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2 mai 2025
Economie
par Abdallah Atyr Ba
LES MAIRES ET LA PÉRIODE POST COVID-19
Dans le nouvel ordre qui se dessine, des textes clairs devront donner aux élus des attributions sans ambages et leur assurer, un certain nombre de garanties et de droits
La pandémie du Covid-19 a bouleversé le monde et ses effets sur l'homme, son environnement, son mode de vie et les différents systèmes d'organisation mis en place sont encore méconnus. Mais d'ores et déjà, la situation actuelle a fini de tracer les contours du rôle et de la place de l'élu local auprès de ses administrés. Une occasion pour, au sortir de cette crise, repenser, redéfinir, rehausser, revaloriser et redonner du prestige à cette fonction. Le maire, est un citoyen certes mais, c'est le dépositaire de la confiance de tout un terroir, c'est le représentant d'une communauté – quelle que soit sa taille - il est au service des citoyens. Il a droit à un statut digne de son rang et de sa fonction.
Le processus de décentralisation, au Sénégal, a franchi, ces dernières années, une évolution significative, grâce aux différentes réformes engagées et visant à faire du territoire l'acteur majeur de conception et de mise en œuvre des politiques de développement socio-économique du pays.
Et dans le contexte actuel de lutte contre le Covid-19, les exécutifs locaux au Sénégal, à l'instar de toutes les élites locales du monde, sont en première ligne dans cette bataille engagée contre cet ennemi invisible. Car la proximité aidant, il est plus facile de sensibiliser, de mobiliser et de réaliser le faire-faire.
Plusieurs initiatives de sensibilisation et de mobilisation sont mises en œuvre, dans les contrées les plus reculées du pays, auprès des populations et en fonction des réalités locales, déroulées dans les quartiers et les villages, sans grands rassemblements et avec toutes les précautions préconisées par les autorités sanitaires.
Ainsi donc, des moyens conséquents sont mobilisés, avec une célérité rarement observée dans les procédures d'engagement, de liquidation et de paiement des dépenses, pour faire face à la crise alimentaire, mais aussi pour organiser la résilience au niveau local, avec des actions de soutien aux structures sanitaires et aux comités locaux de lutte contre la pandémie.
Cependant, en dépit de tous ces efforts et nonobstant la kyrielle de possibilités accordées par l'État aux collectivités territoriales depuis l'indépendance, différentes évaluations, tout au long du processus, ont unanimement révélé l'existence de grandes contradictions qui minent la politique de décentralisation au Sénégal.
Après la victoire contre cette pandémie, nous assisterons à une reprise culturelle, sociale, politique et économique…, avec un nouvel ordre. Celui-ci, qui se profile déjà à l'horizon, verra entre autres, immanquablement sous nos tropiques, une redéfinition de concepts tels que solidarité, proximité, décentralisation, territoire, élu local,...
Dès lors, il devient légitime d''engager une sérieuse réflexion sur les jalons à poser, pour aplanir ces écueils de la gouvernance urbaine et/ou territoriale, pour des élus réconciliés, avec eux-mêmes d'abord, avec les services déconcentrés de l'État ensuite, et, avec les organisations de la société civile au niveau local, enfin.
Être élu local au Sénégal, est presque devenu une mission impossible, en raison de la place qu'il occupe dans l'action publique locale et de la fonction même qu'il incarne.
Qu'ils soient maires, adjoints, ou conseillers, ils sont pour la plupart victimes d'un sentiment d'impuissance vis-à-vis des services déconcentrés de l'Etat central (préfet, infirmier, chef de poste, procureur de la République ...) et des organisations de la société civile, (du secteur privé, des mouvements de jeunesse,...)
Dans le nouvel ordre qui se dessine, après cette crise sanitaire, des textes clairs devront donner aux élus des attributions sans ambages et leur assurer, un certain nombre de garanties et de droits pour un statut de l'élu local à la hauteur des défis inhérents à la gestion des affaires sociales, culturelles, domaniales,...locales.
Un statut permettant à ces grands commis au service des collectivités territoriales de bénéficier dès leur installation, des formations nécessaires, susceptibles de les mettre en situation de relever les défis de la représentation, et, de s'acquitter convenablement de leur mission tout en préparant leur insertion professionnelle à l'issue du mandat.
Par ailleurs, désigné pour gérer et administrer les affaires de ses concitoyens, le maire ou le président du conseil départemental doit pouvoir bénéficier d'un régime juridique, dérogatoire au droit commun dans ses rapports avec la justice, pour une nécessaire protection de l'exercice du mandat.
Non ! Le premier magistrat d'une localité au Sénégal, ne devrait plus être embarqué manu militari, pour des faits se rattachant à l'exercice de ses fonctions. Les demandes d'autorisation d'arrestation et les mesures privatives ou restrictives de libertés pourraient être formulées par le Procureur général près la cour d'Appel et transmises au Garde des sceaux, ministre de la Justice. Et celui-ci appréciera le caractère sérieux, loyal et sincère des poursuites civiles ou pénales.
Il ne s'agit pas là de violer le principe sacro-saint de l'égalité des citoyens devant la loi mais d'un souci de protection d'un mandat. Il ne s'agit pas d'un privilège, mais d'un moyen destiné à assurer la liberté nécessaire à l'exercice d'un mandat
Enfin, pour lutter contre la corruption et la concussion dans les Collectivités territoriales, la déclaration de patrimoine devrait être obligatoire, au plus tard un mois après la date de prise de service, pour tous ceux qui ont été désignés pour assurer les charges de chef de l'exécutif local.
Abdallah Atyr Ba est Conseiller Technique AMS
par Philippe Nelson Ndiaye
L'ANNULATION DE LA DETTE PUBLIQUE, VERS UN AUTRE ENDETTEMENT
Le constat est que les nombreux crédits contractés par les Etats n'ont produit aucun effet positif visible à long terme sur le vécu des ménages
L'actualité du moment fortement marquée par la pandémie du covid-19 n'a cessé, depuis janvier 2020, de drainer son lot de polémiques et de théories conspirationnistes.
Dans ce quadrant rocambolesque entre gouvernance, mondialisation, médecine et économie, l'Afrique cherche encore son rythme, beaucoup de gouvernement ont déjà commencé à tirer leur épingle du jeu, d'autres par contre en profite pour avancer leur cartes politiques (faire voter des lois, donner les pleins pouvoirs au président...).
En effet, si certains dirigeants du tiers monde apprennent de la crise pour changer de cap dans la gouvernance, avec des réformes positives, des structures plus durables dans l'appui au développement et l'autonomisation des secteurs industriel et agricole. D'autres par contre s'enfoncent d'avantage dans un cercle vicieux d'endettement, de rééchelonnement de la dette ou tout simplement d'une « annulation de la dette publique » souvent précoce dans des conditions mal négociés.
Au Sénégal, le plan d'ajustement structurel est resté dans les mémoires. En effet, le pays comme d'autres de la sous-région, s'était rapproché du FMI pour un prêt. Le déblocage des fonds de l'institution est cependant toujours subordonné au respect absolu de conditions précises relatives à la gestion économique du pays emprunteur.
