension atteignait son paroxysme, voilà que se produit un miracle : comme si le Fou avait réussi une belle pirouette qui avait désarçonné les gros bras qui s’apprêtaient à le sortir de l’arène, le président de la République fait une annonce qui retourne la situation en sa faveur. Ses adversaires se retrouvent sans voix, perdent leur principal argument de campagne, on trouve soudain des poux à certains d’entre eux, on accuse d’autres de traitrise ou d’inexpérience ou de n’avoir comme programme que de prendre sa place. L’opinion nationale et internationale applaudit, des offres de reconversions prestigieuses se multiplient, ses collègues lui font une standing ovation, bref il a remonté la pente…
Alors que tout le monde était convaincu qu’il va pouvoir sortir par la grande porte, patatras, au retour d’un voyage et comme s’il était incapable d’être à la hauteur de l’évènement, il improvise une déclaration qui rebat les cartes et plonge le pays dans la tourmente ! Qu’il ait raison ou non, au plan juridique (et la majorité des spécialistes jugent qu’il a tort) n’a guère d’importance si l’on tient compte de l’enjeu, mais aussi de ses propres prises de position sur ce sujet, fermes et définitives, exprimées publiquement il y a plus de dix ans, et qu’on lui a cruellement rappelées. Ses mots étaient alors très forts, il parlait d’engagement personnel et « solennel », fustigeait les « subterfuges » et « l’imposture », réfutait « tous les prétextes, quels qu’ils soient » et affirmait qu’il ne laisserait pas le président sortant rester « une minute de plus » au pouvoir après l’achèvement de son mandat légal ! Ce discours lui revient comme un boomerang et pour en atténuer la portée, il prône le dialogue, mais dialogue pour dialogue, pourquoi n’a-t-il pas eu lieu précisément avant cette décision aux conséquences imprévisibles avec, notamment, les candidats qui avaient franchi l’étape du dépôt de candidatures ?
La rupture est si profonde que ce seul et tardif dialogue ou la caution que lui ont apportée les deux anciens présidents de la République, dont le crédit est du reste très limité, ne suffiront pas à ramener la paix. Il faudrait une réaction à la hauteur de l’affront porté aux espérances du peuple souverain et quelle que soit sa décision, le président qui sortirait de ce guêpier qu’il a construit de ses mains serait un mutilé de guerre.
Car ce qui lui arrive aujourd’hui n’était arrivé à aucun de ses prédécesseurs. C’est la première fois au Sénégal qu’un chef d’état fait l’unanimité contre lui ,que se dressent contre lui, tous à la fois et du même mouvement, les chefs d’entreprises et les syndicats de travailleurs, l’Eglise catholique et les imams et oulémas , les chefs traditionnels et les intellectuels, les éditeurs de presse et les journalistes, les handicapés, le monde rural, celui des villes et de la diaspora, ses alliés politiques, qui l’avaient accompagné pendant plus de douze ans, et même une partie de sa majorité… Sans compter la défiance très claire de ses soutiens traditionnels au Nord, jusque-là très conciliants à son égard, et celle de ses collègues africains qui préféraient habituellement user de la langue de bois ! C’est ce qui s’appelle un gâchis, pour ne pas dire un suicide politique. Mais, pour notre malheur, ce gâchis-là fait des morts !
par Thierno Alassane Sall
L'INSUPPORTABLE APPEL À L'IMPUNITÉ
Diouf et Wade sont mal placés pour parler de dialogue et d'amnistie. Les deals en cours vont aboutir à l'impunité généralisée. La paix sans la vérité est une fausse paix qui prépare de futures explosions
Abdou Diouf et Abdoulaye Wade sont mal placés pour parler de dialogue et d'amnistie.
L'assassinat de Babacar Sèye, alors vice-président du Conseil constitutionnel, est l'un des crimes les plus odieux de l'histoire politique du Sénégal. Ce crime est resté en réalité impuni, et ses commanditaires ont pu opérer un braquage sur l'État et la République à cause de leurs dialogues.