En nous arrêtant sur cette première forme de condition, il est clairement visible que la dette ici n'est pas seulement une somme d'argent à rembourser avec ou sans taux d'intérêt sur un délai donné, mais c'est une imposition d'intrusion dans la gestion publique. Vu sur cet angle, si l'économie politique est le socle de la gouvernance, car comme on dit « l'argent est le nerf de la guerre » autrement dit le FMI dicterait sa loi aux gouvernements.
Parmi les nombreuses conditions, il y a la dévaluation immédiate de la monnaie nationale pour stabiliser l'économie, afin de booster les exportations. Cependant, si le pays ne produit pas assez, cela constitue un coût globalement négatif.
Prenons l'exemple de la Chine, en tant que pays producteur à grande échelle, il a la capacité de baisser sa monnaie pour augmenter la valeur de ses exportations et ainsi réduire le coût des importations. Par contre pour le Sénégal qui produit très peu, la charge de ses importations revient plus chère encore pour des exportations presque nulles.
Une autre condition concernait la réduction de façon drastique de la balance des payements, en réduisant les dépenses publiques et en augmentant les impôts afin de dégager les ressources pour payer la dette. La conséquence est la suppression de la gratuité du service public, tel que l'éducation et la santé. Ce qui a mené rapidement à une dégradation des conditions de vie.
D'autres conditions étaient la libéralisation des prix pour favoriser une économie de marché, la réduction des dépenses courantes (baisse des salaires des fonctionnaires et forces de l'ordre, coût élevé de l'électricité... ), la libéralisation du marché du travail (non-respect des conditions légales du travail, augmentation du chômage...), l'élimination des barrières de protection douanière (asphyxie des entreprises nationales), libéraliser les flux de capitaux installation des multinationales, leur accorder des exonérations de taxes (Total, Orange, Auchan...), privatisation du service public, la banque centrale devient indépendante (libre de tout contrôle de l'Etat), etc.
Voilà un ensemble d'éléments qui a ainsi freiné l'élan de développement de la plupart des pays d'Afrique sub-saharienne.
Aujourd'hui, le débat est autours de la nouvelle monnaie africaine l'Eco, pour une nouvelle dévaluation avec 1 euro = 1200 eco, l'économie de nos pays en subirait un coup encore plus énorme et pour une énième fois et pourtant pour éviter cela nos gouvernants n'ont pas facilité les choses.
On croirait presque qu'il manquerait de professeurs d'histoire ou d'économie dans nos différents palais ou que les leaders préfèrent fermer les yeux sur les erreurs passés. Peut-être se disent-ils qu'au moment de payer l'addition et de vivre les conséquences désastreuses de leur choix politiques, ils seront déjà en sécurité avec les leurs, aujourd'hui la pandémie à prouver le contraire.
Bref, le constat est que les nombreux crédits contractés par les Etats n'ont produit aucun effet positif visible à long terme sur le vécu des ménages. C'est le cas d'ailleurs de nombreux ONG et donateurs qui pullulent encore en Afrique, laissant les pays souvent dans des situations pires.
Serait-il ainsi le moment propice de mener une analyse pertinente sur la situation économique, de réfléchir sur les réels enjeux de l'aide international ?
La question était encore en débat lorsque le secrétaire de l'Union Africaine Moussa Faki Mahamat se présentait sur France 24 le 06/04/2020 pour demander un soutien financer, pour faire face au covid-19, à la communauté internationale.
Cette sortie médiatique avait révolté plusieurs activistes panafricanistes, l'avis général voulait que les leaders africains essaient d'abord de trouver des solutions concrètes en interne avant de faire appel à l'aide international.
Il faut rappeler que 5 jours avant (le 01/04/2020), le FMI approuvait un prêt de 221 millions de dollars du président de la République du Sénégal Macky Sall. Ce dernier oubliant ou tout juste minimisant l'histoire encore récente du pays avec le FMI. Allant plus loin, sur France 24 encore au jour du 17/04/2020 il demandait tout bonnement l'annulation de la dette publique pour les « pays pauvres ».
Est-il ainsi possible d'annuler une dette de 365 milliards de dollars pour un emprunteur qui a une industrie presque inexistante, des matières premières et des ressources naturelles encore inexploitées ?
"LA CHINE N'EST PAS EN POSITION DE JOUER LES GRANDS SEIGNEURS AVEC LES AFRICAINS"
Qu'est ce qui change dans la relation sino-africaine depuis le début de l'épidémie de coronavirus ? Adama Gaye, auteur de « Le dragon et l'autruche » en 2006, répond aux questions de Christophe Boisbouvier
Un milliardaire chinois distribue de l'aide à l'Afrique tandis que des policiers tabassent des résidents africains dans les rues de Canton... Qu'est ce qui change dans la relation sino-africaine depuis le début de l'épidémie de coronavirus ? Après la sortie de son livre « Le dragon et l'autruche » en 2006, l'essayiste sénégalais Adama Gaye est devenu l'un des spécialistes de cette relation Chine-Afrique. Dernier livre en date : « Otage d'un État », aux éditions L'Harmattan. En ligne du Caire, Adama Gaye répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Est-ce que la pandémie du coronavirus va affaiblir ou renforcer l’influence de la Chine en Afrique ?
Adama Gaye : Les deux perspectives sont possibles. D’un côté, évidemment ce qui s’est passé dernièrement, ce sont les Africains qui ont été vus dans des images violentes et virales être malmenés à Guangzhou [Canton], dans le sud de la Chine, par des Chinois ordinaires qui les ont tabassés et les ont presque présentés comme étant les porteurs de ce virus. Ces images ont été reçues par l’ensemble des populations africaines, et aussi par les dirigeants africains, comme des images insultantes qui portent préjudice à une coopération qui semblait être lisse. Cela étant dit, cette relation est une relation forte, longue, assise sur une coopération financière solide, sur une présence massive des opérateurs chinois. Cela fait que la Chine fera tout pour essayer de rattraper l’image négative qui est sortie de cette bastonnade d’Africains.
Y a-t-il un décalage entre Pékin et la province, entre les élites chinoises et le peuple chinois ?
Bien évidemment. Pour ce qui est de l’élite chinoise, elle a choisi comme le dit le président chinois actuel [Xi Jinping] de faire de ce XXIe siècle celui de la renaissance de la Chine. Donc, cela nécessite un engagement de plusieurs régions du monde, y compris celle du continent africain qui est devenu donc un des grands partenaires de la Chine. Par contre, le Chinois lambda, quand on vit en Chine, semble être déconnecté de cette approche. Il y a un racisme continu à ce niveau-là. Il faut qu’un aggiornamento soit engagé et peut-être que cela pourrait se faire à l’occasion du prochain sommet Chine-Afrique qui devrait avoir lieu, si cette crise sanitaire est surmontée, à Dakar l’an prochain.
Depuis le début de cette pandémie, on voit s’aiguiser cette compétition entre la Chine et l’Occident en Afrique. Sur le terrain de l’aide matérielle d’abord, sur la livraison des masques, du matériel médical, sur l’envoi d’experts, de médecins, qui est gagnant : plutôt la Chine ou plutôt l’Occident en Afrique ?
Si on s’arrête à l’image, a priori la Chine a fait des efforts en déployant par exemple l’une de ses figures de proue du capitalisme chinois qui n’est autre que Jack Ma [le milliardaire chinois], qui a proposé à travers le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, de donner à l‘ensemble des pays africains des masques, une aide financière. C’est le pouvoir de séduction que la Chine essaie de déployer pour essayer de conquérir les cœurs et les esprits. Mais, au-delà de ça, le temps des médecins chinois aux pieds nus, à l’aube de la coopération entre la Chine et l’Afrique au début des années 1960, cette ère est un peu révolue. On peut dire que, dans la coopération, l’Occident a quand même le logiciel de la coopération médicale avec l’Afrique. Ce sont les pays européens en particulier qui ont établi les premiers centres hospitaliers où la recherche fondamentale dans le domaine des maladies infectieuses a pu être menée. C’est le cas de ce qui se passe à Dakar [Centre des maladies infectieuses de l'hôpital Fann, institut Pasteur, etc.] de ce qui s’est passé à Lambaréné [Centre de recherches médicales de Lambaréné (Cermel)-Gabon].Et on pourrait prendre comme exemple emblématique aujourd’hui celui du professeur Raoult [Didier Raoult, fondateur et directeur de l'IHU Méditerranée Infection], qui, à Marseille, a autour de lui beaucoup d’Africains. Il n’y a pas de compétition, il y a complémentarité au plan médical. La Chine n’est pas partie prenante dans l’investissement en matière de santé sur le continent. Par contre, la compétition ne pourra pas être évitée sur le plan économique et sur le plan géopolitique. Là, ça va reprendre de plus belle une fois que la crise du coronavirus aura été surmontée.
Quelque 40% de la dette africaine est due aux Chinois. Sur le terrain économique, qui peut être le gagnant entre la Chine et l’Occident en ces temps de pandémie ?
Le problème qui se pose, c’est que l’endettement souscrit au niveau de la Chine l’a été sur des bases léonines, dans des conditions obscures, parfois qui ont été destructrices de démocratie sur le continent africain. Et engager le débat aujourd’hui sur l’annulation de la dette, c’est absoudre un peu ces dirigeants africains qui ont utilisé la voie chinoise pour eux-mêmes s’enrichir. Cela pose problème, et vous l’avez vu, beaucoup d’Africains sont contre l’annulation [de la dette]. Je fais partie de ceux-là qui pensent qu’il faut créer un compte séquestre et que tout ce qui pourrait être annulé comme dette devrait être mis dans ce compte pour que son utilisation se fasse dans des conditions transparentes. Alors la Chine évidemment voudra faire un effort pour l’annulation des dettes. Elle le fait lors des sommets Chine-Afrique, ou Afrique-Chine si on veut, mais souvent la Chine n’est pas très généreuse en la matière. Lors de la dernière rencontre du G20, elle fait partie de ceux qui ont accepté un moratoire. Mais je ne pense pas que, compte-tenu des difficultés que la Chine rencontre aujourd’hui, avec le tassement de ses réserves extérieures, avec le tassement de sa croissance économique, aujourd’hui la Chine n’est pas en posture de vouloir jouer les grands seigneurs vis-à-vis du continent africain. Surtout le président chinois sait qu’il lui faut répondre aux attentes d’une population de plus en plus exigeante et qui sait qu’il y a un mandat du ciel, selon la tradition confucéenne, qui veut qu’un dirigeant qui ne donne pas de résultats, peut être contesté par l’opinion publique et par le peuple chinois.
LE CIS MET SUR LA TABLE UNE BATTERIE DE PROPOSITIONS
L’objectif est d’assurer la continuité de l’activité économique et de garantir sa reprise dès la fin de la crise.
En réponse à l’appel à l’élan de solidarité nationale lancé par le Président Macky Sall pour la lutte contre le Covid19, le Club des Investisseurs Sénégalais (CIS) met sur la table quelques suggestions pour mieux l’accompagner. Le CIS, qui salue les différentes mesures mises en branle par l’Etat, estime que le Plan de résilience Economique et Sociale du gouvernement va permettre d’assurer la survie des entreprises au terme de la crise
Le gouvernement du Sénégal, dans le but d’assurer la survie de nombreuses entreprises impactées par la pandémie du covid-19, à travers le Plan de Résilience Economique et Sociale (Pres), a annoncé d’importantes mesures. L’objectif est d’assurer la continuité de l’activité économique et de garantir sa reprise dès la fin de la crise. Le Club des Investisseurs Sénégalais (CIS) qui se veut comme un acteur majeur dans le cadre de cette mission met sur la table une batterie de propositions pour améliorer le plan préconisé.
Dans un communiqué rendu public hier, le président Babacar Ngom et ses amis du CIS se réjouissent de la décision du gouvernement de payer la dette de 302 milliards Fcfa dus aux fournisseurs de l’Etat. Ils rappellent toutefois que le paiement de la dette intérieure de l’Etat est en principe déjà inscrit dans le budget, et est destiné à combler des déficits antérieurs. Pour les entreprises, soutiennent les membres du CIS, «c’est juste de la trésorerie encaissée tardivement pour couvrir des charges déjà payées. Ce qui ne peut pas être utilisé pour compenser l’engagement de payer intégralement les salaires». Les investisseurs soulignent par ailleurs que «l’engagement de maintien des salaires et des emplois ne peut être tenu que si l’Etat aide à compenser les pertes de recettes actuelles dues à la cessation des activités des entreprises».
A l’image des secteurs du Transport, de l’Hôtellerie et de l’Agriculture qui ont bénéficié d’un appui de 100 milliards, indiquent Babacar Ngom et Cie, les autres secteurs doivent eux aussi être soutenus. Surtout que les secteurs de l’éducation, du transport aérien, du BTP, entre autres, sont déjà en grandes difficultés après moins d’un mois de cessation d’activités. C’est pourquoi le CIS demande à l’Etat de soutenir davantage ces secteurs. «Les entreprises auront besoin de financements substantiels pour assurer la reprise post-Covid. Leurs besoins dans ce sens risquent d’être bien plus importants et l’enveloppe devra dès lors être revue à la hausse», indiquent les hommes d’affaires.