Les dialogues et les lois d'amnistie du passé ont créé, non pas les conditions d'un nouveau départ vers le progrès, la justice et un développement économique partagés, mais le pillage à grande échelle de notre pays.
Les cris de ceux qui se noient en mer, dans une fuite incessante et désespérée, ne sont sans doute pas parvenus aux illustres oreilles des "pères de la démocratie sénégalaise". Voici le Sénégal que vous nous avez légué.
Imbus de cette démocratie de l'impunité et de la non-reddition des comptes, voilà les mêmes à l'œuvre pour maintenir un système inique. Hier le père, aujourd'hui le fils gâté, veulent mettre le pays à terre pour avoir refusé de se conformer aux dispositions de l'article 28 de la Constitution. Et dans leur funeste projet, ils ont trouvé en Macky Sall, naguère ennemi irréductible, un allié de circonstances pour leurs ambitions personnelles et claniques.
Prôner la paix devrait commencer par dire la vérité, comme le rappelle l'Archevêque de Dakar.
Le 3 avril 2024 aurait dû constituer un nouveau départ : libérer les prisonniers injustement retenus, juger tous ceux contre qui pèsent de lourdes présomptions, restaurer une justice équitable. Les deals en cours vont aboutir à l'impunité généralisée.
Je le répète : les conditions d'un dialogue sincère et inclusif passent par le respect de la Constitution et le départ de Macky Sall. Soutenir le contraire reviendrait à valider tous les coups d'état perpétrés dans la sous-région ainsi que leurs dialogues sous les bruits de bottes et les détonations des armes.
La paix sans la vérité est une fausse paix qui prépare de futures explosions.
LES USA EXIGENT DES ÉLECTIONS RAPIDES
Le Secrétaire d'État américain Antony Blinken a demandé au président Macky Sall, lors d'un entretien téléphonique ce mardi 13 février 2024, que les élections aient lieu « comme prévu » dans le respect du calendrier constitutionnel
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 13/02/2024
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a exhorté le Sénégal à tenir des élections "aussi vite que possible", lors d'un entretien téléphonique avec le président Macky Sall ce mardi, selon les déclarations du porte-parole du département d'État Matthew Miller.
"M. Blinken a parlé avec le président du Sénégal ce matin pour réitérer notre inquiétude quant à la situation là-bas et dire clairement que nous voulons voir les élections avoir lieu comme prévu - nous voulons leur tenue aussi vite que possible", a déclaré M. Miller lors d'un point de presse.
Cet appel intervient dans un contexte de tensions politiques au Sénégal, où la présidentielle prévue pour le 25 février prochain a été reporté, faisant naître une crise politique avec des protestations réprimées par les forces de l'ordre. L'opposition redoute à travers ce report de dernière minute une tentative du chef de l'État de se maintenir au pouvoir au-delà du terme de son second et dernier mandat constitutionnel.
En pressant le Sénégal à organiser des élections "le plus tôt possible", Antony Blinken a exprimé de manière ferme la volonté des États-Unis de voir le processus électoral respecté dans les délais constitutionnels. Cette prise de position est révélatrice de "notre engagement en faveur de la démocratie et de l'État de droit au Sénégal", a souligné le porte-parole américain.
Le porte-parole du département d'État américain, Matthew Miller, qui affirme sur l’insistance du journaliste que le Secrétaire d’Etat Blinken a demandé à Macky d’organiser l’élection le 25 Février #FreeSenegalpic.twitter.com/vKxCt6xRnX
En moyenne, 24% des femmes dans le monde quittent le marché du travail au cours de la première année suivant la naissance de leur premier enfant. Cinq ans plus tard, 17% restent absentes. Le nombre passe à peine à 15% dix ans après.
C’est ce que révèle un groupe de chercheurs de la London School of Economics (LSE) et de l'université de Princeton dans une nouvelle étude inspirée des travaux de l’économiste américaine, Claudia Goldin, lauréate du Nobel d’Économie en 2023.