Pour eux, il s’agira d’abord de maintenir les entreprises en vie, puis de les préparer pour la relance dans de bonnes conditions. Concernant la remise et la suspension d’impôts accordées aux entreprises qui s’engageront à maintenir leurs travailleurs en activité pour la durée de la crise, ou à payer plus de 70% de leurs salaires, comme préconisé par le président de la République, le Club des Investisseurs suggère à l’Etat de trouver un mécanisme de soutien à ces entreprises, en tenant compte des différés de charges de la dette en cours de négociation avec les partenaires au développement et les pays amis. «Une contribution de l’Etat d’au moins 50% des montants payés par les entreprises (70% du salaire net) devra les soulager du manque à gagner par rapport à leurs revenus et de couvrir les charges pendant la période», selon Babacar Ngom et ses amis qui, dans le même sillage, proposent au gouvernement de renoncer aux impôts sur les salaires des concernés (VRS) en contrepartie d’une mesure de prise en charge à terme par l’Etat des institutions telles que l’Institution de prévoyance Retraite du Sénégal (IPres) et la Caisse de Sécurité Sociale (CSS), de ne plus percevoir les cotisations afférentes aux entreprises.
Autres suggestions faites par le CIS à l’Etat, c’est d’amener celui-ci à circonscrire le périmètre des entreprises. Il s’agit d’identifier les entreprises «les plus affectées» en prolongeant le différé de paiement de leurs impôts au-delà du 15 juillet 2020 pour couvrir la période courante de la crise. En d’autres termes, «les paiements seraient différés à partir de 90 jours après la levée effective des mesures sanitaires restrictives d’activité professionnelle».
Selon les membres du CIS, le délai général de paiement doit rester suspensif et n’être déterminé qu’à la fin effective de la crise. Ils invitent le gouvernement à appliquer également la remise partielle de la dette fiscale, selon les critères de transparence et non selon la discrétion de l’Administration. Pour ce faire, il propose la mise en place d’une commission paritaire composée de professionnels pour fixer et veiller à la mise en œuvre des dits critères.
LA BANQUE AGRICOLE COUPE LES VIVRES AUX ACTEURS DE LA FILIÈRE ANACARDE
La filière anacarde, principal levier économique de la zone sud, vit des moments troubles. Les acteurs peinent à trouver des financements auprès de leur principale banque partenaire qui invoque des risques liés au Covid-19.
La filière anacarde, principal levier économique de la zone sud, vit des moments troubles. Les acteurs peinent à trouver des financements auprès de leur principale banque partenaire qui invoque des risques liés au Covid-19.
L’argent est le nerf de la campagne de l’anacarde ! Les acteurs de la filière, notamment les collecteurs et autres fournisseurs, en veulent à la Banque Agricole qui tarde à financer leur campagne alors que la saison est ouverte depuis le mois de mars dernier. L’institution financière leur oppose des risques liés au Covid-19. A en croire l’opérateur économique Bakary Mané, il a déposé une demande de financement depuis février sans rien recevoir en retour. «J’avais fait une demande d’expertise foncière que j’ai remis à la banque. J’ai ainsi mis ma maison d’une valeur de 100 millions en hypothèque pour pouvoir bénéficier de ce financement et entamer ma campagne. J’attendais un financement de 60 millions de francs CFA. Et vu qu’il n’y avait aucun souci dans mon dossier, la Banque Agricole avait promis de me financer au mois de mars ; mais elle traîne toujours », confie-t-il. Pourtant, fait-il constater, l’année dernière, cette même banque l’avait financé à hauteur de 30 millions de F CFA qu’il dit avoir remboursé plus les intérêts en moins de trois mois.
Dépité, Bakary Mané, très actif dans la filière depuis 1995, dit avoir des inquiétudes d’autant que sa campagne aurait dû commencer le 15 mars dernier, si la banque avait tenu ses promesses. «Les banques ne nous aident vraiment pas. Quand je déposais ma demande de financement au mois de février, il n’y avait aucun cas de coronavirus au Sénégal. La banque a fait traîner mon dossier pour venir aujourd’hui dire qu’il y a des risques avec le Covid-19. Ce discours ne tient pas la route », se désole-t-il. Avant de confier qu’il a saisi une autre banque, la BNDE qui lui a demandé d’attendre. Monsieur Mané de marteler par ailleurs que les paysans sont aussi inquiets que les collecteurs et autres fournisseurs. «Tout le monde est dans l’expectative. Qui parle de la région sud notamment Ziguinchor sait pertinemment que l’économe repose sur les noix de cajou. Si la campagne ne se passe pas comme il faut, toute l’économie de la région sera plombée. C’est sûr et certain», déclare-t-il. Il conclut pour informer qu’une dizaine de compagnies indiennes sont déjà sur place et n’attendent que le produit tant prisé à Ziguinchor à l’heure actuelle : la noix de cajou.
SIAKA DIALLO : «SI LES GENS N’ACHETENT PAS LE CAJOU EN CASAMANCE; C’EST LA REBELLION QUI VA SE LEVER ENCORE»
Joint au téléphone, le président des opérateurs de la filière anacarde de la région de Ziguinchor, Siaka Diallo, confirme les propos de Bakary Mané. Mieux, il dit avoir discuté, hier, avec le Directeur général de la Banque Agricole qui lui a signifié qu’ils ne veulent toujours pas prendre de risque. «Nous ne pouvons pas faire demande de dépôt depuis trois mois et que la banque nous parle de la situation engendrée par le coronavirus. L’économie ne doit pas s’arrêter », tonne Siaka Diallo.
Courroucé, il affirme qu’en Casamance, si les gens n’achètent pas le cajou, c’est la rébellion qui va se lever encore. Parce que, dit-il, c’est l’un des piliers qui consolide la paix dans la région. «Si les gens n’ont pas de quoi vivre, cela va devenir grave. Ces deux sacs de riz et le bidon d’huile fourni par l’Etat, dans le cadre du Programme d’aide alimentaire du gouvernement, ne peuvent pas maintenir les Casamançais. D’autant que c’est plus de 350 mille familles qui vivent de la filière. La filière anacarde, c’est le poumon de l’économie en Casamance. Ils (Ndlr : La Banque Agricole) ne peuvent pas être là à continuer de tergiverser alors que le temps passe», martèle le président des opérateurs de la filière anacarde de la région de Ziguinchor. Un ultimatum de 48 heures donné à la Banque Agricole pour décaisser les financements Siaka Diallo informe en outre que les acteurs avaient tenu une réunion avec le gouverneur qui leur avait donné le feu vert pour faire la campagne. «L’économie ne doit pas s’arrêter parce qu’il y a le Covid-19. Il faut juste respecter les normes sanitaires», laisse-t-il entendre. Non sans informer que la DER est en train de voir avec la BNDE et le CMS comment trouver des solutions financières. « Mais c’est la Banque Agricole, notre premier partenaire qui constitue le problème. Elle ne veut pas prendre de risque. Pourtant, nous avons donné nos maisons en garantie et fourni des contrats en bonne et due forme prouvant que nous allons écouler le produit. Mais le Directeur général de la Banque vient nous parler de risque.
Dans un tel contexte, ce sont les banques sénégalaises, la banque agricole en première ligne, qui devraient prendre des risques pour maintenir l’économie », déclare-t-il. Il prévient dans la foulée que dans 48 heures, si la Banque Agricole refuse de les financer, ils vont tous retirer leurs comptes. « Nous allons fermer nos comptes. Je suis déçu que la Banque Agricole ait ce comportement avec nous», regrette-t-il.
Pour finir, Siaka Diallo estime qu’au moment où chacun se positionne pour bénéficier des 1 000 milliards dégagés par le chef de l’Etat pour faire face au Covid-19, les acteurs de la filière anacarde, loin de vouloir en profiter, veulent régénérer l’économie. « Nous ne demandons pas à être servis. Nous voulons juste bénéficier du financement de la banque comme cela s’est toujours fait pour investir et retourner l’argent à la banque en plus des intérêts », conclut-il. Joint à maintes reprises au téléphone pour avoir une idée plus claire sur les risques opposés aux opérateurs de la filière anacarde, le Directeur général de la Banque Agricole n’a pas donné suite à nos appels et à notre message.
PAR Romuald Wadagni
POURQUOI L’ALLÈGEMENT DE LA DETTE AFRICAINE N'EST PAS LA SOLUTION
Au regard de la faiblesse de l’épargne intérieure et du secteur privé, la dette, la bonne, aux meilleures conditions de coût et de durée, est essentielle pour mettre nos économies sur un sentier de croissance soutenue et durable
Jeune Afrique |
Romuald Wadagni |
Publication 23/04/2020
Contrairement à ceux qui, comme Macky Sall et Emmanuel Macron, prônent l’annulation de la dette des pays africains pour faire face à la pandémie de coronavirus, le ministre béninois de l’Économie et des Finances, Romuald Wadagni, estime que d’autres approches doivent être privilégiées.
Le COVID19 inflige au monde entier l’une des plus graves crises sanitaire et économique de son histoire. Cette crise vient complexifier les difficultés déjà importantes des pays fragiles et du continent africain en particulier. Elle surgit alors même que les budgets de plusieurs pays subissent déjà de plein fouet les conséquences redoutables du défi sécuritaire et du changement climatique.
Dans ce contexte de baisse importante et brutale des recettes budgétaires, plusieurs dépenses restent néanmoins incompressibles comme celles liées au fonctionnement de nos institutions, à la lutte contre de nombreuses maladies endémiques, à la poursuite d’autres dépenses sociales prioritaires et au respect de nos engagements financiers.
Face à cette crise, je voudrais reconnaître et saluer la forte et rapide mobilisation internationale. Les récentes mesures en faveur des pays pauvres et l’accord du 15 avril 2020 au sein du G20, l’illustrent bien. Toutefois, je constate que les politiques et instruments mis en œuvre pour soutenir les économies des pays développés sont orientés vers la mobilisation et la mise à disposition immédiate de nouveaux financements visant à contenir les impacts économiques de la crise, tandis que les mesures adoptées pour l’Afrique se résument principalement soit à des annulations de dette, soit à des moratoires sur le service de la dette publique bilatérale.
Plusieurs inconvénients
Ces solutions, malgré la marge budgétaire immédiate qu’elles offrent, ne répondent pas aux enjeux cités plus haut et présentent d’importants inconvénients à court et moyen termes. En effet, les dépenses des États sont appelées à croître rapidement pour contrer la propagation de la pandémie alors même qu’il faut continuer à faire face aux défis du développement.
À ce constat, s’ajoute la chute importante des recettes qui vient réduire davantage les marges budgétaires. L’allègement de la dette ou un moratoire constitue dans ce contexte, un appel à l’indulgence des créanciers et n’apporte pas de solutions structurelles aux difficultés des États.
Par ailleurs, un allègement de la dette ou un moratoire pour le paiement des échéances ternira davantage l’image des États et compromettra leur accès aux financements futurs. Nos pays subiront un effet induit sur la perception de leur qualité de crédit ; ce qui les exposerait à des sanctions ultérieures inévitables de la part du marché. Un moratoire pourrait même être considéré dans certaines documentations de prêt comme un événement de défaut par les créanciers privés, qu’il soit voulu ou subi et quand bien même il ne concernerait que les créanciers publics bilatéraux.
Au-delà des agences de notation qui pourraient sanctionner le non-respect d’une échéance de prêt, tous les efforts fournis par nos pays pour améliorer le climat des affaires et la perception de risque présentée dans les classifications de l’OCDE notamment et utilisée pour définir le taux d’emprunt de nombreux prêts, ne seront qu’anéantis.
C’est le lieu de rappeler que les annulations de dettes opérées dans la décennie passée à la suite de l’initiative PPTE, n’ont pas manqué de laisser de mauvais souvenirs tant au niveau des créanciers privés que des prêteurs bilatéraux publics dont certains ne sont d’ailleurs plus jamais revenus financer nos États, si ce n’est par l’octroi de dons.
Or, au regard de la faiblesse de l’épargne intérieure et du secteur privé, la dette, la bonne, aux meilleures conditions de coût et de durée, est essentielle pour mettre nos économies sur un sentier de croissance soutenue et durable.
Dans ce cadre, il me plaît d’approfondir les propositions suivantes contenues dans la lettre adressée cette semaine, par le Président Patrice Talon aux dirigeants du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale :
1- Aider à la mobilisation urgente de liquidité nouvelle en lieu et place des annulations ou moratoires de dette.
Les besoins urgents exprimés par l’Afrique se chiffrent à 100 milliards de dollars (dont 44 milliards pour le service de la dette). Une nouvelle allocation en Droits de tirages spéciaux du FMI tant débattue devrait être envisagée. Elle permettrait d’apporter une réponse rapide et efficace aux besoins des pays les plus vulnérables tout en préservant la soutenabilité de leur dette.
Cette solution n’est pas nouvelle et fut mise en œuvre avec succès lors de la précédente crise financière mondiale de 2008 où 250 milliards de dollars furent débloqués rapidement. Par ailleurs les importantes liquidités mises en œuvre dans plusieurs grands espace économiques ces derniers jours sont édifiantes.
2- Relancer les économies africaines via des financements concessionnels.
Les institutions multilatérales et les banques de développement devraient mettre à profit leur qualité de crédit pour mobiliser individuellement des ressources concessionnelles ou semi- concessionnelles pour le financement des économies africaines, à un moment où leur accès aux financements à taux presque nul est intact, contrairement aux pays africains.
Collectivement, elles pourraient mutualiser leurs qualités de crédit au sein d’un nouveau véhicule ad hoc, dédié à un plan de reconstruction d’une ampleur sans précédent pour nos pays. Le Mécanisme européen de stabilité pourrait constituer une bonne source d’inspiration pour créer un véhicule supranational ayant le statut de créancier privilégié et réunissant les partenaires au développement. Ce mécanisme pourrait proposer plusieurs types de programmes adaptés aux spécificités de chaque pays, allant de la ligne de précaution pour les pays sujets à des risques de refinancement à des lignes de financements de grands programmes d’investissement pour les pays aux fondamentaux macroéconomiques robustes.
Un exemple de programme pourrait consister à concentrer les efforts des partenaires au développement pour un investissement massif destiné à réduire significativement le gap en infrastructures de base. Pour les pays à dette non soutenable, ce véhicule pourrait racheter de la dette à décote et obtenir une réduction de l’endettement à faible coût afin d’éviter une restructuration de dettes futures aux conséquences économiques souvent désastreuses.