Menée dans 134 pays représentant 95% de la population mondiale, l’étude dévoile l’impact dévastateur de la maternité sur la carrière et l’indépendance économique des femmes à travers le monde.
Pour aboutir à cette réalité implacable, les auteurs ont comparé dans chaque pays concerné, des mères et des pères à des personnes sans enfant, du même âge, du même niveau d'éducation et avec le même statut matrimonial entre autres.
De grandes disparités
La situation est particulièrement prégnante dans les pays développés. L’écart de participation au marché du travail entre hommes et femmes s’y explique à 80% en moyenne par le départ de ces dernières après la naissance d’un premier enfant.
Ce taux tombe à 10% dans les pays pauvres. Une telle disparité est due à certains facteurs propres à chaque milieu. Face au coût prohibitif de la garderie et à des horaires parfois peu flexibles, les mères sont appelées à sacrifier leur travail pour le bien-être de l’enfant, au moins temporairement, dans les pays occidentaux.
C’est moins le cas dans les pays pauvres où le principal facteur de départ du travail n’est pas l’accouchement, mais le mariage. L’étude de la London School of Economics relève à cet effet que l’écart de participation au marché du travail à Maurice et en Zambie s’explique pour près de la moitié des cas par le mariage.
"Pénalité de la maternité"
Le phénomène appelé "pénalité de la maternité" (la baisse moyenne de la probabilité d'emploi d'une femme au cours des dix années suivant la naissance de son premier enfant) par les auteurs, contribue aux inégalités salariales entre sexes.
Une différence de salaire hommes-femmes estimée à 14% au sein de l’OCDE selon une étude de PriceWaterhouseCooper publiée en mars 2023. Soit un recul de 2,5 points de pourcentage seulement depuis 2011.
S’occuper de sa progéniture implique bien souvent pour la femme de quitter son emploi, au moins pour un moment. Elle doit par la même occasion faire une croix sur toute perspective d’augmentation de salaire ou de promotion pendant cette période.
par Makhtar Diouf
CONJUGUONS DIOUF ET WADE AU PASSÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - Ils viennent approuver le coup d’Etat constitutionnel en bons connaisseurs, car ils ont été tous deux des forcenés du pouvoir. Personne ne les a entendu sur les exactions commises par Macky Sall
Abdou Diouf et Wade viennent de nous rappeler à eux et pas de belle manière. Ces deux anciens présidents, qui comme leur prédécesseur Senghor préfèrent passer leur retraite chez l’ancien colonisateur, étant les seuls à le faire en Afrique.
Voilà qu’ils viennent approuver le coup d’Etat constitutionnel de Macky Sall en acceptant de prolonger son mandat jusqu’en 2025. Ils le font en bons connaisseurs car ils ont été tous deux des forcenés du pouvoir.
Ils donnent l’occasion de procéder à une brève revisite de l’histoire politique récente du Sénégal.
Abdou Diouf a exercé le pouvoir durant 17 années dans l’illégalité. Le ‘’ très démocrate’’ Senghor lui cède le pouvoir sans consultation populaire. Après avoir terminé le mandat de Senghor en cours, il est ‘’élu’’ en 1983, ‘’réélu’’ en 1988 et en 1993 avec son Code électoral qui autorise à voter sans présentation de pièce d’identité, sans isoloir. Majhemout Diop, président du PAI, candidat à la présidentielle de 1983, est crédité de zéro voix dans le bureau où il a voté en compagnie de son épouse et de quelques amis militants.
Le Code électoral d’Abdou Diouf permet à des militants de son parti PS de se remplir les poches de bulletins de vote pour voter plusieurs fois toute la journée. Au point qu’au lendemain des élections, la blague que des Sénégalais se lancent à Dakar est : « Tu as voté combien de fois ? »
Abdou Diouf a eu ces mots, rapportés par le journal ‘’Sud-Hebdo’’, ancêtre de ‘’Sud Quotidien’’ : « Ce que veut l’opposition, c’est un Code électoral sur mesure qui lui permet de gagner haut la main les élections ».