Pour finir, les appels à l’allègement de la dette ont un côté « déjà vu » avec des résultats controversés. L’option d’un soutien à l’endettement adéquat et responsable me semble un meilleur choix qu’un appel à l’indulgence. Il est également impératif qu’il serve à répondre à des besoins concrets, avec efficacité et efficience. Ceci appelle à la transparence dans sa gestion.
par Serigne Filor
UNE DISTRIBUTION DE DENRÉES ALIMENTAIRES QUI FAIT PEUR AUX HÈRES
Si à la seule annonce d’une distribution de denrées alimentaires, tout le monde a peur qu’elle soit entachée d’un manque de transparence, nous devons avoir honte de notre société aujourd’hui caractérisée par des malversations ici et là
Suite à l’enregistrement au Sénégal de cas positifs de Covid-19, le président de la République a lancé un appel à la solidarité nationale et internationale dans le cadre de la riposte contre cette pandémie. Dans cette dynamique, un fonds de 1000 milliards de francs CFA dénommé « Force Covid-19 » a été mis en place par Son excellence M. Macky Sall devant accompagner le programme de résilience économique et sociale. L’aspect social de ce programme est véhiculé par la dotation de 69 milliards de francs (50 milliards au début) pour l’achat de vivres au bénéfice d’un million de ménages éligibles (une éligibilité démontrée par, je pense, l’extrême pauvreté) et « 15,5 milliards de francs pour le paiement des factures d’électricité des ménages abonnés de la tranche sociale, pour un bimestre, soit 972522 ménages ». Ce que nous pouvons dire, en liminaire, c’est que cela est en parfaite corrélation avec l’empathie que le président de la République semble manifester, lors de son discours à la nation, quand il disait en ces mots : « Je pense aux millions de pères, de mères et soutiens de famille menacés de précarité ».
La distribution des vivres est déléguée à M. Mansour Faye, ministre du développement communautaire, de l’Equité Sociale et Territoriale, responsable de programme (par ailleurs maire de Saint-Louis). Il en est carrément légitime de par son rôle au sein du gouvernement. Je rappelle d’ailleurs que lorsqu’il s’agit du Sénégal, une évaluation de l’équité sociale ou territoriale donne naissance à un foisonnement de faillibilités illustré par la seule centralisation des politiques de développement mis en place par l’Etat. Il semblerait donc qu’il ait failli à une partie de son rôle. Mais que dirons-nous de plus, en tant que démunis, hères menant nos activités de débrouillards le jour pour nous garantir d’une subsistance quotidienne, légitimement bénéficiaires de soutiens venant de l’Etat en ce temps de crise sanitaire mondiale où le confinement est sollicitée, si le ministre en charge de cette opération de distribution d’aide alimentaire, est lui-même, avec Demba Diop Sy, Directeur Général d’Urbaine d’Entreprise (UDE) et titulaire d’une partie du marché relatif à l’acheminement de ces denrées alimentaires, sujet d’une dénonciation pour conflits d’intérêts et délits de favoritisme auprès de l’office nationale de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) déposée ce 17 avril 2020 et dont Guy Marius Sagna du Front pour une révolution anti-impérialiste (FRAPP) est le mandataire ? Nos dires ne seront que l’expression d’une peur de ne pas bénéficier de ce soutien.
Le total des dons du Fonds, nous renseigne l’Agence de presse sénégalaise (APS), suite à l’information donnée par la direction générale du trésor et de la comptabilité publique, a été arrêté au montant de vingt-neuf milliards six cent vingt-sept millions cent mille cent quatre francs (29.627.100.104 FCFA). Les donateurs sont les institutions, les entreprises, les organisations et les particuliers. Le chef de l’Etat lui-même a contribué à hauteur de 50 millions de francs CFA. Des téléthons ont également été organisés pour alimenter ce fonds. C’est assez réjouissant de voir des citoyens fournir des efforts pas anodins pour adoucir, voire freiner l’impact de cette pandémie dans notre pays et également de remarquer que la quasi-totalité des membres de l’opposition ont oublié, pour l’instant, certaines considérations inutiles pour la lutte contre ce fléau. Mais aussi, c’est assez écœurant de constater que, d’un autre côté, se trouvent des gens qui abattent leur rationalité pour avoir la plus grande part de la distribution de ces provisions, eux avec leur famille, leurs amis,…, des gens habiles à faire des manigances dont les conséquences heurtent la sensibilité des plus démunis. L’assistance accordée à ceux-ci est, à certains égards, assimilée à une certaine « promotion » de la pauvreté, celle-ci largement conçue comme un état statique de ceux qui en souffrent d’autant plus que pour les assister on a besoin de montrer leur visage à la télé, sur internet ou de les faire entendre à la radio. Tout ceci est une conséquence d’un coupable exotisme, de l’adoption d’un certain nombre de valeurs qui ne sont pas vraiment les nôtres. Où est passé le « soutoureu » ? Il est écrasé dans cette nouvelle société sénégalaise qui voit l’apogée d’un mondialisme avec son occidentalisation sans précédent. Quelle vilénie ! Quel gâchis !
La vérité, c’est que dans ce pays les richards ont appris à s’enrichir injustement de la pauvreté des uns et des autres, à se réjouir de leur souffrance. Ceci n’est guère l’aspect inhumain du capitalisme (ne le justifiez donc pas avec cela) si bien que la plupart d’entre eux sont des politiciens qui fondent une richesse dans un détournement de deniers publics. A la télé, nous les voyons tous suer, dans un moment de fraîcheur, lorsqu’ils expliquent la manière dont les vivres vont être répartis pour qu’ils arrivent jusqu’aux ayant-droits. Ce qui augmente la peur des hères dont les espoirs de ne pas sombrer dans le vide sont nourris par le seul fait d’être bénéficiaires de ces aides alimentaires. Si à la seule annonce d’une distribution de denrées alimentaires, tout le monde a peur qu’elle soit entachée d’un manque de transparence, nous devons avoir honte de notre société aujourd’hui dépaysé par des malversations ici et là, par des pratiques malsaines qui connaissent une inédite recrudescence. Et cela, je le dis, n’est qu’aggravé par la faillite de l’Etat dans l’achèvement de sa responsabilisation vis-à-vis du peuple. Déjà l’autre jour on nous montrait au journal télévisé des personnes qui exprimaient leur déception car elles avaient reçu la fausse alerte d’une distribution de dons alimentaires dans une place publique, l’un deux disait : « Aujourd’hui, si j’avais cent francs, je l’aurais dépensé à l’achat de 250 grammes de riz au lieu d’en procurer un masque ». Cela assez suffisant pour motiver nos gouvernants à manifester une plus grande sensibilité par rapport aux inquiétudes du peuple, ne serait-ce que pendant ce temps de crise.
Rassurer le peuple en cas de fléau de ce genre, cela fait partie du rôle de l’Etat. Cette assistance, il doit la délivrer avec de soutiens considérables et sans faille, tout en veillant à ce que ceux-ci arrivent jusqu’aux personnes légitimes, suivant les manières les plus équitables. Changer par ci, par-là, celui qui doit s’occuper du Fonds « Force-Covid-19 » serait peut-être un signe d’une volonté de transparence dans la répartition de ce fonds. Cependant, cela est aussi le résultat qui montre que ce n’est pas uniquement la faiblesse économique qui étrangle notre pays, il y a aussi le manque d’intégrité, la conduite en dehors des normes de conduite humaine, le manque d’humanité.
La distribution des dons fait peur aux hères, car dans cette époque, notre pays a connu l’émergence d’une nouvelle élite qui centre la majeure partie de ses activités sur la pratique accrue d’une injustice débordée. C’est une « lâcheté sociale » qui, si elle continue, est le fiable présage que notre pays ne sera jamais compté parmi ceux qui ont connu des apogées bruyantes. C’est un problème qu’il faut résoudre pendant et après cette pandémie. Ce faisant, nous vivrons peut-être en paix, sans voir de nombreuses personnes aux moyens très limités tendre la main pour demander de l’aide.
Par ailleurs, cette crise a aussi apporté un message aux dirigeants : il faut promouvoir les valeurs citoyennes et morales à travers leurs politiques de développement. La seule responsabilité citoyenne suffirait à limiter les dégâts qu’a causés ce virus. Il faut donc dès à présent, que l’Etat, à travers sa « voix rauque et incrédule », prône pour une promotion des valeurs citoyennes, morales, traditionnelles, religieuses,… Car, moi j’y crois, on ne peut pas connaître le meilleur en les bafouant.
par Sylvain Landry Birane Faye
LES FAILLES DE LA COMMUNICATION SOCIALE SUR LE COVID-19 AU SÉNÉGAL
Les nombreux débats télévisés contradictoires brouillent le message - Comment demander à une femme de Yeumbeul de rester chez elle après 20 h alors que le robinet ne l’alimente en eau qu’à partir de 23 h ?
The Conversation |
Sylvain Landry Birane Faye |
Publication 23/04/2020
Ces institutions ont fait passer leurs messages à la population à travers des communiqués et points de presse quotidiens. Naturellement, les médias classiques (télé, radio, presse écrite) ont également fait de cette maladie leur sujet de prédilection.
Dans le même temps, les réseaux sociaux, les sites d’information en ligne et les lieux publics sont devenus des relais de ce qu’il est d’usage d’appeler des rumeurs et des « fake news », ou encore de l’« infodémie ».
Comment appréhender les rumeurs ?
Ces rumeurs traduisent le déni ou la peur de l’inconnu, pas nécessairement une volonté de désinformer. Des attitudes similaires ont été notées du temps de l’épidémie de peste en Europe où les réactions de peur ont retardé son acceptation par les populations.
La propagation de ces « infox » reflète aussi les interrogations de la population face à une nouvelle pathologie sur laquelle elle a été initialement peu ou mal informée. Une certaine presse a également fait la part belle aux théories accusant les Blancs et stigmatisant les émigrés en les accusant d’avoir introduit le virus au Sénégal.
Certaines des rumeurs se sont également développées sur fond d’interprétations religieuses. La vitalité de ce type de discours peut être comprise comme une manière ordinaire, pour les Sénégalais, de décoder, rationaliser et rendre intelligible la maladie.
L’idée que la force de la foi protégera le croyant du virus s’est largement répandue parmi les Sénégalais et s’est retrouvée, à bien des égards, dans les attitudes adoptées par l’État. Le ministre de l’Intérieur s’est ainsi rendu au Magal Porokhane (un rassemblement religieux annuel). Le président de la République a envoyé un ancien premier ministre assister à la prière du vendredi à Touba pour solliciter les prières des autorités religieuses.
La question s’impose : quelle attitude les autorités publiques doivent-elles adopter face au dynamisme de ces diverses réactions à la pandémie ?
Une communication de crise focalisée sur la peur n’est pas efficace
En dehors des recommandations biomédicales (gestes barrières), les messages véhiculés par les autorités sanitaires et relayés par la presse ont contribué à entretenir la peur et la stigmatisation : « Le COVID tue ! », « La pente dangereuse », « Menace de flambée », « Restez chez vous ».
De tels modes de traitement de l’information sont anxiogènes et suscitent des comportements jugés irrationnels (comme l’a montré le cas du patient fugitif de la Caserne Samba Diéry Diallo qui a contaminé sa femme). C’est une chose d’appeler des populations entières à rester chez elles ; c’en est une autre de les amener à comprendre pourquoi ces mesures extrêmes sont essentielles et s’assurer ainsi qu’elles seront bien respectées.
Par ailleurs, si le ministère de la Santé a voulu donner des gages de transparence à travers ses communiqués de presse, le format employé a également renforcé l’angoisse : le fait de relater quotidiennement le nombre de cas a conduit la population à s’attendre tous les soirs à l’hécatombe, conformément à la chronique d’une catastrophe annoncée sans cesse relayée par la presse et les réseaux sociaux.
Mieux, la « communication unilatérale » caractérisant cet exercice a aussi contribué à développer ces rumeurs, en ne donnant pas aux médias la possibilité à poser des questions. Comme le souligne Fred Eboko, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste des politiques publiques de santé en Afrique, il est nécessaire d’éviter de faire peur si l’on veut que le message soit bien assimilé par les populations.
De plus, les nombreux débats télévisés contradictoires brouillent le message. Une publication récente de The Lancet a montré qu’un trop-plein d’informations, en particulier discordantes, représentait une source de stress en période d’épidémie.
Pour éviter une telle situation, il convient de renforcer l’harmonisation de la communication avec tous les partenaires de la lutte – les acteurs publics, la plate-forme des ONG, les différents groupes de presse… – et, aussi, d’élaborer des supports utilisables par tous. Au Sénégal, il faut s’inspirer des leçons apprises d’Ebola et, surtout, mieux préparer les communautés par une communication utilisant des référentiels de base sur le terrain avec des messages contextualisés, harmonisés et spécifiés, évitant les errances communicationnelles.
Il convient également de procéder à une évaluation continue des effets des messages diffusés et de prendre des mesures permettant de les améliorer. Enfin, la focalisation sur les gestes barrières, aux risques liés à la propagation du virus et au respect du confinement ne doit pas faire oublier que le retour des personnes guéries dans leurs communautés doit être accompagné par une communication proactive pour prévenir leur stigmatisation et les conséquences psychosociales qui s’ensuivent.
La communication par le bas, adaptée et contextualisée, est essentielle
Au niveau des districts sanitaires, les acteurs communautaires mènent une campagne nationale de sensibilisation et de communication. Au-delà de ces activités de masse, la communication a surtout été menée par le biais des visites à domicile.