Ce que voulait l’opposition, c’était un Code électoral républicain, assurant des élections régulières, transparentes. Ce Code électoral obtenu au bout d’années de luttes a régi la présidentielle de 2000 qui a envoyé Abdou Diouf à la retraite.
Son tombeur Wade est le premier président du Sénégal démocratiquement élu. Mais après les deux mandats que lui confère la Constitution, il a voulu s’octroyer un troisième mandat. Pour cela, il loue les services de deux mercenaires juristes (un Américain, un Français) qui viennent à Dakar, à un coût exorbitant sur nos maigres ressources : voyage en première classe, hôtel de luxe, rémunération. Leur mission est de décréter que la Constitution permet à Wade de se présenter une troisième fois. Ce qu’ils font. Comme ce sont des Occidentaux, leur parole doit être d’or auprès des populations. Toujours ce complexe de l’extérieur ! Les cinq membres du Conseil constitutionnel de l’époque les approuvent moyennant des cadeaux luxuriants, selon la rumeur, ‘’Radio Cancan’’, comme disait Senghor.
Les manifestations contre la troisième candidature de Wade sont ponctuées par des morts (mais bien en-deçà du bilan de Macky Sall).
Wade va à la présidentielle pour la troisième fois. Les Sénégalais déçus par sa gestion désastreuse avec sa promesse de ‘’Sopi’’ et indignés par son forcing de troisième mandat l’envoient rejoindre Abdou Diouf à la retraite en France lors de l’élection de 2012.
Personne n’a entendu Abdou Diouf et Wade sur les exactions commises par Macky Sall, et que, eux, n’avaient jamais commises. Ils viennent maintenant essayer de sauver le soldat Macky Sall, le second président du Sénégal élu démocratiquement. Hitler aussi avait été élu démocratiquement.
Ce faisant, ils n’ont fait que s’aligner sur la position récente et scandaleuse de leurs partis PS et PDS qui sont aussi à conjuguer au passé. Des partis politiques avec leurs démembrements AFP, Rewmi, APR, qui ne représentent plus rien dans le pays. Des have been.
par Abdou Diouf
DIOUF APPELLE À LA RETENUE
EXCLUSIF SENEPLUS - L'ancien président sort de sa réserve : le Conseil constitutionnel reste le garant ultime de nos institutions et de notre démocratie. C'est à lui et à lui seul de dire le droit et de prendre les décisions qui s'imposent à tous
SenePlus publie ci-dessous, la déclaration exclusive de l'ancien président Abdou Diouf, datée du 13 février 2024, à propos de la situation socoipolitique nationale.
"Mes chers compatriotes,
Comme vous le savez, depuis que j'ai quitté le pouvoir le 1er avril 2000, je me suis toujours abstenu de tout commentaire sur la vie politique sénégalaise, fidèle en cela à la ligne républicaine tracée par le président Léopold Sédar Senghor.
J'ai décidé de rompre le serment que je m'étais fait car notre pays vit une crise institutionnelle sans précédent.
Je constate, avec regret et tristesse, que la lettre publiée avec ma signature et celle du président Abdoulaye Wade suscite, beaucoup d'incompréhension.
Je tiens à préciser afin qu'il n'y ait aucune équivoque, que le Conseil constitutionnel que j'ai créé en 1992 reste le garant ultime de nos institutions et de notre démocratie. C'est à lui et à lui seul de dire le droit et de prendre les décisions qui s'imposent à tous concernant le calendrier électoral et le respect de la durée du mandat présidentiel.
Je demande donc au peuple sénégalais, à sa classe politique et à ses dirigeants de faire preuve de retenue et d'intégrité en appliquant à la lettre les dispositions de notre Constitution tout en préservant les libertés publiques acquises de haute lutte dans la construction de notre démocratie.
Je renouvelle au peuple sénégalais ma sincère et indéfectible affection ainsi que ma reconnaissance pour les longues années de confiance à son service."