Si Touba, zone ayant fait l’objet de demandes pressantes d’isolement de la part de Sénégalais inquiets et angoissés, est restée pendant plus d’une semaine sans nouveau cas, c’est le fruit d’un travail collaboratif et d’une approche de proximité. Les acteurs sanitaires de la ville, appuyés par diverses organisations communautaires et les guides religieux, ont encouragé l’adoption des bonnes pratiques d’hygiène, la limitation des déplacements et le respect du couvre-feu. Les plaidoyers en direction des religieux, les visites à domicile, les appuis apportés aux maisons mises en quarantaine pour améliorer leur résilience ont favorisé l’engagement des communautés et l’adoption des comportements souhaités. Cette même approche doit permettre de gérer la résurgence de l’épidémie, avec les nouveaux cas notés récemment.
Quelle communication sur les risques ?
Les leçons apprises des épidémies précédentes montrent qu’il est nécessaire de communiquer de façon à amener les populations à identifier les risques, à évaluer et comprendre leurs vulnérabilités. C’est ce qui peut les inciter à adopter les bons comportements et à s’approprier les mesures de lutte.
Aussi, les pouvoirs publics ne peuvent pas espérer que les Sénégalais s’engageraient pleinement dans la lutte et changeront significativement de comportements s’ils ne sont pas en mesure de répondre à leurs besoins et de garantir l’accès aux services sociaux de base. Si le taux d’accès global à l’eau est 98,8 % avec 90,3 % de branchements domiciliaires, cela ne doit pas cacher l’irrégularité du service et les pénuries fréquentes à Dakar par exemple.
Dans ces conditions, comment demander à une femme de Yeumbeul (banlieue dakaroise) de rester chez elle après 20 h alors que le robinet ne l’alimente en eau qu’à partir de 23 h ? En plus des informations biomédicales sur le Covid-19, il faut sans doute aussi rassurer la population sur ces problèmes qui la préoccupent au premier chef pour favoriser l’appropriation des messages de lutte en période de confinement.
La communication doit également insister sur des valeurs (contrat social, altruisme) permettant de renforcer des réseaux de solidarité. Les liens qui unissent les individus sont des éléments nécessaires pour gérer la peur et le stress. C’est en se pliant à ces impératifs que la communication sur la pandémie remplira son objectif.
Sylvain Landry Birane Faye est Professeur en Sociologie et Anthropologie de la Santé, Université Cheikh Anta Diop de Dakar
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LA RIPOSTE ECONOMIQUE AFRICAINE CONTRE LE COVID
L'Union Africaine a mis en place une taskforce pour mobiliser des ressources contre le covid 19. Que dire de ce casting et des chances de reussite de la taskforce...Nous en parlons avec Seidik Abba ..Paul Kananura..Martial Bissog et Ousseynou Nar Gueye
L'Union Africaine a mis en place une taskforce pour mobiliser des ressources contre le covid 19. Que dire de ce casting et des chances de reussite de la taskforce...Nous en parlons avec Seidik Abba ..Paul Kananura..Martial Bissog et Ousseynou Nar Gueye.
QUI SONT LES DEUX FRANÇAIS CITÉS DANS L'AFFAIRE DU TRAFIC DE BOIS PRÉCIEUX AU SÉNÉGAL ?
Les deux hommes travaillaient dans une société accusée d'avoir exporté illégalement 315 000 tonnes de bois de rose de la région de Casamance
Le Point Afrique |
Ian Hamel |
Publication 22/04/2020
Le 2 avril dernier, Le Point Afrique révélait qu'un homme d'affaires suisse, Nicolae Bogdan Buzaianu, était soupçonné d'avoir abattu illégalement, entre 2014 et 2017, des milliers de tonnes de bois précieux avec la complicité de l'ancien président de Gambie Yahya Jammeh. Le bois de rose, une espèce protégée, était exporté via le port de Banjul, en Gambie, pour être commercialisé en Chine. Les troncs ne provenaient pas de Gambie, mais du pays voisin, le Sénégal. Plus précisément de Casamance, région en proie à un conflit armé. Ce « commerce » (qui aurait rapporté 163 millions de dollars) permettait aussi de financer une organisation séparatiste, le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). En juin 2019, l'ONG Trial International a dénoncé ce trafic auprès du ministère public de la Confédération à Berne. Mais, la justice suisse prenant apparemment son temps pour se saisir du dossier, Trial International a alerté la presse en mars 2020.
Des virements en liquide
En Gambie, en revanche, l'enquête suit son cours depuis la chute de l'ancien président, contraint de fuir son pays en 2017, après sa défaite aux élections présidentielles. Et d'autres noms apparaissent, comme ceux de Dragos Buzaianu, le neveu de Nicolae Bogdan Buzaianu, directeur de l'entreprise Westwood, exportatrice du bois de rose, et du Français Anthony Panetta, administrateur de l'entreprise. Ils auraient reconnu que « la majorité du bois exporté depuis la Gambie provenait de la Casamance, dans le sud du Sénégal ». Devant la commission d'enquête, qui se penche sur les agissements de Yahya Jammeh, Anthony Panetta a admis qu'il « traitait » avec un haut responsable militaire, proche de l'ancien président. En clair, il effectuait des versements en liquide ou par virement bancaire à un chef militaire.
Étrange recrutement au ministère de l'Environnement
Interrogé sur cette pratique, Anthony Panetta a répondu que, pour un Français, elle était « très étrange » mais que la Gambie semblait avoir « des règles différentes ». Un autre Français apparaît dans le dossier, Gabriel Akram Nakhleh, qui aurait, selon Radio France Internationale, occupé les fonctions de « premier secrétaire ». Dragos Buzaianu, Anthony Panetta et Gabriel Akram Nakhleh « auraient géré les affaires courantes de Westwood et mis la pression sur les acteurs locaux du commerce de bois pour qu'ils exportent leur production via Westwood », écrit encore RFI.
Si Anthony Panetta ne mentionne pas ses coordonnés, en revanche, Gabriel A. Nakhleh, très visible sur les réseaux sociaux, se présente sur LinkedIn comme « Navy officer at Ministère de l'Environnement » et se déclare domicilié à Monaco. Simple coïncidence ? Le Suisse Nicolae Bogdan Buzaianu s'est longtemps présenté comme le consul honoraire de Gambie dans la principauté. Dans un article paru le 14 avril dernier, le site d'investigations suisse Gotham City déplorait que Gabriel Akram Nakhleh ne répondait pas à ses messages. Le Point Afrique n'a pas obtenu non plus de retour de la part de Gabriel A. Nakhleh. En revanche, le ministère de la Transition écologique et solidaire (le nom actuel de l'ancien ministère de l'Environnement) nous a répondu le 22 avril que « M. Nakhleh, après plusieurs années de disponibilité, a été réintégré dans les effectifs de la Transition écologique et solidaire en février 2019 en tant qu'administrateur des affaires maritimes (statut militaire) puis, compte tenu d'éléments liés à une enquête en cours, a été suspendu depuis le 25 octobre 2019 ». Toutefois, le ministère ne souhaite pas commenter davantage cette affaire en cours.